L'homélie du dimanche (prochain)

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21 avril 2012

Bon foin ne suffit pas

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Bon foin ne suffit pas

 Homélie du 3° Dimanche de Pâques  22/04/2012

 

La parabole du foin et du râtelier

« Qu’importe que le foin soit bon, si le râtelier est trop élevé ? »

Mgr. Bernard Podvin, porte-parole des évêques de France, rapporte cette anecdote savoureuse de la dernière assemblée épiscopale tenue à Lourdes. Un conférencier devait tenir éveillés les évêques en un début d’après-midi : lourde tâche à laquelle il n’a pu satisfaire. Son propos théologique était sans doute construit et sérieux, mais son propos Bon foin ne suffit pas dans Communauté spirituelle pour-comprendre-les-media_150est passé très haut au-dessus des têtes mitrées qui plongeaient alors en méditation horizontale accentuée… À la sortie, l’un des assoupis rapportait cette vérité du foin : « le foin était sans doute très bon, mais le râtelier était trop haut ».

En termes techniques, on pourrait dire que le faire-savoir est aussi important que le savoir-faire. « Medium is message » comme l’écrivait le pionnier des théoriciens des médias, Marshall MacLuhan. La façon de communiquer fait partie du message délivré.

 

L’inculturation du kérygme

Dans les Actes des Apôtres que nous lirons pendant tout le temps pascal, Pierre, Paul et les autres ont bien compris cet énorme enjeu : si l’annonce de la Résurrection n’est pas adaptée à la culture des auditeurs, elle sera incompréhensible ou irrecevable.

Par chance, ce livre des Actes a recueilli plus d’une vingtaine de ces annonces pascales. On les appelle kérygme, d’un mot grec qui signifie crier, annoncer publiquement une nouvelle très importante.

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Que constate-t-on en étudiant ces kérygmes en détail ? Qu’ils varient dans leur style, leur argumentation, les mots choisis. De Pierre parlant aux pèlerins de la Pentecôte à Jérusalem à Paul s’adressant aux sages grecs de l’Aréopage d’Athènes, l’annonce de la joie de Pâques s’adapte à la culture de ses auditeurs.

Cette inculturation s’impose donc aux apôtres comme une nécessité spirituelle : aimer l’autre exige de le rejoindre dans sa culture pour lui révéler la résurrection du Christ de l’intérieur, sans autre violence que celle du choc de Pâques.

 

Relisez le kérygme de Pierre en ce troisième dimanche de Pâques (Ac 3,13-19). Pierre sait qu’il parle des juifs pratiquants. Il reconnaît leur qualité en les appelant « hommes d’Israël », et en rappelant que Dieu est celui « d’Abraham, Isaac et Jacob », « le Dieu de nos pères », s’incluant ainsi lui-même dans le peuple à qui il parle. Puis il dit vous lorsqu’il évoque la Passion de Jésus, livré, rejeté, dédaigné pour Barabbas par cette foule de Jérusalem. Tout de suite il adoucit cette charge en les appelant « frères », et en rappelant que c’est « dans l’ignorance » qu’ils ont agi (« ils ne savent pas ce qu’ils font », a fort justement plaidé Jésus en leur faveur).

Il fera ensuite référence à Moïse, à l’Alliance, aux prophètes, pour convaincre ses frères juifs que Jésus est bien le Messie humilié annoncé par les Écritures.

Vers la fin du livre (Ac 17,22-34), Paul s’appuiera quant à lui sur les philosophes grecs et une statue dédiée « au dieu inconnu » à Athènes, car il s’adresse à Aréopage qui ne connaît pas les écritures juives.

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On peut faire l’étude exhaustive de tous ces kérygmes : ils ont une structure commune, mais s’adaptent toujours à la culture de leurs auditeurs.

C‘est donc une loi normative pour l’Église encore aujourd’hui : ne pas annoncer le Christ ressuscité en Afrique avec les mêmes mots qu’en Europe. Enraciner la joie de Pâques dans les cultures africaines, orales et concrètes, pleines de magie et d’invisible, ne se fait pas de la même façon qu’en France par exemple, dans une culture marquée par la rationalité et l’abstraction. Le grand succès des Églises baptistes et évangéliques dans nos métropoles tient d’ailleurs largement à une inculturation réussie auprès des minorités ethniques : miracles, ferveur, émotion alliant la fête, le corps et l’expérience. La désaffection des jeunes générations pour les assemblées catholiques vient en grande partie d’un déficit d’inculturation : pas d’images PowerPoint ou multimédia, une musique exculturée, des mots difficiles, peu de participation… Il n’en faut pas plus pour transformer en corvée ce qui est au départ une joyeuse annonce !

