L'homélie du dimanche (prochain)

12 mars 2011

Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe

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Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe

 

Homélie pour le 1° dimanche de Carême / Année A

Dimanche 13 Mars 2011

 

Comment résister sans l’appuyer sur l’Écriture ?

- Dans le récit des tentations au désert, le démon utilise l’identité de Jésus pour le pousser paradoxalement à se renier lui-même. « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains ».

Si Jésus fait cela, il se nourrit lui-même ; il cesserait alors de recevoir sa nourriture de son Père. Il renierait son identité de Fils au moment même où il l’affirmerait de cette manière ! C’est pourquoi Jésus, dont la nourriture est de faire la volonté de son Père, répond en citant l’Écriture.  « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre?».

 

- Voyant que l’Écriture nourrit et imprègne tout l’être de Jésus, le diable va alors essayer d’utiliser cette Écriture pour le faire tomber, littéralement : « jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges? »

Jésus répond avec une autre phrase de l’Écriture, qui lui permet de ne pas interpréter au pied de la lettre le passage cité par le tentateur : « il est encore écrit: tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. »

Jésus met ainsi en oeuvre un principe d’interprétation (une herméneutique) qui nous vient des juifs et que nous conservons précieusement :

« interpréter le texte en tenant compte de l’unité de l’ensemble de l’Écri­ture »

 (Benoît XVI, Verbum Domini, 30/09/2010, n° 34).

 

Le démon est très fondamentaliste dans son rapport à l’Écriture : il isole un passage de son contexte, il le lit au premier degré et en fait un absolu.

Benoît XVI dénonce avec force cette instrumentalisation de l’écrit (en citant un texte remarquable de la Commission Biblique pontificale pour l’interprétation de la Bible) :

Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe dans Communauté spirituelle 9782204094979_1« le « littéralisme » mis en avant par la lecture fondamentaliste représente en réalité une trahison aussi bien du sens littéral que du sens spirituel, ouvrant la voie à des ins­trumentalisations de diverses natures, répandant par exemple des interprétations anti-ecclésiales des Écritures elles-mêmes. L’aspect probléma­tique de la « lecture fondamentaliste est que, en refusant de tenir compte du caractère historique de la Révélation biblique, on se rend incapable d’accepter pleinement la vérité de l’Incarnation elle-même. Le fondamentalisme fuit l’étroite re­lation du divin et de l’humain dans les rapports avec Dieu (?) Pour cette raison, il tend à traiter le texte biblique comme s’il avait été dicté mot à mot par l’Esprit et n’arrive pas à reconnaître que la Parole de Dieu a été formulée dans un langage et une phraséologie conditionnés par telle ou telle époque » » (n° 44).

 

- Dans la 3° tentation, le démon parle de pouvoir et de gloire, même s’ils ont pour prix la soumission au mal.

Jésus lui réplique par le cinglant : « Vade retro Satanas ! », en s’appuyant à nouveau sur l’Écriture : « car il est écrit : c’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras…».

 

Une christologie de la Parole

Trois fois, c’est en allant puiser dans l’Écriture que Jésus se révèle vraiment Fils de Dieu.

Le tentateur, lui, n’arrive pas à faire son chemin de l’écrit à la Parole. Il utilise le livre pour étouffer la Parole de Dieu.

Jésus est le Verbe de Dieu qui fait vivre ce qui est écrit pour rester libre.

Il est la Parole qui surgit du livre.

Il est la Parole qui constitue le livre.

« Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, est réellement le Verbe de Dieu qui s’est fait consubstantiel à nous. Par conséquent, l’expression « Parole de Dieu » in­dique ici la Personne de Jésus-Christ, le Fils éter­nel du Père, fait homme. » (n° 7)

 

En christianisme, ce n’est donc pas le livre qui est Parole, c’est Jésus lui-même.

C’est ce que Benoît XVI appelle une « christologie de la Parole ».

« En contemplant cette « Christologie de la Parole », la tradition patristique médiévale a utilisé une expression suggestive : le Verbe s’est abrégé. Dans leur traduction grecque de l’Ancien Testa­ment, les Pères de l’Église ont trouvé une parole du prophète Isaïe – que saint Paul cite aussi – pour montrer que les voies nouvelles de Dieu étaient déjà annoncées dans l’Ancien Testament. On pouvait y lire : Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée » (Is 10, 23 ; Rm 9, 28). Le Fils, lui-même, est la Parole de Dieu, il est le « Logos : la Parole éter­nelle s’est faite petite ? si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable ». À présent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage, qu’en conséquence nous pou­vons voir : Jésus de Nazareth. »

 

Nous ne sommes pas une religion du Livre

La parole de Dieu, c’est quelqu’un ; un vivant : le Ressuscité, Jésus de Nazareth, un instant abaissé au rang des criminels, élevé pour toujours dans la gloire de Dieu.

