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10 mai 2025

Pourquoi rester dans l’Église ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pourquoi rester dans l’Église ?

 

Homélie du 4° Dimanche de Pâques / Année C
11/05/25


Cf. également :
Dieu fait feu de tout bois

Il est fou, le voyageur qui…
Secouez la poussière de vos pieds
Un manager nommé Jésus
Des brebis, un berger, un loup
L’agneau mystique de Van Eyck
« Passons aux barbares »…
Du bon usage des leaders et du leadership
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
À partir de la fin !
Comme une ancre jetée dans les cieux
L’événement sera notre maître intérieur
La parresia, ou l’audace de la foi

 

Lumière des nations
Pourquoi rester dans l’Église ? dans Communauté spirituelle maxresdefaultÀ Pâques 2024, 7 135 adultes ont été baptisés (environ 11 200 sur l’année). Réjouissant ! Évidemment, cela ne comble pas le déficit des baptêmes d’enfants (qui s’écroulent), mais c’est un signe fort. À condition que ces néophytes (nouvelles plantes, en grec) prennent racine et restent dans le terreau commun pour porter du fruit avec les ‘anciens’ baptisés. Or beaucoup de néophytes décrochent après le  temps fort pascal. On ne sait pas combien exactement (certains estiment les départs à 75 % !), mais cela pose question. Pourquoi ? Par manque d’accompagnement sans doute : livrés à eux-mêmes après le temps fort du catéchuménat, ces néophytes n’ont plus d’équipe à leurs côtés, et trouve bien décevante la grisaille paroissiale après l’intensité de leur parcours initiatique. Finalement, ils rejoignent la cohorte de ceux qui désertent peu à peu nos assemblées, sur la pointe des pieds, sans rien dire.

 

Tout cela pose la question : pourquoi rester dans l’Église ? Comme interrogeait Jésus : « Et vous, voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67)

Il faut bien avouer que le visage de l’Église catholique n’est guère brillant en ce moment dans notre pays : abus sexuels en masse (au point de se demander si ce n’est pas ‘systémique’…), conservatisme moral et liturgique, abus de pouvoir, cléricalisme, retour des croyances magiques et désuètes… Il faut avoir le cœur bien accroché pour ne pas s’enfuir à la vue des tumeurs défigurant le corps ecclésial !

Chaque période sombre de l’histoire de l’Église fait ainsi revenir le doute : pourquoi rester ?

La conviction de Paul dans notre première lecture (Ac 13,14-52) nous heurte alors de plein fouet : « Nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ».

https://s1.1zoom.me/big0/437/Lighthouses_Night_Fog_465001.jpgPaul ne peut ni ne veut déserter, malgré l’adversité, car cette vocation héritée du prophète Isaïe va le tenir debout, jusqu’au martyre. Isaïe le premier a conscience en effet de jouer un rôle universel : « Moi, le Seigneur, je t’ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’alliance du peuple, la lumière des nations » (Is 42,6). « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6). Nouvel Isaïe, Jésus assumera au plus haut point l’universalisme de la foi biblique, n’hésitant pas à accomplir la Torah pour qu’elle serve la Nouvelle Alliance de tous les peuples avec YHWH. Dans l’élan de son Esprit, les chrétiens continueront à annoncer que l’Évangile est pour tous et à croire que la lumière émanant du Christ est universelle. Jean dira ainsi que la Jérusalem nouvelle, la ville ultime que l’Église anticipe ici-bas, sera le centre d’attraction du monde entier : « Les nations marcheront à sa lumière, et les rois de la terre y porteront leur gloire » (Ap 21,24). Il reprend ainsi la prophétie d’Isaïe annonçant avec audace que le petit bourg de Jérusalem deviendra un phare illuminant toutes les nations : « Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore » (Is 60,3).

 

Quel contraste entre la vocation universaliste de Jérusalem/l’Église et leur apparence actuelle !

Même réduite à quelques poignées de condamnés promis aux fauves des cirques romains, l’Église naissante n’a pas déserté, car elle était habitée par la conviction de détenir en elle un trésor pour tous, même pour ses bourreaux.

 

Lunaire Église

S’interrogeant sur son identité et sa vocation, l’Église catholique réunie au concile Vatican II a commencé sa Constitution dogmatique sur l’Église par ces termes :

040c9e2a92f71ecc583f1107595a3144 Eglise dans Communauté spirituelle« Le Christ est la lumière des peuples : réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile, répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église » (Lumen Gentium n°1).

Commentant ce texte auquel il avait contribué en tant que jeune expert théologien, le futur pape Benoît XVI repartait de l’allégorie patristique Christ–soleil/Église-lune [1] pour expliquer pourquoi lui restait dans l’Église alors que beaucoup la quittaient – déjà ! – dans les années 70 :

« Comment peut-on, au regard de la situation actuelle, justifier le fait de demeurer dans l’Église ? […] 

J’aimerais […] fournir une première réponse sous forme d’une analogie. […] Nous avions dit qu’en examinant l’Église de trop près nous avions fini par perdre de vue l’ensemble. On peut approfondir cette idée en la rapprochant d’une image que les Pères de l’Église ont mise en évidence dans leur interprétation symbolique du monde et de l’Église.

Ils expliquèrent que la lune figurait dans l’organisation du cosmos ce qu’était l’Église dans l’organisation du salut, au sein du cosmos intellectuel et spirituel. […]

L’Église reflète la lumière du Christ !

Pour les Pères, l’application à l’Église de la symbolique de la lune découlait de deux idées principales : d’une part de la correspondance entre la lune et la femme (la mère), d’autre part de l’idée que la lune n’est pas source de lumière, puisqu’elle la reçoit d’Hélios. Sans lui, elle ne serait qu’obscurité ; elle brille, mais sa lumière n’est pas sa lumière, c’est la lumière d’un autre. Elle est lumière et obscurité à la fois. Elle-même n’est qu’obscurité, mais elle dispense une clarté, qui lui vient d’un autre, dont la lumière se propage par son intermédiaire. C’est exactement en cela qu’elle représente l’Église, qui illumine bien qu’elle ne soit elle-même qu’obscurité : elle ne puise pas la lumière en elle-même, mais elle la reçoit du véritable Hélios, le Christ, si bien qu’elle peut, bien qu’elle ne soit elle-même qu’un amas de pierre […], éclairer les ténèbres dans lesquelles nous vivons de par notre éloignement de Dieu – « la lune nous raconte le mystère du Christ » (Saint Ambroise).

 

Cette image patristique affirmant que l’Église est au Christ ce que la lune est au soleil permet de tenir ensemble deux lignes :

– L’Église n’est pas le Christ. 

Elle en dépend tout entière. Elle ne s’annonce pas elle-même. Elle n’a pas pour but de sa croissance, son pouvoir, sa réussite. Elle désire seulement refléter pour tous l’unique lumière qu’est le Christ, telle la lune pour le soleil. Il y a donc une réelle distance entre le Christ et l’Église, aussi grande que celle qui sépare la lune du soleil !

– L’Église est inséparable du Christ.

Elle vit par lui et pour lui. Sans elle, le monde marche dans les ténèbres comme lors des nuits sans lune.

En effet, si l’Église est distincte du Christ, dont elle est un signe, elle n’est pas seulement un signe du salut offert en Jésus-Christ, elle en est également un moyen, un instrument (comme l’écrit Vatican II). C’est toute la différence entre le simple signe et le symbole, dans une approche symbolique de la réalité sacramentelle. Le signe ne fait que désigner un autre que lui-même; le symbole (sacrement) rend présent ce qu’il annonce. C’est dire que l’Église est le signe efficace qui manifeste la présence de Dieu, elle est le symbole réel qui contient et rend présent Celui qu’elle révèle. Celui qu’elle signifie n’est pas séparé d’elle. Elle n’est pas un intermédiaire, mais une médiation dans l’Esprit-Saint, car « la communication du Christ, c’est l’Esprit Saint » [2]. Elle n’est pas simplement l’échafaudage nécessaire dans la construction d’une tour (le Royaume), qu’on enlève une fois la tour terminée parce qu’on n’en a plus besoin; elle est elle-même l’échafaudage et le matériau de la tour encore inachevée. C’est parce qu’elle est sacrement du salut que l’Église est la « société de l’Esprit » (St Augustin).

 

illustration-chr%C3%A9tienne-logo-de-l-%C3%A9glise-la-croix-est-un-symbole-du-salut-monde-bible-dieux-r%C3%A9v%C3%A9l%C3%A9-v%C3%A9rit%C3%A9-261729704 luneJoseph Ratzinger devenu pape reprendra cette double dépendance de l’Église : de Dieu, pour le monde : « elle ne devrait pas se regarder elle-même, mais parler de l’autre, pour l’autre » (16/09/2010). Lumen Gentium opère ainsi un décentrement de l’Église vers Dieu pour caractériser l’identité la plus profonde de l’Église. Gaudium et Spes opérera un décentrement similaire, de l’Église vers les hommes de ce temps, vers le monde à évangéliser.
Vatican II inscrit donc au cœur de l’identité ecclésiale un double exode, une double ex-stase, vers Dieu et vers les hommes. L’Église se reçoit de Dieu dans son être et dans sa mission, avant d’agir, pour et avec les hommes. Elle existe à partir d’un Autre qu’elle-même, et pour le communiquer à d’autres. Une Église qui est appelée à se dépouiller, dans l’humilité et la pauvreté qui sont celles de l’amour trinitaire, afin qu’à travers elle, un Autre se révèle.

