L'homélie du dimanche (prochain)

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14 mai 2015

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 14 h 00 min

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

Homélie du 7° Dimanche de Pâques / Année B
17/05/2015

Le rapport de l’Église au monde
« Je leur ai fait don de ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils ne sont pas du monde, de même que moi je ne suis pas du monde. Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde. Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. » (Jn 17, 18-19)

Il y a dans l’évangile de Jean une dialectique de la situation des chrétiens dans le monde : à la fois dedans et dehors, immergés dans la vie sociale de leurs contemporains, et témoignant d’une autre vie qui vient d’en-haut ; solidaires des combats pour la dignité humaine et contestant la prétention de ce monde à être l’horizon ultime de l’homme.

L’Église est sacrement parce qu’elle est dans le monde sans être du monde. Cette double appartenance (au monde de l’homme et au monde de Dieu) se traduit dans Vatican II par la présence des deux documents sur l’Église, Lumen Gentium (LG) et Gaudium et Spes (GS). Regardons comment.

Lien de solidarité Église-monde
Dès le départ, le Concile définit le public auquel il veut s’adresser: non pas les seuls catholiques, mais le monde entier, « toutes les créatures », « tous les hommes » « tout le genre humain » (LG 1). C’est en effet qu’il y a un lien de solidarité entre Église et monde: même si l’Église est  antérieure au monde dans le dessein de Dieu, car elle est « annoncée en figures dès l’origine du monde » (LG 2), l’Église sait qu’elle vit et agit  dans le monde (LG 3), dont elle fait elle-même partie, et où s’y opère sa croissance (LG 3). L’Église, destinée à s’étendre à toutes les parties du monde, prend place dans l’histoire humaine (LG 9) et non pas en-dehors. Parce que Dieu a aimé ce monde (LG 41), tel qu’il est, au point de laisser le Christ donner sa vie pour le salut de ce monde (LG 17), l’Église veut porter sur ce monde le même regard d’amour, cherchant à être signe de l’action continuelle du Christ au milieu du monde, Lui qui en est la lumière véritable (LG 3; 28; 48). C’est donc d’emblée un regard d’amour qui prévaut, et non une attitude de défiance et de dénégation du monde dans lequel l’Église est plongée.

Lien de contestation Église-monde
Au service de la croissance du monde vers plus d’humanité en Dieu, l’Église ne peut pourtant être réduite à une réalité du monde. Les élus sont choisis par le Christ dès avant la création du monde (LG 3), et l’Église est antérieure au monde (LG 2). C’est pourquoi elle est aussi un vis-à-vis, un guide, qui, par son existence même, conteste et se différencie d’une vision trop humaine de l’évolution du monde, que ce soit le mythe du « progrès » ou celui de l’autonomie absolue de l’homme. Blessé par le péché, le monde a besoin d’un salut, d’une rédemption qu’il ne peut se donner à lui-même (LG 9;52). Plus encore, « la figure de ce monde passe » (LG 42;48), et « le renouvellement du monde est irrévocablement acquis et, en toute réalité, anticipé dès maintenant: en effet, déjà sur la terre l’Église est parée d’une sainteté encore imparfaite mais véritable » (LG 48). Nous attendons le renouvellement définitif du monde (LG 6) où, avec le genre humain tout l’univers trouvera sa perfection définitive dans le Christ (LG 48). L’Église ne doit donc pas avoir peur de se différencier de ce monde lorsque celui-ci refuse sa vocation divine; et cela au prix même de persécutions pendant ce « pèlerinage sur la terre » (LG 7). C’est pourquoi le témoignage du martyre reste l’horizon réel de tout disciple du Christ, « acceptant librement la mort pour le salut du monde » afin de « le suivre sur le chemin de la Croix, à travers les persécutions qui ne manquent jamais à l’Église » (LG 42).

Distinction et différence Église-monde
Cette double appartenance de l’Église (au monde et au Royaume de Dieu) lui donne une responsabilité particulière dans l’achèvement de l’histoire humaine en Dieu. Elle doit travailler à la consécration et la sanctification du monde (LG 31), sans se confondre avec lui, sans non plus n’être que la mauvaise conscience du monde… En fait, c’est un triple mouvement d’accomplissement / redressement / dénonciation qui marque les rapports Église-monde. L’image du sel de la terre et de la lumière du monde reprise en LG 9, ou l’image des chrétiens « âme du monde », tirée de la Lettre à Diognète et citée en LG 38, essaient de maintenir cette tension, sans la résoudre dans la seule logique de l’enfouissement (sel de la terre) ou de la visibilité à tout prix (lumière du monde). Il faut donc sans cesse conjuguer le « oui » et le « non » sur notre monde, avec la liberté intérieure de ceux qui discernent la venue du Royaume de Dieu relativisant toute réalisation humaine, et pour laquelle toute réalisation humaine est pourtant d’un prix inestimable.

 Au cours de l’histoire
Cette double appartenance, cette tension entre le « oui » et le « non », cette double logique d’attestation-contestation du monde, le Chapitre III sur l’histoire en montrera la complexité et la diversité de réalisations historiques. Essayons simplement ici de caractériser à grands traits les principaux types historiques du rapport Église-monde.

Aux premiers siècles: la contestation du monde, jusqu’au martyre
Le christianisme s’est affirmé peu à peu dans son originalité, en se dégageant du judaïsme et en se différenciant de lui. A partir de là, la rencontre avec la culture et le monde gréco-romains, avec le paganisme, provoque l’affrontement des deux cultes : le culte dû à l’empereur, à Rome et à ses dieux; le culte au Dieu de Jésus-Christ. Il faut choisir : l’Église refuse de concilier les deux, au prix des persécutions et des martyres. L’Empire voit alors dans l’Église une menace pour sa propre cohésion. La contestation du monde ne peut cependant être absolue, comme si il fallait être un « pur », un « parfait » héroïque pour être chrétien, ce qui contredirait l’aspiration universelle du message chrétien, et notamment de sa prédilection pour les faibles, les petits et les foules [1]. Le refus de l’idolâtrie ne se fait pas sans mal, ni sans quelques concessions (viandes immolées aux idoles). La question des « lapsi » déchire un moment l’Église. Finalement, contre la position des intransigeants qui n’admettaient pas de faiblesse dans la contestation du monde païen, les modérés firent admettre la discipline pénitentielle et la réintégration dans la communauté.

Certains chrétiens veulent durcir cette opposition à l’Empire (Tertullien par exemple), mais la plupart des évêques ont le souci (pastoral) de ne pas trop provoquer les autorités pour que le christianisme puisse prendre sa place dans la vie de la cité. Mais les uns et les autres demeurent dans une logique première de contestation du monde païen, dans l’affirmation notamment du seul culte à Dieu.

