L'homélie du dimanche (prochain)

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17 avril 2022

Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année C
24/04/2022

Cf. également :

Quand vaincre c’est croire
Thomas, Didyme, abîme…
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Trois raisons de fêter Pâques
Riches en miséricorde ?

C’est dangereux de croire ce que l’on voit

« Moi je ne suis comme saint Thomas : je ne crois que ce que je vois ! » En référence à l’Évangile de ce dimanche (Jn 20,19-31), cette réponse sceptique est devenue proverbiale. Pourtant, il y a longtemps que les philosophes, scientifiques et mêmes journalistes nous avertissent : nos sens nous mentent souvent ! Notre cerveau construit une perception de la réalité qui souvent n’est pas la réalité.
Ainsi Descartes avec son doute méthodique met en évidence que ce que nous voyons peut être une illusion de la folie, ou un rêve, ou une construction de l’esprit etc. Descartes reprend trois arguments justifiant le doute : la faillibilité des sens, qui peuvent tromper le sujet (par exemple, l’image du bâton brisé dans l’eau) ; le risque de la folie ; et la confusion avec le rêve, qui dissipe la frontière avec l’éveil et remet ainsi en cause la réalité du corps.
Fake news

Autrefois, les Soviétiques truquaient les photos officielles, bien avant Photoshop ! Maintenant, ce sont les journalistes qui sont obligés de traquer inlassablement les fake news, pendant la crise du Covid, et pendant la guerre d’Ukraine notamment. Les complotistes antivax inondaient la toile de fausses statistiques, de faux documents dûment estampillés et apparemment officiels, de fausses vidéos datant d’avant la crise ou parlant d’autre chose en fait etc. La guerre d’Ukraine a ressuscité la bonne vieille propagande militaire du XX° siècle, dans les deux camps. La désinformation atteint des sommets ! Les ukrainiens parlaient par exemple de la résistance héroïque de treize soldats gardant « l’Île aux serpents » et tués par la marine russe. En réalité, ils se sont rendus sans résister et la marine ukrainienne a publié un rectificatif après les vidéos ‘héroïques’ qui avaient circulé auparavant. Ils ont également inventé un pilote-fantôme qui aurait abattu des dizaines d’avions russes. Mais c’était des images d’un jeu vidéo hyperréaliste… Dans l’autre camp, les Russes diffusaient de soi-disant vidéos de massacres de russophones, et répandaient la (fausse) rumeur que les soldats ukrainiens retenaient les civils en otages dans les villes assiégées ou se ralliaient à la cause russe avec enthousiasme ; ils déniaient le bombardement du théâtre et de la maternité de Marioupol tuant des femmes enceintes etc. Ils sont même allés jusqu’à essayer de faire passer le torpillage de leur vaisseau amiral par les ukrainiens en Mer noire pour un « accident » qui aurait déclenché un incendie, l’explosion des munitions, et le naufrage du bateau à cause de la mer agitée… L’extrême droite française a diffusé des images de Zelensky mitraillettes au poing tirant sur des députés russophones. Mais c’était un extrait de la série télévisée qui l’a rendu célèbre avant d’être élu, où il joue le rôle d’un professeur d’histoire devenu président et luttant contre la corruption de tous les députés ukrainiens : la scène complète le montre en train de rêver à ce mitraillage, tellement le combat contre la corruption et difficile…

Plus que jamais info et intox sont difficiles à démêler. Plus que jamais les réseaux sociaux répandent fake news et propagande. Plus que jamais, ces images, ces documents, ces paroles et vidéos sont faciles à manipuler, et c’est un défi éducatif énorme que d’apprendre aux jeunes générations à ne surtout pas croire tout ce qu’elles voient sur leurs écrans ! Avec la réalité virtuelle des Métavers qu’annonce Facebook & consorts, cela ne va pas s’arranger…

Les scientifiques nous alertent également depuis longtemps. On connaît depuis l’Antiquité les illusions d’optique qui nous font voir ce qui n’existe pas : images ambiguës (canard ou lapin ?) / illusions géométriques (ex : illusion de Müller-Lyer) / illusion de Ponzo générée par le cerveau (lignes de fuite) / fausse spirale de Fraser / la grille de Herman / l’échiquier d’Adelson / le motif de Kanizsa / la technique du clair-obscur / l’illusion de mouvement etc. [1]. Il nous arrive de ne pas trouver quelque chose qui se trouve pourtant juste sous notre nez, comme nos lunettes. Tant que nous ne regardons pas vraiment avec attention, cette chose n’existe pas en tant que telle pour l’esprit ; il ne peut donc pas la « piocher ». C’est sur cette propension que repose le célèbre jeu pour enfants ‘Où est Charlie’ ?

Et que dire de la mécanique quantique pour qui les particules du réel ne peuvent être approchées que sous le mode probabiliste ! L’exemple du boson de Higgs est instructif. La théorie quantique prévoyait l’existence de cette particule, mais personne ne l’avait jamais observée en laboratoire. Il a fallu l’accélérateur du CERN de Genève pour enfin mettre en évidence que ce boson existait alors que personne ne l’avait jamais vu ! Ce qui est vrai dans l’infiniment petit l’est aussi dans l’infiniment grand : tant de planètes et de galaxies ont été découvertes grâce au télescope Hubble et autre expériences qu’on se dit que le ciel de nos anciens avait de sacrés trous dans la raquette (ce qui au passage ruine la crédibilité scientifique des soi-disant prédictions astrologiques) !

Bref, ne faire confiance qu’à ce qu’on voit n’est pas rationnel, et peut même devenir dangereux en nous rendant vulnérables à toutes les manipulations !
C’est pourquoi les juifs demandaient au minimum 2 témoins pour déposer devant un tribunal. Les militaires aujourd’hui encore ne valident une information que si elle est recoupée par au moins 3 sources différentes et indépendantes. Et les chrétiens ont retenu 4 Évangiles pour éclairer la vie de Jésus de 4 projecteurs différents.

Méfions-nous donc de ce qui nous paraît évident et « tomber sous le sens »…

 

Toute foi aura sa nuit

Croire sans voir : la pédagogie de l'inconditionnel dans Communauté spirituelle La-nuit-de-la-foi-e1554295130435Notre Thomas de Pâques a toute sa place dans ce constat que voir et croire ne sont pas identiques. Il nous avertit que tôt ou tard celui qui suit le Christ sera confronté à l’absence, au manque de signes, voire à des signes contraires. La tradition mystique appelle nuit de la foi cette expérience terrible où nous ne voyons plus rien de la réalité pascale. Ils sont nombreux à en avoir parlé : Benoît, Ignace, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Maître Eckhart, Ruysbroek, les béguines, Mère Teresa… Cela peut se traduire par un sentiment d’absence de Dieu, par l’absence de sensibilité de Dieu dans la prière. Saint François de Sales raconte qu’au cours d’une période de « nuit » il a eu la tentation du suicide !

Mère Teresa en témoignait : « C’est seulement la foi aveugle qui me transporte, parce que, en vérité, tout est obscurité pour moi ». Souvenez-vous de la stupeur du monde apprenant, en 2007, le « tunnel » dans lequel la sainte de Calcutta a passé les cinquante dernières années de sa vie. « Où est ma foi ? » interrogeait-elle dans une lettre à son confesseur, le 3 juillet 1959. « Tant de questions sans réponse vivent en moi. (…) On me dit que Dieu m’aime et pourtant l’obscurité, la froideur et le vide sont une réalité si grande que rien ne touche mon âme ».

Jean de la Croix (XVI° siècle) parle de la nuit des sens et de la nuit de l’esprit. Cette dernière peut frôler la dépression, le sentiment d’inutilité, le désespoir. Le poème « La nuit obscure » en condense l’expérience spirituelle, au travers de la figure de la bien-aimée (l’âme humaine) qui cherche son bien-aimé (le Christ) dans la nuit :

La nuit obscurePendant une nuit obscure,
Enflammée d’un amour inquiet,
Ô l’heureuse fortune !
Je suis sortie sans être aperçue,
Lorsque ma maison était tranquille.

Étant assurée et déguisée,
Je suis sortie par un degré secret,
Ô l’heureuse fortune !
Et étant bien cachée dans les ténèbres,
Lorsque ma maison était tranquille.

Pendant cette heureuse nuit,
Je suis sortie en ce lieu secret
Où personne ne me voyait,
Sans autre lumière,
Que celle qui luit dans mon cœur.

Elle me conduisit
Plus surement que la lumière du midi,
Où m’attendait
celui qui me connait très bien,
Et où personne ne paraissait.

Ô nuit qui m’a conduite !
Ô nuit plus aimable que l’aurore !
Ô nuit qui as uni
le bien-aimé avec la bien-aimée,
en transformant l’amante en son bien-aimé.

La nuit de la foi est la perte de toute image de Dieu, de toute représentation.

Dans ce chemin de la foi, les sens ne sont plus là pour conduire l’âme comme elle en avait l’habitude, ni la nourrir. C’est pour cela qu’elle est comme dans la nuit. Ce n’est donc pas n’importe quelle nuit. C’est la nuit de la foi qui engage ou ouvre une heureuse aventure et qui permet à l’âme de se détacher de ses sens pour aller plus avant en elle-même.

Jean de la Croix utilise une image éclairante (Nuit obscure II,10) : l’être humain est comparable à une bûche de bois que la flamme de l’Esprit veut transformer en feu d’amour, donc en Lui-même. Mais quand le feu attaque le bois, il l’obscurcit avant de le rendre incandescent ; cette phase négative risque d’être mal interprétée comme un enlaidissement spirituel alors que c’est le signe d’une transformation en cours. On pourrait presque dire que plus l’obscurité de la nuit est forte, plus elle annonce une communion intense.
Maître Eckhart (XIII°-XIV° siècles) avait déjà eu recours à cette image de la bûche :

« Lorsque le feu veut attirer le bois dans soi et soi en retour dans le bois, il trouve le bois inégal à lui. À cela il faut du temps. En premier lieu, il le rend chaud et brûlant, et alors il fume et craque, car il lui est inégal ; et plus le bois devient brûlant plus il devient silencieux et tranquille, et plus il est égal au feu plus paisible il est, jusqu’à ce qu’il devienne pleinement feu » (Sermon 11).

Jean de la Croix rend compte de cette obscurité de la nuit par le fait que la foi est une lumière éblouissante pour notre intelligence, en raison de la différence abyssale de nature entre Dieu et l’homme et du péché qui blesse notre humanité. Mais n’oublions pas : s’il y a nuit, c’est en tant que passage vers le plein jour, vers la lumière qui ne finit pas. L’homme est destiné à devenir Dieu par participation, et ce dès cette vie humaine, même si cela ne sera pleinement accompli que dans l’éternité. La nuit a une portée purificatrice : elle nous prépare à nous unir à Dieu et à trouver pleinement le sens de notre vie. Elle a aussi une portée apostolique comme participation à la Passion de Jésus. La longue « nuit de la foi » de Mère Teresa en est un cas saisissant : sentiment intérieur de l’absence de Dieu mais foi constante et croissance dans la charité. La nuit est féconde pour celui qui la traverse mais aussi, à travers lui, pour l’Église.

41jhICFCBUL._SX359_BO1,204,203,200_ béatitude dans Communauté spirituelleFaire l’expérience de la nuit de la foi n’est pas réservé à ces géants spirituels. Nous aussi, comme Thomas, nous aurons du mal à croire à l’incroyable dont témoignent pourtant des gens que nous connaissons et aimons. La nuit de Thomas n’a duré qu’une semaine, la nôtre peut s’étendre sur des mois, des années. Lisez ce témoignage d’un prêtre qui l’a consignée  dans un livre [2]C‘était en 1994, quinze jours après la mort de son père dont il était très proche. Un vendredi, le P. Éric Venot-Eiffel, carme âgé de 46 ans, s’allonge dans sa cellule du couvent d’Avon, près de Fontainebleau. Tout à coup, il se sent envahi par la nuit. « C’est plus que des doutes, raconte-t-il. Je ne sais plus où j’en suis. Des questions me taraudent : Dieu existe-t-il vraiment ? À quoi sert de prier ? Ai-je bâti mon existence sur le vide ? » Cette épreuve va durer dix-sept ans, pendant lesquels ce prêtre refuse de dire qu’il a perdu la foi, préférant la métaphore de la marée. « Ma foi s’est retirée comme la mer se retire, et je me sens comme une barque échouée dans la vase, attendant désespérément que la mer remonte pour flotter, poursuit-il. La foi est devenue inatteignable. Je n’ai plus accès à l’homme que j’étais ».

 

