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17 septembre 2011

Les ouvriers de la 11° heure

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Les ouvriers de la 11° heure

 

Homélie du 25° dimanche ordinaire / Année A / 18/09/2011

 

La vocation sociale de la foi chrétienne

Encore une parabole inspirée par la vie économique ! Et qui peut l’inspirer en retour…

Si certains voudraient cantonner la foi chrétienne à la seule vie intérieure ou aux seules pratiques rituelles, ces paraboles « économiques » obligent les Églises à demeurer – même minoritaires – un ferment de transformation sociale. Le repli sur des petites communautés chaleureuses, mais trop autocentrées, et bientôt folkloriques, ne pourra jamais assumer cette vocation socio-économique qui court dans tous les Évangiles.

Les ouvriers de la 11° heure dans Communauté spirituelle
Le travail est par-dessus tout une prérogative de l’homme en tant que personne, un facteur d’accomplissement humain, qui précisément aide l’homme à être davantage homme. Sans le travail, non seulement, il ne peut plus s’alimenter, mais il ne peut plus se réaliser lui-même, c’est-a-dire rejoindre sa véritable dimension. En second lieu et en conséquence, le travail est une nécessité, un devoir qui donne à l’homme vie, sérénité, engagement, signification. L’Apôtre Paul, rappelons-le, admoneste sévèrement, « celui qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas ! » (II Thessaloniciens, III 10). Ainsi chacun est appelé à développer une activité à quelque niveau qu’il soit placé, tandis que se trouvent condamnées la paresse et l’exploitation. D’autre part, le travail est un droit, c’est le grand droit fondamental de l’homme (?) En tant que tel, il doit être promu et sauvegardé par la société et aussi dans l’éventuel conflit avec les autres droits. A ces conditions le travail devient aussi un service de telle sorte que l’homme croisse dans la mesure par laquelle il se donne lui-même aux autres.
(Jean-Paul II : Angélus du 20 septembre 1981).

 

 

Embaucher, c’est divin

Une parabole qui parle de travail donc, et plus précisément d’embauche.

 11° heure dans Communauté spirituelleTous ceux qui ont connu le chômage vous raconteront la détresse non seulement financière mais plus encore humaine : se sentir inutile, ne pas avoir sa place dans la société, « rester là, toute la journée, sans rien faire » comme le constate avec tristesse le maître de la vigne.

Le travail est vraiment un lieu d’humanisation. En être privé est une souffrance que Dieu lui-même nous invite à combattre.

De six heures du matin à six heures du soir, Dieu embauche. Bien sûr, c’est pour son travail à lui. Mais il souligne par là même la grandeur de tout travail humain. L’oisiveté (« rester là sans rien faire ») est bien la mère de tous les vices ! Les moines bénédictins ont gardé précieusement ce conseil, même au coeur de leur vie contemplative : « ora et labora », « prie et travaille », car les deux vont ensemble dans le coeur de Dieu qui lui-même est toujours à l’oeuvre (cf. Jn 5,17, et le thème des oeuvres’ dans Jn).

 

La liturgie du travail, le travail liturgique

D’ailleurs, les cinq fois où Dieu sort pour embaucher sont les cinq heures liturgiques, à la  chômagefois juives et chrétiennes. Au point du jour, c’est l’office de Matines (6h du matin). La troisième heure, c’est Laudes (9h). La sixième heure, c’est Sexte (midi). La neuvième heure, c’est None (15h). La 11° heure, c’est Vêpres (17h).

Comparer l’embauche des ouvriers à l’office liturgique : voilà qui relie indissolublement le travail et la prière, la vie sociale et la pratique religieuse, l’activité économique et la vie divine !

 

Comment participer aujourd’hui à cette embauche ? Comment appeler chacun à prendre sa place dans l’activité humaine, ecclésiale, associative ?

Ne pas appeler l’autre à venir travailler est criminel .

Que chaque communauté s’examine. Ne sommes-nous pas trop habitués à fonctionner avec un petit cercle, sans oser appeler ceux qui sont là « à ne rien faire » ?

Dans la vie professionnelle, l’emploi est-il réellement un objectif prioritaire au-dessus du profit (même si celui-ci est nécessaire pour embaucher !) ?

 

Dieu sort

Cinq fois dans la journée, Dieu sort de lui-même pour ne pas laisser les ouvriers au  liturgiechômage. Comme Moïse (Ex 2,11), il faut sortir de son palais doré pour voir la misère du peuple et être témoin de son esclavage.

Sortir de soi est proprement divin.

C’est le mouvement même de la vie trinitaire. Les autres religions appellent à revenir vers soi, à retrouver l’unité intérieure, à se fondre dans le Tout. Le Dieu de Jésus est au contraire un Dieu qui ne cesse de sortir de lui-même pour aller vers l’autre. Tout le contraire de l’indépendance ou de l’autosuffisance : Dieu sort car il est amour, et l’amour veut dépendre de l’autre ; et l’amour ne veut pas se suffire à lui-même.

