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13 avril 2016

Secouez la poussière de vos pieds

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Secouez la poussière de vos pieds

Homélie du 4° dimanche de Pâques / Année C
17/04/2016

Cf. également :

L’agneau mystique de Van Eyck
« Passons aux barbares »…
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse » 

Plusieurs fois dans une vie vous aurez à vous poser la question : dois-je persévérer ou m’en aller ? Est-il meilleur pour moi de rester un peu plus ou de tout quitter dès maintenant ?

Vous vous interrogez peut-être ainsi sur votre travail actuel. Si vous vous levez le matin sans envie ni enthousiasme aucun, si le contenu de votre mission professionnelle semble répétitif et ennuyeux, si les collègues ne parviennent plus à réveiller votre intérêt et le salaire non plus… Faut-il chercher un autre poste ? Est-il temps de partir ailleurs ? Ou est-ce le signe qu’une renégociation du poste et de ses conditions d’exercice est devenue nécessaire ?

Le couple connaît de pareilles hésitations. Devant les malentendus à répétition, l’usure du temps, les déceptions accumulées, faut-il rester ou partir ?

Il est souvent dangereux de répondre trop rapidement à ces interrogations de fond qui engagent toute une existence. Il serait tout aussi malsain de fuir la question, de l’enfouir en espérant qu’elle passe avec le temps, sans rien faire.

La première lecture du temps pascal nous fait parcourir les Actes des Apôtres pendant six dimanches. Et aujourd’hui particulièrement Paul et Barnabé sont confrontés à ce dilemme à Antioche de Pisidie. Visiblement une grande partie de la ville s’intéresse à leur prédication, puisque la synagogue est noire de monde le vendredi soir pour les entendre. Mais les notables juifs résistent. Et le texte rajoute même, avec saveur, qu’ils réussissent à se rallier l’opinion des femmes ‘qui comptent’ en ville. Devant une telle opposition faut-il s’arc-bouter, persister ? Ou bien abandonner en remettant à plus tard ?

Paul et Barnabé se souviennent alors du conseil que Jésus avait donné aux Douze et aux 72 lorsqu’il les avait envoyés en mission :
« Quant à ceux qui ne vous accueilleront pas, sortez de cette ville et secouez la poussière de vos pieds, en témoignage contre eux » (Lc 9,5).
C’est littéralement ce qu’ils font, et du coup cela les libère pour que la Parole continue sa course avec eux, ailleurs.

Jésus n’a pas dit : « Arrêtez-vous là, lamentez-vous et plaignez-vous en vous disant que vous êtes bien seul au monde ». Il a dit : « Secouez la poussière de vos sandales », c’est-à-dire : « arrêtez de ruminer quotidiennement cet échec, laissez tomber et avancez vers votre but ! Tournez-vous vers d’autres horizons ».

Quel est le sens de ce geste ? Que veut dire secouer la poussière de ses pieds encore aujourd’hui (au travail, dans son couple, dans une communauté etc.) ?

 

La poussière
Le geste est assez théâtral, puisqu’il faut se déchausser, taper les deux sandales l’une contre l’autre pour qu‘aucune poussière n’y adhère plus, tout en prononçant les paroles de séparation.

Afficher l'image d'origineD’habitude dans la Bible la poussière évoque plutôt la Création, avec Adam. « Tout s’en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s’en retourne à la poussière » (Qo 3,20) « L’homme s’en va vers sa maison d’éternité et les pleureurs tournent déjà dans la rue. Avant que lâche le fil d’argent, que la coupe d’or se brise, que la jarre se casse à la fontaine, que la poulie se rompe au puits et que la poussière retourne à la terre comme elle en est venue, et le souffle à Dieu qui l’a donné » (Qo 14,7). La poussière est le rappel de notre finitude, le symbole d’une existence courte et fragile. Secouer la poussière de ses pieds, c’est rappeler à l’autre qu’il n’est lui-même que poussière, et que son opposition est aussi stérile, aussi éphémère qu’un nuage de poussière dans l’air. S’il réfléchissait à sa condition de mortel, il ne s’entêterait pas dans son refus d’accueillir la Parole.

D’ailleurs l’autre usage biblique de la poussière est pénitentiel.
Parce que David réalise que c’est lui le pécheur qui a tué son rival, prit sa femme avec qui il avait commis l’adultère, il prend un sac de cendres et se le répand sur la tête en signe de contrition. Tous les pénitents de l’Ancien Testament se déchiraient les vêtements et se couvraient la tête de poussière, reconnaissant ainsi leur néant. On peut penser que, les sandales claquant, un tel nuage de poussière tombe sur la tête des opposants, les invitant à changer de comportement : « Aussi je me rétracte et m’afflige sur la poussière et sur la cendre » (Job 42,6).

 

Secouer la poussière de ses pieds
Le geste évoqué en Actes 13 a en fait été inventé par le Christ : on n’en trouve pas la trace telle quelle dans l’Ancien Testament. Le seul passage qui ressemble un peu est dans Isaïe 52,22 : « secoue ta poussière, lève-toi Jérusalem captive ! » Secouer sa poussière est alors le signe d’une rébellion salutaire, d’une révolte face à l’esclavage pour retrouver la liberté. C’est le refus de ce monde tel qu’il est, injuste, pour l’appeler à se transformer en se transformant vers une autre justice.

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Un contexte d’urgence
Quand Jésus donne ce conseil à ses disciples, c’est dans le contexte de l’envoi en mission : parcourir les villes et villages Israël, sans traîner, pour annoncer la Bonne Nouvelle au maximum de monde et revenir ensuite raconter ce qui s’est passé.

Il y a comme une urgence apostolique qui oblige.
Autre est Charles de Foucauld qui choisit de s’enfoncer à l’Assekrem au milieu de l’umma musulmane, sachant qu’il ne pourra jamais baptiser ni prêcher explicitement l’Évangile, autre est le cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs. Parce qu’il constate que l’Algérie musulmane résiste et se rend imperméable à la liberté religieuse, il choisit d’aller plus loin, vers l’Afrique Noire, où tant d’ethnies sont en attente de l’Évangile dont elles avaient comme une première annonce dans leurs  traditions orales.

Avez-vous plutôt une vocation de petit frère de Jésus ou de Père Blanc lorsque vous vous posez la question de rester ou de partir ? Les deux sont légitimes…
Le contemplatif sait qu’il faut des années avant de porter des fruits, et qu’un jour viendra… L’apôtre est pressé par l’urgence de la soif qu’expriment d’autres peuples, d’autres cultures, d’autres lieux.

 

Une séparation qui libère
On juge l’arbre à ses fruits. Notre texte d’Actes 13 dit que « les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint » suite à la décision de Paul et Barnabé.

Afficher l'image d'origineSi votre acte de rupture est authentique, il vous procurera cette paix et cette joie, constatant après-coup tout ce que ce départ a pu créer de nouveau. La Parole de Dieu ne s’est pas arrêtée à Antioche, elle est allée avec Paul jusqu’à Rome, préfigurant le grand passage de l’Orient à l’Occident qui allait se réaliser ensuite.

Il y a des situations qui deviennent épuisantes lorsqu’elles durent trop. Un travail vide de sens, un couple qui n’est plus basé sur grand-chose, une Église ou une communauté qui se replie au lieu de respirer au large… Secouer la poussière de ses pieds est alors profondément libérateur (même si cela ne se fait pas sans douleur). Car la vie est courte. L’urgence est toujours là de ne pas gaspiller les quelques bribes de temps qui nous sont imparties.

Les ordres mendiants avaient bien compris que la liberté naît du détachement, et donc de cette itinérance franciscaine où l’on vit intensément chaque rencontre sans chercher à s’établir. Les bénédictins font voeu de stabilité et donc de rester toute leur vie dans le même monastère. Les ordres prêcheurs eux sont sans cesse envoyés ailleurs, car sinon la Parole s’enlise, car sinon d’autres ont soif alors que certains sont repus. Ne pas s’alourdir en cours de route demande de secouer la poussière de ses sandales régulièrement…

 

Prendre acte du refus de l’autre
Secouer la poussière de ses pieds, c’est également laisser à l’autre la responsabilité de sa liberté. Il est libre de refuser l’Évangile. « Celui qui est rassasié foule aux pieds le rayon de miel, mais celui qui a faim trouve doux tout ce qui est amer » (Proverbes 27,7).

Lui redonner la poussière qui provient de chez lui exprime la volonté de ne pas être complice de son idolâtrie, de ne pas adhérer à ses faux dieux : « je ne veux rien emporter des modes de vie que tu tiens pourtant à conserver ». Le geste est dur, car il semble figer pour longtemps un conflit entre celui qui reçoit la poussière et celui qui enlève ses sandales. C’est le constat réaliste d’un conflit insurmontable qui pour le moment ne peut pas être résolu. Comme l’urgence presse, l’apôtre s’en va ailleurs. Mais il ne s’interdit pas de revenir, lorsque les temps auront changé et l’état d’esprit de son opposant avec. D’ailleurs, souvenons-nous qu’Antioche est devenue l’un des cinq patriarcats des premiers siècles (avec Jérusalem, Constantinople, Alexandrie et Rome). C’est donc que l’annonce de Paul et Barnabé a fini par faire jaillir une Église là où il n’y avait au départ qu’une forte hostilité. Le départ de Paul et Barnabé aura peut-être paradoxalement permis cette floraison tardive.

 

Alors : rester ou partir ?
Accepter l’adversité patiemment en résistant (avec résilience, dirait-on aujourd’hui) ou partir en secouant le poussière de ses pieds ?
Il s’agit là d’un vrai discernement spirituel, qui demande du temps, de la prière, de l’accompagnement.
Changer de travail, déménager, quitter son conjoint, répondre à d’autres appels… : ces décisions sont lourdes de sens.
Penser à la poussière et aux sandales nous aidera peut-être à prendre courageusement les décisions nécessaires !

 

1ère lecture : « Nous nous tournons vers les nations païennes » (Ac 13, 14.43-52)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place. Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de Juifs et de convertis qui adorent le Dieu unique les suivirent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les Juifs virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les Juifs provoquèrent l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint.

Psaume : Ps 99 (100), 1-2, 3, 5

R/ Nous sommes son peuple, son troupeau.
ou : Alléluia. (cf. Ps 99, 3c)

Acclamez le Seigneur, terre entière,
servez le Seigneur dans l’allégresse,
venez à lui avec des chants de joie !

Reconnaissez que le Seigneur est Dieu :
il nous a faits, et nous sommes à lui,
nous, son peuple, son troupeau.

Oui, le Seigneur est bon,
éternel est son amour,
sa fidélité demeure d’âge en âge.

2ème lecture : « L’Agneau sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie » (Ap 7, 9.14b-17)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. L’un des Anciens me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif, ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Evangile : « À mes brebis, je donne la vie éternelle » (Jn 10, 27-30)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Je suis, le bon Pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent.
Alléluia. (Jn 10, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »
Patrick BRAUD

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6 avril 2016

Les 153 gros poissons

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Les 153 gros poissons

Homélie du 3° dimanche de Pâques / Année C
10/04/2016

Ictus

Les détails mentionnés dans la Bible le sont rarement par hasard.

Il y a 7 disciples dans la barque. Avec Jésus, ils sont donc 8 au repas, et c’est la 3° apparition, précise Jean en Jn 21,1-14.

Jean prend soin de mentionner que le filet des pêcheurs contenait 153 gros poissons, ce n’est sûrement pas pour faire joli ! Si vous avez visité les catacombes de Rome vous savez que le poisson était le symbole des premiers chrétiens pendant les trois siècles de persécutions romaines. À cause sans doute de nos poissons de ce dimanche, et aussi à cause de la signification cachée du mot poisson en grec (ICTUS = Iesos Khristos Theous Uios Soter = Jésus Fils de Dieu Sauveur). À tel point qu’on ne sait pas qui a qui a influencé l’autre… Dessiner un poisson sur un mur de catacombe était devenu un signe de ralliement « secret » des premiers chrétiens. Le bassin qui contenait l’eau du baptême était appelé « piscina » littéralement « étang des poissons ». Les personnes nouvellement converties étaient appelées par exemple chez Tertullien (150 – 230) « pisciculli  » (petits poissons).

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D’ailleurs Jean n’emploie pas le même mot pour les poissons pêchés par Pierre et ses compagnons (ictus) et les poissons (opsarion) grillés sur la braise au bord du lac.

Benoît XVI commentait :
« Aujourd’hui encore, l’Église et les successeurs des Apôtres sont invités à prendre le large sur l’océan de l’histoire et à jeter les filets, pour conquérir les hommes au Christ - à Dieu, au Christ, à la vraie vie. Les Pères ont aussi dédié un commentaire très particulier à cette tâche singulière. Ils disent ceci: pour le poisson, créé pour l’eau, être sorti de l’eau entraîne la mort. Il est soustrait à son élément vital pour servir de nourriture à l’homme. Mais dans la mission du pêcheur d’hommes, c’est le contraire qui survient. Nous, les hommes, nous vivons aliénés, dans les eaux salées de la souffrance et de la mort; dans un océan d’obscurité, sans lumière. Le filet de l’Évangile nous tire hors des eaux de la mort et nous introduit dans la splendeur de la lumière de Dieu, dans la vraie vie. Il en va ainsi : dans la mission de pêcheur d’hommes, à la suite du Christ, il faut tirer les hommes hors de l’océan salé de toutes les aliénations vers la terre de la vie, vers la lumière de Dieu. Il en va ainsi : nous existons pour montrer Dieu aux hommes. »
Homélie du pape Benoît XVI, Messe inaugurale du Pontificat,
Place Saint Pierre, 5° dimanche de Pâques, 24/04/2005

153

Mais pourquoi 153 ?

Rarement un nombre aura suscité autant de commentaires !

 

Nombre triangulaire

Saint Augustin, encore lui, connaissait bien les mathématiques : les nombres dits triangulaires fascinaient déjà le monde antique depuis des siècles.

« Maintenant, dès qu’on a besoin de l’Esprit Saint pour pouvoir observer la loi, il faut joindre 7 à 10, ce qui fait 17. Or, en additionnant tous les nombres depuis un jusqu’à 17, tu obtiendras au total 153. Il n’est pas nécessaire de faite ici l’addition tout entière, vous l’achèverez chez vous. Vous direz donc en calculant Un, plus deux, plus trois, plus quatre donnent dix. Unis de la même manière, tous les autres nombres jusqu’à 17, et tu obtiens le chiffre mystérieux des fidèles et des saints qui seront avec le Seigneur dans les splendeurs du ciel. »

Ainsi 153 = 1 + 2 + 3 + … + 17. L’image triangulaire de 17 représentée ci-dessous le représente : en prenant 17 boules à la base du triangle et en superposant 17 rangées de boules diminuées de 1 à chaque rangée jusqu’au sommet, on cumule : 153 boules. Ces 153 boules forment ainsi un triangle équilatéral de 17 boules par côté. Il s’agit de l’expression déployée, représentée dans sa plus simple expression formelle, imagée, géométrique (le triangle équilatéral) du nombre en soi informel, invisible qui se cache derrière le signe numérique 17.

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Le nombre triangulaire a donc cette propriété d’être représenté par un triangle équilatéral, que la symbolique maçonnique, héritée des bâtisseurs du temple de Jérusalem, identifiait au grand architecte de l’univers, la Trinité pour les chrétiens. Le triangle équilatéral orne de bon nombre de façades et de vitraux de nos églises et synagogues. C’est un symbole de divinité, de perfection.

Et 17 est l’addition de la loi (les 10 Paroles) et de la Création (les 7 jours de la Genèse).

17 est également le nombre des peuples connus à l’époque, du moins comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres pour la Pentecôte (2, 1-11). Comptez le nombre des peuples énumérés dans ce récit : « Parthes, Mèdes, Élamites, habitants de Mésopotamie, de Judée, de Cappadoce, du Pont, d’Asie, de Phrygie, de Pamphylie, d’Égypte, de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène, Romains en résidence, Juifs, prosélytes, Crétois et Arabes ». Cela fait 17 !

Ces peuples, dont les ressortissants entendent dans leur propre langue ce que disent les apôtres, sont au nombre de 17 : c’est l’Église, dans sa vocation à rassembler tous les peuples de la terre en Dieu.

Les 153 poissons désignent donc l’Église comme plénitude (17, nombre triangulaire) de la Loi (10) unie à la Création (7), ou pour suivre saint Augustin, du peuple juif uni aux païens dans la nouvelle alliance. La somme de toute l’humanité, de la Création à l’Alliance.

 

Nombre miroir

Le nombre miroir d’un autre est celui composé de ses chiffres disposés symétriquement, de droite à gauche.
Ainsi 153 renvoie par miroir au nombre 351.
Or le nombre 351 est le nombre triangulaire de 26 (351=1+2+3+…+26), et 26 est la valeur numérique (guématria) du Tétragramme YHWH (Y=10 + H=5 + W=6 + H=5) !

17 et 26 sont donc comme en miroir l’un de l’autre par leurs nombres triangulaires : c’est comme si la gloire du Dieu d’Israël (26) se reflétait dans la gloire de l’Église (17)… Vatican II ne dira pas autre chose en proclamant que l’Église est le sacrement de la communion trinitaire (LG1 ; cf. CEC n° 747).

 

Nombre de Harshard

153 est divisible par la somme de ses chiffres : 1+5+3=9, et 153=9×17.

C’est ce qu’on appelle un nombre de Harshard (ce terme signifie ‘grande joie’ en sanskrit, attribué par le mathématicien Dattatreya Ramachandra Kaprekar). Et l’on retombe à nouveau sur le nombre 17 !

La plénitude qu’est l’Église ne renie aucune des particularités culturelles qu’elle réunit, puisqu’elle est ‘divisible’ par la somme de ses membres…

 

Nombre d’Armstrong

C’est un nombre qui est égal à la somme des puissances n de ses chiffres, n étant égal au nombre de ces chiffres.

153=13+53+33

L’utilisation dans notre contexte de pêche suggère que le résultat est la somme de la perfection de chaque individu, car élevé à la puissance trinitaire…

 

Nombre de Friedmann

On appelle ainsi un nombre qui est le résultat d’une combinaison de tous ses chiffres, moyennant les quatre opérations de base (+ – x /).

Ainsi 153=3×51

Le pape Grégoire le Grand s’est engouffré dans cette propriété mathématique :

« Multiplions 10 et 7 par 3, nous obtenons 51 : nombre qui renferme assurément un grand mystère, car nous lisons dans l’Ancien Testament que la cinquantième année doit être appelée une année jubilaire, pendant laquelle le peuple entier se repose de tout travail (cf. Lv 25,11). Mais le vrai repos est dans l’unité, qui ne peut être divisée; en effet, là où il y a une fissure de division, il n’y a pas de vrai repos. Multiplions 51 par 3, pour obtenir 153. Puisque toutes nos œuvres, accomplies dans la foi en la Trinité, nous conduisent au repos, nous avons multiplié 17 par 3, de manière à obtenir 51. Et notre vrai repos étant atteint par la connaissance de la gloire de cette même Trinité, que nous croyons fermement exister au sein de l’unité divine, nous multiplions 51 par 3 et nous tenons la somme totale des élus dans la patrie céleste, que figure ce nombre de 153 poissons.
Il convenait que le filet jeté après la Résurrection du Seigneur prît le nombre de poissons qu’il fallait pour désigner les élus qui habitent la patrie céleste. »

 

Le plérôme de l’humanité

Afficher l'image d'origineC’est l’interprétation la plus connue, celle de saint Jérôme, qui désigne l’Église comme plénitude de l’humanité, et qui synthétise en quelque sorte toutes les autres. Les zoologistes grecs de l’époque connaissaient au total 153 variétés de poissons. Jérôme s’appuie sur ce savoir de son époque (IV° siècle) pour évoquer que le nombre signifierait dans ce cas l’universalité de l’Église, toutes les nations de la Terre se retrouvant dans les filets de l’apôtre Pierre.

 

L’Église, désignée par la barque et le filet de Pierre, est destinée à recueillir toute l’humanité, et à la mener au Christ, pour atteindre ainsi sa plénitude (plérôme ; cf. Col 1,19) à la fois humaine et divine.

 

 

Évagre le Pontique

Au IVe siècle, il a écrit 153 « Maximes sur la prière », suivant fidèlement le symbolisme de la pêche miraculeuse. Dans son « Traité pratique », il écrit de façon alambiquée, voire confuse :

« J’ai divisé ce traité sur la prière en 153 chapitres. Ainsi, je vous convie à une fête évangélique, où vous pourrez vous délecter de ce nombre symbolique qui combine une figure triangulaire et une figure hexagonale. Le triangle symbolise la connaissance spirituelle de la Trinité, l’hexagone représente la création ordonnée du monde en six jours. Le nombre 100 est carré, alors que le nombre 53 est triangulaire et sphérique. Car 28 est triangulaire et 25 est sphérique, 5 fois 5 donnant 25. De cette façon, vous avez une figure carrée pour exprimer la nature quaternaire des vertus et un nombre sphérique, 25, qui représente le mouvement cyclique du temps et ainsi la véritable compréhension de cette époque. Car les semaines suivent les semaines, et les mois suivent les mois, et le temps évolue d’année en année, et les saisons suivent les saisons, comme nous le voyons aux mouvements cycliques du soleil et de la lune, du printemps et de l’été Le triangle peut symboliser la connaissance de la Sainte Trinité. Ou vous pouvez considérer la somme totale, 153, comme triangulaire et signifiant respectivement la pratique des vertus, la contemplation de la divinité dans la nature et la connaissance spirituelle de Dieu, ou la foi, l’espérance et l’amour, ou l’or, l’argent et les pierres précieuses. »

Évagre utilise les propriétés du nombre sphérique 25. Le nombre sphérique est un nombre qui, multiplié par un nombre circulaire, part de lui-même et revient à lui-même, comme par exemple, 5×5 = 25 ; ce nombre circulaire, multiplié par lui-même, donne une sphère : 5×25 = 125.

 

Les deux pêches miraculeuses

Saint Augustin, toujours lui, interprète cette deuxième pêche miraculeuse comme celle qui, à la fin des temps, réussira enfin le projet de Dieu : « rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52) :

« Il ne faudrait pas conclure de là qu’il n’y aura que cent 153 saints qui ressusciteront à la vie éternelle, car tous ceux qui ont part à la grâce de l’Esprit saint, sont compris dans ce nombre qui renferme trois fois le nombre 50, et de plus le nombre 3, symbole du mystère de la sainte Trinité. Or, le nombre cinquante est le produit du nombre sept multiplié par sept, et auquel on ajoute l’unité. Cette unité indique qu’ils ne doivent faire qu’un. Ce n’est pas sans raison que l’Évangéliste fait la remarque que les poissons étaient grands, car lorsque Notre Seigneur eut dit: « Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l’accomplir (en donnant l’Esprit saint qui devait la faire accomplir) »; il ajoute un peu plus loin: « Celui qui fera et enseignera sera grand dans le royaume des cieux » (Mt 5).

Lors de la première pêche, le filet se rompait en figure des schismes qui devaient déchirer l’Église. Ici, au contraire, comme les schismes seront impossibles dans la paix suprême dont jouiront les saints, l’Évangéliste a dû faire remarquer que, malgré le grand nombre et la grosseur des poissons, le filet ne se rompit point. Il semble faire allusion à la première pêche où le filet se rompit, et vouloir faire ressortir par cette comparaison la supériorité de la pêche actuelle. »

  

Ez 47,10

Un verset d’Ezékiel (47,10) éclaire d’un jour encore nouveau le symbolisme décidément multiple de 153 : « des pêcheurs se tiendront sur ses bords; depuis En-Guédi jusqu’à En-Eglaïm, on étendra les filets; il y aura des poissons de diverses espèces, comme les poissons de la grande mer, et ils seront très nombreux ».

En-Guédi existe toujours : on y va en bateau à travers le lac de Tibériade, et cette traversée est chargée d’évocations évangéliques.

Or en hébreu Gad « bonheur » est le mot miroir de Dag « poisson ».

Et la valeur numérique de En-Guédi « la fontaine de mon bonheur » est : 3 + 4 + 10 = 17, alors que la valeur numérique de En-Eglaïm est : 70 + 3 + 30 + 10 + 40 = 153 ! L’expression « depuis En-Guédi jusqu’à En-Eglaïm » désigne ainsi le chemin que parcoure l’Église, de 17 (la totalité de l’humanité) à 153 (la plénitude de l’humanité sauvée).

 

Enfin juste pour vous dire que décidément des harmoniques du nombre sont quasi innombrables, signalons juste que 153 est encore le nombre de bénédictions données à des personnes précises dans les quatre évangiles (si ! si !, comptez les bénéficiaires de ces bénédictions : c’est bien le bon nombre !).

 

Bref : innombrables sont les interprétations cabalistiques qu’on peut tirer de ce nombre de 153 gros poissons. Mais elles convergent vers cette espérance folle : tous les êtres humains, de tous les temps, de toutes les cultures, de tous les lieux, sont appelés à faire partie de l’Église, qui est l’humanité enfin réconciliée et unifiée en Dieu même.

À nous d’être témoins de cette espérance folle.

 

 

 

1ère lecture : « Nous sommes les témoins de tout cela avec l’Esprit Saint » (Ac 5, 27b-32.40b-41)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême. Le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. »

 Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Psaume : Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13

R/ Je t’exalte, Seigneur, tu m’a relevé.
ou : Alléluia. (Ps 29, 2a)

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

2ème lecture : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse » (Ap 5, 11-14)
Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

Moi, Jean, j’ai vu : et j’entendis la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. »

 Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s’y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent.

Evangile : « Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson » (Jn 21, 1-19)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Le Christ est ressuscité,
le Créateur de l’univers,
le Sauveur des hommes.
Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.

 Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.

 Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Patrick BRAUD

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30 mars 2016

Le Passe-murailles de Pâques

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Le Passe-murailles de Pâques  

Homélie du 2° dimanche de Pâques / Année C 03/04/2016

Cf. également :

Le maillon faible

Que serions-nous sans nos blessures ?

Croire sans voir

Au confluent de trois logiques ecclésiales : la communauté, l’assemblée, le service public

Riches en miséricorde ?

 

Le Ressuscité, anti Garou-Garou

Afficher l'image d'origineVous souvenez-vous du Passe-murailles, ce héros fantastique du roman de Marcel Aymé ? C’est « un excellent homme nommé Dutilleul qui possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. Il portait un binocle, une petite barbiche noire, et il était employé de troisième classe au ministère de l’Enregistrement. » Il profite de ce don insoupçonnable pour se venger de son chef honni, pour dérober de l’argent dans les banques (en signant ses forfaits « Garou-Garou »), et autres aventures incroyables.

Dans notre évangile de Jn 20,19-23, le ressuscité se joue des portes fermées et, tel un Passe-murailles, se manifeste au milieu de ses disciples alors que la peur les tenait repliés sur eux-mêmes. C’est le Passe-murailles à l’envers de Marcel Aymé en quelque sorte, puisqu’il se sert de ce don de Dieu non pour son intérêt, mais communiquer la vie et l’espérance.

Bien des commentaires savants, gêné par cette performance, essaient d’en minimiser la portée en réduisant cet épisode à la conscience que les disciples auraient eue de Jésus vivant dans leur prière. Mais le texte est clair : Jésus vient « alors que les portes étaient verrouillées ».

Qu’est-ce qui est le plus difficile, le plus incroyable : être ressuscité d’entre les morts ou franchir les portes fermées du cénacle ?

Jésus ressuscité a une nouvelle façon d’être au monde, ce que Paul appelle un « corps spirituel » faute d’avoir des mots pour décrire ce qui échappe à notre expérience ordinaire. Cette nouvelle relation au monde matériel s’affranchit des contraintes habituelles de l’espace-temps. Comment des portes fermées pouvaient-elles arrêter celui pour qui le rideau du temple se déchirait ? Car depuis ce déchirement du vendredi saint, les séparations entre Dieu et l’homme ne tiennent plus. En présence du Christ victorieux de la mort, cloisons humaines, barrières matérielles et morales, ethniques ou économiques sont inopérantes, et là n’est pas la moindre des bonnes nouvelles de Pâques !

 

Les murailles de la peur de l’autre

Faites la liste des portes fermées, des murailles érigées par les hommes encore aujourd’hui : le rideau de barbelés entre les USA et le Mexique, le mur de béton entre Israéliens et Palestiniens de Jérusalem, et maintenant à nouveau des kilomètres de surveillance politique policière et de fil de fer dans les pays d’Europe de l’Est pour éviter les flux massifs de réfugiés et de migrants venus de Libye, de Syrie, d’Irak, d’Iran, d’Afghanistan…

Fêter le Passe-murailles de Pâques oblige les chrétiens à ne pas sanctuariser cette peur de l’autre, à percer des passages dans ces frontières hostiles pour qu’elles ne soient plus étanches…

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Les murailles du communautarisme

Afficher l'image d'origineÀ l’intérieur de nos villes - et pas seulement Bruxelles comme les récents attentats viennent de le démontrer hélas - il y a des murs érigés par les communautés, volontairement ou non, entre elles. Allez donc demander une bière avec votre burger dans un kebab halal de certains quartiers ! Vous expérimenterez rapidement que vous ne faites pas partie de la communauté se rassemblant ici. La cuisine dressera une barrière entre vous et « eux » plus sûrement qu’une muraille entre américains et mexicains. C’est vrai également de la langue, des habits, des moeurs imposées par tel ou tel ‘grand frère’ etc. Le repli sur son identité religieuse ou ethnique a de multiples causes, de multiples justifications, de multiples conséquences. Mais il engendre toujours la peur : la peur qu’on cherche à inspirer à l’autre pour qu’il se conforme aux habitudes de la communauté, ou la peur de l’autre qui pousse à s’enfermer sur soi comme les disciples le soir de Pâques, « par crainte des juifs ».

Combattre ces particularismes exclusifs fait partie intégrante de la fête de Pâques : pendant les 40 jours jusqu’à l’Ascension, le Christ ressuscité au milieu des siens fait éclater les appartenances, les cloisons, les frontières. L’abolition de tous les interdits alimentaires en sera une conséquence spectaculaire.

 

Le Passe-murailles de Jéricho

Afficher l'image d'origineUn autre Jésus avait déjà inauguré cet exploit sans frontières : Josué, dont le nom est le même que Jésus (Dieu sauve). Pour faire entrer le peuple en Terre promise, il fallait passer par Jéricho. Hostile et bien défendue derrière ses remparts, la ville de Jéricho défiait les hébreux et les empêchait de monter à Jérusalem. José a trouvé en Rahab, prostituée bien connue en ville, une alliée imprévue. Accueillant et cachant sur sa terrasse deux envoyés de Josué, elle leur sauve la vie et leur permet de retourner vers les hébreux sains et saufs, avec tous les renseignements sur la ville. Lorsque les murailles de Jéricho s’effondreront au son de la trompette lors de la septième procession avec l’arche d’alliance autour des remparts, le fil écarlate accroché à la fenêtre de Raab la sauvera, avec sa famille, du massacre général (Jos 2-3).

Comment ne pas y voir en filigrane l’annonce de la Pâque du Christ ? Jésus franchit la mort comme Josué le Jourdain ; il passe les portes fermées du cénacle comme Josué les murailles fortifiées de Jéricho. Il s’appuie sur Marie-Madeleine pour annoncer aux apôtres que le passage est ouvert comme José sait s’appuyer sur Rahab pour faire chuter les murailles de Jéricho. Et le fil écarlate sauvant la prostituée Rahab préfigure le sang du Christ sauvant la prostituée Église à chaque fois qu’elle y communie comme Rahab l’accrochant à sa fenêtre…

Être un Passe-murailles pascal suppose donc de se faire des alliés de ceux qui comme Rahab sont enfermés dans la domination des puissants, exploités dans l’injustice ou la misère, méprisés par ceux qui l’humilient (le prénom Rahab signifie d’ailleurs en hébreu : la déchue cf. Is 30,7). Impossible de faire tomber les barrières qui séparent les hommes sans s’appuyer sur les déchus de nos cités, les exclus de nos frontières si sélectives, les Rahab et Marie de Magdala contemporaines.

 

Quelles sont les murailles qui vous entourent ?

Afficher l'image d'origineAu travail, cela va des niveaux hiérarchiques (engendrant domination et séparation) à l’iniquité des salaires (discriminant par le niveau de vie, les loisirs, l’habitat… correspondants) ou aux missions professionnelles (certaines étant considérées comme nobles, d’autres comme inférieures etc.).

Dans nos quartiers, cela va de l’ignorance des voisins au regroupement entre soi, ou même à la haine de l’autre.

Dans une paroisse, cela va de la bonne conscience du pratiquant au dénigrement de ceux qui ne le sont pas etc.

Les plus grands saints, tel François d’Assise, furent des Passe-Murailles de leur époque. Ainsi François a-t-il traversé les barrières sociales entre bourgeois marchands, seigneurs et petit peuple du XIII° sicèle grâce à la fraternité franciscaine. Il a contesté l’inégalité engendrée par l’argent en revenant à la pauvreté évangélique de son ordre mendiant. Il a refusé que ces murailles s’installent au cœur de l’Église en restant obstinément diacre, alors que prêtre aurait été une promotion sociale. Il a profité de l’Europe marchande de son père pour que ses frères sillonnent toute la chrétienté sans frontières et propagent la réforme franciscaine d’une Église simple, proche et pauvre.… Et, plus récemment, le Pape François a défié les barbelés séparant USA et Mexique en s’adressant à la foule mexicaine par-dessus la muraille.

 

Que le Passe-murailles de Pâques nous aide, à l’inverse de celui de Marcel Aymé, à user de la liberté du Ressuscité pour nous mettre au service des proches, en les libérant de toute peur qui les aliénerait, portes fermées

 

 

1ère lecture : « Des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachèrent au Seigneur » (Ac 5, 12-16) Lecture du livre des Actes des Apôtres

À Jérusalem, par les mains des Apôtres, beaucoup de signes et de prodiges s’accomplissaient dans le peuple. Tous les croyants, d’un même cœur, se tenaient sous le portique de Salomon. Personne d’autre n’osait se joindre à eux ; cependant tout le peuple faisait leur éloge ; de plus en plus, des foules d’hommes et de femmes, en devenant croyants, s’attachaient au Seigneur. On allait jusqu’à sortir les malades sur les places, en les mettant sur des civières et des brancards : ainsi, au passage de Pierre, son ombre couvrirait l’un ou l’autre. La foule accourait aussi des villes voisines de Jérusalem, en amenant des gens malades ou tourmentés par des esprits impurs. Et tous étaient guéris.

Psaume : Ps 117 (118), 2-4, 22-24, 25-27a

R/ Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !Éternel est son amour !ou : Alléluia ! (117, 1)

Oui, que le dise Israël : Éternel est son amour ! Oui, que le dise la maison d’Aaron : Éternel est son amour ! Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur : Éternel est son amour !

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Voici le jour que fit le Seigneur, qu’il soit pour nous jour de fête et de joie !

Donne, Seigneur, donne le salut ! Donne, Seigneur, donne la victoire ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! De la maison du Seigneur, nous vous bénissons ! Dieu, le Seigneur, nous illumine.