 

 

La pédagogie du Ressuscité

Plus que jamais, il nous faut décrypter les valeurs et les codes des nouvelles cultures technologiques et urbaines qui émergent autour de nous. Plus que jamais il ne faut faire confiance à l’Esprit de Pentecôte pour s’appuyer sur les « semences du Verbe » répandues dans les cultures actuelles. Répéter un message ancien ne suffit pas : il faut le traduire sans cesse, le nettoyer de sa gangue d’autrefois pour en retrouver le noyau vital.

D’ailleurs, c’est ce que fait le ressuscité dans l’Évangile d’aujourd’hui (Luc 24).

Il commence par rejoindre ces deux hommes sur leur route d’Emmaüs, allant même jusqu’à s’éloigner avec eux de Jérusalem, ce qui est symbolique de leur état d’esprit désabusé après le vendredi maudit. Il les écoute, et laisse parler, pour s’imprégner de leurs références, pour comprendre leurs espoirs déçus. Après seulement, il leur annonce comme aux apôtres apeurés la joie de Pâques, mais à partir de ce qu’ils connaissent tous, à partir de leur identité profonde : Moïse, les prophètes, les psaumes, le Messie, l’Écriture.

Voilà ce que toute l’Église devrait commencer par faire : cheminer avec, écouter, comprendre la culture de l’autre de l’intérieur, lui parler avec ses mots pour que l’annonce de la Résurrection le touche au plus profond, le bouleverse dans ses entrailles.

 

Sommes-nous à la hauteur de ce défi ?

Que connaissons-nous de nos cultures environnantes ? des langues, des langages, des images et des références de nos contemporains ?

Question de génération, d’origines ethniques, d’éducation ou de milieu social : comment annoncer l’Évangile sans l’inculturer dans le monde de l’autre ?

Faisons l’effort de mieux connaître au moins l’une de ces cultures que nous ignorons (et que nous dénigrons sans doute); nous y découvrirons le Ressuscité, selon sa promesse : « je vous précède en Galilée » (Mc 14,28; 16,7), c’est-à-dire dans une culture que vous ne connaissez pas.

 

1ère lecture : Dieu a donné sa gloire à son serviteur Jésus (Ac 3, 13-15.17-19)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

Devant tout le peuple, Pierre prit la parole :
« Hommes d’Israël, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a donné sa gloire à son serviteur Jésus, alors que vous, vous l’aviez livré ; devant Pilate, qui était d’avis de le relâcher, vous l’aviez rejeté.
Lui, le saint et le juste, vous l’avez rejeté, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier.
Lui, le Chef des vivants, vous l’avez tué ; mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, nous en sommes témoins.
D’ailleurs, frères, je sais bien que vous avez agi dans l’ignorance, vous et vos chefs.
Mais Dieu qui, par la bouche de tous les prophètes, avait annoncé que son Messie souffrirait, accomplissait ainsi sa parole.
Convertissez-vous donc et revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés. »

Psaume : Ps 4, 2, 7, 9

R/ Révèle-nous, Seigneur, ton visage de lumière

Quand je crie, réponds-moi, Dieu, ma justice !
Toi qui me libères dans la détresse,
pitié pour moi, écoute ma prière ! 

Beaucoup demandent : 
« Qui nous fera voir le bonheur ? » 
Sur nous, Seigneur, que s’illumine ton visage ! 

Dans la paix moi aussi, je me couche et je dors, 
car tu me donnes d’habiter, Seigneur, 
seul, dans la confiance.

2ème lecture : Le Christ victime offerte pour nos péchés (1Jn 2, 1-5a)
Lecture de la première lettre de saint Jean
Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché. Mais, si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier. Et voici comment nous pouvons savoir que nous le connaissons : c’est en gardant ses commandements. Celui qui dit : « Je le connais », et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur : la vérité n’est pas en lui. Mais en celui qui garde fidèlement sa parole, l’amour de Dieu atteint vraiment la perfection.

