L'homélie du dimanche (prochain)

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24 août 2013

Dieu aime les païens

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Dieu aime les païens

Homélie du 21° Dimanche du temps ordinaire / Année C
25/08/2013

Sans garantie du gouvernement

Dieu aime les païens dans Communauté spirituelle 618062-extremement-rare-telles-accusations-abusLes Frères musulmans d’Égypte ou les hassidims strictement orthodoxes de Jérusalem « grinceront des dents » à entendre les lectures de ce dimanche. Comment ? Faire partie du peuple élu ne suffit pas à être sûr d’être sauvé ? Comment ? Des étrangers venus d’on ne sait où viendraient nous « jeter dehors » pour prendre notre place auprès de Dieu ? Comment ? La pratique rituelle ne nous ouvre pas la « porte étroite » ? Alors, à quoi sert de pratiquer à la mosquée, à la synagogue ou à l’église ? Pourquoi chercher à être le premier dans le domaine de la foi si Dieu s’amuse à intervertir les derniers et les premiers ? (cf. Lc 13,22-30)

C’est ça qui est bien chez le Dieu de la Bible : il prend très souvent à contre-pied les certitudes des croyants trop sûrs d’eux, et ne garantit absolument aucun salut obtenu par la prière, le culte où la tradition. Renversant !

Isaïe annonce que le festin du royaume de Dieu est ouvert à tous les païens des quatre coins de l’horizon : rien ne sert d’être juif, cela ne donne aucune garantie ! Apparemment, dans la bouche d’Isaïe, les païens n’auront rien fait de spécial pour être ainsi associés au festin. Dieu ira les chercher gratuitement, sans autre condition que d’accepter de se laisser rassembler avec l’humanité enfin réconciliée. Par contre, ceux qui auront mangé et bu en présence du Christ se voient reprocher de faire le mal : un comble ! Comme quoi la pratique eucharistique n’est pas un calcul pour obtenir quoi que ce soit. La prière non plus. Prier ou communier relève de la gratuité et non du calcul. De la louange et non de la stratégie. Lorsque Dieu va chercher les païens – sans raison – pour les associer au festin à Jérusalem, il fait un pied de nez aux barbus, aux papillotes, aux soutanes impeccables qui virevoltent dans les lieux saints avec tant d’arrogance.

 

Dieu aime les païens.

Patrick BraudAu moins eux ne cherchent pas à l’utiliser.
Au moins eux seront étonnés d’être choisis et appelés.
Au moins eux auront conscience de ne rien mériter.
Au moins avec eux on est sûr que Dieu aime sans raison, à la limite de l’absurde.

Aimez-vous les païens qui vous entourent, à la manière de Dieu ?

C’est vrai, les chrétiens (et les pratiquants encore plus que les autres) sont minoritaires en France. Au travail, dans un quartier, en famille même ils sont quelques-uns noyés au milieu d’une masse d’indifférents ou d’opposants. La tentation est alors forte de se replier sur son identité religieuse menacée de toutes parts, et au pire de dénigrer ce qui ne vivent pas pareil, au mieux de les considérer avec un rien de mépris au fond des yeux.

Même les manifestants anti mariage-pour-tous sont exposés à ce piège. Sûrs de la droiture de leur opinion, ils risquent de juger les autres, leurs pratiques, leurs idées, avec dureté et intolérance.

 

Dieu aime les païens
En les invitant gratuitement à se rassembler avec les croyants, ils manifestent qui Il est : un amour inconditionnel.
À tous ceux qui se croient à l’abri à cause des multiples fidélités rituelles qu’ils observent soigneusement, l’appel des païens rappelle que c’est la miséricorde que Dieu désire, et non le sacrifice.

À tous ceux qui méprisent plus ou moins les autres parce qu’ils ne partagent pas leurs croyances et leurs pratiques, l’élection des païens résonne comme un signe : il y a beaucoup à apprendre de ceux qui vivent ailleurs ou autrement.

À tous ceux qui désespèrent des conflits religieux ensanglantant les peuples, de l’Égypte à l’Inde en passant par l’Irlande ou la Palestine, le choix par Dieu des païens annonce une immense espérance : Christ est mort pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Jn 11,52).

Le tout est d’aimer les païens à la manière de Dieu : tels qu’ils sont, invités au festin, associés au même étage. Les messagers (Is 66) qui sont chargés d’annoncer cette nouvelle aux nations lointaines sont chargés également de les ramener à Jérusalem, par tous les moyens possibles : chevaux, chariots, litières, mulets, dromadaires… Comme quoi tous les véhicules culturels sont bons pour ramener les nations vers Dieu ! Conception centripète de la mission d’Israël ou de l’Église, cette passion pour le rassemblement de tous dans l’unité reflète le coeur de Dieu. Jusqu’à prendre des prêtres et des lévites parmi ces païens – ose annoncer Isaïe - les fonctions les plus sacrées en Israël ! Décidément, Dieu ne respecte pas même pas son copyright, doivent penser les auditeurs du prophète…

Alors, regardez d’un autre oeil les païens avec qui vous travaillez, avec qui vous faites du sport, des repas, des sorties.
Dites-vous que ce sont vos voisins de table de demain au festin final.
Dites-vous qu’à travers eux, Dieu vous éduque à dilater votre cœur à ses dimensions à lui.
Apprenez d’eux ce qu’est la gratuité de la foi chrétienne.

1ère lecture : Dieu vient rassembler toutes les nations (Is 66, 18-21)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur : Je viens rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. Ils viendront et ils verront ma gloire :
je mettrai un signe au milieu d’eux ! J’enverrai des rescapés de mon peuple vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont pas entendu parler de moi et qui n’ont pas vu ma gloire : ces messagers de mon peuple annonceront ma gloire parmi les nations.
Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux ou dans des chariots, en litière, à dos de mulets ou de dromadaires. Ils les conduiront jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem, comme les fils d’Israël apportent l’offrande, dans des vases purs, au temple du Seigneur.
Et même je prendrai des prêtres et des lévites parmi eux. Parole du Seigneur.

Psaume : Ps 116, 1, 2

R/ Allez par le monde entier proclamer la Bonne Nouvelle.

Louez le Seigneur, tous les peuples ; 
fêtez-le, tous les pays ! 

Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; 
éternelle est la fidélité du Seigneur !

2ème lecture : Dieu corrige ceux qu’il aime (He 12, 5-7.11-13)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, n’oubliez pas cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il reconnaît comme ses fils. 
Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on ne se sent pas joyeux, mais plutôt triste. Par contre, quand on s’est repris grâce à la leçon, plus tard, on trouve la paix et l’on devient juste.
C’est pourquoi il est écrit : Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes et aux genoux qui fléchissent, et : Nivelez la piste pour y marcher. Ainsi, celui qui boite ne se tordra pas le pied ; bien plus, il sera guéri.

Evangile : L’appel universel au salut et la porte étroite (Lc 13, 22-30)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. De l’Orient à l’Occident, tous les peuples de la terre prendront place à la table de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 13, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » 
Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas.
Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’
Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’
Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.’ 
Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors.
Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
Patrick Braud

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14 août 2013

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

Homélie pour la fête de l’Assomption / Année C
15 Août 2013

L'Assomption de Marie, étoile de la mer dans Communauté spirituelle voilier

 

« Le vent se lève. Hâte-toi. La voile bat au long du mât. L’honneur est dans les toiles ; et l’impatience sur les eaux comme fièvre du sang. La brise mène au bleu du large ses couleuvres d’eau verte. Et le pilote lit sa route entre les grandes taches de nuit mauve, couleur de cerne et d’ecchymose. » 1

Fermez les yeux…

Vous naviguez de nuit, à la fraîche.

Vous avez hissé la voile aussitôt sortis du port de la Trinité sur Mer, et vous voilà à chercher l’accès vers Belle-Île à travers le passage du Béniguet. Le vent est établi : 3 à 4 Beaufort, de quoi entendre le chuintement régulier de l’étrave dans la vague, belle et franche respiration du bateau taillant sa route vers Houat et Hoedic. La nuit, le plancton phosphorescent donne à l’océan un air illuminé où toutes les rencontres deviennent possibles. Bien sûr vous avez le compas à l’oeil, l’enchaînement des bouées est bien visible sur la table à cartes ; et le GPS – espion fidèle – surveille votre route.

Imaginez un moment que tous ces repères n’existent plus, que l’électronique tombe en panne, qu’il n’y ait plus de bouées, plus de cartes marines, plus de satellites : comment ne pas aller se fracasser sur la multitude de cailloux et de rochers qui parsèment ces étroits passages entre les îles bretonnes ?

Vous retrouvez alors les vieux réflexes des navigateurs d’antan : lever les yeux, regarder le ciel étoilé, repérer les astres remarquables, calculer son cap d’après les alignements, ressortir l’antique sextant qui autrefois guidait les navigateurs au-delà de leurs mondes connus…

En ce 15 août, Marie est « montée » au ciel, telle une étoile non pas filante mais au contraire stable et rassurante. Le peuple chrétien la chante depuis des siècles sous le titre d’étoile de la mer.

ave-maris-stella Assomption dans Communauté spirituelleAve, maris stella,

Dei mater alma,

Atque semper virgo,

Felix caeli porta.

Sumens illud « Ave »

Gabrielis ore,

Funda nos in pace,

Mutans Evae nomen.

 

Solve vincla reis,

Profer lumen caecis,

Malanostra pelle,

Bona concta posce.

Monstra te esse matrem,

Sumat per te preces

Qui pronobli natus

Tulit esse tuus

 

Virgo singularis,

Inter mones mitis,

Nos culpis solutos

Mites fac et castos.

Vitam praesta puram,

Iter para tutum,

Ut videntes Jesu

Semper collaetémur

 

Sit laus Deo Patri,

Summo Christus decus,

Spirituti Sancto

Tribus, honor unus.

Amen

Traduction

Salut, étoile de la mer,

Sainte Mère de Dieu

Et vierge à jamais consacrée,

Bienheureuse porte du ciel.

 

Recevant cet Ave

Par la bouche de Gabriel

Fixe-nous dans la paix,

Retournement du nom d’Eva (Ève).

 

Des pécheurs brise les liens

Aux aveugles accorde la lumière,

Délivre-nous de nos misères,

Obtiens pour nous les vrais biens !

 

Montre toujours que tu es Mère,

Qu’il reçoive de toi nos prières

Celui qui est né pour nous,

En acceptant d’être ton fils.

 

O Vierge sans pareille

Vierge douce entre toutes,

Obtiens le pardon de nos fautes

Rends nos c?urs humbles et purs.

 

Rends sainte notre vie

Rends sûre notre route,

Afin que, contemplant Jésus,

Nous partagions sans fin ta joie.

 

Louange à Dieu le Père,

Gloire au Christ souverain

Ainsi qu’au Saint-Esprit ;

Aux Trois un seul honneur sans fin.

Ave Maris Stella est un vieil hymne toujours chanté à l’office, saluant la Vierge sous les traits d’un astre de nuit guidant les marins au milieu des dangers de l’océan. Le texte de l’hymne joue avec les mots. Ave est l’inverse de Eva : le salut (ave) signifie que la nouvelle Ève, accomplissant en sens inverse le chemin de la création déchue, réalise la vocation ultime de l’humanité : partager l’intimité de Dieu. L’assonance Maris / Maria suggère la même immensité en Marie quand l’océan.

Patrick Braud 

« De millénaires ouverte, la Mer totale m’environne.
L’abîme infâme m’est délice, et l’immersion, divine.
Et l’étoile apatride chemine dans les hauteurs du Siècle vert.
Et ma prérogative sur les mers est de rêver pour vous ce rêve du réel…
Ils m’ont appelé l’Obscur et j’habitais l’éclat.

(…)

Étroits sont les vaisseaux, étroite notre couche. Et par toi, coeur aimant, toute l’étroitesse d’aimer, et par toi, coeur inquiet, tout l’au-delà d’aimer. Entends siffler plus haut que mer la horde d’ailes migratrices. Et toi force nouvelle, passion plus haute que d’aimer, quelle autre mer nous ouvres-tu où les vaisseaux n’ont point d’usage ? (Ainsi j’ai vu un jour, entre les îles, l’ardente migration d’abeilles, et qui croisait la route du navire, attacher un instant à la haute mature l’essaim farouche d’une âme très nombreuse, en quête de son lieu…)

(?)