Cette place où il vient chercher ses ouvriers représente le monde avec ses foules mélangées, ses querelles, ses calomnies, le tumulte de tant d’affaires diverses où Dieu n’a point dédaigné de descendre
(saint Hilaire de Poitiers : commentaire de l’évangile selon saint Matthieu, XX 5).

Là encore, chacun peut réfléchir : que veut dire sortir de moi-même pour moi actuellement ?

 

Les ouvriers de la 11° heure

À tout âge il est possible d’entendre l’appel du maître de la vigne. Les Pères de l’Église voyaient dans les cinq tranches horaires de la parabole l’histoire de l’humanité (scandée par Noé, Abraham, Moïse, Jésus), ou bien les différents âges de la vie (même à la fin de sa vie, on peut venir travailler au Royaume).

Les différentes heures de la journée se retrouvent dans notre vie : le matin c’est l’enfance ; la troisième heure, la jeunesse où déjà se fait sentir la chaleur des passions ; la sixième, l’heure de midi, c’est la maturité de l’âge avec toutes les forces de l’homme dans leur plénitude ; la neuvième où le soleil se penche vers son couchant, c’est la vieillesse avec ses déclins ; et enfin la onzième l’âge de la décrépitude où la journée tend vers sa fin (saint Grégoire le Grand : homélie XVII sur les péricopes évangéliques 1 & 2).

 ouvrierLes ouvriers de la 11° heure peuvent également représenter les païens, appelés grâce à Jésus après les juifs, mais partageant avec eux le même salaire : la vie éternelle.

Les ouvriers appelés à la onzième heure représentent les Gentils. Pendant que le peuple hébreu, à toutes les heures de la journée, était venu travailler dans la vigne de Dieu, en le servant avec une vraie foi, les Gentils pendant longtemps avaient négligé de travailler pour la vie véritable, et avaient perdu leur temps dans des agitations stériles. Et ils peuvent donner comme excuse à leur désoeuvrement que personne n’était venu les employer. Ils n’on vu ni patriarches, ni prophètes, et personne n’est venu leur parler de la vie éternelle (ibid.).

 

Dans toute culture, à tout âge, quelque soit les conditions sociales, il est donc possible de devenir un ouvrier au service du Royaume de Dieu. Que nul ne désespère alors de sa jeunesse ou de son grand âge, de sa pauvreté ou de sa richesse : il n’est jamais trop tôt ni trop tard, il n’est jamais impossible de travailler à l’oeuvre de Dieu !

 

Au-delà des conventions collectives

Un mot enfin sur les salaires versés. Le salaire promis par le maître est juste. Il  parabolecorrespond aux conventions collectives de l’époque : un denier par jour de travail, du lever au coucher du soleil (pause comprise ?…).

Les ouvriers des premières heures accusent le maître d’injustice, alors qu’il est généreux. Il donne ce qui est juste, mais va au-delà de la justice.

Saint Augustin résout élégamment cette question en rappelant que le denier versé, c’est la vie éternelle, qui est infinie. Or on ne peut diviser l’infini ou en donner deux fois moins à quelqu’un !

Parce que la pièce d’argent, c’est la vie éternelle, tous jouiront d’une même vie éternelle (?). Elle sera la même pour tous. Car elle ne sera pas plus longue pour l’un, ni moins longue pour l’autre, puisqu’elle est éternelle pour tous : ce qui n’a pas de fin pour moi n’en aura pas pour toi. (St Augustin, sermon 87,6)

Quand Dieu donne la vie éternelle, aux ouvriers de la 11° heure comme à ceux du petit matin, il leur donne tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, et comment être jaloux alors que chacun est comblé de cette plénitude ?

 

Cette révélation de la bonté de Dieu au-delà de la justice pourrait là encore inspirer bien des responsables économiques. Travailler une heure quand on a été chômeur ne peut pas être évalué au prorata de ceux qui travaillent normalement depuis le matin, c’est-à-dire de ceux qui ont toujours été bien insérés dans le monde professionnel. Les débats sur les allocations de ressources, CMU, RSA et autres aides sociales ont là une référence évangélique assez audacieuse…

 

1ère lecture : « Mes pensées ne sont pas vos pensées » (Is 55, 6-9)

Lecture du livre d’Isaïe

Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu’il est proche. Que le méchant abandonne son chemin,et l’homme pervers, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui aura pitié de lui, vers notre Dieu qui est riche en pardon. Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur. Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.

 

Psaume : 144, 2-3, 8-9, 17-18

R/ Proche est le Seigneur de ceux qui l’invoquent

Chaque jour je te bénirai, 
je louerai ton nom toujours et à jamais.
 
Il est grand, le Seigneur, hautement loué ;
 
à sa grandeur, il n’est pas de limite.
 

Le Seigneur est tendresse et pitié, 
lent à la colère et plein d’amour ;
 
la bonté du Seigneur est pour tous,
 
sa tendresse, pour toutes ses oeuvres.
 

Le Seigneur est juste en toutes ses voies, 
fidèle en tout ce qu’il fait.
 
Il est proche de ceux qui l’invoquent,
 
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

2ème lecture : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (1, 20c-24.27a)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Frères, soit que je vive, soit que je meure, la grandeur du Christ sera manifestée dans mon corps. En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Mais si, en vivant en ce monde, j’arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c’est bien cela le meilleur ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. Quant à vous, menez une vie digne de l’Évangile du Christ.