La pédagogie de l’inconditionnel

Saint Thomas touchant les plaies du ChristLe Ressuscité ne disqualifie pas l’attitude de Thomas, puisqu’il répond à son attente en se manifestant à lui 8 jours après. Avec amour et patience, sans reproche, Jésus conduit Thomas de la maîtrise à la confiance, de la volonté de mainmise à l’acceptation de l’autre. Le doute qui s’était insinué dans la tête de Thomas était quelque peu diabolique, en ce sens qu’il était structuré comme les trois tentations suggérées par le diable au désert telles que nous les avons lues lors du Mercredi des cendres : « si tu es fils de Dieu… alors… » Thomas duplique ce schéma : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! ».
Autrement dit, Thomas est dans la foi au conditionnel : « à condition que… alors je croirai en toi ». Or quand Dieu aime, c’est sans conditions. C’est d’ailleurs l’assurance donnée à Jésus lors de son baptême dans le Jourdain : « tu es mon fils bien-aimé ». C’est un présent inconditionnel.
Jésus crucifié aimera le criminel sans exiger de lui un préalable : « aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ».
La foi-confiance est sans conditions, et le Ressuscité conduit Thomas à déposer les armes pour accueillir celui qui vient à lui : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Cette pédagogie de l’inconditionnel peut inspirer et renouveler notre manière d’éduquer les plus jeunes, de proposer la foi à ceux qui ne connaissent pas le Christ, de dialoguer avec nos ennemis… Cette pédagogie est avant tout un cheminement : elle demande du temps (une semaine symbolique pour Thomas), de l’écoute, de la gradualité.
Attention! Cet appel à croire sans voir pourrait conduire à croire n’importe quoi ou n’importa qui. Les gourous le savent bien. Tant d’hommes et de femmes ont été abusés par leurs propres impressions ou par d’autres personnes, bien intentionnées ou non, cherchant à tout prix à neutraliser le sens critique de leur interlocuteur par une formule du genre : « c’est le grand mystère de la foi » ! Or, dans le langage de la Bible, un « mystère » est précisément quelque chose qui était inconnu et qui est maintenant manifesté grâce à Dieu. Il est donc légitime et sage de chercher à voir plus clair afin de croire.
Quand André et Jean demandent à Jésus où il demeure, Jésus les encourage dans cette démarche : « Venez et voyez. Ils allèrent, et ils virent où il demeurait » (Jn 1,39). Jean entre et il est écrit : « il vit et il crut » (Jn 20,3-8). Qu’est-ce que Jean vit qui le fit croire ? Rien puisque le tombeau est vide. Il vit… qu’il n’y avait rien à voir. Il saisit qu’il n’y a rien là-dedans – dans le visible – d’important pour la foi, pour l’espérance, et que l’amour peut se passer du visible. Le tombeau est spirituellement vide… Débarrassés du visible, nous pouvons enfin accéder à la foi, aller du domaine du physique au spirituel, du temps à l’éternité. Dans un sens, oui, il est ainsi indispensable d’accepter de ne pas voir, de dépasser le visible, pour croire (au sens d’avoir la foi).

Thomas nous montre que notre besoin de voir est accueilli par le Christ, qu’il l’accompagne et le transforme.
Croire sans voir s’apprend, Thomas l’atteste !

 

La deuxième Béatitude

Au bonheur des BéatitudesDans l’Évangile de Jean, il n’y a pas le discours des Béatitudes comme chez Mathieu ou Luc. Jean n’a que deux passage où Jésus déclare heureux ceux qu’ils désignent : lors du lavement des pieds à la Cène (« Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13,17), et ici devant Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». La béatitude de la foi sans conditions va ainsi se concilier avec la béatitude du service fraternel (lavement des pieds). C’est donc que croire sans voir est la moitié du bonheur !
Car abandonner le conditionnel est libératoire : plus besoin de comptabiliser les signes, de marchander les grâces, d’accumuler les bonnes œuvres, d’exercer un chantage.
Dès lors, croire sans voir devient jubilatoire, car l’âme est libre de louer et contempler Dieu sans exiger de contrepartie. Le service fraternel en est d’autant plus facilité qu’il ne constitue plus un ticket d’entrée pour le paradis !
Plus besoin de s’épuiser comme Thomas à demander des preuves. Il suffit d’une seule Transfiguration pour aller au plus bas de la Passion. Il suffit d’une seule rencontre avec le Ressuscité pour aller donner sa vie en Inde et dans les îles syro-malabares comme Thomas !
Et si en chemin nous sommes soumis à l’épreuve de la nuit de la foi, appuyons-nous sur le témoignage de ceux et celles qui l’ont traversée avant nous.

Heureux ceux qui croient sans avoir vu !
Puissions-nous être de ceux-là…

 


[2]J’ai tant douté de toi, Éd. Médiaspaul, 2012. Cf. https://www.lepelerin.com/foi-et-spiritualite/temoignages-de-foi/la-nuit-de-la-foi/


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32-35)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

PSAUME
(117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117,1)

Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !

Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !

Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.
Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé,
mais sans me livrer à la mort.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

DEUXIÈME LECTURE
« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 1-6)

Lecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.

ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia.Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick Braud

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13 mars 2022

Dieu au détour

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Dieu au détour

Homélie du 3° Dimanche de Carême / Année C
20/03/2022

Cf. également :

À quoi bon ?
Le malheur innocent
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent
Les résistances de Moïse… et les nôtres

La DCC - Délégation Catholique Pour la Coopération

1. Le détour par l’autre

« Ces 13 mois sont passés à une vitesse folle. Rien ne s’est déroulé comme je l’avais imaginé. J’ai géré de ‘l’imprévu’ (pénurie d’eau, panne d’ordinateurs, conflits entre les jeunes etc.) quotidiennement. J’ai surtout été bousculée positivement dans mes habitudes de vie, de penser et de travailler. Dans les moments de doute, j’ai trouvé l’énergie et le réconfort en partie grâce aux jeunes que j’accompagnais. Frappée par leur capacité de résilience, émue et fière de leurs progrès fulgurants, ce sont elles qui ont été mes professeures de vie ! J’ai souvent été surprise de recevoir dans des moments où je m’y attendais le moins. J’ai appris à me satisfaire des plaisirs simples. D’ailleurs, mes plus beaux souvenirs resteront ceux passés à rire, en partageant un chai (thé indien) à leurs côtés. J’étais convaincue que le volontariat ne serait qu’une parenthèse, aujourd’hui je réalise qu’il s’agit plutôt d’une transition vers un autre chemin de vie » (Aurélie, volontaire à Bangalore, en Inde, Délégation Catholique à la Coopération).
Presque tous les coopérants pourraient écrire un témoignage comme celui-là ! Le choc de la rencontre d’une autre culture, radicalement différente ; la découverte d’autres manières de s’habiller, de se nourrir, de penser le monde ; la pratique d’autres langues véhiculant des sagesses si étrangères… : le dépaysement de celui qui quitte sa patrie pour aller voir ailleurs n’est pas que géographique !

C’est donc que le détour par l’autre peut nous enrichir. Et, comme un choc en retour, nous prenons conscience avec plus d’acuité de notre identité particulière lorsque nous la confrontons à celle des autres. Un occidental ne connaît pas l’Occident tant qu’il n’a pas rencontré l’Afrique ou l’Asie. Il faut faire l’éloge du détour par l’autre (son pays, sa cuisine, sa langue…) qui nous révèle à nous-mêmes.

Mieux encore : faire ce détour peut nous révéler Dieu le Tout-Autre, comme l’écrivait si bien le Père Varillon : « Il est possible, à partir de l’autre relativement autre que nous voyons, de pressentir l’Autre absolument autre que nous ne voyons pas et appelons Dieu » [1].

On écoute alors notre première lecture (Ex 3,1-15) avec plus d’attention : lorsque Moïse fait un détour pour voir ce buisson étrange, nous devinons que c’est bien des détours de notre propre parcours qu’il s’agit. Lorsque Dieu valide ce déroutement de Moïse pour lui faire découvrir son Nom ineffable YHWH (« Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela… »), nous devinons également que c’est là un encouragement divin à chercher dans nos détours la révélation de lui-même qu’il veut nous y communiquer.

Quel est le buisson ardent qui nous fait signe à l’écart ?

Même si notre route actuelle semble bien tracée, quels phénomènes bizarres ou gens étranges nous font signe sur le côté pour nous détourner un instant, pour dé-railler (sortir des rails) comme Moïse au désert ?

 

2. Le détour par le désert

Dieu au détour dans Communauté spirituelle carte-moise-sinai-canaanLe deuxième détour célèbre dans la Bible est celui du peuple en route vers Canaan. Au lieu de foncer tout droit vers la Terre promise en sortant d’Égypte, il lambine, traînasse, zigzague comme la Seine autour de Paris. « Dieu fit donc faire au peuple un détour par le désert de la mer des Roseaux » (Ex 13,18).

Les méandres des Hébreux pendant 40 ans au désert toujours étonné les rabbins. Ils y ont vu là encore la marque de la pédagogie divine : faire un détour par le Sinaï obligeait ce peuple à mûrir, à se déprendre de ses idoles, à compter sur Dieu d’abord et non sur ses propres forces. En s’éloignant de la mer, ils évitaient ainsi les dangereux Philistins du littoral, mais surtout ils apprenaient à quitter l’Égypte - son esclavage, son idolâtrie - dans leur cœur après l’avoir quittée à pied. Or cet affranchissement demande du temps : on ne rompt pas les anciens liens en claquant des doigts ! Un peu comme une cure de désintoxication,…

Ce détour par les cailloux, la soif, la faim, le froid permettra à Israël de découvrir la manne, les cailles, les tables de la Loi, l’Arche d’Alliance.

Qui serions-nous pour nous plaindre de ces détours imposés ou choisis ? Pourquoi ne pas y voir des opportunités pour grandir, tel Israël dé-routé par le désert ?


3. Le détour de Dieu par notre humanité

Fichier:Hieronymus Bosch - The Garden of Earthly Delights - The Earthly Paradise (Garden of Eden).jpgDieu est le premier à pratiquer ce détour hors de lui-même. Il aurait pu se suffire à lui-même, de toute éternité, en restant seul. La Création est ce premier risque divin, car quelque chose qui n’est pas Dieu sort de Dieu, sans aucune nécessité. Puis l’émergence de l’humanité au sein de cette Création redouble son altérité : voilà qu’il y a un sujet parlant face au ‘Je’ divin ! Et Dieu fera souvent le détour par cette humanité, comme il se promenait dans le jardin de la Genèse pour aller voir où en était Adam. « Qui donc aura compassion de toi, Jérusalem ? Qui aura pour toi un geste de pitié ? Qui fera un détour pour demander de tes nouvelles ? » (Jr 15,5).

Le détour suprême fut l’Incarnation. Dieu sortit de lui-même pour prendre chair de notre chair : sacré détour ! C’est vraiment ce qui s’appelle sortir de ses rails, emprunter une autre route que celle qui était prévue et qui semblait naturelle.

Si Dieu le premier s’est appliqué cette pédagogie du détour, comment pourrions-nous refuser de la pratiquer ? Sortir un instant de son rôle social pour aller voir l’autre à égalité. Découvrir un milieu associatif inconnu et s’efforcer de le comprendre de l’intérieur. Partager un repas avec des artistes, des traders ou des SDF… Plusieurs patrons ou hauts responsables racontent avoir voulu sentir l’atmosphère de leur entreprise en se faisant embaucher incognito au bas de l’échelle. En quelques mois ou semaines, ce détour par la condition ordinaire leur en avait appris sur l’entreprise plus que bien des réunions empesées au plus haut niveau !

Oui, le détour est une pédagogie divine, au sens premier du terme pédagogue : celui qui conduit l’enfant sur le chemin. Nous sommes l’enfant que Dieu guide en lui faisant changer de chemin pour un moment, afin qu’il revienne grandi et transformé, comme Moïse deviendra le libérateur de son peuple après avoir fait ce crochet par le buisson ardent. Cela vaut bien le détour ..


4. Le détour du samaritain

1148059317 buisson dans Communauté spirituelleDans le Nouveau Testament, il y a également quelques détours célèbres, dont celui du samaritain de la parabole (Lc 10,25-37) pour dévier de sa route un instant et prendre soin d’un blessé laissé pour mort. Il fait un crochet là où les autres continuent tout droit sans s’arrêter. Il suspend son voyage le temps de trouver une auberge à qui confier le malheureux. Puis il reprend sa route, sans savoir que ce geste l’a irréversiblement transformé en juste, lui l’hérétique interdit de Temple à Jérusalem.

Refuser de faire un détour, à l’image du prêtre et du lévite de la parabole, c’est être tellement devenu l’homme (ou la femme !) de l’institution que les gens hors-normes en deviennent invisibles. Refuser de se laisser dérouter, ne serait-ce qu’un instant, pour aller voir de près ce blessé–buisson-ardent, c’est suivre sa propre logique imperturbablement (logique professionnelle, conjugale, associative, amicale, ecclésiale) sans jamais dévier. Refusé de dérailler opportunément, c’est se priver de découvertes enrichissantes, de l’imprévu novateur ; c’est prendre le Transsibérien sans descendre aux escales…

Le détour du samaritain par le blessé sur la route sera doublement salutaire : l’homme à terre sera relevé, l’hérétique sera justifié. Et qui peut dire qu’il n’est pas l’hérétique de quelqu’un d’autre ?


5. Le détour de Paul à Athènes

7483947-0000001.paul_athen_.w1024 CarêmeL’éloge de la pédagogie du détour vaut également pour la stratégie missionnaire. Si l’apôtre ne se laisse étonner par rien chez ceux vers qui il est envoyé, comment pourrait-il leur annoncer le Christ ? Suivez Paul débarquant à Athènes (Ac 17). Il connaît mal cette culture grecque, lui le citoyen romain d’un coin perdu de l’Empire. Alors avant de prêcher, il se tait et regarde. Il prend le temps de se promener parmi les monuments d’Athènes (il a de quoi visiter !). Il se renseigne sur les coutumes, les croyances, les penseurs, les attentes de ce peuple si fier de sa démocratie. Il cherche les braises sur lesquels souffler pour que la ville grecque devienne un buisson ardent qui brûle d’ardeur pour le Christ sans se consumer. Et il va trouver : une statue au Dieu inconnu témoigne de la curiosité des Grecs pour ce qui leur échappe. Grâce à ce détour par leur culture, dont témoignent ses citations de philosophes, Paul va pouvoir appuyer sa prédication (son kérygme) sur la soif des Grecs à apprendre du neuf sur Dieu ! Au-delà du demi-échec apparent de cette approche, Paul aura planté la graine qui s’épanouira dans l’orthodoxie grecque, si féconde au cours des siècles et encore actuellement.

La pédagogie du détour est pour le missionnaire un non-chemin (puisqu’il s’agit de se laisser dé-router !) indispensable pour que l’évangélisation parle au cœur. Sans détour, la mission n’est plus qu’une conquête, une tactique, un plan à exécuter, hélas.


6. Éloge de la curiosité

Pas de détour sans curiosité ! Si Moïse n’avait pas été intrigué par le buisson en flammes, il aurait continué son chemin sans rien changer. Mais il est curieux, intrigué, interrogé par ce qu’il perçoit et ne comprend pas. Savoir se poser des questions est le propre de l’homme.

