L'homélie du dimanche (prochain)

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24 août 2016

Plus humble que Dieu, tu meurs !

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Plus humble que Dieu, tu meurs !

 

Homélie du 22° Dimanche du temps ordinaire / Année C
28/08/2016

Cf. également :

Dieu est le plus humble de tous les hommes

Un festin par dessus le marché

C’est dans la fournaise qu’on voit l’humble

 

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Aux dernières Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) de Cracovie, on a vu le pape François rouler simplement en tramway, prendre avec lui des jeunes éberlués dans sa papamobile, et toujours avoir le contact facile et joyeux qui le caractérise. Ce pape a renoncé au palais du Vatican pour vivre dans un presbytère ordinaire. Il reste accessible, et prend bien soin à chaque voyage d’aller écouter chez eux les pauvres pour entendre ce qu’ils ont à lui dire.

Nul doute qu’il a instinctivement intériorisé la recommandation de Ben Sirac le sage dans la première lecture (Si 3,17-29) : « plus tu es grand, plus il faut t’abaisser ». Et encore : « l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ». Alors que l’orgueilleux ne veut prendre conseil auprès de personne.

L’humilité est ainsi le fil rouge de notre dimanche. « Accomplis toute chose dans l’humilité » conseille le sage. « Dieu est bon pour les pauvres » chante le psaume 67. La lettre aux Hébreux nous rappelle que Dieu le premier a fait preuve d’humilité en Jésus, « le médiateur de l’alliance nouvelle », conclue loin de tout bling-bling hollywoodien (feu, obscurité, ténèbres, ouragan, trompettes, voix terrible…). Et dans l’évangile (Lc 14,1-14), Jésus devient comme Ben Sirac, proverbial : « quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ».

L’humilité de Dieu est telle qu’elle paraîtra scandaleuse pour les juifs (le scandale de l’incarnation et de la crucifixion), folie pour les païens (folie de croire qu’un homme peut porter la plénitude de la divinité, et vaincre la mort), blasphème pour les musulmans (Allah le Tout-Puissant ne peut s’abaisser jusqu’à s’incarner, laver les pieds de ses amis, et pire encore mourir sur la croix infamante).

L’humilité de Dieu est en quelque sorte un spécifique chrétien assez unique !
Le père François Varillon (1905-1978) a écrit là-dessus des lignes inoubliables :

Afficher l'image d'origine« Qui me voit voit le Père » (Jn 14, 9). Jésus, en prenant la dernière place (Lc 14, 14) nous révèle les profondeurs cachées de Dieu.

« Le voyant laver avec humilité des pieds d’homme, je ‘vois’ donc, s’il dit vrai, Dieu même éternellement mystérieusement serviteur avec humilité au plus profond de sa Gloire. L’humiliation du Christ n’est pas un avatar exceptionnel de la gloire. Elle manifeste dans le temps que l’humilité est au cœur de la gloire ». 

« La Toute-Puissance de Dieu est à l’extrême opposé de la potentia (puissance) qu’imaginaient les hommes dans leur faiblesse originelle et que maintenant, devenus riches et forts, ils récusent comme concurrentielle. L’humilité ne fait concurrence à rien » (p 85).

« Qu’un plus petit rende hommage à un plus grand, cela ne témoigne pas d’une exceptionnelle noblesse d’âme. Mais que le plus grand se courbe ‘respectueusement’ devant le plus petit, cela signifie l’amour en la plénitude de sa liberté et de sa puissance. François d’Assise n’est pas humble quand il s’agenouille devant le pape, mais quand il s’abaisse devant un pauvre dont il reconnaît qu’en tant que pauvre il est vêtu de majesté » (p 64). 

« ….Dieu étreint l’âme dans l’amour. Il est l’Autre mais sans distance. Et caché. Humblement caché, car on ne pourrait le voir et rester libre. L’invisibilité de Dieu est son humilité respectueuse de notre liberté. »

L’humilité de Dieu, François Varillon, Ed. du Centurion, 1974.

Devenir humble n’est alors pas pour nous un devoir moral, un effort d’ascèse. C’est le fruit joyeux de la participation à la nature divine. C’est la conséquence normale de la communion au Christ, frère, ami, serviteur. C’est la ressemblance divine enfin retrouvée.