Evangile : La générosité de Dieu dépasse notre justice (Mt 20, 1-16)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses oeuvres : tous acclameront sa justice.Alléluia. (cf. Ps 144, 7-9)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus disait cette parabole : 
« le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur un salaire d’une pièce d’argent pour la journée, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans travail. Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste.’ Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : ‘Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?’ Ils lui répondirent : ‘Parce que personne ne nous a embauchés.’ Il leur dit : ‘Allez, vous aussi, à ma vigne.’
 
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : ‘Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers.’ Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’argent. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’argent. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : ‘Ces derniers venus n’ont fait qu’une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur !’ Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : ‘Mon ami, je ne te fais aucun tort. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner à ce dernier autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un oeil mauvais parce que moi, je suis bon ?’
 
Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

Patrick Braud 

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10 septembre 2011

La dette est stable : vive la dette !

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La dette est stable : vive la dette !

 

Homélie du 24° Dimanche ordinaire Année A  11/09/2011 

 

La question de la dette est au coeur de la parabole de Mt 18,21-35.

10 000 talents et une remise de dette d’un côté, 100 talents et une exigence de remboursement intégral de l’autre.

Encore une parabole économique ! Qui a dit que l’Évangile ne s’occupait que de vie intérieure? ?

 

La question de la dette est en même temps au coeur de l’actualité sociale partout en Europe, aux USA et dans le monde entier. On nous annonce récession, austérité, du sang et des larmes à cause de l’endettement phénoménal des pays riches.

 

Passons en revue quelques emplois du mot « dette » dans la vie économique et sociale, en nous demandant quelle lumière l’Évangile peut y projeter.

 

La dette odieuse

En 1883, le Mexique avait refusé de rembourser une dette contractée auparavant par l’empereur Maximilien. Un régime injuste et illégitime ne pouvait lier le sort de son peuple pour des décennies. L’argument fit jurisprudence dans le droit international. Les États-Unis ont ainsi refusé que Cuba paye les dettes contractées par le régime colonial espagnol. Ils ont obtenu gain de cause via le Traité de Paris en 1898. C’est Alexander Nahum Sack, ancien ministre du Tsar Nicolas II, émigré en France après la révolution de 1917, professeur de droit à Paris, qui a formulé en 1927 ce concept juridique de « dette odieuse » :

« Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’État entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir. »

 

La dette est stable : vive la dette ! dans Communauté spirituelleLes disciples du Christ feront écho sans peine à cette demande de ne pas faire peser sur les épaules des enfants les dettes que les pères ont injustement contractées. Tant de régimes dictatoriaux – en Afrique comme ailleurs – ont « plombé » l’avenir de leur peuple : il est de notre devoir de militer pour l’annulation de ces dettes odieuses, d’autant que souvent elles ont été conclues en connaissance de cause par les créanciers (un peu comme les banquiers ont fermé les yeux lors du surendettement des familles pauvres jusqu’en 2008)?

Le financement des retraites des générations âgées ne releverait-il pas également de cette pratique ‘odieuse’ ?

 

Sur le plan spirituel, la « dette odieuse » est celle que l’humanité a contractée à travers Adam symboliquement.

C’est la structure même de notre condition de créatures, où nous découvrons notre complicité avec le mal, et la dette que cela engendre à l’égard de Dieu. C’est cette « dette odieuse » que le Christ a clouée sur le bois de la croix, selon le mot de Paul : « Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire; il l’a supprimée en la clouant à la croix. » (Col 2,14)

Croire que nous ne vivons plus sous le régime de l’expiation pour des fautes passées est au coeur du christianisme : la grâce offerte annule les dettes odieuses.

 

 

La dette effaçable

Tous les 50 ans, la Bible prévoit de remettre en quelque sorte les compteurs à zéro entre créanciers et débiteurs.

« Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé: chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan » (Lv 25,10).

L’institution du Jubilé est l’expression d’une volonté politique pour lutter contre l’accumulation des inégalités et des handicaps sociaux, qui autrement ne feraient qu’augmenter de génération en génération. En annulant les dettes, en libérant les esclaves, en bridant l’héritage, Dieu invite l’homme à lui ressembler jusque dans ses relations sociales.

 

Dans certains documents civils grecs, le mot  »aphésis » signifie une  »remise des taxes ». Et la traduction grecque de la Bible, appelée Septante, use de ce mot pour désigner, lors de l’année sabbatique, la relâche de l’homme accablé de dettes (Deutéronome 15,1) mais aussi la relâche accordée à la terre pour qu’elle se repose (Exode 23,11) ou encore la libération des esclaves (Jérémie 34,17).


Le chap. 25 du Lévitique parle de l’année du Jubilé. Dans la Septante, le mot  »aphèsis » y traduit exactement le mot hébreu  »derôr »,  »libération » :  »Vous déclarerez sainte la cinquantième année et vous proclamerez dans le pays la libération pour tous les habitants » (v.10) Mais – et cela est capital – il traduit aussi le mot  »yobel »,  »jubilé ». Là où le texte hébreu dit  »ce sera pour vous un jubilé », la traduction grecque comprend :  »ce sera pour vous un signal de liberté » (v.10 et 11). On le voit d’emblée : comprendre le sens du Jubilé, c’est mettre en valeur ses implications économiques et sociales.