Cette vision d’une « Église servante et pauvre » [3], en exode d’elle-même pour un monde lui-même en exode et en attente du retour en Dieu, est l’une des intuitions-clés de Vatican II. Impossible de s’installer dans cette marche au désert ! Cette double pro–existence fait entrer l’Église dans le mouvement eucharistique du Christ lui-même. Le pour Dieu fonde le pour les hommes qui vérifie le sérieux du pour Dieu. Le pour Dieu est le gage d’une fidélité à l’Évangile, d’une parole qui nous est donnée sans nous appartenir. Le pour les hommes est le gage de l’incarnation véritable de cette parole dans l’histoire. Le pour Dieu dit la communion comme visée et comme chemin. Le pour les hommes ancre ce désir de communion dans une transformation véritable de l’histoire humaine. Tenir ce double décentrement, vivre cette double pro–existence est une tension inhérente à la nature de l’Église : « rendre grâce à Dieu » et « vivre en grâce avec nos frères ». Une telle tension empêche de durcir les fausses oppositions entre liturgie et mission, entre Église rassemblée et Église à faire naître, entre visibilité et enfouissement etc…

 

Vatican II exprime ce double lien Christ–Église en termes de sacrement : « L’Église est dans le Christ en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » (LG 1).

Comme la lune renvoie au soleil, l’Église est signe parce qu’elle renvoie à un autre qu’elle-même. Elle en indique la direction, comme le panneau routier fait signe et indique vers où aller.

Comme la lune reflète la lumière du soleil, l’Église est un moyen parce que n’est pas extérieure à la communion d’amour qu’elle annonce : en son sein, chacun peut déjà goûter l’union intime avec Dieu et l’unité fraternelle.

 

Des phases plus ou moins lumineuses

Saint Cyrille d’Alexandrie écrit : « L’Église est auréolée par la lumière divine du Christ, qui est la seule lumière dans le royaume des âmes. Il y a donc une seule lumière : mais dans cette unique lumière, l’Église resplendit aussi, sans pour autant être le Christ lui-même ». L’Église ne peut pas mourir mais elle connaît des phases plus ou moins lumineuses.

Dans les périodes les plus sombres, celles où l’Église, de par son caractère lunaire, semble ne plus beaucoup refléter la lumière du Christ, il est bon de se souvenir de cette symbolique patristique pour ne pas perdre l’espérance et pour demeurer fidèles à ce que l’Église a toujours tenu pour vrai à cause de sa conformité avec l’enseignement du Christ. Si des paroles d’hommes d’Église se détournent du message évangélique, par des interprétations et des adaptations douteuses, elles ne doivent pas être occasion pour nous de tristesse incontrôlée mais invitation à renouveler notre propre vie spirituelle, à demeurer fidèles à ce qui appartient à jamais à la lumière du Christ.

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L’Église est lunatique, c’est-à-dire changeante comme la lune :

– tantôt mouvante comme le dernier quartier de lune, elle semble sur le point de disparaître tellement elle offre peu de surface à la réflexion de l’unique lumière divine.

– tantôt rayonnante comme la pleine lune, elle semble tout baigner de lumière et infuse dans la société des fruits de justice, de bonté, de beauté.

– tantôt renaissante comme le premier quartier de lune, elle émerge d’une période sombre où elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, comme si sa face cachée avait tout envahi. Mais le Christ lui donne de se renouveler – grâce notamment aux saints, aux théologiens, aux missionnaires etc. – et un nouvel âge d’or succède à l’éclipse précédente.

 

Joseph Ratzinger poussait la comparaison jusqu’à évoquer l’aridité de l’Église sans le Christ :

Surface-Lunaire Vatican IIL’astronaute ou la sonde lunaire ne découvrent sur la lune qu’un désert, des pierres, du sable et des montagnes, mais aucune source de lumière : la lune n’est en définitive que cela, elle n’est qu’un désert de sable et de pierres. Et pourtant, elle est, non pas en soi, mais parce qu’elle reçoit et réfléchit la lumière, source de lumière et elle le reste à l’époque des voyages dans l’espace. […] 

Alors je pose la question : n’avons-nous pas là une image véritable de l’Église ? Celui qui emprunte la navette spatiale pour faire des prélèvements sur l’Église et l’étudier, ne découvrira que le désert, le sable et les pierres, ne découvrira que l’humanité de l’homme et de son histoire avec ses déserts, sa poussière et ses montagnes. C’est ce qui lui est propre. Mais ce n’est pas ce qui la caractérise. L’essentiel est qu’elle est lumière bien qu’elle ne soit elle-même que sable et pierres, lumière provenant du Seigneur, provenant de l’Autre : ce qui ne lui est pas propre est en réalité véritablement ce qui lui est propre, sa caractéristique particulière, oui, elle trouve son essence dans le fait qu’elle n’a aucune valeur en elle-même, dans le fait que ce qui compte chez elle est précisément ce qu’elle n’est pas, et qu’elle n’existe que pour être dépossédée – qu’elle est source de lumière, alors qu’elle n’est pas lumière et que, de ce fait même, elle est néanmoins lumière. […]

Les astronautes qui posent leur scaphandre sur le sol lunaire ne voient que cailloux, poussière, atmosphère hostile. Ainsi l’Église sous la lunette des sociologues, des historiens, des analystes en tous genres. L’Église n’a pas grand-chose en elle-même pour plaire : son éclat lui vient d’un autre, du Christ, et non de ses trouvailles ou même de son génie. Dans ces périodes pitoyables où elle est défigurée et méconnaissable, l’Église garde pourtant sa beauté secrète : refléter quelque chose de la beauté du Christ, transmettre son Évangile, annoncer un Dieu-Trinité communion d’amour offerte à tous, que les sacrements permettent déjà de goûter. Lorsqu’elle vit de son message, l’Église est lumineuse comme la pleine lune. Lorsqu’elle le contredit en paroles ou en actes, l’Église n’est plus que poussière caillouteuse et inhospitalière. Même là cependant, elle demeure un signe qui indique ‑ faiblement – le Christ, un moyen pour aller vers lui.

 

Pour revenir à notre problématique de départ, le caractère lunaire de l’Église peut désormais nous aider à ne pas désespérer de la voir si affaiblie, ou si laide, ou si froide. Même déformée et obscurcie par elle, la lumière des nations qu’est le Christ continuera à guider notre marche. Voilà pourquoi rester dans l’Église, surtout à ses heures les plus sombres, est vital : déserter serait se condamner soi-même à marcher dans la nuit noire…

______________________________________

[1]. « Pourquoi je suis encore dans l’Église », Joseph Ratzinger, Conférence de Munich, 4 juin 1970, à l’occasion du 60°  anniversaire du concile Vatican II.
[2]. Irénée de Lyon, Adversus Haereses, t.1.III c 24,1.
[3]. L’expression vient de St Augustin, cf. CONGAR Y., Pour une Église servante et pauvre, Cerf, coll. L’Église aux cent visages, Paris, 1963.


Lectures de la mess


Première lecture

« Nous nous tournons vers les nations païennes » (Ac 13, 14.43-52)


Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint.


Psaume
(Ps 99 (100), 1-2, 3, 5)
R/ Nous sommes son peuple, son troupeau. ou : Alléluia.
 (cf. Ps 99, 3c)


Acclamez le Seigneur, terre entière,

servez le Seigneur dans l’allégresse,
venez à lui avec des chants de joie !


Reconnaissez que le Seigneur est Dieu :

il nous a faits, et nous sommes à lui,
nous, son peuple, son troupeau.


Oui, le Seigneur est bon,

éternel est son amour,
sa fidélité demeure d’âge en âge.


