L'homélie du dimanche (prochain)

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24 mars 2012

Qui veut voir un grain de blé ?

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Qui veut voir un grain de blé ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Carême  25/03/2012

 

« Nous voulons voir Jésus »

Au commencement, il y a le désir…

Désir d’une rencontre vraie : « nous voulons voir Jésus ». Désir de la rencontre de l’autre, car entre les Grecs et les Juifs de l’époque, la différence doit être aussi radicale qu’entre Juifs et Palestiniens aujourd’hui… La vie chrétienne est placée sous le signe du désir  de l’autre, et plus précisément de la croissance  dans le désir de l’autre, croissance à laquelle Jésus nous appelle tout au long de notre existence.

 

Heureuses différences (même si elles sont de fait difficiles à assumer) qui sont le carburant de nos rencontres : « je veux voir l’autre … »

Dans la foi chrétienne, nous croyons que le visage de l’autre, lorsqu’il est désiré pour lui-même et non pas dans nos projections imaginaires, ce visage devient sacrement de la rencontre de Dieu. « Il est possible, à partir de l’autre relativement autre que nous voyons, de pressentir l’Autre absolument autre que nous ne voyons pas et appelons Dieu » [1]. Voilà pourquoi la recherche du visage de l’autre renvoie à Dieu lui-même.

 

Au IVème siècle, un évêque (Grégoire de Nysse) parlait déjà de cet infini du désir qui interdit de figer la course vers l’être aimé:

« Au fur et à mesure que quelqu’un progresse vers ce qui surgit toujours en avant de lui, son désir augmente lui aussi. Ainsi, à cause de la transcendance des biens qu’il découvre toujours à mesure qu’il progresse, il lui semble toujours n’être qu’au début de l’ascension. C’est pourquoi la Parole répète: ?Lève-toi’ à celui qui est déjà levé, et: ?Viens’ à celui qui est déjà venu. A celui qui se lève vraiment, il faudra toujours se lever. Celui qui court vers le Seigneur n’épuisera jamais le large espace pour sa course.

Ainsi celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencements en commencements, par des commencements qui n’auront jamais de fin ».

« Car c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer » [2]

 

« Nous voulons voir Jésus » est la vérité de nos propres recherches amicales : « je veux découvrir qui tu es ».

 

L’écho ecclésial

Qui veut voir un grain de blé ? dans Communauté spirituelle ricochetsEnsuite, il y a le jeu de l’écho, qui amplifie et répercute ce désir de l’autre. Les Grecs le disent à Philippe, qui le dit à André, et tous les deux le transmettent à Jésus. Mais c’est déjà l’Église qui apparaît là! L’Église, comme un réseau de liens fraternels, pour que la démarche de ceux qui cherchent aboutisse. Une sorte de Facebook à la puissance 10, et mieux encore, car ce sont ici des visages et pas seulement des écrans … L’Église est ce lieu où nous pouvons dire le manque qui nous habite, la soif qui nous tient, l’envie de vivre que nous creusons en la partageant avec des frères. L’Église est cette eau tendue qui soutient nos rebonds successifs dans la recherche de l’autre, jusqu’à faire ricocher jusqu’au nuages ce galet nommé désir…

Par la vie paroissiale ou par les pèlerinages, par des équipes de partage ou par la formation spirituelle et théologique, nous pouvons expérimenter la force de ce soutien fraternel. Continuons à tisser ces liens ecclésiaux : ils nous aideront à rester vigilants et confiants.

 

Du grenier à l’épi

L’Évangile nous dit ensuite que la rencontre entre les Grecs et Jésus a lieu pendant la  fête, c’est-à-dire la grande, l’unique fête de la Pâque.

Et là, l’histoire du grain de blé que nous propose Jésus est très parlante. Devenir chrétien, c’est suivre le chemin de ce grain de blé jeté en terre. C’est consentir à se laisser aimer pour ne plus vivre centré sur soi. C’est accepter de se laisser faire, comme le grain de blé, pour pouvoir porter du fruit. La mort et la Résurrection sont au coeur de tout amour, qui est pascal, comme elle est au coeur de l’amour du Christ, que nous allons célébrer dans l’eucharistie. En buvant ensemble à la même coupe, nous exprimons la dimension pascale de la vie chrétienne : aimer, c’est verser son sang, c’est livrer sa vie.