Evangile : Le Christ ressuscité envoie les Apôtres en mission(Lc 24, 35-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ressuscité est apparu à ses Apôtres, il leur a donné sa paix. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Les disciples qui rentraient d’Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s »était passé sur la route, et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain.
Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d’eux, et il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit.
Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, et vous constatez que j’en ai. »
Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds.
Dans leur joie, ils n’osaient pas encore y croire, et restaient saisis d’étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? »
Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé.
Il le prit et le mangea devant eux.
Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. »
Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures.
Il conclut : « C’est bien ce qui était annoncé par l’Écriture : les souffrances du Messie, sa résurrection d’entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem.
C’est vous qui en êtes les témoins. »
Patrick Braud

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28 janvier 2012

Ce n’est pas le savoir qui sauve

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Ce n’est pas le savoir qui sauve


Homélie du 4 ° Dimanche ordinaire  / Année B

29/01/2012

Imposante, cette scène d’exorcisme en pleine synagogue un jour le shabbat (Mc 1,21-28) ! Il faut dire qu’à l’époque, c’était monnaie courante, et que nombre de maladies psychologiques aux effets spectaculaires et violents étaient mis sur le dos du démon avec facilité. Reste que Jésus fait face à cette violence accusatrice. En quelques mots pleins d’autorité, il a délivré cet homme dont la personnalité était clivée. 

Le savoir ne suffit pas

« Je sais fort bien qui tu es : le saint, le saint de Dieu ». L’esprit mauvais qui habite cet homme possède un savoir remarquable et juste. Jésus est vraiment le saint de Dieu, et au début de l’Évangile de Marc fort peu de gens le savent ; encore moins le proclament. Ce cri pourrait passer pour une belle profession de foi en d’autres circonstances. Son contenu est vrai ; c’est son énonciation qui violente et négative. L’esprit a peur de ce que cette sainteté de Dieu peut faire sur lui. Et déjà, rien qu’en parlant à Jésus, il se démasque. En alternant le je et le nous, il se révèle divisé, incapable d’assumer une identité unifiée face à celui qui est habité à l’inverse par l’unique sainteté de Dieu. « Es-tu venu pour nous perdre ? Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Je sais fort bien qui tu es ».

Nous retrouvons ainsi deux caractéristiques toujours actuelles de l’aliénation, c’est-à-dire que ce qui nous rend étrangers à nous-mêmes : un savoir qui n’est pas orienté vers l’amour, un éclatement de la personnalité qui souffre alors d’être tiraillée dans tous les sens.

 

Quand le savoir aliène

L’Humanité du 21° siècle en sait beaucoup plus sur elle-même et sur le monde qu’au temps de Jésus, c’est évident. Un formidable savoir scientifique et technique a déjà révolutionné la manière de voir le monde, de le penser, d’y évoluer. Et ce n’est sans doute que le début d’une aventure de la pensée qui va s’accélérer encore de manière prodigieuse. Pensez aux neurosciences, à la maîtrise de l’énergie produite par l’infiniment petit comme l’infiniment grand. Souvenez-vous de la découverte de l’inconscient, ce continent inconnu, de la naissance de la sociologie mais aussi de l’informatique, de la génétique, des révolutions médiatiques, de l’essor d’Internet etc. Bref, savoir de plus en plus sur de plus en plus de choses semble être la promesse collective de ce siècle. Or le possédé de Capharnaüm vient nous avertir.

Savoir ne suffit pas. On peut connaître et ne pas aimer, pénétrer les profondeurs de la matière et rester superficiel en humanité ; découvrir les choses cachées depuis la fondation du monde et demeurer divisé, étranger à soi-même.

Le christianisme s’est toujours méfié de la gnose, contre laquelle il s’est battu pendant les premiers siècles de son essor. La gnose, c’est ce courant de pensée qui prêche que le salut vient par la connaissance (gnosis en grec). Un certain scientisme moderne relève de la gnose. Certaines maçonneries ou groupements ésotériques également. L’orgueil universitaire de quelques économistes, savants ou penseurs actuels alimentent ce même courant classique.