Ainsi, qui médite en silence devant la crèche ou la croix sera conduit, à l’instar du père Antoine Chevrier à Lyon (fondateur du Prado) ou de François d’Assise à adopter la même attitude d’humilité envers ceux dont il a la charge, ou ceux qu’il rencontrera dans sa journée et son travail s’il n’a pas de responsabilités hiérarchiques.

En entreprise, cela devrait produire des dirigeants… très différents ! C’était d’ailleurs le thème des dernières assises des Équipes des Dirigeants Chrétiens (EDC) à Lille en 2016 : dirigeants, dérangeants ! Les responsables hiérarchiques chrétiens devraient détoner et étonner par leur humilité. Foin des privilèges (voiture de fonction, parking réservé, bureau fermé, I-phone dernier cri de fonction, stock-options…), foin des postures condescendantes et dominantes ; foin des attitudes suffisantes ! Dans les grandes entreprises, tant de dirigeants sont coupés de leur base, ne sont plus informés de ce qui se passe réellement car ils inspirent plus la crainte – et donc le silence – que le respect.

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Heureusement, on voit se lever, notamment à travers le mouvement des entreprises dites « libérées », de nouveaux responsables, humbles et performants (les deux vont bien ensemble) qui ne cherchent pas tant à grimper dans leur carrière personnelle qu’à réellement permettre à leurs équipes de donner le meilleur d’elles-mêmes. Ceux qui prônent le servant leadership savent bien que l’humilité fait partie des qualités d’un vrai servant leader.

 

Afficher l'image d'origineAu Moyen Âge, les sculpteurs, maçons, verriers et autres artistes signaient rarement leurs œuvres. L’anonymat était la règle, parce que l’art, surtout porté par la foi, n’a pas pour but d’élever l’artiste ou d’immortaliser son nom, mais de réjouir et de nourrir les passants, les spectateurs, le peuple des gueux à qui les cathédrales et les églises romanes ou gothiques étaient finalement dédiées. L’humilité véritable ne cherche pas à laisser une trace personnelle dans l’histoire, mais à se livrer pour le bien de tous, à servir le bien commun autant que faire se peut.

On rêverait d’avoir des figures politiques animées par cet esprit de désintéressement… Jean Monnet, Jacques Delors, Geneviève Antonioz De Gaulle, Nicolas Hulot… sont sans doute de ces humbles pour qui le pouvoir est le moyen de mieux servir, et davantage.

Il nous faut de nouvelles générations de capitaines d’industrie, de patrons de start-ups, de leaders politiques et syndicaux imprégnés de cet état d’esprit ! C’est le rôle social des églises, des temples, des mosquées, des synagogues, des universités catholiques de façonner des croyants capables d’aspirer aux plus hautes responsabilités, aux plus grandes aventures intellectuelles, scientifiques et artistiques, tout en restant d’humbles serviteurs.

 

L’humilité commence aussi… en famille. Quand des parents reconnaissent ne pas être tout-puissants, quand ils s’inclinent devant Dieu plus grand qu’eux, quand ils osent demander pardon et pas seulement l’exiger, quand ils savent être proches, à l’écoute tout en assumant leur autorité…

Encore une fois : parce qu’elle vient de Dieu - le premier et le seul humble - l’humilité n’est pas un calcul, ni une stratégie, ni même un effort moral. Elle vient sans qu’on l’ait cherchée. Elle respire en toute activité, naturellement. Elle inspire la bonté, la miséricorde, parce qu’elle comprend le chemin de l’autre au lieu de le juger.

Dans l’Ancien Testament, Moïse fut « l’homme le plus humble que la terre ait porté » (Nb 12,3). Cela ne lui a pas évité de devoir s’imposer comme le leader de son peuple (cf. l’épisode du veau d’or) et d’user de son autorité pour éduquer ce peuple « à la nuque raide ». Mais tout cela, il l’a fait en sachant bien que cela ne venait pas de lui (il avait même demandé que son frère Aaron soit son porte-parole, car il avait de graves difficultés d’élocution !) et sans en tirer de gloire pour lui-même.
Jésus, « doux et humble de cœur », ira prendre la dernière place, sur la croix, pour aller chercher et relever les petits, les méprisés, les exclus… 

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En grandissant en humilité, chacun(e) de nous peut être le Moïse / le Jésus de sa famille, de son équipe de travail, de sa vie de quartier…

« Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé ».

