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25 avril 2014

Que serions-nous sans nos blessures ?

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Que serions-nous sans nos blessures ?

Homélie du 2° Dimanche de Pâques / Année A
27/04/2014

Que serions-nous sans nos blessures ?

Un corps marqué

Après une blessure, on n’est jamais le même exactement.

Ce que l’on appelle guérison n’est jamais le retour à l’état antérieur purement et simplement.

Prenez une maladie infectieuse : après avoir rencontré le virus pour la première fois, l’organisme a réagi en produisant des anticorps nouveaux. De ce combat il garde le souvenir et la mémoire chimique quelque part, pour pouvoir le déclencher à nouveau si besoin est.

Prenez une coupure : les chairs se referment, mais il y a la cicatrice, qui atteste à jamais de la transformation qu’a subie le corps avec la blessure.

Prenez un chagrin, comme la perte d’un ami ou d’un proche : ?on s’en remet’ comme on dit, mais on n’est plus tout à fait comme avant.

Et il y a des cicatrices intérieures qui mettent plus de temps que d’autres à s’apaiser.

Pourquoi parler cicatrices aujourd’hui alors que la joie du cri de la nuit pascale résonne encore à nos oreilles ? Christ est ressuscité ! Pourquoi revenir sur les traces du passé ?

Pourquoi? ? Justement parce que c’est l’évangile d’après Pâques qui y revient.

Thomas identifie le corps de Jésus aux cicatrices qu’il porte. Ce procédé d’identification nous est sans cesse rappelé par les médias, après un attentat, une catastrophe ou un crime odieux ; on demande aux proches de reconnaître les corps d’un défunt? Ici, ce procédé devient l’identification d’un Vivant !

Celui qui est ressuscité garde sur ses mains la trace des clous, et dans son côté une plaie ouverte par la lance du soldat romain. Il portera toujours les traces de son combat. C’est bien le Crucifié qui est vivant, à la fois le même et pourtant différent. La Résurrection n’est donc pas une opération de chirurgie esthétique où Dieu gommerait comme par magie tout ce qui a fait notre existence pour nous recréer à partir de zéro.

Une petite fille handicapée réfléchissait dans son fauteuil roulant : « à la Résurrection, je pourrai courir et marcher comme si je n’avais rien eu !? Mais non, ce ne serait pas moi ! Je voudrais bien que mon handicap ne soit pas oublié ».

Eh oui : c’est bien moi, marqué et buriné par toutes mes relations humaines, qui vais ressusciter, et pas un autre. L’espérance chrétienne n’est ni la Réincarnation où je deviendrais un autre, ni le Nirvana où l’on pourrait se dissoudre comme une poupée de sel dans l’océan de l’univers. C’est la résurrection de l’être humain tout entier que proclame la fête de Pâques, sans dissocier l’âme du corps ; ce que la Bible et le Credo appellent la « résurrection de la chair ».

Or, la chair d’une existence, qu’est-ce c’est, sinon les traces qu’ont laissées sur nous, comme un fleuve dépose ses alluvions après la crue, nos relations humaines, nos solitudes, nos angoisses et nos amours, nos travaux et nos espoirs ?

Contemplez le visage et le corps d’un vieillard : les rides, les cicatrices, les déformations mêmes parlent ; et jusqu’à l’éclat des yeux, témoin tour à tour des tristesses, des épreuves, des joies, des amertumes, des vrais bonheurs accumulés au coin des paupières, et qu’un sourire suffit à libérer…

Image du Blog mamietitine.centerblog.net

Que serions-nous sans nos blessures ?

 

Pas de remise à zéro

Jesus with doubting Thomas, CaravaggioLe Christ ressuscité demeure blessé à jamais : c’est le mystère de la continuité entre notre vie et la vie autre qui nous attend. C’est donc que cette autre vie est déjà en germe aujourd’hui, pour chacun de nous. Malheureux sommes-nous si nous refusons d’être blessés par amour ! Sous prétexte d’avoir été trahis, par désillusion, ou par cynisme, malheureux sommes-nous si nous avons peur de nous exposer aux blessures de l’amour ! Car ces blessures là, nous les emporterons au Paradis ; ou plutôt, ce sont elles qui nous porteront, et c’est grâce à elles que Dieu nous identifiera et nous reconnaîtra à l’image de son Fils.

Si Thomas n’avait pas été là, nous aurions pu rêver d’un corps refait à neuf, d’une « remise à zéro » totale qui efface le passé. Mais en palpant la marque des clous et le trou de la lance, Thomas nous révèle une espérance bien plus folle encore : puisque le ressuscité est bien le Crucifié, c’est donc que la vie éternelle est déjà commencée pour chacun de nous. À travers les réussites et les échecs qui nous marquent, à travers tous ces liens humains qui nous façonnent, c’est tout notre être qui est travaillé, buriné. C’est cet être là, non pas un autre, cet être là dans toute sa dimension corporelle et spirituelle, c’est cet être là qui va ressusciter avec le Christ, qui va être glorifié comme a été glorifié le corps du Christ.

Que serions-nous sans nos blessures ?

 

Les blessures sociales

Que serions-nous sans nos blessures ? dans Communauté spirituelle 2014_02_25_ukraine_dechiree_entre_europe_et_russieCe qui est vrai d’un corps personnel l’est aussi du corps social. Une société garde longtemps les traces, les cicatrices des combats qui l’ont blessée.

Nos vieilles blessures françaises par exemple, provenant de la guerre d’Algérie, sont toujours enfouies quelque part dans notre mémoire collective : on croyait pouvoir oublier la torture, les exactions commis par chaque camp? Mais pour guérir il faut bien faire mémoire de la vérité de cette sale guerre.