De Constantin à la Renaissance: attestation (du monde par l’Église) plus que contestation
Avec la paix constantinienne, le christianisme devient un élément constitutif de la société, et même une force de cohésion. L’appartenance à la société et l’Église devient de plus en plus une seule et même réalité. Seuls des ermites et des moines vont résister à cette fusion Eglise-monde : en partant au désert, ou en constituant des ‘contre-sociétés’ monastiques.
L’impact culturel du christianisme va devenir plus prégnant encore après les invasions barbares: force de résistance, puis de victoire sur les barbares, la « chrétienté » se forme et s’organise, palliant les déficiences d’un Empire déliquescent en Occident. « Chrétienté » englobante et très fortement structurée. De là vont naître des situations conflictuelles entre le « sacerdoce » et le « pouvoir civil », entre le « spirituel » et le « temporel » (cf. la « théorie des deux glaives » de Boniface VIII). Cette sorte de confusion entre Église et société provoque une certaine méfiance envers ce qui est extérieur, envers les cultures non-occidentales également (cf. le schisme de 1054, ou le problème des rites chinois avec Mattéo Ricci), et tend à la transplantation ailleurs du modèle culturel occidental. Dans les pays de « rois très chrétiens », l’alliance du trône et de l’autel va marquer pour longtemps les relations Église-État: les « convenances » théologiques trouvées à la monarchie témoignent de l’appui sans faille que l’Église donne alors au régime en place.

De la Renaissance à la modernité: contestation de l’Église par le monde ; réactions ecclésiales
Avec la Renaissance, et plus encore à partir du siècle des Lumières (XVIIIème siècle), un processus de sécularisation s’amorce. L’Église, dénoncée comme oppressive et castratrice par les penseurs et les politiques est amenée à se défendre, à définir sa place et son rôle dans la société. Au XV-XVIème siècles, la découverte du Nouveau Monde et les colonisations font rencontrer l’Église avec la pluralité des cultures, alors qu’elle-même (l’Église catholique en tous cas, identifiée à l’époque à l’Église occidentale) reste très liée à une culture, qui est ainsi remise en cause.

De là diverses attitudes ecclésiales en réaction :

- l’affirmation apologétique de la supériorité du christianisme pour ce qui concerne la vérité et le bien suprême de la société; de même que la supériorité du christianisme sur les autres religions rencontrées dans le monde.

- le combat contre le rationalisme, le modernisme: le Syllabus (1864), l’encyclique Pascendi  en 1908 contre les erreurs modernistes…

- mais aussi le dialogue avec la science (malgré la « bavure » Galilée!), dialogue rendu possible grâce à la longue tradition universitaire de l’Église, sans laquelle la pensée moderne n’aurait pu se développer. Peu à peu, les déviations du syncrétisme, du concordisme ou au contraire de l’opposition farouche vont s’atténuer. Les crises de l’affrontement au modernisme et au positivisme sont cependant révélatrices de la façon dont le sujet moderne s’est pensé contre la religion chrétienne, en émancipation de l’Église et de sa tutelle sur la société.

- plus récemment, la volonté d’affirmer l’identité chrétienne et d’évangéliser les cultures et toutes les zones de l’activité humaine (Evangelii Nuntiandi, Action Catholique…), en un temps où les idéologies marxistes et libérales tendent à privatiser l’expression de la foi.

- la volonté d’ »ouverture au monde », qui a succédé à l’attitude de défense d’une  forteresse assiégée: recherche d’une participation à la construction du monde, recherche de nouveaux langages de foi. À côté de cette ouverture au monde, l’évangélisation retrouve aujourd’hui une annonce de type kérygmatique (nouveaux mouvements religieux), comme la nécessité d’un dialogue avec toutes les autres religions (rencontre inter-religieuse d’Assise…).

Bref, depuis la Renaissance, le fragile équilibre médiéval est rompu, et l’Église est amenée à repenser son rapport au monde, sans le limiter au rapport Église-État.

Des éléments ont permis de repenser ce rapport:

- la redécouverte, grâce au renouveau biblique, de l’histoire, comme un lieu où s’exprime l’action de Dieu. Non pas seulement comme un passé mort ou idéalisé, mais comme une dynamique où l’Esprit Saint conduit l’Église. L’Église est une part d’humanité qui vit l’histoire comme habitée par la Promesse divine, et ouverte à l’avenir de Dieu.

- l’intérêt ainsi porté à l’eschatologie, non réduite aux « fins dernières », permet d’envisager le rapport de l’Église au monde, non comme un rapport entre ces deux termes seulement, mais en référence à un troisième: le Royaume, qui les englobe tous deux, qui est la « fin » des deux, leur avenir absolu, que l’Église espère et fait advenir pour elle comme pour le monde.

« On parle d’attention au monde… mais l’Église serait-elle autre que le monde ?  N’est-elle pas le monde, elle aussi ? et nous chrétiens aussi ? Alors vers quoi nous tournons-nous quand nous nous tournons vers le monde ? L’Église n’est pas tout simplement « non-monde », elle n’existe pas « à côté » ou « au-dessus » de la société sécularisée, mais en elle, comme une communauté qui lui appartient et qui essaie de vivre des promesses de Dieu annoncées et définitivement confirmées en Jésus-Christ, et qui donc tente à nouveau de faire pénétrer cette espérance dans la société contemporaine dont elle critique les exclusives et les prétentions totalitaires. Elle annonce, non son espérance, mais celle du Royaume de Dieu comme avenir du monde. » [2]

L’Église n’est pas seulement un « non-monde », mais une part d’humanité, ce qui permet de dépasser tout dualisme dans les relations. Il serait cependant dangereux de refuser toute altérité et toute différence, toute rupture, comme si l’Église trouvait son principe d’existence dans le monde seulement, et non de Jésus-Christ et du don de l’Esprit. Mais, de fait, l’Église n’est pas « à côté » du monde, se désintéressant de l’histoire pour ne regarder que vers le ciel. Elle n’est pas « au-dessus », seule habilitée à juger le monde, les actions et les comportements des hommes.  Elle est dans le monde comme son lieu d’existence; elle est  le monde devenant déjà Corps du Christ, elle est le « monde réconcilié » en puissance. Mais elle n’est pas purement et simplement le « déjà-là », dans un monde qui serait tout entier dans le « pas encore ». Elle est appelée à annoncer ce « pas encore » qui est la vérité ultime du monde comme d’elle-même, et donc à s’ouvrir et à ouvrir le monde à l’avenir de Dieu, en dénonçant les situations humaines étrangères ou hostiles à la vraie dignité de l’homme en Dieu.  Elle doit aussi accueillir, recevoir, de ce monde où Dieu continue d’être en dialogue avec toute l’humanité, et d’agir par le souffle de son Esprit, que nul ne peut enfermer, pour que son Règne arrive.

