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En juillet 2024, la France découvrait avec stupeur que celui qu’elle vénérait comme l’icône de la charité était en réalité un criminel, dont les abus sexuels se sont étalés des années 50 à sa mort en 2007, couverts par le silence de l’Église catholique et des responsables d’Emmaüs de l’époque. Trois rapports ont été publiés depuis, après des enquêtes minutieuses, identifiant 57 victimes au moins, garçons et filles, qui dressent de l’Abbé Pierre un portrait terrifiant : manipulateur, pervers, se sachant malade et ne se soignant pas. La personnalité préférée des Français – en tête du classement 16 années de suite ! – tombait soudain de son piédestal avec fracas. Pourtant, si l’homme était malade et dangereux, nul n’en tire la conclusion qu’il faudrait remettre son œuvre en cause. Des milliers de SDF n’auraient pas été tirés de la misère grâce aux communautés Emmaüs sans lui. Aujourd’hui encore, les 117 communautés Emmaüs accueillent et accompagnent des centaines d’hommes et de femmes à la dérive. La branche action sociale et logement d’Emmaüs récolte de l’argent (ex Fondation Abbé Pierre) pour les logements sociaux. La branche économie solidaire et insertion pilote des chantiers d’insertion, des entreprises de recyclage de textile etc. Et 350 groupes Emmaüs étendent l’action de l’abbé à l’international dans une quarantaine de pays ! Qui oserait dire que les fruits portés par l’abbé pervers ne sont pas bons ! ?
Voilà de quoi contester sérieusement le proverbe cité – un peu trop rapidement sans doute – par Jésus (ou plutôt Luc) dans l’évangile de ce dimanche (Lc 6,39-45) : « Jamais un arbre qui pourrit ne donne de bons fruits ; on ne vendange pas du raisin sur des ronces ».
C’est historiquement faux ! Au terrible cas de l’Abbé Pierre, on peut ajouter celui de Jean Vanier fondant les communautés de l’Arche, lieux de vie exemplaires de vie fraternelle mêlant valides et handicapés dans un esprit évangélique. Ou bien les frères Thomas et Dominique-Marie Philippe à l’origine des frères de Saint-Jean (les ‘Petits gris’) qui ont prospéré et pris leur place dans la mission de l’Église de France. Sans oublier le fondateur des Légionnaires du Christ, et bien d’autres encore (Théophanie, Béatitudes, Foyers de charité, Sœurs de la Miséricorde etc.).
Jean Vanier, les frères Philippe et d’autres fondateurs de communautés nouvelles étaient de terribles criminels sexuels. Pourtant, leur œuvre leur survit, et portent de beaux fruits !
Rappelez-vous : nous avons eu la même stupeur et le même débat avec l’affaire Depardieu. Faut-il jeter ses films à la poubelle depuis qu’on sait qui il est ? Faut-il brûler l’œuvre lorsque l’auteur est détestable ? Il faudrait alors censurer Céline, le Caravage, Lautréamont, Wagner, Gauguin, voire Picasso, Karajan, Bukowski ou autre Rimbaud ! Même les papes de la famille Borgia (XV°–XVI° siècle) – de sinistre réputation quant à leurs mœurs – furent des mécènes inspirés développant la Renaissance à Rome de manière extraordinaire. Déjà le roi David, violeur, adultère et assassin, avait pourtant fondé le messianisme en Israël…
Plus près de nous, le peu fréquentable Donald Trump est pourtant celui qui a signé les accords d’Abraham en 2020 (entre Israël, les Émirats arabes unis, Bahreïn, puis le Soudan et le Maroc), ce que le vertueux Obama n’avait pas réussi à faire. Et Donald Trump a pesé de tout son poids pour le récent cessez-le-feu de Gaza en janvier 2025 (ce qui n’exclut pas qu’il provoque des catastrophes par la suite, à Gaza ou en Ukraine notamment…!).
Bref, sur cette histoire de l’arbre du fruit, Jésus a tout faux !
Comment expliquer cette méprise ?
2. Le paradoxe des conséquences
On pourrait d’abord supposer que Matthieu et Luc, les deux seuls évangélistes qui rapportent cette parole de Jésus sur l’arbre et le fruit, ne sont guère familiers de la vie agricole. Matthieu est fonctionnaire des douanes, et Luc médecin : ont-ils jamais enfourché du lisier pour l’épandre dans les champs ? Ont-ils étendu du fumier pour qu’en sortent des céréales ? Les paysans savent bien que ce qui pourrit peut engendrer le meilleur, la puanteur peut donner naissance au parfum, la décomposition peut générer du sublime.
Les proverbes sur l’arbre et le fruit sont cités par Jésus (ou par les évangélistes) à l’appui de la parabole de la paille et la poutre, qui – elle – tient sans cela, heureusement.
Car affirmer que l’arbre est le fruit sont de même nature, c’est ignorer la complexité du monde ! La sagesse populaire a identifié depuis longtemps que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et qu’il faut quelquefois un mal pour un bien si l’on veut sortir d’une impasse.
En 1705, Mandeville constatait dans sa célèbre Fable des abeilles que les vices privés peuvent contribuer à la vertu publique [1]. Il écrivait : « Le vulgaire peu perspicace aperçoit rarement plus d’un maillon dans la chaîne des causes ; mais ceux qui savent porter leurs regards plus loin et veulent bien prendre le temps de considérer la suite et l’enchaînement des événements, verront en cent endroits le bien sortir du mal à foison, comme les poussins sortent des œufs ».