 

Pourtant, que de résistances mettons-nous avant d’accepter de lâcher-prise ainsi sur notre propre vie! Eh oui!, le petit grain de blé était plus tranquille a

Fiches_9122011_1120_448 blé dans Communauté spirituelle

vant, ?en père peinard’ dans son grenier, en tas avec les autres [3]. Un certain bonheur, qui était le nôtre, avant de nous laisser déranger par le Christ. Et pourtant, il nous manquait quelque chose, ou plutôt quelqu’un, et ce petit bonheur nous semblait trop petit, un peu étroit…

Un jour, on charge ce tas de grains de blé sur une charrette et on le sort dans la campagne. C’est le début de l’ouverture à l’autre, avec un petit côté excitant pas désagréable…: çà se passe bien, il y a plein de gens nouveaux à découvrir, tout en gardant sa liberté.

Puis on verse les grains sur la terre fraîchement labourée: petit frisson d’un contact plus personnel, d’une proximité avec un corps étranger à la fois inquiétant et attirant.

 

Puis on enfonce le grain de blé tombé en terre. Et là, le grain de blé se demande s’il n’a pas fait une grosse bêtise en se laissant conduire jusque là. Il ne voit plus rien, il n’entend plus rien, l’humidité le transperce jusqu’au dedans de lui-même… Le grain de blé qui, par la mort inévitable, est en train d’être transformé, de devenir ce qu’il doit être, c’est-à-dire un bel épi, regrette le grenier où en effet il était très heureux, mais heureux d’un petit bonheur humain. Sa tentation est alors de faire machine arrière, de céder à la panique, de refuser de se laisser faire. C’est dommage, car c’est précisément là que Dieu agit: le Dieu qui le transforme, pour le faire passer de l’état de grain à l’état d’épi, ce qui n’est possible que par une mort à soi-même et une nouvelle naissance. Dieu veut notre croissance, et il n’y a pas de croissance sans transformation.

Bien sûr, sur ce chemin de croissance, il faut savoir quitter. Au début, les pertes sont visibles et conséquentes: son indépendance, ses habitudes, quelque fois sa région, ses amis, sa famille… Avec le temps, elles deviennent plus subtiles, plus difficiles: quitter ses certitudes toutes faites, son égoïsme, sa nostalgie… Le Christ lui-même a dû se battre intérieurement pour ne pas abandonner ce chemin. « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion » ; il a supplié Dieu «  avec un grand cri et dans les larmes »  (He 5,7-9), car il n’imaginait que « faire la volonté » de son père irait jusqu’à un tel abandon, jusqu’à une telle déréliction. Il en est « bouleversé » (Jn 12,30) au plus profond de lui-même. Dans l’évangile de Jean, c’est ce passage qui tient lieu d’agonie à Gethsémani, ce qui en dit long sur le déchirement au plus intime qui fait hésiter Jésus.

Et en même temps, suivant cette voie pascale, il nous sera donné mystérieusement de faire l’expérience de la joie et de la fécondité de cette Pâque permanente : notre travail, nos engagements, nos familles nous rendront féconds, avec la même efficacité que l’épi par rapport au grain de blé: 100, 1000 pour 1 ! Un tel rendement mérite bien un investissement massif et sans réserve…

 

Vous voyez que l’histoire de ce grain de blé n’est pas seulement celle du Christ dans sa Pâque : c’est la nôtre, à tout âge, dès lors que exprimons le désir de « voir Jésus ».

Que l’Esprit du Christ nous inspire une confiance à toute épreuve, pour traverser sans découragement les étapes jusqu’à Pâques, du grenier à l’épi?

 

 


 

 

[1].  VARILLON F.,  L’humilité de Dieu,  Le Centurion, Paris, 1974, p. 39.

[2]. Homélies sur le Cantique des Cantiques.

[3]. Cf. VARILLON F.,  Joie de croire, joie de vivre,  Le Centurion, Paris, 1981, p. 38s.

  

  

 

1ère lecture : La nouvelle Alliance (Jr 31, 31-34)

Lecture du livre de Jérémie

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle.
Ce ne sera pas comme l’Alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte : mon Alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’avais des droits sur eux.

Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur c?ur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands, déclare le Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés.

 

Psaume : Ps 50, 3-4, 12-13, 14-15

R/ Donne-nous, Seigneur, un c?ur nouveau !

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.

2ème lecture : La soumission du Christ, cause du salut éternel (He 5, 7-9)

 Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé.
Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

 

Evangile : Jésus voit arriver son heure (Jn 12, 20-33)

Acclamation : Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Fils de l’homme, élevé sur la croix, par toi tous les hommes reçoivent la vie. Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 3,14-15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque,
quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Philippe va le dire à André ; et tous deux vont le dire à Jésus.
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié.
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.
Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? ? Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !
Père, glorifie ton nom ! »
Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »
Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, c’est pour vous.
Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

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19 février 2011

También la lluvia : même la pluie !

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También la lluvia : même la pluie !

 

Homélie pour le 7° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 20 Février 2011

 

·       « Même la pluie ! »

C’est le titre d’un film de la réalisatrice Icíar Bollaín, sorti en 2010.

« Même la pluie ! Ils veulent tout acheter, même l’eau qui tombe du ciel… »

En protestant contre la privatisation de l’eau en Bolivie en Avril 2000, un humble « survivant » de la ville de Cochabamba va bouleverser le destin de sa famille, de son peuple, des Américains venus tourner un film où il figure Hatuey, le leader indien de la révolte contre Christophe Colomb en 1511.

 

« Même la pluie ! »

Ce cri de révolte contre l’injustice fait presque écho, de manière inversée, au cri d’admiration de Jésus envers l’amour de Dieu : « même la pluie » tombe sur les injustes comme sur les justes ! C’est donc que Dieu lui-même aime ses ennemis : il fait tomber la pluie sur tous, sans considération de leurs mérites.

« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. »

 

La pointe de cet argument ne porte pas sur le lien entre Dieu et la pluie. Dans une société préscientifique, Jésus lui-même ne peut remettre en cause ce lien magique, naïf, archaïque. Non, la pointe de l’argument c’est que « même la pluie » (ou le soleil d’ailleurs) atteste de la bonté de Dieu pour tous, en tombant également pour les injustes.

 

·       De la récompense / punition à la gratuité pour tous

Il faut se souvenir qu’aujourd’hui encore, un juif pratiquant récite trois fois par jour dans la prière du ?Shema Israël’ (« écoute Israël ! » Dt 6,4) que la pluie ne tombe en Israël que si les commandements de la Loi sont respectés. « Si tu observes mes commandements, je ferai tomber la pluie et bénirai tes récoltes… Mais si tu n’observes pas mes commandements, je fermerai les cieux et la terre ne produira plus de récoltes» (Dt 11,13-17 : c’est dans la 2° section du shema Israël en fait, Dt 11,13-21, après Dt 6,4 et avant Nb 15, 37-41).

Jésus connaît bien ces versets, incorporés depuis au Shema Israël… Et pourtant il ose affirmer en quelque sorte que Dieu n’est pas lié par cette loi, puisqu’il fait tomber la pluie même sur les injustes ! Il ose se réjouir de cet amour de Dieu pour tous, qui devient ainsi la source de son amour pour ses ennemis. L’eau qui jaillira de son côté ouvert sur la croix tombera en pluie de grâce sur les soldats romains qui l’ont torturé et cloué, sur les chefs des prêtres qui l’ont jugé et condamné, comme sur Marie ou sur Jean…

 

Cela scandalise encore les ultras-religieux trop raides dans leur foi ! Ou les amoureux d’une justice éblouissante.

Comment ? Dieu ne punit pas les méchants ? Il pardonne à ses bourreaux ? Il va jusqu’à aimer ses ennemis ? Mais c’est un faible, un sous homme (cf. Marx), un esclave (cf. Nietzsche) qui supporte l’insupportable !

