L'homélie du dimanche (prochain)

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21 juillet 2012

Du bon usage des leaders et du leadership

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Du bon usage des leaders et du leadership

Homélie du 16° dimanche ordinaire / Année B
22/07/2012

Le thème du bon berger relie la première lecture (Jr 23,3-6), le psaume (22), l’évangile ce dimanche (Mc 6,13-34). Du coup, la question nous est posée à nous également : quel « berger » suivons-nous ? Comment sommes-nous bergers nous-mêmes ?

Quel berger suivons-nous ?
Il est assez courant hélas de voir des chrétiens professer leur foi le dimanche et suivre un tout autre credo la semaine au travail. Que ce soit pour suivre la dernière technique de management à la mode, ou pour approuver tel projet présenté par tel chef etc., beaucoup de chrétiens sont comme hypnotisés et perdent leur liberté critique. Comme si leur foi ne pouvait pas jouer dans leur vie professionnelle. Or, suivre aveuglement les objectifs fixés par une hiérarchie peut amener à une forme de schizophrénie intérieure douloureuse ; sans compter l’amertume de se voir un jour abandonné par ceux-là mêmes que l’on a imité.

Le portrait du mauvais leader brossé par Jérémie reste toujours valable : il égare et disperse, il apeure et accable, il rend stérile ceux qui le suivent. Bien des gourous les affaires se sont comportées ainsi - avec succès - jusqu’à ce que leur vrai leadership soit enfin révélé. Bien des chefs, petits ou grands, ont suscité une adhésion a posteriori étonnante, ou ont imposé par la peur et la contrainte des comportements formatés à leurs équipes.

Quel est votre berger au travail ?

Ne dites pas que vous êtes libres et que vous n’en avez pas… Il y a toujours quelqu’un qui a autorité sur vous, qui peut vous forcer à faire des choses que vous n’aimez pas. Plus subtil : il y a toujours des modèles que vous voudrez imiter, consciemment ou non. Le ?désir mimétique’ analysé par René Girard est si puissant qu’il arrive même à se faire oublier, pour mieux manipuler.

Pourtant il faut bien des modèles et des chefs hiérarchiques. La question de Jérémie est : les avez-vous réellement choisis ? Correspondent-ils à vos valeurs les plus précieuses ? Comment les laissez-vous avoir une influence sur vous-même ?

Les moutons de Panurge ne se sont pas réveillés à temps et ont sauté dans le vide en croyant suivre le bon berger…

 Du bon usage des leaders et du leadership dans Communauté spirituelle ascensi01

Le portrait du bon leader court dans toute la Bible : il exerce le droit et la justice (Jérémie, les psaumes) ; il fait reposer ceux dont il a la charge, leur fait traverser les épreuves et même les ravins de la mort selon le psaume de ce dimanche ; il devine les vrais besoins de ceux qui lui sont confiés ; il les instruit et les nourrit en joignant le geste à la parole.

Avant de suivre une idéologie politique quelconque, une culture d’entreprise, des objectifs professionnels, posons la question : quel est le berger qui est caché derrière ce à quoi on me demande d’adhérer ? Puis-je lui faire confiance ? Puis-je le suivre en restant en accord avec moi-même ? En les passant au tamis des critères bibliques, quelles finalités puis-je choisir pour courir après des objectifs qui me correspondent  vraiment ?

Quel berger sommes-nous ?
Chacun est tantôt conduit tantôt conducteur, tantôt suiveur tantôt leader. Avec le risque d’ailleurs de faire payer à ceux qui me voient dans un rôle ce dont je souffre dans un autre rôle. Tel salarié obéissant et fidèle devient un tyran à la maison. Tel bon père de famille devient insupportable au bureau.

Nous avons tous des moments, des responsabilités, des situations où nous sommes le berger d’autrui. Consciemment, pour aider un enfant à choisir ses études par exemple, son avenir. Inconsciemment, en se forgeant une aura telle que les autres n’ont plus qu’à m’imiter etc.

Là encore il vaut mieux reconnaître avec joie et humilité ces moments où il nous faut assumer un leadership. Ce serait une illusion de vouloir abdiquer de toute forme de responsabilité à conduire d’autres personnes. Par l’exemple, par la parole : on a besoin de figures charismatiques qui donnent le bon cap à une association, un club sportif, dans une ambiance de quartier entre voisins, dans la famille bien sûr etc. Toujours imiter et suivre les autres est normalement impossible, sauf à n’être plus que l’ombre de soi-même.

Alors, comment exercerons-nous l’autorité lorsqu’il nous faut le faire ? Comment et vers où conduisons-nous des collègues, des enfants, des amis ?

Du bon leadership
Jésus précise dans l’évangile de Jean que le bon berger est celui qui « donne sa vie pour ses brebis ».

Voilà un sacré critère pour examiner nos leaderships !
Voilà une attitude du cœur qui devrait éviter à des parents de dire à leur enfant : « après tout ce que nous avons fait pour toi… ».
Voilà un sens du service qui devrait amener un chef hiérarchique à manager son équipe bien différemment des standards habituels.
Voilà une intelligence du cœur qui transformera toute responsabilité exercée en engagement pour les autres.

berger4 berger dans Communauté spirituelle

La deuxième lecture complète d’ailleurs ce portrait du bon berger par des qualités essentielles : faire tomber les murs qui séparent, rassembler, faire la paix entre les ennemis d’hier, créer du nouveau, réconcilier, donner à tous l’accès à l’essentiel (Ep 2, 13-18).

Transposez à chaque domaine de votre vie (famille, amis, travail, voisin…) et vous verrez que le bon berger de nos lectures peut inspirer vos choix.

Quel leader suivez-vous ?

Quel leadership assumez-vous ?

 

1ère lecture : Les bons pasteurs du peuple de Dieu (Jr 23, 1-6)

Lecture du livre de Jérémie

Parole du Seigneur. Misérables bergers, qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! C’est pourquoi ? ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple ? : À cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Moi je vais m’occuper de vous, à cause de vos méfaits, déclare le Seigneur. Puis je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai dispersées. Je les ramènerai dans leurs pâturages, elles seront fécondes et se multiplieront. Je leur donnerai des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées et accablées, et aucune ne sera perdue, déclare le Seigneur. 

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je donnerai à David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. Sous son règne, le royaume de Juda sera sauvé, et Israël habitera sur sa terre en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice ».

Psaume : 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Jésus est la Paix pour tous les hommes (Ep 2, 13-18)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Frères, vous qui autrefois étiez loin du Dieu de l’Alliance, vous êtes maintenant devenus proches par le sang du Christ.
C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine,
en supprimant les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Il voulait ainsi rassembler les uns et les autres en faisant la paix, et créer en lui un seul Homme nouveau.
Les uns comme les autres, réunis en un seul corps, il voulait les réconcilier avec Dieu par la croix : en sa personne, il a tué la haine.
Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.
Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit.

Evangile : Jésus a pitié de la foule (Mc 6, 30-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie. Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu’ils ont fait et enseigné.
Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu’on n’avait même pas le temps de manger.
Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l’écart.
Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.
En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.
Patrick Braud

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14 juillet 2012

Plus on possède, moins on est libre

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Plus on possède, moins on est libre

 Homélie du 15° dimanche ordinaire / Année B
15/07/2012

Le ressentiment contre une Église trop riche

Qu’est-ce qui a en grande partie causé le rejet de l’Église catholique chez les Français de toutes classes sociales au XVIII° siècle ? Essentiellement les privilèges matériels qu’elle avait accumulés au fil des siècles. Le ressentiment des paysans était grand contre ces princes de l’Église qui possédaient trop et exigeaient toujours plus, en collectes, taxes et autres dons en nature. Les nobles voyaient d’un mauvais oeil ces concurrents parader à la cour royale ou dans les demeures aristocratiques comme s’ils y étaient chez eux. Même le bas clergé, rangé au côté du Tiers État lors des États Généraux de 1789, se plaignait des conditions de vie extravagantes de leurs évêques et responsables directs, alors que eux arrivaient tout juste à survivre dans les paroisses pauvres. Il régnait entre prêtres, entre les clercs et le peuple, une grande inégalité et une grande injustice. Si bien que les confiscations des biens ecclésiaux par la Révolution devinrent le symbole de l’exaspération de la population envers une Église devenue trop riche, trop puissante.

En cette période où la Grèce fait beaucoup parler d’elle au coeur de la crise de l’euro, il se pourrait que l’Église grecque comprenne un jour qu’elle aussi doit accepter de lâcher de ses possessions et de ses privilèges, si elle veut garder l’estime de ses enfants. Cette Église grecque est hégémonique, comme si elle voulait faire contrepoids à l’hégémonie musulmane qui risque d’étouffer hélas les pays voisins. Lorsque tout un peuple souffre sur le plan économique, voir les popes, les monastères, les paroisses continuent à mener grand train, ne pas payer d’impôts et bénéficier d’aides de l’État va être de plus en plus insupportable.

Est-ce à ce genre de contradictions que Jésus pense lorsqu’il prescrit à ses 12 envoyés « de ne rien emporter pour la route, de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture », ni même de tunique de rechange ! (Mc 6,7-13).

Jésus sait d’expérience que pour libérer les autres (« chasser les démons »), il faut d’abord être soi-même libéré de toute possession. Pour être plus fort que le mal, (« il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais »), il leur faut être libre de toute soif de pouvoir économique ou social.

Pour être au service, Jésus a voulu que son Église soit pauvre.

Chaque fois que les chrétiens ont oublié cette prescription, l’Église a commencé à décliner spirituellement, même si elle s’installait socialement. Chaque fois que les réformateurs l’ont ramené à cet ordre évangélique (les ermites, François d’Assise, Charles de Foucauld ou autres), elle a retrouvé un rayonnement bien au-delà de ses appartenances.