En 1776, Adam Smith évoquait la fameuse main invisible qui fait (parfois) converger les intérêts individuels vers le bien de tous. Hegel en 1821 décrivait comment la ruse de la Raison dans l’Histoire utilise des chemins tortueux pour que le Progrès finisse quand même par triompher. Et Claudel s’émerveillait de ce que Dieu écrit droit avec des lignes courbes.
Mais c’est le sociologue allemand Max Weber qui a le plus précisément étudié ce phénomène qu’il qualifie de paradoxe des conséquences. Il fait ce constat à propos de l’ascétisme des protestants puritains à l’origine du capitalisme américain. Bizarrement, plus ils étaient ascètes, plus ils devenaient riches ! Car ils consommaient peu, vivaient sobrement, et travaillaient beaucoup pour vérifier leur élection par Dieu et leur salut, créant ainsi des richesses qu’ils réinvestissaient au lieu de ‘flamber’, ce qui créait d’autres sources d’enrichissement etc. Weber écrit : « De manière singulièrement paradoxale, (…) l’ascétisme entre toujours en conflit avec le fait que son caractère rationnel conduit à l’accumulation de richesses ». Des actions intentionnelles et rationnelles, conçues pour atteindre un objectif précis, peuvent produire des effets inattendus ou contraires aux attentes initiales.
Il y a donc un paradoxe des conséquences(Paradoxie der Folgen) qui dépasse les intentions de l’auteur et met en échec sa volonté de maîtrise.
Certains arbres pourris produisent des fruits sublimes. D’autres arbres magnifiques donnent des fruits venimeux.
Les conséquences de nos actions sont rarement celles que nous pourrions imaginer, dans un sens comme dans un autre.
L’effet pervers
Lorsque l’intention (l’arbre) est bonne mais les conséquences (fruits) négatives, on parle en économie ou en politique d’effets pervers. Par exemple, les lois sur la prohibition de l’alcool aux USA partaient d’une bonne volonté de lutter contre l’alcoolisme. Mais la Prohibition a engendré des mafias et des victimes plus nombreuses encore : corruption, contrebande, assassinats, alcool frelaté… Comme le dit encore la sagesse populaire : le remède était pire que le mal ! Le débat ressurgit régulièrement en Europe au sujet de la prostitution : la France (tradition catholique) veut l’interdire et l’éradiquer ; les Pays-Bas (tradition protestante) veulent la réguler et l’accompagner. Blaise Pascal aurait tranché : « qui veut faire l’ange fait la bête »…
Les exemples historiques d’effets pervers abondent : la paix du traité de Versailles de 1918 et la rancœur allemande ; le génie d’Oppenheimer et le risque nucléaire ; la politique de l’enfant unique en Chine pour ralentir l’explosion démographique ; les quotas de diversité imposés aux entreprises et l’abandon du mérite comme critère ; les quotas de pêche et le gaspillage de la surpêche ; des subventions agricoles européennes engendrant des excédents massifs et une déstabilisation des marchés des pays émergents etc.
En Inde, on se souvient de l’effet cobra pendant la colonisation anglaise : le gouvernement britannique avait offert des primes pour chaque cobra tué afin de réduire leur population. Certaines personnes ont commencé à élever des cobras pour les tuer et toucher la prime. Lorsque les autorités ont mis fin au programme, les cobras élevés ont été relâchés, aggravant le problème initial !
Comme l’écrit Max Weber :
« Le paradoxe met l’accent sur le décalage entre les intentions des acteurs et les résultats de leurs actions, souvent en raison de la complexité des interactions sociales ou des dynamiques imprévues ».
L’effet bénéfique non intentionnel
C’est l’effet précédent en sens inverse : le mal peut produire du bien ; les conséquences peuvent s’avérer positives alors que l’action n’avait pas du tout cet objectif. Les fruits peuvent être bons alors que l’arbre est douteux.
Par exemple, Gengis Khan et sa horde mongole sont responsables de millions de morts dans l’expansion de leur empire. Pourtant, ils ont développé le commerce avec les routes de la soie, la rencontre Orient-Occident, la coexistence pacifique entre différentes cultures. Les expansions coloniales des Européens ont également – malgré le lourd bilan esclavagiste indéfendable – produit une élévation du niveau de vie comme jamais : infrastructures, santé, justice, économie, langue commune etc. La pax romana imposée à la pointe du glaive des légions avait déjà produit des effets semblables autour de la Méditerranée.
Sur le plan individuel également, chacun peut constater que certaines de ses actions ont un effet bénéfique non intentionnel. On l’appelle quelquefois divine surprise, effet d’aubaine, bénéfice collatéral…
Ces conséquences imprévues, souvent paradoxales - positives (effet bénéfique) ou négatives (effet pervers) – montrent que le monde et l’action humaine sont trop complexes pour prédire avec certitude ce qu’une action va produire.
3. La pureté idéologique est dangereuse
En se raidissant sur les principes, quelques soient les conséquences, on est certes fidèle à ses valeurs, mais on suppose naïvement que les conséquences vont suivre (ou pire : on s’en désintéresse !). C’est le risque de l’intransigeance évangélique poussée à l’extrême : s’il suffisait de soigner l’arbre pour avoir des fruits, ça se saurait ! L’ascète croit que tout vient du cœur, et se concentre sur sa sainteté intérieure. L’homme d’action constate qu’il ne maîtrise pas grand-chose, pas même lui-même : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19). Du coup, il accepte les zones grises là où l’ascète ne résonne qu’en noir et blanc.
Max Weber diagnostiquait dans ces deux attitudes le conflit de deux éthiques : l’éthique de conviction (Gesinnungsethik) et l’éthique de responsabilité (Verantwortungsethik).
La première relève d’une rationalité selon les valeurs (wertrational) : seule l’intention compte, les conséquences suivent (ou pas : peu importe !).