Entre l’Église et le monde, le rapport doit se vivre en termes de solidarité, de dialogue, de service (du dessein de Dieu pour le monde), de critique également au titre de la mission prophétique de l’Église à discerner la venue du Règne, et les obstacles à cette venue, dans le présent des hommes.

On peut résumer cette dialectique Église-monde dans le tableau suivant  [3] :

 

ARGUMENTS THÉOLOGIQUES

 

 

Dire « OUI » au monde

 

Dire « Non » au monde

 

  

 

POUR

  • Création
  • Incarnation
  • Discerner l’action invisible de l’Esprit (de Dieu) dans le monde
  • Croire en l’homme
  • Tradition d’un rapport critique à la Tradition
  • Rédemption (Croix, jugement du monde, salut…)
  • Le « oui » sincère au monde ne va plus de soi (désillusions du Progrès)
  • Affirmer l’identité visible de l’Esprit (du Fils) par  et  dans  l’Église.
  • Croire en Dieu
  • Nécessité de la Tradition (mémoire croyante; points de repères…)

 

 

 

 CONTRE

  • « Naïveté optimiste »
    => risque de complicité avec le péché du monde
  • Risque de la disparition de la médiation ecclésiale (enfouissement, sel de la terre…)
  • Lien Église-salut compromis
  • Tradition minimisée
  • Faire de Dieu (de l’Église) le « bouche-trou de nos insuffisances »
  • Survalorisation  de la médiation ecclésiale
  • Logique du tout ou rien
    => risque de sectarisme, de fermeture
  • Nostalgie du passé (idéalisé)

 

Notons que Vatican II a désamorcé le conflit potentiel entre l’Église et le monde en réintroduisant le troisième terme dont Jésus lui-même faisait l’essentiel de sa mission : le Royaume de Dieu, irréductible à l’Église comme au monde…

Apprenons donc de l’Esprit du Christ ce que veut dire : être dans le monde sans être du monde

 


[1]. Le fondateur d’ATD Quart-Monde a de très belles pages sur l’amour des foules par Jésus dans l’Évangile; Cf. WRESINSKI J., Heureux vous les pauvres, Cana, Paris, 1984 et Les pauvres sont l’Église, Le Centurion, Paris, 1983.

[2]. METZ J.B., Pour une théologie du monde, Cerf, Coll. Cogitatio Fidei n° 57, Paris, 1971, p 107.

[3]d’après GAGEY P. H.-J., Le « oui » et le « non » de Dieu sur notre monde, Documents Épiscopat n° 14, Septembre 1993.

 

 

1ère lecture : « Il faut que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de la résurrection de Jésus » (Ac 1, 15-17.20a.20c-26)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des frères qui étaient réunis au nombre d’environ cent vingt personnes, et il déclara : « Frères, il fallait que l’Écriture s’accomplisse. En effet, par la bouche de David, l’Esprit Saint avait d’avance parlé de Judas, qui en est venu à servir de guide aux gens qui ont arrêté Jésus : ce Judas était l’un de nous et avait reçu sa part de notre ministère. Il est écrit au livre des Psaumes : Qu’un autre prenne sa charge. Or, il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le commencement, lors du baptême donné par Jean, jusqu’au jour où il fut enlevé d’auprès de nous. Il faut donc que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de sa résurrection. » On en présenta deux : Joseph appelé Barsabbas, puis surnommé Justus, et Matthias. Ensuite, on fit cette prière : « Toi, Seigneur, qui connais tous les cœurs, désigne lequel des deux tu as choisi pour qu’il prenne, dans le ministère apostolique, la place que Judas a désertée en allant à la place qui est désormais la sienne. » On tira au sort entre eux, et le sort tomba sur Matthias, qui fut donc associé par suffrage aux onze Apôtres. 

Psaume : 102 (103), 1-2, 11-12, 19-20ab

R/ Le Seigneur a son trône dans les cieux. ou : Alléluia ! (102, 19a)

 Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint ;
aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés.

Le Seigneur a son trône dans les cieux :
sa royauté s’étend sur l’univers.
Messagers du Seigneur, bénissez-le,
invincibles porteurs de ses ordres !

2ème lecture : « Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4, 11-16)
Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. Dieu, personne ne l’a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et, en nous, son amour atteint la perfection. Voici comment nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné part à son Esprit. Quant à nous, nous avons vu et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde.

 Celui qui proclame que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, et lui en Dieu. Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui.

Evangile : « Qu’ils soient un, comme nous-mêmes » (Jn 17, 11b-19)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur ;
je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira.
Alléluia. (Jn 14, 18 ; 16, 22)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, les yeux levés au ciel, Jésus priait ainsi : « Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés. Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde. Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde.
Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. »
Patrick BRAUD

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6 mai 2015

Le communautarisme fait sa cuisine

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Le communautarisme fait sa cuisine

cf. également

Parlez-moi d’amour, redites-moi des choses dures

Homélie du 6° dimanche de Pâques / Année B
10/05/2015

 

Attentats, tentatives d’attentat, ‘apartheid social’ (Manuel Valls), débats sur la laïcité… : l’actualité française remet en lumière les cloisonnements tissés entre des groupes entiers de la population. Les juifs vivent avec les juifs, les musulmans avec les musulmans, les autres se regroupent également par réseaux.

Le communautarisme fait sa cuisine dans Communauté spirituelle Aspect+humoristique+du+communautarisme

Dans cette partition de la société française en communautés juxtaposées, la plupart des commentateurs méconnaissent le rôle joué… par la cuisine ! Manger casher ou halal n’est pas seulement une jolie diversité à intégrer dans le ‘vivre ensemble’ républicain. C’est une vision du monde qui a de très importantes conséquences sociales. Considérer qu’il y a des animaux purs ou impurs à consommer implique qu’on ne peut pas se mettre à table avec n’importe qui, parce qu’on risquerait de manger n’importe quoi.

1250229442 Actes dans Communauté spirituelle 

La première lecture de ce dimanche est la parfaite illustration de ce lien entre cuisine et communautarisme. Dans le chapitre 10 du livre des Actes des Apôtres qu’il faut lire en entier, Pierre a une extase sur la terrasse d’un certain Simon, corroyeur à Juppé. Il y voit « le ciel ouvert et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre.  Et dedans il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles, et tous les oiseaux du ciel.  Une voix lui dit alors: « Allons, Pierre, immole et mange. »  Mais Pierre répondit: « Oh non ! Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur ! »  De nouveau, une seconde fois, la voix lui parle: « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le dis pas souillé. »  Cela se répéta par trois fois, et aussitôt l’objet fut remporté au ciel. »(Ac 10, 11-16)

 cashrout 

Voilà un premier tournant décisif, que l’on ne doit pas à Paul, pourtant farouche partisan de la liberté face aux prescriptions juives. Pierre se voit signifier par trois fois que tous les aliments sont purs à manger. Trois fois : ce qui signifie que cet ordre vient du Dieu trois fois saint ; et il faut bien cela pour que Pierre ose abandonner la cashrout, c’est-à-dire les interdits alimentaires juifs.