« Les maîtres du judaïsme explicitent ce rapport en expliquant que l’homme est un être potentiel, inachevé, qui va se construire, s’épanouir, exactement comme une graine que l’on plante dans la terre. L’humain signifie terre car il est le lieu de sa propre germination. En hébreu, Adam a pour valeur numérique 45 qui se lit Mah qui veut dire « Quoi ? ». L’homme est une question perpétuelle. Question sur soi, sur son passé et son avenir. Le questionnement est la parole fondamentale de l’humain, mise en question de la conscience » [2].

Moise-- détourSavoir se laisser étonner est pour nous un grand défi. Avec l’âge c’est bien connu on devient blasé, on croit avoir tout vu. Ou bien au jeune âge, on croit voir clairement la ligne à suivre radicalement sans dévier. La maturité pourrait bien être quelque part entre les deux : avoir certes une ligne de vie bien tracée (pour éviter l’éparpillement, l’incohérence, la dispersion, la vanité de bien des parcours), mais se laisser détourner de temps à autre, en acceptant de ne pas maîtriser ce que cela va changer après. 

On en revient à nos coopérants du début. Ils retournent en Europe pour la plupart, et reprendront une trajectoire assez semblable aux autres. Mais ces quelques mois ailleurs les auront marqués au fer rouge. Loin d’être une parenthèse, ils s’y référeront longtemps pour contester ou relativiser leur mode de vie ici, les évidences de la culture d’ici, et finalement habiter autrement le rôle social qu’on veut leur faire jouer ici. D’où l’importance spirituelle des détours comme Erasmus, la coopération, un stage ouvrier, un service civique, une maraude avec Médecins du Monde, le Volontariat International en Entreprise etc. De grosses entreprises organisent des « vis ma vie » entre leurs différents métiers pour donner des envies d’évolution et éveiller des talents : elles ont raison ! D’autres organisent des visites d’entreprises avec leurs équipes pour aller voir ailleurs comment ils produisent, avec quel type de management etc. Et elles ont raison !

Le détour de Moïse par le buisson ardent peut prendre aujourd’hui tant de formes et se traduire par tant d’expériences innovantes ! Cultivons donc la pédagogie du détour de YHWH au désert, pour nous-mêmes, pour ceux dont nous sommes chargés : il y a sûrement un buisson qui nous attend quelque part, flambant neuf, qui mérite le détour ! Ce pourrait bien être le sens de la parole énigmatique de Jésus : « si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui » (Mt 5,41)…

 


[1]. VARILLON F., L’humilité de Dieu, Le Centurion, Paris, 1974, p. 39.

[2]. Marc-Alain Ouaknin et Dory Rotnemer, Le livre des prénoms bibliques et hébraïques, Albin Michel, 2000, p.64.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis » (Ex 3, 1-8a.10.13-15)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. »

Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
 (Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.

Deuxième lecture
La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour nous avertir (1 Co 10, 1-6.10-12)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.

Évangile
« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 1-9)
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (Mt 4, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’ Mais le vigneron lui répondit : ‘Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »
Patrick BRAUD

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16 janvier 2022

Fixer les yeux sur le Christ

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Fixer les yeux sur le Christ

Homélie du 3° Dimanche du temps ordinaire / Année C
23/01/2022

Cf. également :
L’Aujourd’hui de Dieu dans nos vies
Faire corps
Saules pleureurs
L’événement sera notre maître intérieur
Accomplir, pas abolir

Plus d’écran, moins de regard

Un TGV ordinaire. Une cinquantaine de voyageurs dans la rame. Il y règne un silence humain incompréhensible pour un non-occidental. Chacun a les yeux rivés sur son écran : smartphone, tablette, PC portable. Personne n’adresse la parole à son voisin, ni à personne. On fait Paris-Marseille sans lever les yeux vers autre chose que le contrôleur ou le panneau de la gare étape. Et puis on part en étant incapable de reconnaître son voisin de siège si on le croise à nouveau sur le quai…
Les Français de moins de 50 ans passent plus d’une heure par jour devant l’écran de leur smartphone. Ils le défouraillent compulsivement des dizaines de fois par jour.

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017, selon l’âge et la durée d’utilisation par jour

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017

https://fr.statista.com/statistiques/690016/temps-passe-telephone-mobile-smartphone-age-france/

À cela s’ajoute les heures devant l’écran de télévision, de l’ordinateur etc. Le résultat de cette démultiplication de miroirs narcissiques est étrange : il semble que plus il y a d’écran, moins il y a de regard ! Qui prend le temps de dévisager une face inconnue plutôt que de jouer à Angry Birds ? Qui s’abstrait du reflet de sa propre image sur son écran pour se tourner vers l’autre ?
Car c’est bien là le bénéfice majeur du regard : nous détourner de nous-même pour accepter la présence de l’autre. Ne pas regarder quelqu’un en face, ne pas lui exposer son visage, c’est refuser la relation. Le voile islamique est en ce sens profondément a-relationnel : comment établir une relation avec l’autre si je ne peux pas l’en-visager ?

L’évangile de ce dimanche (Lc 1,1-4; 4,14-21) mentionne incidemment cette puissance du regard lorsqu’il décrit la foule en attente, suspendue aux lèvres de Jésus après sa lecture de la Torah, dans la synagogue de Nazareth : « tous avaient les yeux fixés sur lui ». Après un passage aussi brûlant que celui du livre d’Isaïe annonçant le jubilé messianique, on devine l’attente, la soif de l’assemblée envers Jésus : que va-t-il annoncer ? est-ce de lui dont parle le texte ? que peut-on espérer de lui ?

Origène nous invitait à lever les yeux nous aussi vers le Christ :
Fixer les yeux sur le Christ dans Communauté spirituelle jesus%20lit%20a%20la%20synagogue« Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui (Lc 4,20) ».
« En ce moment aussi, dans notre synagogue, c’est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre cœur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l’Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui ! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l’âme ! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire : Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte (cf. Ps 4,7), toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen ». Origène (+ 253), Homélie 32, 1-3.6

Fixer les yeux sur quelqu’un, c’est vraiment se concentrer sur qui il est, sur son identité telle qu’elle transparaît à travers les traits de son visage, de tout son corps. C’est parfois pour le reconnaître, comme la servante qui scrute le visage de Pierre se chauffant devant le brasero dans la cour du grand prêtre pendant l’interrogatoire de Jésus (Lc 22,56). C’est peut-être pour contempler ce visage habité d’une telle intensité qu’on vient y boire comme à une source. C’est le plus souvent pour essayer de déchiffrer le message vivant qu’est le regard de l’autre, son visage, pour établir un contact qui appelle une relation.

À Nazareth, l’assemblée de la synagogue a les yeux fixés sur Jésus après sa lecture. En exerçant ainsi son regard, elle creuse son désir de voir l’actualisation que Jésus va faire de cette parole. Elle agrandit sa soif d’en recevoir l’interprétation pour s’en nourrir, maintenant. Elle élargit le manque qui la pousse à espérer.