La seconde relève de la rationalité selon le but poursuivi (zweckrational) : je suis responsable des conséquences de mes actes ; je dois donc m’assurer qu’elles ne seront pas contraires à mon intention.
L’éthique de conviction met en avant la fidélité à ses valeurs.
L’éthique de responsabilité a le souci de l’efficacité réelle de l’action.
« Celui qui veut agir selon l’éthique de la conviction ne peut supporter la stupidité du monde. [...] Celui qui agit selon l’éthique de la responsabilité tient compte précisément de la moyenne des hommes tels qu’ils sont, et il essaie de parvenir à ses fins avec ces moyens ».
Durcir l’exigence de sainteté (ou de morale) comme le fait Jésus peut devenir dangereux : les jusqu’au-boutistes de la pureté idéologique sont prêts à tout plutôt que de renier leurs convictions, même devant le réel qui les contredit.
L’exigence de pureté doctrinale ou spirituelle a conduit à l’Inquisition catholique, au goulag soviétique, aux camps de rééducation maoïstes etc.
À l’inverse, le cynisme guette les réalistes qui sont prêts à se renier cent fois pour atteindre leur objectif. Edgar Faure s’en amusait : « ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent… », aimait-il à plaisanter.
4. Comment sortir du conflit des deux éthiques ?
Pour Max Weber, c’est initialement impossible :
« Il y a une opposition abyssale entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions: « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu » -, et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit : « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. »
Vous perdrez votre temps à exposer, de la façon la plus persuasive possible, à un syndicaliste convaincu de la vérité de l’éthique de conviction que son action n’aura d’autre effet que celui d’accroître les chances de la réaction, de retarder l’ascension de sa classe et de l’asservir davantage, il ne vous croira pas. Lorsque les conséquences d’un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n’attribuera pas la responsabilité à l’agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi.
Au contraire le partisan de l’éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l’homme (car, comme le disait fort justement Fichte, on n’a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l’homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu’il aura pu les prévoir. Il dira donc : « ces conséquences sont imputables à ma propre action. »
Le partisan de l’éthique de conviction ne se sentira « responsable » que de la nécessité de veiller sur la flamme de la pure doctrine afin qu’elle ne s’éteigne pas, par exemple sur la flamme qui anime la protestation contre l’injustice sociale. Ses actes qui ne peuvent et ne doivent avoir qu’une valeur exemplaire mais qui, considérés du point de vue du but éventuel, sont totalement irrationnels, ne peuvent avoir que cette seule fin : ranimer perpétuellement la flamme de sa conviction ».
Pourtant, Weber indique la nécessité de ne pas choisir, mais d’articuler les deux :
« Je me sens bouleversé très profondément par l’attitude d’un homme mûr – qu’il soit jeune ou vieux – qui se sent réellement et de toute son âme responsable des conséquences de ses actes et qui, pratiquant l’éthique de responsabilité, en vient à un certain moment à déclarer : « je ne puis faire autrement. Je m’arrête là ! ». Une telle attitude est authentiquement humaine et elle est émouvante. Chacun de nous, si son âme n’est pas encore entièrement morte, peut se trouver un jour dans une situation pareille. On le voit maintenant : l’éthique de la conviction et l’éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l’une l’autre et constituent ensemble l’homme authentique, c’est-à-dire un homme qui peut prétendre à la ‘vocation politique’ ».
Conclusion :
Il est rare de consacrer une homélie à montrer qu’une argumentation de Jésus est erronée, voire dangereuse, si on la coupe de l’ensemble du Nouveau Testament…
L’arbre et le fruit ne sont pas toujours homogènes, loin s’en faut. Mais ce n’est pas une raison pour idolâtrer nos convictions, ni pour sacraliser l’efficacité.
Le monde est complexe : accueillons avec humilité les conséquences imprévues des actes de chacun, bonnes ou mauvaises.
À chacun de ruminer les implications de ce conflit en lui : mes convictions ou ma responsabilité ? Mes valeurs ou mon efficacité ?…
Première lecture « Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé » (Si 27, 4-7)
Lecture du livre de Ben Sirac le Sage Quand on secoue le tamis, il reste les déchets ; de même, les petits côtés d’un homme apparaissent dans ses propos. Le four éprouve les vases du potier ; on juge l’homme en le faisant parler. C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre ; ainsi la parole fait connaître les sentiments. Ne fais pas l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé, c’est alors qu’on pourra le juger.
Psaume (Ps 91 (92), 2-3, 13-14, 15-16)
R/ Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce ! (cf. Ps 91, 2)
Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits !
Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
planté dans les parvis du Seigneur,
il grandira dans la maison de notre Dieu.
Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »
Deuxième lecture « Dieu nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ » (1 Co 15, 54-58)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens Frères, au dernier jour, quand cet être périssable aura revêtu ce qui est impérissable, quand cet être mortel aura revêtu l’immortalité, alors se réalisera la parole de l’Écriture : La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; ce qui donne force au péché, c’est la Loi. Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue.
Évangile « Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6, 39-45)
Alléluia. Alléluia. Vous brillez comme des astres dans l’univers en tenant ferme la parole de vie. Alléluia. (Ph 2, 15d.16a)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ? Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil’, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit. Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces. L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » Patrick Braud
Cette phrase-choc du pape François a affolé les médias quelque temps. Dans l’avion qui le ramenait des JMJ de Rio à Rome, en juillet 2013, le pape dialoguait à bâtons rompus avec la délégation de journalistes qui l’accompagnaient dans l’avion, comme il aime le faire [1]. Il donne ensuite cet exemple tiré de son expérience de pasteur : « Un jour quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : « Dis-moi : Dieu, quand il regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ? » Il faut toujours considérer la personne. Nous entrons ici dans le mystère de l’homme ».