De même pour les atroces méthodes nazies d’extermination des Juifs : l’Europe n’est pas sortie indemne de cette barbarie ; et les drames actuels entre Palestiniens et Israéliens sont toujours des résurgences de cette période, dont le monde n’a pas vraiment guéri?

Dans les troubles actuels qui déchirent l’ancienne Ukraine, il y a sans doute des traces, des séquelles de la période communiste, des dégâts spirituels et sociaux qu’elle a provoquée.

Pourtant, grâce à Thomas, nous savons aujourd’hui que la guérison d’un corps social, d’un peuple, d’un être humain, n’est pas la remise à zéro des compteurs. La véritable guérison n’est pas l’oubli, mais le pardon, pas l’amnésie, mais la vérité sur le passé. La Résurrection n’efface pas la Croix, elle la glorifie.

Que serions-nous sans nos blessures ?

 

C’est parce que nous ne sommes rien sans nos blessures que Dieu nous ressuscite avec elles et grâce à elles.

Voilà de quoi trouver le courage de nous exposer encore et encore, malgré les coups reçus…

 

 

 1ère lecture : La communauté fraternelle des premiers chrétiens (Ac 2, 42-47)

Lecture du livre des Apôtres

Dans les premiers jours de l »Église, les frères étaient fidèles à écouter l’enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières. La crainte de Dieu était dans tous les c?urs ; beaucoup de prodiges et de signes s’accomplissaient par les Apôtres.

Tous ceux qui étaient devenus croyants vivaient ensemble, et ils mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous selon les besoins de chacun.

Chaque jour, d’un seul c?ur, ils allaient fidèlement au Temple, ils rompaient le pain dans leurs maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité. Ils louaient Dieu et trouvaient un bon accueil auprès de tout le peuple. Tous les jours, le Seigneur faisait entrer dans la communauté ceux qui étaient appelés au salut.

Psaume : Ps 117, 1.4, 13-14, 19.21, 22-23, 24-25

R/ Éternel est son amour !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

On m’a poussé, bousculé pour m’abattre ; 
mais le Seigneur m’a défendu. 
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ; 
il est pour moi le salut. 

Ouvrez-moi les portes de justice : 
j’entrerai, je rendrai grâce au Seigneur. 
Je te rends grâce car tu m’as exaucé : 
tu es pour moi le salut. 

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs 
est devenue la pierre d’angle : 
c’est là l’?uvre du Seigneur, 
la merveille devant nos yeux. 

Voici le jour que fit le Seigneur, 
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! 
Donne, Seigneur, donne le salut ! 
Donne, Seigneur, donne la victoire !

2ème lecture : L’espérance des baptisés (1P 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Béni soit Dieu, le Père de Jésus Christ notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus Christ pour une vivante espérance, pour l’héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, en vue du salut qui est prêt à se manifester à la fin des temps.
Vous en tressaillez de joie, même s’il faut que vous soyez attristés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves ; elles vérifieront la qualité de votre foi qui est bien plus précieuse que l’or (cet or voué pourtant à disparaître, qu’on vérifie par le feu). Tout cela doit donner à Dieu louange, gloire et honneur quand se révélera Jésus Christ, lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui vous croyez sans le voir encore ; et vous tressaillez d’une joie inexprimable qui vous transfigure, car vous allez obtenir votre salut qui est l’aboutissement de votre foi.

Evangile : Apparition du Christ huit jours après Pâques (Jn 20, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Thomas a vu le Seigneur : il a cru. Heureux celui qui croit sans avoir vu ! Alléluia. (cf. Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

Or, l’un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l’endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »

Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! »
Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. »
Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre.
Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

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18 avril 2014

Pâques : Courir plus vite que Pierre

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Pâques : courir plus vite que Pierre

Homélie du dimanche de Pâques
20/04/204 

COURIR

Qu’est-ce qui nous fait courir ?

Quiconque a déjà voyagé dans des pays chauds devine le caractère incongru de la scène : des hommes et des femmes courant sur une piste poussiéreuse sous le soleil d’Afrique ou de Palestine. C’est hautement improbable. D’abord parce que la notion de temps dans ces cultures traditionnelles fait peu de place à l’urgence. Il est rare et même indécent de courir faire quelque chose. Et ensuite parce que le climat dissuade très vite de se livrer à ce genre d’exercice. Hormis les Kenyans sur leurs hauts plateaux, courir sur les routes de Jérusalem ou d’Abidjan relève au mieux d’un manque de savoir-vivre, au pire d’un état de déraison avancé.

Dans cet évangile de Pâques, on court pourtant beaucoup.

Marie-Madeleine, dans le sens tombeau => apôtres, pour les prévenir et leur demander de venir vérifier ses dires.

Pierre et Jean, dans le sens Église => tombeau vide, pour voir si elle dit vrai.

L’Église de Pâques naît donc dans la course, inhabituelle, inconvenante, inquiète.

- Courir vers l’Église pour lui signaler l’absence du corps du Christ : c’est la mission symbolique au plus haut point de Marie-Madeleine. Cette course est encore la nôtre lorsque nous devons alerter en urgence l’Église des endroits de nos villes, de notre culture, de la communauté où il n’y a plus de corps du Christ, c’est-à-dire plus de présence ecclésiale.

- Courir de l’Église vers le tombeau vide : c’est le go fast de Pierre et Jean qui préfigure notre propre course pour chercher et découvrir les lieux où la mort n’a pas eu le dernier mot.