Le deuxième tournant décisif est celui qui suit, logiquement : Pierre ose entrer chez le païen Corneille, plus encore il ose manger avec eux, et baptiser  toute la famille, alors que normalement un juif n’a pas le droit d’entrer en contact avec des non-juifs, toujours à cause de l’impureté rituelle : « Vous le savez, il est absolument interdit à un Juif de frayer avec un étranger ou d’entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi, qu’il ne faut appeler aucun homme souillé ou impur » (Ac 10,28).

 

ob_9bfbd09db15204184b6879402ba5e116_pur-et-imupr-lapin-bleu communautarismeAbroger les interdits alimentaires, c’est abattre les séparations entre les communautés. Il n’y aurait pas d’universalisme chrétien si l’Église respectait encore les règles d’abattage des animaux ou l’interdiction de manger du porc, de tel poisson ou autre met ‘immonde’. Regardez les supermarchés casher ou halal (tristement remis sous les feux des médias avec les attentats) : parce qu’ils mangent différemment, les consommateurs achètent différemment, et finalement se séparent en autant de communautés. En pratique, l’obligation de manger casher ou halal oblige logiquement à manger avec ses frères juifs ou musulmans, pas avec les autres. Ce qu’on appelle la commensalité, qui a été le problème le plus grave de l’Église naissante. À tel point qu’il a fallu un concile – le premier, à Jérusalem – pour résoudre la grave question de la communion de table (et donc de foi, de fraternité) entre juifs et païens (Ac 15). Pierre racontera alors dans  cette assemblée ce qui lui est arrivé à Joppé avec le centurion Corneille, où l’Esprit Saint en personne est intervenu pour le forcer à abandonner la cashrout. En fidélité d’ailleurs à ce que le Christ avait déclaré : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme; mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui souille l’homme » (Mt 15,11). « Ainsi il déclarait purs tous les aliments » précise Marc (Mc 7,19).

 

Cela pèsera lourd dans la décision de ce concile de ne pas imposer les interdits alimentaires (ou la circoncision) aux païens désirant le baptême.

publicain2 cuisineMais c’était tellement à contre-courant des habitudes juives que Pierre lui-même retombera dans ce travers communautariste un peu plus tard. Paul le prendra en fragrant délit de contradiction à Antioche : « quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort.  En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis.  Et les autres Juifs l’imitèrent dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux.  Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde: « Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser ? » (Ga 2,11-14).

 

L’apostrophe de Paul à Pierre montre que le danger est réel : ne pas vouloir manger avec l’autre ruine la fraternité universelle qui est la vocation de l’Église. Or les interdits alimentaires ont toujours eu pour but – non pas l’hygiène comme le croient les occidentaux, matérialistes – mais la préservation de l’identité communautaire [1]. C’est pour se différencier des autres que le peuple juif ne mange pas comme eux : afin de ne pas disparaître au milieu des nations. Le Coran n’a fait que reprendre ces interdits alimentaires de l’Ancien Testament, en faisant en sorte de disqualifier aussi bien la cashrout juive que la liberté alimentaire chrétienne.

 

On voit bien que cuisine et communautarisme peuvent se nourrir l’un l’autre…

Le double tournant des Actes des Apôtres (alimentaire, fraternel) n’en est que plus urgent et plus actuel : en déclarant que tous les aliments sont purs, l’Esprit Saint rend possible une fraternité vraiment universelle, où la table de l’eucharistie accueille tous les peuples.

 

Avoir une cuisine à part (ou des vêtements à part), c’est vouloir constituer un peuple à part. Les chrétiens, depuis Pierre, se sont toujours battus pour la liberté alimentaire, sachant que sinon les conflits entre identités resurgiraient, plus violents.

0 Esprit 

Les débats sur la nourriture à la cantine de l’école ou de l’entreprise sont finalement de vieux débats ! L’Esprit du Christ nous pousse à refuser tous les replis communautaristes qui séparent les choses et finalement les hommes entre eux purs et impurs.

Rien de plus engageant socialement que cette attitude spirituelle !

 

 


[1]. Pour être exact il faut signaler qu’il y a aussi un enjeu théologique : respecter la séparation des espèces telles que Dieu l’aurait voulue à la création du monde, c’est-à-dire ne pas dé-créer le monde par notre activité de consommation.

 

 

1ère lecture : « Même sur les nations païennes, le don de l’Esprit Saint avait été répandu » (Ac 10, 25-26.34-35.44-48)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Comme Pierre arrivait à Césarée chez Corneille, centurion de l’armée romaine, celui-ci vint à sa rencontre, et, tombant à ses pieds, il se prosterna. Mais Pierre le releva en disant : « Lève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi. » Alors Pierre prit la parole et dit : « En vérité, je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. Les croyants qui accompagnaient Pierre, et qui étaient juifs d’origine, furent stupéfaits de voir que, même sur les nations, le don de l’Esprit Saint avait été répandu. En effet, on les entendait parler en langues et chanter la grandeur de Dieu. Pierre dit alors : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Et il donna l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ. Alors ils lui demandèrent de rester quelques jours avec eux.

Psaume : 97 (98), 1, 2-3ab, 3cd-4

R/ Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations. ou : Alléluia ! (97, 2)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
car il a fait des merveilles ;
par son bras très saint, par sa main puissante,
il s’est assuré la victoire.

Le Seigneur a fait connaître sa victoire
et révélé sa justice aux nations ;
il s’est rappelé sa fidélité, son amour,
en faveur de la maison d’Israël.

La terre tout entière a vu
la victoire de notre Dieu.
Acclamez le Seigneur, terre entière,
sonnez, chantez, jouez !

2ème lecture : « Dieu est amour » (1 Jn 4, 7-10)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui. Voici en quoi consiste l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés.

Evangile : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jn 15, 9-17)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur ; mon Père l’aimera, et nous viendrons vers lui. Alléluia. (Jn 14, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. »
Patrick BRAUD

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29 avril 2015

Que veut dire être émondé ?

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Que veut dire être émondé ?

