L'homélie du dimanche (prochain)

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4 juin 2023

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome

Homélie pour le Dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ / Année A
11/06/2023

Cf. également :
Le réel voilé sous le pain et le vin
L’Alliance dans le sang
Les 4 présences eucharistiques
Bénir en tout temps en tout lieu
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome dans Communauté spirituelle Le-Saint-Sacrement-Livre-1970896240_MLSaint Jean Chrysostome (344-407) est l’un des Pères de l’Église les plus percutants sur le plan social. Cela lui a valu des années d’exil de la part du pouvoir impérial qui n’aimait pas trop ce trublion, non aligné sur les puissants de l’époque.

Il fait sans cesse le lien entre l’eucharistie et les pauvres, et souligne avec force que le sacramentel doit se traduire dans le social, sinon ce n’est que de la superstition. Pourtant on lui doit l’anaphore (prière eucharistique) la plus célébrée des Divines Liturgies dans les Églises orthodoxes : son amour de l’eucharistie est donc au-dessus de tout soupçon !

À l’heure où prolifèrent les élucubrations les plus irrationnelles sur l’eucharistie, célébrons la fête du Corps et du Sang du Christ en laissant l’évêque de Constantinople remettre à l’endroit notre dévotion au Saint Sacrement.

 

À la vue d’un pauvre fidèle, dites-vous que c’est un autel que vos yeux contemplent
Le Christ nous a invités à sa table, il nous a vêtus, quand nous étions nus, et nous ne l’accueillons pas quand il passe.
Il nous a fait boire à sa coupe, et nous lui refusons un verre d’eau fraîche.

infographie-carte-europe-sdf-01 autel dans Communauté spirituelleEh bien ! Vous honorez cet autel parce qu’il supporte le corps du Christ, et pour l’autel qui est le corps du Christ, vous l’outragez, et quand il tombe en ruines, vous passez sans regarder. Cet autel, vous pourrez le voir partout, dans les ruelles, et dans les places, et il n’est pas de jour où vous ne puissiez y offrir un sacrifice à toute heure, car sur cet autel le sacrifice s’offre aussi.

Et de même que le prêtre, debout à l’autel, fait venir le Saint-Esprit, de même, vous aussi, vous le faites venir ce Saint-Esprit, non par des paroles, mais par des actions. Car il n’est rien qui alimente, qui embrase le feu du Saint-Esprit, comme cette huile de l’aumône largement répandue. Tenez-vous à savoir encore ce que deviennent les largesses épanchées par vous, approchez, je vous montrerai tout. Quelle est la fumée ? Quelle est la bonne odeur que cet autel exhale ? C’est la gloire, avec les bénédictions. Et jusqu’où monte-t-elle cette fumée ? Jusqu’au ciel ? Non, elle ne s’y arrête nullement ; elle s’élève bien au-dessus du ciel, elle va plus haut encore ; jusqu’au trône même du Roi des Rois. « Car - dit l’Écriture - vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’à la présence de Dieu » (Ac 10,4). La bonne odeur qui flatte les sens ne traverse pas une grande partie de l’air,  alors que le parfum de l’aumône pénètre à travers les plus hautes voûtes des cieux. Vous gardez le silence, mais votre œuvre fait entendre un grand cri. C’est un sacrifice de louange ; il n’y a pas de génisse égorgée, de peau dévorée par la flamme, c’est une âme spirituelle qui apporte tous ses dons : sacrifice incomparable, surpassant tout ce que peut faire l’amour pour les hommes.

Donc à la vue d’un pauvre fidèle, dites-vous que c’est un autel que vos yeux contemplent.

À la vue d’un mendiant, qu’il ne vous suffise pas de ne pas l’outrager, soyez encore saisi de respect. Que si vous voyez qu’on l’outrage, empêchez, repoussez cette injure. C’est ainsi que vous pourrez vous rendre Dieu propice, et obtenir les biens qui nous sont annoncés. Puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Jean Chrysostome, Homélie XX sur 2Co 9, 10-15

 

Ce temple-là a plus de valeur que l’autre
« Tu veux honorer le Corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Ne l’honore pas ici dans l’église, par des tissus de soie, tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : “Ceci est mon Corps” (1 Co 11,24), et qui l’a réalisé en le disant, c’est lui qui a dit : “Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger” (Mt 25,42), et aussi : “Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait“ (Mt 25,45). Ici le Corps du Christ n’a pas besoin de vêtements, mais d’âmes pures ; là-bas, il a besoin de beaucoup de sollicitude. »

Apprenons donc à vivre selon la sagesse et à honorer le Christ comme il le veut lui-même. Car l’hommage qui lui est le plus agréable est celui qu’il demande, non celui que nous-mêmes choisissons. Lorsque Pierre croyait l’honorer en l’empêchant de lui laver les pieds, ce n’était pas de l’honneur, mais tout le contraire. Toi aussi, honore-le de la manière prescrite par lui en donnant ta richesse aux pauvres. Car Dieu n’a pas besoin de vases d’or mais d’âmes qui soient en or.

Je ne vous dis pas cela pour vous empêcher de faire des donations religieuses, mais je soutiens qu’en même temps, et même auparavant, on doit faire l’aumône. Car Dieu accueille celles-là, mais bien davantage celle-ci. Car, par les donations, celui qui donne est le seul bénéficiaire mais, par l’aumône, le bénéficiaire est aussi celui qui reçoit. La donation est une occasion de vanité ; mais l’aumône n’est autre chose qu’un acte de bonté.

trois calice d'or

Quel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de misère ? Commence par rassasier l’affamé et, avec ce qui te restera, tu orneras son autel. Tu fais une coupe en or, et tu ne donnes pas un verre d’eau fraîche ? Et à quoi bon revêtir la table du Christ de voiles d’or, si tu ne lui donnes pas la couverture qui lui est nécessaire ? Qu’y gagnes-tu ? Dis-moi donc : Si tu vois le Christ manquer de la nourriture indispensable, et que tu l’abandonnes pour recouvrir l’autel d’un revêtement précieux, est-ce qu’il va t’en savoir gré ? Est-ce qu’il ne va pas plutôt s’en indigner ? Ou encore, tu vois le Christ couvert de haillons, gelant de froid, tu négliges de lui donner un manteau, mais tu lui élèves des colonnes d’or dans l’église en disant que tu fais cela pour l’honorer. Ne va-t-il pas dire que tu te moques de lui, estimer que tu lui fais injure, et la pire des injures ?