Il n’est pas jusqu’à des politiques qui croiraient volontiers que la masse est ignorante, et qu’à cause du savoir qu’ils détiennent tout pouvoir devrait leur être donné… (Le parti « avant-garde des masses » est une idée stalinienne qui ressurgit autrement !).

 

La foi au Christ implique un face-à-face courageux avec cette gnose multiforme.

Non : le savoir ne suffit pas. Il peut même « posséder » et diviser l’humanité, en aliénant à des idoles modernes : l’eugénisme au nom d’un savoir génétique, la domination économique au nom d’une avance scientifique et technique, le  matérialisme desséchant au nom d’une conception réductrice du développement humain etc.

Ce rapport gnostique au progrès est comme dans l’Évangile très contradictoire en pratique. L’humanitaire se mélange à la guerre, l’élimination des plus faibles se fait au nom d’un avenir meilleur, la mondialisation nourrit des replis identitaires, la peur climatique devient une arme contre les pays émergents, chaque peuple, chacun dit je et nous alternativement de façon incohérente.

 

La savoir actuel n’est pas gnostique

Heureusement, il y a d’autres rapports au savoir, avec lesquels le christianisme est en connivence naturelle.

Bon nombre des scientifiques sont aujourd’hui d’une humilité remarquable face au réel. Parce que la réalité du monde est complexe, multiforme, parce que la vérité en matière scientifique est plutôt négative que normative, des astrophysiciens, mathématiciens et autres savants contemporains laissent ouvertes les questions sur le sens et l’origine, et s’intéressent eux-mêmes aux grandes démarches religieuses, avec respect. Le scientisme existe encore, mais il est vraiment disqualifié dans la communauté scientifique. Alors, la figure du possédé de Capharnaüm prend davantage de relief : savoir de plus en  plus de choses sur l’homme, sur l’univers, ne dispense jamais  d’orienter ce savoir  vers l’amour, vers l’unification de l’être humain.

 

Le savoir seul ne sauve pas.

Conjugué au désir de Dieu, il peut participer à la création continue d’un monde plus humain.

 

Que faisons-nous du savoir qui est le nôtre ?

 

1ère lecture : Moïse annonce le prophète des temps à venir (Dt 18, 15-20)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse dit au peuple d’Israël : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez. C’est bien ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, au mont Horeb, le jour de l’assemblée, quand vous disiez : ‘Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !’
Et le Seigneur me dit alors : ’Ils ont raison. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte.
Mais un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d’autres dieux, ce prophète-là mourra. ‘»

 

Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre c?ur, mais écoutons la voix du Seigneur.

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre coeur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

 

2ème lecture : La virginité pour le Seigneur (1Co 7, 32-35)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
j’aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur.
Celui qui est marié a le souci des affaires de cette vie, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé.
La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur ; elle veut lui consacrer son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de cette vie, elle cherche comment plaire à son mari.
En disant cela, c’est votre intérêt à vous que je cherche ; je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien, pour que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

 

Evangile : Jésus est le Prophète qui enseigne avec autorité (Mc 1, 21-28)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia. (cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier :
« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. »
Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme. »
L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.
Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. »
Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.
Patrick Braud

23 décembre 2011

Le potlatch de Noël

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Le potlatch de Noël

 

Homélie du 5° Dimanche de l’Avent

 

Mon collègue mérite-t-il un cadeau ?

Dans un service de cols blancs, un mail circule au bureau à l’approche de Noël. « Venez Le potlatch de Noël dans Communauté spirituellefêter ça autour d’une auberge espagnole : chacun apporte pour le repas de quoi partager avec tous ». Jusque-là, tous sont d’accord. « Prévoyez un cadeau (valeur maximale 10?) que vous offrirez à un collègue dont nous vous enverrons le nom dans un prochain mail ». Et là bizarrement, levée de boucliers : comment ? ! On nous impose d’offrir des cadeaux ? Et en plus à un collègue inconnu ? Pourquoi mettre de l’argent dans ce geste artificiel et hypocrite ?

Un vaste débat s’ensuit à la cantine de midi sur le sens des cadeaux que l’on s’échange en cette période de Noël.