 

1ère lecture : « Il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur » (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sira le Sage

Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur. Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur. Grande est la puissance du Seigneur, et les humbles lui rendent gloire. La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. Qui est sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

Psaume : Ps 67 (68), 4-5ac, 6-7ab, 10-11

R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.  (cf. Lc 1, 52)

Les justes sont en fête, ils exultent ;
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves,
tel est Dieu dans sa sainte demeure.
A l’isolé, Dieu accorde une maison ;
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse,
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais.
Sur les lieux où campait ton troupeau,
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

2ème lecture : « Vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant » (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, quand vous êtes venus vers Dieu, vous n’êtes pas venus vers une réalité palpable, embrasée par le feu, comme la montagne du Sinaï : pas d’obscurité, de ténèbres ni d’ouragan, pas de son de trompettes ni de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre.

 Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la ville du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des myriades d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous, et vers les esprits des justes amenés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une alliance nouvelle.

Evangile : « Quiconque s’élève sera abaissé, qui s’abaisse sera élevé » (Lc 14, 1.7-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Prenez sur vous mon joug, dit le Seigneur ; devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur.
Alléluia. (cf. Mt 11, 29ab)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : ‘Cède-lui ta place’ ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

 Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

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10 août 2016

L’Assomption : Marie, bien en chair

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L’Assomption : Marie, bien en chair

 

Cf. également :

Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance

Assomption : les sentinelles de l’invisible

L’Assomption de Marie, étoile de la mer

L’Assomption de Marie : une femme entre en Résistance

Marie, parfaite image de l’Église à venir

Marie en son Assomption : une femme qui assume !


Homélie pour la fête de l’Assomption / Année C
15/08/2016

 

La pointe de cette fête de l’Assomption, c’est la personne de Marie, tout entière passée dans le monde de la résurrection. Tout entière, c’est-à-dire corps et âme. L’âme, on devine qu’elle puisse de façon immatérielle vivre autrement, ailleurs. Mais le corps ? Comment imaginer qu’il devienne autre chose qu’un amas de cellules à nouveau recyclées dans le grand organisme de l’univers ?

Peut-être confondons-nous le corps et la chair ? Or le credo affirme : « je crois en la résurrection de la chair », et non du corps. Peut-être avons-nous également une conception très mécanique de la chair, à la façon de Descartes ne voyant le corps comme une machine mue par l’âme ? Comment exprimer le lien profond entre le corps et l’âme ? Les anciens (Aristote) utilisaient le mot hylémorphisme pour caractériser ce lien : l’âme est la forme du corps, les deux étant inséparables.

 

La chair des peintres

Afficher l'image d'origineParcourez rapidement les représentations célèbres que les peintres ont inventées au long des siècles pour évoquer le corps humain.
Sur les peintures rupestres, les corps humains sont réduits à une silhouette, car ce qui est important alors n’est pas leur aspect, mais leur fonction : chasseurs, cueilleurs, artisans.
Sur les amphores étrusques ou grecques, la chair humaine est celle de l’athlète, ou de l’éphèbe, selon les canons olympiques et mythiques de l’époque.
Dans les mosaïques romaines, les visages sont beaux, les corps anoblis de bijoux, de toges et vêtures magnifiques. La chair romaine est aristocratique.
Les masques africains ont des fonctions magiques mystérieuses : leur chair est éminemment symbolique.

Dans les premiers siècles du christianisme, la peinture se fait sacrée, hiératique, à la manière des icônes où le visage est plus important que le reste du corps, baigné d’or et de mysticisme. La chair est ici théologique, vecteur de la révélation divine.

À la Renaissance, l’émancipation de la religion fait apparaître des peintures de corps féminins à la beauté lourde et laiteuse. Car l’idéal est alors la mère de famille, capable d’enfanter, d’allaiter, à la santé solide. Les trois grâces de Botticelli ressemblent plus aux personnages dodus de Fernando Botero qu’aux mannequins anorexiques de nos défilés de mode !

Puis l’époque moderne a disloqué la représentation de la chair : pointilliste, cubiste, abstraite… Le corps humain n’est plus représenté, mais sublimé dans sa négation même.

Pas la peine de prolonger cette liste aussi variée qu’il y a d’écoles artistiques ! La chair des peintres est culturelle. Parler de résurrection de cette chair, c’est finalement inviter chaque artiste à découvrir un autre univers esthétique que le sien, où le corps semble dans un premier temps avoir disparu, et où pourtant les canons de cet univers le font exister autrement.