Nous qui venons d’entendre les lectures de la liturgie, nous en sommes à ce point où nous tournons les yeux vers le Christ pour lui demander : qu’y a-t-il pour moi/pour nous dans ces textes ? Comment peuvent-ils devenir Parole de Dieu pour moi/pour nous aujourd’hui ?
La messe nous donne Christ à regarder intensément, sous les deux formes de la Bible et de l’eucharistie notamment.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’Écriture

14eme-dimanche-2020-2-1200x791 Christ dans Communauté spirituelleAprès les deux lectures et le psaume, le prêtre (diacre) soulève le lectionnaire et invite l’assemblée : « acclamons la parole de Dieu ! ». Elle répond : « louange à toi seigneur Jésus ! », en regardant le livre tendu à bout de bras par le prêtre.
Nous sommes donc invités à fixer nos yeux sur l’Écriture, en proclamant que ces textes nous parlent (ils deviennent parole), et nous parlent du Christ, Verbe de Dieu (parole, logos) ayant pris chair de notre chair. Dès lors, scruter intensément les Écritures c’est  contempler le visage du Christ. En sens inverse, impossible de prétendre connaître le Christ sans lire attentivement l’Écriture ! « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ »  (saint Jérôme).

La plupart des temples protestants sont d’une austérité redoutable : pas de vitraux, pas de tableaux ni d’icônes, pas de statues ni de sculptures. Mais ils comportent toujours une Bible ouverte qui trône sur la table de la Cène ou sur la chaire de prédication. Lire, étudier la Bible est le premier moyen privilégié pour fixer les yeux sur le Christ. Quelques versets chaque jour, une lecture continue de temps en temps, une étude biblique ou une prédication : la posologie est simple et s’adapte à chacun ! Respecter cette ordonnance biblique permet de ne pas perdre de vue le Christ tout au long de sa journée, de ses années, de sa vie.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’eucharistie

%C3%A9l%C3%A9vation-CIRIC-200x300 regardMon institutrice de CM1 – une vieille fille légèrement acariâtre – m’a légué un cadeau inestimable. Elle nous avait appris à regarder fixement l’hostie au moment où elle est élevée après la consécration. Déjà c’était osé, puisque les gens pieux inclinaient la tête pour ne pas voir, avec une ostentatoire humilité qui les ployait à genoux les yeux contre le sol. Il fallait au contraire être debout, ressuscité, et dévisager le plus intensément possible ce « pain de misère ». Pour y confesser le Christ, notre institutrice nous invitait à redire à ce moment-là les mots de l’apôtre Thomas constatant les plaies du Ressuscité : « mon Seigneur et mon Dieu ! » Depuis le CM1, cette habitude m’a aidé à tenir debout dans l’adversité, à confesser Dieu présent dans la misère des mauvais jours comme dans la beauté des élévations les plus sublimes. L’adoration eucharistique n’est jamais que le prolongement de ce regard intense face à l’hostie consacrée élevée au plus haut.
« Il m’avise et je l’avise » : le mot du paysan au curé d’Ars pour décrire sa prière devant le tabernacle est si juste ! Car le regard là encore est d’abord un passif : je suis regardé par le Christ avant que de porter les yeux sur lui. De ce croisement « d’avisements » jaillit une parole de salut comme à Nazareth, un dialogue intérieur comme Marie de Béthanie aux pieds de Jésus, les yeux levés vers lui (cf. Ps 123,1).

 

Évangéliser la pulsion scopique

Le judaïsme privilégie l’ouïe. Il n’a pas tort ! La prière la plus importante commence par « Shema Israël… » : « Écoute Israël ! » (Dt 6,4). Il s’agit d’abord d’écouter, de veiller dans la nuit comme Samuel en alerte pour ne pas manquer la parole de l’autre : « parle Seigneur, ton serviteur écoute » (1S 3,9).
Pourquoi mettre l’ouïe en avant et non la vue ? Parce que les cultes païens environnants pullulaient de statut d’idoles, de déesses et de grigris à accrocher partout en guise de protection imaginaire. Les idoles sont à voir. YHWH est à entendre. « Dieu, nul ne l’a jamais vu » (Jn 1,18). On peut donc se méfier légitimement de ce vieux rêve humain de façonner un veau d’or selon sa projection du moment pour se prosterner devant ce qu’il voit.

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Avec Freud, on peut également se méfier de notre tendance à capter l’autre par la vue pour en jouir selon notre imaginaire. Ce que Freud appelait la pulsion scopique : il y a dans le regard une impulsion, un désir de convoitise, de possession, de domination, dont les « voyeurs » sont le pur produit [1].

La pulsion du regard est utile, car elle nous oblige malgré tout à découvrir qu’il y a un autre que nous-même. Elle prépare la sublimation lorsque nous renonçons à capter l’autre. Fixer intensément les yeux sur quelqu’un, c’est découvrir que je ne suis pas tout, que l’autre me manque. Hélas, ce manque nourrit également la convoitise, qui conduit à la domination et l’instrumentalisation de l’autre nié en tant qu’autre. L’histoire de Caïn voyant le sacrifice d’Abel accepté par Dieu et sautant sur lui pour le tuer nous avertit : la pulsion scopique n’est pas pure d’emblée. Elle est à évangéliser. À limiter et à sublimer, dira Freud. Fixer les yeux sur le Christ de l’Écriture et de l’eucharistie évangélise la force puissante et violente de notre regard, en l’éduquant à ne pas mettre la main sur l’autre lorsque nous le touchons des yeux.

La crise iconoclaste des VIII°-IX° siècles a été fort utile pour clarifier ce point. Face aux rigoristes qui voulaient garder l’intransigeance du judaïsme (et plus tard de l’islam) interdisant toute représentation divine (ou même humaine), le concile de Nicée de 787 a plaidé pour que les représentations du visage du Christ nous réconcilient avec notre regard sur l’autre. Les icônes orientales expriment au plus haut point – en parallèle pourrait-on dire avec l’adoration eucharistique occidentale – la conviction des compagnons de Jésus : nous laisser regarder par lui convertit notre regard sur les autres, sur le monde. Il est possible, à partir de la beauté relative du visage de l’autre, de percevoir la beauté sans limites du visage du Christ. De manière symétrique, il est possible, à partir de la contemplation du Christ (dans l’Écriture et l’eucharistie notamment) les yeux dans les yeux, de dévisager autrement ceux qui nous entourent, avec respect et vérité, dans une quête de communion et non de domination.