Deuxième lecture
« L’Agneau sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie » (Ap 7, 9.14b-17)


Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »


Évangile
« À mes brebis, je donne la vie éternelle » (Jn 10, 27-30)
Alléluia. Alléluia.
 Je suis, le bon Pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. Alléluia. (Jn 10, 14)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »
Patrick BRAUD

 

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27 avril 2025

Lier responsabilité et amour

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Lier responsabilité et amour

 

Homélie du 3° Dimanche de Pâques / Année C
04/05/25


Cf. également :
Mais pourquoi diable Pierre était-il tout nu ?
Les 153 gros poissons
Quand tu seras vieux…
Le devoir de désobéissance civile
Les 7 mercenaires
L’agneau mystique de Van Eyck
Manager en servant-leader
Jesus as a servant leader


Le choix des Douze

On raconte que Jésus s’interrogeait beaucoup sur le choix de ses associés les plus proches au début de son ministère public. Pour en avoir le cœur net, il demanda à un célèbre cabinet-conseil de la capitale, expert en management, une étude sur l’équipe qu’il avait constituée. Voici la réponse qu’il a reçue :

 

Lier responsabilité et amour dans Communauté spirituelleCabinet McKinsey Palestine

3 Rue du Calvaire Jérusalem

 

Cher Monsieur Christ,

 

Nous vous remercions de nous avoir confié les CV des douze hommes que vous avez sélectionnés pour leur confier des postes de responsabilité dans votre nouvelle entreprise internationale de « pêcheurs de têtes ».

Suite à de nombreux examens et entretiens avec nos consultants en aptitude pour le ministère, ainsi qu’une rencontre avec notre psychologue spécialisé, nous vous faisons part des résultats de ce processus d’évaluation. Malheureusement, il s’avère que la plupart de vos candidats manquent d’expérience, de formation et d’aptitudes pour le genre d’entreprise dans laquelle vous comptez vous lancer. Ils n’ont pas l’esprit d’équipe et leur connaissance des langues étrangères est nettement insuffisante. Nous vous recommandons donc de continuer vos recherches en vue de découvrir des candidats qui aient de l’expérience dans la gestion des affaires et qui aient prouvé leurs compétences.

 

Afin de vous permettre de cibler qualitativement vos prochaines candidatures, voici le résultat de certains profils que vous nous avez transmis.

  • Simon Pierre est un instable émotionnel, en proie à des sautes d’humeur, un peu borné pour tout dire.
  • André n’a aucune disposition pour assumer des responsabilités.
  • Les deux frères Jacques et Jean, les fils de Zébédée, placent leur intérêt personnel au-dessus du dévouement envers la société.
  • Thomas a tendance à douter de tout et pourrait avoir une influence négative sur le groupe.
  • Nous nous voyons dans l’obligation de vous faire savoir que Matthieu figure sur la liste noire de la « commission de Jérusalem pour la transparence des affaires ».
  • Jacques a une tendance dangereuse à la radicalisation et à l’utopie, stigmatisant les riches sans raison.
  • Les relations de Simon – dit le zélote – avec des milieux extrémistes font de lui un élément difficile à contrôler et susceptible de mener des actions irresponsables.
  • Les autres postulants sont sans relief, quasiment invisibles.

 

Toutefois, un des candidats a de grandes possibilités…. Il est capable et imaginatif, a le contact facile et un sens développé des affaires, il ne manque pas de relations avec les personnalités haut placées. Son goût pour la discrétion et pour l’organisation sont de vrais atouts et les différents entretiens réalisés ont montré qu’il est motivé, ambitieux et n’a pas peur des responsabilités. Nous vous conseillons donc de prendre Judas Iscariote comme votre administrateur et bras droit. 

 

Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans votre nouvelle aventure.

En joignant à cette étude notre facture (à régulariser sous huitaine), nous restons à votre disposition pour compléter votre recherche et vous aider dans le développement de votre organisation à laquelle nous souhaitons succès et durée.

 

Comme quoi le choix des Douze ne s’aligne pas sur les modes managériales d’une époque ! 

Ce dimanche, c’est le choix de Pierre qui est sous le feu des projecteurs (Jn 21,1-19). En répétant par trois fois : « M’aimes-tu ? » « Sois le pasteur (leader) de mes brebis », Jésus ne rappelle pas seulement à Pierre son triple reniement – trois fois pardonné – mais surtout il lui confie une mission particulière, il lui donne une responsabilité majeure : « Sois le pasteur de mes brebis ».

 

Parce qu’il aime, Pierre sera pasteur. Dans cet ordre.

Est-ce ainsi que les responsables sont nommés dans notre monde actuel ?
Passons en revue quelques fondements de l’autorité dans nos entreprises, familles ou Églises, afin de de les comparer à la pratique de Jésus envers Pierre et les Douze.

 

L’accès aux responsabilités selon les païens


– Fonder la responsabilité sur la compétence

133549680 amour dans Communauté spirituelleC’est l’une des premières raisons auxquelles on pense : confier les plus grosses responsabilités à ceux qui sont les plus compétents. En France, cela a donné Polytechnique et l’ENA ou Science-Po comme voie royale pour devenir haut fonctionnaire, député ou ministre.

Jésus a-t-il choisi des énarques de son temps ? Pas sûr que Pierre ait réussi un grand oral de quelque concours de grande école que ce soit… Car le problème du critère de compétence, c’est qu’il s’appuie sur le passé, sans préjuger du futur. Et quelle compétence ? Sur quels critères ? À quel horizon (le court-terme est souvent en contradiction avec le moyen ou le long-terme) ? Si bien que le ‘principe de Peter’ fonctionne à plein dans nos administrations et nos entreprises : on promeut de plus en plus haut quelqu’un qui a réussi, jusqu’à ce qu’il se révèle inefficace au poste confié, parce que qu’ayant dépassé son seuil de compétence maximum, et donc ayant atteint son seuil d’incompétence…
De plus, on confond souvent plusieurs types de compétences : l’expert maîtrise son sujet technique, le manager sait animer une équipe et valoriser chacun. Mais un bon expert ne fera pas forcément un bon manager ! Promouvoir un excellent expert à un poste managérial peut s’avérer désastreux (et réciproquement).

 

Les compétences passées de Pierre ne sont pas exceptionnelles : il n’avait rien pêché (même de nuit) la première fois que Jésus l’a rencontré. Il n’a rien compris à l’annonce de la Passion, jusqu’à se faire traiter de ‘Satan’ par le patron en personne. Et il a renié publiquement trois fois celui qu’il disait avec fanfaronnade être capable de suivre au bout du monde. Pas brillant ! Pourtant, Jésus ne voit pas en lui le pécheur du passé, mais le pêcheur d’hommes du futur. Il fait le pari qu’avec l’Esprit Saint, ce caractère sanguin et entier se donnera entièrement à sa mission, avec brio. On dirait aujourd’hui qu’il fait le pari de l’empowerment de son associé : il saura grandir à la hauteur de l’énorme responsabilité « papale » que le Ressuscité lui confie.

 

Fonder la responsabilité sur la seule compétence passée (et laquelle ? mesurée comment ?) est trop court.

 

– Fonder la responsabilité sur le mérite

C’est une variante de la compétence. On fait souvent l’éloge du mérite républicain pour récompenser ceux qui ont su avoir un beau parcours d’études ou d’affaires grâce à leur travail, sans rien devoir à l’héritage. Pourquoi pas ? Récompenser un talent sorti de nulle part a valeur d’exemple. À condition que ce parcours de réussite soit possible pour le plus grand nombre et pas seulement quelques-uns. Et il restera encore à vérifier que ce mérite passé se traduira bien en mérite futur, que le médaillé d’hier ne devienne pas le petit chef de demain…

- Fonder l’autorité sur le vote
C’est presque une évidence de nos démocraties occidentales. On remet à l’heureux élu les manettes du pouvoir politique (élections des maires, députés, présidents etc.), managérial (par le vote du Conseil d’administration), on attribue aux distingués une autorité morale (prix littéraires, Eurovision etc.). Pourtant, les frasques d’un certain Donald (le bien nommé !) nous montre que cette assise de l’autorité sur le vote est fragile : les élections reviennent très souvent et peuvent se contredire les unes les autres (Biden/Trump, Merkel/Merz etc.) car les opinions publiques sont versatiles, et manipulables. De plus, on sait d’expérience que le vote populaire peut se tromper et amener le pire.
Les chrétiens savent en outre que le vote de la foule a condamné Jésus lors de son procès (« Crucifie-le ! »). Le Bien ne découle pas forcement de l’avis d’une majorité, ni le Beau, ni le Vrai… Sans transcendance, le vote démocratique n’est jamais que le reflet des intérêts, des peurs, des égoïsmes des individus (Cf. par exemple la question de l’IVG).

Nécessaire, mais non suffisant : le vote est utile, mais ne peut fonder à lui seul l’autorité légitime.

– Fonder la responsabilité sur le copinage

copinage_tunis leadershipC’est une pratique plus courante qu’on ne le croit ! Les grenouilles se font reines les unes les autres… Au moment de recruter un collaborateur, c’est plus facile de faire appel à des gens qu’on connaît déjà par ailleurs, et avec qui le courant passe bien. C’est ainsi que les anciens élèves des grandes écoles se cooptent de promotion en promotion : on est sûr de rester dans un certain moule de pensée. C’est ainsi que Richard Ferrand a été nommé président du Conseil Constitutionnel, lui qui n’a aucune compétence juridique mais peut seulement se prévaloir du passeport de son amitié avec Emmanuel Macron. On pourrait également citer Alexandre Kohler, Emmanuelle Wargon, Christophe Castaner, Amélie de Montchalin, Jean Castex, Stéphane Séjourné, Florence Parly etc. La République des copains !