 

Le retour de l’éternel présent

Au-delà de la réaction épidermique de ceux qui contestent ce cadeau imposé comme de ceux qui sollicitent un peu de générosité festive au boulot, la question du sens des cadeaux de Noël reste incontournable. S’agit-il d’un consumérisme écoeurant qui verse dans une course matérielle pour s’acheter l’affection des autres ? S’agit-il d’une sacralisation de l’échange qui témoigne d’un reste d’humanité au milieu de relations calculées et froides ?

Faut-il jouer le blasé, le désintéressé pour couvrir en fait sa lassitude devant un rituel obligé si répétitif ? Ou faut-il transformer cette occasion en joie de donner et de recevoir pour se dire qu’en fin de compte on s’aime bien sûr, on s’ai cadeau dans Communauté spirituelleme quand même, on s’aime vraiment ?

 

Peut-on faire l’économie du don ?

- Le potlatch

Les anthropologues ont montré tout l’intérêt de ces échanges de cadeaux. Ainsi Marcel Mauss analyse dans son célèbre « Essai sur le don » l’intérêt pour des tribus de pratiquer ce système où il faut donner / recevoir/ rendre. C’est ce qu’il appelle un « fait social total », c’est-à-dire une pratique qui constitue et institue une communauté en tant que telle. Les liens (échange de femmes, de commerce, d’objets) se tissent grâce à cet échange généralisé (le « potlatch ») que l’économie moderne étendra à toutes les productions devenues marchandes.

 

- Le père Noël supplicié

D’autres anthropologues verront dans le Père Noël et ses avatars les résurgences de grands mythes païens fédérateurs d’identité commune. Ainsi Claude Lévi-Strauss qui analyse un curieux fait divers impensable aujourd’hui. En 1951, le clergé dijonnais avait brûlé en place publique un mannequin à l’effigie du Père Noël pour dénoncer sans doute une concurrence déloyale avec la crèche… Lévi-Strauss relève le paradoxe suivant :

« Le Père Noël, symbole de l’irréligion, quel paradoxe ! Car, dans cette affaire, tout se passe comme si c’était l’Église qui adoptait un esprit critique avide de franchise et de vérité, tandis que les rationalistes se font les gardiens de la superstition. Cette apparente inversion des rôles suffit à suggérer que cette naïve affaire recouvre des réalités plus profondes. Nous sommes en présence d’une manifestation symptomatique d’une très rapide évolution des m?urs et des croyances, d’abord en France, mais sans doute aussi ailleurs. Ce n’est pas tous les jours que l’ethnologue trouve ainsi l’occasion d’observer, dans sa propre société, la croissance subite d’un rite, et même d’un culte ; d’en rechercher les causes et d’en étudier l’impact sur les autres formes de la vie religieuse ; enfin d’essayer de comprendre à quelles transformations d’ensemble, à la fois mentales et sociales, se rattachent des manifestations visibles sur lesquelles l’Église ? forte d’une expérience traditionnelle en ces matières ? ne s’est pas trompée, au moins dans la mesure où elle se bornait à leur attribuer une valeur significative. » (Revue : Les Temps Modernes, Mars 1952, « Le Père Noël supplicié », pp. 13-14)

Il analyse alors la résurgence de ce mythe du Père Noël avec ses cadeaux comme la résurgence des rituels initiatiques pour se concilier la faveur des morts, représentés par les enfants qui prennent leur place :

« Avec beaucoup de profondeur, Salomon Reinach a écrit que la grande différence entre religions antiques et religions modernes tient à ce que « les païens priaient les morts, tandis que les chrétiens prient pour les morts ». Sans doute y a-t-il loin de la prière aux morts à cette prière toute mêlée de conjurations, que chaque année et de plus en plus, nous adressons aux petits-enfants ? incarnation traditionnelle des morts ? pour qu’ils consentent, en croyant au Père Noël, à nous aider à croire en la vie. Nous avons pourtant débrouillé les fils qui témoignent de la continuité entre ces deux expressions d’une identique réalité. Mais l’Église n’a certainement pas tort quand elle dénonce, dans la croyance au Père Noël, le bastion le plus solide, et l’un des foyers les plus actifs du paganisme chez l’homme moderne. Reste à savoir si l’homme moderne ne peut pas défendre lui aussi ses droits d’être païen.(?) Grâce à l’autodafé de Dijon, voici donc le héros reconstitué avec tous ses caractères, et ce n’est pas le moindre paradoxe de cette singulière affaire qu’en voulant mettre fin au Père Noël, les ecclésiastiques dijonnais n’aient fait que restaurer dans sa plénitude, après une éclipse de quelques millénaires, une figure rituelle dont ils se sont ainsi chargés, sous prétexte de la détruire, de prouver eux-mêmes la pérennité. » (ibid., pp. 49-51)