 

·       Même Élie a dû apprendre à aimer ses ennemis

Souvenez-vous du prophète Élie (1R 17-19). Le grand prophète Élie, dont le peuple juif attend le retour à la fin des temps. Il était tellement ‘religieux’ qu’il a voulu être plus royaliste que le roi, plus sévère que le Dieu d’Israël. Révolté par l’idolâtrie du roi Achab et de sa fameuse compagne Jézabel, il s’attendait à ce que Dieu fasse cesser la pluie sur le pays, en châtiment, selon la Loi. Or la pluie tombe encore sur Israël, et cela irrite Élie, qui décide alors de faire ce que Dieu aurait dû faire d’après lui (tous les terroristes religieux suivent ce raisonnement, hélas). Il décrète (de sa seule initiative) à Achab qu’il n’y aura plus de pluie qui tombera en Israël. Élie se prend pour Dieu. Il exige de Dieu qu’il applique sa Loi à la lettre.

Ce coup de force contre Dieu marchera un temps au mont Carmel contre les prophètes de Baal. Mais ensuite, à travers les signes du pain et de la cruche d’huile de la veuve de Sarepta, à travers le doux murmure devant sa grotte, Élie découvrira que Dieu n’est pas dans la violence qui s’impose, pas dans l’ouragan qui foudroie [1]. Il est dans l’humble nourriture chaque jour (« notre pain quotidien »), dans le patient murmure qui annonce son passage, « de dos »… 

Elie réclamait la sévérité pour les idolâtres.

Jésus révèle l’amour de Dieu pour les injustes.

Les ultras-religieux veulent punir ceux qui ne le sont pas.

Jésus fait tomber une pluie de grâce sur « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ».

Seule la contemplation de cet amour universel en Dieu peut nous donner le courage et la force d’aimer nos ennemis, nous aussi, avec Lui et en Lui. « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

 

La loi de gradualité

·       Pour cela, il nous faudrait peut-être réapprendre la « loi de gradualité », que la Doctrine Sociale de l’Église décline comme une patience bienveillante envers tous :

« Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tLa loi de gradualité: Une nouveauté en morale? : fondements théologiques et applicationsout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et même la civilisation, à partir de ce qu’ils ont reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie. » (Jean-Paul II, Familiaris Consortio n° 9, 1981)

 

Cette loi de gradualité n’implique pas la gradualité de la loi : elle n’enlève pas l’exigence un impératif absolu (« aimez vos ennemis ! »), mais elle nous laisse le temps de progresser vers cet horizon, par degrés, patiemment, graduellement.

 

·       « Même la pluie » qui tombe témoigne de l’amour des ennemis. Cette pluie-là n’est pas à vendre, pas plus que la pluie bolivienne. Personne ne peut l’acheter.

Qu’elle empêche notre rapport à la loi de se dessécher !

 


[1]. Les rabbins, constatant eux aussi que la pluie tombe sur Israël même idolâtre, vont distinguer deux pluies : une pluie minimale, garantie à tous, et une pluie de bienfaisance, surabondance de vie accordée à ceux qui observent les commandements.

[2]Cf. Le doux murmure, Sébastien Allali, DDB, 2010, ou Ce Dieu censé aimer la souffrance, François Varone, Cerf, 1984.

 

 

 

1ère lecture : Tu aimeras ton prochain, car je suis saint (Lv 19, 1-2.17-18)

 

Lecture du livre des Lévites

Le Seigneur adressa la parole à Moïse :
« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.
Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère. Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon, et ainsi tu ne partageras pas son péché.

Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Je suis le Seigneur ! »

 

Psaume : 102, 1-2, 3-4; 8.10, 12-13

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits ! 

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses.

Aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils,
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

2ème lecture : La sagesse véritable: appartenir tous ensemble au Christ (1 Co 3, 16-33)

 

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
n’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous.

Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous.

Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage.

Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. L’Écriture le dit : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté.

Elle dit encore : Le Seigneur connaît les raisonnements des sages : ce n’est que du vent !

Ainsi, il ne faut pas mettre son orgueil en des hommes dont on se réclame. Car tout vous appartient,

Paul et Apollos et Pierre, le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.