C’est encore une des raisons de la prospérité des clubs où l’on pratique l’entre-soi (Rotary, Lions club, loges maçonniques etc.).
C’est ce qui motive certains à être de serviles béni-oui-oui des puissants, dans l’espoir de bénéficier des prochaines promotions. À l’extrême, c’est le principe mafieux de la famille, de la Cosa Nostra, des amis débiteurs, de la corruption généralisée…

 

Or les nominations par copinage affaiblissent le pouvoir : par manque d’altérité, par oubli de la compétence, par le sentiment d’injustice qu’elles génèrent. Même les monarques absolus choyaient leur fou du roi, qui les aidait à penser contre eux-mêmes.

Jésus n’a pas choisi ses amis pour devenir les Douze. Il a pris douze inconnus, il en a fait ses amis parce qu’il les avait choisis, et non l’inverse.

 

Fonder la responsabilité sur le copinage est un confort relationnel qui trop souvent finit en catastrophe (et c’est vrai dans l’Église comme ailleurs…).

 

– Fonder la responsabilité sur la richesse

Elon Musk a déjà la plus grosse fortune du monde et pourrait mettre le cap sur les 1.000 milliards de dollarsOn y pense moins, mais c’est aux riches qu’on attribue fréquemment des charges prestigieuses, des titres impressionnants. Pensez à Elon Musk : voilà un jeune ingénieur surdoué qui cumule compétences technologiques et réussite entrepreneuriale, fortune immense et copinage avec Trump. Alors qu’il n’est pas élu, le voilà à la tête d’un quasi-ministère chapeautant des centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux, avec un statut de quasi vice-Président aux USA et de quasi chef d’État à l’étranger !

‘On ne prête qu’aux riches’ : il semblerait qu’on leur prête également beaucoup de responsabilités, auxquelles les citoyens modestes ont du mal à accéder. Et ne parlez pas des milliards de Donald Trump, de Vladimir Poutine ou de MBS (Mohammed Ben Salmane, Arabie Saoudite) et autres richissimes chefs d’État… !

 

Jésus a expressément choisi les Douze parmi les gens ordinaires de son peuple. Il n’a jamais méprisé les riches, mais savait combien c’est difficile pour eux d’entrer dans le royaume des cieux (Mt 19,23). Dès lors, il a conditionné l’accès aux responsabilités dans son Église à l’abandon de toute cupidité, de toute soif d’accumulation. Pierre était le petit patron d’une PME familiale de pêche, mais il ne roulait pas sur l’or. Les papes qui après lui ont cédé à la fascination de la richesse – et il y en a eu, hélas ! – ont été considérés comme des renégats par l’opinion publique ecclésiale. À juste titre.

 

– Fonder la responsabilité sur la capacité d’influence

Devin AstérixChoisir des collaborateurs qui appuieront ma cause auprès des puissants, parce qu’ils sont bien introduits dans les sphères du pouvoir : la tentation du carnet d’adresses est une dérive toujours actuelle. Choisir un fils de famille pour avoir sa parenté dans la poche, un cadre du Parti pour décrocher la bénédiction de la nomenklatura, un membre de telle congrégation religieuse pour la canaliser : cela fait des siècles que l’on voit des chefs débarquer à un poste grâce à leur carnet d’adresses plus qu’à leurs compétences.

Elon Musk – encore lui – est un peu cet influenceur (réseau X, ex Twitter) incontournable que Donald Trump a intérêt à flatter en lui confiant des titres ronflants. Mieux vaut l’avoir comme allié – même encombrant – que comme ennemi, vu son incroyable impact social !

 

Ces calculs machiavéliques d’alliances et d’influences manipulatrices n’ont jamais été des critères pour le ministère dans l’Esprit de Jésus. Simon Pierre ne connaissait pas grand monde à Jérusalem, et encore moins à Rome ! Pourtant, c’est bien de lui dont on parle encore à Rome, plus que des empereurs habiles en stratégie relationnelle…

 

Fonder la responsabilité sur la capacité d’influence est un calcul païen dangereux : acquérir par ruse des alliés ne remplacera jamais les amis que Jésus s’est acquis par le lavement des pieds et le sang versé.

 

– Fonder la responsabilité sur ‘la nature des choses’

pyramide_des_castes-min Pierre

On l’a oublié, mais autrefois la naissance suffisait à fixer à chacun son poste de responsabilité. Être de sang royal suffisait à prétendre à la couronne. Appartenir à la noblesse suffisait à se voir confier des terres, du personnel domestique, des fonctions administratives. Être né paysan ne donnait comme horizon que de reprendre la ferme familiale, sans ambitionner d’autres responsabilités.

On considérait comme ‘naturel’ d’attribuer à chacun selon sa naissance, et non selon sa compétence, son mérite ou même ses richesses. Le système des castes en Inde continue à reproduire ce schéma social. Et en France, il est encore peu fréquent de voir des femmes, des personnes handicapées ou des figures issues de la diversité parmi les grands dirigeants et responsables… Ne parlons même pas de l’accès des femmes à un réel pouvoir de gestion et de décision dans l’Église ! Nous n’en sommes encore qu’à des balbutiements (même si cela progresse) !

 

Fonder la responsabilité sur ‘la nature des choses’ nous rend aveugles sur les dominations cachées, les fausses légitimations construites dans l’intérêt de quelques-uns.

 

Lier responsabilité et amour

3eme-dimanche-de-Paques-2022-1 responsabilitéArrêtons-là la liste des fondements païens de la responsabilité. Si certains sont nécessaires, ils ne sont jamais suffisants. Et Jésus les critique radicalement en mettant l’amour comme critère d’entrée : « M’aimes-tu ? » « Sois le pasteur de mes brebis ». Pas un amour vague et sentimental. Un amour de service (lavement des pieds des subordonnés) et de don de soi (Passion). Jésus voyait bien comment les hauts placés de son époque avaient obtenu leurs grades, leurs médailles, leurs titres et comment ils exerçaient leur pouvoir : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave » (Mt 20,25-27).

 

Fonder la responsabilité sur la compétence, le mérite, la richesse, le copinage, la capacité d’influence ou la nature des choses : parmi nous, il ne doit pas en être ainsi 

Dans l’Église, ces pratiques païennes du pouvoir devraient être dénoncées, combattues, et remplacées par un authentique amour fraternel. Dans la société (l’économie, la politique, l’associatif…), les chrétiens doivent révéler l’inhumanité des pratiques courantes de l’accès aux responsabilités, et témoigner que l’amour-service est le critère le plus pertinent, le plus réaliste, le plus efficace.

 

Avant de confier ou d’accepter une responsabilité, laissons résonner en nous cette question à poser à l’autre et à nous-même : « aimes-tu ? »

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Nous sommes les témoins de tout cela avec l’Esprit Saint » (Ac 5, 27b-32.40b-41)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême. Le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Psaume
(Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.Douze, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur, tu m’a relevé. ou : Alléluia.
 (Ps 29, 2a)

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.


Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.


Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !


Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !


Deuxième lecture
« Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse » (Ap 5, 11-14)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu : et j’entendis la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. » Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s’y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent.

Évangile
« Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson » (Jn 21, 1-19)
Alléluia. Alléluia.
Le Christ est ressuscité, le Créateur de l’univers, le Sauveur des hommes. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Patrick BRAUD

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20 avril 2025

Un seul cœur, une seule âme

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Un seul cœur, une seule âme

 

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année C
27/04/25


Cf. également :
 
Croire sans voir : la pédagogie de l’inconditionnel
Quand vaincre c’est croire
Thomas, Didyme, abîme…
L’esprit, l’eau et le sang 
Quel sera votre le livre des signes ?
Lier Pâques et paix
Deux utopies communautaires chrétiennes
Le Passe-murailles de Pâques
Le maillon faible
Que serions-nous sans nos blessures ?
Croire sans voir
Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public
Trois raisons de fêter Pâques
Riches en miséricorde ?


1. La France éparpillée, façon puzzle

« Moi les dingues, j’les soigne, j’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère, j’vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins d’Paris qu’on va l’retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle… Moi, quand on m’en fait trop, j’correctionne plus, j’dynamite, j’disperse, j’ventile ».

L'Archipel français: Naissance dune nation multiple et diviséeLes cinéphiles auront reconnu une des répliques-cultes ciselées par Michel Audiard dans le film « les Tontons Flingueurs » (1963) ! Eh bien, il faut croire que la France est devenue un peu dingue, plus dingue que Raoul ! En effet, les sociologues et politologues analysant depuis des décennies l’évolution de notre société cumulent des diagnostics de plus en plus inquiétants sur les fractures françaises. Le sentiment d’insécurité culturelle (Laurent Bouvet, 2015) se répand de plus en plus dans certaines catégories populaires ou rurales. C’est un sentiment diffus de dilution de l’identité nationale dans un melting-pot de communautarisme à l’anglo-saxonne. Certaines enclaves paraissent même vivre à l’écart des autres et en dehors du mode de vie traditionnel : ce sont les fameux territoires perdus de la de la république (Georges Bensoussan, 2002).