Pâques : Courir plus vite que Pierre dans Communauté spirituelle Pierre+et+Jean 

Ces deux courses se répondent et s’appellent sans cesse l’une l’autre encore aujourd’hui.

Devenir chrétien au petit matin de Pâques, c’est s’entraîner à courir de ces deux quêtes à jamais inassouvies : prévenir l’Église qui doit sortir d’elle-même pour aller voir ; courir soi-même pour visiter les lieux où la victoire sur le mal et la mort s’inscrivent en creux, à la manière du tombeau vide.

La course est essentielle à la vie chrétienne, à tel point que Paul prendra sans cesse cette image sportive : ne pas courir en vain, tenir bon jusqu’au bout de l’épreuve, permettre à la parole de Dieu de poursuivre et d’achever sa course :

1Corinthiens 9,24 : Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix? Courez donc de manière à le remporter.

1Corinthiens 9,26 : Et c’est bien ainsi que je cours, moi, non à l’aventure; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide.

2Thessaloniciens 3,1 : Enfin, frères, priez pour nous, demandant que la parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée, comme elle le fait chez vous,

2Timothée 4,7 : J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.

Actes 20,24 : Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus: rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.

Galates 2,2 : J’y montai à la suite d’une révélation; et je leur exposai Évangile que je prêche parmi les païens – mais séparément aux notables, de peur de courir ou d’avoir couru pour rien.

Hébreux 12,1 : Voilà donc pourquoi nous aussi, enveloppés que nous sommes d’une si grande nuée de témoins, nous devons (?) courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée,

Philippiens 3,12 : Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus.

Philippiens 3,14 : et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus

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Et nous, pour quoi, pour qui courons-nous ?

Sommes-nous dans cette dynamique de la course qui nous guérit de la résignation, du fatalisme, du ?à quoi bon ?’ des apôtres après la catastrophe de l’échec au Golgotha ?

Qu’est-ce qui nous fait nous lever le matin ?

Quelles bandelettes roulées à part nous attendent, et où ?

Quelle est notre course en réponse aux appels de ceux qui nous disent d’aller voir ailleurs des absences étonnantes ?

 

Courir plus vite que Pierre

Courir donc.

Pierre et Jean en sont des symboles.

Avec cette précision que seul l’auteur du quatrième évangile apporte : le disciple que Jésus aimait a couru plus vite que Pierre.

Pourquoi souligner ce détail ? Est-ce uniquement parce que ce disciple (souvent identifié à Jean, mais on n’en est pas sûr) était plus jeune et donc plus vigoureux que Pierre ?

Difficile de ne pas y voir là encore une touche symbolique : courir plus vite que Pierre est nécessaire à l’Église pour qu’elle se convertisse à son Seigneur. Car, parce qu’il se sait aimé du Christ, ce disciple sera plus rapide non seulement pour arriver au tombeau mais également pour interpréter cette absence, ce vide, ces bandelettes roulées à part avec soin. « Il vit et il crut », alors qu’on ne sait pas ce que Pierre en a pensé.

le+tombeau+vide croire

Si Pierre symbolise – à juste titre – le caractère institutionnel et hiérarchique de l’Église, alors l’auteur du quatrième évangile a voulu marquer d’emblée que l’Église dès sa naissance ne pouvait se contenter du seul Pierre. Il y faut également Jean, ce contemplatif actif, ce disciple aimé qui voit et croit.

Autrement dit, à côté de la structure institutionnelle (pape, évêques, prêtres…), il faut impérativement à l’Église des disciples bien-aimés qui courent plus vite que Pierre, qui sont capables de voir et de croire avant que la lourde machine ecclésiale se convertisse enfin elle aussi, grâce à leur témoignage.

Ces chevaux ailés de la foi, ces gazelles de la course mystique existent toujours, et ont la belle mission de contester la toute-puissance que Pierre tend parfois à s’arroger, en lui rappelant qu’il est une autre connaissance, celle du coeur, une foi  plus active – celle du juste regard porté sur les choses – qui va plus vite que l’institution et l’empêche de se croire suffisante.

Aujourd’hui, ceux qui courent plus vite que Pierre existent toujours au milieu de nous. Ce sont les fondateurs comme Jean Vanier ou le Père Wrézinski, les prophètes comme cette jeune religieuse triomphant dans The Voice à l’italienne ou ces millions de couples pratiquants tranquillement leur propre spiritualité conjugale apparemment éloignée des canons rigides romains, les sages comme les moines et les moniales écoutant la vraie soif du monde et y répondant avec le silence, les psaumes, la fraternité inconditionnelle etc…

9782204101950 JeanCourir plus vite que Pierre n’est pas pour autant s’opposer frontalement à lui : Jean attend devant le tombeau, et s’efface pour laisser Pierre entrer le premier. On se souvient des Pères Congar et Chenu, précurseurs du concile Vatican II, qui pourtant avaient été durement « crossés » auparavant pour leurs écrits théologiques : ils ne sont pas entrés en dissidence, ils ont obéi humblement, en continuant leur travail de recherche, en croyant qu’avec le temps Pierre lui aussi finirait par voir et croire. Et l’histoire leur a donné raison. La suite a montré que grâce à leur obéissance, l’énorme paquebot Église allait finalement se convertir elle aussi à devenir « servante et pauvre », selon les mots de Congar. Le pape François actuel en est un symbole vivant : il incarne Pierre courant plus vite que Pierre en quelque sorte, dans son humilité joyeuse au service des pauvres.