 

- Le cadeau et la dette

Les psychologues rappelleront que les cadeaux permettent de gérer la dette symbolique qui circule entre les générations. Bien des parents offrent des jouets trop chers et trop luxueux, comme pour se faire pardonner leurs absences et leurs manques. Et à l’inverse, sans cadeaux, la reconnaissance finit par ne plus jouer en famille : on ne reconnaît plus celui dont on ne reçoit plus rien.

Le cadeau est donc un moyen de réparer un lien social qui se dégrade.

 

- Le cadeau gaspillage ?

L’intrigue des cadeaux de Noël hante également les économistes. Parmi eux, Joël Waldfogel, professeur à Yale, s’applique à démontrer en quoi cette déferlante de cadeaux représente un gigantesque gâchis économique. Comme les cadeaux offerts ne correspondent jamais complètement à l’attente de l’autre, ils coûtent plus cher en fait que ce que nous aurions acheté nous-mêmes (d’où la montée en puissance des chèques cadeaux comme à la FNAC par exemple). Waldfogel va même jusqu’à chiffrer à 12 milliards de dollars cette perte en 2007 aux États-Unis !

L’explosion des sites Internet où chacun peut revendre d’occasion le cadeau mal choisi par un tiers démontre que gaspillage et Noël vont souvent ensemble.

 

- Le cadeau-roman

Le monde des romanciers comme Charles Dickens a magnifié le Noël familial avec son réveillon : son « Cantique de Noël » en 1843 va consacrer la figure du Noël rassemblant tous les membres de la famille autour de la table dans la nuit froide.

 

Le cadeau évangélique

Mais l’évangile lui, que dit-il de cette irrésistible manie de se faire des cadeaux ?

Il ne semble pas la mépriser le moins du monde. Les trois mages chargés d’or, d’encens et de myrrhe redisent à leur manière qu’on devient sage en acceptant de reconnaître un plus petit que soi comme digne des plus grands cadeaux de la terre. Ils n’attendent rien en échange. Ils repartiront appauvris et heureux.

Car le premier cadeau de Noël c’est bien évidemment Jésus lui-même. Dans l’étable de Bethléem, alors qu’on n’a pas fait à Marie enceinte arrivée à son terme le cadeau d’une place à l’auberge, Dieu se donne, sans restriction, personnellement et entièrement. Jésus aurait pu s’appeler Dieu-donné ! En recevant le prénom de Ieshoua (« Dieu sauve ») il nous annonce un salut-cadeau. En incarnant l’Emmanuel, « Dieu avec nous », il nous promet une présence-cadeau sans les jetons qui vont avec.

 

Alors, allons-nous faire des cadeaux à Noël ?

Sans aucun doute, et de toutes sortes. Le présent d’une visite, d’un déplacement, un lien à renouveler. Le plaisir d’un bon moment partagé à table sans arrière-pensée, le bonheur d’une trêve où l’on affirme que ce qui sépare est moins fort que ce qui unit.

Pour les chrétiens, le charme de Noël et des cadeaux de Noël sera exponentielle : le don de Dieu, c’est Dieu lui-même ; et ce cadeau-là précède toutes nos réponses en échange. Ce cadeau-là se déballe sans cesse et on n’a jamais fini d’explorer la largesse d’un tel donateur. Ce cadeau-là « emballe » sans cesse le désir de celui qui le reçoit.

 

Apprenons donc à échanger des cadeaux dans l’esprit de Bethléem.

Ni pression obligée et insupportable, ni dédouanement facile et hypocrite, le paquet déposé dans l’assiette du réveillon ou devant la crèche nous humanise, nous relie les uns aux autres et avec Dieu.

Sans démesure ni pingrerie, fêtons Noël avec ses gestes enrubannés qui renvoient au véritable et premier cadeau de la crèche.

Et que cette veillée d’échange inspire un « potlatch spirituel » tout au long de l’année !