Cet éparpillement façon puzzle – pour reprendre les mots d’Audiard – conduisent à une dangereuse archipélisation de la France (Jérôme Fourquet, 2019) en de multiples îlots juxtaposés, mais étrangers les uns aux autres. La société française apparaît de plus en plus clivée, où les fractures territoriales, sociales, culturelles, politiques et religieuses s’imbriquent mutuellement. La France périphérique (Christophe Guilluy, 2014) a engendré les manifestations des ‘Gilets jaunes’ en octobre 2018, et continue à dériver loin des métropoles, loin des banlieues et quartiers populaires. Ces oppositions rejoignent les clivages repérés par David Goodhart (The road to somewhere, 2017) entre les Somewhere et les Anywhere, les enracinés et les cosmopolites, les perdants et les gagnants de la mondialisation…

 

Bref : depuis l’effondrement après-guerre de la matrice catholique qui maintenait une certaine unité sociale, la cohésion de la société française est mise à rude épreuve, source de profonds changements à venir, et des violences qui vont avec…

 

2. Un unanimisme de façade ?

Cette archipélisation touche-t-elle l’Église de France ? Les catholiques ne sont-ils pas unis, et ce d’autant plus qu’ils se savent minoritaires ?

La première lecture de ce dimanche (Ac 4,32-35) nous fait rêver. Elle dépeint une communauté chrétienne n’ayant qu’« un seul cœur et une seule âme », partageant ses richesses pour prendre soin des pauvres, rendant témoignage à la résurrection de Jésus « avec grande puissance »… Trop beau pour être vrai ?

Acts 4:33-35 Ananie et SaphireLuc lui-même montre à plusieurs reprises dans les Actes des Apôtres que cette vision de l’Église unie est idyllique. Cela commence tout de suite après le beau tableau précédent avec Ananie et Saphire (Ac 5,1-11) qui trichent dans le partage de leurs biens, ce qui leur vaut une mort symbolique (une excommunication sans doute) par Pierre en personne. Certains dans la communauté avaient donc le cœur trop près du portefeuille ! Visiblement, tous ne jouent pas le jeu de ce communisme ecclésial idéal, et ce dès le début…


Les fractures internes s’aggravent avec les conflits opposant Grecs et Hébreux dans l’Église de Jérusalem : « En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque, parce que les veuves de leur groupe étaient désavantagées dans le service quotidien » (Ac 6,1). Le risque de division est si fort, si grave, qu’on invente alors le ministère diaconal – sous l’inspiration de l’Esprit Saint – pour éviter la rupture (Ac 6,5-6).


Plus tard, un autre conflit opposera les partisans de la circoncision qui veulent l’imposer aux nouveaux baptisés non juifs. Conflit redoublé avec la question des viandes provenant des sacrifices d’animaux faits aux idoles : peut-on les manger ou non ? Il faudra convoquer une assemblée de crise avec tous les courants représentés ; il faudra l’autorité collégiale des Douze, l’autorité singulière que Pierre mettra dans la balance, et la prière et le discernement de tous pour que ce premier concile de Jérusalem apaise quelque peu les tensions (Ac 15).


Le problème n’est pas réglé pour autant, car les judéo-chrétiens continuent de s’attacher aux prescriptions alimentaires et rituelles de la Torah, ce qui les coupent des autres (séparatisme religieux, déjà !). Paul est obligé de tonner contre Pierre en lui reprochant cette complicité avec des pratiques fragmentant la communauté (aujourd’hui, il tournerait contre la cacherout, le halal et autres coutumes séparatistes !) : « Quand Pierre est venu à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, parce qu’il était dans son tort. En effet, avant l’arrivée de quelques personnes de l’entourage de Jacques, Pierre prenait ses repas avec les fidèles d’origine païenne. Mais après leur arrivée, il prit l’habitude de se retirer et de se tenir à l’écart, par crainte de ceux qui étaient d’origine juive. Tous les autres fidèles d’origine juive jouèrent la même comédie que lui, si bien que Barnabé lui-même se laissa entraîner dans ce jeu. Mais quand je vis que ceux-ci ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Pierre devant tout le monde : “Si toi qui es juif, tu vis à la manière des païens et non des Juifs, pourquoi obliges-tu les païens à suivre les coutumes juives ?” » (Ga 2,11-15).

Le même Paul, au caractère visiblement irascible, va se fâcher avec son collègue Barnabé ‑ à cause de Marc –, si bien qu’on faillit en venir aux mains : « L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre » (Ac 15,39) ! Même entre apôtres, on peut avoir de telles incompatibilités d’humeur qu’il vaut mieux rester loin l’un de l’autre pour éviter les clashs !

 

Tout cela lézarde significativement le bel unanimisme de façade proclamé dans notre première lecture…

Ces lézardes s’élargiront jusqu’à constituer des gouffres, des schismes, des oppositions meurtrières générant des guerres de religion et massacres en tout genre dans l’histoire des Églises. Le schisme de 1054 entre l’Orient et l’Occident déchire pour longtemps le tissu ecclésial. La réforme de Luther au XVI° siècle a mis l’Europe à feu et à sang. Et depuis, les protestants ne cessent de s’éparpiller façon puzzle : à chaque fois qu’un leader ne pense pas comme les autres, il fonde sa propre Église, à côté. Il existe plus de 45 000 dénominations protestantes dans le monde, d’après le Center for the Study of Global Christianity (ces dénominations incluent des Églises évangéliques, luthériennes, réformées, baptistes, pentecôtistes, adventistes etc.)

 

On voit que le rêve d’être « un seul cœur, une seule âme » s’est évanoui avec les siècles !

 

Le pape François parle de polarisation pour décrire les forces antagonistes et centripètes qui ont malmené l’Église catholique dans la réception du concile Vatican II :

« Le Concile nous rappelle que l’Église, à l’image de la Trinité, est communion (cf. Lumen gentium, n. 4.13). Le diable, au contraire, veut semer l’ivraie de la division. Ne cédons pas à ses flatteries, ne cédons pas à la tentation de la polarisation. Combien de fois, après le Concile, les chrétiens se sont-ils efforcés de choisir un camp dans l’Église, sans se rendre compte qu’ils déchiraient le cœur de leur Mère ! Combien de fois a-t-on préféré être « supporter de son propre groupe » plutôt que serviteurs de tous, progressistes et conservateurs plutôt que frères et sœurs, « de droite » ou « de gauche » plutôt que de Jésus ; s’ériger en « gardiens de la vérité » ou « solistes de la nouveauté », plutôt que de se reconnaître comme enfants humbles et reconnaissants de la Sainte Mère l’Église. Le Seigneur ne nous veut pas ainsi. Tous, nous sommes tous fils de Dieu, tous frères dans l’Église, tous Église, tous. »

Homélie du Pape François pour le 60° anniversaire du Concile Vatican II, 

Basilique Saint-Pierre, Mardi 11 octobre 2022, 

Mémoire de Saint Jean XXIII, Pape.

Un seul cœur, une seule âme dans Communauté spirituelle verresPolaClassiques
Polarisation
est un terme des sciences de l’optique : la lumière blanche du soleil est comme filtrée à travers les verres polarisants, qui ne laissent passer qu’une partie des spectres de cette lumière, en absorbant ou réfléchissant les autres. Une communauté polarisée filtre les lumières qu’elle tire de l’Écriture ou de l’Église, en ne laissant passer que les couleurs qui la conforte dans ses opinions a priori. La polarisation religieuse rejoint ainsi l’enfermement algorithmique par lequel les abonnés des réseaux sociaux ne vont aller regarder que les vidéos qui vont dans leur sens, poussés par les algorithmes qui ont détecté leur préférence.

 

Alors, « un seul cœur et une seule âme » ?

Il se pourrait que le portrait dressé par Luc de la communauté de Jérusalem ne soit pas un reportage journalistique, mais plutôt ce que le sociologue allemand Max Weber appelait un « idéal-type ». Autrement dit un modèle théorique rassemblant des éléments partiellement vécus (ici : l’unité, le partage, l’élan missionnaire) dans une construction « idéale » où s’exprime la vocation de la communauté.

« On obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. » [1]

 

Par exemple, la visée du partage des richesses pour venir en aide aux pauvres est une caractéristique incontournable pour qu’un groupe se dise Église. Mais les modalités pour la réaliser pourront varier dans le temps. À Antioche, les chrétiens ne pratiquent déjà plus le communisme ecclésial de Jérusalem, mais l’entraide, la solidarité, l’aumône, sans vendre la totalité de leurs biens (Ac 11,29). Et dans les Actes des Apôtres, on voit Paul organiser une collecte pour les pauvres de l’Église de Jérusalem sans demander aux baptisés de se déposséder de tout (Ac 11,30 ; 1Co 16,1-3 ; 2Co 8).