Cf. http://www.bible-service.net/site/334.html

 

La remise de dettes à chaque Jubilé ne semble guère été observée jusqu’à présent. En tout cas, la remise jubilaire des dettes reste écrite dans la Tora comme l’expression de la sainteté de Dieu.

 

Nombres d’économistes se sont inspirés de cette loi du jubilé pour demander l’annulation de la dette des pays du tiers-monde. On se souvient par exemple du sommet du G8 en 2005, où les 8 pays créanciers se sont entendus sur un effacement de dette pour 18 pays pauvres très endettés, pour un montant de 40 milliards de dollars. C’est donc qu’il est possible de poursuivre sur cette voie de libération des plus pauvres d’une dette insupportable (sous condition de lutte contre la corruption et de respect des plans d’ajustement structurel qui visent à favoriser les investissements privés).

Pourquoi ne pas en étudier les modalités pour les dettes des pays riches ?

 

 

La dette vertueuse

Le capitalisme repose sur le crédit (credo), c’est-à-dire sur la confiance (croire en l’autre). La monnaie fiduciaire (fides = foi, confiance) est le symbole de cette relation de confiance qui unit créanciers et débiteurs. Sans confiance pas d’échanges, pas d’économies modernes. En ce sens, un niveau de dette raisonnable est compatible avec la notion de risque pour faire fructifier les talents reçus.

 

Après la crise de 1929, on a mis en pratique les théories de John Maynard Keynes sur  dette dans Communauté spirituellel’offre et la demande. Si la crise est une crise de surproduction et de sous-consommation, alors il suffit d’injecter de l’argent public (quitte à ce que l’État s’endette pour cela) pour relancer la consommation et la croissance, faisant ainsi reculer le chômage et l’inflation. Hitler l’avait bien compris avec ses grands travaux d’infrastructures et ses dépenses publiques pour le réarmement de l’Allemagne. Le plan Marshal ensuite après-guerre a mis ces idées en pratique, et engendré l’hyperconsommation des années 50-80. Ces « Trente glorieuses » ont consacré la théorie keynésienne de la dette vertueuse : ce n’est pas grave d’emprunter, même massivement, car cela se retrouvera dans la croissance. C’est le fameux mythe du multiplicateur keynésien : endettez-vous de 100 ? pour relancer l’économie par des dépenses publiques, et vous en trouverez 120 ou 150 dans la richesse produite.

 

Un député ose avouer avec courage que, justement parce que cela a semblé fonctionner après-guerre, tous les responsables politiques ont cru que la dette publique serait vertueuse à la longue :

« Soyons justes ! Keynes est un géant de la pensée économique. Nous lui devons, par exemple, le FMI de Mme Lagarde. Mais il est mort en 1946 et 2011 est bien la date de sa deuxième mort, celle d’un Keynes affirmant que « le déficit de État n’était pas si grave s’il servait à soutenir la demande et la consommation ».

Keynes insiste particulièrement sur l’investissement, faisant de État un acteur économique à part qui pouvait, lui et lui seul, dépenser plus qu’il ne gagnait??.Et le plus formidable, c’est qu’au début, entre-les deux guerres, cela marche !!!!!


Les États-unis se lancent dans une politique de grands travaux, les salaires y sont maintenus à un niveau correct, le déficit reste faible dans cette période historique et il est vite compensé par les recettes fiscales générées par la relance du New Deal?..et pour être honnête, de l’économie de guerre des États-unis entre 1941 et 1945.

Depuis cette époque, nous avons tous Keynes pour alibi lorsque nous sommes interrogés souvent de manière agressive avec cette question lancinante : « Mais qu’avez-vous fait de la France ? Et de ses finances publiques ? » Le dernier budget en équilibre de la France a été présenté ?.en 1980 par Raymond Barre. Depuis, nous avons tous, droite et gauche, voté des budgets en déséquilibre (80 milliards de déficit pour environ 300 milliards de budget en 2011) et accepté l’augmentation de la dette publique jusqu’à son montant actuel de 1640 milliards d’euros. Comment avons-nous pu accepter cela ?

Comment avons-nous  été aveuglés à ce point ? Keynes a joué le rôle du grand anesthésiste. Mais, nous avons été complices et lâches. Il m’arrive d’en avoir honte. »

 

http://jeandionis.com/blog.asp?id=18265 : « La deuxième mort de sir John Maynard Keynes »

 

On s’aperçoit aujourd’hui que dépenser beaucoup plus que ce que l’on gagne est toujours catastrophique, pour les États comme pour les particuliers !

 jubilé 

Par contre, il existe bel et bien une « dette vertueuse » en régime chrétien.

« Ne gardez entre vous aucune dette, sinon celle de l’amour mutuel » (Rm 13,8) : Saint-Paul ne veut pas d’une économie basée sur l’emprunt dans la communauté chrétienne. Mais il sait que la circulation du don est liée à la reconnaissance de la dette d’amour, envers Dieu d’abord et tous ensuite.