Voilà donc une voie de réforme toujours actuelle : courir plus vite que Pierre, c’est-à-dire détecter plus vite que nos évêques, que nos innombrables et lourdes structures ecclésiales, les vrais désirs, la vraie soif de notre société, et croire avant Pierre que le Christ n’est plus enfermé dans les bandelettes du passé. Que ce soit à propos de la situation des divorcés remariés, de la morale familiale, de l’engagement économique ou politique, ils sont nombreux ces disciples aimés du Christ qui vont plus vite que leur Église officielle sur bien des points !

Mais cette course plus rapide ne sera féconde que si elle attend Pierre patiemment, et l’aide à se convertir lui-même.

La contestation adolescente ou stérile n’est pas à l’auteur du défi de Pâques. S’il doit y avoir confrontation – car parfois cela est nécessaire – que ce soit à la manière de Paul, qui ose reprocher publiquement à Pierre de ne pas être fidèle à la gratuité du salut en Christ :

« Quand Céphas (Pierre) vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis. Et les autres Juifs l’imitèrent dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde: « Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser? (Ga 2,11-14)

Tout en reprenant Pierre devant tout le monde, Paul aura à coeur de ne rien faire sans être visiblement en communion avec lui.

« Reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques, Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion : nous irions, nous aux païens, eux à la Circoncision » (Ga 2,9).

Exigence évangélique et obéissance sont donc compatibles au sein de notre Église.

Reste qu’il est essentiel que quelques-uns courent plus vite que Pierre, c’est-à-dire  plus vite que leur évêque, leur conseil paroissial, leurs supérieurs hiérarchiques. Sans eux, l’Église risque de voir sans voir, et – pire encore – de voir sans croire.

 

Messe du jour de Pâques

1ère lecture : Les Apôtres témoins de la Résurrection (Ac 10, 34a.37-43)

Quand Pierre arriva de Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean :
Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui.
Et nous, les Apôtres, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice.
Et voici que Dieu l’a ressuscité le troisième jour.
Il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts.
Il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts.
C’est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage : Tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés. » 

Psaume : Ps 117, 1.4, 16-17, 22-23

R/ Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève, 
le bras du Seigneur est fort ! 
Non, je ne mourrai pas, je vivrai, 
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs 
est devenue la pierre d’angle : 
c’est là l’oeuvre du Seigneur,  
la merveille devant nos yeux..

2ème lecture : Vivre avec le Christ ressuscité (Col 3, 1-4)

Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.
Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre.

En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu.
Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.

sequence : 

À la victime pascale,
chrétiens, offrez le sacrifice de louange. 

L’Agneau a racheté les brebis; 
le Christ innocent a réconcilié 
l’homme pécheur avec le Père. 

La mort et la vie s’affrontèrent 
en un duel prodigieux. 
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne. 

?Dis-nous, Marie Madeleine, 
qu’as-tu vu en chemin ?? 

?J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, 
j’ai vu la gloire du Ressuscité. 

J’ai vu les anges ses témoins, 
le suaire et les vêtements. 

Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! 
Il vous précédera en Galilée.? 

Nous le savons : le Christ 
est vraiment ressuscité des morts. 

Roi victorieux, 
prends-nous tous en pitié ! 
Amen.

Evangile : Le tombeau vide et la foi des Apôtres (Jn 20, 1-9)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ !
Rassasions-nous dans la joie au festin du Seigneur !
Alléluia. (1 Co 5, 7-8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick Braud

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11 avril 2014

Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux

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Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux

Homélie du Dimanche des Rameaux
13/04/2014

Dans bien des régions de France, ce dimanche des rameaux est le plus fréquenté de toute l’année, davantage que Pâques, davantage encore que Noël. À tel point qu’on est obligé de rajouter des offices, et de laisser à la porte des églises ouvertes ensuite des brassées de buis béni pour les retardataires, les timides, ou les oublieux qui veulent quand même renouveler leur rameaux secs et jaunis accroché à leurs crucifix.

 

1. Un signe sensible

Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux dans Communauté spirituelle rameauxC’est là tout particulièrement le génie du catholicisme : savoir parler à tous dans un langage simple, accessible, charnel. Et quoi de plus concret que le langage des signes sensibles, comme un rameau béni rapporté à la maison ? Point n’est besoin d’être docteur en théologie, ni même grand pratiquant, pour saisir d’instinct ce que cette branche d’arbuste signifie. Pas même besoin de mots : la tradition orale a suffisamment imprégné pendant des siècles cet objet et les gestes qui l’accompagnent pour que l’enfant, le SDF ou la vieille femme qui viendraient le ramasser furtivement – comme à la dérobée - après la messe sachent qu’il y a là une question de vie et de mort.

 

Pas de catholicisme sans des gestes et des objets aussi populaires que les rameaux, aussi simples que ces feuilles de buis béni, aussi accessible que ces branches coupées pour que la vie ne le soit pas.

 

2. Une espérance invincible

Que fait-on de ces rameaux en effet ? On les glisse entre les bras du crucifix sur la croix familiale, on les coince entre le crucifix et le mur pour qu’ils dépassent fièrement en hauteur, on s’arrange pour que leur vert absolu tranche sur le gris ou l’or de la croix si triste…

À lui seul, un rameau béni témoigne que l’arbre de la croix portera du fruit, quoi qu’il arrive.

À lui seul, un bout de branchages de buis proclame la résurrection promise à chacun.

À elle seule, une palme fièrement dressée au-dessus de la tête du crucifié annonce à la fois la consolation, la transfiguration, l’oasis à travers la mort.