 

Evangile : Sermon sur la montagne. Aimez vos ennemis, soyez parfaits comme votre Père céleste (Mt 5, 38-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Celui qui garde la parole du Christ connaît l’amour de Dieu dans sa perfection. Alléluia. (cf. 1 Jn 2, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Vous avez appris qu’il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. 
Et si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Donne à qui te demande ; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter.
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Patrick Braud

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1 janvier 2011

Éloge de la mobilité épiphanique

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Éloge de la mobilité épiphanique

Homélie pour la fête de l’Épiphanie / Année A
Dimanche 2 Janvier 2011

·       Dimanche dernier, la Sainte Famille était projetée sur les routes de l’émigration en Égypte pour fuir Hérode.

En cette fête de l’Épiphanie, ce sont les mages qui prennent la route, passent par Hérode, et reviennent chez eux. De l’Orient à Bethléem en passant par Jérusalem, ces savants astrologues (le texte ne dit pas qu’ils sont rois ni qu’ils sont trois) n’ont pas peur de la mobilité ! Car voyager en ce temps-là, sur d’aussi longues distances, c’est toute une affaire ! En plus, quand on est savant comme ces mages, on ne part pas sans un matériel assez sophistiqué qui demande beaucoup de serviteurs et un « convoi exceptionnel » : lunettes astronomiques, ouvrages scientifiques, cabinet de travail…

 Éloge de la mobilité épiphanique dans Communauté spirituelle visite_mages_2

·       La mobilité des mages résonne d’une manière particulièrement heureuse dans notre monde interconnecté et globalisé. Bien davantage que les mouvements de migration (qui ne représente que 1/400° des mouvements à la frontière en France), les allers-retours des touristes et autres passagers à nos frontières révèlent une population en quête de quelque chose, à l’instar des mages.

Quête de beauté des paysages et des cités pour les touristes.

Quête de rendez-vous avec des partenaires économiques pour les hommes d’affaires (pas toujours si pressés que cela).

Quête d’amitié et de rencontres pour les familles, les amis et autres militants de la solidarité à travers les frontières…

L’Épiphanie nous donne donc de bonnes raisons de lire avec bienveillance cette frénésie de mobilité moderne qui multiplie les voyages, les contacts, les découvertes, les quêtes « païennes » pas si éloignées de la quête des mages.

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Ci-dessus une carte par anamorphose qui déforme volontairement la taille des pays en fonction du nombre de touristes qui ont visité les états. La France est énorme car c’est le pays qui a accueilli le plus de touristes l’an passé. L’Afrique et l’Amérique du sud sont minuscules car elles n’ont reçu que très peu de touristes.

 Source: http://www.blogg.org/blog-76418-date-2009-04-08-billet-le_tourisme_mondial-1008102.html

·       Le contraste est d’autant plus saisissant avec Hérode, les chefs des prêtres juifs et les scribes Israël : ils refusent de bouger, tant géographiquement que spirituellement. Ils demeurent immobiles, « scotchés » à Jérusalem, et envoient quasiment les mages voyager à leur place. Ils demeurent également immobiles dans leur lecture de l’Écriture. Ils « savent » la prophétie sur Bethléem, mais ils n’en tirent aucune conséquence. Même l’événement de l’étoile ne les fait pas bouger, ne déplace pas leur interprétation de l’Écriture.

Le fondamentalisme, c’est hélas cela : une lecture immobile.

Les mages n’avaient que l’étoile, mais elle les a mis en route, en mouvement.

Les notables juifs de Jérusalem avaient l’Écriture, mais ils ont refusé de se déplacer, d’être dé-placés…

·       Voilà donc un des secrets de l’Épiphanie : seuls ceux qui acceptent de bouger dans leurs représentations, dans leur savoir, dans leur identité même, peuvent découvrir où Dieu se cache en l’humain.

« Pour nous, accompagnons les mages, débarrassons-nous des moeurs païennes, faisons un long voyage pour voir le Christ ; car, s’ils n’étaient pas partis loin de leur pays, ils ne l’auraient pas vu. 

Qu’est-ce donc qui les persuade d’agir ainsi ? Cela même qui les a jetés sur les routes pour entreprendre un tel voyage » (saint Jean Chrysostome : homélies sur l’évangile selon saint Matthieu, VII).

Ceux dont les certitudes sont immobiles ne pourrons le reconnaître, et deviendront bientôt jaloux, pire : violents.

Même l’étoile n’est pas immobile dans le ciel : elle bouge, elle se déplace, elle effectue une trajectoire qui devient symbolique.