Pense qu’il s’agit aussi du Christ, lorsqu’il s’en va, errant, étranger, sans abri ; et toi, qui as omis de l’accueillir, tu embellis le pavé, les murs et les chapiteaux des colonnes, tu attaches les lampes par des chaînes d’argent ; mais lui, tu ne veux même pas voir qu’il est enchaîné dans une prison. Je ne dis pas cela pour t’empêcher de faire de telles générosités, mais je t’exhorte à les accompagner ou plutôt à les faire précéder par les autres actes de bienfaisance. Car personne n’a jamais été accusé pour avoir omis les premières, tandis que, pour avoir négligé les autres, on est menacé de la géhenne, du feu qui ne s’éteint pas, du supplice partagé avec les démons.
Par conséquent, lorsque tu ornes l’église, n’oublie pas ton frère en détresse, car ce temple-là a plus de valeur que l’autre.

Jean Chrysostome, Homélie sur l’Évangile de Matthieu

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Dieu t’a donné cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » (Dt 8, 2-3.14b-16a)

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. »

PSAUME
(Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20)
R/ Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! (Ps 147, 12a)

Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion !
Il a consolidé les barres de tes portes,
dans tes murs il a béni tes enfants.

Il fait régner la paix à tes frontières,
et d’un pain de froment te rassasie.
Il envoie sa parole sur la terre :
rapide, son verbe la parcourt.

Il révèle sa parole à Jacob,
ses volontés et ses lois à Israël.
Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ;
nul autre n’a connu ses volontés.

DEUXIÈME LECTURE
« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps » (1 Co 10, 16-17)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, la coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.

SÉQUENCE

Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges »

Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il devient  le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

ÉVANGILE
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51.58)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
 En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

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28 mai 2023

Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?

Homélie pour le Dimanche de la fête de la Trinité / Année A
04/06/2023

Cf. également :
La structure trinitaire de l’eucharistie
La Trinité est notre programme social

Trinité économique, Trinité immanente
Les trois vertus trinitaires
Vivre de la Trinité en nous
La Trinité, icône de notre humanité
L’Esprit, vérité graduelle
Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

Sur les chemins noirs
Sur les chemins noirs
Le film sorti en mars 2023 adapte à l’écran le roman éponyme de Sylvain Tesson, sorti en 2016. On y suit la marche en travers de la France d’un homme qui a vu sa vie basculer, littéralement, après une chute d’un balcon d’immeuble lors d’une soirée parisienne trop arrosée… Fracassé de partout, le corps en miettes, il voit également voler en éclats son couple, son mode de vie de bobo parisien gâté, superficiel et léger… Plusieurs mois de marche seront pour lui comme un reset informatique : il cherche à se retrouver lui-même en se perdant sur des chemins qui n’existent plus sur les cartes, les fameux chemins noirs qui pourtant permettent de traverser la France dans toute la splendeur de ses paysages sauvages.

On retrouve dans son livre nombre des motivations de ceux qui prennent la route pour marcher, dans une sorte de pèlerinage sans transcendance.
Sylvain Tesson voulait :
- réparer son corps fracturé en miettes. La marche serait une guérison.
- fuir le progrès technique envahissant, et retrouver la belle France loin des artifices
- surmonter le deuil de sa mère qui visiblement l’obsédait depuis longtemps
- redevenir libre, quitte à provoquer le départ de sa compagne d’avant
- écrire, écrire, jour après jour, comme les Pères Blancs en Afrique tenaient leur diaire en notant soigneusement les évènements et ce que cela leur s’inspirait
- refaire à l’envers l’itinéraire de sa vie (les flash-backs sont omniprésents), comme si la réparation du corps nourrissait la réparation de l’esprit
- partager un bout de route avec sa sœur, un ami, des inconnus croisés sur les chemins noirs pendant quelques jours…
Jean Dujardin est comme d’habitude formidable dans ce film. Le rythme en est très lent, rempli des méditations métaphysiques et philosophiques de l’auteur, un brin intello donc malgré les paysages superbes traversés (du Mercantour à La Hague). Il en bave, littéralement (crise d’épilepsie en route !), mais il s’accroche…

Ils sont des milliers comme Sylvain Tesson à marcher sur des chemins intérieurs inconnus, tout en se dirigeant vers Saint-Jacques-de-Compostelle, ou Rome ou Jérusalem, ou tout simplement le long des côtes et des forêts. Ils sont les vivants témoins d’une aspiration spirituelle que la vie artificielle des villes et leur confort ne peut combler. Ces aventuriers des profondeurs intimes n’iront pas forcément chercher du côté des grandes religions ou institutions officielles. Mais ils sont mus par un dynamisme plus grand qu’eux-mêmes. Dieu serait peut-être un trop gros mot pour eux, alors que la dimension spirituelle leur est familière. Liturgie, rituels, Églises ou Évangile ne sont pas dans leur référentiel, mais la contemplation, l’émotion devant l’harmonie du monde et la communion avec lui font bien partie de leur démarche.

En cette fête de la Trinité, célébrer le Dieu Un en trois personnes peut nous inviter à distinguer différents portes d’entrée dans le mystère. Qui pourrait prétendre le posséder tout entier ? Il faut bien cheminer vers l’au-delà de tout. Et l’entrée est différente pour chacun, comme les 12 portes de la Jérusalem céleste.