Les milieux traditionalistes se sont aussitôt indignés : ‘Comment ! ? Le pape renonce à émettre un jugement sur l’homosexualité ! ?’ Les conservateurs s’étranglaient avec eux : ‘S’il n’y a plus de jugement moral, où va la société ?’
Ces indignés reproduisaient la vieille confusion mortelle et mortifère entre la personne humaine et ses actes. Le pire des criminels ne se réduit pas aux crimes qu’il a pourtant commis. Dès lors, même si je désavoue fortement le comportement d’un narcotrafiquant, d’un passeur d’immigrés clandestins ou d’un proxénète, je ne peux pas le réduire à cela. Même Hitler, Staline ou Pol Pot restent des enfants de Dieu, dont la dignité inaliénable repose sur le fait d’être un humain, et non pas d’être moralement acceptable. Chacun de nous est créé à l’image et la ressemblance de Dieu. Nous avons beau salir, déformer et dévaster cette ressemblance par nos crimes, nous ne pouvons heureusement pas extirper hors de nous l’image divine, sceau indestructible, don inconditionnel et irréversible qui nous est offert du seul fait d’exister !
Voilà pourquoi David épargne son rival Saül alors qu’il est à portée de lance (cf. première lecture : 1S 26). Voilà pourquoi Jésus est formel dans notre Évangile (Lc 6,27–38) : « Ne jugez pas, ne condamnez pas, pardonnez, donnez »…, « car vous êtes tous les fils du Très Haut ».
Discerner chez mon ennemi sa part de filiation divine est difficile et douloureux, plus difficile que la quête de la pépite d’or par l’orpailleur dans la rivière boueuse… C’est là qu’il faut se souvenir du geste étrange de Bernadette Soubirous se barbouillant de boue le visage, de la boue grattée au creux du filet d’eau de Massabielle. Avant de juger l’autre, prendre conscience de cette boue me collant au visage m’empêche d’être trop radical : « qui suis-je pour te juger ? » Paul ne dit rien d’autre : « Si nous avions du discernement envers nous-mêmes, nous ne serions pas jugés » (1Co 11,31).
Les Sioux ont une belle prière à ce sujet : « Que je ne juge jamais quelqu’un avant d’avoir chaussé ses mocassins ». Autrement dit : tant que je ne saurai pas voir les choses de son côté, mon ennemi restera incompréhensible et haïssable.
Les avertissements pour ne pas juger sont fréquents dans le Nouveau Testament : Matthieu prend l’image de la paille et de la poutre pour nous rendre prudents (Mt 7,1-15) avant de dénoncer chez l’autre ce que nous ne voyons pas chez nous. Paul lui aussi nous rappelle que nous ne valons guère mieux que ceux que nous condamnons :« De même, toi, l’homme qui juge, tu n’as aucune excuse, qui que tu sois : quand tu juges les autres, tu te condamnes toi-même car tu fais comme eux, toi qui juges. Or, nous savons que Dieu juge selon la vérité ceux qui font de telles choses. Et toi, l’homme qui juge ceux qui font de telles choses et les fais toi-même, penses-tu échapper au jugement de Dieu ? » (Rm 2,1-4). Et il nous invite à confier tout homme, même le pire, à Dieu qui seul sonde les reins et les cœurs : « Toi, qui es-tu pour juger le serviteur d’un autre ? Qu’il tienne debout ou qu’il tombe, cela regarde son maître à lui. Mais il sera debout, car son maître, le Seigneur, a le pouvoir de le faire tenir debout »(Rm 14,4). Jacques est encore plus définitif :« Un seul est à la fois législateur et juge, celui qui a le pouvoir de sauver et de perdre. Pour qui te prends-tu donc, toi qui juges ton prochain ? »(Jc 4,12) Seule la miséricorde peut nous faire échapper au jugement, « car le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, mais la miséricorde l’emporte sur le jugement » (Jc 2,13).
Distinguer les actes de la personne permet de juger les premiers sans disqualifier définitivement le second, de combattre le mal sans désespérer de son auteur. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes opposés à la peine de mort. C’est également une raison pour pratiquer une justice restauratrice et non seulement une justice punitive.
2. Danser sur un cadavre
L’expression est du ministre (actuel !) de l’Intérieur, commentant les réjouissances publiques de quelques militants d’extrême-gauche le soir de la mort de Jean-Marie Le Pen, le 7 janvier 2025 : « rien ne justifie qu’on danse sur un cadavre ». Cette violence post-mortem est une tentation récurrente de la vindicte populaire. Rappelez-vous les statues de Saddam Hussein déboulonnées, puis maculées dans la liesse collective ; ou bien le cadavre de Mussolini suspendu par les pieds exposés aux outrages et crachats de la foule ; ou encore la dépouille de Che Guevara exposée comme un trophée par les autorités boliviennes qui l’avaient exécuté ; ou bien le déchaînement de haine des roumains sur les deux cadavres du terrible couple Ceausescu ; ou les restes calcinés d’Hitler et d’Eva Braun fièrement exhibés par l’Armée rouge… Et Jean-Paul Sartre ne s’est pas grandi en allant uriner sur la tombe de Chateaubriand à St Malo pour marquer son mépris !
Danser sur un cadavre ou l’avilir met le comble à la haine, et les violents de tous bords se délectent de cet avilissement de l’ennemi après sa mort. Le code pénal enregistre ce déni d’humanité comme un délit, et sanctionne lourdement toute atteinte à l’intégrité d’un cadavre ainsi que la violation, la profanation des sépultures et autres monuments dédiés à la mémoire des morts, quels qu’ils soient.