Je suis aimé avant que d’aimer.

Je reçois la vie avant de la donner.

Cette antériorité de l’amour reçu crée une dette vertueuse qui oblige à la faire circuler entre tous. Chacun, ne pouvant rembourser cette dette-là, accorde à l’autre un crédit qu’il renonce par avance à récupérer.

La parabole du bon samaritain qui soigne le blessé à l’auberge et disparaît pour ne pas être remboursé de sa dette en est la figure évangélique la plus aboutie.

 

Si la dette est stable, alors vive la dette qui circule et crée l’échange !

 

 

La dette souveraine

C’est la dette d’un État souverain.

Celle de la France suit la courbe ci-dessous. On voit que les intérêts de la dette coûtent désormais plus chers que la dette elle-même !

 

Dette_evolution_avec_et_sans_interets_G Keynes

L’explosion des dettes américaines et européennes est en effet en train d’engendrer une crise plus grave que celle des subprimes en 2008. À l’époque, c’étaient les pauvres qui s’endettaient trop – sous la pression des banques – pour acheter leur maison aux USA. Aujourd’hui, ce sont les États riches qui risquent de devenir insolvables…

 

Les partisans d’une certaine sobriété ne manqueront pas d’en tirer avantage, en s’appuyant sur les appels évangéliques à une certaine simplicité de vie. La frugalité était une vertu du capitalisme naissant. On ferait bien d’y revenir !

Dettes publique des Etats, en % du PIB

Fichier:Public debt percent gdp world map.PNG 

 

Remets-nous nos dettes

Pourquoi la traduction française du Notre Père a-t-elle remplacé le mot dettes par offenses ? Ce n’est pas fidèle au texte (le latin l’était : sicut et nos dimittimus debitoribus nostris). Quel dommage ! Car la prière que nous a enseignée le Christ parle bien de remise de dettes, sur un modèle économique, et pas de pardon ou de fautes ni d’offenses au sens moral du terme. Ce qu’enseignait le Christ est dans la droite ligne du Jubilé (Lévitique 25) : pratiquer régulièrement l’effacement des dettes mutuelles, pour éviter que ne s’accumulent la haine, la rancoeur et les vengeances sans fin (cf. la 1° lecture : Si 27, 30 ; 28, 1-7).

 

« Ne gardez entre vous aucune dette, sinon celle de l’amour mutuel ».

Si cette dette-là est stable, c’est bon signe !

 

 

 

 

1ère lecture : Comment un homme pécheur ne pardonnerait-il pas ? (Si 27, 30 ; 28, 1-7 )

 

Lecture du livre de Ben Sira le Sage

Rancune et colère, voilà des choses abominablesoù le pécheur s’obstine.
L’homme qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ; celui-ci tiendra un compte rigoureux de ses péchés.

Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis.

Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ?

S’il n’a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses propres fautes ?

Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ?

Pense à ton sort final et renonce à toute haine, pense à ton déclin et à ta mort, et demeure fidèle aux commandements.

Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, pense à l’Alliance du Très-Haut et oublie l’erreur de ton prochain.

 

Psaume : Ps 102, 1-2, 3-4, 9-10, 11-12

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits ! 

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ; 
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Il n’est pas pour toujours en procès,
ne maintient pas sans fin ses reproches ; 
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses. 

Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint ; 
aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés.

 

2ème lecture : Nous vivons et nous mourons pour le Seigneur (Rm 14, 7-9)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

En effet, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même,
et aucun ne meurt pour soi-même :

si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur.

Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants.

 

Evangile : Instruction pour la vie de l’Église. Pardonner sans mesure. (Mt 18, 21-35)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Seigneur nous a laissé un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »

Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.


En effet, le Royaume des cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.

Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).

Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.

Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.’

Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.

Mais, en sortant, le serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘Rembourse ta dette !’

Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : ‘Prends patience envers moi, et je te rembourserai.’

Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé.

Ses compagnons, en voyant cela, furent profondément attristés et allèrent tout raconter à leur maître.

Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : ‘Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié.

e devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’

Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait tout remboursé.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur. »
Patrick BRAUD 

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27 août 2011

Le jeu du qui-perd-gagne

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Le jeu du qui-perd-gagne

 

Homélie du 22° Dimanche ordinaire / Année A

 

« Qui veut garder sa vie la perdra, qui la donne avec moi la trouvera ».

Étonnante, cette loi évangélique du qui-perd-gagne.

Paradoxale, cette stratégie qui mise sur le perdant apparent? Et pourtant?

 

Qui perd gagne !

·       Il y a quelque temps, j’étais invité au repas d’un baptême. Entre le foie gras et le Loupiac, nous découvrons avec mon voisin de table que nous avons été coopérants dans le même pays d’Afrique.