 

1. Entrer en Dieu par l’intériorité
Trinité 3 portes d'entrée Esprit
C’est la voie de Sylvain Tesson sur les chemins noirs du Mercantour au Cotentin. C’est sans doute la vision privilégiée pour bon nombre de nos contemporains en Europe. Lassés de la transcendance des pouvoirs autoritaires non démocratiques, méfiants envers les récupérations de toutes sortes, ils cherchent une réconciliation intérieure, une unité personnelle, une harmonie avec l’univers. L’hypersensibilité écologique actuelle - qui se traduit chez les jeunes par une surprenante éco-anxiété presque pathologique - remet à l’honneur des thèmes qui ont bien des résonances avec le patrimoine monastique, mystique et patristique chrétien. Ainsi la communion avec la nature, la continuité du vivant, le respect de toute forme d’existence, l’intuition d’un ordre naturel à préserver, la redécouverte d’une sobriété presque franciscaine etc.

Les discours souvent nébuleux des gourous en développement personnel et autres  techniques de bien-être reprennent sans le savoir des éléments de la spiritualité des Pères du désert, de la mystique rhénane, des béguines du Nord ou des grandes figures de l’aventure intérieure chrétienne (la nuit de la foi de Saint Jean de la Croix, le château de l’âme de Thérèse d’Avila, la petite voie de l’enfance de Thérèse de Lisieux, la sobriété heureuse de François d’Assise etc…).

Ces courant de quête intérieure ne signeraient pas forcément pour être appelés « spirituels ». Pourtant, c’est bien l’Esprit de Dieu qui suscite en eux inquiétude, soif d’absolu, désir d’unité et recherche d’harmonie. Car l’Esprit est l’unité des Trois, et la communion qu’il réalise entre le Père et le Fils est l’autre nom de l’harmonie dont ont soif les marcheurs sur les chemins noirs.

C’est le même Esprit qui affleure à la surface d’une émotion musicale, ou plus largement artistique. L’art a cette capacité de bouleverser les certitudes, de laisser transparaître l’infini, d’annoncer qu’il y a en l’homme et autour de lui de l’infiniment grand.

C’est l’Esprit encore qui est à l’œuvre dans la rationalité si pointue de nos technologies récentes. Les meilleurs physiciens vous le diront : les sciences du XXI° siècle réintroduisent de la liberté, de l’imprévisible, de l’étonnement et même de l’émerveillement devant le réel plus complexe que nos représentations, jouant à cache-cache avec nous comme Dieu avec Élie sur le mont Carmel.

Ajoutons que cette porte d’entrée en Dieu qu’est la spiritualité sous toutes ses formes a  l’immense mérite aujourd’hui d’être féminine. En effet, l’intériorité, la communion, le ‘care’, l’accueil au lieu de la prédation, tout cela relève d’une symbolique plutôt féminine. Et en hébreu, n’oublions jamais que l’Esprit est féminin : la « Ruah YHWH » – souffle divin – est répandue sur toute chair et informe la vie de Dieu en chacun.

Enfin, nul doute que l’évangélisation des immenses Inde et Chine devra mettre en avant cette porte d’entrée spirituelle : les sagesses millénaires de ces deux tiers de l’humanité sont comme des préparations évangéliques sur lesquelles planter, semer et récolter.

 

2. Entrer en Dieu par la fraternité
Trinité 3 portes d'entrée FilsCette porte d’entrée est plus familière aux générations de la deuxième moitié du siècle dernier. C’est celle des combats pour la justice sociale dans lesquels nous avons vu le Royaume de Dieu se rapprocher. C’est celle de la fraternité universelle, que la mondialisation libérale a trahie mais dont le rêve ne peut pas disparaître. C’est la voie royale de tous ceux que la figure historique du Christ éblouit par son audace, son humanité, son courage, sa vérité anthropologique. On espère toujours des prophètes pour notre temps, et les Évangiles n’ont rien perdu de cette force prophétique-là, capable de renverser les puissants de leur trône et d’élever les humbles. En Jésus de Nazareth, l’amour du prochain conduit à l’amour de Dieu et réciproquement.

La compassion sociale, les combats pour le logement, la santé, la dignité des plus pauvres etc. sont toujours portés à bout de bras par les innombrables associations chrétiennes. Même l’État-providence doit reconnaître que ce souci du vivre ensemble lui a en partie été légué par le christianisme, qui parle du sacrement du frère indissociable de celui de l’autel.

L’aspiration à la fraternité est universelle. Elle est le signe de notre vocation à nous retrouver tous en Christ : faire corps avec lui nous rend solidaires les uns des autres, et réciproquement.

Entrer en Dieu par la fraternité demeure le tapis rouge déroulé sous les pieds de ceux qui se battent pour l’homme, tout l’homme, tous les hommes.

 

3. Entrer en Dieu par la transcendance
Trinité 3 portes d'entrée PèreC’est la porte d’entrée traditionnelle des civilisations antiques. Fascinées par le soleil, la foudre ou la puissance vitale, les religions d’autrefois situaient les dieux au-dessus, dans un autre monde, plus grands que l’homme. Les monothéismes ont canalisé cette peur du sacré,  et le judaïsme a consacré Dieu comme le Tout-autre, l’ineffable, le plus grand que tout, celui dont on ne peut prononcer le nom : YHWH. L’islam a repris cette proclamation du Dieu unique, en l’appauvrissant quelque peu puisque l’Esprit de Dieu de la Genèse – la Ruah YHWH - n’est plus connue dans le Coran.

La grandeur de la Création, de l’esprit humain, les merveilles de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit sont encore en Occident des voies d’initiation au divin. L’homme passe l’homme, disait Pascal : l’humanisme occidental n’en finit pas de s’émerveille de la grandeur de l’esprit humain. Et les scientifiques pointant leurs télescopes vers l’origine de l’univers  où explorant les interactions quantiques en ressortent troublés, interrogatifs : d’où vient la grandeur de ce qui nous entoure ?