Nous ne sommes pas une religion du Livre comme le Coran l’écrit à tort.

« Dans l’Église, nous vénérons beaucoup les Saintes Écritures, bien que la foi chrétienne ne soit pas une « religion du Livre » : le Christianisme est la religion de la Parole de Dieu, non d’une parole écrite et muette, mais du Verbe incarné et vivant. » (n° 7)

 

La symphonie de la Parole unique

LaSymphonieDeLaParole Carême dans Communauté spirituelleBenoît XVI suit les Pères du synode en développant à partir du Christ, parole vivante, toutes les harmoniques de cette unique parole qui résonne autour de nous.

« On a parlé avec justesse d’une symphonie de la Parole, d’une Parole unique qui s’exprime de diffé­rentes manières : « comme un chant à plusieurs voix » » (n° 7).

 

La polyphonie à travers laquelle Dieu nous parle est largement plus grande que les cinq livres bibliques (pourtant essentiels !).

- Dieu nous parle à travers le livre de la nature (liber naturae), à travers l’émerveillement de l’homme devant le réel, le vivant, les lois de l’univers, sa majesté… La dimension cosmique de la Parole de Dieu reprend aujourd’hui toute sa place, grâce à une conscience écologique renouvelée, grâce également au progrès de l’astrophysique, de la compréhension de l’infiniment grand et de l’infiniment petit.

« La création elle-même, le liber naturae, fait aussi essentiellement partie de cette symphonie à plusieurs voix dans laquelle le Verbe unique s’exprime » (n° 7).

- Dieu nous parle par la voix les prophètes, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui.

- Dieu nous parle à travers la voix des apôtres, tradition vivante.

- Dieu nous parle à travers la proclamation des Écritures en Église.

 

On pourrait prolonger cette liste :

- Dieu nous parle à travers l’art qui célèbre la beauté et la profondeur du monde,

- Dieu nous parle à travers à travers les sciences qui explorent la complexité de l’univers, les techniques qui continuent l’oeuvre créatrice, l’économie qui peut rapprocher les hommes par le travail et la création de richesses etc. etc.

- On peut aller jusqu’à entendre l’unique Parole de Dieu nous atteindre à travers chaque être humain. « Toute créature est parole de Dieu puisqu’elle proclame Dieu » (n° 8). D’ailleurs, le mot personne (en grec : pro-sopon, en latin : per-sona) désigne le masque à travers lequel la voix de l’acteur de théâtre atteint le public. Une personne humaine est donc au service de la proclamation d’une parole qui la traverse pour nous émouvoir…

 

À nous de savoir lire et écouter

Quelle est donc notre conception de la Parole de Dieu ?

Comment écoutons-nous cette Parole dans l’Écriture (loin de toute ignorance, de tout fondamentalisme…) ?

Comment l’écoutons-nous dans la nature, les événements, les progrès humains, et finalement à travers chaque personne rencontrée ?

 

Nous ne pouvons résister aux trois tentations de Mt 4 qu’en écoutant l’unique Parole vivante de Dieu, qui s’adresse à nous à travers ses multiples diffractions.

À nous de régler nos sonotones !

 

 

 

 

1ère lecture : La création de l’homme. Le péché (Gn 2, 7-9; 3, 1-7a)

 

Lecture du livre de la Genèse

Au temps où le Seigneur Dieu fit le ciel et la terre, il modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.
Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé.
Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toute sorte d’arbres à l’aspect attirant et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Or, le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que le Seigneur Dieu avait faits. Il dit à la femme : « Alors, Dieu vous a dit : « Vous ne mangerez le fruit d »aucun arbre du jardin »»
La femme répondit au serpent : « Nous mangeons les fruits des arbres du jardin. Mais, pour celui qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ‘Vous n’en mangerez pas, vous n’y toucherez pas, sinon vous mourrez.’ »
Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »
La femme s’aperçut que le fruit de l’arbre devait être savoureux, qu’il avait un aspect agréable et qu’il était désirable, puisqu’il donnait l’intelligence. Elle prit de ce fruit, et en mangea. Elle en donna aussi à son mari, et il en mangea.
Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus.

 

Psaume : Ps 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

 

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché.

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi. 
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. 

Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. 
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint. 

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

 

2ème lecture : Là où le péché s’était multiplié, la grâce a surabondé (brève : 5, 12.17-19) (Rm 5, 12-19)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, du fait que tous ont péché.
Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde. Certes, on dit que le péché ne peut être sanctionné quand il n’y a pas de loi ; mais pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient pas péché par désobéissance à la manière d’Adam. Or, Adam préfigurait celui qui devait venir.
Mais le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure. En effet, si la mort a frappé la multitude des hommes par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu a-t-elle comblé la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.
Le don de Dieu et les conséquences du péché d’un seul n’ont pas la même mesure non plus : d’une part, en effet, pour la faute d’un seul, le jugement a conduit à la condamnation ; d’autre part, pour une multitude de fautes, le don gratuit de Dieu conduit à la justification.
En effet, si, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul homme, la mort a régné, combien plus, à cause de Jésus Christ et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en plénitude le don de la grâce qui les rend justes.
Bref, de même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes à la condamnation, de même l’accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification qui donne la vie.
En effet, de même que tous sont devenus pécheurs parce qu’un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu’un seul homme a obéi.

 

Évangile : Les tentations de Jésus au désert (Mt 4, 1-11)

 

Acclamation : Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu. Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon.
Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.
Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »
Mais Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

Alors le démon l’emmène à la ville sainte, à Jérusalem, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »

Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire.
Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. »
Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, et c’est lui seul que tu adoreras. »

Alors le démon le quitte. Voici que des anges s’approchèrent de lui, et ils le servaient.
Patrick BRAUD

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8 mars 2011

Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner

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Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner

 

Homélie pour le Mercredi des Cendres / Année A

Mercredi 09 Mars 2011

 

Pourquoi l’Église nous demande-t-elle de jeûner vraiment pendant ce Carême ? Dans quel esprit ? Bien sûr, il y a l’exemple du Christ lui-même qui a jeûné 40 jours au désert. Dans l’Évangile d’aujourd’hui, il nous recommande bien de jeûner, certes sans se donner en spectacle, mais de jeûner en vérité, simplement.

Avec le moine bénédictin Anselm Grün [1], évoquons au moins 4 raisons de jeûner.

1. Un remède pour le corps et l’esprit

·       Il y a un lien réel entre le corps et l’esprit. Quand le corps s’épaissit trop, l’esprit devient épais lui aussi. Trop de nourriture diminue la vigilance spirituelle de l’homme ; la santé physique et spirituelle constitue une unité. Or le jeûne corporel opère une élimination des substances toxiques. Le corps est désintoxiqué, et cela peut l’aider à être libéré de beaucoup de maladies. Par ce nettoyage de printemps, le jeûne a un effet régénérateur sur l’ensemble des cellules du corps. C’est pourquoi beaucoup de sagesses médicales anciennes recommandent de jeûner pour guérir.

 

·       Le remède pour le corps est en même temps un remède pour l’esprit. Car nous n’avons pas seulement un corps : nous sommes notre corps, qui interagit sur notre santé spirituelle, qui parle pour nous, nous met en relation? En refusant de se laisser toujours gaver de nourriture, le jeûne nous empresse de satisfaire notre désir ailleurs, auprès des êtres humains ou des beautés de ce monde. Il nous garde de toute précipitation à couvrir nos blessures, à les remplir de compensations. Jeûner oblige à chercher la vraie relation à l’autre.

 

·       Vis-à-vis de Dieu, le jeûne nous fait sentir physiquement que Dieu est autre, qu’il n’est pas à consommer. Je ne peux mettre la main sur lui comme sur un aliment. Nous sommes en route vers Dieu, et Dieu seul peut aiguiser notre faim vers une humanité plus profonde.  « L’homme ne vit pas seulement de pain,  mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » : comment me le rappeler si l’abondance de pain me masque les autres faims qui sont en moi ?

 

2. Une lutte contre les tentations

·       Un moine écrivait : « Quand un roi vient prendre une ville ennemie, il s’empare d’abord de l’eau dont il coupe l’adduction, et une fois qu’elle est affamée, elle se soumet. Il en va ainsi des désirs de la chair. Quand un moine part en campagne en jeûnant et en se mettant à la diète, les ennemis sont désarmés contre son âme ».

Voilà la seule guerre qui soit sainte : la guerre contre les mauvaises habitudes, les lâchetés, les négligences, les manques d’amour qui se sont installés dans ma vie. Et qui se manifestent dans les tentations de tous ordres.

Qui peut dire qu’il n’est jamais tenté ? Tenté de dire du mal, d’être infidèle, de frauder au passage, de se replier sur soi, de tout abandonner ? Chacun peut avec courage faire sa propre liste en identifiant les tentations qui l’assaillent. Le Christ lui-même n’a pas refusé d’être tenté au désert. Jeûne et désert vont de pair.