 

La chair des Évangiles

Afficher l'image d'origineRelisez le Nouveau Testament : on ne sait pas si Marie avait les yeux bleus, si elle était grande ou petite, si les hommes se retournaient dans la rue à son passage… Le corps humain dans les Évangiles est rarement le lieu de la beauté physique (sauf peut-être lors de la Transfiguration). C’est plutôt un corps relationnel. On touche la chair de Jésus pour guérir de sa maladie : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés au contact du corps du Christ, et c’est cela qui le caractérise comme corps, et non sa taille ou ses imperfections. D’ailleurs, dans l’eucharistie, c’est un corps livré-pour-vous qui est au coeur du sacrifice, sans qu’on sache quelle forme avait ce corps. Tout se passe comme si la chair de Jésus n’existait que dans la relation (de communion, de conflit, d’abandon…) à l’autre.

Parler de résurrection de cette chair relationnelle, c’est finalement évoquer que, dans l’autre monde, la relation à l’autre donnera forme et identité nouvelle à chacun, sans pouvoir imaginer comment aujourd’hui.

 

La chair de la résurrection

Paul parle de son expérience de la rencontre du corps ressuscité de Jésus de Nazareth, renvoyant d’ailleurs aux corps suppliciés des disciples sur lesquels il s’acharnait : « je suis Jésus, celui que tu persécutes ».

Avec pédagogie, Paul prend l’image de la graine et de la plante pour expliquer aux corinthiens que la chair de la résurrection est une manière d’être au monde, adaptée à ce monde nouveau où la mort est vaincue :

«  Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? Insensé ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie s’il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un simple grain, soit de blé, soit de quelque autre plante; et Dieu lui donne un corps à son gré, à chaque semence un corps particulier. Toutes les chairs ne sont pas les mêmes, mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre la chair des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais autre est l’éclat des célestes, autre celui des terrestres. Autre l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, autre l’éclat des étoiles. Une étoile même diffère en éclat d’une étoile. Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on ressuscite dans l’incorruptibilité; on est semé dans l’ignominie, on ressuscite dans la gloire; on est semé dans la faiblesse, on ressuscite dans la force; on est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel.  » (1Co 15, 35-44)

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Croire à la résurrection de la chair pour Paul c’est croire qu’une nouvelle façon d’être au monde, une nouvelle médiation avec la réalité de la résurrection nous sera donnée, ce qu’il appelle le « corps spirituel ».

 

Assomption : Marie bien en chair

Le tombeau vide est l’indice de la transformation de la chair qui s’opère pour qu’elle s’adapte au nouvel univers de la résurrection.

« Il vit et il crut » : Jean interprète cette absence de chair comme la réalité de la chair présente autrement.

De manière symétrique, la dormition de la Vierge (conception orthodoxe) ou l’Assomption de Marie (conception catholique) sont les indices que la mère de Jésus lui reste entièrement unie à travers la mort. La communion d’amour entre Marie et Jésus a été si forte, des mois de la gestation jusqu’à la déréliction de la croix, que l’Église y voit la promesse d’un événement partagé : ce qui est arrivé à la chair de Jésus dans la nuit de Pâques arrive également à celle de Marie, parce qu’il y a un lien unique entre les deux.

Basculant dans le monde de la résurrection, Marie sans attendre expérimente une nouvelle présence à ce monde, en communion avec son fils. Elle y est entièrement présente, corps et âme, c’est-à-dire qu’elle se reçoit entièrement de la relation au Christ et par lui à Dieu lui-même.

C’est donc bien en chair que Marie continue à vivre au-delà de la mort la communion à Dieu et en Dieu. En cela elle n’est pas l’unique, car cette promesse est faite à chacun de nous. Mais elle est la première des créatures à pouvoir dès maintenant, sans attendre la résurrection finale, vivre intégralement sa présence au monde de Dieu.

 

Lorsque nous fêtons son Assomption, nous ravivons notre espérance d’y participer un jour.

Lorsque nous la proclamons vivante corps et âme, nous redisons la valeur de la chair humaine, dès maintenant et pour toujours.

Lorsque nous la dépeignons accueillie par le Christ, nous nous encourageons à passer nous aussi par l’unique porte qu’est le Christ.

Lorsque nous la voyons couronnée de gloire en Dieu, nous ravivons notre espérance d’être nous aussi rendus « participants de la nature divine » (2P 1,4) au-delà de notre mort physique.