D’ailleurs, quand l’un des nôtres nous a quitté, naviguant on ne sait comment vers une autre rive on ne sait où, il est de coutume d’aller décrocher ce rameau ramené comme un butin du dimanche avant Pâques. On dispose une table en face du corps du défunt, avec une soucoupe d’eau et le rameau à côté. Les visiteurs qui viennent se recueillir devant l’enveloppe charnelle peuvent alors la bénir avec cet humble feuillage. En traçant cet itinéraire cruciforme perlé de gouttes d’eau sur le corps, ils rendent hommage à ce que le défunt a été pour eux, ils rappellent à Dieu – sans le savoir – sa promesse de ne pas laisser ses amis aussi éloignés de lui que la mort peut le faire.

Il n’est donc une nulle épreuve que l’espérance pascale ne puisse illuminer : les rameaux témoignent de cette espérance invincible, avec simplicité.

 

3. Entre vert et sec : le rappel à l’éphémère

Pourtant ces rameaux se flétrissent. Du vert resplendissant de la semaine sainte, il passe en quelques mois au jaune sec et cassant des feuilles abandonnées.

Ainsi nos espoirs humains touchent vite leurs limites.

Ainsi nos projets se dessèchent tôt ou tard.

Ainsi nos réalisations les plus belles deviennent rabougries et prêtes à tomber en poussière avec les années, à l’échelle du temps de l’univers…

Ce n’est que sagesse d’enlever alors ces tiges desséchées de nos crucifix pour aller les brûler en début de carême. On dit que les cendres du premier mercredi de carême sont faites avec celle des rameaux brûlés, réduits en poudre, et étalés sur le front des fidèles pour leur rappeler que tout passe…

Nous sommes dans des réalités avant-dernières : rien ici-bas ne peut être absolutisé au point de ne pas devoir vieillir et tomber en poussière. Ce n’est que dans la réalité dernière – celle du monde à venir après la mort – que les rameaux ne jauniront pas. D’ici là, le nécessaire renouvellement annuel de nos rameaux nous oblige à ne pas croire éternel nos espoirs ou nos réussites.

Entre arbre vert et arbre sec, ces branches qui ne durent qu’une année accrochées à nos murs nous ramènent à l’éphémère humain, nous convertissent à l’éternité seulement divine.

 

4. La fête des tentes ou la vraie présence de Dieu

Le pasteur de l’Église réformée de Versailles rappelait ainsi en 2004 le lien ente les rameaux et la fête des tentes :

« David ordonna autrefois que sa propre mule serve de monture à son fils Salomon et qu’on le fasse descendre à Guihôn pour qu’il y reçoive l’onction d’huile le consacrant ainsi roi d’Israël.

Ainsi, cette entrée de Jésus à Jérusalem, juché sur un ânon, ne rappelle pas seulement la prophétie messianique de Zacharie, mais aussi l’intronisation du roi Salomon.

« Mais Salomon allait à Guihôn », me direz-vous, « pas à Jérusalem ! ».

« Justement ! », vous répondrais-je, « on a là une coïncidence extraordinaire ! ».

Guihôn (qui veut dire ?la jaillissante? en hébreu) était une des deux sources qui alimentaient la ville de Jérusalem. Elle se situait à l’extérieur de la ville, ce qui n’était pas pratique, et parfois même dangereux, pour les habitants de Jérusalem. Après divers aménagements, c’est finalement le roi Ezéchias qui, dans les années 700 av. JC, fit creuser un canal souterrain reliant Guihôn à un bassin situé à l’intérieur des remparts : la fameuse piscine de Siloé. À l’époque de Jésus, pendant la fête des Tentes, la plus grande et la plus sainte des fêtes juives (du moins jusqu’à la destruction du temple de Jérusa­lem en l’an 70), les prêtres allaient tous les jours puiser de l’eau à cette piscine de Siloé, et ils l’emportaient en procession jusqu’au Temple pour nettoyer l’autel des holocaustes, où l’on faisait de nom­breux sacrifices pendant les sept jours que durait cette fête. Cette procession se faisait sous les cris de la foule brandissant des palmes et des rameaux de verdure. Nous y voilà !

Cette proces­sion de l’eau purificatrice, fournie par la source de Guihôn, ressemble étrangement à cette procession qui accompagne Jésus à l’entrée de Jérusalem, où il va purifier la maison de son Père en chassant les marchands du Temple. Par ailleurs, nous avons entendu tout à l’heure un extrait du psaume 118, celui qui était vraisemblablement chanté (ou plutôt « psalmodié ») pendant ces processions de la fête des Tentes, rameaux en main. Et vous y avez reconnu le « Béni soit celui qui vient, au nom du Seigneur ! » (Hosanna !) que crie la foule en accueillant Jésus (peut-être y avez-vous relevé également l’histoire de la pierre angulaire, que Jé­sus citera quelques versets plus loin).

Mais ce n’est pas tout : il y a une autre coïncidence. Vous savez sans doute que c’est Salomon (on y revient) qui fit construire le premier temple de Jérusalem. Et bien c’est justement au cours de cette ?fête des Tentes? que Salomon l’inaugura, en faisant entrer dans le temple, toujours en procession, la fameuse ?arche de l’alliance?, celle que le peuple hébreu avait transportée dans le désert, et qui contenait les fameuses ?tables de la Loi? qui scellaient l’alliance entre Dieu et son peuple. D’ailleurs, la fête des Tentes est en rapport direct avec l’Exode. En hébreu, on l’appelle la fête des Soukkôth. La souk­kah (soukkôth au pluriel) n’est pas exactement une « tente » mais plutôt une cabane ou une hutte faite de branchages. Cette fête évoque les 40 ans d’errance dans le désert du Sinaï, où les Hébreux n’avaient que des tentes ou des huttes pour se protéger du soleil. En mémoire de ce temps héroïque, les juifs vont vivre pendant une semaine dans des soukkôth qu’ils auront construit eux-mêmes aux alentours de Jérusalem. Aujourd’hui encore, cette fête symbolise le ?renouvellement de l’alliance?.