Jeûner est un combat, pour lutter contre les inévitables tentations de la vie, et nous aider à rechoisir le Christ, rechoisir d’avoir faim et soif de lui plus que des choses.

 

 

3. Une démarche de prière

·       Le jeûne intensifie la prière. Dans l’expérience de faiblesse corporelle qu’est la faim, il nous fait sentir avec tout notre être que nous ne pouvons nous appuyer sur nos seules forces : le jeûne nous invite à nous tourner vers Dieu, à compter sur lui d’abord.

St Bernard disait : « Le jeûne encourage l’oraison et la rend ardente. L’oraison obtient la force de jeûner, et le jeûne confère la grâce de prier. Le jeûne renforce l’oraison, l’oraison renforce le jeûne et la présence au Seigneur ». 

La nourriture assouvit et assoupit. La petite sieste après le repas de midi fait des ravages en entreprise? c’est l’indice que trop de nourriture endort et empêche de rester vigilant. Le jeûne nous rend vigilant et disponible au spirituel, plus perméable à l’Esprit de Dieu.  On prie mal avec le ventre plein, car l’oraison prend alors l’aspect d’autosuffisance. Les moines le savent, et se lèvent dans le jeûne de la nuit pour veiller en présence de Dieu ? Jeûner et attendre la venue de Dieu vont ensemble.

 

Gandhi disait du jeûne qu’il produit en nous « la prise de conscience de ce que nous ne pouvons nous approcher de Dieu avec arrogance, mais seulement avec l’humble douceur du faible qui se livre ».

A l’inverse,  Kierkegaard  caricaturait l’attitude des repus de la vie : « l’amour de Dieu des petits bourgeois intervient quand leur vie végétative est en pleine action, quand leurs mains se joignent confortablement sur leur estomac et que, la tête appuyée contre le dossier d’un fauteuil moelleux ils lèvent au plafond un regard ivre de sommeil »? Est-ce encore aimer Dieu que de vouloir toujours être gavé ?

 

 

4. Une voie d’illumination

·       La Didachè invitait les chrétiens des premiers siècles à jeûner pour leurs persécuteurs.

« Il y a deux voies, l’une de la vie, l’autre de la mort ; mais la différence est grande entre ces deux voies.

Or la voie de la vie est la suivante : «  D’abord, tu aimeras Dieu qui t’a fait ; en second lieu, ton prochain comme toi-même (Mt. 22, 37-39 ; cf. Dt. 6, 5), et tout ce que tu ne voudrais pas qu’il t’advienne, toi non plus, ne le fais pas à autrui  » (cf. Mt. 7, 12 ; Tb. 4, 15).
La doctrine exprimée par ces mots est la suivante : «  Bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour vos ennemis et
jeûnez «  pour ceux qui vous persécutent ; car si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Même les païens n’en font-ils pas autant ? Mais vous, aimez ceux qui vous haïssent  », et vous n’aurez pas d’ennemi (cf. Mt. 5, 44-47 ; Lc 6, 27s, 32).

C’est dire que, dans le jeûne et la prière, les persécuteurs apparaissent autrement : enfants  de Dieu, pour qui le Christ est mort, et pas seulement bourreaux.

 

·       Jeûner ouvre les yeux sur une autre manière de voir les êtres et les choses.

L’estomac toujours plein est dans l’impossibilité de voir les choses secrètes ; le jeûne familiarise avec Dieu, avec les manières de Dieu, Lui qui n’a pas besoin de nourriture, comme nous plus tard au-delà de la mort.

Le jeûne aiguise les sens, il augmente le goût de Dieu, il nous conduit à l’espérance du royaume de Dieu en nous, il nous fait participer dès ici-bas à la vie nouvelle de la résurrection qui n’est plus sous le mode de la consommation mais de la communion.

 

·       Un remède pour le corps et l’esprit, une lutte contre les tentations, une démarche de prière, une voie d’illumination : le Carême est d’abord un jeûne réel, un jeûne du corps et de l’esprit. En écoutant mieux notre corps, il nous aide à mieux  écouter Dieu lui-même : nous confessons avec notre corps que nous le désirons plus que tout, que sans lui nous sommes vides, que nous dépendons de sa grâce, que nous vivons de son amour, et que notre vraie faim ne peut s’apaiser par des aliments terrestres?

 

« Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube. Mon âme a soif de toi ; après toi languit ma chair, terre aride, altérée, sans eau? » (Ps 62,2). 

Que le jeûne de ce Carême nous rende plus ouvert à nous-mêmes, à Dieu, et nous aurons alors plus d’amour pour notre prochain.