 

Prendre soin des pauvres est essentiel. La manière de le faire variera.

Être unis dans la communauté est au cœur du message du Christ. La manière de vivre cette unité variera.

Rendre témoignage à la Résurrection est capital. Les visages de l’activité missionnaire de l’Église seront multiples et changeants.

 

3. La méthode du « consensus différencié »

En matière d’unité, les chrétiens ont très vite abandonné un modèle unitaire unique. Il y avait dans les cinq premiers siècles une pentarchie, c’est-à-dire une communion entre cinq sièges apostoliques (Jérusalem, Rome, Antioche, Constantinople, Alexandrie) qui chacun avait une primauté et une certaine indépendance. On était alors loin du monolithisme ecclésial ! Cette communion entre différents patriarcats ne s’est pas imposée par pragmatisme, mais sous l’influence de l’Esprit Saint, qui puise au cœur de Dieu une communion trinitaire rejaillissant en communion différenciée au sein des Églises et entre elles.


La doctrine de la justification ; déclaration communeLe mouvement œcuménique né du Congrès des Sociétés missionnaires protestantes d’Édimbourg en 1920 a très vite renoncé à la restauration d’une seule Église, pour promouvoir des liens d’affection, de connaissance et reconnaissance mutuelle, de charité entre toutes les Églises.

Depuis 1937, il existe un dialogue non officiel entre des théologiens catholiques et protestants francophones, fondé par l’abbé Paul Couturier (1881-1953) et quelques pasteurs réformés suisses. En 1942, ce groupe prit le nom de Groupe des Dombes. Il a publié, depuis, un certain nombre de rapports de haute valeur comme « Un seul maître. L’autorité doctrinale dans l’Église » en 2006. La méthode est le « consensus différencié » où chacun expose sa foi dans un souci de spécificité pour « entrer dans le point de vue de son frère, pour le mieux comprendre dans sa cohérence et pour s’en enrichir ».


Le 31 octobre 1999, catholiques et luthériens signaient la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, mettant fin au conflit théologique sur le salut qui provoqua la Réforme. Le document précise comment chaque Église comprend le rôle premier de la foi dans le salut offert en Christ, tout en reconnaissant que la compréhension des autres Églises, exprimée en des termes différents, n’est pas incompatible avec la sienne.

Les artisans de la Déclaration commune peuvent se féliciter non seulement d’un geste historique, mais aussi d’avoir démontré la pertinence de la méthode du « consensus différencié ». Elle consiste à chercher et trouver les termes d’un consensus dans les vérités fondamentales, sans interdire que subsistent des différences dans le langage et les accentuations de chaque Église. On pourrait dire que les deux doctrines différentes ‑ catholique et luthérienne – représentent deux perspectives différentes sur le même Évangile. De la même manière que si je regarde la cathédrale de Strasbourg de deux côtés différents, je vois des choses différentes, néanmoins, c’est la même Église. Cette approche implique une compréhension de la vérité qui n’impose pas l’uniformité. Le pasteur André Birmelé aime ainsi parler de « consensus différenciant ». « C’est une manière de bien montrer que la différence fait partie du consensus. Que le consensus est lui-même ouvert à la différence, précise-t-il. Le texte biblique nous montre l’exemple d’un consensus différenciant : Matthieu, Jean ou Paul disent la même vérité en se servant de langages tout à fait différents. »

Cette méthode évite les pièges du relativisme comme du dogmatisme. C’est tout à fait différent d’une compréhension postmoderne qui dirait “tout se vaut”. Accepter les différences nécessite d’abord d’identifier ce qui est commun.

 

Les catholiques auraient intérêt à retrouver pour eux-mêmes la pratique de ce consensus différencié et différenciant !

En paroisse, c’est l’acceptation de pratiques liturgiques autres (répertoire de chants, styles de prière, gestes et expressions de foi etc.) sans imposer un seul style à tous les pratiquants, ni fuir ailleurs dès que quelque chose (ou quelqu’un) ne me convient plus…

Entre Églises, c’est la valorisation du charisme particulier propre à chacune. Les Églises orientales catholiques par exemple nous rappellent que les prêtres et diacres peuvent être mariés, que la vénération de l’icône peut avoir autant d’importance que l’adoration eucharistique etc.

Ce consensus différencié se concentre d’abord sur ce qui est commun, le noyau dur de la foi en quelque sorte, et opère un discernement entre les différents niveaux d’importance et de vérité des pratiques et des croyances de chacun.

 

Ce concept de consensus différencié et différenciant pourrait d’ailleurs être une source d’inspiration en entreprise également : cultiver une vision commune de la raison d’être et des valeurs de l’entreprise, tout en promouvant les initiatives diverses sans les aligner sur un seul modèle hiérarchique.

 

Avoir « un seul cœur, une seule âme » suppose de rester plusieurs ! C’est l’enjeu trinitaire de toute évangélisation : « qu’ils soient un comme nous sommes UN » (Jn 17,22), non pas à la manière des sociétés totalitaires, mais à la manière du Dieu-Trinité, dont l’unité résulte des relations d’amour entre les Trois. Sans cette visée « idéaltypique », malgré nos fractures actuelles, nous manquerions à notre vocation chrétienne : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). Cette unité de cœur et d’âme n’est pas une construction humaine, mais un don de Dieu, à accueillir activement : « Je leur donnerai un seul cœur, un seul chemin, afin qu’ils me craignent chaque jour, pour leur bonheur et celui de leurs fils après eux » (Jr 32,39). Ézéchiel annonçait cette unité comme le fruit de l’Esprit de Dieu : « Je leur donnerai un même cœur, et je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de leur corps le cœur de pierre, et je leur donnerai un cœur de chair » (Ez 11,19). Et les chroniqueurs de la royauté en Judas attribuent à « la main de Dieu » l’élan enthousiaste qui unissait le peuple dans l’exécution de la parole de YHWH : « Dans Juda aussi la main de Dieu se déploya pour leur donner un même cœur et leur faire exécuter l’ordre du roi et des chefs, selon la parole de YHWH » (2Ch 30,12).

 

Être un seul cœur, une seule âme : aspirer à ce don de Dieu demeure la ligne d’horizon de tout groupe se disant chrétien !

 

4. Thomas, ou l’unité par la foi

 archipel dans Communauté spirituelleRevenons à nos lectures de ce dimanche, en regardant Thomas parmi les Douze (Jn 20, 19-31). Curieusement, il n’était pas avec eux « en ce premier jour de la semaine » ; on dirait aujourd’hui qu’il a séché la messe du dimanche ! Ou plus exactement : il a manqué à l’Église en n’étant pas présent. Or déserter l’assemblée, c’est priver le Corps du Christ d’un de ses membres, irremplaçable. Thomas est le premier d’une longue série d’absences qui fracturent l’unité de l’Église : « Ne désertons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude » (He 10,25). Comme quoi l’absentéisme dominical ne date pas d’aujourd’hui… Or c’est un coup de canif dans la tunique sans couture du Christ qu’est l’Église !

 

Thomas fait l’effort d’être là le dimanche suivant, sans doute intrigué par le récit des autres. C’est la rencontre avec le Ressuscité qui le convertira définitivement à l’unité ecclésiale. En touchant ses plaies, Thomas touchait le Corps du Christ (l’Église) et désormais ne le quittera plus.

Sans cette rencontre pascale, comment aimer l’Église, la pratiquer, vivre en communion avec elle ? C’est bien dans cet ordre que nous devons examiner à frais nouveaux l’absence de tant de baptisés à nos assemblées : non pas d’abord l’impératif moral ou une exigence autoritaire (‘aller à la messe’) mais d’abord une expérience pascale, dont découle l’amour de l’Église, en Église (faire corps avec le Christ, comme Thomas).

 

« Un seul cœur, une seule âme » : nous n’avons pas fini de laisser résonner cet appel de Luc ! Dans nos couples, nos familles, nos entreprises, nos paroisses… : où et comment pourrais-je pratiquer la méthode du consensus différencié pour progresser vers cet horizon de communion ?

__________________________________

[1]. Max Weber, L’objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociales (1904) in Essais sur la théorie de la science, Paris, Pocket, 1992, p. 181.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32-35)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne disait que ses biens lui appartenaient en propre, mais ils avaient tout en commun. C’est avec une grande puissance que les Apôtres rendaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et une grâce abondante reposait sur eux tous. Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence, car tous ceux qui étaient propriétaires de domaines ou de maisons les vendaient, et ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun.

PSAUME
(117 (118), 2-4, 16ab-18, 22-24)
R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! ou : Alléluia ! (117,1)


Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !
Que le dise la maison d’Aaron :
Éternel est son amour !


Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !
Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !


Non, je ne mourrai pas, je vivrai
pour annoncer les actions du Seigneur.
Il m’a frappé, le Seigneur, il m’a frappé,
mais sans me livrer à la mort.