 

Marie, c’est cette femme bien en chair qui nous assure de la promesse de la transfiguration de notre propre chair actuelle…

 

 

MESSE DU JOUR

1ère lecture : « Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »

Psaume : Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16

R/ Debout, à la droite du Seigneur, se tient la reine, toute parée d’or.

(cf. Ps 44, 10b)

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté.

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire.

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.

2ème lecture : « En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15, 20-27a)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, car il a tout mis sous ses pieds.

Evangile : « Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles » (Lc 1, 39-56)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ;
exultez dans le ciel, tous les anges !
Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. »

Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick BRAUD

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18 mai 2016

L’Esprit, vérité graduelle

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L’Esprit, vérité graduelle

Homélie pour la fête de la Trinité / Année C
22/05/2016

Cf. également :

Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

Pensez-vous être parvenu à la plénitude de votre vie de couple ?
Êtes-vous à 100 % cohérent avec vos principes de vie ?
Avez-vous atteint le sommet de votre vie professionnelle, si bien qu’il n’y ait plus rien à découvrir ?

Le départ du Ressuscité et l’envoi concomitant de l’Esprit répondent à ce constat inévitable : nous sommes toujours en chemin, jamais arrivés au terme. « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. » (Jn 16, 12-13)

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C’est donc qu’il y a des choses que nous n’avons pas la force de porter aujourd’hui, mais peut-être demain, avec la force de l’Esprit. C’est donc que nous habitons une région de la vérité, mais pas la vérité tout entière. Il nous faut accepter d’être conduits – pas d’y aller par nous-mêmes – par l’Esprit vers la vérité tout entière.

Qui serait alors si fanatique qu’il prétendait détenir seul la vérité, et toute la vérité ?

Qui serait assez fou pour ne pas reconnaître le chemin qu’il a encore à parcourir, guidé par l’Esprit, pour aller vers une plénitude de vérité que seule la mort nous donnera de rencontrer en personne ?

Dans la foulée de Pentecôte, le Christ avertit ses disciples qu’ils sont en chemin, qu’ils ne doivent jamais se croire arrivés au but. Ce chemin n’est ni l’erreur ni la vérité absolue, ni les ténèbres ni la pure clarté, mais cet entre-deux où le discernement spirituel tâche de reconnaître les formes de l’éternité dans les événements de nos vies. Entre chiens et loups, nous avançons, événement après événement, en déchiffrant une part de vérité, en restant aveugles sur bien d’autres…

C’est ce que la théologie morale appelle la loi de gradualité : la vérité révélée en Jésus Christ ne se communique pas en une seule fois, ni totalement. Nous allons certes vers la vérité, mais graduellement, marche après marche, avec des progrès parfois spectaculaires et des régressions qui peuvent l’être tout autant.

La meilleure définition de cette loi de gradualité a été formulée par Jean-Paul II, à propos des époux dans le mariage, mais cela vaut pour tout parcours humain :
[…] Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et même la civilisation, à partir de ce qu’ils ont déjà reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie.
Familiaris Consortio n° 9, Jean-Paul II, 1981

Autrement dit, on ne peut pas tout demander tout de suite à ceux qui viennent de se marier. Il leur faudra beaucoup de joies et de peines partagées, beaucoup d’essais et d’erreurs pour grandir ensemble vers la vérité de leur amour. Même après 50 ou 70 ans de vie commune, ils n’auront jamais fini d’explorer la grandeur, la profondeur de leur relation, jusqu’à ce que la mort les sépare, et même après !

Le Pape François reprenait ce concept pour demander à l’Église d’accompagner avec patience et délicatesse les jeunes couples qui commencent souvent par cohabiter (en Occident), sans renoncer pour autant à leur proposer l’intégralité de l’idéal évangélique :

Dans ce sens, saint Jean-Paul II proposait ce qu’on appelle la ‘‘loi de gradualité’’, conscient que l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ». Ce n’est pas une ‘‘gradualité de la loi’’, mais une gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. En effet, la loi est aussi un don de Dieu qui indique le chemin, un don pour tous sans exception qu’on peut vivre par la force de la grâce, même si chaque être humain « va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme ».
Amoris Laetitia n° 295, 2016

Ce cheminement pédagogique de croissance ne vaut pas que pour le mariage. Le Directoire Général pour la Catéchèse prend bien soin d’évoquer la pédagogie des étapes qui doit animer la proposition de la foi :

88. La foi, animée par la grâce de Dieu et alimentée par l’action de l’Église, connaît un processus de maturation. La catéchèse, au service de cette croissance, est une activité graduelle. Une catéchèse opportune se fait par degrés. […]
89. Ces étapes, pleines de la sagesse de la grande tradition catéchuménale, inspirent la gradualité de la catéchèse. […]
Celle-ci, comme accompagnement du processus de conversion, est essentiellement graduelle; et, étant au service de celui qui a décidé de suivre Jésus-Christ, elle est éminemment christocentrique.