Alors, même si vous n’êtes absolument pas d’accord avec les idées et les dérapages de l’action politique de feu Jean-Marie Le Pen (ce qui serait plutôt rassurant), sabrer le champagne et danser de joie pour fêter sa mort est incompatible avec la vision chrétienne de la personne humaine. Elle rabaisse les fêtards à épouser l’ignominie qu’ils sont censés dénoncer.
« Ne jugez pas… »
La dégradation du cadavre est dans l’Antiquité la seconde mort de l’ennemi, avec l’interdiction de sépulture et la destruction des restes humains. Dans l’empire romain, on laissait les corps des crucifiés se décomposer sur le bois et devenir la proie des oiseaux sauvages, afin de les rayer définitivement de l’humanité ; Jésus n’a échappé à ce déshonneur ultime que grâce à Nicodème et Joseph d’Arimathie… Même dans l’Église des premiers siècles hélas, on infligeait une seconde mort aux hérétiques en les rayant des listes d’évêques ou d’abbés et en interdisant de prononcer leur nom. Il y eut même un « concile cadavérique » [2] où l’on exhuma une dépouille d’un pape défunt pour la juger et jeter ses restes dans le Tibre ! Tout cela est si loin de l’Évangile…
3. Vous ne serez pas jugés
Jusque-là, rien que de très classique dans notre méditation de l’impératif évangélique de non-jugement. On s’arrête d’ailleurs souvent à cette première partie de la phrase de Jésus :« ne jugez pas », en oubliant la seconde, tout aussi importante :« et vous ne serez pas jugés ». Paul en rajoutera une couche :« Pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’y a plus de condamnation »(Rm 8,1).
Quoi ! ? Jésus nous indiquerait une voie pour échapper au jugement ? Un coupe-file pour le paradis en quelque sorte ? On nous a pourtant enseigné avec la fresque grandiose du Jugement dernier de Mt 25 que nous serons tous jugés sur le verre d’eau donné à l’assoiffé ! Des siècles de moralisation appuyée ont même développé : ‘il te faut gagner ton ciel en faisant un tas de bonnes actions, en obéissant à l’Église, en accumulant les efforts et les mérites, sinon gare : l’enfer t’attend !’ La gare de triage de ces effrayants convois de déportation s’appelait Jugement dernier, terriblement évoqué dans le Dies irae des Requiem de l’époque…
Or voici que Jésus nous dit tranquillement :« vous ne serez pas jugés ». Le juif Matthieu, très attaché aux œuvres de la Loi, frémirait en lisant son collègue Luc ! Et plus encore son confrère Jean, qui fait dire à Jésus : « moi je ne juge personne » (Jn 8,16), ou bien : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu » (Jn 3,17-18). Et encore le super apôtre Paul : « Pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’y a plus de condamnation » (Rm 8,1).
L’opposition entre Mathieu et Luc pourrait bien être de façade. Car il semble que Mt 25 évoque le jugement des nations, c’est-à-dire des non-baptisés, qui eux n’ont pas le Christ pour boussole, mais seulement leur conscience humaine. L’allégorie des brebis et des boucs viserait alors non pas les chrétiens mais les nations (ethnies), les gentils, les non-chrétiens. Le jugement des baptisés est plutôt l’affaire des trois paraboles précédentes : le serviteur fidèle qui attend le retour de son maître (Mt 24, 45-51), les dix vierges attendant la venue de l’époux dans la nuit (Mt 25, 1-13), et les talents confiés aux trois serviteurs d’un maître parti en voyage (Mt 25, 14-30). Quoiqu’il en soit du statut de Mt 25, l’Évangile de ce dimanche nous assure qu’il y a une voie pour échapper au jugement, un chemin finalement très simple, accessible à tous : ne pas juger, pardonner, rendre le bien pour le mal, aimer ses ennemis…
Car si je ne juge pas mon ennemi, je pourrai l’aimer, c’est-à-dire non pas éprouver sentiments et émotions à son égard, mais souhaiter que la meilleure part de lui-même émerge enfin, et qu’il se dégage du mal, car il vaut bien mieux que cela. Il me faudra pour cela « chausser ses mocassins », afin de comprendre pourquoi il agit ainsi.
Savoir qu’il est possible d’échapper au jugement libère de toute angoisse existentielle sur la fin ultime. Croire que je ne serai pas jugé injecte gratuité et désintéressement dans mes bonnes actions : je ne le fais pas pour être sauvé, mais parce que je suis sauvé.
Échapper au jugement, c’est aussi échapper au pouvoir de domination de toute institution religieuse qui prétendrait détenir et maîtriser le déroulé du procès intenté contre moi : la peur du Jugement dernier a été un puissant moteur d’aliénation des plus pauvres par les Églises. N’y revenons pas !
Les djihadistes se réclament du jugement d’Allah pour perpétrer leurs crimes. Que ce soit en Iran, en Afghanistan, au Yémen, avec le Hamas ou le Hezbollah, ils agitent le spectre du jugement pour leur donner le droit de punir les méchants, pour promettre la récompense aux combattants (avec de folles promesses de vierges au paradis !) Supprimez le jugement, et le djihad s’écroule [3]… Ou alors, rétablissez-le dans le sens de Matthieu qui s’adresse aux non-chrétiens faisant le mal : « Il dira à ceux qui seront à sa gauche : Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges » (Mt 25,41)… Là, d’accord, le jugement s’impose !
Mais pas pour vous, si du moins vous ne jugez pas, mais donnez, pardonnez, aimez comme le Christ et en Christ, en vrais fils du Très Haut, qui fait lever son soleil sur les justes et les injustes, sur les bons comme sur les méchants.