 

cf. également

La parresia, ou l’audace de la foi

Homélie du 5° dimanche de Pâques / Année B
03/05/2015

 

Dans l’image de la vigne employée par Jésus, le mot émonder pose problème. Car il renvoie à l’action de tailler, de couper, de faire souffrir (même si c’est pour du mieux après). Ressurgit alors le spectre d’un Dieu prenant plaisir à nous mutiler, ou au moins à nous envoyer toutes sortes d’épreuves soi-disant pour notre bien. Avec l’inénarrable argument : « qui aime bien châtie bien » (He 12,6), utilisé tant de fois comme alibi pour le dolorisme chrétien. « Plus tu souffres, plus tu te rapproches de Dieu ». « Si Dieu t’éprouve ainsi, c’est qu’il doit aimer beaucoup ». Ce genre de phrases pieuses à l’emporte-pièce sont moins courantes qu’au siècle dernier, mais elles continuent à polluer l’inconscient collectif. C’est une tentative un peu naïve – mais tragique – de concilier l’amour de Dieu et le malheur innocent qui s’abat sur nous. Comme était magique autrefois une certaine conception de la Providence où Dieu était censé nous protégé des aléas de la vie moyennant un cierge, une médaille ou un pèlerinage.

Que veut dire alors : être émondé ?

 

La taille du martyre

Que veut dire être émondé ? dans Communauté spirituelle doc8martyrLes premiers chrétiens y ont vu assez naturellement la figure du martyre, qui a frappé l’Église naissante pendant ses trois premiers siècles.

Frappés par le glaive, mis en croix, livrés aux bêtes, au feu, nous demeurerons fidèles au Christ. Mais plus les tourments se multiplient, plus par le nom de Jésus-Christ se multiplient les croyants, plus leur fidélité et leur piété deviennent parfaites : comme une vigne, plus elle est taillée, plus elle multiplie les branches qui portent du fruit.
(saint Justin : « Dialogue avec Tryphon », CX).

L’image de la vigne taillée et coupée, qui pourtant porte toujours plus de fruits,  permet à ces premiers chrétiens de déchiffrer les persécutions dont ils sont les victimes comme des opérations-vérité permettant à l’Église de grandir tout autour du bassin méditerranéen. Devant le danger et la menace romaine ou juive, certains baptisés renient leur foi au Christ (les lapsi) : ce sont les sarments se détachant du cep. Les autres, au prix de leur vie, rendent un si beau témoignage de pardon et d’amour qu’il bouleverse le coeur de leurs bourreaux et suscite de nombreuses conversions dans tout l’empire. Ainsi la vigne-Église, au lieu d’être décapitée par la violence s’exerçant contre elle, croît et fructifie de plus belle.
« Le sang des martyrs est semence de chrétiens » constatait fort justement Tertullien à la fin du II° siècle.

Appliquez cela à ce que vivent les chrétiens aujourd’hui au Moyen-Orient, en Égypte ou en Éthiopie, au Yémen, au Kenya, au Nigéria et dans tant d’autres pays : la justice et les massacres commis contre ces croyants ne pourront empêcher à terme l’Évangile de porter des fruits dans ces pays.

 

La méprise de l’ascèse

Tentation de St AntoineDans les siècles suivants, pour retrouver la ferveur des martyrs, beaucoup de chrétiens sont partis au désert explorer le combat intérieur. Une autre façon de continuer la résistance spirituelle face à une religion d’État devenue très mondaine. À leur suite, d’innombrables auteurs ont cru qu’il fallait s’imposer à soi-même cette violence qu’on ne subissait plus des autres, puisque l’Église vivait enfin en paix. D’où l’idée qu’émonder la vigne pouvait être une invitation à l’ascèse.

Toute vigne qui n’est pas taillée devient sauvage. Le Verbe est un glaive qui retranche les branches luxuriantes : il force toutes les passions à ne pas convoiter et à porter du fruit
Saint Clément d’Alexandrie : le « Pédagogue », I 8

Tailler dans ses passions, purifier le terreau de la fois, lutter contre l’égoïsme et l’orgueil : le but de l’ascèse est en effet cohérent avec l’image de la vigne émondée. Il s’agit bien d’empêcher les feuilles et les longs bois d’étouffer les grappes à naître. C’est la manière qui pose question. En effet, dans la bouche de Jésus comme dans la réalité viticole, la vigne ne s’émonde pas elle-même. Elle est émondée par un autre.

Ce passif c’est toute la différence.

L’ascèse croit qu’on peut s’auto-purifier en quelque sorte à la force du poignet, à l’aide d’exercices spirituels de plus en plus tranchants. Cette doctrine de l’auto-rédemption resurgit d’ailleurs aujourd’hui dans les courants prônant le bien-être, l’harmonie, l’équilibre etc. grâce à des techniques de méditation, de relaxation, de respiration et bien d’autres ascèses modernes.

Or c’est le vigneron qui taille sa vigne.

Nul ne peut (ni ne doit) choisir la façon dont vont lui être enlevées les parures, la gloire, les artifices l’empêchant de porter davantage de fruits. C’est a posteriori, en relisant l’épreuve et sa traversée, qu’on y devine le travail de purification qui a pu s’y accomplir. Mais l’épreuve ne vient pas de soi, sinon ce n’est que de l’orgueil au carré, s’abritant derrière une fausse humilité. D’ailleurs il n’est pas sûr du tout qu’émondage rime avec épreuve : le cep est reconnaissant au sécateur du vigneron de l’alléger de ce qui l’alourdit, l’asphyxie et le stérilise.

La méprise de l’ascèse, c’est de choisir par soi-même ce qui doit être coupé, taillé, au lieu de l’accueillir en laissant Dieu le faire en nous.
Être émondé doit rester un passif, sinon l’orgueil est de retour !

 

Le dépouillement intérieur

Les mystiques ont contesté cette interprétation ascétique dangereuse de l’émondage comme auto-progression. Pour Maître Eckhart, Jean de la Croix ou Thérèse d’Avila, l’émondage divin ne correspond pas à l’ascèse, mais au lâcher-prise intérieur, à l’acceptation d’un certain dépouillement qui nous est imposé par la vie et l’intimité avec Dieu.

Il faut non seulement ôter les mauvais désirs, mais ôter le trop qui se trouve souvent dans les bons : le trop agir, l’excessive activité qui se détruit et se consume elle-même, qui épuise les forces de l’âme, qui la remplit d’elle-même et la rend superbe. Âme chrétienne, abandonne-toi aux mains, au couteau, à l’opération du céleste vigneron ; laisse-le trancher jusqu’au vif. Le temps de tailler est venu ; dans le printemps lorsque la vigne commence à pousser, on lui doit ôter jusqu’à la fleur, quand elle est excessive. Coupez, céleste ouvrier ; et toi, âme chrétienne, coupe aussi toi-même, car Dieu t’en donnera la force et, c’est par toi-même qu’il te veut tailler. Coupe non seulement les mauvaises volontés, mais le trop d’activité de la bonne qui se repaît d’elle-même (J.-B. Bossuet : « Méditations sur l’Evangile », la Cène, seconde partie, IV).

La vigne sera dépouillée progressivement de ses fruits (les fruits ne sont pas pour elle), de sa belle parure de feuille automnales (le paraître), de ses sarments (les traces de sa gloire) par l’émondage. 