Transcendance, altérité, différence : tous ceux qui sont sensibles à ces dimensions du vivant, du réel, ne sont pas loin de découvrir le Dieu-Père de la Bible, irréductible à toute projection humaine, si grand et pourtant si proche…

 

Trois accès à la déité
Ces 3 portes d’entrée conduisent, par des chemins différents, à expérimenter peu à peu la vie de Dieu, la vie en Dieu. Ce que les orthodoxes appellent la divinisation, selon la belle définition de Pierre : « de la sorte nous sont accordés les dons promis, si précieux et si grands, pour que, par eux, vous deveniez participants de la nature divine » (2P 1,4).

Au XIV° siècle, Maître Eckhart a proposé d’appeler déité ce fonds commun aux 3 personnes de la Trinité. La déité est la nature divine, faite de communion, d’amour, de relation, qui unit le Père et le Fils dans le baiser commun de l’Esprit [1]. La déité est la présence de Dieu en nous, qui nous permet de participer à la vie divine et de devenir un avec lui.

On peut risquer alors une schématisation d’ensemble des 3 accès à la déité évoqués plus haut :

Trinité 3 portes d'entrée

Bien sûr, il faudrait également explorer les interactions entre ces 3 chemins, car celui qui avance sur une de ces voies se rapproche nécessairement des deux autres. L’Esprit nous révèle le Père qui nous dévoile le Fils. Le Fils n’est rien sans son Père, et l’Esprit est commun aux deux etc.

Il nous suffit pour ce dimanche de méditer sur notre propre perception de la Trinité : à quelle dimension parmi les 3 suis-je le plus sensible ? Comment m’ouvrir aux deux autres ?
Et pour mes proches, ceux dont je suis responsable : quelle porte leur ouvrir ? Comment me mettre au service de leur chemin à eux vers Dieu, qui n’est pas le mien ?

 


[1]. En islam, la notion de déité est exprimée à travers le concept de tawhid, qui se traduit littéralement par « unicité » ou « unité ». Tawhid est considéré comme le fondement de la foi islamique, et il affirme que Dieu est un et unique, sans aucun associé ni égal. Ainsi, bien que le concept de déité ne soit pas explicitement utilisé en islam, le concept de tawhid exprime une notion similaire d’une réalité divine unique et absolue, qui est au-dessus de tout ce qui existe et qui est la source de toute création.

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux » (Ex 34, 4b-6.8-9)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il emportait les deux tables de pierre. Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là, auprès de Moïse. Il proclama son nom qui est : LE SEIGNEUR. Il passa devant Moïse et proclama : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna. Il dit : « S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la nuque raide ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. »

CANTIQUE
(Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56)
R/ À toi, louange et gloire éternellement ! (Dn 3, 52)

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères : R/
Béni soit le nom très saint de ta gloire : R/
Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire : R/

Béni sois-tu sur le trône de ton règne : R/
Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes : R/
Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim : R/
Béni sois-tu au firmament, dans le ciel, R/

DEUXIÈME LECTURE
« La grâce de Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit » (2 Co 13, 11-13)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous. Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix. Tous les fidèles vous saluent.
Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.

ÉVANGILE
« Dieu a envoyé son Fils, pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-18)
Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Patrick BRAUD

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18 mai 2023

Je viens vers toi…

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Je viens vers toi…

Homélie pour le 7° Dimanche de Pâques / Année A
21/05/2023

Cf. également :
Le confinement du Cénacle
Ordinaire ou mortelle, la persécution
Dieu est un trou noir
Le dialogue intérieur

Le voilà, il arrive !
Je viens vers toi… dans Communauté spirituelle 399px-Voilier_sous_spi_%281%29
Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin,
Et part vers l’océan.
Il est la beauté, il est la vie.

Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon côté dit :
« Il est parti ! »
Parti vers où ?
Parti de mon regard, c’est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
Sa coque a toujours la force
De porter sa charge humaine.
Sa disparition totale est en moi, pas en lui.
Et juste au moment où quelqu’un près de moi dit :
« Il est parti ! »,
Il y en a d’autres qui le voyant poindre à l’horizon
Et venir vers eux s’exclament avec joie :
« Le voilà ! »
C’est ça la mort !
Il y a des vivants sur les deux rives.

Ce beau texte sur le franchissement de la ligne d’horizon est parfois choisi pour la célébration d’obsèques. Et c’est vrai qu’il évoque avec force la double émotion liée à la mort : l’émotion de ceux qui voient disparaître au loin la frêle silhouette de l’être aimé, l’émotion des autres qui sur la courbure du temps voient pointer le mât d’un nouveau compagnon…
Le départ d’un côté promet une arrivée de l’autre.
Les uns pleurent : tu t’en vas. Les autres se réjouissent : tu nous rejoins !
Le capitaine au large se retourne et dit au port : je pars sans retour. Puis il se poste en vigie sur la proue et crie à l’horizon : je viens vers toi !

 

Le Gethsémani johannique
On raconte que les derniers mots du président Mitterrand sur son lit de mort furent : « enfin je vais savoir ». L’énigme de la mort le fascinait depuis son jeune âge, et ce grand intellectuel cultivé avait hâte de trouver la réponse à sa question irrésolue.

JEZUS W OGRÓJCU

Jésus de Nazareth, lui, à la veille de sa mort, ne parle pas en intellectuel curieux de savoir, mais en enfant bien-aimé dont le désir est de ne faire qu’un avec la source de son existence : « je viens vers toi, Père très saint ». Le chapitre 17 de l’Évangile de Jean lu ce dimanche constitue l’équivalent de l’agonie à Gethsémani chez les trois autres évangiles. Car c’est un combat (agôn en grec) de demeurer fidèle au travers de la tentation de tout abandonner. L’ombre du supplice qui s’approche rend le danger effrayant. Jésus sait que son heure est venue, qu’on va le déshonorer en le traitant de criminel, d’impie, de rebelle, et que la double condamnation juive et romaine va l’humilier au point de le rayer officiellement des héritiers de la promesse faite aux descendants d’Abraham. « Maudit soit qui pend au gibet » : la vieille malédiction du Deutéronome (Dt 21,23 ; Ga 3,13) le terrorise. Ne pourrait-on pas faire autrement ? La puissance divine qui l’accompagne jusque-là ne peut-elle pas lui éviter ce naufrage ? Jésus est profondément troublé, note Jean, et s’interroge. Alors il a le réflexe de se tourner vers Celui qui est sa raison d’être. Et il réaffirme le mouvement qui est le cœur de son identité : « je viens vers toi ».
« Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. [...] Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. » (Jn 17,11.13)