 Le jeu du qui-perd-gagne dans Communauté spirituelle Senegal_arbre_a_palabre_7f499279832345b5b540368220d3fb90

D’où d’interminables souvenirs en commun, et des bouffées africaines qui nous remontaient en pleine figure : les relations humaines si humaines là-bas, les tournées en brousse, le temps vécu si différemment etc. Arrivés au St. Émilion accompagnant la volaille principale, mon voisin regarde soudain la table, son assiette pleine, et se confie à mi-voix : « maintenant, j’ai presque honte de ce que je fais. Je parcours la France entière pour grappiller des marges commerciales (il est VRP), démarcher des clients, séduire pour plus de résultats? Quand les rencontres africaines me reviennent à la mémoire, je me demande si j’ai fait les bons choix? Il y a des moments où l’existence sonne creux, lorsqu’on s’aperçoit qu’on court après du vent? »

Ce VRP nostalgique redécouvrait en fait l’étrange loi formulée par un obscur rabbi juif en Palestine : les vraies richesses sont celles qui nous sont redonnées au-delà de la perte. Comme le dira St Bernard : « au ciel, nous ne possèderons que ce nous aurons donné ». Encore faut-il apprendre à ne pas posséder. Encore faut-il se laisser initier à ce qu’est la « perte » au sens de l’Évangile.

 

* Savoir perdre, par amour (et non seulement parce que c’est une coutume, comme le fameux fair play britannique).

Par amour, ne pas retenir, mais offrir même ce qui paraît essentiel.

La veuve de Sarepta offre son peu d’huile et de vin. Un fils lui sera donné, au-delà de ses espérances.

Abraham accepta de ne pas posséder le fils de la Promesse. Il en reçut une descendance innombrable.

Jésus ira jusqu’au bout du don de soi, par amour, jusqu’à accepter de mourir. Il en recevra une vie éternelle.

 

* Savoir perdre, par amour?

Qui croirait que cela intéresse encore ?

Et pourtant?

 

* Savoir perdre, par amour?

Laissons le poète Pierre-Olivier FINELTIN trouver les mots pour dire combien ces pertes sont fécondes :

 

Qui perd gagne


Les pertes sont habituelles

Dit l’insouciant étourdi.

 

Les pertes sont dans la norme

Dit l’efficace militaire.

 

La perte est grande

Dit le prêtre au bord de la fosse.

 

Les pertes sont exceptionnelles

Dit le déficitaire banquier.

 

La perte est une racine de victoire

Dit le politicien battu.

 

Et – dit le poète -

Que les pertes font du bonheur,

Quand celles des eaux précèdent la naissance !

 

Que les pertes font du bonheur

Quand l’égaré est retrouvé !

Quand la boucle d’oreille retrouve sa paire !

 

Et dit – le poète -

Que les pertes font du bonheur,

Quand la perte déguise un don !

Quand l’oubli fait renaître 

Quand le démuni rapporte l’objet perdu !

 

On perd courage

On perd du temps

On perd-dure on perd-siffle

Mais on ne perd jamais d’expérience.

 

Pas de gain sans perte?

 

·       Une autre histoire très connue dit cela sous forme de conte :

« J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel était ce Roi de tous les rois !
Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses éparpillées partout dans la poussière.
Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me donner ? »

Ah ! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier ! J’étais confus et demeurai perplexe ; enfin, de ma besace, je tirai lentement un tout petit grain de blé et te le donnai.
Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre mon sac, je trouvai un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains. Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le coeur de te donner mon tout ! »


Rabindranath Tagore

L’offrande Lyrique Ed. Gallimard (trad. André Gide)

 

·       Et vous, quel grain de blé vous est-il possible de perdre ?…

 

 

1ère lecture : Le prophète doit souffrir pour son Dieu (Jr 20, 7-9)

Lecture du livre de Jérémie

Seigneur, tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ; tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté. A longueur de journée je suis en butte à la raillerie, tout le monde se moque de moi.
Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et pillage ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie.
Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir.

 

Psaume : Ps 62, 2, 3-4, 5-6, 8-9

R/ Mon âme a soif de toi, Seigneur, mon Dieu

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau. 

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire. 
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres ! 

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom. 
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange. 

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes. 
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

2ème lecture : Le culte spirituel (Rm 12, 1-2)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable.
Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.

Evangile : Le disciple du Christ doit souffrir avec son Maître (Mt 16, 21-27)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ illumine nos c?urs : qu’il nous fasse voir quelle espérance nous ouvre son apple. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. »
A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »

Patrick Braud

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20 août 2011

Les insignes du politique

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Les insignes du politique

 

Homélie du 21° Dimanche ordinaire / Année A

21/08/2011

 

Les militaires arborent quasi naturellement des rangées de médailles sur leur uniforme. Les politiques semblent plus sobres. Pourtant, à bien y regarder, ils recherchent eux aussi les distinctions qui feront d’eux des êtres à part.

La première lecture de ce 21° dimanche ordinaire peut nourrir une réflexion sur les insignes du politique : ceux que Dieu récuse, ceux que Dieu aime trouver chez les responsables en charge de la conduite de l’État.