[1]Le jeûne. Prier avec le corps et l’esprit, Ed. Médiaspaul, 1997.


1ère lecture : Appel à la pénitence (Jl 2, 12-18)

Lecture du livre Joël

Parole du Seigneur :« Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les larmes et le deuil !»
Déchirez vos coeurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment.
Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et vous combler de ses bienfaits :ainsi vous pourrez offrir un sacrifice au Seigneur votre Dieu.
Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre !
Entre le portail et l’autel, les prêtres, ministres du Seigneur, iront pleurer et diront :« Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennentà l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise :’Où donc est leur Dieu ?’ »
Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.

Psaume : Ps 50, 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché.

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

Crée en moi un coeur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. 
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint. 

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

2ème lecture : Laissez-vous réconcilier avec Dieu (2Co 5, 20-21; 6, 1-2) 

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous le demandons, laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché des hommes, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu.
Et puisque nous travaillons avec lui, nous vous invitons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu.
Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable je t’ai exaucé, au jour du salut je suis venu à ton secours. Or, c’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut.

 

Evangile : L’aumône, la prière et le jeûne comme Dieu les aime (Mt 6,1-6.16-18)

 

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. « Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le Royaume des cieux est proche. » Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.

Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour bien se montrer aux hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.

Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle : ils se composent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ;
ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
Patrick BRAUD

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26 février 2011

L’insouciance de Jésus : du fatalisme à la recherche de l’essentiel

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L’insouciance de Jésus :
du fatalisme à la recherche de l’essentiel

Homélie pour le 8° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 27 Février 2011


Le souci du lendemain est au coeur de la modernité

·       Ce passage de l’évangile de Matthieu (Matthieu 6,24-34) est assez déconcertant pour un homme du XXIe siècle. Certaines phrases résonnent d’une actualité étonnamment prophétique et pertinente. Par exemple : « vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ». Alors que nous souffrons encore des conséquences des crises économiques successives, on se dit que beaucoup d’acteurs des milieux bancaires et financiers auraient dû relire cet avertissement en le prenant au sérieux…

 

·       Par contre, d’autres phrases paraissent complètement obsolètes, inefficaces, voire dangereuses prises au pied de la lettre. Par exemple : « qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ? ».

Regardez le graphique ci-dessous. À partir du XVIIIe siècle, l’espérance de vie en France s’accroît régulièrement (excepté pendant les guerres bien sûr) et de façon spectaculaire. Du temps de Jésus, plus d’un enfant sur deux mourait à la naissance, et vivre vieux (40-50 ans) était réservé à une petite minorité. Aujourd’hui, la mortalité infantile est réduite à zéro ou presque en France, et en moyenne on a tous des chances de vivre jusqu’à 80 ans, avec au milieu de nous des centenaires à la pelle !

 

Heureusement donc que l’Occident n’a pas pris au pied de la lettre ce triste constat que Jésus fait à son époque : ‘on ne peut pas prolonger sa vie’, pensait-on.

Ce n’est pas une fatalité de mourir à 40 ans !

Collectivement, c’est bien le souci du lendemain qui a permis de prolonger notre existence, contrairement à ce que semble constater Jésus. Individuellement, c’est également efficace : arrêter de fumer, faire un régime, avoir un bon suivi médical préventif etc…. vous fera gagner quelques années de vie si vous avez le souci de votre santé.

 

·       Plus important encore, cette amélioration de la vie, en qualité et en durée, est due à  la faculté de prévision et d’anticipation modernes que Jésus semble rejeter. « Ne vous faites pas donc pas tant de souci pour demain ». C’est pourtant en s’inquiétant fortement pour demain qu’on a pu bâtir des systèmes de retraite performants (que l’on défend becs et ongles !), qu’on a pu dépister des maladies avant qu’elles n’arrivent etc…

C’est en refusant une conception ‘providentialiste’ que la science occidentale a pu découvrir les lois du climat, la physique, de la génétique, de la création des richesses économiques etc… Si on en était resté à la lettre des conseils de Jésus sur l’imitation des lis des champs et l’insouciance du lendemain, tous ces progrès modernes n’auraient guère été possibles…

D’ailleurs, l’aversion de l’Église catholique pour le prêt à intérêt (qu’elle confondait avec l’usure), véritable outil de l’émergence du capitalisme dès le XIIIe siècle, vient de là en partie ! Les marchands, les ingénieurs et les banquiers du Moyen Âge voulaient (à juste titre) anticiper, maîtriser les risques, changer les lendemains grâce à leur intelligence et leurs techniques. Apparemment tout le contraire de ce que dit Jésus ici de sa méfiance envers l’argent et de son insouciance du lendemain !