Alors, cette semaine, comment pourriez-vous chausser les mocassins de votre ennemi ?…
[2]. Le concile cadavérique est une assemblée de prélats convoquée à Rome, en janvier 897, par le pape Étienne VI qui la préside, afin de juger à titre posthume le pape Formose. Le cadavre de ce dernier, mort huit mois plus tôt, est exhumé à cette occasion, le linceul est remplacé par les vêtements d’apparat pontificaux et le corps est installé sur un trône pour affronter ses accusateurs. Formose est jugé, condamné et dépouillé de ses insignes pontificaux, amputé des doigts de la main droite qui lui avaient servi à bénir. Son élection comme pape est déclarée invalide et tous ses actes pontificaux sont annulés. Daniel Rops écrit : « Une cérémonie abominable suivit, où le mort fut dégradé, dépouillé des vêtements pontificaux auxquels collaient les chairs putréfiées, jusqu’au cilice que portait ce rude ascète ; les doigts de sa main droite furent coupés, ces doigts indignes qui avaient béni le peuple ». Son cadavre est livré au peuple de Rome qui le jette dans le Tibre.
[3]. Le Coran est très ambigu sur l’amour des ennemis. Il approuve le combat à mort : « Ô les croyants ! Soyez endurants Incitez-vous à l’endurance Luttez constamment contre l’ennemi et craignez Allah, afin que vous réussissiez ! » (3,200) et interdit l’amitié avec l’ennemi : « Ô vous qui croyez, vous ne vous lierez pas d’amitié à Mes ennemis et vos ennemis, étendant amour et amitié envers eux. […] Si vous vous mobilisez pour lutter dans Ma cause, recherchant Mes bénédictions, comment pouvez-vous secrètement les aimer ? » (60,1). Mais ailleurs il invite à ne désespérer de personne : « Rends le bien pour le mal, et tu verras ton ennemi se muer en fervent allié !» (41,34) et à pardonner : « Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas que Dieu vous pardonne ? et Allah est Pardonneur et Miséricordieux ! » (24,22).
Lectures de la messe Première lecture « Le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur » (1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23) Lecture du premier livre de Samuel En ces jours-là, Saül se mit en route, il descendit vers le désert de Zif avec trois mille hommes, l’élite d’Israël, pour y traquer David. David et Abishaï arrivèrent de nuit, près de la troupe. Or, Saül était couché, endormi, au milieu du camp, sa lance plantée en terre près de sa tête ; Abner et ses hommes étaient couchés autour de lui. Alors Abishaï dit à David : « Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains. Laisse-moi donc le clouer à terre avec sa propre lance, d’un seul coup, et je n’aurai pas à m’y reprendre à deux fois. » Mais David dit à Abishaï : « Ne le tue pas ! Qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur ? » David prit la lance et la gourde d’eau qui étaient près de la tête de Saül, et ils s’en allèrent. Personne ne vit rien, personne ne le sut, personne ne s’éveilla : ils dormaient tous, car le Seigneur avait fait tomber sur eux un sommeil mystérieux. David passa sur l’autre versant de la montagne et s’arrêta sur le sommet, au loin, à bonne distance. Il appela Saül et lui cria : « Voici la lance du roi. Qu’un jeune garçon traverse et vienne la prendre ! Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité. Aujourd’hui, le Seigneur t’avait livré entre mes mains, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. »
Psaume (Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 8.10, 12-13)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié. (Ps 102, 8a)
Bénis le Seigneur, ô mon âme, bénis son nom très saint, tout mon être ! Bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ; comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint !
Deuxième lecture « De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co 15, 45-49) Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens Frères, l’Écriture dit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel.
Évangile « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)
Alléluia. Alléluia. Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc En ce temps-là, Jésus déclarait à ses disciples : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. À celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre joue. À celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien, ne le réclame pas. Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs en font autant. Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir en retour, quelle reconnaissance méritez-vous ? Même les pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. Au contraire, aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car lui, il est bon pour les ingrats et les méchants. Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante, qui sera versée dans le pan de votre vêtement ; car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. » Patrick BRAUD
Après le cyclone Chido qui a dévasté l’archipel en décembre, Mayotte est dévastée : plus d’eau ni d’électricité, plus de toits, écoles et hôpitaux fermés etc. Comment reconstruire ? Sachant qu’un tiers environ des 500 000 résidents provient de l’immigration clandestine comorienne, s’entassant dans des bidonvilles de planches et de tôles, comment éviter que ce type de baraques précaires n’envahisse l’île à nouveau, jusqu’à la prochaine tornade ?
Deux approches se dessinent. L’une, approuvée par une partie des Mahorais, attend tout de la métropole. Il faut faire venir de l’eau, des ouvriers d’EDF, des ingénieurs Ponts et Chaussées, des architectes, et surtout beaucoup d’argent – des milliards – afin de faire ce que les Mahorais sont dans l’impossibilité de réaliser. Alors on a vu le Président de la République avec une cohorte de fonctionnaires, puis le Premier Ministre avec une autre cohorte de ministres et de fonctionnaires, débarquer quelques heures sur Mayotte pour annoncer un plan « Mayotte debout », et des moyens financiers hors normes.
Pourtant, de petites voix – d’élus locaux notamment – ont commencé à se faire entendre : « nous n’avons pas été consultés, ni même informés. Personne ne nous a demandé notre avis. Or, si l’on veut des solutions pérennes, il faut les trouver et les mettre en œuvre avec les Mahorais eux-mêmes ».
Et voilà l’éternel dilemme auquel l’évangile ce dimanche nous renverra également :
faut-il faire pour les pauvres ? ou avec eux ?
2. Sur la montagne ou sur le plat ?
Dans sa version des Béatitudes (Lc 6,17-26), Luc ne dit pas la même chose que Matthieu (les deux seuls qui mentionnent ce discours des « Heureux… »). D’abord, il situe ce discours « sur un terrain plat », alors que Matthieu les met en scène « sur la montagne ». Un détail, me direz-vous. Certes, mais les détails sont rarement anecdotiques dans la Bible.
Chez Matthieu, Jésus monte au-dessus de la foule dans la montagne : il fait tomber sur eux ses huit béatitudes.
Chez Luc, Jésus descend de la montagne, et s’arrête « sur un terrain plat », si bien qu’il est obligé de « lever les yeux » sur ses disciples, qui sont donc au-dessus de lui, tout en étant à égalité avec la foule, à sa hauteur, sur un même plateau.
Matthieu est en mode amphithéâtre inversé : la parole descend sur la foule.
Luc est en mode basilique, ou marché ouvert : la parole circule à hauteur d’homme.
Cette différence est renforcée par l’adresse initiale :
Mathieu parle des pauvres : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3).
Luc parle aux pauvres : « Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous » (Lc 6,20).
En parlant des pauvres à la troisième personne, Matthieu se réfère sans doute à l’oracle d’Isaïe qui est la clé pour comprendre la vocation messianique de Jésus : « L’Esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu, consoler tous ceux qui sont en deuil » (Is 61,1–2). Le Messie apporte la libération, la consolation, le salut à ceux qui ne peuvent se les donner à eux-mêmes. Et il est bien des situations où les pauvres attendent tout de Dieu, car ils ne peuvent plus rien.
En parlant aux pauvres, Luc établit un dialogue entre le Messie et la foule des disciples : « vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ». Pour Matthieu, c’est Dieu seul qui rétablit la justice, qui intervient en faveur des petits, ces anawim (en hébreu : ces courbés, ces abaissés), ces humiliés qui n’en peuvent plus. Les riches croient pouvoir s’en sortir par eux-mêmes, avec orgueil, grâce à leur puissance et leurs réseaux. Les pauvres désirent le don gratuit du salut divin qui seul peut les sortir de l’ornière : « De la poussière, il relève le faible, il retire le malheureux de la cendre pour qu’il siège parmi les princes, et reçoive un trône de gloire » (1S 2,8). Le Magnificat de Marie fera écho à cette conviction : « Dieu renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles ».
Pourtant le Magnificat écrit par Luc met en même temps en lumière l’admirable coopération de la Vierge à l’opération de l’Esprit en elle : elle participe de tout son être, charnellement et spirituellement, à la mise en œuvre du don de Dieu. Le Seigneur fait en elle des merveilles, mais pas sans elle.
De la même façon, chez Luc, les pauvres deviennent acteurs de leur salut et pas seulement bénéficiaires. Ils sont sujets de leur libération, pas seulement objets de la grâce divine : « vous les pauvres, vous avez le royaume de Dieu entre vos mains justement parce que vous n’avez rien. Prenez conscience de votre pouvoir et votre libération n’est pas loin ».
3. Faire pour / faire avec
Faire pour, faire avec : les deux polarités des Béatitudes sont en réalité deux dimensions nécessaires, à maintenir en tension. À faire pour uniquement, on en devient dame patronnesse du XIX° siècle qui fait la charité à ses pauvres. À ne faire qu’avec, on risque de priver les petits de l’aide nécessaire, on risque de faire porter toute la responsabilité aux opprimés, sans jamais leur apporter ce qu’ils ne peuvent produire et doivent recevoir d’un autre.
Pour articuler ces deux polarités, la Doctrine sociale de l’Église formulera ultérieurement le principe de subsidiarité : le niveau N +1 doit intervenir pour aider (subside = aide) le niveau N, mais si et seulement si N ne peut le faire par lui-même ; il doit fournir tous les éléments pour que le niveau N réalise le maximum de ce qu’il peut faire par lui-même.
Pie XI le définissait ainsi : « De même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber » [1].
Lorsque Matthieu dit : « le royaume de Dieu est aux pauvres », il s’adresse à ceux qui compromettent la justice en privant les pauvres de ce qui leur revient.
Lorsque Luc dit : « vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous », il les invite à prendre conscience de leur dignité et les encourage en tirer toutes les conséquences par eux-mêmes.
Faire pour / faire avec : cette tension parcourt tous les échelons de l’action publique. Prenez par exemple la mairie d’une ville de 100 000 habitants. Impossible de connaître personnellement tous les citoyens. Alors la plupart des services techniques et des bureaux de la mairie se réfugient dans le faire pour : on élabore des solutions pour les usagers (transport, sécurité, logement…) grâce à des bureaux d’études, des spécialistes, des fonctionnaires zélés, et on vient présenter la population ce qu’on a échafaudé pour elle. Pas étonnant que bien souvent la grogne, les pétitions et manifestations accueillent les élus qui descendent de la montagne pour exposer leurs vues !
Faire avec demande plus de temps : le temps de l’échange en amont, du débat pour identifier les problèmes, dresser des priorités, imaginer des réponses ensemble. De plus, faire avec demande d’arriver avec une page blanche, et non un projet pré-écrit à faire valider en manipulant plus ou moins l’opinion ! Quand on fait ensemble – experts, riverains et administration – on ne sait pas à l’avance où on va exactement, ni comment on va le faire, avec quels moyens etc. Beaucoup plus déstabilisant qu’un dossier préparé à l’avance par des experts ou des politiques !