D’ailleurs, le catéchuménat des adultes est lui-même structuré autour de cette pédagogie de la progressivité :

287 Cette gradualité se perçoit aussi dans les noms que l’Église utilise pour désigner ceux qui suivent les diverses étapes du catéchuménat baptismal : « sympathisant », pour celui qui a un penchant pour la foi même s’il ne croit pas pleinement; « catéchumène » pour celui qui est fermement décidé à suivre Jésus; « élu », ou « concourant » pour celui qui est appelé à recevoir le baptême; « néophyte », pour celui qui vient de naître à la lumière grâce au baptême; « fidèle chrétien », pour celui qui atteint la maturité de la foi et qui est membre actif de la communauté chrétienne.
Directoire Général pour la Catéchèse / JP II / 15 Août 1997

« On ne naît pas chrétien, on le devient » : à cette maxime si juste de Tertullien, on pourrait rajouter qu’on le devient sans cesse, rencontre après rencontre, de sécheresse en illumination, de période de foi tranquille aux remises en question orageuses…

Comment dès lors désespérer d’un conjoint, d’un enfant, d’un collègue, sous prétexte qu’il ne serait pas encore arrivé assez haut selon votre attente ?

Comment désespérer de soi-même, puisque je suis également sur ce chemin, guidé par l’Esprit – à travers heurts, bonheurs et malheurs – vers la vérité tout entière ?

Les intransigeants sont ceux qui se croient déjà arrivés, ceux qui croient posséder la vérité. Les religieux extrémistes, quel que soit leur bannière, commettre un réel péché contre l’Esprit ! Ils figent ce qui est vivant, ils objectivent ce qui est de l’ordre de la relation, ils imposent aux autres leur part de vérité sans se laisser conduire plus avant eux-mêmes.

Pour nous conduire vers la vérité, l’Esprit du Christ fait feu de tout bois. Tantôt patiemment, imperceptiblement, comme à feu doux. Tantôt avec violence, renversant Paul sur la route de Damas ou faisant pleurer Claudel écoutant le Magnificat derrière les piliers de Notre-Dame de Paris…

Le plus difficile pour nous est de nous laisser conduire. Pierre on a fait l’expérience, lui qui croyait être l’apôtre de Jérusalem, mais qui a planté l’Eglise de Rome en mourant dans le cirque Romain du Vatican. « Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller » (Jn 21,18).

Se laisser conduire vers la vérité tout entière est donc un cheminement graduel, une ascension col après col, une croisière port après port.

La gradualité nourrit notre humilité, car qui peut se dire déjà arrivé ?

La gradualité ravive en même temps notre désir, car il y a toujours à découvrir.

Que ce soit au premier emploi ou au départ en retraite, la vie professionnelle est également placée sous le signe de cette loi de la gradualité. Sans être une trajectoire linéaire, tout parcours professionnel peut devenir un « cheminement pédagogique de croissance », pour en découvrir toujours davantage sur l’être humain, sur la grandeur et la misère du travail humain, sur l’intelligence qui produit, la solidarité qui unit, l’amour d’un métier, la compétence dans un domaine puis un autre…

À y réfléchir, il n’y a pas un aspect de notre existence qui serait hors gradualité ! Même la politique, avec ses renouvellements réguliers des formes de gouvernement et de participation des peuples, est sur le chemin d’une vérité plus grande que nos seules formes démocratiques occidentales.

Découvrir la puissance de transformation qui réside dans le principe de gradualité nous invite à ne jamais absolutiser ce que nous avons seulement commencé à découvrir de la vérité d’un être, d’un métier, d’une entreprise, d’une société.

Car en christianisme, la vérité n’est pas un système de pensée, mais une personne.

La foi chrétienne n’est pas une doctrine, mais une relation de communion avec Jésus le Christ.

Ce n’est pas un ensemble de choses à croire ou à faire, mais un compagnonnage avec Celui qui est déjà sur l’autre rive, guidés par son Esprit qui devient peu à peu notre souffle, notre respiration.