La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux.
Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !


DEUXIÈME LECTURE
« Tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde » (1 Jn 5, 1-6)

Lecture de la première lettre de saint Jean
Bien-aimés, celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est né de Dieu ; celui qui aime le Père qui a engendré aime aussi le Fils qui est né de lui. Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu : lorsque nous aimons Dieu et que nous accomplissons ses commandements. Car tel est l’amour de Dieu : garder ses commandements ; et ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Or la victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. Qui donc est vainqueur du monde ? N’est-ce pas celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ?
C’est lui, Jésus Christ, qui est venu par l’eau et par le sang : non pas seulement avec l’eau, mais avec l’eau et avec le sang. Et celui qui rend témoignage, c’est l’Esprit, car l’Esprit est la vérité.


ÉVANGILE
« Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)
Alléluia. Alléluia.Thomas, parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »
Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick Braud

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6 avril 2025

Rameaux : Fais la fête, Église du Christ !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Rameaux : Fais la fête, Église du Christ !

 

Homélie pour le Dimanche des Rameaux / Année C
13/04/25


Cf. également :

De quoi l’ânon des rameaux est-il le nom ?
Le coq défait Pierre
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Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
C’est l’outrage et non pas la douleur
Il a été compté avec les pécheurs
Sortir, partir ailleurs…


Quel contraste entre le Messie acclamé à la porte de Jérusalem et le criminel humilié au Golgotha !…. Un Père abbé cistercien du XII° siècle nous aide à mesurer l’écart entre les deux, que nous reproduisons trop souvent hélas dans nos vies.


« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » 

C’est sous deux aspects bien différents que la fête d’aujourd’hui présente aux enfants des hommes celui que notre âme désire (Is 26,9), « le plus beau des enfants des hommes » (Ps 44,3). Il attire notre regard sous les deux aspects ; sous l’un et l’autre nous le désirons et nous l’aimons, car en l’un et l’autre il est le Sauveur des hommes… 

 

Si on considère en même temps la procession d’aujourd’hui et la Passion, on voit Jésus, d’un côté sublime et glorieux, de l’autre humilié et douloureux. Car dans la procession il reçoit des honneurs royaux, et dans la Passion on le voit châtié comme un malfaiteur. 

Rameaux : Fais la fête, Église du Christ ! dans Communauté spirituelle mel-gibson-5f68a9d2d4522Ici, la gloire et l’honneur l’environnent ; là « il n’a ni apparence ni beauté » (Is 53,2). 

Ici, il est la joie des hommes et la fierté du peuple ; là, c’est « la honte des hommes et le mépris du peuple » (Ps 21,7). 

Ici, on l’acclame : « Hosanna au fils de David. Béni soit le roi d’Israël qui vient ! » Là, on hurle qu’il mérite la mort et on se moque de lui parce qu’il s’est fait roi d’Israël. 

Ici, on accourt vers lui avec des palmes ; là, ils le soufflettent au visage avec leurs paumes, et on frappe sa tête à coups de roseau. 

Ici, on le comble d’éloges ; là, il est rassasié d’injures. 

Ici, on se dispute pour joncher sa route avec le vêtement des autres ; là, on le dépouille de ses propres vêtements. 

Ici, on le reçoit dans Jérusalem comme le roi juste et le Sauveur ; là, il est chassé de Jérusalem comme un criminel et un imposteur. 

Ici, il est monté sur un âne, entouré d’hommages ; là, il est pendu au bois de la croix, déchiré par les fouets, transpercé de plaies et abandonné par les siens… 

 

Seigneur Jésus, que ton visage apparaisse glorieux ou humilié, toujours on y voit luire la sagesse. De ton visage rayonne l’éclat de la lumière éternelle (Sg 7,26). Que brille toujours sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage (Ps 4,7) dans les tristesses comme dans les joies… Tu es la joie et le salut de tous, qu’ils te voient monté sur l’âne ou suspendu au bois de la croix.

Bienheureux Guerric d’Igny (v. 1080-1157)
3° Sermon pour le dimanche des Rameaux

 

Épiphane de Salamine (IV° siècle) invite toute l’Église à fêter dans la joie celui qui hier rayonnait de gloire et aujourd’hui s’expose au mépris des foules et s’abaisse jusqu’à la croix…


« Sois en grande joie, fille de Sion » (Za 9,9), sois dans l’allégresse et l’exultation, Église de Dieu, car voici ton Roi qui vient à toi, voici ton Époux qui vient, assis sur un ânon comme sur un trône ! Allons en toute hâte au-devant de lui pour contempler sa gloire. Voici le salut du monde : Dieu vient vers la croix. Nous aussi, les peuples, crions aujourd’hui avec le peuple : « Hosanna au Fils de David, sauve-nous dans les hauteurs, ô Dieu ! » (Mt 21,9 ; Ps 117,25 hebr.). 

 

Ô nouveauté et merveille étrange ! 

web-jim-caviezel-and-dario-dambrosi-in-the-passion-of-the-christ-2004 Passion dans Communauté spirituelleHier, le Christ ressuscitait des morts Lazare ; aujourd’hui, il court à la mort. 

Hier, il donnait la vie à un autre, lui qui est la vie ; aujourd’hui le donneur de vie va à la mort. 

Hier il déliait Lazare de ses liens ; aujourd’hui il tend les mains à ceux qui veulent le ligoter. 

Hier, il arrachait un homme aux ténèbres ; aujourd’hui, pour les hommes, il s’enfonce dans les ténèbres et l’ombre de la mort. 

Hier, six jours avant Pâques, il rendait aux deux sœurs leur frère dans la tombe depuis quatre  jours ; aujourd’hui il va vers la croix.

Hier, il offrait à Marie un mort de quatre jours ; aujourd’hui le Christ s’offre à l’Église après trois  jours.

La seule Béthanie était alors dans l’admiration, mais ici c’est jour de fête pour toute l’Église. Elle célèbre la fête de fête, car elle reçoit au milieu d’elle le roi des êtres incorporels, qui est tout à la fois son roi et son époux.

 

C’est un jour de fête que célèbre l’Église, sous l’ombrage du Christ, olivier qui porte du fruit dans la maison de Dieu (Ps 51,10) ; elle célèbre un jour de fête avec le Christ, lis printanier du Paradis en fleur. Car le Christ se tient au milieu de l’Église, lui vrai lis en fleur, racine de Jessé qui ne juge pas le monde mais le sert (Is 11,1.3). Il se tient au milieu de l’Église, source éternelle d’où jaillissent non plus les fleuves du paradis (Gn 2,10), mais Matthieu, Marc, Luc et Jean, qui arrosent le jardin de l’Église du Christ. Aujourd’hui, nous qui sommes de jeunes plants d’olivier féconds (cf. Ps 127,3), tenant en main des rameaux d’olivier, supplions le Christ miséricordieux. « Plantés dans la maison du Seigneur », fleurissant au printemps dans « les parvis de la maison de notre Dieu », célébrons un jour de fête : « l’hiver s’en est allé ! » (Ps 91,14 ; Ct 2,11). 

 

Fais la fête, Église du Christ ! Mène la danse, non en figure ni de façon matérielle, mais fais la fête en esprit et dans ton cœur. Car pour toi, je m’écrie avec Paul d’une voix sainte et forte : « Les choses anciennes ont disparu, voici que tout est nouveau » (2Co 5,17). 

Oui, réjouis-toi dans le Seigneur, troupeau du Christ. 

Un prophète, regardant vers le roi s’écrie : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », et un autre annonce à son sujet : « Voici un homme et un Dieu tout ensemble : son nom est Orient », et David, regardant vers le Christ issu de sa race selon la chair, dit : « Le seigneur est Dieu, et il nous est apparu ».

 

Ô jour de fête admirable par sa nouveauté, surprenant et étonnant : les enfants acclament le Christ comme Dieu et les prêtres le maudissent, les enfants l’adorent et les docteurs méprisants le calomnient. 

Les enfants crient : « Hosanna ! » et les hébreux vocifèrent : « Crucifie-le ! » 

Ceux-ci se rassemblent autour du Christ avec des palmes, ceux-là se jettent sur lui avec des épées.

Ceux-ci coupent des Rameaux, ceux-là préparent une croix.