 

Les différentes formes du don, à la lumière de la sociologie de Marcel Mauss :

Mauss-don

 

 

 

Messe de la nuit de la Nativité

1ère lecture : Le prince de la paix (Is 9, 1-6)

Lecture du livre d’Isaïe

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus. Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane. Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés : le feu les a dévorés.
Oui ! un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; l’insigne du pouvoir est sur son épaule ; on proclame son nom : « Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ». Ainsi le pouvoir s’étendra, la paix sera sans fin pour David et pour son royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice dès maintenant et pour toujours. Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers.

 

Psaume : 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a.c

R/ Aujourd’hui, un Sauveur nous est né : c’est le Christ, le Seigneur.

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Joie au ciel ! Exulte la terre !
Les masses de la mer mugissent,
la campagne tout entière est en fête.

Les arbres des forêts dansent de joie
devant la face du Seigneur, car il vient,
pour gouverner le monde avec justice.

 

2ème lecture : La grâce de Dieu s’est manifesté (Tt 2, 11-14)

Lecture de la lettre de saint Paul à Tite

La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnable, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien.

 

Evangile : Naissance de Jésus (Lc 2, 1-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Je vous annonce une grande joie. Aujourd’hui nous est né un Sauveur : c’est le Messie, le Seigneur ! Alléluia. (cf. Lc 2, 10-11)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre ? ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. ? Et chacun allait se faire inscrire dans sa ville d’origine.
Joseph, lui aussi, quitta la ville de Nazareth en Galilée, pour monter en Judée, à la ville de David appelée Bethléem, car il était de la maison et de la descendance de David. Il venait se faire inscrire avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
Or, pendant qu’ils étaient là, arrivèrent les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune.
Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur s’approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte, mais l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »
Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. »
Patrick Braud 

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18 juin 2011

La Trinité en actes : le geste de paix

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La Trinité en actes : le geste de paix

Homélie pour la fête de la Trinité    Année A    19/06/11

Prenez une assemblée eucharistique en milieu urbain. Il peut y avoir 100 à 300 personnes. Regardez attentivement : un tiers environ des gens qui sont là sont venus seuls. Le cabas à la main ou le jean décontracté, personne âgée ou parent isolé, africain, touriste ou nouvel arrivant, il se mettent plutôt au fond, sur les côtés, en bout de banc. Se lever, s’asseoir, donner à la quête seront leur seule participation active visible pour peu que l’assemblée ne chante pas d’un seul coeur (ce qui est fréquent). Ils sont venus seuls, ils repartiront seuls, sans qu’un paroissien habitué leur dise seulement bonjour et les accueille. Les SDF à la porte de l’église seront presque plus chaleureux en leur adressant leur supplication…

Il n’y a qu’un moment où cette solitude est volontairement brisée par la liturgie : le geste de paix. Ce moment où nous sommes invités à nous tourner vers nos voisins pour leur exprimer qu’ils ne sont pas que des étrangers, des gens de passage ou des isolés. « Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix » (1Co 13,12) : Paul a raison d’en faire un impératif, car ce mouvement n’est pas naturel ! Certains le font du bout des phalanges, peu convaincus. D’autres trouvent ce geste hypocrite, dans la mesure où il n’engage à rien. Et c’est vrai que si ce geste ne s’accompagne pas d’un véritable souci fraternel de l’autre, il reste virtuel. D’autres encore voudraient carrément le supprimer de la liturgie, car – disent-ils – la messe c’est pour adorer Dieu et non pas pour faire ami ami avec son voisin.

Pire encore, d’autres restent froids, de marbre, sans vouloir tourner la tête et ouvrir la main.

Et pourtant Paul insiste : « Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix ».

Pierre lui fera écho : « saluez-vous les uns les autres dans un baiser de charité. Paix à vous tous qui êtes dans le Christ » (1P 5,14). Et la réforme liturgique issue de Vatican deux enfonce le clou. La tradition la plus ancienne, c’est de lier le sacrement de l’autel et le sacrement du frère.

En cette fête de la Trinité, l’insistance se fait plus grande encore. La raison profonde du geste de paix est théologale : ce geste est lié à qui est Dieu en lui-même. C’est une attitude trinitaire : se tourner vers l’autre pour lui communiquer ce que j’ai moi-même reçu d’un autre, en l’occurrence la paix qui vient du Christ. Paul fait explicitement ce lien entre le baiser de paix et la communion d’amour trinitaire. La formule qu’il emploie juste après l’invitation au baiser de paix est la formule trinitaire qui ouvre nos eucharisties : « la grâce de Jésus-Christ notre Seigneur, l’amour de Dieu notre Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ».