Une même vague par le monde, une même vague parmi nous, haussant, roulant l’hydre amoureuse de sa force… Et du talon divin, cette pulsation très forte, et qui tout gagne… Amour et mer de même lit, amour et mer au même lit… »  2

Pourquoi appeler Étoile de la mer Marie en son Assomption ?

tumblr_m3il06VWOm1r0kx5qo1_500 étoileDepuis l’Ascension du Christ, il n’est plus là physiquement devant nos yeux. Lui, la lumière des nations (Lumen Gentium, cf. Vatican II), le soleil de grâce, nous a été enlevé, et nous avançons comme à tâtons, environnés de nuit. Pourtant, cette obscurité n’est plus comme celle d’avant, puisqu’elle nous mène au soleil levant de la résurrection. Et déjà, les astres brillent au firmament de ce long convoyage vers l’aube nouvelle. La communion des saints ressemble à ces écheveaux de constellations imbriquées les unes dans les autres, de toutes tailles, scintillantes de mille manières. Parmi elles, une étoile demeure, fixe dans son alignement terre-soleil, fournissant ainsi un repère précieux pour les marins sans carte ni boussole dans leur exploration de profondeurs océanes inconnues.

Marie est pour nous ce repère accroché tout en haut de la carte pour élever le regard et projeter sur notre route une clarté indirecte, reçue du Christ, suffisamment atténuée pour ne pas être aveuglé, suffisamment brillante pour discerner les dangers de la navigation.

I-Miniature-638-sauves-dans-l-esperance-spe-salvi.net Marie« Par une hymne du VIIe-IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l’Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin ? Comment en trouvons-nous la route ? La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route.

Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance.

Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée.

Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l’étoile de l’espérance? « 

Benoît XVI, encyclique Spe Salvi, § 49

 

En ce 15 août, prions Marie, Étoile de la mer : qu’elle soit pour nous un repère plus sûr que le GPS l’est aux navigateurs…

 

Marie, étoile de la mer (St Bernard ? 1153)

L’image de l’astre

« Et le nom de la vierge était Marie » (Lc 1,27).

Disons quelque chose aussi sur ce nom, qui est interprété : « étoile » de la mer et qui convient à merveille à la mère restée vierge.

Oui, on la compare à un astre, et rien de plus juste : comme l’astre, sans être altéré, émet son rayon, ainsi, sans lésion intime, la Vierge met au monde son Fils. Le rayon n’amoindrit pas la clarté de l’astre, pas plus que le fils ne diminue l’intégrité de la vierge.

Oui, elle est cette noble étoile issue de Jacob dont les rayons illuminent l’univers entier, dont la splendeur étincelle sur la cime et pénètre jusqu’aux ombres profondes, dont la chaleur répandue sur la terre réchauffe les âmes plus que les corps, mûrit les vertus et consume les vices.

Elle est cette brillante et merveilleuse étoile qui se lève, glorieuse et nécessaire au-dessus de cet océan immense, dans la splendeur de ses mérites et de ses  exemples.

Dans la tempête, regarde l’étoile, invoque Marie !

O toi, qui que tu sois, qui dans cette marée du monde, te sens emporté à la dérive parmi orages et tempêtes, plutôt que sur la terre ferme, ne quitte pas les feux de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque.

Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie !

Si  l’orgueil, l’ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues, regarde l’étoile, crie vers Marie !

Si la colère ou l’avarice, si les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie !

Quand, tourmenté par l’énormité de tes fautes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par la menace du jugement, tu te laisses happer par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie.

Dans les dangers, dans les angoisses, dans les situations critiques, pense à Marie, crie vers Marie !

Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton c?ur, et pour obtenir la faveur de ses prières, ne cesse d’imiter sa vie.

Fais ta propre expérience de Marie !

Si tu la suis, point ne t’égares.

Si tu la pries, point ne désespère.

Si tu la gardes en pensée, point de faux pas.

Qu’elle te tienne, plus de chute.

Qu’elle te protège, plus de crainte.

Sous sa conduite, plus de fatigue.

Grâce à sa faveur, tu touches au port.

Et voilà comment ta propre expérience te montre combien se justifie la parole : Le nom de la Vierge était Marie (Lc 1, 27).

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1. Saint-John Perse, Amers, 1957.

2. Ibid.

Messe du jour

1ère lecture : La Femme de l’Apocalypse, image de l’Église comme Marie (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’Alliance du Seigneur apparut dans son Temple. 

Un signe grandiose apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles.
Elle était enceinte et elle criait, torturée par les douleurs de l’enfantement.
Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes,et sur chaque tête un diadème.
Sa queue balayait le tiers des étoiles du ciel, et les précipita sur la terre. Le Dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance.
Or, la Femme mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les menant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. 

Alors j’entendis dans le ciel une voix puissante, qui proclamait : « Voici maintenant le salut, la puissance et la royauté de notre Dieu, et le pouvoir de son Christ ! »

Psaume : 44, 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16

R/ Heureuse es-tu, Vierge Marie, dans la gloire de ton Fils.

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté. 

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui. 
Alors, les plus riches du peuple, 
chargés de présents, quêteront ton sourire. 

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire, 
vêtue d’étoffes d’or ; 
on la conduit, toute parée, vers le roi. 

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ; 
on les conduit parmi les chants de fête : 
elles entrent au palais du roi.

2ème lecture : Le Christ nous entraîne tous dans la vie éternelle ( 1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection. En effet, c’est en Adam que meurent tous les hommes ; c’est dans le Christ que tous revivront, mais chacun à son rang : en premier, le Christ ; et ensuite, ceux qui seront au Christ lorsqu’il reviendra. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra son pouvoir royal à Dieu le Père, après avoir détruit toutes les puissances du mal. C’est lui en effet qui doit régner jusqu’au jour où il aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds.