 

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Fixer le Christ dans les yeux

Nous sommes dans la synagogue de Nazareth. Le Christ vient de rouler le parchemin dans lequel il a lu l’oracle d’Isaïe. Ces mots continuent de danser entre lui et nous, et son visage en acquiert une profondeur, une intensité inconnue.
Suspendons le temps pour nous accrocher à ses lèvres, plonger dans ses yeux, pour boire à son regard, dans l’attente de l’aujourd’hui qu’il nous révèle : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ».
Fixons intensément les yeux sur le Christ, par l’Écriture et l’eucharistie, par les événements, par la beauté et le drame de ce monde, par la musique et le silence, par le souffle et la béance…

 


[1]. La pulsion scopique est définie par Sigmund Freud comme le plaisir de posséder l’autre par le regard. Il s’agit d’une pulsion sexuelle indépendante des zones érogènes où l’individu s’empare de l’autre comme objet de plaisir qu’il soumet à son regard contrôlant. «Manifestation sexuelle spontanée » chez l’enfant, elle est essentielle car originaire aussi d’autres pulsions – la pulsion de savoir ou encore la sublimation. La scopophilie désigne plus exactement la prise de plaisir en regardant quelqu’un d’autre. La personne observée ne serait perçue que comme un simple objet, que le scopophile aurait l’impression de « contrôler » en le regardant.

 

Lectures de la messe

1ère lecture : « Tout le peuple écoutait la lecture de la Loi » (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)
Lecture du livre de Néhémie
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.
 Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »

 

Psaume : Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15
R/ Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie. (cf. Jn 6, 63c)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables.

Accueille les paroles de ma bouche,
le murmure de mon cœur ;
qu’ils parviennent devant toi,
Seigneur, mon rocher, mon défenseur !

 

2ème lecture : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12, 12-30)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres.
Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ? Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ». Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.
Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses. Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.

 

Evangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture » (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Le Seigneur m’a envoyé, porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération. Alléluia. (Lc 4, 18cd)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus. En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre »
Patrick BRAUD

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17 octobre 2021

Le courage aveugle de Bartimée

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le courage aveugle de Bartimée

30° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
24/10/2021

Cf. également :

Comme l’oued au désert
Les larmes du changement
Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

L’Église, obstacle et chemin

Le courage aveugle de Bartimée dans Communauté spirituelle M02204020567-largePar bien des aspects, l’institution Église est si décevante, si infidèle au message qu’elle transmet ! Elle tarde à se réformer (ministères féminins, exercice de l’autorité, cléricalisme, accueil des divorcés remariés etc.). Elle bruisse des mesquineries, jalousies et ambitions trop humaines qu’on croise trop souvent en politique ou ailleurs. Elle a trop longtemps cautionné des scandales qui éclatent maintenant au grand jour. Elle en devient presque un obstacle pour ceux qui cherchent sincèrement un sens à leur existence.

Ainsi les gens qui rabrouent Bartimée en marge de la foule qui suivait Jésus de Jéricho à Jérusalem. Ils menacent sérieusement ce mendiant aveugle de s’en prendre à lui s’il ne cesse pas de crier vers Jésus.

Tout en étant obstacle, l’Église demeure cependant un chemin vers Dieu. D’abord parce qu’elle porte en elle le trésor de l’Évangile et continue à proclamer ce message, quitte à ce qu’il la condamne. Ensuite, parce qu’il y a toujours des membres de cette Église – pas forcément les clercs ou les figures connues – qui serviront de relais à l’appel du Christ : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Comme souvent la traduction liturgique de notre passage (Mc 10, 46-52) est plus ou moins fidèle à l’original du texte grec, qui serait plutôt :
Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: « Prends courage (Θάρσει !), lève-toi (ἐγείρω), il t’appelle ». L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond (ἀναπηδήσας), vint vers Jésus.

Tantôt obstacle, tantôt chemin, l’Église est cette foule remplie de contradictions qui s’obstine néanmoins à suivre Jésus sur sa route pour monter avec lui de Jérusalem (‘ville de la Lune’, païenne et changeante) à Jérusalem (‘ville de la paix’ et de la plénitude).

Comment pouvons-nous être chemin les uns pour les autres ?
Explorons pour cela les 3 verbes transmis par la foule à Bartimée : prends courage / lève-toi / il t’appelle.

 

Prends courage !

Le déclin du courageLe terme grec θαρσω (tharseo = prendre courage) est employé 7 fois seulement dans la Bible, et le Nouveau Testament uniquement. Outre pour Bartimée, Marc le met sur les lèvres de Jésus pour rassurer ses disciples qui le voient marcher sur les flots : « Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : ‘Courage ! c’est moi ; n’ayez pas peur !’ » (Mc 6, 50 ; cf. Mt 14,27).

Chez Mathieu, c’est un encouragement à changer de vie adressé au paralytique (« Et voici qu’on lui présenta un paralysé, couché sur une civière. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : ‘Courage, mon enfant, tes péchés sont pardonnés’ » – Mt 9, 2) et à la femme hémorroïsse (« Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : ‘Courage, ma fille ! Ta foi t’a sauvée.’ Et, à l’heure même, la femme fut sauvée » – Mt 9, 22).

Chez Jean, c’est encore un encouragement, mais cette fois pour affronter les persécutions et les menaces qui s’abattent sur les premiers chrétiens : « Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33).

Paul entend une voix intérieure le conforter dans cette même attitude de courage face à la prison et la décapitation qui l’attendent à Rome : « La nuit suivante, le Seigneur vint auprès de Paul et lui dit : ‘Courage ! Le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu le rendes aussi à Rome’ » (Ac 23, 11).

La foule autour de Bartimée cesse donc d’être un obstacle lorsqu’elle l’invite au courage pour changer de vie, en passant d’aveugle à voyant, de mendiant à disciple, d’assis à debout.

Nous aussi, nous sommes chemin vers Dieu les uns pour les autres lorsque nous nous arrêtons pour nous encourager mutuellement dans les passages que nous avons à assumer. Ce qui nous demande de suspendre notre jugement sur ce qui nous dérange chez les autres, à l’inverse des gens qui voulaient violemment faire taire le gêneur sur le bas-côté. Bartimée était un mendiant marginal, handicapé, bruyant. Quels sont les Bartimée d’aujourd’hui ? Ils  crient vers le Christ à leur façon : provocations, outrances, blasphèmes, aveuglements, mœurs décalées… Au lieu de vouloir les faire taire, nous ferions Église si nous les encouragions, littéralement, c’est-à-dire s’ils trouvaient en nous des paroles de bienveillance, sans jugement, qui valorisent et reconnaissent la soif intérieure qui les habite.

La foule devient Église lorsqu’elle devient un groupe où l’on s’encourage, où l’on trouve du courage pour avancer. Et il en faut du courage quand on est aveugle pour fendre la foule jusqu’à Jésus ! Essayez un peu, ne serait-ce qu’en vous bandant les yeux, d’aller vers quelqu’un qui vous appelle,  sans rien voir dans une pièce inconnue… !

Au sein d’une paroisse, nous deviendrons un puits de courage si nous savons nous écouter chacun dans les combats qui sont les nôtres : guérir de ce qui nous paralyse comme l’homme sur le brancard, stopper la perte du désir comme l’hémorroïsse, affronter l’adversité et nos adversaires comme Paul et les premiers chrétiens.

Ici, c’est le courage face à la cécité que la foule-Église transmet à Bartimée : ‘tu as raison de ne pas te résigner ; prend le risque de changer radicalement : ne reste pas assis sur le côté alors que nous marchons vers Jérusalem !’

 

Lève-toi !

Harold Copping, Jesus Heals Blind Bartimaeus, 1920Les verbes que Marc emploie ici sont bien connus dans le Nouveau Testament : γείρω (egeiró) = se lever, et νστημι (anistemi) = se lever d’un bond.

C’est typiquement le vocabulaire de la résurrection : se lever d’entre les morts, ressusciter (cf. Mc 5,42 ; 9,9-10.31 ; 10,34 ; 12,25 ; 16,9 etc.). D’ailleurs, Marc vient juste de le mettre sur les lèvres de Jésus annonçant sa Passion, ce qui effraie les disciples manquant de courage : « Voici que nous montons à Jérusalem (d’où l’importance pour Bartimée de les suivre dans cette montée vers Jérusalem). Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort, ils le livreront aux nations païennes, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et trois jours après, il ressuscitera (ναστήσεται, anastēsetai) » (Mc 10, 33 34).

Les gens qui voulaient effacer Bartimée de la scène sont heureusement remplacés – sur ordre de Jésus - par ceux qui au contraire lui disent : ‘lève-toi !’ On peut y entendre comme un écho de l’invitation du Bien-aimé du Cantique des cantiques à sa Bien-aimée : « Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10 13).
Nous devenons Église lorsque nous nous encourageons mutuellement ainsi à nous lever, à nous relever de nos chagrins, de nos épreuves, de nos rechutes, de nos morts physiques et spirituelles.

Pour Bartimée, se lever demande un courage peu banal. Car, aveugle, désorienté à côté de cette foule dangereuse, comment faire pour tenir debout sans se cogner et chuter ? Comment aller vers Jésus sans savoir où il est ? Mais Bartimée n’hésite pas, sans doute en se laissant guider par ceux qui l’encourageaient. Comme son manteau le gêne dans ce mouvement rapide, il le jette pour que rien ne soit obstacle à sa marche vers le Christ. Et voilà comment le manteau de Bartimée est devenu le symbole de tout ce qu’il nous faut abandonner pour devenir chrétien…

La foule qui était obstacle est devenue guide, le manteau qui gênait le relèvement est abandonné sur le bord de la route.

Inviter et aider l’autre à ressusciter dès maintenant, aujourd’hui, est au cœur de la vie fraternelle en Église. ‘Lève-toi ! Sors de tes préjugés en venant lire la Bible avec nous, car ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ (saint Jérôme). Quitte des addictions, avec la force que te donnera la prière en commun. Fais le deuil que tu dois faire pour vivre, en te tournant avec nous vers la Pâque du Christ. Débusque les idoles qui prennent la place du seul vrai Dieu dans ton agenda, ta consommation, ton épargne, tes loisirs’.

Tout le contraire de l’assistanat ! À l’image de Pierre et Jean face à l’impotent de la Belle Porte du Temple de Jérusalem : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » (Ac 3, 6).

Tout le contraire d’une fausse compassion complice ! À l’image de l’Abbé Pierre qui rencontre à l’été 49 un ex-bagnard qui a tenté de se suicider. « Moi, je n’ai rien à te donner, lui dit l’abbé Pierre. Toi, tu n’as rien à perdre puisque tu veux mourir. Alors, donne-moi ton aide pour aider les autres. » Georges sera le premier compagnon d’un havre d’accueil qu’à Pâques 1950 l’abbé Pierre baptise « Emmaüs », en référence à l’Évangile (Lc 24). Georges se souviendra : « Ce qui me manquait, ce n’était pas seulement de quoi vivre, c’était aussi des raisons de vivre. »

D’obstacle nous devenons chemin si nous savons nous encourager mutuellement à nous lever d’entre les morts, à ressusciter au présent en trouvant nos raisons de vivre et d’aimer.

 

Il t’appelle !

Répondre à l'appel du ChristMarc emploie le verbe φωνω (phoneo) 3 fois dans notre passage. C’est donc le signe qu’il a une grande importance, et que cela caractérise pour lui la nature même de ce qui constitue l’Église : faire circuler l’appel du Christ en le relayant.

Jésus demande en effet qu’on appelle l’aveugle, ce que fait la foule-Église, en son nom propre et au nom du Christ : « Jésus s’arrête et dit : ‘Appelez-le.’ On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : ‘Confiance, lève-toi ; il t’appelle‘ » (Mc 10, 49).

C’est d’ailleurs l’étymologie même du mot Église en grec : ekklesia vient de ek-kaleo = appeler au-dehors. Par nature, l’Église est le rassemblement de ceux qui acceptent de sortir de chez eux pour répondre à l’appel du Christ.

Ce n’est pas un club où l’on se choisit. Ce n’est pas un parti où l’on cherche le pouvoir. Ce n’est pas même une communauté qui voudrait tout partager. Non : c’est une assemblée d’appelés  par un Autre qu’eux-mêmes. La cloche de l’église de nos villages en est un beau symbole : lorsqu’elle sonne, chacun sort de chez lui, arrête son travail, ses occupations, pour se laisser rassembler à l’Église. Et dans cette réponse à l’appel qui constitue l’Église nous ne choisissons pas nos voisins de banc ! Dieu appelle qui il veut ; ce n’est pas à nous de faire le tri. Ce n’est pas à nous de diviser l’assemblée par des petits clans où nous aimerions retrouver ceux qui nous ressemblent.

Le Christ appelle. L’Église est cette portion d’humanité qui accepte de se laisser rassembler en répondant à cet appel.

Nous sommes chemin et non obstacle si nous savons répercuter cet appel largement autour de nous. Avec une préférence pour ceux que personne n’appelle, et qui restent là, Bartimée mendiant immobile aux marges de la société…

Appeler sans se décourager… Souvenons-nous que dans l’Évangile de Marc, la dernière parole de Jésus en croix est pour appeler son Père : « Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : ‘Éloï, Éloï, lama sabbactani ?’, ce qui se traduit : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : ‘Voilà qu’il appelle le prophète Élie !’ » (Mc 15, 34 35).

Appelés par Dieu, nous l’appelons en retour, dans la joie comme dans la détresse. Crier vers Dieu sans se lasser avec Job et Bartimée, lui murmurer notre soif de son amour avec les psaumes, lui demander son Esprit de sagesse avec Salomon, l’appeler au secours avec le crucifié : notre vocation est également d’appeler Dieu avec Bartimée qui crie « fils de David, aie pitié de moi » de plus belle à chaque fois qu’on veut le faire taire.

Nous encourager mutuellement, faire circuler entre nous l’appel à se lever pour vivre : l’Église sera un peu mieux l’Église du Christ si nous apprenons à pratiquer ce coaching spirituel où la bienveillance l’emporte sur le jugement, le courage sur la résignation, l’ouverture sur le repli…

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir » (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient. Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné.

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
(Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité » (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Tout grand prêtre est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on est appelé par Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : il ne s’est pas donné à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, car il lui dit aussi dans un autre psaume : Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité.

Évangile
« Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10, 46b-52) Alléluia. Alléluia.

Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort, il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Patrick BRAUD

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