 

Car ne pas se soucier du lendemain s’est révélé dans l’histoire inefficace sur le plan économique et social, voire dangereux… Qui oserait aujourd’hui contester le souci écologique du lendemain pour notre planète par exemple !

« Gouverner c’est prévoir » : le souci du lendemain est au coeur de la modernité.

 

Comment se tirer de ces contradictions bien réelles ?

- Certains voudraient revenir à une conception providentialiste. Dans le domaine religieux par exemple, « s’abandonner à la Providence » est un thème qui revient en force.

Les fondateurs comptent sur la générosité des riches pour faire vivre leurs oeuvres ; mais est-ce cela la Providence ? ?

- D’autres prêchent une attitude quasi fataliste : ‘c’est écrit’. Quoi que vous fassiez, c’est écrit ; et si vous arrivez à prolonger votre vie, c’est que Dieu en avait décidé ainsi. Si quelqu’un meurt trop tôt, ce que ‘c’était son heure’Mektoub !’, diraient les croyances populaires musulmanes…

 

Ces visions, fataliste ou providentialiste, ne sont guère compatibles avec l’ensemble de la révélation biblique. Depuis la responsabilité initiale de la Genèse où Dieu confie la terre à l’homme (« croissez et multipliez-vous ») jusqu’à la ville de l’Apocalypse, symbole de l’effort humain pour mieux vivre ensemble, la Bible n’incite guère à l’insouciance !

 

Alors ? Comment interpréter cette expression devenue proverbiale : « à chaque jour suffit sa peine » ?

 

Ne pas confondre la fin et les moyens

Comme pour le lien entre Dieu et la pluie (Mt 5,45), Jésus semble s’appuyer ici sur une évidence culturelle indépassable à son époque (‘la nature nourrit l’homme gratuitement’) pour conduire vers une révélation d’un autre ordre : Dieu le premier vous nourrit gratuitement.

Non pas en faisant tout arriver de manière magique et cruelle (la pluie/la sécheresse, les récoltes/la famine…).

Mais en assurant à l’homme qu’ « il vaut beaucoup plus que les oiseaux du ciel ».

En invitant à ne pas se tromper d’objectif : c’est « chercher le Royaume et sa justice » qui est au coeur du désir humain, tout le reste n’est que de l’ordre des moyens (bien manger, bien boire, s’habiller, vivre vieux), pas de l’ordre de la fin ultime.

 

·       D’ailleurs, Jésus ne dit pas : « soyez insouciants », mais : « ne vous faites pas tant de souci ». C’est-à-dire : souciez-vous du lendemain, de votre retraite, de votre santé, de la planète – oui, mais n’y mettez pas tout votre coeur, toute votre énergie, au risque de passer à côté de l’essentiel. Tout en poursuivant ceci (assurer les lendemains), n’oubliez pas cela (habiter le présent, chercher l’essentiel).

Quand on visite des maisons de retraite et qu’on voit des personnes âgées assises en silence tout l’après-midi en rond sur leurs fauteuils, on peut se demander effectivement si l’augmentation quantitative de la durée de vie ne s’est pas faite au détriment de la qualité relationnelle et humaine de ces longues années, surtout sur la fin…

 

Un avertissement salutaire

·       « À chaque jour suffit sa peine » résonne alors comme un avertissement aussi salutaire aujourd’hui que : « vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’Argent ». Au lieu de s’inquiéter toujours pour beaucoup de choses, ne perdez pas de vue l’essentiel. « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire… » (Mc 10,41)

 

À force de trop vivre dans le lendemain, le risque est réel de passer à côté du présent.

 

 

Sans renoncer à l’exceptionnelle capacité de prévision et d’anticipation que nous ont donnée les sciences modernes, pourrons-nous nous entendre cet appel à mettre tout cela au service du présent ?

 

« Père céleste », donne-nous d’habiter la peine où la joie de chaque jour.

Apprends-nous à recevoir gratuitement ce que la recherche de l’essentiel peut produire dans nos vies.

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »… (Lc 11,3)

 

 

1ère lecture : Dieu ne peut pas oublier son peuple (Is 49, 14-15)

Lecture du livre d’Isaïe

Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée. »

Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas. – Parole du Seigneur tout-puissant.

Psaume : 61, 2-3, 8, 9

R/ En Dieu seul, le repos de notre âme.

Je n’ai de repos qu’en Dieu seul,
mon salut vient de lui.
Lui seul est mon rocher, mon salut,
ma citadelle : je suis inébranlable.

Mon salut et ma gloire 
se trouvent près de Dieu. 
Chez Dieu, mon refuge, 
mon rocher imprenable ! 