Evangile : « Heureuse celle qui a cru ! » (Lc 1, 39-56)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée.
Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie de l’Esprit Saint,
et s’écria d’une voix forte :
« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni.
Comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?
Car, lorsque j’ai entendu tes paroles de salutation, l’enfant a tressailli d’allégresse au-dedans de moi.
Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »
Marie dit alors :
« Mon âme exalte le Seigneur,
mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur.
Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.
Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !
Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides.
Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,
de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa race à jamais. »
Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick Braud

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3 mai 2013

L’Esprit et la mémoire

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’Esprit et la mémoire

Homélie du 6°dimanche de Pâques / Année C
05/05/2013

Dans l’évangile de Jean, l’Esprit Saint est intimement lié à deux fonctions essentielles de la vie chrétienne : le pardon et la mémoire.

Le pardon y apparaît comme un fruit de l’Esprit répandu sur les disciples lors de l’équivalent de la Pentecôte chez Jean, lorsque Jésus nécessité « souffle » à ses disciples le pouvoir de pardonner : « il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » » (Jn 12,22-23)

La mémoire quant à elle apparaît clairement liée à l’envoi de l’Esprit Saint par le Père lui-même : « il vous enseignera tout, il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit ». (Jn 14,26)

Attardons sur ce deuxième effet spirituel qui est au coeur de la page d’évangile de ce Dimanche : l’Esprit et le souvenir.

 

Du travail de mémoire

Si le Christ nous promet l’Esprit Saint au secours de notre mémoire, c’est donc que naturellement, par nous-mêmes, nous avons du mal à nous souvenir. Notre mémoire sélectionne à notre insu, fait un tri dont la clé nous échappe. Il suffit d’écouter les personnes âgées raconter leur vie pour deviner ce qui n’est pas dit… La même mésaventure est arrivée aux disciples de Jésus alors qu’ils étaient encore à ses côtés. Comme le dit la sagesse populaire, ses paroles sont bien souvent rentrées par une oreille et sorties par l’autre !

Jésus est donc obligé de les faire souvenir de ses paroles et de ses actes, pour les aider à comprendre ce qui leur arrive.

Ainsi devant le choc des persécutions qui s’annoncent : « Rappelez-vous la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, vous aussi ils vous persécuteront ; s’ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi ils la garderont. » (Jn 15,)

Au lieu du Messie glorifié devant tous, voilà que les arrestations, emprisonnements, coups de fouet et autres humiliations vont s’abattre sur les premiers chrétiens. Se souvenir de la fin lamentable de Jésus sur la croix, et de sa parole : « le serviteur n’est pas plus grand que son maître » aidera les croyants à ne pas se décourager, à déchiffrer les persécutions comme une voie d’union intime au Christ. Les martyrs ont affronté les supplices et la mort en s’appuyant sur cette parole, vivant trésor de l’Église grâce à l’Esprit Saint qui la maintenait actuelle en la faisant circuler sur les lèvres des premiers témoins.

De même en Jn 16,3-4 : « On vous exclura des synagogues. Bien plus, l’heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu. Et cela, ils le feront pour n’avoir reconnu ni le Père ni moi. Mais je vous ai dit cela, pour qu’une fois leur heure venue, vous vous rappeliez que je vous l’ai dit. »

Quand on n’y voit plus clair, quand on n’y comprend plus rien, se rappeler les paroles du Christ sur l’exclusion et le fanatisme religieux meurtrier à l’encontre des chrétiens permet de comprendre : au-delà de leur victoire apparente, les persécuteurs en fait vont manifester le vrai dessein de Dieu, à savoir la victoire de l’amour sur la haine.

Nous sommes tellement bouchés que Jésus est obligé de son vivant d’interpeller vivement ses disciples : « Avez-vous donc l’esprit bouché, des yeux pour ne point voir et des oreilles pour ne point entendre ? Et ne vous rappelez-vous pas, quand j’ai rompu les cinq pains pour les 5.000 hommes, combien de couffins pleins de morceaux vous avez emportés ? » Ils lui disent: « Douze »  –  « Et lors des sept pour les 4.000 hommes, combien de corbeilles pleines de morceaux avez-vous emportées ? » Et ils disent: « Sept. » Alors il leur dit: « Ne comprenez-vous pas encore ? »  » (Mc 8,18-21).

Pour interpréter le sens des gestes de Jésus, au-delà de leur signification matérielle immédiate, il faut ce travail de l’Esprit en nous.

Après le sens littéral, c’est donc qu’il y a un sens spirituel aux événements qui nous affectent. C’est justement le rôle de l’Esprit que de nous introduire dans une intelligence plus profonde, plus subtile des événements de notre histoire 1.

Les intégristes se limitent à une lecture fondamentaliste, littérale, des textes. Ils se ferment à une lecture authentiquement spirituelle, c’est-à-dire inspirée par l’Esprit Saint, où ces textes d’hier deviennent une parole pour aujourd’hui.

Devant le tombeau vide et l’étonnement des femmes, les anges font appel à leur souvenir des paroles de Jésus : « Rappelez-vous comment il vous a parlé, quand il était encore en Galilée : « Il faut, disait-il, que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié, et qu’il ressuscite le troisième jour. » Et elles se rappelèrent ses paroles. » (Lc 24,7-8)

Pour interpréter la Passion et la croix comme librement assumées par Jésus, il faut faire mémoire de ses paroles où il y a vu l’aboutissement de la volonté du Père (« aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus », en allant les rejoindre au plus bas).

De même, devant le choix bizarre de Jésus : pourquoi vouloir un petit âne pour entrer triomphalement dans Jérusalem ? « Jésus, trouvant un petit âne, s’assit dessus selon qu’il est écrit : « Sois sans crainte, fille de Sion : voici que ton roi vient, monté sur un petit d’ânesse. » Cela, ses disciples ne le comprirent pas tout d’abord; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que cela était écrit de lui et que c’était ce qu’on lui avait fait. » (Jn 12,15-16)

Là, c’est le souvenir – après-coup – de la parole du prophète qui permet d’éclairer le comportement de Jésus. Sur le moment, ses disciples n’y ont rien compris. C’est seulement après, avec la venue de l’Esprit Saint, que leur intelligence s’est ouverte. Ce n’est qu’après coup qu’on peut mettre des paroles sur des événements ; et c’est le rôle de l’Esprit.