C’était déjà le mouvement de son incarnation, dès sa conception :
« En entrant dans le monde, le Christ dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Tu n’as pas agréé les holocaustes ni les sacrifices pour le péché ; alors, j’ai dit : Me voici, je viens, mon Dieu, pour faire ta volonté » (He 10,5-7)

Aller vers l’autre est ce qui constitue Jésus comme Fils de Dieu. Cette identité de mouvement qu’il détient par nature, de manière unique, il nous la communique gracieusement : nous sommes faits pour aller vers l’autre, dans l’amour. D’ailleurs, la Bible emploie souvent l’expression « aller vers » pour exprimer l’élan amoureux qui unit l’homme et la femme.
Ainsi Juda donnera un enfant à Tamar déguisée en prostituée :
« Il se dirigea vers elle, au bord du chemin, et dit : ‘Permets donc que j’aille avec toi‘. En effet, il n’avait pas reconnu sa bru. Elle répondit : ‘Que me donneras-tu pour aller avec moi ?’ » (Gn 38,16).
Et Jacob demande à son beau-père de pouvoir enfin s’unir à Léa :
« Jacob dit alors à Laban : ‘Donne-moi ma femme car les jours que je te devais sont accomplis et je viens à elle‘ » (Gn 29,21).
C’est cette même expression qui sert également à Dieu pour évoquer son élan d’amour envers Jérusalem, pauvre et délaissée des puissants de ce monde :
Dieu à Jérusalem : « Je venais à toi, et je t’ai vue : tu avais atteint l’âge des amours. J’étendis sur toi le pan de mon manteau et je couvris ta nudité. Je me suis engagé envers toi par serment, je suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu – et tu as été à moi » (Ez 16,8).
Yahvé annonce aussi aux montagnes d’Israël qu’elles seront à nouveau couverte de récoltes, grâce au retour d’exil qu’il va bientôt accomplir pour le peuple déporté à Babylone :
« Oui, je viens vers vous, je me tourne vers vous : vous serez cultivées, vous serez ensemencées » (Ez 36,9).
Sans ce parallélisme, l’amour humain pourrait-il être sacrement de l’amour divin ?

Aller vers l’autre est la clé de notre divinisation avec le Christ, par lui et en lui.
Jésus de Nazareth n’a pas cessé d’aller vers : vers les mendiants, les collabos, les prostituées, les criminels, les riches, les trop religieux comme les sans Dieu etc… Toujours en mouvement sur les chemins de Palestine, il laissa ce mouvement intérieur vers son Père se traduire à l’extérieur en initiatives surprenantes envers ses frères. Parce qu’il était tout entier tendu vers son Père, il n’avait de cesse d’entrer en communion avec tous ceux et celles qui avaient soif de devenir comme lui enfants de Dieu. Aussi sa dernière parole donnant sens à Gethsémani – et bientôt au Golgotha - sera : « et moi je viens vers toi, Père très saint… »

Je viens vers toi
Faisons nôtre ce combat intérieur de Jésus pour devenir fidèle au mouvement spirituel qui nous constitue fils et filles de Dieu.

banniere_nl_-texte_du_j._26_05 Gethsémani dans Communauté spirituelleJe viens vers toi, Père très saint.
De visage en visage,
tant de rencontres me rapprochent de toi !
Tant d’événements deviennent des étapes :
les plus heureux anticipent la réalisation de la promesse,
les plus douloureux me tournent vers ton Christ à Gethsémani,
les plus ordinaires bruissent comme le murmure des vagues à la marée montante.
 
Je viens vers toi en lisant ce qui m’émeut,
en écoutant la musique qui me bouleverse,
en m’émerveillant devant l’océan insondable ou les cités prodigieuses.
 
Je viens vers toi lorsque, avec Pierre, le chant d’un coq m’inonde de tristesse.
 
Je viens vers toi en scrutant l’Écriture pour y entendre une parole m’emmenant plus loin,
en participant comme je peux aux combats pour la justice autour de moi,
en pleurant avec ceux qui pleurent,
en visitant les desséchés de solitude…
 
Je viens vers toi dans la force de l’Esprit
lorsqu’il me déroute, m’emmène ailleurs,
gonfle mes voiles d’un élan inconnu.
 
Je viens vers toi avec le poids des ans,
lorsque mon corps m’alerte et m’alarme,
et que les générations au-dessus s’effacent l’une après l’autre.
 
Je viens vers toi quand je n’ai plus d’autre désir que celui d’être en toi,
quand les soucis d’argent, de carrière, de santé et même de famille
sont déposés en toi qui prends soin de chacun ;
quand je me tiens, silencieux et immobile, ancré dans ton intimité ;
quand changer d’activité revient à quitter Dieu pour Dieu.
 
Puisque ce mouvement n’a cessé de me faire grandir d’âge en âge,
la mort ne pourra l’interrompre.
Au moment de partir loin des choses familières, loin des êtres proches,
au bout du combat intérieur,
puissè-je dire – même dans les larmes – avec Jésus de Gethsémani :
je viens vers toi…

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière » (Ac 1, 12-14)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
Les Apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent à Jérusalem depuis le lieu-dit « mont des Oliviers » qui en est proche, – la distance de marche ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat. À leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.

PSAUME
(Ps 26 (27), 1, 4, 7-8)
R/ J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. ou Alléluia ! (Ps 26, 13)

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie,
pour admirer le Seigneur dans sa beauté
et m’attacher à son temple.

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

 

DEUXIÈME LECTURE
« Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous » (1 P 4, 13-16)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. Que personne d’entre vous, en effet, n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme agitateur. Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu pour ce nom-là.

ÉVANGILE
« Père, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1b-11a)
Alléluia. Alléluia. Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur ; je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. Alléluia. (cf. Jn 14, 18 ; 16, 22)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.
Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »
Patrick BRAUD

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7 mai 2023

Philippe à la mêlée, Pierre à l’ouverture

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Philippe à la mêlée, Pierre à l’ouverture

Homélie pour le 6° Dimanche de Pâques / Année A
14/05/2023

Cf. également :
Passons aux Samaritains !
L’agilité chrétienne
Fidélité, identité, ipséité
Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous
Se réjouir d’un départ
Le Paraclet, l’Église, Mohammed et nous

Philippe à la mêlée, Pierre à l’ouverture dans Communauté spirituelle

De l’importance vitale des charnières
Lors du match France-Galles du Tournoi des six Nations le 18/03/23, les numéros 9 Antoine Dupont et 10 Romain Ntamack ont fêté leur 26° titularisation ensemble, un record ! Les deux complices du Stade toulousain forment ce que le monde de l’ovalie appelle une charnière. Charnière bien nommée, car c’est grâce à cette paire que le jeu bascule des lignes avant aux lignes arrières.

Les appeler « demi », c’est souligner que chacun a besoin de l’autre !
Le demi de mêlée va fouiller dans les regroupements pour extraire la balle qu’il passera à son demi d’ouverture, chargé de lancer l’attaque à la main jusqu’à l’aile, ou de taper au pied pour aller occuper le camp adverse, ou de repiquer dans l’axe pour avancer avec les avants.

Il existe bien des charnières célèbres dans l’histoire du rugby ! Pour la France on se souvient de Pierre Lacroix & Pierre Albaladejo, Lilian & Guy Camberabero, Jacques Fouroux & Jean-Pierre Romeu, Jérôme Gallion & Alain Caussade etc. Mais aussi de Gareth Edwards & Phil Bennett (Galles), Peter Stringer & Ronan O’Gara (Irlande), Connor Murray & Jonathan Sexton (Irlande, 67 sélections !), Piri Weepu & Dan Carter (Nouvelle Zélande), George Gregan & Stephen Larkham (Australie), Faf de Klerk & Handré Pollard (Afrique du Sud).

Bref : capitaliser sur l’effort de conquête des avants et ouvrir le jeu jusqu’aux arrières nécessite une charnière solide, inspirée ! Il se pourrait bien que cela nous aide à comprendre le sens de notre première lecture…


La charnière de Samarie
 Esprit dans Communauté spirituelle
Luc était peut-être un fan assidu des compétitions de rugby en Israël ! Notre première lecture (Ac 8,5-8.14-17) raconte en effet le travail du diacre Philippe en pleine mêlée samaritaine, puis l’intervention de Pierre à qui Philippe passe le relais pour ouvrir l’Église à ces hérétiques mal famés ! En excellent numéro 9, Philippe se démène pour arracher la balle des mains de Simon le Magicien qui subjuguait les foules autour du mont Garizim. Notons d’ailleurs que Philippe est le premier, avant les Douze, à s’aventurer en territoire adverse : comme quoi les apôtres ne sont pas toujours à la pointe de l’évangélisation ! Ils doivent pouvoir compter sur des défricheurs, des aventuriers qui les précèdent en terrain inconnu.

Pierre et Jean arriveront à point, comme des seconds couteaux – ou des secondes lames si l’on préfère la publicité de Gillette G2 - pour conclure l’affaire, sceller l’œuvre de Philippe et en faire le bien commun de toute l’Église.

N’attendons donc pas tout des prêtres, diacres, évêques ou même du pape ! Il faut à l’Église des pionniers qui, tels des numéros 9 incisifs, vont plonger dans les mêlées culturelles, éthiques, économiques etc. de notre temps et en extraire des pistes d’action pour toute l’Église. Un peu à l’image des assemblées synodales qui font un gros travail d’écoute des signes des temps, de discernement, de créativité, et proposent ainsi au magistère des pistes pour ouvrir l’Église aux attentes contemporaines.

L’énigme de Samarie
Mais pourquoi diable séparer le baptême et l’Esprit Saint ? En effet, Philippe baptise les samaritains, mais Pierre et Jean constatent qu’ils n’ont pas encore reçu l’Esprit Saint. Ils s’empressent de leur imposer les mains que cela arrive. Cette séparation entre baptême et Esprit Saint est une énigme pour les exégètes. Plusieurs interprétations ont été explorées, qui nous intéressent par leur impact sur aujourd’hui.

a) L’Esprit souffle où il veut
vent Pentecôte
Les théologiens aiment bien lier le baptême et l’Esprit Saint de façon systématique et quasi mécanique. Mais les Actes des apôtres résistent à cette systématisation. En Samarie, on voit bien qu’on peut recevoir le baptême sans être réellement animé par l’Esprit Saint. Pensez à tous ceux qui demandent le baptême par routine, conformisme familial ou social, ou autrefois par peur de perdre leurs avantages. Pensez à tous ces bébés qu’on baptise et qui ne seront jamais ni catéchisés, ni confirmés ni eucharistiés. Suffirait-il de recevoir le baptême pour vivre de l’Esprit, par l’Esprit et dans l’Esprit ? La confirmation catholique, donnée des mois après le baptême des enfants, est la trace de cette hésitation : le baptême ne suffit pas, il faut une plénitude, une adhésion entière, une maturité de la foi qui n’est pas totalement présente au début.