Il y a bien des révélations que nous n’avons pas la force de porter aujourd’hui. Comme le plongeur remontant à la surface, il nous faut des paliers de décompression, et bien des étapes avant d’émerger enfin totalement hors de l’océan.

Soyons donc humbles et patients, avec les autres et avec nous-mêmes, car le chemin n’est pas fini. Et l’Esprit de réserve bien des surprises !

Prions l’Esprit du Christ de nous guider pas à pas « vers la vérité tout entière »

 

 

1ère lecture : La Sagesse a été conçue avant l’apparition de la terre (Pr 8, 22-31)
Lecture du livre des Proverbes

Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu : « Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre. Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde. Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés.
Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »

Psaume : Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9

R/ Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand, ton nom, par toute la terre ! (Ps 8, 2)

À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?

Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur ;
tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds.

Les troupeaux de bœufs et de brebis,
et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux.

2ème lecture : Vers Dieu par le Christ dans l’amour répandu par l’Esprit (Rm 5, 1-5)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

Evangile : « Tout ce que possède le Père est à moi ; l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 12-15)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient !
Alléluia. (Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick BRAUD

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11 mai 2016

Les trois dimensions de Pentecôte

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Les trois dimensions de Pentecôte

Homélie pour la fête de Pentecôte / Année C 15/05/2016

Cf. également :

Le scat de Pentecôte

Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie

Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons

Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?

La paix soit avec vous

Parler la langue de l’autre

 

Comme beaucoup de fêtes chrétiennes, Pentecôte conserve sous forme stratifiée plusieurs niveaux de signification. La plupart des civilisations antiques, fascinées - et terrorisées - par la nature à la fois magnifique et hostile, ont solennisé les grands moments de l’année qui de tout temps ont marqué les humains et structuré leur vie sociale.
Israël a hérité de ces fêtes païennes, et leur a donné une signification supplémentaire, historique, qui venait intégrer et dépasser la seule contemplation de la nature.
Avec la venue du Messie inaugurant la fin des temps, les chrétiens ont rajouté un troisième niveau, eschatologique, à ces deux premiers. Car l’histoire est fondamentalement bouleversée par l’irruption en Christ de notre avenir absolu.

Parcourons à nouveau rapidement les trois dimensions de notre fête de Pentecôte : naturelle, historique, eschatologique.

 

La fête des prémices

Après le renouveau du printemps célébré à Pâques, la terre commence à porter du fruit. Les religions païennes savaient ce que l’humanité doit à ces forces vitales qui font germer les graines et s’épanouir les premiers épis. Pour exprimer leur gratitude vis-à-vis des dieux / de la nature, les tribus ont pressenti qu’il fallait redonner aux dieux une partie de ce qu’ils offraient, pour les remercier, et reconnaître ainsi que nous nous recevons de plus grand que nous-mêmes. Un certain sentiment de crainte pouvait d’ailleurs se mêler à l’offrande : qui sait si les dieux ne tariraient pas leur générosité si nous devenions ingrats à leur égard ?

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Pentecôte s’enracine dans la fête agraire des prémices : il s’agit pour les cultivateurs d’offrir les premières gerbes à la divinité, en reconnaissance de sa transcendance (d’où la crainte) et en remerciant pour sa bonté (d’où l’action de grâces).

Si Pâques était le temps du grand nettoyage de printemps parce que la nature renaît, 50 jours après c’est plutôt la période des premières récoltes. L’encouragement nous vient des champs et des arbres et des jardins : porter du fruit est notre vocation commune avec la terre, et chacun est renvoyé à sa propre fécondité.

Une fécondité reçue humblement, avec gratitude, et non orgueilleusement possédée. Que ce soit vos enfants, votre réussite professionnelle ou vos amis, Pentecôte est la période pour prendre conscience que tout cela vous est donné, « afin que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure » (Jn 15,16 ).

Quelles prémices allez-vous offrir ? De quelle part de votre réussite pouvez-vous vous dessaisir afin de ne jamais croire que cela vient de vous seulement ?

Voilà une première façon de fêter Pentecôte.

 

Le don de la Loi

Afficher l'image d'origineIsraël, sans rien renier de la dimension cosmologique de Pentecôte, va profondément en transformer le sens en y ajoutant – comme un calque en surimpression – la commémoration de l’événement du Sinaï. Lorsque Moïse reçoit les tables de la Loi en haut de la montagne, c’est pour le peuple comme une première moisson. La sortie d’Égypte – Pessah – avait déjà transformé Pâques en une histoire de libération. Voilà que cet exode commence à porter ses premiers fruits, car le peuple accepte la Loi, et devient ainsi témoin privilégié de l’Alliance avec Dieu auprès des autres peuples.