D’où l’importance d’apprendre l’Écriture par c?ur, afin que ce travail se fasse à partir du plus profond de nous-mêmes, à partir du c?ur de notre être : Jésus avait appris par coeur les paroles des psaumes, qui lui sont remontées naturellement aux lèvres lorsqu’il lui a fallu faire face à l’horreur de la croix (« j’ai soif » ; « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » ; « Père entre tes mains? »)

Pierre fait également l’expérience de la force du souvenir d’une parole du Christ : « Alors il se mit à jurer avec force imprécations : « Je ne connais pas cet homme. » Et aussitôt un coq chanta. Et Pierre se souvint de la parole que Jésus avait dite: « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Et, sortant dehors, il pleura amèrement. » (Mt 26,74-75)

Le souvenir de la parole de Jésus permet la contrition, c’est-à-dire le regret sincère de ce qui nous a éloigné de lui. On retrouve ainsi le lien entre l’Esprit Saint et le pardon.

Même les ennemis de Jésus se souviennent de ses paroles ! Ils contribuent sans le savoir à les accomplir : « Le lendemain, c’est-à-dire après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate et lui dirent: « Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur  a dit,  de son  vivant : Après  trois jours je ressusciterai ! Commande donc que le sépulcre soit tenu en sûreté jusqu’au troisième jour, pour éviter que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : Il est ressuscité des morts! Cette dernière imposture serait pire que la première. » » (Mt 27,63-64) Les grands prêtres veulent éviter une supercherie, mais cela tourne finalement à renforcer le témoignage des femmes : qui aurait pu déjouer la surveillance de ces forces de sécurité romaines ?

Bien des choses qui nous arrivent sont obscures sur le moment. À l’image de Marie, ne comprenant pas tout, nous pouvons cependant garder et méditer toutes ces choses en notre coeur. Alors l’Esprit fera son chemin, et tissera les liens entre notre histoire et la parole de Dieu qui nous permet de déchiffrer cette histoire.

« Les Juifs lui dirent alors: « Il a fallu 46 ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèveras? » Mais lui parlait du sanctuaire de son  corps. Aussi, quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Écriture et à la parole qu’il avait dite. » (Jn 2,21-22)

Ce n’est qu’après la résurrection que les disciples comprirent la parole de Jésus. Nous aussi, c’est bien souvent après une expérience spirituelle forte de renaissance que nous pouvons interpréter autrement les destructions ou les bouleversements qui ont jalonné notre parcours.

Devant un acte provoquant et choquant, seule la mémoire de l’Écriture peut permettre de voir ces événements sous un autre angle, et ainsi de les interpréter autrement :« aux vendeurs de colombes il dit: « Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : « Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Jn 2,16-17)

Pierre, devant le centurion Romain Corneille inondé d’Esprit Saint, est interloqué : comment, des païens ont eux aussi accès à la vie dans l’Esprit, à égalité avec les juifs ? «Je me suis alors rappelé cette parole du Seigneur : Jean, disait-il, a baptisé avec de l’eau, mais vous, vous serez baptisés dans l’Esprit Saint. Si donc Dieu leur a accordé le même don qu’à nous, pour avoir cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour faire obstacle à Dieu. » » (Ac 11,16-17)

On ne comprend rien à l’Église, à sa Tradition vivante, si on ne se souvient pas comme Pierre que l’Esprit tire sans cesse du neuf de l’ancien, et conduit l’Église là où elle-même n’aurait jamais pensé aller.

À l’approche de son supplice qui va dérouter bien des baptisés, Pierre encouragera la communauté de Rome à se souvenir : « Je crois juste, tant que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par mes rappels, sachant, comme d’ailleurs notre Seigneur Jésus Christ me l’a manifesté, que l’abandon de ma tente est proche. Mais j’emploierai mon zèle à ce qu’en toute occasion, après mon départ, vous puissiez vous remettre ces choses en mémoire. » (2P 1,13-15)

Et Paul insistera : c’est un vrai travail que de se souvenir des paroles de Jésus. « De toutes manières je vous l’ai montré : c’est en peinant ainsi qu’il faut venir en aide aux faibles et se souvenir des paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même : Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir. » (Ac 20) Ce souvenir de Paul nous livre une phrase de Jésus inconnue des 4 évangiles : comme quoi la mémoire vivante déborde largement la lettre de l’Écriture !

 

La mémoire chrétienne n’a pour autant rien à voir avec l’invention de faux souvenirs.

Afficher l'image d'origineUne expérience de psychologie sociale menée en 2010 auprès de 5269 participants aux USA indique que 50 % des participants se sont « souvenus » de la fameuse poignée de main entre Obama et Ahmadinejad (président d’Iran) 2. Or ce soi-disant événement… n’a jamais existé ! C’est ce qu’on appelle un faux souvenir, un souvenir qui est induit par une pression ou un contexte extérieur ambiant qui le rend crédible. Ces faux souvenirs induits ont fait des ravages dans beaucoup de familles aux USA comme en Europe : sous couvert de travail thérapeutique de mémoire, des soi-disant thérapeutes induisaient chez leurs patients la remontée de paroles ou d’actes n’ayant jamais existé, mais auxquels les patients finissent par croire dur comme fer.

Rien de tel dans la mémoire chrétienne : l’Esprit Saint nous conduit « vers la vérité tout entière », pas vers une manipulation de nos souvenirs. Les témoins du Ressuscité n’ont pas inventé le souvenir de leurs rencontres avec lui. Les évangélistes n’ont pas imaginé ce qu’ils racontent. Les premières communautés chrétiennes n’ont pas reconstruit les actes de Jésus pour les utiliser à légitimer leur pratique. Non : le travail de l’Esprit est de se souvenir fidèlement, et bien souvent de manière critique, c’est-à-dire interrogeant la communauté elle-même au lieu de lui donner raison sur tout. C’est ce qu’un théologien (Henri-Jérôme Gagey) appelle « la tradition d’un rapport critique à la Tradition ». Ce travail de mémoire qu’opère l’Esprit Saint n’est pas un travail de légitimation de ses intérêts en s’appuyant sur de faux souvenirs habilement reconstruits, mais un travail critique de remise en cause de l’Église elle-même pour devenir plus fidèle à ce que la parole du Christ attend d’elle aujourd’hui.

Vous le voyez : le lien entre l’Esprit Saint et la mémoire est très étroit.