Bref, résumons ce que nous avons découvert :

- Jésus est monté sur un ânon, comme le roi Salomon lors de son intro­ni­­sation.

- Son accueil par la foule branchages à la main ressemble fort aux cérémonies de la fête des Ten­tes, considérée comme la fête du ?renouvellement? de l’alliance. Et Jésus y joue le rôle de la source ?royale? de Guihôn, qui est menée en procession jusqu’au temple pour la purification.

- C’est justement dans ce contexte de la fête des Tentes que Salomon inaugura le premier Temple de Jérusalem. »

http://erys.pagesperso-orange.fr/PREDICATION%20DU%204%20AVRIL%202004.html

Les rameaux annoncent donc la nouvelle tente que Dieu va établir : non pas une hutte de branchages faite de main d’homme, pas même un nouveau Temple de pierres à Jérusalem, mais le corps même de Jésus transfiguré à travers la mort.

Brandir nos palmes en chantant Hosanna !, c’est donc reconnaître en Christ la vraie source de vie et de purification. C’est saluer en lui le Temple vivant de la présence de Dieu. C’est désirer que nos propres corps en communiant à lui dans l’eucharistie deviennent en lui des temples vivants de cette présence pour nos frères.

 

5. Un signe de fécondité

Seneve Carême dans Communauté spirituelleLes autres usages bibliques du mot branches (kladous, en grec) utilisé ici pour désigner les rameaux nous mettent sur la voie de la fécondité.

Car ce mot branches est également utilisé par les évangélistes pour désigner le grand arbre et ses branchages finalement sortis de la minuscule graine de sénevé :

Et il disait: « Comment allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Ou par quelle parabole allons-nous le figurer? C’est comme un grain de sénevé qui, lorsqu’on le sème sur la terre, est la plus petite de toutes les graines qui sont sur la terre; mais une fois semé, il monte et devient la plus grande de toutes les plantes potagères, et il pousse de grandes branches, au point que les oiseaux du ciel peuvent s’abriter sous son ombre. » (Mc 4,32 ; Mt 13,13 ; Lc 13,19).

Cette disproportion entre la petite cause et les grands effets s’applique à la Passion du Christ : une injustice ordinaire (hélas !), invisible dans l’histoire de l’époque, se déroulant dans une obscure contrée toute petite, se révélera finalement le salut de toute l’humanité. Cet effet papillon de la foi se réfugie dans nos rameaux, va se cacher dans la petitesse de la branche coupée, pour resurgir à Pâques en toute majesté.

Rien ne sera perdu de nos amours les plus vrais : leur fécondité abritera même les oiseaux du ciel !

 

6. L’olivier greffé

Les seuls autres usages du mot branches de notre évangile des rameaux se retrouvent chez Paul. Et précisément 6 usages dans le chapitre 11 de la lettre aux Romains. Il s’agit du passage consacré au mystère d’Israël, toujours vivant au milieu de nous. Paul le compare à l’olivier racine, sur lequel a été greffé l’olivier sauvage des païens :

« Mais si quelques-unes des branches ont été coupées tandis que toi, sauvageon d’olivier tu as été greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de la sève de l’olivier, ne va pas te glorifier aux dépens des branches. » (Rm 11,17-18)

Nous sommes ces païens qui, grâce à Jésus de Nazareth, ont été incorporés à l’Israël de Dieu. Cette greffe réussie, où l’Église vient accomplir la synagogue sans l’abolir, nous oblige à ne jamais oublier nos racines juives.

Brandir un rameau en chantant Hosanna ! nous enracine dans la tradition juive qui a élevé Jésus à l’âge adulte, qui lui a donné son identité, sa profondeur, et l’a ensuite offert à toutes les nations.

Cueillir des branches d’olivier pour le dimanche des rameaux a ainsi tout son sens : nous sommes cet olivier sauvage greffé sur le bois de la croix, pour devenir avec le Christ un seul peuple, une seule famille de Dieu par tout l’univers.

Pas besoin de savoir tout cela pour fêter le dimanche des rameaux de tout son coeur ! Il suffit de chanter à tue-tête (même en chantant faux), d’agiter ses branchages, et de les rapporter précieusement à la maison pour en décorer nos crucifix.

 

 

      Evangile : (Mt 21, 1-11)

Acclamation : Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin, mais il les renverra aussitôt.’ »
Cela s’est passé pour accomplir la parole transmise par le prophète : Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme. Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Comme Jésus entrait à Jérusalem, l’agitation gagna toute la ville ; on se demandait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Messe de la Passion
1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)

Lecture du livre d’Isaïe

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire.
Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : Ps 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : La Passion (brève : 27, 11-54) (Mt 26, 14-75; 27, 1-66)

Acclamation :

Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu

L’un des Douze, nommé Judas Iscariote, alla trouver les chefs des prêtres
et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui proposèrent trente pièces d’argent.
Dès lors, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples vinrent dire à Jésus : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs de ton repas pascal ? »
Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’»
Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze.
Pendant le repas, il leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. »
Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, l’un après l’autre : « Serait-ce moi, Seigneur ? »
Il leur répondit : « Celui qui vient de se servir en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux que cet homme-là ne soit pas né ! »
Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi qui l’as dit ! »

Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, en disant :
« Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je boirai un vin nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. »

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Alors Jésus leur dit : « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. »
Jésus reprit : « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »
Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.

Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Restez ici, pendant que je m’en vais là-bas pour prier. »
Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse.
Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. »
Il s’écarta un peu et tomba la face contre terre, en faisant cette prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »
Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
Il retourna prier une deuxième fois : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »
Revenu près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil.
Il les laissa et retourna prier pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles.
Alors il revient vers les disciples et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer ! La voici toute proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs ! Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. »

Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, avec une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres et les anciens du peuple.
Le traître leur avait donné un signe : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. »
Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Rabbi ! », et il l’embrassa.
Jésus lui dit : « Mon ami, fais ta besogne. » Alors ils s’avancèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.
Un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures ? D’après elles, c’est ainsi que tout doit se passer. »
À ce moment-là, Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais assis dans le Temple où j’enseignais, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. » Alors les disciples l’abandonnèrent tous et s’enfuirent.

Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.
Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.
Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort.
Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux, qui déclarèrent : « Cet homme a dit : ‘Je peux détruire le Temple de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ »
Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien à tous ces témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu. »
Jésus lui répond : « C’est toi qui l’as dit ; mais en tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. »
Alors ils lui crachèrent au visage et le rouèrent de coups ; d’autres le giflèrent en disant : « Fais-nous le prophète, Messie ! qui est-ce qui t’a frappé ? »
Quant à Pierre, il était assis dehors dans la cour. Une servante s’approcha de lui : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ! »
Mais il nia devant tout le monde : « Je ne sais pas ce que tu veux dire. »
Comme il se retirait vers le portail, une autre le vit et dit aux gens qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus de Nazareth. »
De nouveau, Pierre le nia : « Je jure que je ne connais pas cet homme. »
Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent de Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ; d’ailleurs ton accent te trahit. »
Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Aussitôt un coq chanta.
Et Pierre se rappela ce que Jésus lui avait dit : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et pleura amèrement.

Le matin venu, tous les chefs des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort.
Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent pour le livrer à Pilate, le gouverneur.
Alors Judas, le traître, fut pris de remords en le voyant condamné ; il rapporta les trente pièces d’argent aux chefs des prêtres et aux anciens.
Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Qu’est-ce que cela nous fait ? Cela te regarde ! »
Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.
Les chefs des prêtres ramassèrent l’argent et se dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »
Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le Champ-du-Potier pour y enterrer les étrangers.
Voilà pourquoi ce champ a été appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.
Alors s’est accomplie la parole transmise par le prophète Jérémie : Ils prirent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix par les enfants d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.

On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus déclara : « C’est toi qui le dis. »
Mais, tandis que les chefs des prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien.
Alors Pilate lui dit : « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur était très étonné.
Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait.
Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas.
La foule s’étant donc rassemblée, Pilate leur dit : « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus qu’on appelle le Messie ? »
Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on l’avait livré.
Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »
Les chefs des prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus.
Le gouverneur reprit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils répondirent : « Barabbas ! »
Il reprit : « Que ferai-je donc de Jésus, celui qu’on appelle le Messie ? » Ils répondirent tous : « Qu’on le crucifie ! »
Il poursuivit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Ils criaient encore plus fort : « Qu’on le crucifie ! »
Pilate vit que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le désordre ; alors il prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable du sang de cet homme : cela vous regarde ! »
Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! »
Il leur relâcha donc Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et le leur livra pour qu’il soit crucifié.
Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans le prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge.
Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient en lui disant : « Salut, roi des Juifs ! »
Et, crachant sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.

En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix.
Arrivés à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire, ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder.
Au-dessus de sa tête on inscrivit le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
En même temps, on crucifie avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.
Les passants l’injuriaient en hochant la tête :
« Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :
« Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! C’est le roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui !
Il a mis sa confiance en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ »
Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.

À partir de midi, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à trois heures.
Vers trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! »
Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire.
Les autres dirent : « Attends ! nous verrons bien si Élie va venir le sauver. »
Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
Et voici que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent.
Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens.
À la vue du tremblement de terre et de tous ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! »

Il y avait là plusieurs femmes qui regardaient à distance : elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir.
Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

Le soir venu, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu lui aussi disciple de Jésus.
Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna de le lui remettre.
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul neuf,
et le déposa dans le tombeau qu’il venait de se faire tailler dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
Cependant Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du tombeau.

Quand la journée des préparatifs de la fête fut achevée, les chefs des prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate, en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Trois jours après, je ressusciterai.’
Donne donc l’ordre que le tombeau soit étroitement surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts.’ Cette dernière imposture serait pire que la première. »
Pilate leur déclara : « Je vous donne une garde ; allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez. »
Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du tombeau en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.
Patrick BRAUD 

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14 mars 2014

Dressons trois tentes…

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Dressons trois tentes…

 

Homélie du 2° dimanche de Carême / Année A
16/03/2014

 

Quand vous arrivez à un sommet de votre existence, que faites-vous ?

Vous dites-vous : tout va bien pour moi, enjoy !

Commencez-vous déjà à préparer la suite ?

Êtes-vous de ceux qui se croient invulnérables, ou plutôt de ceux qui ont peur que tout cela ne dure pas ?

 

Pierre, lui, est tellement fasciné par la révélation de Jésus transfiguré qu’il souhaite appuyer sur la touche pause : « dressons trois tentes ». Il voudrait que Jésus, Moïse et Élie soient réunis, et qu’il puisse continuer à les contempler plus longtemps. Il gémit : ô temps suspends ton vol !, et demande à Jésus de ne pas aller plus loin…

 

Dressons trois tentes?

Nombre de couples parvenus à un sommet de leur relation voudraient ainsi arrêter le temps.