2ème lecture : « J’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles » (Ap 1, 9-11a.12-13.17-19) Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

 Moi, Jean, votre frère, partageant avec vous la détresse, la royauté et la persévérance en Jésus, je me trouvai dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je fus saisi en esprit, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix forte, pareille au son d’une trompette. Elle disait : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Églises : à Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie et Laodicée. »

 Je me retournai pour regarder quelle était cette voix qui me parlait. M’étant retourné, j’ai vu sept chandeliers d’or, et au milieu des chandeliers un être qui semblait un Fils d’homme, revêtu d’une longue tunique, une ceinture d’or à hauteur de poitrine. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort, mais il posa sur moi sa main droite, en disant : « Ne crains pas. Moi, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant : j’étais mort, et me voilà vivant pour les siècles des siècles ; je détiens les clés de la mort et du séjour des morts. Écris donc ce que tu as vu, ce qui est, ce qui va ensuite advenir. »

Evangile : « Huit jours plus tard, Jésus vient » (Jn 20, 19-31)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.  Thomas parce que tu m’as vu, tu crois, dit le Seigneur. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! Alléluia. (Jn 20, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »  Or, l’un des Douze, Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), n’était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! »  Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d’eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Alors Thomas lui dit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »  Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Patrick BRAUD

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23 mars 2016

La Madeleine de Pâques

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La Madeleine de Pâques

 

Cf. également :

Conjuguer le « oui » et le « non » de Dieu à notre monde

Pâques : Courir plus vite que Pierre

Les Inukshuks de Pâques

Pâques n’est décidément pas une fête sucrée

Comment annoncer l’espérance de Pâques ?

Incroyable !

Homélie du dimanche de Pâques / Année C
27/03/2016

 Tout le monde connaît la madeleine de Proust : la mémoire olfactive liée à cette pâtisserie lui fait retrouver les événements de son enfance…

Ce matin, l’évangéliste Jean veut nous faire connaître la Madeleine de Pâques. Il s’agit ici d’une autre mémoire, une mémoire d’avenir en quelque sorte, où Marie de Magdala accueille l’incroyable nouvelle de la résurrection de Jésus.

Suivons cette Madeleine pas à pas sur son itinéraire de Pâques.

 

Accompagner jusqu’au bout

Maria_Magdalene_crucifixion_detailMarie de Magdala est au pied de la croix (19,25). Avec Jean, et bien sûr Marie et d’autres femmes, elle ne laisse pas seul celui qui a été son libérateur. Au moment où Jésus devient un maudit (Dt 21,22) elle se souvient que c’est lui qui l’a délivrée de la malédiction (Mc 16,9), et elle l’accompagne jusqu’au bout, quelles que soient les accusations pesant contre lui.

Nous oublions souvent ceux qui nous ont fait du bien, alors que prier pour nos bienfaiteurs a toujours fait partie de la tradition de l’Église. Nous abandonnons très vite ceux qui ont été des guides, des repères pour nous, dès qu’ils sont attaqués de toute part par les pouvoirs en place ! Jésus est humilié par les autorités religieuses, par le pouvoir politique en place, par la justice, par les médias rajouterait-on aujourd’hui : Marie de Magdala ne se laisse pas impressionner ni effrayer par ces campagnes de dénigrement. Elle accompagne son sauveur jusqu’au bout.

Et nous ?…

 

Courir à l’aube pour embaumer le Christ

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Étonnante, cette course matinale de Marie de Magdala (20,1) ! Pourquoi courir ? Le cadavre ne va pas se décomposer si vite et peut attendre encore un peu pour l’embaumement. Pourquoi si tôt ?

Elle cherche son bien-aimé comme la fiancée du Cantique des cantiques cherche celui que son coeur désire et qu’elle ne trouve pas. Elle court comme si elle pressentait quelque chose de bouleversant. Elle croit courir vers un tombeau et par là même c’est son avenir qui se hâte vers elle… « Tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais déjà trouvé », écrira plus tard saint Augustin.

Le matin, car avec l’aube du dimanche c’est la nouvelle création qui apparaît.

Le repos du shabbat (samedi) est accompli dans la re-création du dimanche de Pâques.

Et nous, vers qui courons-nous ?

Quels aromates apportons-nous pour embaumer les vaincus de l’histoire ?

 

Ne pas se résoudre à l’absence

Afficher l'image d'origineDe manière étonnante, Marie de Magdala reste auprès du tombeau vide, alors qu’à vue humaine tout est fini. D’ailleurs, même Marie, Pierre et Jean sont rentrés. Elle ne se résigne pas, ne quitte pas ce lieu de mort avant d’avoir une réponse. Comme Jacob se battant contre Dieu au pied du Yabboq (Gn 32, 23-32), elle ne veut pas lâcher son étreinte tant que Dieu ne lui répond pas. Comme Job osant traduire Dieu en procès devant le malheur innocent, elle crie sa douleur redoublée par la disparition – le vol peut-être – du corps de Jésus, profanation ultime.

C’est donc que nous pouvons-nous aussi, nous devons demeurer auprès des tombeaux vides d’aujourd’hui. Quels sont-ils ? Qui sont-ils ? Ces tombeaux vides seront sans doute quelque part du côté de ceux qui ont été oubliés et de la société, rayés de la carte des relations humaines, tout ce qui - pour des raisons multiples - incarne l’absence d’humanité. Rester près de ces morts vivants jusqu’à ce que la vie de Dieu se manifeste, par notre intermédiaire ou non peu importe.

 

Voir à travers les larmes

Afficher l'image d'origineMarie de Magdala a pleuré (20,11). En employant l’imparfait (l’aoriste en grec) Jean précise que cela a duré longtemps. Et il insiste : « tout en pleurant elle se penche vers le tombeau ». C’est alors qu’elle vit deux anges.

Sans ses larmes, aurait-elle pu voir ces deux mystérieux messagers ? Si ses larmes n’avaient pas clarifié son regard, aurait-elle perçu Jésus derrière elle ?

Nos larmes sont bien souvent la préparation à des découvertes imprévisibles. Celui qui ne pleure jamais pourra-t-il discerner le Ressuscité ? Le don des larmes est la plus belle invitation à fêter un renouveau possible à travers le chagrin.

 

Se retourner deux fois

Afficher l'image d'origineVous avez peut-être été surpris d’entendre Marie se retourner une deuxième fois dans le texte (20,14 et 20,16) ! Une fois suffirait amplement ! Ce premier retournement évoque la conversion intérieure où elle se tourne vers le Ressuscité pour lui donner sa vie. Mais la deuxième fois ? Pourquoi ?

On aura un écho de ce nouveau retournement dans la manifestation du Ressuscité à Thomas, dont le nom signifie justement jumeau (= Didyme Jn 20,24) : deux événements presque identiques, car il faudra que le Christ se manifeste une deuxième fois à ses disciples en présence de Thomas, après les autres, pour qu’il accepte de croire.

Se retourner deux fois peut ainsi être l’indice de la pédagogie de Dieu à notre égard. Car il nous faut du temps pour croire à l’incroyable (à la différence de Jean qui a cru tout de suite). Nous percevons d’abord des messages, des messagers (= anges), avant que de reconnaître vraiment le Ressuscité. Nous avons besoin de cheminer, pas à pas.

La foi de Jean nous invite à faire confiance à nos intuitions fulgurantes : « il vit et il crut ». La foi de Marie Madeleine nous invite à être patients envers nous-mêmes. Car il faut plusieurs étapes avant que de croire vraiment. C’est ce que Jean Paul II appelait la « loi de gradualité », c’est-à-dire un cheminement pédagogique de croissance qui nous conduit toujours plus loin, sans désespérer ni s’arrêter.

 

Ne pas retenir ceux qu’on aime

La célèbre scène du Noli me tangere (« ne me retiens pas ») et illustrée par tant de peintres vient empêcher Marie de Magdala de mettre la main / le coeur sur celui qu’elle vient de rencontrer.

Respecter l’autre comme vivant nous demande de ne pas l’utiliser, de ne pas le posséder, et de le laisser aller à sa vie d’être libre. Retenir le Christ à ses côtés aurait été pour Marie de Magdala une illusion vénéneuse. Elle n’aurait étreint qu’une chose, alors que le Vivant lui échappe et veut poursuivre sa course pour tous les humains. Le « ne me retiens pas » est la supplique de tant d’adolescents épris de liberté, d’amoureux étouffant de trop de proximité, ou de vieillards en fin de vie…

Ne pas retenir ceux qu’on aime est peut-être la plus belle preuve d’amour.

 

Apostola apostolorum

Afficher l'image d'origineL’expression latine est de St Thomas d’Aquin : Marie de Magdala est chargée par Jésus de devenir l’apôtre des apôtres en leur annonçant la nouvelle de la résurrection et en étant témoin de cet événement incroyable auprès des disciples, pour qu’ils croient. Elle est envoyée (apostola) auprès de ceux qui seront à leur tour envoyés (apôtres) de par le monde entier.

« De même qu’une femme avait annoncé au premier homme des paroles de mort, ainsi, une femme annonça en premier aux apôtres des paroles de vie ».

« Il faut ici noter le triple privilège qui fut octroyé à Madeleine. D’abord un privilège prophétique, car elle a mérité de voir les anges ; le prophète, en effet, est l’intermédiaire entre les anges et le peuple. Ensuite, elle est au-dessus des anges, du fait qu’elle voit le Christ sur lequel les anges désirent se pencher. Enfin elle a reçu un rôle apostolique ; bien plus, elle est devenue Apôtre des apôtres en ceci qu’il lui fut confié d’annoncer aux disciples la Résurrection du Seigneur pour que, de même qu’une femme apporta au premier homme des paroles de mort, ainsi aussi une femme annonce la première à des hommes les paroles de vie. »

Thomas d’Aquin, Commentaire sur l’évangile de Jean 25,19

C’est donc qu’aujourd’hui encore les successeurs des apôtres ont besoin d’être évangélisés. C’est donc que, dans l’Église, des femmes tiennent encore la première place dans le témoignage au Ressuscité qui convertit même des évêques au coeur du christianisme. Le reconnaît-on en assez ? Laissons-nous la parole à toutes celles qui sont les premières à voir le Ressuscité là où les responsables ne voient que vide et absence ?…

 

La Madeleine de Pâques est décidément un guide sûr pour fêter la victoire du Christ sur la mort !

Parcourez avec elle, pas à pas, son itinéraire à travers la Passion.

Et devenons nous-mêmes une de ces Madeleines qui permet à d’autres de retrouver la mémoire… de leur avenir !

 

 

 

MESSE DU JOUR DE PÂQUES

1ère lecture : « Nous avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts » (Ac 10, 34a.37-43)
Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, quand Pierre arriva à Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole et dit : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les commencements en Galilée, après le baptême proclamé par Jean : Jésus de Nazareth, Dieu lui a donné l’onction d’Esprit Saint et de puissance. Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. 

Psaume : Ps 117 (118), 1.2, 16-17, 22-23

R/ Voici le jour que fit le Seigneur,
qu’il soit pour nous jour de fête et de joie ! 
(Ps 117, 24)

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Oui, que le dise Israël :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux.

2ème lecture : « Purifiez-vous des vieux ferments, et vous serez une Pâque nouvelle » (1 Co 5, 6b-8)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, ne savez-vous pas qu’un peu de levain suffit pour que fermente toute la pâte ? Purifiez-vous donc des vieux ferments, et vous serez une pâte nouvelle, vous qui êtes le pain de la Pâque, celui qui n’a pas fermenté. Car notre agneau pascal a été immolé : c’est le Christ.

Ainsi, célébrons la Fête, non pas avec de vieux ferments, non pas avec ceux de la perversité et du vice, mais avec du pain non fermenté, celui de la droiture et de la vérité.

Séquence : 

À la Victime pascale,
chrétiens, offrez le sacrifice de louange.

L’Agneau a racheté les brebis ;
le Christ innocent a réconcilié
l’homme pécheur avec le Père.

La mort et la vie s’affrontèrent
en un duel prodigieux.
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne.

« Dis-nous, Marie Madeleine,
qu’as-tu vu en chemin ? »

« J’ai vu le sépulcre du Christ vivant,
j’ai vu la gloire du Ressuscité.

J’ai vu les anges ses témoins,
le suaire et les vêtements.

Le Christ, mon espérance, est ressuscité !
Il vous précédera en Galilée. »

Nous le savons : le Christ
est vraiment ressuscité des morts.

Roi victorieux,
prends-nous tous en pitié !
Amen.

Evangile : « Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 1-9)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Notre Pâque immolée, c’est le Christ ! Célébrons la Fête dans le Seigneur !
Alléluia. (cf. 1 Co 5, 7b-8a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c’était encore les ténèbres. Elle s’aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s’aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick BRAUD

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