Épiphane de Salamine

Homélie pour la fête des Palmes

 

 

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur

Procession des Rameaux

Entrée messianique (Lc 19, 28-40)
En ce temps-là, Jésus partit en avant pour monter à Jérusalem. Lorsqu’il approcha de Bethphagé et de Béthanie, près de l’endroit appelé mont des Oliviers, il envoya deux de ses disciples, en disant : « Allez à ce village d’en face. À l’entrée, vous trouverez un petit âne attaché, sur lequel personne ne s’est encore assis. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : ‘Pourquoi le détachez-vous ?’ vous répondrez : ‘Parce que le Seigneur en a besoin.’ » Les envoyés partirent et trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit. Alors qu’ils détachaient le petit âne, ses maîtres leur demandèrent : « Pourquoi détachez-vous l’âne ? » Ils répondirent : « Parce que le Seigneur en a besoin. » Ils amenèrent l’âne auprès de Jésus, jetèrent leurs manteaux dessus, et y firent monter Jésus. À mesure que Jésus avançait, les gens étendaient leurs manteaux sur le chemin. Alors que déjà Jésus approchait de la descente du mont des Oliviers, toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus, et ils disaient : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » Quelques pharisiens, qui se trouvaient dans la foule, dirent à Jésus : « Maître, réprimande tes disciples ! » Mais il prit la parole en disant : « Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront. »

Messe de la Passion

Première lecture (Is 50, 4-7)
Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé. Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume (21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
Tous ceux qui me voient me bafouent ;
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent, une bande de vauriens m’entoure ;
Ils me percent les mains et les pieds, je peux compter tous mes os.
Ils partagent entre eux mes habits et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin : ô ma force, viens vite à mon aide !

Tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

Deuxième lecture (Ph 2 6-11)
Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père.

Évangile (Lc 22, 14 – 23, 56)
Indications pour la lecture dialoguée : Les sigles désignant les divers interlocuteurs sont les suivants : X = Jésus ; L = Lecteur ; D = Disciples et amis ; F = Foule ; A = Autres personnages.

L. Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui. Il leur dit : X « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu. » L. Alors, ayant reçu une coupe et rendu grâce, il dit : X « Prenez ceci et partagez entre vous. Car je vous le déclare : désormais, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. » L. Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : X « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » L. Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : X « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. Et cependant, voici que la main de celui qui me livre est à côté de moi sur la table. En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux cet homme-là par qui il est livré ! » L. Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres quel pourrait bien être, parmi eux, celui qui allait faire cela. Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ? Mais il leur dit : X « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le blé. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu sera revenu, affermis tes frères. » L. Pierre lui dit : D. « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort. » L. Jésus reprit : X « Je te le déclare, Pierre : le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que toi, par trois fois, tu aies nié me connaître. » L. Puis il leur dit : X « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous donc manqué de quelque chose ? » L. Ils lui répondirent : D. « Non, de rien. » L. Jésus leur dit : X « Eh bien maintenant, celui qui a une bourse, qu’il la prenne, de même celui qui a un sac ; et celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une. Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les impies. De fait, ce qui me concerne va trouver son accomplissement. » L. Ils lui dirent : D. « Seigneur, voici deux épées. » L. Il leur répondit : X « Cela suffit. » L. Jésus sortit pour se rendre, selon son habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé en ce lieu, il leur dit : X « Priez, pour ne pas entrer en tentation. » L. Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. S’étant mis à genoux, il priait en disant : X « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » L. Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre. Puis Jésus se releva de sa prière et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis, accablés de tristesse. Il leur dit : X « Pourquoi dormez-vous ? Relevez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. » L. Il parlait encore, quand parut une foule de gens. Celui qui s’appelait Judas, l’un des Douze, marchait à leur tête. Il s’approcha de Jésus pour lui donner un baiser. Jésus lui dit : X « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? » L. Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent : D. « Seigneur, et si nous frappions avec l’épée ? » L. L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Mais Jésus dit : X « Restez-en là ! » L. Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit. Jésus dit alors à ceux qui étaient venus l’arrêter, grands prêtres, chefs des gardes du Temple et anciens : X « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais avec vous dans le Temple, et vous n’avez pas porté la main sur moi. Mais c’est maintenant votre heure et le pouvoir des ténèbres. » L. S’étant saisis de Jésus, ils l’emmenèrent et le firent entrer dans la résidence du grand prêtre. Pierre suivait à distance. On avait allumé un feu au milieu de la cour, et tous étaient assis là. Pierre vint s’asseoir au milieu d’eux. Une jeune servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea et dit : A. « Celui-là aussi était avec lui. » L. Mais il nia : D. « Non, je ne le connais pas. » L. Peu après, un autre dit en le voyant : F. « Toi aussi, tu es l’un d’entre eux. » L. Pierre répondit : D. « Non, je ne le suis pas. » L. Environ une heure plus tard, un autre insistait avec force : F. « C’est tout à fait sûr ! Celui-là était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen. » L. Pierre répondit : D. « Je ne sais pas ce que tu veux dire. » L. Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre. Alors Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et, dehors, pleura amèrement. Les hommes qui gardaient Jésus se moquaient de lui et le rouaient de coups. Ils lui avaient voilé le visage, et ils l’interrogeaient : F. « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? » L. Et ils proféraient contre lui beaucoup d’autres blasphèmes. Lorsqu’il fit jour, se réunit le collège des anciens du peuple, grands prêtres et scribes, et on emmena Jésus devant leur conseil suprême. Ils lui dirent : F. « Si tu es le Christ, dis-le nous. » L. Il leur répondit : X « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite de la Puissance de Dieu. » L. Tous lui dirent alors : F. « Tu es donc le Fils de Dieu ? » L. Il leur répondit : X « Vous dites vous-mêmes que je le suis. » L. Ils dirent alors : F. « Pourquoi nous faut-il encore un témoignage ? Nous-mêmes, nous l’avons entendu de sa bouche. » L. L’assemblée tout entière se leva, et on l’emmena chez Pilate. On se mit alors à l’accuser : F. « Nous avons trouvé cet homme en train de semer le trouble dans notre nation : il empêche de payer l’impôt à l’empereur, et il dit qu’il est le Christ, le Roi. » L. Pilate l’interrogea : A. « Es-tu le roi des Juifs ? » L. Jésus répondit : X « C’est toi-même qui le dis. » L. Pilate s’adressa aux grands prêtres et aux foules : A. « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de condamnation. » L. Mais ils insistaient avec force : F. « Il soulève le peuple en enseignant dans toute la Judée ; après avoir commencé en Galilée, il est venu jusqu’ici. » L. À ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen. Apprenant qu’il relevait de l’autorité d’Hérode, il le renvoya devant ce dernier, qui se trouvait lui aussi à Jérusalem en ces jours-là. À la vue de Jésus, Hérode éprouva une joie extrême : en effet, depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa bon nombre de questions, mais Jésus ne lui répondit rien. Les grands prêtres et les scribes étaient là, et ils l’accusaient avec véhémence. Hérode, ainsi que ses soldats, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate. Ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent des amis, alors qu’auparavant il y avait de l’hostilité entre eux. Alors Pilate convoqua les grands prêtres, les chefs et le peuple. Il leur dit : A. « Vous m’avez amené cet homme en l’accusant d’introduire la subversion dans le peuple. Or, j’ai moi-même instruit l’affaire devant vous et, parmi les faits dont vous l’accusez, je n’ai trouvé chez cet homme aucun motif de condamnation. D’ailleurs, Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. En somme, cet homme n’a rien fait qui mérite la mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait donner une correction. » L. Ils se mirent à crier tous ensemble : F. « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. » L. Ce Barabbas avait été jeté en prison pour une émeute survenue dans la ville, et pour meurtre. Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils vociféraient : F. « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » L. Pour la troisième fois, il leur dit : A. « Quel mal a donc fait cet homme ? Je n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le relâcher après lui avoir fait donner une correction. » L. Mais ils insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs cris s’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur requête. Il relâcha celui qu’ils réclamaient, le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, et il livra Jésus à leur bon plaisir. L. Comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus. Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : X « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : ‘Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !’ Alors on dira aux montagnes : ‘Tombez sur nous’, et aux collines : ‘Cachez-nous.’ Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? » L. Ils emmenaient aussi avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter. Lorsqu’ils furent arrivés au lieu dit : Le Crâne (ou Calvaire), là ils crucifièrent Jésus, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : X « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » L. Puis, ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à observer. Les chefs tournaient Jésus en dérision et disaient : F. « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » L. Les soldats aussi se moquaient de lui ; s’approchant, ils lui présentaient de la boisson vinaigrée, en disant : F. « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » L. Il y avait aussi une inscription au-dessus de lui : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : A. « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » L. Mais l’autre lui fit de vifs reproches : A. « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » L. Et il disait : A. « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume. » L. Jésus lui déclara : X « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » L. C’était déjà environ la sixième heure (c’est-à-dire : midi) ; l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à la neuvième heure, car le soleil s’était caché. Le rideau du Sanctuaire se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un grand cri : X « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » L. Et après avoir dit cela, il expira. Ici on fléchit le genou et on s’arrête un instant) À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : A. « Celui-ci était réellement un homme juste. » L. Et toute la foule des gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, observant ce qui se passait, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ses amis, ainsi que les femmes qui le suivaient depuis la Galilée, se tenaient plus loin pour regarder. Alors arriva un membre du Conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste, qui n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait le règne de Dieu. Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un tombeau taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. C’était le jour de la Préparation de la fête, et déjà brillaient les lumières du sabbat. Les femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.
Patrick BRAUD

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