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3 août 2025

À grand pouvoir, grandes responsabilités

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

À grand pouvoir, grandes responsabilités


Homélie pour le 19° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
10/08/25


Cf. également :

Par la foi…

Avec le temps…
La sobriété heureuse en mode Jésus
Restez en tenue de service
Agents de service
Manager en servant-leader
Jesus as a servant leader
Aimer Dieu comme on aime une vache ?

 

1. Spider-Man aurait-il écouté Jésus ?

La scène est culte : le jeune Peter Parker est dans la voiture de son oncle Ben. Il ne sait pas encore qu’il deviendra Spider-Man, mais son oncle – sans le savoir – le prépare à cette mission en lui confiant une maxime qui fera son chemin dans la tête du jeune héros aux supers pouvoirs d’araignée : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Et Ben se fait assassiner peu après par des voyous. Comme si le prix de cette maxime était de donner sa vie… Parker ne cessera de réfléchir à cette phrase tout au long de son apprentissage de Spider-Man : ses pouvoirs ne lui ont pas été confiés pour faire des cabrioles, épater les filles ou s’enrichir facilement. Parker se découvre responsable de mettre ses pouvoirs au service de la justice, de la paix dans la cité, quitte à risquer sa vie lui aussi pour cela.

Comment ne pas y entendre un écho de la phrase de Jésus dans notre Évangile (Lc 12,32-48) : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage » ?

 

L’usage de l’association « grand pouvoir » et « grande responsabilité »  remonte au moins à l’époque de la Révolution française. On retrouve cette phrase :

« Ils doivent envisager qu’une grande responsabilité est la suite inséparable d’un grand pouvoir » (Comité Danton, 7 mai 1793).

En 1906, Winston Churchill, en tant que sous-secrétaire du Colonial Office, déclare : « Là où il y a un grand pouvoir, il y a une grande responsabilité ».

Pour Spider-Man, la phrase est apparue pour la première fois dans en 1962, dans une légende narrative du dernier panneau de la bande dessinée :

« Et une silhouette maigre et silencieuse s’estompe lentement dans l’obscurité croissante, consciente enfin que dans ce monde, avec un grand pouvoir doit également venir une grande responsabilité ».

 

Spider-Man - À Grand Pouvoir Correspond Grande ResponsabilitéLuc 12,48 nous apparaît alors comme le fondement d’une éthique de la responsabilité, dans toutes ses dimensions : individuelle, collective, pour soi-même, pour autrui, pour le monde, pour les générations futures. Comme le serviteur chanceux de la parabole des talents qui a reçu plus que les autres, ceux qui sont bourrés de qualités et de pouvoir – par héritage, par mérite, par hasard – ont comme Spider-Man l’immense responsabilité de les faire servir au bien commun. Plus tu as reçu, plus tu peux et dois donner. Paul le rappelait sans cesse : « Qu’as-tu que tu n’es reçu ? » (1Co 4,7), à la suite de Jésus : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement » (Mt 10,8).

 

Le premier à avoir vécu jusqu’au bout – « jusqu’à l’extrême » – ce contre-don est Jésus lui-même : son Père l’a comblé de l’Esprit plus qu’aucune créature ; il a fait de lui l’Oint de YHWH débordant de charisme, de pouvoir, en paroles et en actes. Jésus a fait fructifier ces talents reçus de son Père jusqu’à se livrer entièrement lui-même. À la fin de sa vie, il reprend le verbe « confier » de Luc 12,48 (« celui à qui on a confié davantage ») pour rendre à son Père le centuple de ce qu’il avait reçu : « Père, entre tes mains je confie mon esprit » (Lc 23,46). Son privilège de Fils unique l’obligeait à servir.

Depuis Jésus – l’enfant gâté, comblé, héros aux supers pouvoirs divins –, nous savons que le don est une dette, la puissance une charge, la connaissance un appel à agir.

 

Explorons les dimensions de la responsabilité que nous confèrent les dons reçus.

 

2 Responsabilité personnelle

Être responsable, c’est étymologiquement être capable de répondre (à quelqu’un, de quelque chose ou de quelqu’un). L’irresponsable n’est pas jugé par la loi : on l’enferme dans un hôpital psychiatrique en espérant que les traitements lui feront trouver une certaine conscience de lui-même, afin de pouvoir répondre de ses actes.

À grand pouvoir, grandes responsabilités dans Communauté spirituelle theatre-masks-1559681_1080x675

per-sona : le son passe au travers du masque de théâtre pour parler au public

Le premier responsable de mes actes – sauf maladie mentale – c’est bien moi, en personne. Le christianisme préfère le terme de personne à celui d’individu, car la personne n’existe qu’en relation avec d’autres (per-sona en latin = masque de théâtre = faire passer le son de la parole à travers quelqu’un pour communiquer avec autrui) alors que l’individu est un atome isolé, supposé insécable (in–divisis en latin = qu’on ne peut diviser), ce qui relève d’une conception proprement libérale de l’être humain, bien loin de la personne à l’image du Christ et des trois personnes trinitaires. Ainsi la responsabilité personnelle n’est jamais isolée du contexte ni de la communauté, tout en gardant le caractère singulier du sujet qui agit.

Reste que cette dimension personnelle de la responsabilité est inaliénable ! Je ne peux me défausser devant celui qui me demande des comptes sur la gestion de mes talents, en lui répondant : « Ce n’est pas moi ; c’est la conjoncture, la fatalité, la société, c’est les autres ». Je ne peux répondre à la place d’un autre, et personne ne peut répondre à ma place. Voilà de quoi nous rendre humbles ! Car qui peut répondre : « j’ai toujours fait le maximum en tout temps en tout lieu avec tous et chacun » ?

 

Origène insiste sur la responsabilité accrue de ceux qui ont reçu plus de dons spirituels ou de connaissances. Pour lui, la grâce est un appel à la vigilance et non un motif d’orgueil : « Si donc tu as reçu plus que les autres, ne t’enorgueillis pas, car on exigera de toi davantage. (…) Plus tu as reçu de grâce, plus il te faut craindre, car la mesure du don devient la mesure du jugement. »

Cette perspective du jugement (dit « particulier » par distinction du « jugement général » de tous à la fin des temps) devrait rendre simples les puissants, et modestes les grands de ce monde, comme l’y invitait Augustin : « Si l’on doit demander beaucoup à celui à qui on a beaucoup donné, que celui qui a reçu beaucoup s’humilie davantage. »

C’est pourquoi on reçoit en tremblant des nominations importantes, des promotions prestigieuses, des postes de commandement, des fortunes à gérer, des succès personnels à convertir en progrès pour tous : « La grâce augmente la charge, tandis que l’ignorance peut excuser » noter Grégoire le Grand. C’est pourquoi « les serviteurs fidèles redoutent plus la grâce que l’ignorance ». Grégoire souligne la gravité de la responsabilité morale attachée à la connaissance et à la grâce. Il voit dans Luc 12,48 un fondement de l’idée que le savoir entraîne une obligation morale.

 

ALORS...ACCEPTERLARESPONSABILITÉ Hans Jonas dans Communauté spirituelleCyrille d’Alexandrie dit la même chose, sur le plan de la connaissance (savoir théologique, intellectuel, scientifique etc.) : « Il est juste que le Seigneur demande plus à celui à qui il a révélé davantage, car une lumière plus grande appelle une obéissance plus parfaite ». Celui qui a eu plus de lumière (révélation, connaissance, grâce) doit vivre dans une fidélité plus grande.

 

C’est donc une mise en garde sérieuse à tous ceux qui en ce monde ont reçu plus de pouvoir, savoir et d’avoir que les autres : ne vous endormez pas sur vos talents, ne les enfermez pas dans des greniers clos ; faites les circuler, pour le bien du plus grand nombre.

 

Vous allez peut-être botter en touche en objectant : « Je ne suis ni Vladimir Poutine ni Elon Musk, ni Bernard Arnault ni Van Gogh » ! Si cette dérobade vous tente, il est temps de prendre un bon coach qui vous aidera à prendre conscience des trésors qui dorment en vous. Quel être humain peut dire : « Je n’ai rien reçu » ? Même la personne la plus handicapée a des pouvoirs incroyables : liens d’affection, vie intérieure, capacité d’émouvoir, simplicité émotionnelle, appel au dépassement, à l’essentiel etc.

Chacun, dans sa vie de famille, de travail, d’amitié, d’engagements sportifs, associatifs etc. peut mobiliser en lui tel savoir/savoir-faire/savoir être qui fait de lui un Spider-Man de poche, si précieux pour le bien commun autour de lui.

 

3. Responsabilité collective

Le philosophe Hans Jonas (1903–1993) peut nous aider à élargir encore l’impact de Luc 12,48 en dépassant la simple dimension individuelle de la responsabilité.

 

Une responsabilité proportionnée à la puissance.

 pouvoirDans son ouvrage majeur Le Principe responsabilité (1979), il défend l’idée que l’éthique traditionnelle — centrée sur la proximité, le court terme, et les effets visibles des actes — est devenue inadéquate face à l’échelle du pouvoir technologique moderne. Le progrès a donné à l’homme une capacité d’action sans précédent, capable d’affecter non seulement les individus contemporains, mais aussi les générations futures, les écosystèmes et l’avenir même de la planète.

Cette capacité nouvelle impose une responsabilité accrue. Jonas énonce un principe fondamental : « Le pouvoir implique un devoir ». Cela signifie que toute augmentation de notre pouvoir d’agir entraîne un accroissement corrélatif de notre responsabilité morale. « La responsabilité nous en incombe sans que nous le voulions, en raison de la dimension de la puissance que nous exerçons quotidiennement […] Cette responsabilité doit être du même ordre de grandeur que cette puissance. »

Ce principe trouve une expression claire et précoce dans Luc 12,48. En effet, la phrase de Jésus n’est pas une simple mise en garde spirituelle ; elle définit une éthique asymétrique de la justice : plus on a reçu (en savoir, en pouvoir, en ressources, en privilèges), plus on est redevable. Il n’y a pas de don sans dette, pas de privilège sans contrepartie.

 

Anticiper les conséquences à long terme.

Jonas plaide pour une éthique téléologique, orientée vers l’avenir : l’homme doit anticiper les conséquences de ses actes sur le long terme, en particulier dans leur impact sur la survie de l’humanité et la biosphère. Il réforme ainsi l’impératif kantien en le projetant dans l’avenir : « Agis de manière que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre »

Cette éthique de la prévoyance résonne avec l’exigence morale exprimée par Jésus : rendre compte de ce qui nous a été confié. Le verbe « confier » dans Luc 12,48 renvoie à une idée de gestion, de mandat, voire de délégation sacrée. Qu’il s’agisse de l’âme, de la connaissance, des autres, ou de la nature, le don reçu est une charge. Il est confié à notre liberté, mais nous devrons en répondre. Jonas et Luc se rejoignent dans l’idée d’une responsabilité orientée vers le futur, exigeante et asymétrique : celui qui a le plus doit le plus.

 

Une responsabilité pour le vivant et pour l’humanité, pour tout ce qui est vulnérable.

RSC responsabilidad social corporativa, sostenibilidad, objetivos, mercado, ética, recursos, sinceridad, largo plazo, diseño de carteles de infografías vectoriales - arte vectorial de Cambio libre de derechosJonas étend la sphère morale au-delà du présent et au-delà de l’humain : il nous oblige à penser notre responsabilité vis-à-vis du vivant, des êtres vulnérables, et des générations à venir. C’est là un point décisif dans sa pensée : la morale ne peut plus se limiter au « vis-à-vis » classique des éthiques anciennes ; elle doit inclure ceux qui ne peuvent encore ou plus parler pour eux-mêmes. Cela inclut les enfants à naître, les espèces animales menacées, les équilibres naturels.

 

Luc 12,48 peut ainsi être compris non seulement comme une maxime spirituelle, mais aussi comme une règle d’éthique environnementale ou politique : le privilège de la connaissance, du pouvoir ou de la richesse est inséparable d’un devoir envers ce qui est fragile, vulnérable, en dépendance. Le passage biblique anticipe ainsi une idée centrale chez Jonas : la responsabilité comme catégorie centrale de l’éthique future.

Ainsi, bien que Hans Jonas ne commente pas explicitement Luc 12,48, sa pensée en constitue une actualisation philosophique puissante. Dans un monde où l’homme dispose de capacités décisives pour l’avenir de la vie, cette parole de Jésus trouve un écho profond : le don est une dette, la puissance une charge, et la connaissance un appel à agir. La réflexion de Jonas permet de lire ce verset non seulement comme une exhortation spirituelle, mais comme une clé de lecture pour notre condition moderne : celle d’être responsables non seulement de ce que nous faisons, mais de ce que nous sommes devenus capables de faire.

 

Il s’agit de rendre compte, non seulement à Dieu, mais aussi à la postérité, à la communauté humaine, et même à la nature.

Nos générations ont des supers pouvoirs inconnus des précédentes. La 4° Révolution industrielle que nous traversons avec le numérique et l’intelligence artificielle (après le charbon, l’électricité, l’informatique) va conférer à l’humanité des possibilités d’évolution vertigineuses.

Le progrès technique, « ce Prométhée définitivement déchaîné, auquel la science confère des forces jamais encore connues et l’économie son impulsion effrénée », nous rend capables d’affecter la Terre et les vivants dans des proportions inédites. Il est urgent de penser « les nouvelles obligations correspondant au pouvoir nouveau ». Cette capacité nouvelle impose une responsabilité accrue. 

 

Jésus ne pouvait évidemment pas prévoir que sa petite phrase aurait des répercussions aussi vastes pour l’avenir de l’humanité. Mais, si nous voulons être fidèles à l’Esprit qui l’animait, nous devons élargir la notion biblique de responsabilité à tout l’homme, tous les hommes, ainsi qu’à notre planète et même à l’univers entier, et aux siècles qui viennent.

 

Répétons-le : le don est une dette, la puissance une charge, la connaissance un appel à agir.

 

« À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage » : comment puis-je être Spider-Man façon Jésus cette semaine, cet été et au-delà ?

 



Lectures de la messe

Première lecture
« En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire » (Sg 18, 6-9)

Lecture du livre de la Sagesse
La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous appelais à la gloire. Dans le secret de leurs maisons, les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice, et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ; et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.

Psaume
(Ps 32 (33), 1.12, 18-19,20.22)
R/ Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu.
 (Ps 32, 12a)

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu,
heureuse la nation qu’il s’est choisie pour domaine !

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

Deuxième lecture
« Abraham attendait la ville dont le Seigneur lui-même est le bâtisseur et l’architecte » (He 11, 1-2.8-19)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. Et quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi.

Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu : il partit vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait.
Grâce à la foi, il vint séjourner en immigré dans la Terre promise, comme en terre étrangère ; il vivait sous la tente, ainsi qu’Isaac et Jacob, héritiers de la même promesse, car il attendait la ville qui aurait de vraies fondations, la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.
Grâce à la foi, Sara, elle aussi, malgré son âge, fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses. C’est pourquoi, d’un seul homme, déjà marqué par la mort, a pu naître une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, une multitude innombrable.
C’est dans la foi, sans avoir connu la réalisation des promesses, qu’ils sont tous morts ; mais ils l’avaient vue et saluée de loin, affirmant que, sur la terre, ils étaient des étrangers et des voyageurs. Or, parler ainsi, c’est montrer clairement qu’on est à la recherche d’une patrie. S’ils avaient songé à celle qu’ils avaient quittée, ils auraient eu la possibilité d’y revenir. En fait, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux. Aussi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu, puisqu’il leur a préparé une ville.
Grâce à la foi, quand il fut soumis à l’épreuve, Abraham offrit Isaac en sacrifice. Et il offrait le fils unique, alors qu’il avait reçu les promesses et entendu cette parole : C’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom. Il pensait en effet que Dieu est capable même de ressusciter les morts ; c’est pourquoi son fils lui fut rendu : il y a là une préfiguration.

Évangile
« Vous aussi, tenez-vous prêts » (Lc 12, 32-48)
Alléluia. Alléluia. 
Veillez, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de l’homme viendra. Alléluia. (cf. Mt 24, 42a.44)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux, là où le voleur n’approche pas, où la mite ne détruit pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir. S’il revient vers minuit ou vers trois heures du matin et qu’il les trouve ainsi, heureux sont-ils ! Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Pierre dit alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? » Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi ! Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens. Mais si le serviteur se dit en lui-même : ‘Mon maître tarde à venir’, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer, alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles. Le serviteur qui, connaissant la volonté de son maître, n’a rien préparé et n’a pas accompli cette volonté, recevra un grand nombre de coups. Mais celui qui ne la connaissait pas, et qui a mérité des coups pour sa conduite, celui-là n’en recevra qu’un petit nombre. À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. »

Patrick BRAUD

 

 

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27 juillet 2025

La tentation intégraliste

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La tentation intégraliste


Homélie pour le 18° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
03/08/25

Cf. également :
On n’a jamais vu un coffre-fort suivre un corbillard !
Êtes-vous croissant ou décroissant ?
Vanité des vanités…
La double appartenance
Gardez-vous bien de toute âpreté au gain !
Le pauvre Lazare à nos portes
Chameau et trou d’aiguille
À quoi servent les riches ?
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?

1. Les évêques et la fin de vie
Nombreuses ont été les voix épiscopales en France pour dénoncer les dangers d’un vote en faveur de « l’aide à mourir ». Certains ont dénoncé « une rupture anthropologique », et se sont opposés au vote du projet de loi avec force. Les évêques ont voulu peser dans le débat public. Ils écrivaient notamment [1] :

La tentation intégraliste dans Communauté spirituelle loi-aide-medicale-a-mourir-1« Profondément inquiets des conséquences pour la société française et des perspectives alarmantes auxquels un « droit à mourir » exposerait en particulier les Français les plus vulnérables, les évêques réaffirment leur détermination à porter la voix d’une société juste et fraternelle, qui protège les plus vulnérables ; et redisent leur plein soutien à la loi Claeys-Leonetti de 2016 actuellement en vigueur ».

Toutes les religions s’étaient d’ailleurs exprimées dans ce sens du refus du projet de loi dans une tribune du CRCF du 15/05/25 [2] :

« Les dangers d’une rupture anthropologique.
La Conférence des responsables de culte en France (CRCF) – catholique, protestant, orthodoxe, juif, musulman et bouddhiste – alerte solennellement sur les graves dérives qu’implique la proposition de loi introduisant dans la législation française un « droit à l’aide à mourir ». Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort – par suicide assisté ou euthanasie – en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. […]

Devant cette possible rupture anthropologique, la CRCF appelle les parlementaires à faire preuve de discernement. Légaliser la mort administrée ne sera pas un progrès, mais une régression éthique, sociale et médicale. Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation. »

Bien sûr, on ne peut contester aux religions le droit d’exprimer leur point de vue dans ce débat de société. Par contre, on peut regretter qu’elles rêvent encore d’un contrôle religieux sur les pratiques sociales. Le sociologue des religions Jean-Louis Schlegel – par ailleurs catholique assumé – rappelait fort justement dans La Croix du 23/05/25 [3] :

« La CRCF se dispense de légitimer ses avertissements – une « autodispense » mal accueillie par des citoyens qui ne sont pas nécessairement des laïcards bornés. Ils rappellent l’objection déjà avancée contre l’Église lors de précédentes batailles législatives sur les sujets sociétaux : de quel droit, devenue très minoritaire, et aussi dévaluée par l’écart entre le dire et le faire (cf. les abus…), peut-elle prétendre imposer sa loi contre une opinion qui va dans l’autre sens ?

Ces lois laissent une totale liberté aux croyants pour vivre leur foi et défendre leurs options éthiques : de quel droit dénient-ils aux autres la possibilité de vivre selon leurs convictions, a fortiori si ces derniers sont majoritaires ? Comment rester insensible à ces protestations démocratiques ? »

Forcer la loi à refléter la position de l’Église : voilà une vieille tentation qui se fait jour dès les débuts du christianisme !
Jésus lui-même y a été confronté. Ne le voit-on pas dans l’évangile de ce dimanche (Lc 12,13-21) refuser de statuer sur la jurisprudence de l’héritage ?

https://slideplayer.fr/slide/17568182/104/images/5/J%C3%A9sus+lui+r%C3%A9pondit+%3A+%C2%AB+Homme%2C+qui+donc+m%E2%80%99a+%C3%A9tabli+pour+%C3%AAtre+votre+juge+ou+l%E2%80%99arbitre+de+vos+partages.jpg

« En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : ‘Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage.’ Jésus lui répondit : ‘Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ?’ »

Qui m’a établi juge de vos affaires ? Voilà une petite phrase méconnue des chrétiens, qui amorce pourtant une révolution singulière. Ce n’est pas au Christ (ni a fortiori au christianisme) de légiférer dans les affaires ordinaires des familles, de la cité ou de l’économie.

Voyons ce que cette prise de position de Jésus a de révolutionnaire.


2. Ni Beth Din, ni Qadi, mais la conscience, droite et éclairée

f31629c0 intégralisme dans Communauté spirituellePour résoudre les questions d’héritage, les juifs doivent s’adresser au Beth Din de leur communauté. Le Beth Din, qui signifie littéralement « maison de jugement » en hébreu, est un tribunal rabbinique chargé d’appliquer la Halakha, la loi juive. Il est généralement composé de trois dayanim (juges rabbiniques), bien que pour des questions moins complexes, un seul juge puisse présider. Pour des affaires très importantes ou complexes, un Beth Din peut être composé d’un plus grand nombre de juges. Il traite une variété de questions, y compris les litiges civils, les questions de statut personnel (comme le mariage et le divorce), les conversions au judaïsme, et les questions d’héritage. Il supervise également les affaires religieuses et communautaires. Les décisions du Beth Din sont contraignantes pour les membres de la communauté juive qui acceptent sa juridiction. Dans de nombreuses communautés juives, il est respecté comme l’autorité ultime en matière de loi juive.

Dans le monde contemporain, les Beth Din existent dans de nombreuses communautés juives à travers le monde. Ils jouent un rôle crucial dans la vie juive, en particulier dans les communautés orthodoxes, où ils sont souvent responsables de la certification casher, des conversions, et des questions de mariage et de divorce etc. Le Beth Din est une institution centrale dans la tradition juive, assurant que la vie communautaire et personnelle soit menée en accord avec les principes de la loi juive.

Jésus refuse de rejouer ce rôle du Beth Din, et nul chrétien ne devrait plus invoquer son nom (en l’instrumentalisant le plus souvent) pour régler ce qui relève de la jurisprudence ordinaire.

28405100534070L pluralismeEn islam, il y a comme pour les juifs un juge chargé de trancher les affaires quotidiennes et juridiques, appelé « Qadi » (ou Cadi). Le Qadi est responsable de l’application de la loi islamique, ou charia, dans les affaires civiles, pénales et familiales. En matière d’héritage par exemple, les Qadis appliquent principalement les règles de la charia, qui sont dérivées du Coran et des hadiths (les enseignements et pratiques du Prophète Mahomet). La charia spécifie des parts fixes de l’héritage pour certains membres de la famille. Un fils reçoit généralement deux fois la part d’une fille. Les héritiers sont déterminés par leur relation avec le défunt. Les héritiers incluent généralement les enfants, les parents, les conjoints et d’autres membres de la famille selon un ordre de priorité. Certains membres de la famille peuvent être exclus de l’héritage en présence d’héritiers plus proches. Ainsi les frères et sœurs peuvent être exclus si le défunt laisse des enfants. Une personne peut léguer jusqu’à un tiers de ses biens par testament à des non-héritiers ou à des œuvres de charité, sous réserve de l’approbation des héritiers légaux. Un époux ou une épouse survivant(e) a droit à une part spécifique de l’héritage, qui varie selon qu’il y a ou non des enfants. La jurisprudence des Qadis en matière d’héritage peut varier légèrement selon les écoles de pensée islamique (comme l’école hanafite, malikite, chaféite et hanbalite), mais les principes de base restent largement les mêmes. Les Qadis doivent également tenir compte des coutumes locales et des lois nationales, qui peuvent influencer l’application de la charia dans certains contextes.

On le voit : l’islam comme souvent fait un retour au judaïsme, le Qadi équivalant au Beth Din, avec la même conviction théocratique : le Coran (la Torah) doit commander tous les aspects de la vie du croyant, de l’héritage aux rituels funéraires, de la sexualité à l’économie, de la création artistique au gouvernement politique.

Or, en christianisme, il ne peut en être ainsi : « Qui m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? »

Alors, si ce n’est pas la Torah ni le Coran, pas la Halaka ni la charia, à quoi peut renvoyer le Christ pour discerner ce qu’il est juste de faire ou de ne pas faire ?
À quoi ? À la conscience.

Lisez notre évangile : après avoir refusé d’être le juge, Jésus avertit ses disciples : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède ». Autrement dit, il en appelle à leur conscience : ‘je ne vous dis pas ce qu’il faut faire, mais je vous rappelle ce qui doit inspirer votre décision : tu ne convoiteras pas’.

C’est à ce discernement en conscience que nous sommes appelés, comme l’enseigne le concile Vatican II :

« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela. » Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera.

La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. »
(Gaudium et Spes n° 16)

Ce discernement n’a rien à voir avec le relativisme ambiant ( = il n’y aurait aucun repère objectif), ni avec la privatisation de la religion dont rêvent les libéraux voulant la cantonner à la seule sphère privée :

« Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle. »

Ni Beth Din, ni Qadi, mais la conscience droite (sincère, cherchant la vérité) et éclairée (par l’Écriture, l’Église) : notre évangile s’inscrit en faux contre toutes les prétentions à faire du christianisme un outil de contrôle social.


3. L’intégralisme chrétien

Et pourtant, la tentation de soumettre intégralement la société aux points de vue chrétiens existe bel et bien, depuis le début !

Ou plus exactement après les trois premiers siècles de persécutions, où les chrétiens minoritaires ne rêvaient pas de régir l’empire romain, mais juste de survivre aux fauves et aux crucifixions, afin de pratiquer librement leur culte et leurs valeurs. La Lettre à Diognète (fin II° siècle) témoigne de cette indépendance chrétienne, faite de bienveillante neutralité tant qu’on leur laisse la liberté de conscience :

« Les Chrétiens ne sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par leur langage, ni par leur manière de vivre ; ils n’ont pas d’autres villes que les vôtres, d’autre langage que celui que vous parlez ; rien de singulier dans leurs habitudes ; seulement ils ne se livrent pas à l’étude de vains systèmes, fruit de la curiosité des hommes, et ne s’attachent pas, comme plusieurs, à défendre des doctrines humaines. Répandus, selon qu’il a plu à la Providence, dans des villes grecques ou barbares, ils se conforment, pour le vêtement, pour la nourriture, pour la manière de vivre, aux usages qu’ils trouvent établis ; mais ils placent sous les yeux de tous l’étonnant spectacle de leur vie toute angélique et à peine croyable. 

Ils habitent leur cités comme étrangers, ils prennent part à tout comme citoyens, ils souffrent tout comme voyageurs. Pour eux, toute région étrangère est une patrie, et toute patrie ici-bas est une région étrangère. Comme les autres, ils se marient, comme les autres, ils ont des enfants, seulement ils ne les abandonnent pas. Ils ont tous une même table, mais pas le même lit. Ils vivent dans la chair et non selon la chair. Ils habitent la terre et leur conversation est dans le ciel. Soumis aux lois établies, ils sont par leurs vies, supérieurs à ces lois. »

Tout change à partir de l’Édit de Milan de Constantin (313), qui transforme le christianisme en instrument de pouvoir impérial. On se souvient que c’est Constantin qui a convoqué, présidé et fait appliquer le premier concile œcuménique de Nicée (325) dont nous fêtons le 1700° anniversaire cette année ! Le pape Sylvestre I° n’était même pas présent (seuls ses légats y participaient)… ! De même pour le Concile de Chalcédoine (451) convoqué et présidé oar l’empereur d’Orient Marcien en l’absence du pape Léon le Grand représenté par ses légats ! Le césaro-papisme était né…

Ensuite, le pape Gélase (410-496) essaya d’inverser le rapport de force avec sa théorie dite de la diarchie (théorie des deux pouvoirs), où le pouvoir politique serait soumis au pouvoir spirituel (du pape !). C’est cela qu’on appelle l’intégralisme chrétien, en pleine contradiction avec notre évangile : vouloir soumettre l’intégralité de la vie sociale, politique, économique, familiale etc. aux commandements de l’Église.

Les exemples historiques ne manquent pas pour montrer combien cette tentation intégraliste a gangrené l’action sociale des chrétiens, en tous pays, en tout temps.

- En France, on se souvient par exemple de l’Action Française et de Charles Maurras, condamnée par le pape Pie XI en 1926. L’Action Catholique, apparemment opposée, s’inscrivait à ses débuts dans une logique similaire : « Nous referons chrétiens nos frères », ce qui nourrit la nostalgie une société supposée chrétienne dans son ensemble. L’Action Française n’était jamais qu’une résurgence de la Contre-Réforme catholique, voulant restaurer au XVI° siècle l’emprise catholique de l’Église de Rome sur la société française après les succès du protestantisme à l’Est et au Nord de l’Europe.

- Les contre-révolutionnaires français (Louis de Bonald, Gérald de Maistre etc.) ont ravivé cette nostalgie intégraliste, dont le roi était censé être le garant.

Les intégristes actuels (disciples de Mgr. Lefebvre) sont pour la plupart intégralistes (souvent au nom du Christ-Roi de la société), mais il ne faut pas confondre les deux.

- Au Brésil, un parti intégraliste a existé dès 1932. Il reprend littéralement ce qualificatif dans son nom, l’Action intégraliste brésilienne, dirigée par Plínio Salgado (1895-1975). Ce parti est directement financé par Mussolini et devient le plus grand parti de droite du pays. Ses membres veulent faire du Brésil un royaume dirigé par le Christ, en coopération avec l’Église catholique, reprenant très clairement l’idée de la diarchie gélasienne, qui est le modèle politique de tous ces mouvements. Mais Getúlio Vargas (1882-1954), le dictateur qu’ils soutiennent, les voit comme une faction rivale. Il les utilise pour parvenir au pouvoir et les exclut ensuite du gouvernement, signant la fin de Salgado et des intégralistes. Ils restent présents, mais à la marge, jusqu’en 1964 où ils soutiennent un coup d’État. Le même schéma se produit alors : les gens qu’ils avaient soutenus interdisent ensuite, une fois arrivés au pouvoir, l’intégralisme.

- Au Portugal, António Salazar (1889-1970) arrive au pouvoir en 1933. Il était intégraliste dès le début, et enseignait ces thèses à l’université. À cette époque, le Portugal vivait dans un chaos politique, les militaires ne cessaient de mettre des dictateurs au pouvoir, ce qu’ils font avec Salazar. Il promeut le catholicisme, mais soutient que le rôle de l’Église est social et non politique : aussi il exclut complètement l’Église catholique du pouvoir, à la surprise générale, en premier lieu des intégralistes. Le Vatican envoie un émissaire pour essayer de faire avancer sa cause, mais n’obtient rien, et les intégralistes sont furieux.

- En Argentine, un grand nombre d’intellectuels catholiques aujourd’hui oubliés participaient à ces mouvements, comme le père Julio Meinvielle (1905-1973). Ils soutenaient la dictature de Pedro Pablo Ramírez (1884-1962), dont hérite Juan Perón (1895-1974), mais ils étaient perçus comme trop extrêmes et ils seront exclus avant qu’ils ne puissent véritablement faire quoi que ce soit d’important.

- En Belgique, le parti Christus Rex de Léon Degrelle (1906-1994) sera la figure fondatrice du néonazisme et du négationnisme. Il fit plusieurs tentatives politiques, mais ses concitoyens ne le prenaient pas au sérieux. Degrelle finit par aller sur le front de l’Est en tant qu’officier SS, mais resta dès lors marginal.

- En Autriche, Engelbert Delfuss (1892–1134) voulait appliquer la doctrine sociale de l’Église. Il est assassiné 18 mois après l’instauration de sa dictature.

- En Espagne, le général Franco (1812–1975) se voulait lui aussi l’allié de l’Église catholique pour imposer dans sa dictature un ordre soi-disant chrétien, quitte à s’allier avec les nazis ou inventer un pseudo complot judéo-maçonnique.

- En Croatie, les sinistres Oustachis ont eux aussi agi au nom d’une mise en œuvre de la doctrine sociale de l’Église initiée par Léon XIII, quitte à assassiner quantité de Serbes, de Roms et de juifs. Un cardinal célèbre, l’archevêque Alojzije Stepinac (1898-1960), a coopéré avec ce régime et a été béatifié par Jean Paul II en 1998.

Le président américain Donald Trump (C) debout dans un cercle de prière avec les dirigeants afro-américains
- En Hongrie, en Italie ou en Pologne, la triade « Dieu, famille, patrie » inspire les gouvernements actuels, ne cachant pas leur volonté de soumettre intégralement les lois de leur pays à leurs convictions catholiques (avortement, euthanasie, immigration…).

- Plus près de nous, l’entourage intellectuel de Donald Trump est rempli également de penseurs intégralistes, qu’ils soient évangéliques ou catholiques. Ils sont mal connus en France, mais ils ont en commun d’avoir commencé par établir des contre-élites au sein de contre-sociétés alternatives, ultra minoritaires il y a 20 ans mais gagnant peu à peu en influence, jusqu’à la Maison-Blanche aujourd’hui : Chad Pecknold, Adrian Vermeule, Edmund Waldstein, Gladden Pappin etc. Même le vice-président J.D. Vance – fraîchement converti au catholicisme – n’échappe pas à cette influence intégraliste, quitte à se dire plus catholique que les évêques américains sur certains points (immigration, aide sociale etc.).

Bref : l’intégrisme religieux dénoncé par Jésus a encore de beaux jours devant lui, hélas ! Nous ne devons pas sous-estimer son pouvoir de nuisance.


4. Le remède : le pluralisme, inconfortable et nécessaire

Jésus appelle ses disciples au discernement et non à l’application automatique de règles, à la conscience plus qu’à la lettre de la Loi, à la liberté des enfants de Dieu plus qu’à la soumission au nom de la religion. La conséquence inévitable de cet appel est la multitude des interprétations possibles des principes évangéliques : selon la culture, le siècle, la géographie, l’histoire… Le pluralisme (politique, sociétal, économique, voire religieux) est intrinsèque au christianisme – ce que le dogme de la Trinité exprime au plus haut point –, quoi qu’en disent les Églises qui ont toutes cherché à « aplatir » ce pluralisme à leur profit.

La commission sociale de l’épiscopat français a pourtant publié en 1972 un texte célèbre, qu’il nous faut relire : « Pour une pratique chrétienne de la politique ». Non pas une politique chrétienne, mais une pratique chrétienne de la politique. Elle plaidait pour une pratique du pluralisme en politique, « inconfortable et nécessaire » :

Pour_une_pratique_chretienne_de_la_politique_1972« Un disciple du Christ, idéologiquement situé et politiquement marqué, ne peut ignorer les révélations dont le différent, fût-il l’ennemi, est porteur.
L’attitude pluraliste.
La diversité même des pensées et des pratiques politiques ne permet jamais de dire que l’état pleinement réussi des choses est ici ou qu’il est là. Au contraire, elle est une invite à un « remembrement de la vérité » par affrontement et dépassement des théories et expériences divergentes.
Ainsi donc, l’attitude pluraliste ne peut que marier la conviction la plus engagée avec l’humilité la plus profonde, exorcisant par là même la neutralité et l’intolérance, également néfastes à la vie sociale. » (nos 21-23)

Ce pluralisme - que l’on peut étendre à d’autres domaines (éthique familiale, sexuelle, économique etc.) ne doit tomber ni dans le piège du relativisme ni dans celui de la privatisation :

« Aucune option n’est neutre. 
— C’est en Église que l’on reconnaîtra qu’il est impossible d’entériner et de prôner purement et simplement, sans restriction aucune, n’importe quelle option politique. Il est clair, en effet, que la Bible manifeste un certain nombre d’exigences éthiques qui sont tracées de façon tout à fait nette : le respect des pauvres, la défense des faibles, la protection des étrangers, la suspicion de la richesse, la condamnation de la domination exercée par l’argent, l’impératif primordial de la responsabilité personnelle, l’exercice de toute autorité comme un service, le renversement des pouvoirs totalitaires. La vigueur mobilisatrice de l’Évangile contre ces situations de défi et d’abus – qui sont encore le lot de notre actualité – peut, certes, s’exprimer au travers de choix politiques différents, mais aucun chrétien n’a le droit, sous peine de trahir sa foi, de soutenir des options qui acceptent, prônent, engendrent ou consolident ce que la Révélation, tout comme la conscience humaine, réprouve. Pour des chrétiens, ces critères évangéliques – normatifs de leur adhésion et de leur refus – n’identifient pas des options ou des pratiques politiques à privilégier ou à s’interdire. Ils les atteignent chacune en ce qu’elles ont de dégradant pour l’homme. »

Relisez l’ensemble de ce texte [4] : vous ne demandez plus au Christ d’être « votre juge ou l’arbitre de vos partages »

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Lectures de la messe


Première lecture
« Que reste-t-il à l’homme de toute sa peine ? » (Qo 1, 2 ; 2, 21-23)


Lecture du livre de Qohèleth
Vanité des vanités, disait Qohèleth. Vanité des vanités, tout est vanité !
Un homme s’est donné de la peine ; il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi n’est que vanité, c’est un grand mal !
En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? Tous ses jours sont autant de souffrances, ses occupations sont autant de tourments : même la nuit, son cœur n’a pas de repos. Cela aussi n’est que vanité.


Psaume
(Ps 89 (90), 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc)
R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.
 (Ps 89, 1)


Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée.

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

Deuxième lecture
« Recherchez les réalités d’en haut ; c’est là qu’est le Christ » (Col 3, 1-5.9-11)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens
Frères, si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre.
En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. Faites donc mourir en vous ce qui n’appartient qu’à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. Plus de mensonge entre vous : vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir, et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Ainsi, il n’y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l’incirconcis, il n’y a plus le barbare ou le primitif, l’esclave et l’homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous.

Évangile
« Ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12, 13-21)
Alléluia. Alléluia.
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » Puis, s’adressant à tous : « Gardez-vous bien de toute avidité, car la vie de quelqu’un, même dans l’abondance, ne dépend pas de ce qu’il possède. » Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. Il se demandait : ‘Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.’ Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu. »
Patrick BRAUD 

 

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20 juillet 2025

Que faire des Sodomites ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que faire des Sodomites ?


Homélie pour le 17° Dimanche du Temps Ordinaire / Année C
27/07/25

Cf. également :
INRI : annulez l’ordre injuste !
La prière et la Loi de l’offre et de la demande
Que demander dans la prière ?
La force de l’intercession
Les 10 paroles du Notre Père
Intercéder comme Marie
Ne nous laisse pas entrer en tentation
La loi, l’amour, l’épikie

1. Sodoma : enquête sur un Vatican inavouable

SODOMAEn 2019 paraissait un pavé de plus de 600 pages [1] sur l’homosexualité au Vatican. Le journaliste Frédéric Martel y aligne tout une série d’interviews tendant à montrer que les prélats gays sont légion dans la Curie romaine et dans tout l’appareil ecclésiastique. Qualifié du brûlot sans preuves par les uns, de révélations épouvantables par d’autres, Sodoma est désormais traduit dans plus de vingt langues et a dépassé les 700 000 exemplaires à travers le monde.

D’après Frédéric Martel, les séminaires seraient des viviers ultra-masculins où, pendant six années d’études et plus, les candidats au sacerdoce découvrent pour beaucoup leur attirance pour les garçons. Devenir prêtre était d’ailleurs autrefois une stratégie de beaucoup d’homosexuels pour avoir un alibi social ‘’honnête’’ derrière lequel cacher leur double vie, surtout avant les lois sur le mariage pour tous et l’homophobie.

D’après ce qu’attestent de nombreuses sources citées par le journaliste, l’homosexualité est si « omniprésente » qu’elle est tolérée dans l’Église, à condition qu’elle ne soit pas publiquement affichée. Pour l’auteur, seule une minorité de prêtres resterait fidèle au vœu de célibat prononcé lors de l’ordination. Les prélats inventeraient de nouvelles formes de concubinage, entre un supérieur et son assistant par exemple. L’auteur raconte son entretien avec un cardinal, « parmi les plus hauts gradés du Saint-Siège », qui vit avec son compagnon dans un appartement du Vatican. Quand le compagnon surgit à la fin de l’échange, le cardinal, gêné, le présente à l’auteur comme le « beau-frère de sa sœur décédée ».

 

Cette imprégnation homosexuelle du clergé semble incompatible avec l’apparente rigueur morale du discours de l’Église sur le sujet. Mais on sait que ce sont souvent les plus concernés qui sont les plus impitoyables avec leurs semblables ! Le pape François avait fait de cette « schizophrénie existentielle » la huitième « maladie de la Curie » qu’il dénonçait avec courage devant des prélats médusés le 22/12/2014 :

« C’est la maladie de ceux qui ont une double vie, fruit de l’hypocrisie typique du médiocre et du vide spirituel progressif que les diplômes et les titres académiques ne peuvent combler. Une maladie qui frappe souvent ceux qui, abandonnant le service pastoral, se limitent aux tâches bureaucratiques et perdent ainsi le contact avec la réalité, avec les personnes concrètes. Ils créent ainsi un monde parallèle, à eux, où ils mettent de côté tout ce qu’ils enseignent sévèrement aux autres et où ils commencent à vivre une vie cachée et souvent dissolue. La conversion est assez urgente et indispensable pour lutter contre cette maladie extrêmement grave ».

 

En français, sodomite était devenu synonyme d’homosexuel, et la sodomie désigne par extension toute pratique du coït anal. Tout ça à cause de notre première lecture (Gn 18,20‑32) et des chapitres suivants, où l’on voit les habitants de Sodome vouloir violer les étrangers accueillis par Lot, avant d’être détruits par YHWH lui-même dans le feu et le soufre, que l’intercession d’Abraham n’a pu éviter.

 

De quoi la Bible accuse-t-elle les habitants de Sodome en réalité ?

 

2. Les 3 péchés de Sodome

Il y a 87 occurrences du nom de cette ville dans la Bible en grec. En examinant ces passages, on peut repérer 3 reproches majeurs fait aux Sodomites (habitants de Sodome) :

a) l’inhospitalité

b) le viol homosexuel

c) la négation de la différence homme-femme

 

a) l’inhospitalité

L'hospitalitéLe prophète Ézéchiel insiste fortement sur ce premier péché de Sodome : « Voici quelle fut la faute de Sodome, ta sœur : orgueil, voracité, insouciance désinvolte ; oui, telles furent ses fautes et celles de ses filles ; elles ne fortifiaient pas la main du pauvre et du malheureux » (Ez 16,49). Le livre de la Sagesse enfonce le clou : « Il était juste qu’ils souffrent en raison de leurs crimes, car ils avaient vraiment fait preuve d’une haine cruelle envers les étrangers. D’autres, jadis, n’avaient pas accueilli des inconnus de passage, mais eux réduisirent en esclavage des étrangers qui étaient leurs bienfaiteurs. Bien plus : les premiers n’échapperont pas à l’intervention divine pour avoir reçu les étrangers de façon odieuse, mais eux, après avoir accueilli par des fêtes ceux qui partageaient déjà les mêmes droits, se mirent à les maltraiter, les soumettant à de terribles corvées ! Eux aussi furent donc frappés de cécité, comme les premiers devant la porte du juste : ils étaient enveloppés de ténèbres sans fond, et chacun cherchait un passage vers sa propre porte » (Sg 19,13–17).

 

Ce mépris des pauvres par les opulents de la cité va jusqu’à refuser d’accueillir l’étranger. Parce que Lot a accueilli chez lui des immigrés illégaux, les Sodomites lui demandent de livrer ses voyageurs à leur convoitise. Lot leur propose alors de leur offrir ses filles, ce qui nous paraît incompréhensible ! Qui livrerait ses enfants au viol pour épargner des étrangers ?! Pourtant, c‘est ce que fait Lot (Gn 19,8), soulignant l’atrocité de ce que lui demandent ses interlocuteurs : si Lot parle de donner ses filles, ce qui représente la pire chose qu’un père puisse proposer, alors combien le fait de violer des étrangers, des hôtes, est un crime immense ! L’alternative proposée par Lot n’en est pas une. Il s’agit pour lui de nommer l’innommable : ce que vous me demandez est pire que de sacrifier mes filles…

 

Regarder les étrangers comme des « anges de Dieu » de passage changerait bien des regards !…

La Commission biblique pontificale à fortement souligné elle aussi cette inhospitalité de Sodome [2]  :

« Le récit n’entend pas présenter l’image d’une ville entière dominée par des convoitises incontrôlables de nature homosexuelle ; il dénonce plutôt le comportement d’une entité sociale et politique qui ne veut pas accueillir l’étranger avec respect, et prétend donc l’humilier, le forçant à subir un infâme traitement de soumission. Lot est également menacé de la même pratique dégradante, parce qu’il a pris sous sa responsabilité l’étranger « qui est venu à l’ombre de son toit » ; et cela révèle la nature du mal moral de la ville de Sodome, qui non seulement refuse l’hospitalité, mais ne supporte pas qu’en son sein, quelqu’un ait au contraire ouvert sa maison à l’étranger. […]

En conclusion, nous devons donc dire que l’histoire de la ville de Sodome illustre un péché qui consiste dans le manque d’hospitalité, à quoi s’ajoutent l’hostilité et la violence envers l’étranger. Un comportement qui est jugé très grave et mérite donc la punition la plus sévère, parce que le rejet de la différence, de l’étranger nécessiteux et sans défense, est un facteur de désintégration sociale, portant en soi une violence mortifère qui mérite une punition adéquate ».

L’intérêt de cette lecture est d’alerter sur le côté « Sodomite » des politiques migratoires façon Trump ou autres. Quand l’opulence d’un pays le conduit à refuser d’accueillir les migrants, il n’est pas loin de ressembler à Sodome !

 

Un bémol cependant : se limiter au péché d’inhospitalité ne serait pas fidèle aux textes bibliques. Ce n’est pas le seul péché à reprocher à Sodome. Il est difficile d’effacer les autres accusations, notamment celle d’homosexualité qui est faite aux Sodomites. On peut donc prendre quelques distances avec l’affirmation du document romain : « Nous ne trouvons pas dans les traditions narratives de la Bible d’indications concernant les pratiques homosexuelles, ni comme des comportements à blâmer, ni comme des attitudes tolérées ou favorisées »…

 

b) le viol homosexuel

Car l’Ancien Testament est très clair sur le sujet : « Tu ne coucheras pas avec un homme comme on couche avec une femme. C’est une abomination » (Lv 18 22). « Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, tous deux commettent une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombera sur eux » (Lv 20,13).

Que faire des Sodomites ? dans Communauté spirituelle 1220-bible-moralisee-miniaturaLe chapitre 19 de la Genèse montre la foule des Sodomites réclamant de prendre de force les étrangers accueillis chez Lot. « Ils n’étaient pas encore couchés que les hommes de la ville, ceux de Sodome, cernèrent la maison, des plus jeunes aux plus vieux, toute la population sans exception. Ils appelèrent Loth et lui dirent : “Où sont les hommes qui sont venus chez toi cette nuit ? Amène-les : nous voulons nous unir à eux.” » (Gn 19,4–5).

L’homosexualité et la violence vont ici ensemble, et c’est ce cocktail meurtrier qui va se retourner contre les auteurs de ces violents.

Un autre passage, atrocement sanglant, montre également l’homosexualité comme une infamie en raison de son caractère violent, dominateur et inhospitalier : « Pendant qu’ils se restauraient, des hommes de la ville, de vrais vauriens, cernèrent la maison. Ils frappèrent à coups redoublés contre la porte et dirent au vieillard, propriétaire de la maison : “Fais sortir l’homme qui est entré chez toi pour que nous le connaissions !” » (Jg 19,22).

 

Dans le Nouveau Testament, Jude est le plus clair au sujet de cette association Sodome–homosexualité : « Sodome et Gomorrhe et les villes voisines se livrèrent à l’impudicité (κπορνεω = ekporneuō) et à des vices contre nature (απελθουσαι οπισω σαρκος ετερας allant vers la chair) ; elles sont données en exemple, subissant la peine d’un feu éternel » (Jude 1,7). Les autres apôtres condamnent explicitement ces pratiques : « Ne savez-vous pas que ceux qui commettent l’injustice ne recevront pas le royaume de Dieu en héritage ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, les idolâtres, les adultères, ni les dépravés (μαλακς = malakos = efféminés) et les sodomites (ρσενοκοτης = arsenokoitēs) » (1Co 6,9). « On le sait bien, une loi ne vise pas l’homme juste, mais les sans-loi et les insoumis, les impies et les pécheurs, les sacrilèges et les profanateurs, les parricides et matricides, et autres meurtriers, débauchés, sodomites, trafiquants d’êtres humains, menteurs, parjures, et tout ce qui s’oppose à l’enseignement de la saine doctrine » (1Tm 1,9-10).

Et Pierre n’est guère plus tendre : « Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Chez eux, les femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature. De même, les hommes ont abandonné les rapports naturels avec les femmes pour brûler de désir les uns pour les autres ; les hommes font avec les hommes des choses infâmes, et ils reçoivent en retour dans leur propre personne le salaire dû à leur égarement » (Rm 1,26‑27).

Difficile donc de prôner une lecture « inclusive » de la Bible où l’homosexualité ne serait qu’une manière de vivre parmi d’autres… !

 

c) la négation de la différence homme-femme

1_4 homosexualité dans Communauté spirituellePour la Genèse, la différence homme-femme vécue dans le couple est constitutive de l’image divine de l’humanité, présente en chaque être humain : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1,27).

Aimer « le même » (homo) est par définition constituer un couple homme-homme ou femme-femme, jusqu’à un amour conjugal, affectif et sexuel qui ne peut être « image de Dieu » car Dieu est différence, et communion dans cette différence. Aimer « l’autre » (hétéro) sexe inscrit l’altérité sexuelle comme le sceau de notre image et ressemblance divine. Pour tous les monothéismes, la différence homme-femme n’est pas anecdotique ! N’en déplaise aux LGBTQIA+, ce n’est pas une construction sociale, un « genre » qu’on pourrait modeler ou dont on pourrait se défaire à volonté. N’est-il pas étonnant d’ailleurs que les mêmes écologistes qui prônent le respect de la nature et du donné environnemental ne voient aucun problème à s’affranchir de cette même nature en l’abolissant ou en la manipulant jusqu’à l’extrême en ce qui concerne la sexualité humaine ? Dire que l’homosexualité est « contre nature » n’est pas une injure : c’est pour la Bible le moyen de rappeler notre vraie nature, image des relations trinitaires en Dieu, dont la communion entre l’homme et la femme est un signe, un sacrement vivant.

 

Ces 3 péchés de Sodome font système. On ne saurait en minimiser un pour ne voir que les autres. Ni Trump ni les LGBT ne vont aimer relire les passages bibliques mentionnant Sodome et l’homosexualité !

 

3. Les interprétations patristiques

Impossible de tout citer. Quelques extraits suffiront à montrer que la Tradition unanime est constante sur cette question de l’homosexualité.

Les-Peres-01-scaled hospitalitéSaint Jean Chrysostome s’écrie en chaire :

« Toutes les passions portent un caractère de honte, mais rien de plus ignominieux que le délire pour gens de même sexe, et l’âme est plus dégradée, plus couverte d’opprobres par le péché, que le corps ne l’est par les maladies physiques. Les hommes, dit saint Paul, ont changé les plaisirs légitimes de l’union conjugale, contre des plaisirs abominables, rejetant l’alliance des sexes conforme à la nature. Songez à cette pluie qui embrasa Sodome. C’est une image en ce monde du feu réel qui brûle l’impudique en enfer. Qu’il doit être énorme le péché qui appelle l’enfer sur la terre ! O homme ! Peux-tu bien dégrader à ce point ta noblesse ! » (Quatrième homélie sur l’épître de saint Paul aux Romains).

Saint Grégoire le Grand commente :

« C’est pour s’être embrasés des désirs pervers venus d’une chair fétide que les Sodomites ont mérité de périr à la fois par le feu et par le soufre, afin qu’un juste châtiment leur apprît ce qu’ils avaient fait dans un injuste désir » (Moralia in Job, livre 14, n°23) .

Saint Augustin affirme :

« Les turpitudes contre-nature doivent être partout et toujours détestées et punies, celles par exemple des habitants de Sodome. Quand même tous les peuples imiteraient Sodome, ils tomberaient tous sous le coup de la même culpabilité, en vertu de la loi divine qui n’a pas fait les hommes pour user ainsi d’eux-mêmes » (Les confessions, livre 3, ch. 8).

Saint Thomas d’Aquin, conformément à l’unanimité des Pères de l’Église, enseigne que les habitants de Sodome ont été punis pour avoir commis le péché contre-nature entre personnes de même sexe (Commentaire du ch. 1 de l’épître aux Romains).

 

4. Alors, que faire des Sodomites ?

Il y a au moins 3 stratégies bibliques face à cette prolifération des péchés de Sodome.

 

a) négocier avec Dieu pour le salut de tous

71CMvM6j-kL._SL1500_ SodomeDonald Trump ne connaît sûrement pas notre première lecture (Gn 18,20–32), mais il ne renierait pas la discussion ‘de marchand de tapis’ entre Abraham et YHWH, lui qui a écrit en 1987 un livre sur… l’art du deal !

La négociation d’Abraham en faveur de Sodome rejoint la prise de tête que l’ami de la parabole de ce dimanche inflige à son ami pour nourrir un autre ami (Lc 11,1-13). Avec en toile de fond une conviction qui parcourt toute la Bible : l’intercession d’un seul a plus de puissance que le mal commis par beaucoup. Ou encore, comme l’écrit saint Jacques : « la supplication fervente du juste a beaucoup de puissance » (Jc 5,6).

Abraham n’approuve rien de la conduite de Sodome, mais il se bat bec et ongles pour sauver cette ville, en s’appuyant sur les justes qui y vivent. Nous aussi, nous pouvons – nous devons – « casser la tête » à Dieu, être « sans-gêne », pour obtenir de lui de quoi nourrir tous ceux qui sont dans le besoin.

La technique de négociation d’Abraham est subtile : elle semble relever du marchandage, puisque Abraham discute le prix du salut de Sodome, en le faisant baisser au maximum : 50 justes, 45, 40, 30, 20, 10. Un vrai négociateur apparemment, puisqu’il réussit à obtenir la même promesse de salut pour cinq fois moins cher. Abraham ne descend pas en dessous de 10, car c’est le nombre minimum d’hommes prescrits par la loi juive pour constituer une assemblée de prière légitime : le miniane.

 

Voilà une première piste, biblique : intercéder pour obtenir de Dieu le salut de ceux qui se perdent. Ce salut viendra de Dieu, pas d’Abraham. Dans cette prière, ce n’est pas à nous de changer les choses, et encore moins imposer notre morale. Nous devons seulement supplier, intercéder, espérer, marchander pour tous !

 

b) le feu et le soufre

« Alors l’Éternel fit pleuvoir du soufre et du feu sur Sodome et sur Gomorrhe. Cela venait du ciel, de la part de l’Éternel. Il détruisit ces villes, toute la plaine, tous les habitants des villes et les plantes du sol. » (Gn 19,24)

Le nom même de Sodome évoque en hébreu « une pierre qui brûle ». Le soufre brûle en effet dans l’air avec une flamme bleue, produisant du dioxyde de soufre : le fait que le soufre provienne des profondeurs du sol et que le dioxyde de soufre puisse être senti dans les fumées des volcans a encore alimenté l’imagination des gens sur ce que doit être l’Enfer.


Sodome et Gomorrhe en feu de Jacob Jacobsz de Wet, 1680

 

Des phénomènes naturels historiques (attestés par des données géologiques, climatologiques et archéologiques), pourraient expliquer le récit biblique évoquant la destruction de la région par le feu et le soufre. En effet, à la fin de l’âge du bronze ancien (c’est-à-dire vers 2000 av. JC), la plaine de Sodome était assez fertile, avant de subir un violent tremblement de terre. Selon les travaux des géologues David Neev and Kenneth Emery [3], ce tremblement de terre aurait pu déclencher l’inflammation des hydrocarbures présents sous la mer Morte, permettant ainsi des explosions massives de bitume et des incendies. Selon leurs travaux et leurs théories, ceci expliquerait la mention du soufre et du feu dans le texte biblique racontant la destruction de Sodome et Gomorrhe.

Le livre de l’Apocalypse promet feu et soufre à tous ceux qui s’égarent loin de Dieu (Ap 9,17-18 ; 19,20 ; 20,10) …

 

Faire tomber le feu et le soufre sur les pratiques homosexuelles est encore courant en islam. Dans la quasi-totalité des pays dont la population est essentiellement musulmane, l’homosexualité est considérée comme un délit conduisant à des peines allant jusqu’à 10 ans de prison. La loi punit l’homosexualité dans 69 pays, et on sait que l’Afrique noire la réprouve traditionnellement. Cette pratique est même passible de la peine de mort dans 11 pays : Mauritanie, Nigéria, Somalie, Arabie Saoudite, Yémen, Brunei, Iran, Afghanistan, Émirats arabes unis, Qatar, Pakistan.

Il faut dire que le Coran est aussi clair que la Bible sur le sujet ! La sourate 15 répète l’épisode de Sodome : « Ils se confondaient dans leur délire. Alors, au lever du soleil le Cri (la catastrophe) les saisit. Et Nous renversâmes [la ville] de fond en comble et fîmes pleuvoir sur eux des pierres d’argile dure. Voilà vraiment des preuves, pour ceux qui savent observer ! Elle [cette ville] se trouvait sur un chemin connu de tous. Voilà vraiment une exhortation pour les croyants ! »

Cette condamnation de l’homosexualité est reprise en de multiple sourates :

« Accomplissez-vous l’acte charnel avec les mâles de ce monde ? Et délaissez-vous les épouses que votre Seigneur a créées pour vous ? Mais vous n’êtes que des gens transgresseurs ». Ils dirent : « Si tu ne cesses pas, Lot, tu seras certainement du nombre des expulsés ». Il dit : « Je déteste vraiment ce que vous faites » (S 26,165-168).

« [Et rappelle-leur] Lot, quand il dit à son peuple : « Vous livrez-vous à la turpitude [l'homosexualité] alors que vous voyez clair ?. Vous allez aux hommes au lieu de femmes pour assouvir vos désirs ? Vous êtes plutôt un peuple ignorant » (S 27,54-55)

« Et Lot, quand il dit à son peuple : « Vous livrez-vous à cette turpitude que nul, parmi les mondes, n’a commise avant vous ? Certes, vous assouvissez vos désirs charnels avec les hommes au lieu des femmes ! Vous êtes bien un peuple outrancier » » (S 7,80-81).

« Et Lot, quand il dit à son peuple : « Vraiment, vous commettez la turpitude où nul dans l’univers ne vous a précédés. Aurez-vous commerce charnel avec des mâles ? Pratiquerez-vous le brigandage ? Commettrez-vous le blâmable dans votre assemblée ? » » (S 29,28-30).

« Et Lot ! Nous lui avons apporté la capacité de juger et le savoir, et Nous l’avons sauvé de la cité où se commettaient les vices; ces gens étaient vraiment des gens du mal, des pervers » (S 21,74).

 

On a vu que le judaïsme ancien préconisait la peine de mort en cas de pratiques homosexuelles (Lv 18,22 ; 20,13). Le judaïsme moderne n’applique plus cette peine, mais la réprobation morale subsiste.

 

Le problème avec toutes ces condamnations rigoristes est qu’elles se substituent à Dieu : or seul YHWH a le pouvoir de détruire Sodome, pas Abraham ! Ce n’est pas le rôle des rabbins, des oulémas ou des inquisiteurs. Nous relevons plutôt des avocats du barreau que des juges du parquet…

 

Reste que dénoncer fermement l’inhumanité des pratiques homosexuelles est dans la Bible un vrai service à rendre au bien commun.

 

c) accueillir les personnes homosexuelles sans cautionner leurs pratiques

9782712215491_largeC’est la traditionnelle distinction entre le péché et le pécheur, dont témoigne par exemple la plupart des Églises orthodoxes, fidèles en cela à la Tradition des premiers siècles :

« L’Église orthodoxe russe éprouve amour et compassion pour le pécheur mais pas pour ses péchés. Tel est l’enseignement moral de la Bible. Le péché, c’est l’adultère, l’infidélité, des relations sexuelles irresponsables et tous les actes qui altèrent la conscience de l’homme. (…) Si certains se livrent à une propagande en faveur de l’homosexualité, il est du devoir de l’Église de dire où est le Bien car l’homosexualité est une maladie qui modifie la personnalité de l’homme. Ce n’est donc pas l’une de ces pathologies dont on peut parler avec détachement comme de la kleptomanie par exemple. (…) Ces convictions ne doivent conduire à aucune discrimination » (Déclaration du Patriarche orthodoxe de Moscou et de toute la Russie Alexis II devant l’assemblée du Conseil de l’Europe, en octobre 2007).

 

C’est également la position officielle – que le pape François n’a pas modifiée – du Catéchisme de l’Église catholique :

N° 2357 : L’homosexualité désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la Sainte Écriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19, 1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a toujours déclaré que “ les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés ” (“Persona humana” n° 8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.

 

N° 2358 : Un nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur condition.

 

La généreuse ouverture du pape François ouvrant la possibilité de bénir des couples homosexuels (déclaration « Fiducia supplicans » du 18/12/2023) n’évite pas une certaine ambiguïté, ce qui a troublé beaucoup d’Églises (africaines notamment, mais pas seulement) :

 

N° 11 … il est nécessaire que ce qui est béni puisse correspondre aux desseins de Dieu inscrits dans la Création et pleinement révélés par le Christ Seigneur. C’est pourquoi, étant donné que l’Église a toujours considéré comme moralement licites uniquement les relations sexuelles vécues dans le cadre du mariage, elle n’a pas le pouvoir de conférer sa bénédiction liturgique lorsque celle-ci peut, d’une certaine manière, offrir une forme de légitimité morale à une union qui se présente comme un mariage ou à une pratique sexuelle non matrimoniale.

 

N° 31 Dans l’horizon ainsi tracé, il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage.

 

On le voit : la ligne de crête est étroite !

Le feu et le soufre tombant sur Sodome nous obligent à rappeler que le sort des migrants est un des enjeux du texte.

Les textes bibliques condamnant les pratiques homosexuelles nous obligent à dénoncer les idéologies actuelles prônant la confusion et l’indifférenciation des sexes.

 

Que l’Esprit de discernement nous apprenne à accueillir tous et chacun, inconditionnellement, sans cautionner automatiquement pour autant leurs idéologies et leurs pratiques !

_____________________

[1]. Frédéric Martel, Sodoma : Enquête au cœur du Vatican, Éd. Robert Laffont, 2019.

[2]. Commission biblique pontificale : Qu’est-ce que l’homme ? Un itinéraire d’anthropologie biblique, 30/09/2019.
Original italien ici : https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/pcb_documents/rc_con_cfaith_doc_20190930_cosa-e-luomo_it.html

[3]. David Neev and Kenneth O. Emery, The Destruction of Sodom, Gomorrah and Jericho. Geological, Climatological, and Archaeological Background, New York, Oxford : Oxford University Press, 1995.

 

Lectures de la messe

 

Première lecture
« Que mon Seigneur ne se mette pas en colère si j’ose parler encore » (Gn 18, 20-32)

 

Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. Alors le Seigneur dit : « Comme elle est grande, la clameur au sujet de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. » Les hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur. Abraham s’approcha et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Ne pardonneras-tu pas à toute la ville à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ? Loin de toi de faire une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le coupable, traiter le juste de la même manière que le coupable, Loin de toi d’agir ainsi ! Celui qui juge toute la terre n’agirait-il pas selon le droit ? » Le Seigneur déclara : « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. » Abraham répondit : « J’ose encore parler à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre. Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il déclara : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. » Abraham insista : « Peut-être s’en trouvera-t-il seulement quarante ? » Le Seigneur déclara : « Pour quarante, je ne le ferai pas. » Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement trente ? » Il déclara : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. » Abraham dit alors : « J’ose encore parler à mon Seigneur. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement vingt ? » Il déclara : « Pour vingt, je ne détruirai pas. » Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ? » Et le Seigneur déclara : « Pour dix, je ne détruirai pas. »

 

Psaume
(Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8)
R/ Le jour où je t’appelle, réponds-moi, Seigneur.
 (cf. Ps 137, 3)

 

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.

 

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.

 

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ;
de Loin, il reconnaît l’orgueilleux.
Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre,
ta main s’abat sur mes ennemis en colère.

 

Ta droite me rend vainqueur.
Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’œuvre de tes mains.

 

Deuxième lecture
« Dieu vous a donné la vie avec le Christ, il nous a pardonné toutes nos fautes » (Col 2, 12-14)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens
Frères, dans le baptême, vous avez été mis au tombeau avec le Christ et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Vous étiez des morts, parce que vous aviez commis des fautes et n’aviez pas reçu de circoncision dans votre chair. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé le billet de la dette qui nous accablait en raison des prescriptions légales pesant sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix.

 

Évangile
« Demandez, on vous donnera » (Lc 11, 1-13)
Alléluia. Alléluia.
Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; c’est en lui que nous crions « Abba », Père. Alléluia. (Rm 8, 15bc)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : ‘Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » Jésus leur dit encore : « Imaginez que l’un de vous ait un ami et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains, car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi, et je n’ai rien à lui offrir.’ Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas m’importuner ! La porte est déjà fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose’. Eh bien ! je vous le dis : même s’il ne se lève pas pour donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut. Moi, je vous dis : Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira. Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu du poisson ? ou lui donnera un scorpion quand il demande un œuf ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Patrick BRAUD

 

 

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13 juillet 2025

Êtes-vous marthaliste ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Êtes-vous marthaliste ?


Homélie pour le 16° Dimanche du Temps Ordinaire  / Année C
20/07/25
 
 
Cf. également :
Marthe + Marie = Lydie !

Jesus, don’t you care ?
Le rire fait chair
Choisir la meilleure part
Le je de l’ouïe
Bouge-toi : tu as de la visite !
Dieu trop-compréhensible
« J’ai renoncé au comparatif »


Un dîner en ville

Un repas comme il y en a tant, entre gens qui se connaissent un peu, mais pas trop. Inévitablement, la conversation roule sur le métier des uns et des autres. Se tournant vers l’un des convives, le maître de maison l’interroge :

Retraite- « Toi qui est à la retraite depuis janvier, comment tu t’occupes ? Tu ne t’ennuies pas ? »

Le jeune retraité se sent alors obligé de se justifier en déclarant par le menu de tous ses occupations, pour prouver qu’il fait presque autant de choses qu’avant, sinon plus. L’idéal est de dérouler une liste impressionnante d’activités et d’engagements, et de conclure dans un soupir de satisfaction :

- « Depuis que je suis à la retraite, je suis débordé ».

Hochements de tête admiratifs autour de la table. Le maître de maison poursuit son animation en se tournant vers moi : « Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu dois avoir plein d’engagements ! » Je réfléchis un instant : pas question de m’aligner sur le discours ambiant. Je réponds alors, avec un petit air énigmatique :

- « Je goûte ce temps béni avec délices. Je me découvre un tempérament contemplatif, aimant la solitude autant que j’aime les gens, heureux d’être sans faire, sans pour autant renoncer à faire pour être, si besoin… »

Silence interrogatif, voir gêné.

- « Mais, quand même, tu dois bien t’occuper à quelque chose ? »

J’ai eu un mal fou ce soir-là à leur faire comprendre que pour être, il n’y a pas besoin de faire en permanence (et je n’y suis pas arrivé). Et que la retraite pourrait justement être ce temps de la contestation du règne de l’activisme forcené.

 

Je me souviens – en lisant Zola ou Van der Meersch – que l’existence au XIX° siècle n’était que labeur, 12 heures par jour, sans congés payés ni week-end, comme des bêtes de somme. Je me souviens que le temps libre a été une conquête incroyable à partir de 1936, pour ne pas résumer l’être humain à son travail. Je me souviens des épitaphes qui ornent les tombeaux de cette époque : « Après le travail, le repos ». « Qu’il repose en paix » (RIP),  « Dona eis Requiem aeternam ». Je me souviens qu’on chantait le Requiem pour un défunt, en lui souhaitant justement ce repos, cette béatitude de la contemplation éternelle où enfin il n’y aura plus besoin de travailler !

 

Notre époque a peur du vide. Les jeunes générations n’apprennent plus à s’ennuyer. Alors ils gaspillent le temps gagné sur le labeur en scrollant frénétiquement plus de 5 heures par jour sur leur téléphone…  

 

Le pape François s’adresse à la Curie romaine, le 22 décembre 2014.Se noyer dans son activité jusqu’à perdre le sens de tant d’efforts, c’est la maladie que le pape François appelait le « marthalisme », en référence à l’Évangile de ce dimanche (Lc 10,38-42). Devant des cardinaux médusés par tant d’audace verbale, cinglante et violente à leur encontre, il a listé 15 maladies qui minent la Curie romaine de l’intérieur. La deuxième maladie est le « marthalisme », ce culte de l’hyperactivité où l’on croit toujours être plus en faisant toujours plus :

Autre maladie : le « marthalisme » (qui vient de Marthe) ou l’activité excessive. 

Elle concerne ceux qui se noient dans le travail et négligent inévitablement « la meilleure part » : s’asseoir aux pieds de Jésus (cf. Lc 10, 38-42). C’est pourquoi Jésus a demandé à ses disciples de « se reposer un peu » (cf. Mc 6, 31), car négliger le repos nécessaire conduit au stress et à l’agitation. Le temps du repos, pour celui qui a mené à bien sa mission, est une nécessité, un devoir, et doit être vécu sérieusement : en passant un peu de temps avec sa famille et en respectant les jours fériés comme des moments pour se ressourcer spirituellement et physiquement. Il faut retenir ce qu’enseigne Qohéleth : « Il y a un moment pour tout » (Qo 3, 1-15).

La Curie romaine et le Corps du Christ, 

Discours du pape François lors de la présentation des vœux de Noël
à la Curie romaine le 22 décembre 2014.

 

Définir l’être humain par le faire est si dangereux ! C’est à cause de cette réduction anthropologique qu’on en est arrivé à considérer les personnes handicapées comme des fardeaux inutiles, les enfants comme des charges qui nous empêchent de faire ce qu’on veut, les vieillards comme des paquets inertes à stocker en EHPAD, les malades mentaux comme des gens qui n’auraient pas dû naître (l’eugénisme contemporain s’y emploie, d’ailleurs)… Ceux qui ne peuvent rien faire sont indignes d’exister.

 

Être là, sans rien faire, sinon contempler, écouter, être présent à soi-même, à la Création, à autrui… : voilà une attitude qui dérange si elle n’est pas privée, discrète, secrète.

Les marthalistes pullulent en entreprise, au bureau, dans les paroisses ou les affaires de la Curie romaine !

L’excès du faire sur l’être trahit le plus souvent une sourde angoisse : que vais-je devenir si je m’arrête d’agir, si je ne m’agite plus en tous sens pour prouver que je suis sur-occupé, irremplaçable, activement utile ? C’est l’angoisse du cycliste qui se demande ce qui arrivera lorsqu’il entra de pédaler ; ou l’angoisse du hamster qui se sent revivre lorsqu’il fait tourner la roue …

 

Attention cependant au contresens classique : le texte grec de l’évangile ne dit pas que Marie a choisi ‘la meilleure part’, mais la bonne (γαθς  = agathos) part.

Jésus n’établit donc pas de hiérarchie entre la cuisine et la présence, le service et l’écoute, l’action et la contemplation. Il ne dit pas que Marie a choisi la meilleure part, mais la part qui lui correspond, qui en cela est la bonne part pour elle.

Il n’y a pas de commune mesure entre la plénitude correspondant à Marie et celle convenant à Marthe. Cette incommensurabilité élimine toute hiérarchie, tout comparatif dans la part occupée par chacune.

La bonne part de Marie n’est pas la meilleure. C’est la sienne : elle l’a choisie et la vit intensément.

Jésus ne reproche pas à Marie de faire le service, il lui fait constater qu’elle le subit au lieu de le choisir.

La diaconie comme l’écoute peuvent être la bonne part, si c’est celle que nous choisissons.

 

Mais alors qu’est-ce qui coince dans l’attitude marthaliste ?

La clé de compréhension se trouve dans les verbes employés à propos de Marthe. Elle est « accaparée », elle « s’inquiète » et « s’agite ». Les trois verbes grecs traduisent la préoccupation mentale, la distraction de l’essentiel et l’inquiétude de Marthe : une hyperactivité de l’esprit qui l’empêche d’être dans l’accueil de son hôte.

Examinons de plus près ces 3 verbes qui marquent les 3 reproches faits à Marthe.

 

1. Se laisser accaparer

Luc emploie le verbe περισπω (perispaō) qui est un hapax (= une occurrence unique) dans le Nouveau Testament : « Marthe était accaparée par les multiples occupations du service ». En français, être accaparé par une chose ou une activité a au moins deux caractéristiques :

 

– la partie remplace le tout

Êtes-vous marthaliste ? dans Communauté spirituelle grain-de-beaute-laser-paris-1024x683Préparer la cuisine, mettre la table, veiller aux besoins de chacun, ce n’est jamais qu’une partie de l’hospitalité que Marthe veut offrir à Jésus. Quand cela devient prégnant au point de ne pas assumer les autres facettes de l’accueil (l’écoute, l’échange, l’amitié partagée etc.), cela devient problématique. Un détail envahit tout l’espace. Un grain de beauté empêche de voir le visage. L’arbre cache la forêt.

Cette idolâtrie du détail révèle en creux une angoisse de ne pas être à la hauteur, de ne pas tout maîtriser. Il nous fait perdre de vue la globalité de ce qui est en train de se passer, ici la parole de Jésus comme vraie nourriture offerte à tous les convives.

 

– le moyen se prend pour la fin

Autre corollaire de l’accaparement : on est tellement obnubilé par l’activité à accomplir qu’on en oublie pourquoi on la fait ! Le but de Marthe n’est pas de disparaître dans sa cuisine, mais d’accueillir Jésus chez elle. Appeler Deliveroo ou UberEats aurait peut-être suffi à cela… Mais en se laissant accaparer par ce qui n’est qu’un moyen (le service), elle contredit en pratique le but qu’elle recherchait (accueillir Jésus). Peut-être par désir de correspondre à sa réputation de parfaite maîtresse de maison, peut-être pour « faire le maximum », ou pour ne pas s’aventurer dans autre chose que son rôle social, Marthe ne sait plus pourquoi le gigot doit être rôti juste à point et la sauce réussie.

 

Ces deux inversions (la partie et le tout, le moyen et la fin) éloignent finalement Marthe de son désir initial : « Viens chez moi ».

Avouons que nous avons nous aussi mille manières de perdre de vue en cours de route ce que nous désirons vraiment…

L’obsession de la réussite professionnelle fait oublier l’accomplissement de soi visé dans le travail. L’avidité pour l’accumulation de l’argent nous éloigne de la sécurité recherchée au départ afin de se consacrer à autre chose. Même l’obsession des choses religieuses finit par éloigner de la communion avec Dieu. Et que dire de ceux qui veulent faire carrière dans l’Église, ou apparaître plus religieux que les autres ?

Il y a tant de façons de se laisser accaparer !

 

2. S’inquiéter

91ZgNSzXCeL._SL1500_ Marthe dans Communauté spirituelleLuc emploie 5 fois ce verbe μεριμνω (merimnaō). Pour Marthe d’abord : « Tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses »» (Lc 10,41). Et ensuite dans le chapitre 12 où Jésus demande de ne pas nous inquiéter pour notre défense face à nos persécuteurs (12,11), ni pour notre subsistance ordinaire (11,22), ni pour allonger notre durée de vie (12,25), ni pour tout le reste (12,26) !

Bigre ! N’est-ce pas un peu trop cool, Jésus, de compter sur la Providence au lieu de prévoir et de calculer ? Tous les sondages montrent des Français rongés par l’inquiétude : ils sont inquiets de la baisse du pouvoir d’achat, de l’insécurité, de l’immigration, de la guerre qui se rapproche etc.

C’est là qu’il est bon de se rappeler que foi, confiance, fidélité et fiançailles sont de la même racine : se fier à. La confiance conjure la peur. Elle muselle les cris d’orfraie. Elle donne le courage de prendre des risques, d’assumer l’incertain, de se lancer dans l’inconnu. Sans la foi – au moins l’amour et le support de quelques-uns – pas d’innovation ni de résilience.

Mourir d’inquiétude n’est pas le moindre des dangers qui nous guettent !

 

Le contraire de l’inquiétude pourrait bien être le repos en Dieu. Notre fameux requiem du début. Ce que la tradition orthodoxe appelle l’hésychasme : se tenir en Dieu, en paix et en silence, au milieu de quelque activité que ce soit. Les moniales et les moines témoignent qu’il est possible d’accomplir 8 heures de labeur quotidien dans cet état d’esprit, sans inquiétude excessive. Les béguines du XIV° siècle le faisaient aussi, qui marmonnaient sans cesse leur prière en soignant, éduquant, visitant les pauvres de la cité. Nous pouvons vivre de même nos responsabilités en entreprise, en association, en famille, en Église ! Il suffit de nous établir en Dieu, et de tout vivre à partir de lui. Comme l’écrivait Paul : « Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes » (Ph 4,6).

 

3. S’agiter

Le syndrome du hamsterCet hésychasme pourrait alors nous éviter de tomber dans le désordre, la confusion, l’activisme, l’agitation forcenée, ce que Jésus appelle : s’agiter (θορυβω = thorubeō). Il n’y a que 4 usages de ce verbe dans le Nouveau Testament. Outre Marthe, ce verbe s’applique à la foule bruyante qui veut couvrir la mort de la fille du chef de synagogue de ses pleurs, de ses cris et de son chagrin démonstratif (à l’orientale !) : « Jésus, arrivé à la maison du notable, vit les joueurs de flûte et la foule qui s’agitait bruyamment » (Mt 9,23 ; cf. Mc 5,39 ; cf. Paul avec Eutyque en Ac 20,10).


Indication précieuse qui montre que faire du bruit et s’agiter relève d’un certain déni de la mort. Ceux qui versent dans l’activisme ont en réalité peur de mourir : ils fuient dans l’action pour se prouver à eux-mêmes qu’ils sont vivants. Le syndrome du hamster revisité, en quelque sorte ! Faire face à la mort – comme le Christ le fait pour la fille de Jaïre ou Paul pour Eutyque – permet de la vaincre. Nul besoin de s’agiter en tous sens, de multiplier les démonstrations ostentatoires. Le « tumulte des nations » (Ps 2,1), l’effervescence des foules, le désordre des gens hyper-occupés sont souvent le signe de la méchanceté à l’œuvre : « Les Juifs, pris de jalousie, ramassèrent sur la place publique quelques vauriens ; ayant provoqué des attroupements, ils semaient le trouble (thorubeo) dans la ville. Ils marchèrent jusqu’à la maison de Jason, à la recherche de Paul et de Silas, pour les faire comparaître devant le peuple » (Ac 17,5).

On voit pourquoi faire semblant ou faire exprès d’avoir un agenda surchargé est un symptôme qui – lui - devrait nous inquiéter…

 

Alors, quand et comment êtes-vous marthaliste ?

Qu’est-ce qui vous accapare, vous inquiète, vous agite au point de perdre de vue l’essentiel ?

Comment allez-vous vous ménager cette semaine la pause pour vous asseoir en Dieu ?
Comment allez-vous vous enraciner dans le repos en Dieu, même au cœur des tâches les plus nécessaires ?

LECTURES DE LA MESSE


1ère lecture 

« Mon seigneur, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur » (Gn 18, 1-10a)


Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. » Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. »


Psaume
(Ps 14 (15), 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5)
R/ Seigneur, qui séjournera sous ta tente ?
 (Ps 14, 1a)

 

Celui qui se conduit parfaitement,
qui agit avec justice
et dit la vérité selon son cœur.

 

Il met un frein à sa langue.
Il ne fait pas de tort à son frère
et n’outrage pas son prochain.

 

À ses yeux, le réprouvé est méprisable
mais il honore les fidèles du Seigneur.
Il ne reprend pas sa parole.

 

Il prête son argent sans intérêt,
n’accepte rien qui nuise à l’innocent.
Qui fait ainsi demeure inébranlable.

 

Deuxième lecture
« Le mystère qui était caché depuis toujours mais qui maintenant a été manifesté » (Col 1, 24-28)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens
Frères, maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. De cette Église, je suis devenu ministre, et la mission que Dieu m’a confiée, c’est de mener à bien pour vous l’annonce de sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ.

 

Évangile
« Marthe le reçut. Marie a choisi la meilleure part » (Lc 10, 38-42)
Alléluia. Alléluia.
Heureux ceux qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance. Alléluia. (cf. Lc 8, 15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Patrick BRAUD

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