Pour l’action publique traditionnelle, l’usager est un objet, un « agent », un simple bénéficiaire des actions qui sont pensées en dehors de lui. Il est l’objet de l’activité et du soin qui lui sont destinés, même si ces activités et ces soins sont individualisés à son endroit.
Pour les partisans du faire avec, si cet usager est mieux représenté et associé dès le début, le voilà « acteur », sujet si on veut. Par l’activité, ce « sujet » incorpore, assimile ; il co-construit lui-même ses propres apprentissages et changements. Il n’est plus le simple bénéficiaire de programmes qui lui sont destinés. Au contraire, on compte sur son propre pouvoir de réflexion et d’adaptation, pour produire lui-même les changements nécessaires.
Une association – fondée par le Père Joseph Wrezinski – a bien compris cette inversion de la filière pour agir : toutes les actions menées par ATD Quart-Monde sont pensées et conçues à partir des personnes concernées, avec elles, à partir de leur expérience, préoccupations et propositions. Bien sûr, en cours de route, ATD apporte son expertise et son carnet d’adresses pour voir ensemble comment réaliser des projets avec l’aide d’experts et de techniciens. Mais commencer en disant : « vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous » met en route une dynamique de co-construction qui change tout !
« Avant, on ne nous demandait jamais notre avis, on a eu une vie de galère, mais on a eu la chance de connaître ATD Quart Monde et maintenant, on sait qu’on a une intelligence, que notre parole a une valeur. Des gens demandent à la connaître pour transformer les situations de pauvreté et d’exclusion », disent des familles lors d’universités populaires, soirées d’échanges organisées par ATD.
Afin de permettre au savoir issu de l’expérience de vie des personnes qui connaissent la pauvreté de dialoguer avec d’autres savoirs, ATD Quart Monde a développé une méthode innovante, qu’il appelle « le Croisement des savoirs et des pratiques » [2].
S’inscrivant dans des domaines divers, le Croisement des savoirs et des pratiques est notamment utilisé pour mener des recherches participatives et des co-formations avec des personnes en situation de pauvreté, des professionnels, des scientifiques et des universitaires. Le Croisement des savoirs et des pratiques est une démarche développée par ATD Quart Monde permettant de créer les conditions pour que le savoir issu de l’expérience de vie des personnes qui ont connu ou connaissent la pauvreté puisse dialoguer avec les savoirs scientifiques et savoirs professionnels. Sa visée est de construire une société plus juste en associant pleinement les personnes avec l’expérience de la pauvreté.
En croisant des savoirs différents on produit une connaissance et des méthodes d’actions plus complètes et inclusives. L’enjeu de cette démarche est de réhabiliter, au bénéfice de tous, la contribution intellectuelle et pratique issue de l’analyse du vécu des personnes en situation de grande pauvreté et d’exclusion. Donner à cette contribution les moyens d’émerger, d’être reconnue et de se confronter aux autres savoirs, est une exigence démocratique qui donne espoir et confiance à tout le monde. Sinon, ‘ce qui a été fait sans nous vivra sans nous’…
Terminons par le témoignage de Etty Hillesum, jeune fille juive du ghetto d’Amsterdam au début de la guerre de 39-45. Vint un moment où, alors qu’elle aurait pu sauver sa peau en profitant de ses relations pour fuir le ghetto d’Amsterdam, elle se porte volontaire pour rejoindre les autres juifs déportés dans le camp de Westerbork, antichambre d’Auschwitz. Elle désire faire corps avec son peuple, ne pas faire pour lui, mais avec lui, au milieu des siens.
Lorsque les déportations massives commencèrent en juillet 1942, le Conseil juif d’Amsterdam recruta pour la forme un grand nombre de nouveaux employés, fournissant ainsi une protection au moins temporaire aux heureux élus. Etty avait des amis au Conseil et, à la prière instante de son frère Jaap, accepta de poser sa candidature à un emploi ; elle fut engagée le 15 juillet 1942. Son journal nous apprend qu’elle détestait sa position de privilégiée et en ressentait un profond malaise. Aussi, lorsque le Conseil décida de détacher une partie de son personnel au camp de Westerbork pour y assurer un service d’« aide sociale aux populations en transit », Etty demanda aussitôt son transfert. C’est dans ces conditions qu’elle arriva le 30 juillet à Westerbork, non en déportée mais de sa propre initiative et en qualité de « fonctionnaire ». Elle veut être avec.
De là naît sa joie paradoxale, celle des Béatitudes, qu’elle irradie autour d’elle dans le camp :
« Maria, petite amie,
Ce matin, il y avait un arc-en-ciel au-dessus du camp, et le soleil brillait dans les flaques. Je boue. Quand je suis entrée dans la baraque hospitalière, quelques femmes m’ont lancé : « Vous avez de bonnes nouvelles ? Vous avez l’air si radieuse ! ».
J’ai inventé une petite histoire où il était question de Victor-Emmanuel, d’un gouvernement démocratique et d’une paix toute proche, je ne pouvais tout de même pas leur servir mon arc-en-ciel, bien qu’il fût l’unique cause de ma joie ? »
Lettre à Maria Tuinzing, Westerbork, samedi 7 août – dimanche 8 août 1943.
Faire pour, faire avec…
Cette semaine examinons-nous :
Quelle est la dimension qui est sous-représentée dans mon action ?
Comment y remédier ?
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[1]. Pie XI, Encyclique Quadragesimo anno, 1931, n° 203.
Première lecture « Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)
Lecture du livre du prophète Jérémie Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.
Psaume (Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur. (Ps 39, 5a)
Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit !
Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira.
Tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent. Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra.
Deuxième lecture « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20) Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.
Évangile « Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia. Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel. Alléluia. (Lc 6, 23)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon. Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes. Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. » Patrick BRAUD