 

Le syndrome du sépulcre surélevé, ou l’obsession de la gloire post-mortem

Pour comprendre pourquoi Dieu chasse le gouverneur Shebna de son poste, il faut Les insignes du politique dans Communauté spirituelle pt35524reprendre l’intégralité du texte d’Isaïe 22,19-23 (bizarrement tronqué par le choix liturgique). C’est parce que Shebna s’est construit un « sépulcre surélevé » que Dieu l’expulse de sa place de gouverneur. Se construire un tel sépulcre est en effet le signe d’une obsession hélas très courante chez les politiques : vouloir laisser une trace dans l’histoire. Shebna veut qu’après sa mort (sépulcre), on soit obligé de lever les yeux pour penser à lui (surélevé), et qu’en levant les yeux ont soit obligé de penser à lui… D’ailleurs, l’étymologie de son nom – Shebna vient d’une racine dont le sens est : croître - indique qu’il veut se grandir à tout prix. Alors que Eliakim à l’inverse signifie : celui que Dieu établit, qui donc ne se grandit pas lui-même.

 

Le sépulcre surélevé de Shebna illustre bien le syndrome de cette obsession politique dévastatrice : construire sa statue post-mortem, laisser une trace impérissable dans l’histoire. Des premiers empires de l’Extrême-Orient aux guerres napoléoniennes, jusqu’à la pyramide du Louvre ou la Très Grande Bibliothèque, les souverains ont si souvent été hantés par cette recherche de l’immortalité à travers leur gloire post-mortem.

 

Se construire un sépulcre surélevé est typiquement le genre de comportement politique que Dieu exècre.

Jésus n’a pas été tendre avec ces pratiques orgueilleuses où les puissants essaient d’utiliser les sépulcres pour immortaliser leur gloire :

« Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité.

Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez les tombeaux des justes, tout en disant: Si nous avions vécu du temps de nos pères, nous ne nous serions pas joints à eux pour verser le sang des prophètes. Ainsi, vous en témoignez contre vous-mêmes, vous êtes les fils de ceux qui ont assassiné les prophètes! Eh bien! vous  comblez la mesure de vos pères! » (Mt 23,27-32)

D’ailleurs, Jésus n’a pas acheté ni hérité d’un tombeau pour lui-même. Joseph d’Arimathie est obligé de lui en trouver un, que la tradition place en contrebas à Jérusalem, et non surélevé (Jn 19,41 cf. Isaïe 53,9 : « On lui a donné un sépulcre avec les impies, et sa tombe est avec le riche, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y ait pas eu de tromperie dans sa bouche. »)

 

Avec ce sépulcre surélevé, Shebna met en scène sa propre gloire, où il se grandit au-delà de la mort, en s’élevant lui-même.

Jésus à l’inverse traversera la mise en scène de sa propre honte ; il ne comptera pas sur lui-même pour l’au-delà de la mort, mais sur son Père qui l’élèvera plus haut que le sépulcre de Shebna !

 

Les responsables politiques que Dieu aime sont donc ceux qui ne sont pas obsédés par leur trace dans l’histoire. Ceux qui ne vont pas chercher à se grandir par leur action, mais rechercheront la gloire de ce qui est plus grand qu’eux et non la leur.

 

Les insignes du politique aimé de Dieu

 

Le texte d’Isaïe, après avoir stigmatisé le « sépulcre surélevé », parcourt les signes auxquels on reconnaît un véritable serviteur de la chose publique.

 

La tunique, ou la passion de l’unité

Être enveloppé de sa tunique est un symbole du lien permanent qui unit le chef à la source  clé dans Communauté spirituellede son pouvoir. Ainsi entouré de la référence continue à celui qui fonde son pouvoir, le politique aura la passion de servir l’unité de son peuple. Car la tunique de Eliakim fait irrésistiblement penser à la tunique de Jésus, que les soldats n’osent pas déchirer au pied de la croix (Jn 19,23). Le grand prêtre avait déchiré ses vêtements pour condamner Jésus (Mc 14,63). La tunique du Christ, elle, est resté d’une seule pièce, symbole de l’unité du genre humain que Jésus est venu réaliser dans sa passion (Jn 11,52 : Jésus est venu « rassembler dans l’unité des enfants de Dieu dispersés »).

 

Servir l’unité, l’unité de son peuple, l’unité du genre humain, est donc une des plus belles tâches du pouvoir politique que Dieu aime. La tunique de Eliakim, la tunique du crucifié en sont les insignes aux yeux de tous.

 

L’écharpe, où l’école du service

« Je le ceindrai de ton écharpe » : Dieu refait pour le politique un geste liturgique qui ephod cloucaractérise le grand prêtre. C’est ainsi qu’on attachait l’écharpe autour du cou du grand prêtre, pour qu’il porte l’éphod, ce bijou de 12 pierres précieuses symboles des 12 tribus d’Israël (Ex 28,8.27-28 ; 29,5 ; 39,5.20-21 ; Lv 8,7). Ceindre le politique d’une écharpe rappelle à tous, visuellement, qu’il est au service du peuple, et pas de ses intérêts. Shebna a été seulement un maître. Jésus sera maître et serviteur à la fois (Jn 13, 13-15). Les véritables pierres précieuses sont les communes, les visages des administrés. L’écharpe tricolore des maires aujourd’hui encore le rappelle, et signifie à tous qu’ils sont là au nom du peuple et pour le peuple. Ils sont liés par ce service comme l’éphod est lié au grand prêtre par l’écharpe.