Les Actes des apôtres connaissent également un autre décalage entre baptême et Esprit Saint, mais en sens inverse, quand l’Esprit précède le baptême. En effet, Pierre – toujours lui – constate que le centurion romain Corneille et sa famille ont déjà reçu l’Esprit à Césarée bien avant qu’il ne se décide enfin à baptiser ces païens incirconcis ! « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » (Ac 10,47)
Saint Augustin commente en rappelant l’absolue liberté de l’Esprit Saint qui n’est lié par aucune action humaine, pas même le baptême ou tout autre sacrement :

« Où sont ceux qui disaient que c’est une puissance d’homme qui confère l’Esprit-Saint ? Pendant que Pierre annonçait l’Évangile, Corneille et tous les gentils qui l’écoutaient avec lui se convertirent à la foi ; et tout à coup, avant même de recevoir le baptême, ils furent remplis du Saint-Esprit. Que répondra ici la présomption humaine? Ce n’est pas seulement avant l’imposition des mains, c’est même avant le baptême que l’Esprit-Saint est descendu. Ainsi prouve-t-il sa puissance et non sa dépendance. Pour trancher la question relative à la circoncision, il vient avant la purification du baptême. Des esprits chagrins ou ignorants auraient pu dire à l’Apôtre : Tu as mal fait ici de donner le Saint-Esprit. Mais voilà que s’est accomplie, que s’est réalisée clairement cette parole du Seigneur : « L’Esprit souffle où il veut ». Voilà qu’il est démontré manifestement et par l’effet même combien le Seigneur a eu raison de dire : ‘L’Esprit souffle où il veut’ ».

Résumons-nous : il peut y avoir des baptisés qui ne vivent pas de l’Esprit Saint, et des non-baptisés qui en vivent ! Comme disait le même et génial Augustin en parlant de l’Église :
« il y en a qui se croient dedans et qui sont dehors, et d’autres qui se croient dehors alors qu’ils sont dedans »…
Étonnante liberté de l’Esprit, qui nous invite à ne pas fétichiser l’action sacramentelle, et donc à accorder une importance égale à la vie spirituelle !

b) Le baptême seul ne suffit pas pour arracher les croyances magiques de nos cœurs
p28sorcier Philippe
Quand on lit Ac 8 en entier (la lecture liturgique est hélas tronquée), on est frappé de l’importance que les samaritains accordent dans un premier temps au surnaturel : les signes accomplis par Philippe, les esprits impurs exorcisés, les paralysés et boiteux guéris, la puissance de Dieu – « la Grande ! » – agissant en Simon le Magicien etc. Ils sont stupéfaits, comme sidérés par les pratiques magiques de Simon ou les guérisons plus spectaculaires encore de Philippe. Ils suivent le gourou qui a cette puissance, Simon d’abord, puis Philippe. Même Simon « ne quittait plus Philippe » ! Ils croient parce qu’ils ont vu des miracles ; or Jésus se défiait de pareille adhésion : « beaucoup crurent en son nom à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous » (Jn 2,23-24). Le texte précise : « ils crurent en Philippe » (Ac 8,12) comme ils ont cru en Simon le Magicien. Or être chrétien, ce n’est pas changer de gourou !

À qui cela n’est-il pas arrivé de s’attacher d’abord à tel catéchiste, à tel prêtre ou religieuse, à tel chrétien ayant une aura charismatique ? Ce n’est pas négatif en soi si c’est le début d’une adhésion plus mature conduisant au Christ. Toujours l’histoire du doigt qui montre la lune !

Vient un moment où il nous faut passer d’une relation trop affective et magique à une communion plus vraie et plus ouverte. C’est tout le cheminement des catéchumènes adultes. En Samarie, c’est Pierre et Jean qui en imposant les mains aident les convertis à décoller de Philippe pour s’ouvrir à la dimension catholique (« kat-olon », selon le tout en grec = toute la foi, toute l’Église, partout) et pour renoncer à la dimension magique de leur foi naissante. L’œuvre de l’Esprit est ici de purifier une foi encore trop engluée dans des superstitions et croyances magiques, ou dans un attachement trop personnel à Philippe.

Pensez aux pratiques superstitieuses qui prolifèrent encore dans nos paroisses (Perpignan et Draguignan ont par exemple organisé des processions pour faire tomber la pluie !).
Ou pensez encore à l’attachement malsain avec lequel des communautés nouvelles comme les Frères de Saint-Jean, les Légionnaires du Christ, les Fraternités monastiques de Jérusalem, l’Arche, les Béatitudes, les Bénédictines de Montmartre, l’ex-communauté de la Théophanie, l’abbaye de Sylvanès avec le P. Gouzes etc. ont vénéré leurs fondateurs aujourd’hui reconnus coupables des pires abus.

C’est pour cela qu’il faut quelqu’un de l’extérieur – Pierre jouant le rôle de demi d’ouverture - pour se saisir de la communauté naissante rassemblée par Philippe et l’ouvrir à la grande Église.

c) L’Esprit nous ancre fermement dans l’unité ecclésiale
1024px-Greco-Espolio-Lyon Pierre
La forte et rapide croissance d’une start-up est pleine de risques, nous apprennent les économistes. À grandir trop vite et trop fort, on risque d’investir trop et mal, d’embaucher trop et mal, de se disperser à produire tous azimuts en oubliant sa raison d’être…
Il en est de même pour l’Église : elle a grandi rapidement à partir de Jérusalem, selon le programme explicite donné par Jésus à ses apôtres : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).

Chaque étape de cette croissance a été franchie sous l’impulsion de l’Esprit : lors de la Pentecôte pour les juifs (Ac 2), avec Philippe, Pierre et Jean en Samarie (Ac 8), avec Pierre pour le passage aux païens dans la famille du centurion Corneille à Césarée (Ac 10) puis au ‘concile de Jérusalem’ (Ac 15). Trois ou quatre Pentecôtes successives, rythmant l’expansion demandée par le Ressuscité. À chaque fois, il aurait pu y avoir un schisme. Et en réalité il y en a eu : des juifs de stricte observance n’ont pas suivi après Pentecôte, des samaritains n’ont pas suivi Philippe et Pierre, l’adhésion des païens depuis Corneille a provoqué l’opposition et le départ de bien des judéo-chrétiens etc.