Comptez sur lui en tous temps, 
vous, le peuple. 
Devant lui épanchez votre coeur : 
Dieu est pour nous un refuge.

 

2ème lecture : C’est Dieu qui juge : ne jugez pas (1 Co 4, 1-5)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
il faut que l’on nous regarde seulement comme les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu.

Et ce que l’on demande aux intendants, c’est en somme de mériter confiance.

Pour ma part, je me soucie fort peu de votre jugement sur moi, ou de celui que prononceraient les hommes ; d’ailleurs, je ne me juge même pas moi-même.

Ma conscience ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour cela que je suis juste : celui qui me juge, c’est le Seigneur.

Alors, ne portez pas de jugement prématuré, mais attendez la venue du Seigneur, car il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et il fera paraître les intentions secrètes. Alors, la louange qui revient à chacun lui sera donnée par Dieu.

Évangile : Sermon sur la montagne. Confiance en Dieu notre Père (Mt 6, 24-34)

 Acclamation : Alléluia. Alléluia. Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et tout vous sera donné par surcroît. Alléluia. (Mt 6, 33)

 Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Aucun homme ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.

C’est pourquoi je vous dis : Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?

D’ailleurs, qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ?

Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.

Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’eux.

Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?

Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : ‘Qu’allons-nous manger ?’ ou bien : ‘Qu’allons-nous boire ?’ ou encore : ‘Avec quoi nous habiller ?’

Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.

Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché.

Ne vous faites pas tant de souci pour demain : demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

 

Patrick Braud

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19 février 2011

También la lluvia : même la pluie !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

También la lluvia : même la pluie !

 

Homélie pour le 7° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 20 Février 2011

 

·       « Même la pluie ! »

C’est le titre d’un film de la réalisatrice Icíar Bollaín, sorti en 2010.

« Même la pluie ! Ils veulent tout acheter, même l’eau qui tombe du ciel… »

En protestant contre la privatisation de l’eau en Bolivie en Avril 2000, un humble « survivant » de la ville de Cochabamba va bouleverser le destin de sa famille, de son peuple, des Américains venus tourner un film où il figure Hatuey, le leader indien de la révolte contre Christophe Colomb en 1511.

 

« Même la pluie ! »

Ce cri de révolte contre l’injustice fait presque écho, de manière inversée, au cri d’admiration de Jésus envers l’amour de Dieu : « même la pluie » tombe sur les injustes comme sur les justes ! C’est donc que Dieu lui-même aime ses ennemis : il fait tomber la pluie sur tous, sans considération de leurs mérites.

« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. »

 

La pointe de cet argument ne porte pas sur le lien entre Dieu et la pluie. Dans une société préscientifique, Jésus lui-même ne peut remettre en cause ce lien magique, naïf, archaïque. Non, la pointe de l’argument c’est que « même la pluie » (ou le soleil d’ailleurs) atteste de la bonté de Dieu pour tous, en tombant également pour les injustes.

 

·       De la récompense / punition à la gratuité pour tous

Il faut se souvenir qu’aujourd’hui encore, un juif pratiquant récite trois fois par jour dans la prière du ?Shema Israël’ (« écoute Israël ! » Dt 6,4) que la pluie ne tombe en Israël que si les commandements de la Loi sont respectés. « Si tu observes mes commandements, je ferai tomber la pluie et bénirai tes récoltes… Mais si tu n’observes pas mes commandements, je fermerai les cieux et la terre ne produira plus de récoltes» (Dt 11,13-17 : c’est dans la 2° section du shema Israël en fait, Dt 11,13-21, après Dt 6,4 et avant Nb 15, 37-41).

Jésus connaît bien ces versets, incorporés depuis au Shema Israël… Et pourtant il ose affirmer en quelque sorte que Dieu n’est pas lié par cette loi, puisqu’il fait tomber la pluie même sur les injustes ! Il ose se réjouir de cet amour de Dieu pour tous, qui devient ainsi la source de son amour pour ses ennemis. L’eau qui jaillira de son côté ouvert sur la croix tombera en pluie de grâce sur les soldats romains qui l’ont torturé et cloué, sur les chefs des prêtres qui l’ont jugé et condamné, comme sur Marie ou sur Jean…

 

Cela scandalise encore les ultras-religieux trop raides dans leur foi ! Ou les amoureux d’une justice éblouissante.

Comment ? Dieu ne punit pas les méchants ? Il pardonne à ses bourreaux ? Il va jusqu’à aimer ses ennemis ? Mais c’est un faible, un sous homme (cf. Marx), un esclave (cf. Nietzsche) qui supporte l’insupportable !