La langue française en garde d’ailleurs quelques traces : perdre l’esprit va de pair avec perdre la mémoire ; il nous faut rassembler nos esprits pour pouvoir nous souvenir ; et avoir à l’esprit quelque chose, c’est justement ne pas l’oublier.

Si nous ne voulons pas qu’un Alzheimer intérieur nous prive de notre identité profonde, comment cultiver une mémoire chrétienne des paroles et des actes qui ont compté pour nous ?

La liturgie de l’Église est une éducation à cette mémoire chrétienne :

« Dans la Liturgie de la Parole l’Esprit Saint  » rappelle  » à l’Assemblée tout ce que le Christ a fait pour nous. Selon la nature des actions liturgiques et les traditions rituelles des Églises, une célébration  » fait mémoire  » des merveilles de Dieu dans une Anamnèse plus ou moins développée. L’Esprit Saint, qui éveille ainsi la mémoire de l’Église, suscite alors l’action de grâces et la louange (doxologie). » (Catéchisme de l’Église catholique n° 1103)

À quelle source allons-nous puiser pour laisser l’Esprit nous faire souvenir de ce que le Christ a dit et fait pour nous tout au long de notre histoire ?

 

__________________________

 1. Ici, en Mc 8,18, c’est le symbolisme des chiffres de la multiplication des pains : 5000 hommes pour le peuple de la Torah (les 5 livres de la Loi), 12 couffins pour les 12 tribus d’Israël, 4000 hommes pour les 4 coins de l’horizon, 7 corbeilles pour les 7 jours de la création, et donc finalement l’universalité de l’eucharistie réunissant à la fois Israël et l’Église.

2. Journal of Experimental Social Psychology, Vol. 49, 2013.

 

1ère lecture : L’Église décide d’accueillir les païens sans leur imposer la loi juive (Ac 15, 1-2.22-29)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Certaines gens venus de Judée voulaient endoctriner les frères de l’Église d’Antioche en leur disant : « Si vous ne recevez pas la circoncision selon la loi de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés. » Cela provoqua un conflit et des discussions assez graves entre ces gens-là et Paul et Barnabé. Alors on décida que Paul et Barnabé, avec quelques autres frères, monteraient à Jérusalem auprès des Apôtres et des Anciens pour discuter de cette question.

Finalement, les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude (appelé aussi Barsabbas) et Silas.
Voici la lettre qu’ils leur confièrent : « Les Apôtres et les Anciens saluent fraternellement les païens convertis, leurs frères, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie.
Nous avons appris que quelques-uns des nôtres, sans aucun mandat de notre part, sont allés tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi. Nous avons décidé à l’unanimité de choisir des hommes que nous enverrions chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul qui ont consacré leur vie à la cause de notre Seigneur Jésus Christ.
Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit :
L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : vous abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang, ou de la viande non saignée, et vous abstenir des unions illégitimes. En évitant tout cela, vous agirez bien. Courage ! »

Psaume : Ps 66, 2b-3, 5abd, 7b-8

R/ Dieu, que les peuples t’acclament ! Qu’ils t’acclament, tous ensemble !

Qu ton visage s’illumine pour nous ;
et ton chemin sera connu sur la terre,
ton salut, parmi toutes les nations.

Que les nations chantent leur joie,
car tu gouvernes le monde avec justice ;
sur la terre, tu conduis les nations.

Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse,
et que la terre tout entière l’adore !

2ème lecture : L’Agneau est la lumière du peuple de Dieu (Ap 21, 10-14.22-23)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu un ange qui m’entraîna par l’esprit sur une grande et haute montagne ; il me montra la cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu.
Elle resplendissait de la gloire de Dieu, elle avait l’éclat d’une pierre très précieuse, comme le jaspe cristallin.
Elle avait une grande et haute muraille, avec douze portes gardées par douze anges ; des noms y étaient inscrits : ceux des douze tribus des fils d’Israël.
Il y avait trois portes à l’orient, trois au nord, trois au midi, et trois à l’occident.
La muraille de la cité reposait sur douze fondations portant les noms des douze Apôtres de l’Agneau.
Dans la cité, je n’ai pas vu de temple, car son Temple, c’est le Seigneur, le Dieu tout-puissant, et l’Agneau.
La cité n’a pas besoin de la lumière du soleil ni de la lune, car la gloire de Dieu l’illumine, et sa source de lumière, c’est l’Agneau.

Evangile : La promesse de la venue de l’Esprit (Jn 14, 23-29)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ressuscité demeure au milieu des siens : il leur donne sa paix. Alléluia. (cf. Jn 14, 25.27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »
Patrick Braud

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23 mars 2013

Le tag cloud de la Passion du Christ

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Le tag cloud de la Passion du Christ

 

Homélie pour le Dimanche des rameaux / Année C
24/03/2013

 

Quand les mots-clés d’un texte forment un nuage

Une méthode simple et rapide pour visualiser ce qui est important dans un long texte comme celui de la Passion du Christ est facilement accessible sur Internet 1. Il s’agit de constituer un nuage de mots-clés (tag cloud en anglais). Les mots les plus fréquemment utilisés y apparaissent en plus gros, proportionnellement à leurs occurrences.

Voici le nuage de mots-clés obtenus sur le texte de la Passion selon saint Luc.

Passion-Tag-Cloud

 

On y discerne plusieurs dominantes.

- les verbes importants : déclarer, servir, sauver.

- les objets qui comptent : la table, la coupe, les épées, la croix

- les noms des principaux acteurs

Bien sûr il y a Jésus, Hérode, Dieu, mais aussi les prêtres (et grand prêtre), les « autres », les juifs, et les femmes.

Si on liste et regroupe les mots employés, en matière par ordre d’occurrence :

Christ              31   homme            16   Pilate               10

peuple             9    Pierre              8     Dieu                 8

Prêtre(s)          8    Femme(s)        6     chef                 6

Hérode             5   roi                   5     Seigneur          5

nation              4   jour                 4     juif                  4

Israël               4   malfaiteur        4     croix                4

royaume           4   Père                4     épée                4

table                4   fils                  4     fait                   4

heure               4   foule               3      corps               3

motif               3    Simon             3      Temple            3

coupe              3    cri(s)               3     Galilée            3

coq                  3

Quand on affine les relations entre ces acteurs en passant le texte à la moulinette d’un autre logiciel d’analyse sémantique 2, en obtient le graphe suivant :

 

Passion-Tropes-1

 Ce graphe représente la concentration de relations entre acteurs.
Il permet de faire une comparaison visuelle du poids des relations entre les principales références.
L’axe des X (horizontal) indique le taux actant/acté (de gauche à droite).
L’axe des Y (vertical) indique la concentration de relations pour chaque référence affichée.
Les traits indiquent les relations entre la variable sélectionnée et les autres références affichées. Un trait en pointillé indique une relation peu fréquente.
Seules les références présentant un grand nombre de relations sont représentées sur le graphe. 