De même, après chaque concile un schisme s’est opéré. Le dernier était celui de Mgr Lefebvre suite à Vatican II. C’est donc quasiment une loi historique que chaque étape de croissance nette de l’Église suscite des réactions de séparation abîmant l’unité ecclésiale. Le rôle de l’imposition des mains en Samarie est de conjurer ce risque dès sa naissance : l’intervention des apôtres de Jérusalem va ancrer fermement les samaritains dans la grande Église, les détournant de l’envie de fonder une Église à part, une communauté trop liée aux seuls aspects ethniques ou nationaux. On a déjà dit ailleurs que c’est un peu le péché originel des Églises orthodoxes : être tellement liées au pouvoir politique local, à leur culture, à leur nation qu’elles en deviennent littéralement autocéphales, et capables de soutenir un empereur byzantin parce qu’il est orthodoxe ou un tyran russe parce qu’il est russe…

Les catholiques ont noté quant à eux la présence de Pierre à chacune de ces trois grandes étapes de la croissance ecclésiale dans les Actes.
Un évangélique commente [1] :

« Chaque fois, c’est Pierre qui préside. C’est lui à la Pentecôte ; c’est lui qu’on doit attendre à Samarie ; c’est lui que Dieu fait chercher par les gens de Corneille. Après cela, il ne sera plus guère question de lui dans le livre des Actes. A la mémoire remonte alors une promesse de Jésus : « Je te donnerai les clés du Royaume des Cieux » (Mt 16,19). Son privilège de « majordome » de la maison du Seigneur, Pierre ne l’a-t-il pas exercé dans sa mission historique d’ouverture ? Oui, il a ouvert la porte du Royaume : aux Juifs, puis aux Samaritains, puis aux païens. Pierre, le représentant du collège tout entier associé au Christ pour former le fondement de l’Église s’est trouvé là les trois fois : « vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondations les Apôtres et les prophètes ; et la pierre angulaire, c’est le Christ Jésus lui-même » (Ep 2,20) ».

image rugbyVoilà le rôle du pape encore actuellement : garantir l’unité de la grande Église en récoltant les inspirations venant des Églises locales tout en les intégrant dans une communion plus vaste, catholique. Par exemple le rite zaïrois est légitime pour célébrer la messe, afin de tenir compte du génie spirituel africain, à condition de ne pas en faire une exclusive ou un dénigrement des autres liturgies. Le diaconat permanent est légitimement rétabli en Occident, pas en Afrique, tout aussi légitimement. Chaque Église locale doit reconnaître la catholicité de l’autre, et Pierre – le pape – préside à la communion entre elles, pour que ne soit pas déchirée la tunique du Christ, l’unité des Églises. C’est le même processus dans un diocèse : l’évêque doit veiller à ce que les charismes de chaque mouvement, communauté ou paroisse s’intègrent dans un bien commun où l’on conjugue différences et communion.

Quelle que soit l’interprétation qui vous satisfait le plus parmi les trois évoquées ci-dessus, l’essentiel est de jouer notre rôle charnière : comme un numéro 9, extraire les pépites enfouies sous l’ensevelissement des débats qui nous traversent, et transmettre au numéro 10 – les responsables ecclésiaux – les matériaux dont ils pourront faire des ouvertures, des percées indispensables à la marche en avant de toute l’Église, sans rupture d’unité.

Que l’Esprit de Pentecôte de Jérusalem, de Samarie ou de Césarée fasse de nous ces charnières que le « French flair » fait étinceler de génie, de courage, d’intelligence pour aller en « terre promise »… !

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LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint » (Ac 8, 5-8.14-17)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d’un même cœur, s’attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie.
Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ; en effet, l’Esprit n’était encore descendu sur aucun d’entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint. « C’est ainsi que Philippe, l’un des Sept, arriva dans une ville de Samarie, et là il proclamait le Christ. Les foules, d’un même cœur, s’attachaient à ce que disait Philippe, car elles entendaient parler des signes qu’il accomplissait, ou même les voyaient. Beaucoup de possédés étaient délivrés des esprits impurs, qui sortaient en poussant de grands cris. Beaucoup de paralysés et de boiteux furent guéris. Et il y eut dans cette ville une grande joie. Or il y avait déjà dans la ville un homme du nom de Simon ; il pratiquait la magie et frappait de stupéfaction la population de Samarie, prétendant être un grand personnage. Et tous, du plus petit jusqu’au plus grand, s’attachaient à lui en disant : ‘Cet homme est la Puissance de Dieu, celle qu’on appelle la Grande.’ Ils s’attachaient à lui du fait que depuis un certain temps il les stupéfiait par ses pratiques magiques. Mais quand ils crurent Philippe qui annonçait la Bonne Nouvelle concernant le règne de Dieu et le nom de Jésus Christ, hommes et femmes se firent baptiser. Simon lui-même devint croyant et, après avoir reçu le baptême, il ne quittait plus Philippe ; voyant les signes et les actes de grande puissance qui se produisaient, il était stupéfait. Les Apôtres, restés à Jérusalem, apprirent que la Samarie avait accueilli la parole de Dieu. Alors ils y envoyèrent Pierre et Jean. À leur arrivée, ceux-ci prièrent pour ces Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ; en effet, l’Esprit n’était encore descendu sur aucun d’entre eux : ils étaient seulement baptisés au nom du Seigneur Jésus. Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains, et ils reçurent l’Esprit Saint. » (Ac 8,5-17)

PSAUME

(Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20)
R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur ! ou : Alléluia ! (Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.

Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »
« Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom. »

Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.
Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.

Il règne à jamais par sa puissance.
Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;
Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

DEUXIÈME LECTURE
« Dans sa chair, il a été mis à mort ; dans l’esprit, il a reçu la vie » (1 P 3, 15-18)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, afin que vos adversaires soient pris de honte sur le point même où ils disent du mal de vous pour la bonne conduite que vous avez dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si c’était la volonté de Dieu, plutôt qu’en faisant le mal. Car le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair ; mais vivifié dans l’Esprit.

ÉVANGILE
« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur » (Jn 14, 15-21)
Alléluia. Alléluia. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi. En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Patrick BRAUD

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