Ce nettoyage de la vigne se pratique après les vendanges et généralement pendant le repos de la végétation, soit à la fin de l’hiver, quand les grandes gelées en principe ne sont plus à craindre et avant que la sève du printemps commence à faire éclore de nouveaux bourgeons. Sinon lorsque la sève commence à monter, après l’émondage le sarment va « pleurer », des gouttes vont tomber sur la terre. 

Si l’émondage de la vigne n’est pas incessant, il est tout de même régulier. Pour la vigne, c’est une fois par an, une fois qu’elle a porté du fruit et après un temps de repos. Pour nous, probablement après chaque belle production de fruits !

Il s’agit alors, à chaque étape de la vie, après chaque vendange, de constater ce qui doit partir, être séparé, enlevé, et de s’en réjouir pour préparer les vendanges suivantes. Quand des enfants quittent la maison familiale, quand ils se marient, quand ils vous font grands-parents, quand la retraite vient tout changer… : à chaque âge de la vie, juste après les fruits récoltés et engrangés, vient le travail pour consentir à perdre à nouveau afin de croître à nouveau. Ce mouvement est incessant, d’étape en étape, jusqu’à la vendange ultime qu’est la mort physique.

 

Se laisser émonder par la parole

Émonder en grec se dit « kathairos » et signifie : purifier, nettoyer, enlever les impuretés, enlever les pousses inutiles, purifier par le feu, libérer des désirs corrompus.
Pourquoi le Père émonde-t-il seulement les sarments qui portent du fruit ?
Afin qu’ils en portent davantage.
Sans émondage, l’année suivante, les sarments ne produisent que de petits raisins ne présentant guère d’intérêt pour la production du vin. L’émondage limite la croissance démesurée du bois, pour régulariser la production des raisins en qualité et en quantité. Dans le but d’obtenir des raisins plus gros qui contiennent plus de jus ou de vin.

Le même vigneron qui a émondé la vigne, est celui qui ensuite s’occupe de nous, prend soin de nous, nous protège, veille sur nous. Il met l’engrais au temps voulu, surveille, il soigne les maladies, traite les parasites afin que l’ensemble de ses soins aboutisse à une abondante et belle production de fruits.
L’émondage n’est ni continuel ni inconsidéré. Une fois la vigne émondée, le vigneron ne guette pas la moindre pousse de bourgeon pour la couper à nouveau. Une fois émondée, ce qui intéresse le vigneron, c’est la pousse, la croissance, la maturité, la production.

Il y a un temps où, par son feuillage, ses rameaux, le cep n’est plus très visible (risque d’orgueil) ; alors le dépouillement est de nouveau nécessaire, l’émondage aussi, afin que ce soit le cep (le Christ), et lui seul, source de vie, qui soit vu.
Le but de l’émondage, ce n’est donc pas de souffrir comme si c’était un but en soi ; c’est seulement un traitement nécessaire. Le but de l’émondage, c’est que nous soyons protégés… de l’orgueil, de la suffisance, de l’arrivisme etc., et qu’ensuite nous portions davantage de fruits.

0000000760L ascèse dans Communauté spirituelleUne fois émondée, le vigneron va tout faire pour que la vigne croisse, devienne belle : c’est Lui l’auteur de la vie, pas nous !

Le Christ fournit lui-même une interprétation de ce travail d’émondage de la vigne : « déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. »

Sa parole est plus tranchante que le glaive (He 4,12). Elle opère en nous un discernement, une crise qui révèle ce qui est fécond et ce qui stérilise.
En écoutant cette parole, Zachée ou Marie-Madeleine mettent de l’ordre dans leur vie, et quittent ce qui les empêche de suivre Jésus.
En écoutant cette parole, Paul acceptera de laisser tomber son fanatisme pharisien, Augustin son manichéisme intransigeant, François d’Assise sa richesse de parentale, Mère Teresa son école bien tranquille…

Se laisser émonder va de pair avec la rumination de la Bible, pour laisser la parole du Christ nous alléger de ce qui alourdit notre marche, tailler et couper en nous ce qui ne porte pas un fruit meilleur encore.

 

Mais que veut dire porter du fruit ?
Ceci est une autre histoire, qui demandera d’y revenir plus longuement…

 

 

 

1ère lecture : « Barnabé leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur » (Ac 9, 26-31)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, arrivé à Jérusalem, Saul cherchait à se joindre aux disciples, mais tous avaient peur de lui, car ils ne croyaient pas que lui aussi était un disciple. Alors Barnabé le prit avec lui et le présenta aux Apôtres ; il leur raconta comment, sur le chemin, Saul avait vu le Seigneur, qui lui avait parlé, et comment, à Damas, il s’était exprimé avec assurance au nom de Jésus. Dès lors, Saul allait et venait dans Jérusalem avec eux, s’exprimant avec assurance au nom du Seigneur. Il parlait aux Juifs de langue grecque, et discutait avec eux. Mais ceux-ci cherchaient à le supprimer. Mis au courant, les frères l’accompagnèrent jusqu’à Césarée et le firent partir pour Tarse.

 L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle se construisait et elle marchait dans la crainte du Seigneur ; réconfortée par l’Esprit Saint, elle se multipliait.

Psaume : 21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32

R/ Tu seras ma louange, Seigneur, dans la grande assemblée. ou : Alléluia !  (cf. 21, 26a)

Devant ceux qui te craignent, je tiendrai mes promesses.
Les pauvres mangeront : ils seront rassasiés ;
ils loueront le Seigneur, ceux qui le cherchent :
« À vous, toujours, la vie et la joie ! 

La terre entière se souviendra et reviendra vers le Seigneur,
chaque famille de nations se prosternera devant lui :
« Oui, au Seigneur la royauté,
le pouvoir sur les nations ! »

Et moi, je vis pour lui : ma descendance le servira ;
on annoncera le Seigneur aux générations à venir.
On proclamera sa justice au peuple qui va naître :
Voilà son œuvre !

2ème lecture : « Voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de Jésus Christ et nous aimer les uns les autres »(1 Jn 3, 18-24)

Lecture de la première lettre de saint Jean

Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. Voilà comment nous reconnaîtrons que nous appartenons à la vérité, et devant Dieu nous apaiserons notre cœur ; car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses.
Bien-aimés, si notre cœur ne nous accuse pas, nous avons de l’assurance devant Dieu. Quoi que nous demandions à Dieu, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable à ses yeux. Or, voici son commandement : mettre notre foi dans le nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres comme il nous l’a commandé. Celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et voilà comment nous reconnaissons qu’il demeure en nous, puisqu’il nous a donné part à son Esprit.