Oui vraiment dans ce texte, la mobilité des acteurs (mages, étoile, Dieu, bergers, Joseph et Marie) devient épiphanique ! C’est-à-dire qu’elle manifeste la présence de Dieu en l’homme.

  caldermobile Epiphanie

·       Le premier à avoir revêtu la mobilité, c’est Dieu lui-même. « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu… s’est anéanti… est devenu semblable aux hommes… jusqu’à la mort » (Ph 2,6-11). Cet hymne célèbre la trajectoire étonnante d’un Dieu qui quitte sa patrie d’origine (le « ciel ») pour émigrer chez les hommes, en allant même jusqu’à descendre aux enfers. Tout le contraire d’un Dieu immobile !

Pour nous, Dieu s’est mis en mouvement.

Comme les mages, il est parti « loin de chez lui ».

Comme eux, il a été jeté sur les routes des hommes, « sans une pierre où reposer sa tête ». ComUnitas-Trinitas_reference magesme eux, il a cherché où Dieu se cachait en l’humain, et il l’a adoré à chaque fois que cela se manifestait.

En devenant mobile, en se « mobilisant » par amour pour nous, Dieu se révèle mobile en lui-même. L’amour trinitaire n’est pas un océan de tranquillité absolue. C’est une circulation, un échange intense entre trois personnes, une visitation permanente, une « circumincessio » disait les latins pour évoquer le mouvement circulaire qui unit les trois, une « périchorèse » disait les Grecs pour évoquer le mouvement de danse qui relie les trois…

 

L’Épiphanie nous révèle un Dieu mobile ! Dont le seul mobile est de s’offrir, par amour…

Les mages itinérants saluent en l’enfant de l’étable un compagnon de voyage.

Hérode immobile verra en Jésus arriva un rival redoutable à éliminer.

 

·       Et nous : quelle est notre immobilité actuelle ?

À quelle mobilité (intellectuelle, spirituelle, géographique, amicale…) sommes-nous appelés ?

  

 

 

1ère lecture : Les nations païennes marchent vers la lumière de Jérusalem (Is 60, 1-6)

 

Lecture du livre d’Isaïe

Debout, Jérusalem ! Resplendis : elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Regarde : l’obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples ; mais sur toi se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore. Lève les yeux, regarde autour de toi : tous, ils se rassemblent, ils arrivent ; tes fils reviennent de loin, et tes filles sont portées sur les bras. Alors tu verras, tu seras radieuse, ton coeur frémira et se dilatera. Les trésors d’au-delà des mers afflueront vers toi avec les richesses des nations. Des foules de chameaux t’envahiront, des dromadaires de Madiane et d’Épha. Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges du Seigneur.

Psaume : Ps 71, 1-2, 7-8, 10-11, 12-13

R/ Parmi toutes les nations, Seigneur, on connaîtra ton salut

Dieu, donne au roi tes pouvoirs,
à ce fils de roi ta justice.
Qu’il gouverne ton peuple avec justice,
qu’il fasse droit aux malheureux !

En ces jours-là, fleurira la justice,
grande paix jusqu’à la fin des lunes !
Qu’il domine de la mer à la mer,
et du Fleuve jusqu’au bout de la terre !

Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents,
les rois de Saba et de Seba feront leur offrande.
Tous les rois se prosterneront devant lui,
tous les pays le serviront.

Il délivrera le pauvre qui appelle
et le malheureux sans recours.
Il aura souci du faible et du pauvre,
du pauvre dont il sauve la vie.

2ème lecture : L’appel au salut est universel (Ep 3, 2-3a.5-6°

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, vous avez appris en quoi consiste la grâce que Dieu m’a donnée pour vous :
par révélation, il m’a fait connaître le mystère du Christ. Ce mystère, il ne l’avait pas fait connaître aux hommes des générations passées, comme il l’a révélé maintenant par l’Esprit à ses saints Apôtres et à ses prophètes. Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile.

Evangile : Les mages païens viennent se prosterner devant Jésus (Mt 2, 1-12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d’inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Sur ces paroles du roi, ils partirent. Et voilà que l’étoile qu’ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. Quand ils virent l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Patrick Braud 

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