 

  

 

Les clés, où le pouvoir de la décision

« Je mettrai sur son épaule la clé de la maison de David : s’il ouvre, personne ne  écharpefermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira ». C’est une vraie délégation de pouvoir. Le responsable politique a réellement un « pouvoir des clés ». Il doit trancher, dire oui ou non, et sa décision doit être suivie d’effets.

Réintroduire le pouvoir de décision du politique dans la vie sociale reste un vaste programme : ne pas laisser les pouvoirs financiers décider tout seuls ; trancher sur des orientations décisives (de la peine de mort à la réforme fiscale…) ; faire des choix suivis d’effets : c’est toujours la grandeur de la responsabilité politique. Le pouvoir des clés remis par Jésus à Pierre dans l’évangile de ce dimanche est un archétype de ce que les politiques doivent assumer dans la vie du pays.

 

 

 

 

 

 

 

Le clou, où le poids de la charge

« Je l’enfoncerai comme un clou en un lieu solide » (Is 22,23).

Étrange, cette image du clou solidement planté dans le mur ! La traduction liturgique privilégie l’image d’un piquet enfoncé dans le sol, ce qui n’est pas tout à fait fidèle au texte. On voit bien que le clou est là pour qu’on y accroche une charge qui pèse lourd. S’il est solidement fixé, on pourra y suspendre du lourd. Sinon, il cédera à la première surcharge.

Belle image en fait de la solidité que Dieu veut conférer au politique : il saura supporter des charges lourdes (cf. l’emploi du temps de nos politiques, et leur responsabilité souvent écrasante), prendre des coups, résister à des tensions diverses…

On pense là encore aux clous qui ont fixé Jésus sur la croix. En se laissant clouer sur le bois, Jésus devient paradoxalement la figure de celui qui va jusqu’au bout de sa charge. Le politique tenté de fléchir sous le poids de sa mission pourra regarder vers le crucifié : solidement fixé à sa croix, attaché jusqu’au bout à faire la volonté de son Père, Jésus peut nourrir la fidélité et la ténacité de ceux sur qui la charge politique va faire peser un poids humainement démesuré.

 

Le sépulcre surélevé, la tunique, l’écharpe, les clés et le clou : que cette panoplie d’insignes inspire à nos politiques une passion du pouvoir telle que Dieu l’aime ! Et puissions-nous les soutenir sur ce chemin?

 

 

 

 

1ère lecture : Je te confierai les clefs de la maison de David(Is 22, 19-23)

 

Lecture du livre d’Isaïe

 Ainsi parle le Seigneur Yahvé Sabaot:

   Va trouver cet intendant,

   Shebna, le maître du palais:  16  »Que possèdes-tu ici, de qui te réclames-tu

   pour t’y tailler un sépulcre? »

   Il se taille un sépulcre surélevé,

   il se creuse une chambre dans le roc.  17 Voici que Yahvé va te rejeter, homme!

   t’empoigner avec poigne.  18 Il te roulera comme une boule,

   une balle vers un vaste espace.

   C’est là que tu mourras, avec tes chars splendides,

   déshonneur de la maison de ton maître.  19 Je vais te chasser de ton poste,

   je vais t’arracher de ta place.  20 Et le même jour, j’appellerai mon serviteur

   Elyaqim fils d’Hilqiyyahu.  21 Je le revêtirai de ta tunique,

   je le ceindrai de ton écharpe,

   je lui remettrai tes pouvoirs,

   il sera un père pour l’habitant de Jérusalem

   et pour la maison de Juda.  22 Je mettrai la clé de la maison de David sur son épaule,

   s’il ouvre, personne ne fermera,

   s’il ferme, personne n’ouvrira.  23 Et je l’enfoncerai comme un clou en un lieu solide;

   il deviendra un trône de gloire

   pour la maison de son père.  24 On y suspendra toute la gloire de la maison paternelle, les descendants et les rejetons, et tous les objets de petite taille, depuis les coupes jusqu’aux jarres.  25 Ce jour-là, oracle de Yahvé Sabaot, il cédera, le clou enfoncé dans un lieu solide, il s’arrachera et tombera; alors se détachera la charge qui pesait sur lui. Car Yahvé a parlé.

 

Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6a.8

 

R/ Toi, le Dieu fidèle, poursuis ton oeuvre d’amour

De tout mon coeur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne. 

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force. 

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble.
Le Seigneur fait tout pour moi.
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’oeuvre de tes mains.

 

2ème lecture : Profondeur insondable du mystère du salut (Rm 11, 33-36)

 

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu !
Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables !
Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ?
Qui lui a donné en premier, et mériterait de recevoir en retour ?
Car tout est de lui, et par lui, et pour lui.
À lui la gloire pour l’éternité ! Amen.

 

Evangile : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux »(Mt 16, 13-20)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur la foi de Pierre le Seigneur a bâti son Église, et les puissances du mal n’auront sur elle aucun pouvoir.Alléluia. (cf. Mt 16, 18)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »
Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.
Patrick Braud 

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