Evangile : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 1-8)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Demeurez en moi, comme moi en vous, dit le Seigneur ; celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruit. Alléluia. (Jn 15, 4a.5b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage. Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite. Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
 Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est, comme le sarment, jeté dehors, et il se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voulez, et cela se réalisera pour vous. Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. »
Patrick BRAUD

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22 avril 2015

Des brebis, un berger, un loup

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 1 h 01 min

Des brebis, un berger, un loup

Homélie du 4° dimanche de Pâques / Année B
26/04/2015

Des brebis, un berger, un loup.

Des brebis, un berger, un loup dans Communauté spirituelle 555426_bernard-bruno-un-berger-du-plateau-de-caussols-dans-les-alpes-maritimes-regarde-l-une-de-ses-brebis-tuee-par-un-loup-le-7-novembre-2012

Traduisez : des personnes à charge (famille, salariés, communauté…), un leader, un danger.

Notre évangile du bon Pasteur est revêtu d’une actualité étonnante lorsqu’on le transpose aux situations de leadership d’aujourd’hui.

Le pape François en est sans doute le plus bel exemple. Alors qu’un danger de mort menace et décime tant de chrétiens – au Moyen-Orient comme en Afrique ou ailleurs – il est l’un des rares à élever la voix pour défendre ces oubliés médiatiques. Il a osé prononcer à voix haute le mot de génocide  - le premier du XX° siècle – pour qualifier l’extermination du peuple arménien par l’empire ottoman, s’attitrant ainsi la colère de la Turquie. Il ne cesse de dénoncer les persécutions des martyrs chrétiens d’aujourd’hui.

La préoccupation du pape pour le sort des chrétiens d’Orient s’est exprimée tout au long de cette semaine de Noël. Lors de la bénédiction urbi et orbi qu’il a prononcée à midi, jeudi 25 décembre 2014, place Saint-Pierre à Rome, à l’occasion de la fête de la nativité, François a dénoncé les « persécutions brutales » dont sont victimes les chrétiens d’Irak et de Syrie, avec ceux « qui appartiennent à d’autres groupes ethniques et religieux ».

Il a évoqué « les nombreuses personnes déplacées, dispersées et réfugiées […] de la région et du monde entier » et a demandé qu’elles « puissent recevoir les aides humanitaires nécessaires pour survivre à la rigueur de l’hiver et revenir dans leur pays ».

Lundi, le pape argentin avait adressé une lettre aux chrétiens du Moyen-Orient pour les « encourager » et leur dire « combien [leur] présence et [leur] mission sont précieuses en cette terre » où « est né et où s’est répandu le christianisme ». Comme à son habitude, il n’y citait pas nommément l’État islamique mais il y dénonçait une « organisation terroriste » qui « commet toutes sortes d’abus et de pratiques indignes de l’homme, en frappant de manière particulière certains d’entre vous qui ont été chassés de façon brutale de leurs propres terres, où les chrétiens sont présents depuis les temps apostoliques ».

Après l’horreur du massacre de Garissa au Kenya en Avril 2015, la dénonciation de la violence djihadiste a pris le pas sur les thèmes de paix et de justice d’ordinaire évoqués lors des célébrations de Pâques. Le pape François a dénoncé samedi 4 avril au soir, lors de la longue Veillée pascale, qui célèbre, selon la croyance chrétienne, la résurrection de Jésus, « le silence complice » et « l’indifférence » devant la « furie djihadiste » qui frappe les chrétiens.

murdered-students-of-the-garissa-university-college-kenya-572x360 berger dans Communauté spirituelle

Il a fermement condamné la « brutalité insensée » du massacre des Shebab contre les étudiants de Garissa qui a fait au moins 148 morts. « Tous les responsables doivent redoubler leurs efforts afin de mettre un terme à une telle violence », a demandé dès vendredi le chef de l’église catholique. Équipés d’explosifs et d’armes à feu, les assaillants se sont lancés jeudi à l’aube à l’assaut du campus universitaire situé à près de 200 kilomètres de la frontière somalienne, tuant d’abord sans discernement avant d’épargner les étudiants musulmans et de prendre de nombreux chrétiens en otages, en fonction de leurs vêtements.

Les chrétiens, « victimes désignées »

Au Vatican, on s’irrite du fait que la multiplication des persécutions de chrétiens – par des individus ou des groupes islamistes – de l’Irak au Kenya en passant par la Libye, le Pakistan ou le Nigeria, ne soit pas plus dénoncée, y compris par les autorités occidentales et musulmanes. « Aujourd’hui nous voyons nos frères persécutés, décapités et crucifiés pour leur foi en Toi, sous nos yeux ou souvent avec notre silence complice », a accusé le pape François d’une voix sombre à la fin du Chemin de Croix vendredi soir au Colisée, s’adressant au Christ.

Source : http://www.lemonde.fr/

 

Loup, y es-tu ?

2015-04-02-affiche-les-pretres-en-concert-pour-les-chretiens-d-orient FrançoisLe loup actuel, c’est bien la folie djihadiste d’un islam ne supportant pas la différence, et notamment la différence chrétienne. Les médias occidentaux, les hommes politiques occidentaux, n’osent pas mettre le mot chrétiens sur les victimes de ces persécutions. En réveillant les consciences, le pape François défend les brebis de son troupeau (et des autres troupeaux) et oblige Hollande comme Obama à nommer le drame : oui, ces hommes et ces femmes sont kidnappés, déportés, torturés, décapités, forcés à s’exiler parce qu’ils sont chrétiens, et qu’aux yeux de ces musulmans c’est insupportable.

Voilà le rôle du berger : élever la voix pour faire fuir le loup, avertir pour organiser la défense des plus faibles, ne pas avoir peur de s’exposer soi-même pour protéger les petits.

La lamentable polémique au sujet de l’affiche du concert du groupe « Les Prêtres » interdite par la RATP sous prétexte de la mention « pour les chrétiens d’Orient » montre qu’en France la défense  des chrétiens est une cause qui suscite bien des polémiques, bien des allergies atterrantes…

 

Entreprise et famille

Il n’y a pas que dans le domaine religieux où cette parabole du bon berger est éclairante. En entreprise également, le manager se voit confier une équipe de collaborateurs qu’il doit défendre bec et ongles contre les loups internes ou externes.

En interne, le loup peut revêtir la figure de celui qui est toujours hors jeu, dénigrant toute forme d’action collective et cherchant même à la faire échouer, n’adhérant pas aux valeurs communes. Un leader responsable sait que la défense des salariés intègres passe par un certain courage managérial envers les loups destructeurs et toxiques. Le bon berger d’une équipe maniera à la fois la  bienveillance envers les personnes et l’intransigeance sur les valeurs. Sinon l‘injustice qui pèsera sur les brebis intègres compromettra toute réussite future.