 

·       Même Élie a dû apprendre à aimer ses ennemis

Souvenez-vous du prophète Élie (1R 17-19). Le grand prophète Élie, dont le peuple juif attend le retour à la fin des temps. Il était tellement ‘religieux’ qu’il a voulu être plus royaliste que le roi, plus sévère que le Dieu d’Israël. Révolté par l’idolâtrie du roi Achab et de sa fameuse compagne Jézabel, il s’attendait à ce que Dieu fasse cesser la pluie sur le pays, en châtiment, selon la Loi. Or la pluie tombe encore sur Israël, et cela irrite Élie, qui décide alors de faire ce que Dieu aurait dû faire d’après lui (tous les terroristes religieux suivent ce raisonnement, hélas). Il décrète (de sa seule initiative) à Achab qu’il n’y aura plus de pluie qui tombera en Israël. Élie se prend pour Dieu. Il exige de Dieu qu’il applique sa Loi à la lettre.

Ce coup de force contre Dieu marchera un temps au mont Carmel contre les prophètes de Baal. Mais ensuite, à travers les signes du pain et de la cruche d’huile de la veuve de Sarepta, à travers le doux murmure devant sa grotte, Élie découvrira que Dieu n’est pas dans la violence qui s’impose, pas dans l’ouragan qui foudroie [1]. Il est dans l’humble nourriture chaque jour (« notre pain quotidien »), dans le patient murmure qui annonce son passage, « de dos »… 

Elie réclamait la sévérité pour les idolâtres.

Jésus révèle l’amour de Dieu pour les injustes.

Les ultras-religieux veulent punir ceux qui ne le sont pas.

Jésus fait tomber une pluie de grâce sur « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ».

Seule la contemplation de cet amour universel en Dieu peut nous donner le courage et la force d’aimer nos ennemis, nous aussi, avec Lui et en Lui. « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».

 

La loi de gradualité

·       Pour cela, il nous faudrait peut-être réapprendre la « loi de gradualité », que la Doctrine Sociale de l’Église décline comme une patience bienveillante envers tous :

« Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tLa loi de gradualité: Une nouveauté en morale? : fondements théologiques et applicationsout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et même la civilisation, à partir de ce qu’ils ont reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie. » (Jean-Paul II, Familiaris Consortio n° 9, 1981)

 

Cette loi de gradualité n’implique pas la gradualité de la loi : elle n’enlève pas l’exigence un impératif absolu (« aimez vos ennemis ! »), mais elle nous laisse le temps de progresser vers cet horizon, par degrés, patiemment, graduellement.

 

·       « Même la pluie » qui tombe témoigne de l’amour des ennemis. Cette pluie-là n’est pas à vendre, pas plus que la pluie bolivienne. Personne ne peut l’acheter.

Qu’elle empêche notre rapport à la loi de se dessécher !

 


[1]. Les rabbins, constatant eux aussi que la pluie tombe sur Israël même idolâtre, vont distinguer deux pluies : une pluie minimale, garantie à tous, et une pluie de bienfaisance, surabondance de vie accordée à ceux qui observent les commandements.

[2]Cf. Le doux murmure, Sébastien Allali, DDB, 2010, ou Ce Dieu censé aimer la souffrance, François Varone, Cerf, 1984.

 

 

 

1ère lecture : Tu aimeras ton prochain, car je suis saint (Lv 19, 1-2.17-18)

 

Lecture du livre des Lévites

Le Seigneur adressa la parole à Moïse :
« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint.
Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère. Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon, et ainsi tu ne partageras pas son péché.

Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Je suis le Seigneur ! »

 

Psaume : 102, 1-2, 3-4; 8.10, 12-13

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits ! 

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses.

Aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés ;
comme la tendresse du père pour ses fils,
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

2ème lecture : La sagesse véritable: appartenir tous ensemble au Christ (1 Co 3, 16-33)

 

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
n’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous.

Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous.

Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage.

Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. L’Écriture le dit : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté.

Elle dit encore : Le Seigneur connaît les raisonnements des sages : ce n’est que du vent !

Ainsi, il ne faut pas mettre son orgueil en des hommes dont on se réclame. Car tout vous appartient,

Paul et Apollos et Pierre, le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.

 

Evangile : Sermon sur la montagne. Aimez vos ennemis, soyez parfaits comme votre Père céleste (Mt 5, 38-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Celui qui garde la parole du Christ connaît l’amour de Dieu dans sa perfection. Alléluia. (cf. 1 Jn 2, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Vous avez appris qu’il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. 
Et si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Donne à qui te demande ; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter.
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Patrick Braud

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