Nombre d’artistes au plus intense de leur inspiration voudraient y demeurer suspendus, portés par la fécondité de leur élan créatif dans cette période.

Nombre de situations professionnelles peuvent susciter une telle aspiration : je suis maintenant à un poste optimum, laissez-moi tranquille avec les mouvements à venir, je veux savourer le plus longtemps possible.

Toutes ces réactions sont légitimes. Que serait une si féroce envie de changement qu’elle empêcherait de savourer le moment présent ?

C’est juste l’installation dans un état donné qui peut devenir dangereuse.

Croire qu’on est un sommet indépassable empêche d’en découvrir de nouveaux.

S’imaginer un couple sans faille peut rendre aveugle sur ce qui va bientôt devoir être mis en chantier pour que l’amour reste vivant.

Croire qu’une situation professionnelle est gravée dans le marbre empêche de se remettre en cause et de voir les périls à venir.

 

Bref, s’installer, s’est décliner.

Dressons trois tentes... dans Communauté spirituelle CC5Lapinbleu311C-Ph3_14Bergson le disait avec talent : le seul élément stable du christianisme, c’est l’ordre de ne s’arrêter jamais.

C’est bien la réponse de Jésus à notre pauvre Pierre chamboulé par la Transfiguration : descend de la montagne ; après la Résurrection tu comprendras et tu pourras parler. D’ici là, marche seulement et ne laisse ni le Mont Thabor, ni bientôt la colline du Golgotha arrêter ta marche.

C’était déjà le commandement lancé à Abraham : « pars de ton pays, laisse la famille et la maison de ton père ». Dieu demande à Abraham de ne pas s’installer dans son héritage matériel et spirituel, de prendre la route vers ailleurs, sans autre bagage que la promesse de la bénédiction de Dieu.

 

 

Ne pas s’installer…

Le renouveau actuel du pèlerinage sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle est un écho de la résonance que cet appel de Dieu éveille en nous.

Stjacquescompostelle beauté dans Communauté spirituelle

Ils sont des milliers à partir chaque année sur des chemins inconnus, pour que la route faite avec leurs pieds les aide à parcourir le voyage qu’ils ont à faire dans leur tête et dans leur coeur.

Certains chaussent les pataugas après un événement bouleversant, comme on va chez le kiné pour une convalescence après une opération.

Certains partent après mûre réflexion parce qu’ils sentent qu’ils ont rendez-vous avec eux-mêmes en cours de route.
D’autres quittent leur maison par goût de l’aventure, des rencontres improbables, voire de la performance physique.

Peu importe après tout : l’essentiel est de quitter chez soi, d’oser se mettre en route, de ne pas s’installer.

Ces marcheurs redisent une vérité qui vaut pour tous : ne pas sortir de chez soi devient vite mortel ; ne jamais faire le détour par l’autre (l’autre pays, l’autre culture, l’autre visage…) rend stériles nos meilleures possessions ; vouloir figer le temps est illusoire ; dresser une tente au sommet du mont Thabor nous privera de Pâques…

 

Si cette exigence biblique du départ nous semble dure, c’est parce que nous ne croyons pas assez à la promesse de bénédiction qui y est associée. Si l’appel évangélique à descendre de la montagne nous effraie, c’est parce que la promesse de la résurrection nous paraît moins consistante que le bonheur actuel. Sinon, nous nous mettrions en route, heureux d’avoir entraperçu de manière fulgurante la beauté promise.

 

Les sommets auxquels nous touchons parfois ne sont pas là pour suspendre notre élan, mais pour nous servir de bâton de marche.

 

L’enfant qui doit quitter la maison pour ses études, l’amoureux(se) qui va quitter l’enfance pour fonder un couple, le couple qui ne se laissera pas endormir par les débuts heureux, le poste professionnel qui me demande d’évoluer, la retraite qui oblige à voir la vie autrement, et jusqu’à la fin de la vie elle-même comme un appel à accepter de partir : du début à la fin, le seul élément stable du christianisme est l’ordre ne s’arrêter jamais.

 

Puissions-nous entendre les appels que Dieu nous lance aujourd’hui à partir du point que nous occupons, à viser d’autres sommets encore, à nous laisser conduire par l’Esprit toujours plus loin, sans nous installer en cours de route.

 

 

1ère lecture : La vocation d’Abraham (Gn 12, 1-4a)
Lecture du livre de la Genèse
Abraham vivait alors en Chaldée. Le Seigneur lui dit : « Pars de ton pays, laisse ta famille et la maison de ton père, va dans le pays que je te montrerai.
Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction.
Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te méprisera. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. »
Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait dit, et Loth partit avec lui.

Psaume : Ps 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : 
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous 
comme notre espoir est en toi.

2ème lecture : Dieu nous appelle à connaître sa gloire (2Tm 1, 8b-10)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée

Fils bien-aimé,
avec la force de Dieu, prends ta part de souffrance pour l’annonce de l’Évangile.
Car Dieu nous a sauvés, et il nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui et de sa grâce. Cette grâce nous avait été donnée dans le Christ Jésus avant tous les siècles,
et maintenant elle est devenue visible à nos yeux, car notre Sauveur, le Christ Jésus, s’est manifesté en détruisant la mort, et en faisant resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile.

Evangile : La Transfiguration (Mt 17, 1-9)

Acclamation : Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Du sein de la nuée resplendissante, la voix du Père retenti : « Voici mon Fils, mon bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne.
Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière.
Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui.
Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »
Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre ; et, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »
Entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur.
Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! »
Levant les yeux, ils ne virent plus que lui, Jésus seul.

En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »
Patrick Braud

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