Les actants et les actés

- On y voit que les femmes sont du côté des actants, c’est-à-dire de ceux qui sont sujets d’une action, avec une certaine relation réelle au Christ. Alors que les autres actants (Pilate, Hérode, le Seigneur, Simon) sont loin du Christ et sans vraie relation avec lui. Ce qui est étonnant pour le mot « Seigneur » d’ailleurs, utilisé cinq fois dans le texte, mais pas dans la bouche de Jésus, uniquement dans celle de Pierre et de ses disciples. Faut-il y voir l’indication que la manière dont les disciples imaginaient Jésus être « Seigneur » est très loin de ce que le Christ vit et connaît de sa seigneurie véritable ? Sans doute, tellement est surprenante pour Pierre et ses compagnons cette arrestation, puis ce procès et cette fin lamentables.

Par contre, le substantif Christ est en relation étroite avec le mot malfaiteur(s) ! C’est donc que cette identification Christ ? malfaiteur(s) est au coeur du texte : impressionnant…

Les autres relations vont dans le même sens : les plus proches du Christ sont les termes homme et peuple (foule, gens). Après, on trouve les chefs du peuple, Israël, Dieu lui-même !

- Du côté des « actés », c’est-à-dire de ceux qui subissent l’action, il y a : le Christ, Dieu, le peuple, les prêtres juifs… Comme si tous ces personnages se faisaient manipuler à leur insu, ou se laissaient faire de plein gré. Ce qui est strictement la vérité !

À contempler ce graphe, on retrouve la place centrale du Christ, vers qui tout le texte converge, et qui est comme son point focal. Ce Messie-là est plus proche des malfaiteurs et des femmes que des notables et des chefs, plus près du peuple que de Dieu, pourtant son Père.

Graphe de la Passion (suite)

Une autre représentation graphique de cette même analyse sémantique du récit de la Passion fait apparaître cette solitude du Christ de manière encore plus frappante :

Passion-Tropes-2 

Sur ce graphe, chaque Référence est représentée par une sphère dont la surface est proportionnelle au nombre de mots qu’elle contient.
La distance entre la classe centrale et les autres Références est proportionnelle au nombre de relations qui les lient : autrement dit, lorsque deux Références sont proches elles ont beaucoup de relations en commun, et lorsque qu’elles sont éloignées elles n’ont que peu de relations en commun.
Ce type de graphe permet d’analyser l’environnement d’une Référence ou d’une catégorie. Ils sont orientés : les Références affichées à gauche de la classe centrale sont ses prédécesseurs, celles qui sont affichées à sa droite sont ses successeurs.

Seuls les malfaiteurs peuvent se dire proches.

Les vrais acteurs du texte se situent du côté de l’homme qu’était Jésus, mais aussi des femmes. La peur (l’angoisse de Gethsémani) et l’obscurité y jouent un rôle qu’on oublie trop souvent, ainsi que le désir de Pilate de relâcher Jésus.

Ceux qui suivent l’action sont plutôt la foule, les prêtres, le chef des juifs… Et Dieu lui-même !

 

Ce type d’analyse sémantique ne peut remplacer la lectio divina, ni l’oraison à partir du texte. Il peut cependant nourrir la contemplation, en respectant ce que la construction du texte donne à penser, en partant de ce qui est dit vraiment plus que de ce que j’en perçois à la seule lecture ou audition.

 

Et pour la Passion du Christ, avouez que cette proximité d’avec les malfaiteurs, les femmes et la foule est pour le moins éclairante !…

 

2. www.tropes.com

Entrée messianique du Seigneur à Jérusalem : (Lc 19, 28-40)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 Jésus marchait en avant de ses disciples pour monter à Jérusalem. À l’approche de Bethphagé et de Béthanie, sur les pentes du mont des Oliviers, il envoya deux disciples :
« Allez au village qui est en face. À l’entrée, vous trouverez un petit âne attaché : personne ne l’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : ‘Pourquoi le détachez-vous ?’ vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin.’ »
Les disciples partirent et trouvèrent tout comme Jésus leur avait dit. Au moment où ils détachaient le petit âne, ses maîtres demandèrent : « Pourquoi détachez-vous cet âne ? » Ils répondirent : « Le Seigneur en a besoin. » Ils amenèrent l’âne à Jésus, jetèrent leurs vêtements dessus, et firent monter Jésus.
À mesure qu’il avançait, les gens étendaient leurs vêtements sur le chemin. Déjà Jésus arrivait à la descente du mont des Oliviers, quand toute la foule des disciples, remplie de joie, se mit à louer Dieu à pleine voix pour tous les miracles qu’ils avaient vus : « Béni soit celui qui vient, lui, notre Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! »
Quelques pharisiens, qui se trouvaient dans la foule, dirent à Jésus : « Maître, arrête tes disciples ! » Mais il leur répondit : « Je vous le dis : s’ils se taisent, les pierres crieront. »

 

1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)
Lecture du livre d’Isaïe

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire.
Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe.J e n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : Ps 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : La Passion (brève : 1-49) (Lc 22, 14-71; 23, 1-16.18-56)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.

Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Luc

Quand l’heure du repas pascal fut venue, Jésus se mit à table, et les Apôtres avec lui.
Il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir !
Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement réalisée dans le royaume de Dieu. »
Il prit alors une coupe, il rendit grâce et dit : « Prenez, partagez entre vous. Car je vous le déclare : jamais plus désormais je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que vienne le règne de Dieu. »
Puis il prit du pain ; après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »
Et pour la coupe, il fit de même à la fin du repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. Cependant la main de celui qui me livre est là, à côté de moi sur la table. En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux l’homme qui le livre ! »
Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres lequel d’entre eux allait faire cela.

Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ?
Mais il leur dit : « Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande, la place de celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves.
Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi.
Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël.
Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment.
Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu sera revenu, affermis tes frères. »

Pierre lui dit : « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort. »
Jésus reprit : « Je te le déclare, Pierre : le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que, par trois fois, tu aies affirmé que tu ne me connais pas. »
Puis il leur dit : « Quand je vous ai envoyés sans argent, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? »
Ils lui répondirent : « Mais non. »
Jésus leur dit : « Eh bien maintenant, celui qui a de l’argent, qu’il en prenne, de même celui qui a un sac ; et celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une. Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les pécheurs. De fait, ce qui me concerne va se réaliser. »
Ils lui dirent : « Seigneur, voici deux épées. » Il leur répondit : « Cela suffit. »

Jésus sortit pour se rendre, comme d’habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé là, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. »
Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. Se mettant à genoux, il priait : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne. »
Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Dans l’angoisse, Jésus priait avec plus d’insistance ; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’à terre. Après cette prière, Jésus se leva et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis à force de tristesse.
Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. »

Il parlait encore quand parut une foule de gens. Le nommé Judas, l’un des Douze, marchait à leur tête. Il s’approcha de Jésus pour l’embrasser.
Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? »
Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent : « Seigneur, faut-il frapper avec l’épée ? »
L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite.
Jésus répondit : « Laissez donc faire ! » Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit.
Jésus dit alors à ceux qui étaient venus l’arrêter, chefs des prêtres, officiers de la garde du Temple et anciens : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais avec vous dans le Temple, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est maintenant votre heure, c’est la domination des ténèbres. »

Ils se saisirent de Jésus pour l’emmener et ils le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Pierre suivait de loin. Ils avaient allumé un feu au milieu de la cour et ils s’étaient tous assis là. Pierre était parmi eux. Une servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea et dit : « Celui-là aussi était avec lui. »
Mais il nia : « Femme, je ne le connais pas. »
Peu après, un autre dit en le voyant : « Toi aussi, tu en fais partie. » Pierre répondit : « Non, je n’en suis pas. »
Environ une heure plus tard, un autre insistait : « C’est sûr : celui-là était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen. »
Pierre répondit : « Je ne vois pas ce que tu veux dire. » Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta.
Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre ; et Pierre se rappela la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. »
Il sortit et pleura amèrement.

Les hommes qui gardaient Jésus se moquaient de lui et le maltraitaient. Ils lui avaient voilé le visage, et ils l’interrogeaient : « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? » Et ils lançaient contre lui beaucoup d’autres insultes.

Lorsqu’il fit jour, les anciens du peuple, chefs des prêtres et scribes, se réunirent, et ils l’emmenèrent devant leur grand conseil.
Ils lui dirent : « Si tu es le Messie, dis-le nous. »
Il leur répondit : « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite du Dieu Puissant. »
Tous lui dirent alors : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » Il leur répondit : « C’est vous qui dites que je le suis. »
Ils dirent alors : « Pourquoi nous faut-il encore un témoignage ? Nous-mêmes nous l’avons entendu de sa bouche. »
Ils se levèrent tous ensemble et l’emmenèrent chez Pilate.
Ils se mirent alors à l’accuser : « Nous avons trouvé cet homme en train de semer le désordre dans notre nation : il empêche de payer l’impôt à l’empereur, et se dit le Roi Messie. »
Pilate l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : « C’est toi qui le dis. »
Pilate s’adressa aux chefs des prêtres et à la foule : « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de condamnation. »
Mais ils insistaient : « Il soulève le peuple en enseignant dans tout le pays des Juifs, à partir de la Galilée jusqu’ici. »

À ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen.
Apprenant qu’il relevait de l’autorité d’Hérode, il le renvoya à ce dernier, qui se trouvait lui aussi à Jérusalem en ces jours-là. À la vue de Jésus, Hérode éprouva une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa beaucoup de questions, mais Jésus ne lui répondit rien. Les chefs des prêtres et les scribes étaient là, et l’accusaient avec violence. Hérode, ainsi que ses gardes, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate. Ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent des amis, alors qu’auparavant ils étaient ennemis.

Alors Pilate convoqua les chefs des prêtres, les dirigeants et le peuple.
Il leur dit : « Vous m’avez amené cet homme en l’accusant de mettre le désordre dans le peuple. Or, j’ai moi-même instruit l’affaire devant vous, et, parmi les faits dont vous l’accusez, je n’ai trouvé chez cet homme aucun motif de condamnation. D’ailleurs, Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. En somme, cet homme n’a rien fait qui mérite la mort. Je vais donc le faire châtier et le relâcher. »
Ils se mirent à crier tous ensemble : « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. »
Ce dernier avait été emprisonné pour un meurtre et pour une émeute survenue dans la ville. Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole.
Mais ils criaient : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! »
Pour la troisième fois, il leur dit : « Quel mal a donc fait cet homme ? Je n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le faire châtier, puis le relâcher. »
Mais eux insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs cris s’amplifiaient.
Alors Pilate décida de satisfaire leur demande. Il relâcha le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, celui qu’ils réclamaient, et il livra Jésus à leur bon plaisir.

Pendant qu’ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus. Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus.
Il se retourna et leur dit : « Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : ‘Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !’ Alors on dira aux montagnes : ‘Tombez sur nous’, et aux collines : ‘Cachez-nous’. Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? »
On emmenait encore avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter.
Lorsqu’on fut arrivé au lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, on mit Jésus en croix, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche.
Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort.
Le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! »
Les soldats aussi se moquaient de lui. S’approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée,
ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! »
Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. »

L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! »
Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. »
Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Il était déjà presque midi ; l’obscurité se fit dans tout le pays jusqu’à trois heures, car le soleil s’était caché. Le rideau du Temple se déchira par le milieu.
Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira.

À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. »
Et tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ses amis se tenaient à distance, ainsi que les femmes qui le suivaient depuis la Galilée, et qui regardaient.

Alors arriva un membre du conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste. Il n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait le royaume de Dieu. Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. C’était le vendredi, et déjà brillaient les lumières du sabbat.
Les femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.
Patrick Braud 

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