Il s’agit donc profondément de laisser circuler entre nous la qualité de relation qui circule en Dieu même. Il s’agit de recevoir des trois personnes divines la capacité d’honorer l’autre comme une personne. Il s’agit de laisser l’Esprit devenir la vraie source d’inspiration des relations entre nous

[Le geste de paix lors d'un pèlerinage irlandais de personnes handicapées à Lourdes : ces personnes nous apprennent à laisser tomber certaines barrirères !]

 

Se recevoir pour se donner : cette respiration trinitaire se diffuse dans l’assemblée mieux qu’un incendie dans une forêt d’été. Cette « percolation » divine transforme nos relations pour les ajuster à leur vocation trinitaire.

Supprimer le geste de paix serait refuser la Trinité comme origine et terme de nos relations humaines. Prétendre ne pas pouvoir donner la paix sous prétexte que ce serait hypocrite ou superficiel revient à enlever à Dieu la capacité à transformer nos vies. Ce n’est pas la paix que j’ai réussi à construire que j’échange avec mon voisin. C’est la paix du Christ que je lui transmets, pas la mienne. Je reconnais ainsi que le Christ nous convoque tous les deux à recevoir de lui le courage d’être en paix l’un avec l’autre.

Même si mon voisin est une belle-mère acariâtre, un collègue imbuvable ou un parfait inconnu, lui transmettre la paix du Christ, c’est croire que la communion trinitaire est à l’oeuvre  dans l’Église. C’est s’engager à ce que cette communion trinitaire, reçue dans l’eucharistie, continue à se propager aux autres relations qui sont les miennes, une fois sorti de l’église.

Le geste de paix, c’est donc la Trinité en actes au milieu de nous. Paul a raison de lier les deux. La véritable hypocrisie serait de prétendre adorer Dieu sans accepter que cela transforme nos relations.

Si la Trinité est vraiment la carte d’identité de notre Dieu, personne ne devrait ressortir isolé de nos assemblées, car Dieu n’est pas solitaire. Personne ne devrait se sentir à l’écart parce qu’il ne fait pas partie des habitués, de ceux qui préparent la liturgie, qui font les lectures ou la quête.

Faites le lien entre la Trinité et le geste de paix, et vous verrez que les sorties de messes  ne seront plus les mêmes. Loin des petits clans qui se regroupent pour avoir des nouvelles des amis connus, l’accueil et la chaleur fraternelle circuleront entre les inconnus, les étrangers, les touristes, les habitués, entre les générations et les milieux sociaux…

C’est cela l’Église « issue de la Trinité » *  !

_______________________________________________________ 

Selon la célèbre formule de Saint-Cyprien reprise par Vatican II : « (Ecclesia) de unitate Patris et Filii et Spiritus Sancti plebs adunata », soit:  l’Église est « un peuple qui tire son unité du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint. » (LG 4)

 

1ère lecture : Le Dieu tendre et miséricordieux se révèle à son peuple (Ex 34, 4b-6.8-9) 

Lecture du livre de l’Exode

Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné.
Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer auprès de Moïse. Il proclama lui-même son nom ; il passa devant Moïse et proclama :
 
« YAHVÉ, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité.
 »
Aussitôt Moïse se prosterna jusqu’à terre, et il dit :
 
« S’il est vrai, Seigneur, que j’ai trouvé grâce devant toi, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la tête dure ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous un peuple qui t’appartienne. »

Psaume : Ps Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56

 R/ A toi, louange et gloire éternellement!

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni soit le nom très saint de ta gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu sur le trône de ton règne :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

Béni sois-tu au firmament, dans le ciel :
R/ À toi, louange et gloire éternellement !

2ème lecture : Dans l’amour trinitaire (2Co 13, 11-13)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
Exprimez votre amitié en échangeant le baiser de paix. Tous les fidèles vous disent leur amitié.
Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous.

Evangile : « Dieu a tant aimé le monde…» (Jn 3, 16-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Patrick Braud
 

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