Le loup en entreprise peut encore prendre la figure de patrons malhonnêtes, voire manipulateurs. Et là, le management lui-même doit faire le ménage en son sein : écoute des salariés pour détecter les tyrans, mise en place d’un numéro vert, d’aide extérieure etc. Les organisations syndicales doivent monter au créneau pour défendre les sans-voix qui risquent d’être massacrés sans que personne n’ose s’élever contre (harcèlement, exploitation des sans-papiers, marchands de sommeil, embauches ou pratiques illégales…). D’ailleurs, lorsque les syndicats agissent ainsi, ils sont suivis, reconnus, à la différence des mercenaires (les jaunes disait-on autrefois) qui gardent le silence et n’osent rien faire.

 leader 

En famille, la plupart des parents adoptent d’instinct cette posture du bon berger : protéger leurs proches des dangers de la vie, les mettre à l’abri d’accidents financiers, être à leurs côtés en cas de coup dur. Que dirait-on d’un père ou d’une mère qui délaisserait son enfant à l’approche d’un divorce, d’une maladie grave ou d’une perte d’emploi ?

 

Risquer sa vie

Ce faisant, chacun de ces bergers s’expose et risque sa vie, comme le suggère l’évangile en identifiant le bon Pasteur avec le Christ qui donne sa vie pour ceux qu’il aime.

Le pape François sait que bien des menaces entourent ses prises de positions courageuses pour défendre ses ouailles (= brebis !) : la mafia pourrait vouloir lui faire payer sa guerre ouverte contre la corruption en Italie ; les fanatiques musulmans seront tentés par un coup d’éclat contre lui etc.

Le leader attentif à la défense de son équipe de salariés sait qu’il prendra des coups, de sa hiérarchie ou de collègues malveillants ou de salariés contrariés dans leur travail de sape.

Même les parents savent que défendre leurs proches c’est s’exposer à la rigueur bancaire ou judiciaire ou sociale…

Ne réduisons donc pas l’évangile du bon berger à un discours sur les pasteurs qu’il nous faudrait.

C’est un manifeste pour un leadership au service des plus petits.

C’est un engagement à défendre les plus faibles.

C’est une conception de l’autorité comme un devoir envers ceux qui ont besoin de sécurité.

C’est une conversion de l’exercice du pouvoir pour qu’il devienne une libération des sans-grade.

 

Et les mercenaires ?

Que faire des mercenaires dont parle l’évangile ? Doit-on faire la chasse aux sorcières pour éliminer tous ces bergers à gages qui s’enfuient à la vue du loup ? Écoutez l’habileté avec laquelle Saint Augustin analyse l’utilité de ces faux bergers en finale :

Et que dirons-nous du mercenaire, du berger à gages ?

Le Christ ne les mentionne pas parmi les bons. Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis. Le berger à gages qui n’est pas le pasteur et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit-il venir le loup, il laisse là les brebis, il se sauve et le loup les emporte et les disperse. Le berger à gages ne joue pas le rôle d’un homme de bien. Pourtant, il est utile à quelque chose ; on ne le nommerait pas berger à gages, s’il ne recevait un salaire de son employeur. Quel est donc ce berger à gages, à la fois coupable et nécessaire ? Il y a dans l’Église des gens bien placés, dont l’Apôtre Paul déclare : « Tous recherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ » (Ph 2,21). Qu’est-ce que cela veut dire ? Leur amour pour le Christ n’est pas désintéressé ; ce n’est pas pour Dieu qu’ils cherchent Dieu : ils poursuivent des avantages temporels, ils désirent vivement gagner de l’argent, acquérir des honneurs. Quand c’est ce qu’on aime dans les premières places et que c’est là la raison de servir Dieu, quel qu’on soit, on est un berger à gages ; on ne doit pas se mettre au nombre des fils. De ces bergers à gages, le Christ déclare : « En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense » (Mt 5,5). Apprenez maintenant pourquoi les bergers à gages sont nécessaires. Il y a dans l’Église beaucoup de gens qui recherchent des avantages temporels. Pourtant, ils prêchent le Christ ; par eux la voix du Christ se fait entendre: les brebis les suivent. Ce n’est pas le berger à gages qu’elles suivent, mais la voix du pasteur à travers la sienne. Écoutez le Seigneur lui-même définir les bergers à gages : « Les Scribes et les Pharisiens occupent la chaire de Moïse : faites donc et observez tout ce qu’ils pourront vous dire ; mais ne vous réglez pas sur leurs actes » (Mt 23,2). Ce qui revient à dire : Écoutez la voix du pasteur qui se fait entendre par les bergers à gages. Ils sont assis sur la chaire de Moïse et enseignent la Loi de Dieu, c’est donc par eux que Dieu vous instruit. Mais s’ils voulaient vous enseigner leurs propres pensées, ne les écoutez pas, ne faites pas ce qu’ils disent. Évidemment, de tels maîtres cherchent leurs intérêts et non ceux de Jésus-Christ; pourtant, aucun berger à gages n’a osé dire au peuple du Christ : Cherche mes intérêts et non ceux de Jésus-Christ.

Saint Augustin : « Tractatus in Johannis evangelium », XLVI, 5-8

 

Des brebis, un berger, un loup : peut-être sommes nous tour à tour l’un ou l’autre ?

Qui avons-nous en charge de défendre et de protéger ?

Contre quel loup nous faut-il trouver le courage de nous dresser pour le bien de ceux qui nous sont confiés ?

 

 

1ère lecture : « En nul autre que lui, il n’y a de salut » (Ac 4, 8-12)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Pierre, rempli de l’Esprit Saint, déclara : « Chefs du peuple et anciens, nous sommes interrogés aujourd’hui pour avoir fait du bien à un infirme, et l’on nous demande comment cet homme a été sauvé. Sachez-le donc, vous tous, ainsi que tout le peuple d’Israël : c’est par le nom de Jésus le Nazaréen, lui que vous avez crucifié mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts, c’est par lui que cet homme se trouve là, devant vous, bien portant. Ce Jésus est la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver. 

Psaume : 117 (118), 1.8-9, 21-23, 26.28-29

R/ La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle. ou : Alléluia ! (117, 22)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur
que de compter sur les hommes ;
mieux vaut s’appuyer sur le Seigneur
que de compter sur les puissants !

Je te rends grâce car tu m’as exaucé :
tu es pour moi le salut.
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient !
De la maison du Seigneur, nous vous bénissons !
Tu es mon Dieu, je te rends grâce,
mon Dieu, je t’exalte !
Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !

2ème lecture : « Nous verrons Dieu tel qu’il est » (1 Jn 3, 1-2)
Lecture de la première lettre de saint Jean

Bien-aimés, voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu – et nous le sommes. Voici pourquoi le monde ne nous connaît pas : c’est qu’il n’a pas connu Dieu. Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est.

Evangile : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11-18)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Je suis le bon pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. Alléluia. (Jn 10, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus déclara : « Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire n’est pas le pasteur, les brebis ne sont pas à lui : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cet enclos : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Patrick BRAUD

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