Pour ne pas oublier que la loi structure son existence, le peuple juif commémore ce don de la Loi en allant au Temple de Jérusalem en pèlerinage offrir des sacrifices. Pentecôte, ou Chavouot (50 en hébreu), est la fête du nombre 5, les 5 livres de la Loi de Moïse (le Pentateuque), 50 jours après Pâques. La Loi, la Torah, est la colonne vertébrale qui a fait passer le ramassis d’esclaves hébreux en fuite à un peuple ayant l’éthique comme identité première : Israël. Sans la Torah, les juifs ont conscience qu’ils retourneraient à l’état sauvage, à une civilisation infra-humaine. La loi de Moïse est aujourd’hui encore ce qui structure la conscience et les moeurs de chaque juif et de tous les juifs.

 

Fêter Pentecôte, c’est donc nous demander chacun quelle est la Loi qui à nos yeux est importante ?
Quels sont les 10 principes sur lesquels nous fondons nos choix, notre éthique ?

 

L’Esprit Saint, plénitude du temps

Les chrétiens ne renieront pas le meilleur de ces deux premières dimensions de la fête de Pentecôte. Ils vont les intégrer dans une troisième, eschatologique.

Afficher l'image d'origineLa résurrection du Christ marque l’avènement d’un monde nouveau, où la mort est vaincue, où la divinisation de l’homme est une promesse réalisée, déjà à l’oeuvre. « Dans ces temps qui sont les derniers » (He 1,2), l’Esprit de Pentecôte est répandu sur toute chair pour anticiper dès maintenant la vie spirituelle qui sera la nôtre à travers la mort. Remplis d’Esprit Saint, nous pouvons ne pas idolâtrer le texte de la Loi et l’interpréter en une parole vivante. L’esprit de la Loi est plus important que la lettre de la Loi. Mener une existence de ressuscités nous fait porter du fruit d’amour à la manière du Christ, et pas seulement des fruits éthiques à la manière de la Torah. « « La plénitude de la Loi, c’est l’amour (agapê) » (Rm 13,10). « Aime, et fais ce que tu veux » (Saint Augustin).

Pentecôte marque l’irruption d’un nouveau rapport à la nature, à l’histoire, à la loi, où ce que nous serons transforme déjà ce que nous sommes, comme par un effet de feed-back. Pentecôte est la boucle rétroactive qui de façon systémique permet à l’aventure humaine, personnelle et collective, de se hâter vers ce qu’elle est appelée à devenir en Dieu.

« Souviens-toi de ton futur » aimaient à dire les rabbins. « Laisse ton avenir te transformer totalement dès à présent », chantent les disciples ivres de l’Esprit de Pentecôte (mais c’est une sobre ivresse !) aux pèlerins ahuris de Jérusalem les entendant divaguer… (Ac 2)

Puisque « tout est accompli », recueille les fruits, les premières gerbes de la résurrection du Christ pour toi.

Fêter Pentecôte, c’est donc témoigner que « les cieux sont ouverts », que notre avenir est déjà réalisé en Christ assis à la droite de Dieu, que notre histoire est celle d’une plénitude prenant forme en nous, déjà pleinement accomplie en Christ ressuscité.
Comment allez-vous témoigner de cette ouverture ?

 

Vous êtes sans doute plus sensible à l’une de ces trois dimensions de Pentecôte : la nature et ses prémices / l’histoire et l’importance de la Loi / l’eschatologie et l’accomplissement des promesses. Il suffit alors de cultiver les deux autres, l’Esprit Saint au coeur, pour faire de Pentecôte le sommet de la vie chrétienne…

 

MESSE DU JOUR

1ère lecture : « Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler en d’autres langues » (Ac 2, 1-11) Lecture du livre des Actes des Apôtres

Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.

 Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »

Psaume : Ps 103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34

R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !ou : Alléluia ! (cf. Ps 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
la terre s’emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle,
ils expirent et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.

2ème lecture : « Tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rm 8, 8-17) Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

 Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.

Séquence : ()

Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous tes fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen

Evangile : « L’Esprit Saint vous enseignera tout » (Jn 14, 15-16.23b-26) Acclamation : Alléluia. Alléluia.Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous. Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »
Patrick BRAUD

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