Le dialogue intérieur
Le dialogue intérieur
Homélie du 7° Dimanche de Pâques 05/06/11
· La force de cet homme, c’est qu’il semble habité par une relation d’échange continu avec un autre qui l’aime. Le courage de cet homme, qui va plonger dans sa Passion, il le puise dans un dialogue intérieur, qui visiblement le soutient et lui donne la force d’avancer.
Dans l’Évangile de Jean, c’est encore plus flagrant que dans les trois autres : Jésus n’est lui-même qu’en étant tendu vers un Autre que lui-même, avec qui il est profondément uni. D’où ces longs passages où Jésus parle à son Père. Il « lève les yeux » vers lui et lui dit en confiance sa joie, son désir, son attente.
Supprimez ce dialogue intérieur et Jésus s’effondre, incapable de rien faire par lui-même.
Il est celui qui incarne au plus haut point une relation vivante où l’autre fait tellement partie de soi qu’on se surprend à lui parler même en marchant, en travaillant, en se rasant le matin…
Ici, c’est à un moment particulièrement angoissant que ce dialogue se fait intense : Jésus serait qu’il va « passer » de ce monde à son Père (Jn 17). Il parle longuement à celui qui est la source et le terme de sa trajectoire humaine. Il s’appuie sur ce dialogue intérieur pour confier ceux qu’il aime, pour ne pas perdre courage, pour aller jusqu’au bout : « je viens vers toi » (Jn 17,11).
· D »ailleurs, que faisons-nous à l’eucharistie, pendant ce long moment solennel où les prêtres semblent absorbés par la prière eucharistique ? Avez-vous déjà réalisé qu’en fait, c’est à un long dialogue de Jésus avec son Père dans lequel nous sommes ainsi introduits ? La prière eucharistique s’adresse au Père, à travers ce que le Fils a fait ou fait pour nous.
Le lien d’unité qu’est l’Esprit Saint, lien vivant unissant les deux, nous unit alors au Christ pour entrer à travers lui dans l’intimité de ce dialogue trinitaire.
L’eucharistie est une initiation au dialogue intérieur…
Le Christ nous associe à la conversation qu’il entretient avec son Père. D’où cet « admirable commerce » eucharistique, où l’échange amical et aimant divinise ceux qui s’y laissent introduire.
· Où en sommes-nous de notre « dialogue intérieur » ?
Acceptons-nous de laisser le silence, la solitude nous décoller de notre immédiat pour nous situer en face d’un autre ? Si nous sommes toujours le nez dans le guidon, rivés à nos objectifs à court terme, envahis par les bruits du monde, nous risquons d’étouffer cette capacité de trouver en nous un partenaire « plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes ».
Évidemment, des circonstances dramatiques obligent parfois à cette plongée en soi : une chimiothérapie longue avec tant de passages à vide, un divorce qui n’en finit pas, une période de chômage désespérante… D’ailleurs dans ces situations le dialogue intérieur prend plutôt la forme d’une révolte, d’une colère, d’une accusation devant tant d’injustice et d’insignifiance, ou d’un silence résigné… Mais le simple fait de dire tout cela à quelqu’un, au lieu de le garder pour soi, est salutaire.
En ce sens, prier peut être ne rien dire, mais le dire à quelqu’un.
Se tenir devant l’autre intérieur, que ce soit pour l’accuser, se réjouir, le bénir ou rester muet en face de lui, c’est déjà un dialogue intérieur qui ouvrira bien des portes.
Jésus est habitué à cette échange de souffle entre lui et son Père : que ce soit devant le tombeau de Lazare pour le remercier à l’avance, à Gethsémani pour transpirer son angoisse, ou ici en Jn 17 pour confier ceux qu’il aime au moment de partir.
Ce dialogue intérieur est comme une basse continue qui constitue l’identité la plus vraie de cet homme étonnant. À tel point qu’en l’appelant Christ, ses amis reconnaissent en lui l’image du Père, le partenaire privilégié d’une relation de dialogue unique, grâce à l’Esprit qui les unit.
Dans l’eucharistie, Jésus nous fait entrer dans ce dialogue continu qui l’alimente.
Dans le Notre Père, il nous tourne avec lui et en lui vers la source ultime. Jésus ne conduit pas à lui-même : il oriente vers l’Autre avec lequel il ne fait qu’un.
· Voilà donc l’enjeu du dialogue intérieur : nous maintenir perpétuellement en état d’accueillir ce que Dieu nous donne ; exprimer le désir qui nous anime.
C’est peut-être cela la prière perpétuelle à laquelle aspirait Paul, les ermites du désert et les Pères de l’Église : tout faire sans interrompre jamais notre dialogue intérieur.
Faire 300 km en voiture, se laver les dents le matin, saluer le voisin, goûter une musique qui convient à notre âme, savourer un beau paysage, déguster un bon vin, un moment d’amitié? [1] : soignons notre dialogue intérieur !
[1]. Les bénédictions juives expriment très bien ce désir de parler à Dieu en toutes circonstances : bénir Dieu à l’occasion d’un repas, d’un voyage, d’une visite, et même des toilettes (oui, il existe une bénédiction juive pour ce moment-là aussi, car rien de ce qui est créé ne peut être exclu du dialogue intérieur !).
1ère lecture : Les disciples réunis dans la prière après l’Ascension (Ac 1, 12-14)
Lecture du livre des Actes des Apôtres
Les Apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent du mont des Oliviers à Jérusalem, qui n’est pas loin. (La distance ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat.)
Arrivés dans la ville, ils montèrent à l’étage de la maison ; c’est là qu’ils se tenaient tous : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, arthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques.
D’un seul coeur, ils participaient fidèlement à la prière, avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus, et avec ses frères.
Psaume : Ps 26, 1, 4abcd, 7-8
R/ Oui, nous verrons la bonté de Dieu sur la terre des vivants
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?
J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie.
Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon coeur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »
2ème lecture : Bienheureux les persécutés pour le Christ (1P 4, 13-16)
Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre
Mes bien-aimés, puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera.
Si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, heureux êtes-vous, puisque l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous.
Si l’on fait souffrir l’un de vous, que ce ne soit pas comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme dénonciateur.
Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu à cause de ce nom de chrétien.
Evangile : La grande prière de Jésus : « Père, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1-11a)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur ne vous laisse pas orphelins : il reviendra vers vous, alors votre c?ur connaîtra la joie.Alléluia. (cf. Jn 14, 18; 16, 22)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi : « Père, l »heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie.
Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés.
Or, la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ.
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’oeuvre que tu m’avais confiée.
Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi : donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde.
J’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole.
Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi,
car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d’auprès de toi, et ils ont cru que c’était toi qui m’avais envoyé.
Je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés : ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et je trouve ma gloire en eux.
Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »