L'homélie du dimanche (prochain)

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10 septembre 2023

70 fois 7 fois

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

70 fois 7 fois

Homélie pour le 24° Dimanche du temps ordinaire / Année A
17/09/2023

Cf. également :
À Dieu la dette !
Pardonner 70 fois 7 fois
La dette est stable : vive la dette !
La pierre noire du pardon
L’oubli est le pivot du bonheur

Autun en emporte Caïn
Lamek tue Caïn
Allez visiter la magnifique cathédrale d’Autun ! Ne manquez pas la salle capitulaire : vous y verrez un chapiteau énigmatique. Un personnage y est tué par une flèche en pleine gorge tirée par un chasseur muni d’un arc. Le guide vous expliquera que c’est le meurtre de Caïn qui est figuré là. En effet, le Talmud et la Mishna développent sur ce passage une légende, reprise notamment par Rachi, où Lamek (arrière-arrière-petit-fils de Caïn) perd la vue, à cause de son âge avancé. Il est aidé à la chasse par son fils Tubal-Caïn. Il aperçoit indistinctement un animal, et le tue d’une flèche de son arc. Mais c’est en réalité son ancêtre Caïn, toujours vivant du fait des âges antédiluviens. Quand il comprend son erreur, il frappe des mains et tue accidentellement son fils Tubal-Caïn. Cette légende peut expliquer les versets étranges de Gn 4,23–24 auquel notre évangile de ce dimanche (Mt 18,21-35) renvoie :
« J’ai tué un homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. C’est que Caïn est vengé 7 fois mais Lamek 70 fois 7 fois ».
« ὅτι ἑπτάκις ἐκδεδίκηται ἐκ Καιν, ἐκ δὲ Λαμεχ ἑβδομηκοντάκις ἑπτά ».
Car c’est le même mot grec βδομηκοντκις= hebdomēkontakis que Matthieu utilise pour décrire l’exigence de pardon formulée par Jésus : « Jésus lui dit: Je ne te dis pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois » (Mt 18,22).
λέγει αὐτῷ ὁ Ἰησοῦς· Οὐ λέγω σοι ἕως ἑπτάκις ἀλλὰ ἕως ἑβδομηκοντάκις ἑπτά ».
Ce sont les deux seules occurrences du mot ἑβδομηκοντάκις dans toute la Bible. Le renvoi à Lamek est donc voulu par Matthieu.

La réponse de Jésus à Pierre vient en exact contrepoint de celle de Lamek. Car la violence a une propension naturelle à l’escalade, à la montée aux extrêmes, pour finir par le lynchage et le massacre. Face à elle, le pardon doit opérer une désescalade de même ampleur afin d’être à la hauteur du défi.
Caïn le meurtrier est tué à son tour, alors qu’il était protégé par la miséricorde de Dieu (Gn 4,1-16) : « Si quelqu’un tue Caïn, Caïn sera vengé sept fois. Et le Seigneur mit un signe sur Caïn pour le préserver d’être tué par le premier venu qui le trouverait » (Gn 4,15).
D’où la surenchère : puisque 7 fois ne suffisent pas à protéger de la violence, Dieu augmente le tarif pour Lamek : 70 fois 7 fois ! À la montée de la menace qui ne respecte pas l’interdit divin, Dieu répond par la montée en puissance de sa protection accordée au meurtrier du meurtrier ! Dieu veut arrêter le cercle infernal : violence-représailles-vengeance, qui oblige à terroriser les agresseurs pour les dissuader d’agir.

Jésus renverse la perspective : ce n’est pas la menace qui doit augmenter, mais le pardon. À l’inexorable montée de la violence, Jésus oppose donc la montée parallèle et antagoniste du pardon. Il ne s’agit pas là d’une loi morale mais d’une simple loi de la vie : si l’on ne veut pas que la mort triomphe, il faut que le pardon soit aussi persévérant et aussi puissant que la spirale de la vengeance et de la violence.
La première logique – celle de la menace – est celle de la dissuasion nucléaire : si tu veux être violent injustement, tu risques infiniment plus que le mal commis.
La seconde logique – celle du pardon – est celle de la non-violence réparatrice : si tu es violent, je te montrerai le mal commis, mais nous chercherons ensemble des solutions pour ne pas en rester là ni alimenter l’escalade.

La menace nous oblige à devenir vengeurs et violents comme le meurtrier initial. Au lieu d’arrêter la souffrance due à la violence, elle l’amplifie, la propage, tel un incendie de forêt qui saute d’un village à une ville… La vengeance fait gagner le mal deux fois : par la blessure portée à incandescence d’abord, puis par la violence en retour qui nous rend semblable à notre agresseur. Nous transformer à l’image du méchant est la seconde victoire de la violence. Les soi-disant résistants qui tondaient à tour de bras les femmes et exécutaient sommairement les collabos à la Libération en 1945 ne valaient guère mieux que les soldats de l’Occupation.
Le pardon protège mieux que la menace : Jésus désamorce radicalement les stratégies de vengeance, de représailles, de surenchère dans la répression.
La menace de vengeance protégeant Lamek est celle de Caïn au carré.
La promesse de pardon portée par Jésus est celle de Dieu à la puissance infinie : 70 fois 7 fois !

 

Extension du domaine du pardon
Extension du domaine de la lutte par Houellebecq
Si l’on replace cet épisode dans son contexte, on comprend que Pierre au début veut limiter le pardon au « frère », c’est-à-dire aux membres de la communauté chrétienne locale. Car le chapitre 18 de Matthieu est consacré à la communauté. Ainsi, quelques versets plus haut, Jésus a plaidé pour la correction fraternelle, au sein de l’Église donc. C’est pourquoi la question de Pierre porte sur le pardon à accorder à un « frère », pas à un étranger ni à un païen : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi… » Il s’interroge sur l’extension de ce domaine du pardon. Lorsqu’il questionne : « jusqu’à 7 fois ? » il pressent que Jésus va lui demander d’élargir ce cercle de la miséricorde bien au-delà de l’Église. Car le chiffre 7 fait évidemment référence aux 7 jours de la Création, c’est-à-dire à la dimension universelle. Pardonner 7 fois serait donc déjà étendre le pardon pratiqué dans la communauté à toute la Création. Alors, le faire 70 fois 7 fois revient à ériger l’exigence du pardon pour tous et pour toutes les époques ! Car 10 c’est le nombre de la Loi : les 10 commandements, les 10 personnes minimum pour constituer une assemblée de prière (le miniane). Unir la Loi (10) et la Création (7) dans l’impératif du pardon, c’est étendre le domaine du pardon d’Israël à l’Église puis à tous les peuples, de tous les temps.
D’ailleurs Jésus le premier a demandé d’aimer ses ennemis (Mt 5,43 48) ce qui inclut le pardon. Et il a intercédé pour que les soldats le clouant à la croix soient pardonnés (Lc 23,34).

Impossible d’être communautariste avec ce 70 fois 7 fois ! Toutes les lois religieuses qui font une différence au profit de leurs adeptes sont ainsi disqualifiées. Le vrai pardon ne connaît pas de frontières, ni géographiques ni spirituelles. Le répéter, à l’infini si besoin, fait partie de l’amour des ennemis.
Saint Astère, évêque d’Amasée en Asie Mineure au IV° siècle, nous encourage à ne pas nous lasser d’espérer en l’autre, ce qui est une condition préalable au pardon :
« Ne désespérons pas facilement des hommes,
ne laissons pas à l’abandon ceux qui sont en péril (à cause du mal qu’ils commettent).
Recherchons avec ardeur celui qui est exposé,
ramenons-le sur le chemin,
réjouissons-nous de son retour…
(Homélie sur la conversion)

 

Envoyer au loin
Mais qu’est-ce donc que pardonner ?
En français, le verbe évoque l’action de donner (donum en latin) au travers (per) de la blessure infligée. Il s’agit de ne pas stopper la générosité de l’amour fraternel, qui veut sauter par-dessus l’obstacle de l’offense pour continuer à se donner, gratuitement. Un peu comme un fleuve submerge un barrage naturel pour continuer à couler vers la mer.
En grec, le verbe employé par Matthieu est φημι (aphièmi) et vient de π(apo = loin de) et de ημι (hiemi = envoyer, forme intensive de iemi = eimi, aller). Le verbe φημι signifie donc : envoyer loin de.

Le Pasteur Marc Perrot commente :
« La question n’est pas celle d’une amnistie, ni celle de payer quoi que ce soit pour solder le compte, la question est ‘d’envoyer au loin’ ce qui est mauvais. Cela veut dire faire en sorte que la victime se porte mieux, d’abord. Cela veut dire aussi que le coupable soit guéri de son problème qui a été source du mal, et qu’il ne fasse pas de nouvelles victimes. Cet aphièmi est une logique de soins en vue du bien. Ce travail ne peut pas être fait si on est dans la logique de la dette à venger, ou dans celle du pardon comme une amnistie. Ce serait comme si un médecin disait à une personne : je vous pardonne votre appendicite, je vous pardonne votre Covid, allez en paix ! C’est bien sympa mais cette absolution ne va pas suffire à « nous délivrer du mal », au contraire » [1].

70 fois 7 fois dans Communauté spirituelleEnvoyer au loin fait irrésistiblement penser au bouc émissaire.
Contrairement à ce que l’on croit trop souvent, le bouc chargé des péchés du peuple d’Israël pour leur expiation n’était pas mis à mort. On le chassait loin du peuple, dans le désert, une fois que l’imposition des mains et la consécration à Azazel l’avaient symboliquement chargé des péchés commis. « Quant au bouc sur lequel est tombé le sort ‘Pour Azazel’, on le placera vivant devant le Seigneur afin d’accomplir sur lui le rite d’expiation, en l’envoyant vers Azazel, dans le désert. [...] Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant et il prononcera sur celui-ci tous les péchés des fils d’Israël, toutes leurs transgressions et toutes leurs fautes ; il en chargera la tête du bouc, et il le remettra à un homme préposé qui l’emmènera au désert. Ainsi le bouc emportera sur lui tous leurs péchés dans un lieu solitaire » (Lv 16,10.21-22).
Autrement dit : le pardon ne veut pas effacer le mal commis – qui peut en gommer la réalité ? –. Il le dénonce, il appelle mal ce qui est mal. Mais il le chasse au loin : au lieu de le nier, de l’effacer, ou au contraire de l’exacerber pour justifier une vengeance, le pardon l’envoie loin de la victime, au désert, là où il ne pourra plus faire de mal. Il la protège ainsi en mettant une distance entre les deux. Il ouvre un avenir avec la possibilité d’oublier, une fois rendu inoffensif le bouc au désert.

Oui, le pardon conduit à l’oubli !
Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il faudrait cultiver pour toujours la mémoire des violences subies. Heureusement que nous oublions les folies meurtrières des guerres de religion, la terreur des anciens empires, les effrayantes noirceurs des siècles passés ! Sinon, c’est la vendetta à l’infini…
Le premier, Dieu oublie, parce que Dieu pardonne. Il oublie en pardonnant ; il pardonne en oubliant. La Bible met dans la bouche de Dieu la promesse de cet oubli d’autant plus salutaire que c’est celui de Dieu lui-même :
« Je deviendrai leur Dieu, ils deviendront mon peuple. […] Je serai indulgent pour leurs fautes, et de leurs péchés je ne me souviendrai plus » (He 8,12).
« De leurs péchés et de leurs iniquités je ne me souviendrai plus. Or, là où il y a eu pardon, on ne fait plus d’offrande pour le péché » (He 10,17-18).
À l’inverse, lorsque Dieu est en colère contre Israël, il le menace de ne pas oublier : « Yahvé l’a juré par l’orgueil de Jacob; jamais je n’oublierai aucune de leurs actions (Am 8,7) ».
Isaïe annonce à Jérusalem qu’elle sera réconciliée avec elle-même grâce à l’oubli de ses iniquités : « N’aie pas peur, tu n’éprouveras plus de honte, ne sois pas confondue, tu n’auras plus à rougir; car tu vas oublier la honte de ta jeunesse, tu ne te souviendras plus de l’infamie de ton veuvage » (Is 54).
Et il décrit un Dieu qui ne tient plus compte du passé :
« On oubliera les angoisses anciennes, elles auront disparu de mes yeux » (Is 65,16).
« C’est moi, moi, qui efface tes crimes par égard pour moi, et je ne me souviendrai plus de tes fautes » (Is 43,25).
C’est la prière constante des psaumes :
« Oublie les péchés de ma jeunesse, mais de moi, selon ton amour souviens-toi ! » (Ps 25,7)
Joseph, après le pardon accordé à ses frères qui l’avaient vendu comme esclave, constate que ce passé ne pèse plus sur sa mémoire, et il en fait le prénom de son fils : « Joseph donna à l’aîné le nom de Manassé (= oublieux, en hébreu) car, dit-il, Dieu m’a fait oublier toute ma peine et toute la famille de mon père » (Gn 41,51).

70 Fois 7 FoisSi pardonner c’est envoyer le mal loin de nous comme un bouc émissaire, nous pouvons le faire et le refaire, 70 fois 7 fois. Cela n’est pas au-dessus de nos forces, car cela vient de l’image de Dieu en nous. « Vous êtes des dieux » nous dit l’Écriture (Ps 82,6 : Jn 10,34). Or le pardon est dans les premiers attributs de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Pardonner restaure la ressemblance divine en nous. Trouver en nous la force du pardon, toujours et encore, nous est donné par l’Esprit de Dieu qui est notre véritable nature, notre hôte intérieur : il veut sans cesse créer et recréer le lien de communion à l’autre, tout l’autre, tous les autres.

La parabole du débiteur impitoyable de ce dimanche nous ajoute une raison supplémentaire à cela : puisque Dieu le premier me pardonne mes 100 000 talents (60 millions de pièces d’argent) de dettes, qui suis-je pour aller étrangler celui qui me doit 600 000 fois moins (100 pièces d’argent) ?

La force de pardonner encore et encore ne vient pas de nous, elle nous est donnée.
« La loi du pardon n’est pas un mince ruisseau à la frontière entre l’esclavage et la liberté : elle est large et profonde, c’est la mer Rouge. Les juifs ne la traversent pas grâce à leurs propres efforts, sur des bateaux faits de main d’homme ; la mer Rouge s’entrouvrit par la puissance de Dieu : il fallut que Dieu les aides à la franchir. Mais pour être conduit par Dieu, on doit communier à cette qualité de Dieu qui est la capacité de pardonner » [2].


[2]. Métropolite Antoine Blum, Prière vivante, Cerf, 2008, p. 34.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis » (Si 27, 30 – 28, 7)

Lecture du livre de Ben Sira le Sage
Rancune et colère, voilà des choses abominables où le pécheur est passé maître. Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ; celui-ci tiendra un compte rigoureux de ses péchés. Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? S’il n’a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses péchés à lui ? Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ? Pense à ton sort final et renonce à toute haine, pense à ton déclin et à ta mort, et demeure fidèle aux commandements. Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, pense à l’Alliance du Très-Haut et sois indulgent pour qui ne sait pas.

PSAUME
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 9-10, 11-12)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour. (Ps 102, 8)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Il n’est pas pour toujours en procès,
ne maintient pas sans fin ses reproches ;
il n’agit pas envers nous selon nos fautes,
ne nous rend pas selon nos offenses.

Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint ;
aussi loin qu’est l’orient de l’occident,
il met loin de nous nos péchés.

DEUXIÈME LECTURE
« Si nous vivons, si nous mourons, c’est pour le Seigneur » (Rm 14, 7-9)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même, et aucun ne meurt pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi, dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur. Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants.

ÉVANGILE
« Je ne te dis pas de pardonner jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois » (Mt 18, 21-35)
Alléluia. Alléluia. Je vous donne un commandement nouveau, dit le Seigneur : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia. (cf. Jn 13, 34)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent). Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette. Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : ‘Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.’ Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘Rembourse ta dette !’ Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : ‘Prends patience envers moi, et je te rembourserai.’ Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait. Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé. Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : ‘Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié. Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’ Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »
 Patrick BRAUD

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3 septembre 2023

Avertir le méchant

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Avertir le méchant

Homélie pour le 23° Dimanche du temps ordinaire / Année A
10/09/2023

Cf. également :
Allez venez, Milord
Lier et délier : notre pouvoir des clés

La correction fraternelle
L’Esprit saint et nous-mêmes avons décidé que…
L’Aujourd’hui de Dieu dans nos vies

« Nous sommes en 1938 ! »
Avertir le méchant dans Communauté spirituelle
C’est le titre d’une tribune de l’essayiste Nicolas Baverez dans le Figaro du 28 février 2022, quelques jours après la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine. Il y traçait un parallèle convaincant entre les erreurs des diplomaties européennes dans les années 30 envers Hitler et les erreurs actuelles de l’Europe et de ses alliés envers Poutine. Hitler n’est pas apparu du jour au lendemain sur la scène internationale. Il est monté progressivement en puissance sans que personne n’ose mettre un coup d’arrêt à son ascension tant que cela était possible. Rappelez-vous : les lois antijuives ne suscitèrent que des protestations verbales sans conséquences, la remilitarisation de la Rhénanie ne rencontra aucune opposition réelle, l’annexion de l’Autriche sous prétexte qu’ils parlaient allemand et que les Sudètes étaient des Allemands à protéger (argument repris par Poutine pour la Crimée et le Donbass !), l’annexion de la Tchécoslovaquie et finalement de la Pologne : toutes ces étapes d’un projet délirant se sont accomplies sans réelle intervention des démocraties européennes. On raconte qu’Hitler lui-même aurait reconnu être surpris par la lâcheté française : si on l’avait stoppé manu militari dès le début, il se serait retiré. Ces coups de bluff ont été payants, grâce à la lâcheté des démocraties européennes.

La conférence de Munich en 1938 consacra cette diplomatie de l’impuissance, acceptant toutes les concessions diplomatiques pour éviter une guerre que la couardise des Français et des Anglais avaient rendue inévitable. D’où le célèbre reproche cinglant de Churchill à Chamberlain en mai 1940 : “Vous aviez à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre”.

Le parallèle entre l’impuissance de 1938 et celle de 2022 est saisissant. Poutine devient premier ministre de la Russie en 1999. Il commence par intensifier la guerre contre les tchétchènes qualifiés de terroristes qu’il va « buter jusque dans leurs chiottes ». Il installe une marionnette pro-russe à la tête de la Tchétchénie : Kadirov jouera, avec Loukachenko l’autre marionnette biélorusse, le rôle de ‘bad cop’ dans la guerre contre l’Ukraine. Poutine  ne s’arrête pas là : en 2008, il prend prétexte des revendications pro-russes des régions séparatistes de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud pour déclencher une guerre contre la Géorgie. Avec déjà les mêmes méthodes : ‘protéger’ les russophiles en envahissant les territoires, délivrer un maximum de passeports russes, exiler les récalcitrants etc. Biélorussie, Tchétchénie, Géorgie… : pendant ce temps, il s’assurait de la neutralité bienveillante de son voisin chinois, qui lui laisse les mains libres à l‘Ouest. Si on ajoute à cela l’intervention militaire en Libye, en Syrie et maintenant en Afrique de l’Ouest (via Wagner), et la modernisation d’une armée de 900 000 hommes, on a le tableau d’une montée en puissance à laquelle personne n’a osé s’opposer vraiment avant l’invasion de l’Ukraine. Et encore ! La riposte défensive que soutiennent les alliés de l’Ukraine laisse  perplexe. Imagine-t-on soutenir un pays agressé en lui interdisant de vaincre son agresseur ? Pouvait-on défendre Paris sans bombarder Berlin ?

Une affiche montrant le visage de Poutine et d'Hitler, lors d'une manifestation pour l'Ukraine à Barcelone.Nicolas Baverez a hélas raison de comparer 1938 et 2022 :
« L’histoire ne se répète pas mais nous livre des enseignements précieux. Si notre monde diffère de celui de l’entre-deux-guerres, la configuration géopolitique présente des ressemblances troublantes. La stratégie de Vladimir Poutine pour remettre en question l’ordre international, assouvir sa soif de revanche et reconstruire l’empire soviétique épouse les étapes de la constitution par Hitler d’un espace vital pour le III° Reich… »

Pourquoi cette longue introduction historique ? Parce que la première lecture (Ez 33,7-9) de ce dimanche ne s’applique pas qu’aux relations interpersonnelles seulement : elle vaut également pour les nations. « Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang ».

Ne pas avertir le méchant, Hitler ou Poutine ou tout autre tyran, c’est devenir complice du malheur à venir, c’est se condamner à subir le déshonneur et la guerre. L’avertissement doit être rigoureux, et d’ailleurs Jésus dans l’Évangile de ce dimanche (Mt 18,15-20) va jusqu’à envisager l’exclusion de la communauté si la correction fraternelle ne fait pas changer celui qui commet le mal. Paul appliquera cette pédagogie jusqu’au bout en demandant d’exclure de la communauté de Corinthe un incestueux qui ne voulait pas changer de conduite (1Co 5,1-13).

Étouffer le mal dans l’œuf, l’éradiquer avant qu’il ne soit trop fort : voilà une responsabilité spirituelle qui demande courage, discernement, et force d’intervention !

 

Socrate versus Augustin

Nul n’est méchant volontairement”
 Augustin dans Communauté spirituelle
Mais qui est le méchant qu’Ézéchiel et nous-mêmes devons avertir ?
On n’ose plus guère employer ce terme de méchant, peut-être par peur du jugement moral, ou pour éviter tout conflit. Socrate trouve même une excuse pour ne pas essentialiser le méchant, pour ne pas le réduire à sa méchanceté : “Nul n’est méchant volontairement”, affirme-t-il (dans le Protagoras de Platon).

Si la méchanceté peut être définie comme le fait de causer du tort à quelqu’un délibérément, alors pour Socrate, elle ne peut constituer un trait de caractère humain. Selon lui, en effet, les personnes méchantes agissent par aveuglement, sans savoir qu’elles font le mal : « Nul n’est méchant volontairement ». Comment comprendre cette formule étonnante ? Le philosophe précise que tout le monde désire le bien et que personne ne peut vouloir le mal pour le mal. Le bien est la source de toutes nos actions. Il arrive ainsi que certains commettent le mal malgré eux par ignorance, parce qu’ils ont pris le mal pour le bien ou parce que leur point de vue était mal renseigné : ils ne comprennent pas, par exemple, qu’en se comportant de manière injuste se rendent malheureux et se font du mal à eux-mêmes. Dans ces conditions, ce qu’on prend pour de la méchanceté ne repose finalement que sur un malentendu ou un défaut de connaissance. Être méchant pour Socrate, c’est tout au plus commettre une erreur d’appréciation sur la véritable nature du bien. Si Socrate continue de nous parler, c’est que nous savons que la liberté ne consiste pas (seulement) à vouloir, mais aussi à savoir ce que nous faisons.

C’est une piste que suit la traduction grecque d’Ézéchiel (la LXX) en employant le nom pécheur au lieu de méchant. Or le pécheur est celui qui commet un péché, mais ne s’y réduit pas. Alors que le méchant l’est par essence, et c’est sa nature de commettre le mal. D’ailleurs en grec le mot péché ἁμαρτία (hamartia) signifie : manquer sa cible. Le pécheur (méchant) se trompe lui-même en poursuivant une autre cible que celle qui lui permettrait de devenir lui-même. Il manque sa cible en se trompant de cible. Il confond la gloire et l’amour, la richesse et le bonheur, la domination et la reconnaissance, la soumission et la fidélité, la force et l’efficacité… Aucun homme ne fait le mal volontairement, car le mal est essentiellement nuisible à qui le commet. Or aucun homme ne saurait vouloir se nuire à lui-même. Celui qui fait le mal croit forcément faire le bien, mais se trompe sur la réalité du bien. Quant à celui qui fait le mal, tout en prétendant connaître le bien, il se leurre sur la réalité de sa connaissance.

ze-conseil-du-jeudi-20180621-1024x1024 HitlerC’est pourquoi Jésus cloué sur la croix prie pour les soldats qui sont alors les méchants du Calvaire : « Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,34). Et Paul renchérit : « s’ils avaient su, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire » (1Co 2,8). Pour tout une tradition chrétienne, avertir le méchant c’est lui ouvrir les yeux sur la réalité de ses actes, afin qu’il s’en détourne et qu’il vive, selon la parole d’Isaïe que Jésus aime à répéter : « je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18,23;33,11). Car le méchant est un aveugle qui s’ignore. Il ne sait pas ce qu’il fait. Par exemple, le roi David est dans le rôle du méchant lorsqu’il désire Bethsabée, puis la viole, et fait tuer son mari militaire en l’envoyant au front ! Aveuglé par son désir qu’il confondait avec l’amour, David se trompait de cible en poursuivant cette liaison adultère, assassine et violente. Il faudra le courage du prophète Nathan pour lui ouvrir les yeux, grâce à la parabole d’un riche qui dépouille un pauvre vigneron de sa vigne unique : « cet homme, c’est toi » (2S 12,7). Là enfin, David prend conscience de ce qu’il a fait, et change radicalement.

Avertir le méchant, si l’on suit cette ligne Socrate–Ézéchiel–Nathan–Jésus, c’est d’abord croire en sa dignité humaine, voilée par son péché, mais potentiellement réactivable. Puis c’est avoir le courage de lui dire ses quatre vérités en lui mettant sous les yeux la réalité du mal commis. Et enfin lui ouvrir une voie de changement radical (techouva = retour à Dieu) pour qu’il reprenne sa place dans la communion fraternelle (cf. Ez 18,21.27;33,14–15).

Attention cependant : les justes risquent de trouver cette miséricorde injuste ! Israël a très vite pensé que la miséricorde de YHWH envers les païens était exagérée : « si le méchant se détourne de sa méchanceté, pratique le droit et la justice, et en vit, alors vous dites : ‘La conduite du Seigneur est étrange’ » (Ez 33,19-20). Dans l’évangile de Luc, le fils aîné de la parabole s’indigne de la possibilité offerte à son frère prodigue de revenir à la table familiale, fêté en héros avec du veau gras à profusion. Jésus a dû souvent répéter ce passage d’Ézéchiel à ceux que scandalisait son bon accueil des pécheurs : « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. En effet, je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs » (Mt 9,13).
Avertir le méchant, c’est paradoxalement s’exposer à la colère des « gentils » qui ne veulent pas que d’autres obtiennent par grâce ce que eux ont eu tant de mal à acquérir par le mérite…

 

Le simple plaisir de faire ce qui est défendu”
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Saint Augustin quant à lui prend l’exact contre-pied de Socrate ! Il incarne une autre tradition chrétienne – tout aussi légitime – plus réaliste, voire pessimiste. Il observe : « Nul n’est méchant que par le fait de sa volonté propre. Qui le nie ? » Pour lui, le mal est toujours accompli par un coupable pécheur. Et il sait de quoi il parle, puisqu’il raconte dans les Confessions comment il a volé des poires dans un verger alors qu’il était adolescent, non par gourmandise puisqu’elles n’étaient ni belles ni bonnes et qu’il ne les a pas mangées, mais par volonté de transgression, c’est-à-dire par pure malice : « Ce n’est pas de l’objet convoité par mon larcin, mais du larcin même et du péché que je voulais jouir », écrit-il. Comme il se le reproche des années plus tard, une fois converti au Christ, Augustin dit alors avoir éprouvé une étrange volupté à accomplir ce qui était interdit et s’étonne d’avoir aimé sa propre « difformité ». Cette expérience lui a donc permis de découvrir sa propre méchanceté et de s’interroger sur l’origine de ce plaisir pris à commettre le mal.
Dans son Traité du libre arbitre, il écrit: «Dieu a conféré à sa créature, avec le libre arbitre, la capacité de mal agir, et par-là même, la responsabilité du péché.» Ou encore : «Ce qui ne serait pas fait volontairement ne serait ni péché, ni bonne action; et ainsi, le châtiment aussi bien que la récompense serait injuste, si lhomme navait pas une volonté libre.» Il ne peut y avoir de justice si l’on ne peut pas attribuer une volonté libre et donc une responsabilité à celui qui agit. Ce qui est devenu une évidence pour nous a nécessité une véritable révolution philosophique. Il aura fallu introduire l’idée du péché pour ouvrir la porte à celle de la responsabilité morale. Socrate pouvait concevoir que l’agir soit infléchi par les désirs les plus irrationnels. Il ne pouvait imaginer une âme qui se donnerait pour visée explicite le mal. Une fois l’idée de la nature pécheresse de l’homme établie, l’articulation du mal et de la liberté devenait pensable.

HannibalFinal1.0 PoutinePour autant, les humains sont-ils condamnés à faire le mal lorsque la situation semble l’imposer ? Pas nécessairement. Le mal n’est que la conséquence logique de notre faculté à être libres. Même si nous « voulons » le bien, nous restons toujours et irréductiblement libres d’agir autrement, de nous soustraire aux injonctions de la morale et donc de faire le mal. Être méchant, c’est donc plutôt être faible et faillible, céder à ce que Kant appelle « une fragilité de la nature humaine ».

Augustin n’en tire pas la conclusion que nous serions par nature totalement méchants. Il pose les bases de ce qu’on appellera après lui le péché originel. C’est d’abord le triste constat que tout être humain est traversé par l’inclination au mal, et qu’il peut prendre plaisir à y céder.
Ne soyons donc pas naïfs. Excuser le mal ne sert à rien. Il faut le combattre, et cela commence par appeler un chat un chat, à ne pas travestir le mal en bien, et à avertir le méchant que sa conduite le mène à sa perte. Le mal n’est pas commis involontairement, mais en toute conscience, lucidement. Il y en chacun de nous une inclination à aimer le mal pour lui-même, à y prendre du plaisir en sachant que c’est mal.
Étaler sous les yeux de Poutine les centaines de milliers de morts, de blessés, d’exilés de la guerre qu’il mène ne suffira pas à le détourner du mal. Il en faudra davantage.

Avertir le méchant demande alors de l’empêcher de nuire et non pas de se contenter de lui ouvrir les yeux. Et s’il a fallu pour cela bombarder Berlin, c’était un moindre mal par rapport aux millions de morts et de déportés qu’aurait engendré une non-intervention complice. En 1945, c’était déjà hélas trop tard…

 

Avertis, sinon tu mourras !
 Socrate
Quelle que soit la ligne choisie, Socrate ou Augustin, Ézéchiel prévient : si tu ne le fais pas, le méchant finira par mourir de sa méchanceté mais à toi « je demanderai compte de son sang ». Si par contre tu avertis le méchant, quelle que soit sa réponse, toi tu auras sauvé la vie. Voilà l’effet boomerang de l’avertissement : il revient à son expéditeur en cause de salut, alors que l’inaction condamne celui qui laisse le mal se propager.
Même sur la pelouse d’un stade, l’arbitre ne doit pas hésiter à sortir le carton jaune, voire rouge, pour avertir un joueur de son comportement hors-jeu.

Si nous avons peur du méchant – en entreprise, en famille, en Église, dans la vie associative etc. – qu’au moins la peur de mourir nous-même (moralement, spirituellement) nous pousse à l’interpeller !

Avertir le méchant est une question de vie ou de mort.
Prions pour trouver en nous le courage de dénoncer le mal sans trembler, sans oublier que nous sommes aussi capables d’être le méchant d’un autre…

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Si tu n’avertis pas le méchant, c’est à toi que je demanderai compte de son sang » (Ez 33, 7-9)

Lecture du livre du prophète Ézékiel
La parole du Seigneur me fut adressée : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. »

PSAUME
(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

DEUXIÈME LECTURE
« Celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » (Rm 13, 8-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, n’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. La Loi dit : Tu ne commettras pas d’adultère,tu ne commettras pas de meurtre,tu ne commettras pas de vol,tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour.

ÉVANGILE
« S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (Mt 18, 15-20)
Alléluia. Alléluia. Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
 Patrick BRAUD

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2 août 2023

JMJ Lisbonne : quels jeunes français y vont ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 10 h 38 min

JMJ Lisbonne : quels jeunes français y vont ?
Les Journées Mondiales de la Jeunesse débutent aujourd’hui à Lisbonne.
Près de 40 000 jeunes français sont attendus pour l’évènement.
C’est à la fois très peu et beaucoup.
Très peu, car le Portugal est un pays proche, culturellement et géographiquement, facile d’accès, pas cher.
Beaucoup, car les autres délégations européennes ne sont pas plus brillantes.
Reste que c’est un petit groupe, à l’échelle de la France, qui y participe.
Pourra-t-il jouer le rôle de levain dans la pâte ?

Le quotidien La Croix, dans son numéro du 25 Mai, a analysé la composition sociologique de cette délégation.

JMJ 2023 Sondage La Croix

 JMJ 2023 Sondage La Croix

Une légère inquiétude peut naître à la lecture de ce sondage :
- la plupart sont issus de familles cathos très pratiquantes (80% à 92%)
- ils viennent presque tous (87%) des classes sociales les plus riches…
- beaucoup ont pensé à la vocation religieuse, trace d’une culture familiale très influente en la matière. On peut penser que le style de ces vocations religieuses serait plus proche de la Communauté St Martin que de l’ordre jésuite…
- et finalement très peu (18%) se sentent en plein accord avec le pape François (qualifié de ‘progressiste’).

Si ce profil reflète fidèlement la jeunesse dans nos églises, on constate que le repli identitaire et plutôt traditionnel guette nos paroisses, nos diocèses…
Il suffit par exemple de le comparer à la poussée évangéliste dans les jeunes de milieux défavorisés pour pressentir un grand écart en train de se creuser entre des communautés chrétiennes ultra-minoritaires, issues des milieux aisés et conservateurs, se constituant en contre-sociétés alternatives radicales, et le reste de la société française, « archipélisée » et loin de l’institution Église.

Heureusement, cette tendance est très française : les autres pays ou continents ont une autre vigueur évangélisatrice !

 

Pour mémoire, voici la carte des précédentes JMJ, avec le nombre total de participants :

Carte JMJ

Source : https://eglise.catholique.fr/jmj-journees-mondiales-jeunesse/jmj-2023-lisbonne/quest-ce-que-les-jmj/451197-histoire-jmj/

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16 juillet 2023

Le sperme et la zizanie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le sperme et la zizanie

Homélie pour le 16° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
23/07/2023

Cf. également :
Accepter l’ivraie en chacun
Le levain dans la pâte : interprétations symboliques
Ecclésia permixta
La patience serait-elle l’arme des forts ?
Foi de moutarde !
Quelle est votre écharde dans la chair ?
Le pur et l’impur en christianisme

Semer la zizanie
Astérix - La Zizanie - n°15
Les fans d’Astérix et Obélix se souviennent du 15° album d’Uderzo et Goscinny : « La zizanie » (1970). On y voyait un petit personnage romain envoyé par César dans l’irréductible village gaulois pour y répandre la discorde afin de l’affaiblir et de l’envahir. Tullius Detritus – le bien nommé – distillait ses petites phrases acides, pleines de sous-entendus, et suscitait ainsi jalousies et disputes. On le recommande à César en ces termes : « vous verrez, JC, c’est un être immonde, mais très efficace. L’horrible visage vert de la discorde apparaît sur son passage ; ça tient du prodige ». Et de fait, la couleur vert pâle puis vert foncé remplit les bulles des dialogues dès que Detritus est dans la pièce…

L’expression semer la zizanie - qui a bien failli vaincre Astérix et les siens en les divisant ! – vient de la parabole de ce dimanche (Mt 13,24-43). Ce que la traduction appelle ivraie est le nom grec ζιζνιον (zizanion), qui a donné zizanie. Au temps de Jésus, zizanion était une céréale, ressemblant beaucoup au blé au début de sa croissance, mais se révélant ensuite être une graminée plutôt nuisible, car étouffant le blé et de mauvais goût. Elle avait même la réputation de rendre ivre. Une espèce de mauvais seigle en somme, qui compromet la qualité de la moisson. Ses racines s’enchevêtrent avec celles du blé, si bien qu’il est impossible d’arracher l’un sans l’autre.

Le mal semé en nos cœurs est à l’image de ce zizanion : indissociablement mêlé au bien, difficile à reconnaître au début, au goût amer, enivrant, capable de compromettre toute une vie…

C’est en référence à notre parabole que le mot latin puis français zizanie a été forgé. Il en est venu à désigner ce qui divise, ce qui compromet la cohésion de la récolte, l’élément étranger qui dresse les uns contre les autres. On a déjà dit que le diable est justement le diviseur (dia-bolos) par opposition au symbole (syn-bolon) qui unit et rassemble. Semer la zizanie est bien œuvre ‘dia-bolique’, au sens où elle veut défaire les liens de communion (koïnonia) et d’amour qui sont les caractéristiques du royaume de Dieu que Jésus veut nous faire imaginer par cette parabole.

Le sperme et la zizanie dans Communauté spirituelle Tullius%2BDetritusOù sont les Tullius Detritus d’aujourd’hui ?

- Dans nos familles, lorsque nous laissons le soupçon, le doute, les non-dits, les sous-entendus miner l’entente fraternelle.
- Dans nos entreprises, lorsque la rivalité entre égos ou l’appât du gain, d’une promotion, d’une reconnaissance etc. sapent peu à peu l’ambiance de travail dans une équipe. Il suffit de peu pour que la couleur verte de la zizanie fasse tache d’huile entre collègues !
- Dans une Église également, Tullius Detritus est à l’œuvre ! Les rumeurs, les jalousies, les silences accumulent les rancœurs et donnent envie de s’éloigner sur la pointe des pieds ou de claquer la porte avec fracas.

Quand sommes-nous complices de ces semeurs de zizanie qui lentement défont les liens entre nous ?

 

La croissance du sperme
 parabole dans Communauté spirituelle
Heureusement, il y a d’abord la force intrinsèque du blé semé. Le grec emploie le mot σπρμα (sperma) = sperme, qui désigne la semence végétale (Gn 1,11–12). Par extension, σπρμα désigne aussi la semence humaine, la fécondité, la postérité accordée à Abraham et ses descendants comme une bénédiction divine. Les Pères de l’Église parlaient du « Logos spermatikos » pour désigner les « semences du Verbe », ces préparations évangéliques répandues dans toutes les cultures bien avant le Christ, comme des pierres d’attente de la révélation pour croître et porter du fruit.

La parabole nous invite à faire confiance à la puissance intrinsèque de ce sperme, de ces germes de vie, ces commencements à la fois si petits et si pleins de promesses. Certes, ces semences sont menacées de toutes parts. Mais elles croissent, elles se renforcent, elles poussent vers le ciel et engendrent de lourds épis qui apportent l’abondance. « Qu’il dorme ou qu’il se lève, le grain pousse tout seul, et il ne sait comment » (Mc 4,26-29).

Lutter contre le mal n’est donc pas s’opposer frontalement à lui, au risque de lui devenir semblable, mais cultiver le bien tout autour, jusqu’à ce que la croissance du blé submerge l’ivraie invasive.

 

Sur le champ, mais quel champ ?
Matthieu met sur les lèvres de Jésus un commentaire allégorique de sa parabole. Gageons que c’est pour Matthieu un moyen d’asseoir sa propre explication telle qu’il l’a entendue dans sa communauté judéo-chrétienne. Nous savons qu’il y en a d’autres !
Attardons-nous sur le champ dans lequel sont semés le sperme et la zizanie. Que peut-il désigner ?

* Le champ, c’est le monde
Image-11 sperme
Voilà la première interprétation proposée par Matthieu. Et c’est vrai que le monde n’est ni blanc ni noir, ni bon ni mauvais totalement. Les utopies politiques qui ont rêvé d’éradiquer le mal du monde pour faire le bonheur des peuples (malgré eux !) se sont révélées catastrophiques et inhumaines. Les socialismes révolutionnaires ont conduit à des dictatures sanglantes, sous prétexte d’imposer à tous la bonne direction de l’Histoire. Cette naïveté vaguement rousseauiste a le sang de millions de morts sur les mains. Montaigne écrivait déjà : « là où il y a l’homme, il y a de l’hommerie ». Et Blaise Pascal insistait : « qui veut faire l’ange fait la bête ». Croire qu’on peut éradiquer le mal ici-bas est une illusion dangereuse et meurtrière.
À l’inverse, ne rien faire en laissant l’ivraie proliférer n’est pas conseillé ! Le semeur de la parabole fait son travail en semant au mieux, le plus serré possible. Ainsi l’ennemi aura moins de latitude pour répandre son venin.

La droite politique française croit que le marché est autorégulateur, elle ne veut pas combattre le mal au nom du respect des supposées ‘lois’ de l’économie. La gauche quant à elle croit que la morale prime sur tout, et que l’indignation suffit à instaurer le royaume de Dieu sur la terre. En réalité, la gauche croit pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie dès aujourd’hui, alors que la droite se résigne et compose avec. En d’autres termes, la gauche ne croit pas au péché originel (on pourrait éradiquer le mal) alors que la droite ne croit pas en la rédemption (il n’y aurait rien à faire contre le mal). On devine ce que le courant de la démocratie chrétienne pourrait puiser comme inspiration politique dans notre parabole pour se tenir à distance de ces deux excès…

 

* Le champ, c’est l’Église
 zizanie
Il se peut que Jésus ait pensé avec notre parabole aux Esséniens, aux Pharisiens, aux Samaritains, aux Sadducéens et autres groupes sectaires qui pullulaient en Israël. Matthieu l’a ensuite appliquée aux lapsi pendant les persécutions : à ceux qui voulaient les exclure une fois pour toutes, même s’ils se repentaient, Matthieu répond que Dieu seul est juge pour trier les bons et les mauvais chrétiens, et que cela n’appartient à personne, pas même à l’Église. ‘Soyez patients et espérez la conversion du pécheur sans vouloir l’exclure définitivement de la communauté’, semble-t-il dire avec cette parabole aux purs et durs qui maniaient l’excommunication un peu trop facilement.
Par la suite, les innombrables hérésies des six premiers siècles au moins ont sans cesse fait resurgir ce dilemme face aux déviants : l’exclusion ou le pardon ? la sanction ou la patience ? l’idéal d’une pureté rêvée ou l’humble acceptation du réel mélangé ?

À l’heure où notre Église est déstabilisée par tant de scandales, d’abus et de procès en tous genres, la tentation refait surface : donnons un grand coup de balai pour repartir à zéro ! Éradiquons tous ceux et celles qui sont compromis, et nous redeviendrons la sainte Église…

Quelle illusion, quel orgueil de vouloir ainsi tout maîtriser ! Et où est passée la miséricorde que Jésus a offerte au criminel à sa droite ? Ou la patience qui nous demande d’attendre le jugement dernier avant la moisson finale ?
Nous ne sommes pas les cathares (‘parfaits’) du XXI° siècle, et notre Église est ce champ mélangé où la croissance est plus importante que l’arrachage. Le Catéchisme de l’Église catholique l’avoue humblement en s’appuyant notamment sur notre parabole du bon grain et de l’ivraie :

« Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement  » (LG 8 cf. UR 3;6). Tous les membres de l’Église, ses ministres y compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1Jn 1,8-10). En tous, l’ivraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 13,24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification (n° 827) ».

 

* Le champ, c’est le royaume des cieux
Le début de notre évangile nous met sur la piste : « le royaume des cieux est comparable à … ». Ce dont parle Jésus est une réalité eschatologique, qui appartient à l’accomplissement de l’histoire (nous ne savons ni quand ni comment). Ce n’est que dans le royaume, « à la fin », que la séparation du bon grain et de l’ivraie aura lieu. D’ici là, impossible de trancher à la place de Dieu.

Une raison de plus d’être contre la peine de mort : Dieu seul est le juge ultime ! Aucune institution ecclésiale ni judiciaire ne peut prétendre incarner cette réalité ultime qu’est la séparation entre le blé et l’ivraie.

De quoi relativiser toute absolutisation de la loi, de la morale, de l’identité communautaire etc…

 

* Le champ, c’est moi
Soyons lucides sur nous-même : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19). Il y a en chacun de nous des contradictions internes, indépassables, jusqu’à notre mort. Cette inclination au mal ne vient pas seulement de l’éducation, ou de la société, ou de notre histoire personnelle. Elle est inscrite en nous dès notre naissance « comme une écharde dans notre chair » (2Co 12,7), comme pour nous rappeler à l’humilité, à nous aimer nous-même avec miséricorde.

Chacun a sa part d’ombre. Chacun ses zizanies.
Dieu ne nous promet pas de nous l’enlever, mais de faire grandir en nous la moisson à tel point que la présence de l’ivraie y sera anecdotique.

Pourquoi m’étonner du mal en moi ? Pourquoi m’y résigner ?
Le Christ nous invite à combattre par le bien, le parasite par la surabondance, l’écharde par la marche en avant.

 

* Le champ, c’est l’autre
Du coup, comment ne pas accorder à autrui la même complexité intérieure que celle que je découvre en moi ? Ceux qui sont durs envers les autres le sont d’abord envers eux-mêmes. L’autre est mélangé, comme moi : comment lui en vouloir ? Vouloir le changer – ou l’éliminer – par la force, c’est se condamner soi-même. D’où la stratégie spirituelle de Jésus : « Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6,28), que Paul reprendra fidèlement :
« Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal. (…) Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. (…) Bien-aimés, ne vous faites pas justice vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu. Car l’Écriture dit : C’est à moi de faire justice, c’est moi qui rendrai à chacun ce qui lui revient, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire : en agissant ainsi, tu entasseras sur sa tête des charbons ardents. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,14-21).

Trier les uns et les autres, les bons et les mauvais, trancher, classer, ranger, étiqueter, évaluer, départager, condamner, c’est cela juger : prononcer une parole dernière et définitive sur quelqu’un. C’est un désir spontané, quasiment naturel, mais qui est aussi enseigné aux humains que nous sommes, dès l’enfance. C’est toute une façon de regarder, de penser, d’agir, qui trouve hélas tant de défenseurs !

Mieux vaut parier sur le désir-du-bien caché en l’autre que de vouloir éliminer le mal en lui…

 

Que ce soit dans le monde, dans l’Église, dans le Royaume des cieux, en moi ou en l’autre, parions donc sur la croissance du bien plutôt que de vouloir éradiquer le mal !

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Après la faute tu accordes la conversion » (Sg 12, 13.16-19)

Lecture du livre de la Sagesse
Il n’y a pas d’autre dieu que toi, qui prenne soin de toute chose : tu montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes. Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion.

PSAUME
(Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab)
R/ Toi qui es bon et qui pardonnes, écoute ma prière, Seigneur. (cf. Ps 85, 5a.6a)

Toi qui es bon et qui pardonnes,
plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,
écoute ma prière, Seigneur,
entends ma voix qui te supplie.

Toutes les nations, que tu as faites,
viendront se prosterner devant toi,
car tu es grand et tu fais des merveilles,
toi, Dieu, le seul.

Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité !
Regarde vers moi,
prends pitié de moi.

DEUXIÈME LECTURE
« L’Esprit lui-même intercède par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 26-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.

ÉVANGILE
« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13, 24-43)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’ Il leur dit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.’ »

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »

Et cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde. Alors, laissant les foules, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Patrick BRAUD

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