 

Pour une Église servante et pauvre

« Pour une Église servante et pauvre » : ce leitmotiv du concile Vatican II a entraîné un renouveau en profondeur, des favelas d’Amérique latine aux bidonvilles de Calcutta en passant par les ‘igloos’ du quart-monde en Europe (cabanes de tôle où se réfugiaient les familles dans les cités d’urgence).

Il se pourrait que cet élan conciliaire soit aujourd’hui mis à mal et contesté par de jeunes générations rêvant de reconquête et de pouvoir sur les masses. Mais ce serait une illusion de croire que l’avenir de l’Église passe par la puissance sociale et institutionnelle.

D’autres Églises, notamment baptistes et pentecôtistes, vivent à la lettre la finale de notre évangile de ce dimanche : chasser les démons, faire des onctions d’huile pour guérir les malades etc. On connaît les rassemblements charismatiques spectaculaires où des milliers de personnes proclament leur conversion et disent être guéris, libérés. Si tout cela s’accompagne du désintéressement prescrit par Jésus à ses apôtres, rien à redire. Si par contre ce soi-disant service se traduit en sommes d’argents mirobolantes, en domination d’un leader sur ses convertis, en lutte insensée pour prendre le pouvoir sur une société supposée pervertie (cf. les scandales des télévangélistes aux USA), alors l’avertissement du Christ résonne comme une mise en garde : « n’emportez rien pour la route… ».

Évidemment, il faut bien quelques moyens matériels pour vivre. Jésus n’est pas naïf. Il est même très réaliste en revendiquant l’efficacité de sa pauvreté apostolique :« Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ?  ’De rien’, dirent-ils. » (Lc 22,35)  Il sait que l’hospitalité ne manquera jamais à ceux qui se dévouent pour les autres. La nourriture sera offerte à ceux qui se dépensent sans compter pour la communauté. Comme le dira Paul en parlant de son ministère : « tout ouvrier mérite son salaire ». Il est juste que l’apôtre reçoive de ceux à qui il est envoyé. Ce qui l’amène d’ailleurs à faire l’expérience de la dépendance, par amour. Les bonzes tibétains doivent mendier leur bol de riz dans la rue. Les ouvriers de l’Évangile doivent compter sur la générosité de ceux à qui ils annoncent l’Évangile, sans esprit d’accumulation ni de domination.

Tel est bien le sens du denier de l’Église par exemple. Indispensable aux diocèses et aux paroisses pour survivre, il dépend entièrement de la libre générosité des habitants ; il traduit leur attachement à l’Église et aux services qu’elle leur procure; il est suffisant pour vivre (à peine en réalité, car sans les legs et les dons le déficit serait grand) mais pas pour s’enrichir. Et c’est très bien ainsi !

Le vrai enjeu pour chacun est d’examiner ce qu’il possède : ma richesse est-elle un obstacle au service des autres ? Suis-je assez libre pour servir avec désintéressement ? Pour accepter d’être envoyé quelque part « sans pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans la ceinture » ?

Et bien sûr on peut étendre cette pauvreté matérielle à toute forme de pauvreté « en esprit » (Mt 5) : être envoyé ailleurs, que ce soit dans un cadre professionnel, associatif ou ecclésial, suppose un réel détachement intérieur, en ne possédant pas trop de certitudes, de jugements établis ou de positions dominantes qui empêcheraient de se mettre au service de ceux vers qui nous sommes envoyés.

Amos dans la première lecture témoigne qu’il n’a pas recherché la mission de prophète qui lui est tombée dessus. « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël » (Am 7,15). Il a quitté son troupeau, s’est frotté au roi d’Israël, il n’a gagné ni terre, ni argent ni titre dans cette mission. 

Sa pauvreté à lui était d’aller « les mains nues » au devant des inconnus que Dieu lui désignait.

Cette pauvreté est toujours la nôtre. Conjuguée à une simplicité de vie matérielle, elle sera le ferment le plus puissant de la nouvelle évangélisation de notre vieux continent…

 

Plus on possède, moins on est mobile.

Plus on accumule, moins il est facile de se laisser envoyer ailleurs.

Tous ceux qui ont déménagé souvent le savent d’expérience !

Tout en gardant « un bâton pour la route », à quelle simplification matérielle sommes-nous appelés pour mieux répondre à l’appel du Christ ?

 

1ère lecture : La mission divine du prophète (Am 7, 12-15)

Lecture du livre d’Amos

Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Va-t’en d’ici avec tes visions, enfuis-toi au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser ; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume.»
Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les figuiers. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ »

Psaume : 84, 9ab.10, 11-12, 13-14

R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? 
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple. 
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

2ème lecture : Dieu nous a choisis depuis toujours (brève : 3-10) (Ep 1, 3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Ephésiens

Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ. Dans les cieux, il nous a comblés de sa bénédiction spirituelle en Jésus Christ. En lui, il nous a choisis avant la création du monde, pour que nous soyons, dans l’amour, saints et irréprochables sous son regard. Il nous a d’avance destinés à devenir pour lui des fils par Jésus Christ : voilà ce qu’il a voulu dans sa bienveillance, à la louange de sa gloire, de cette grâce dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé, qui nous obtient par son sang la rédemption, le pardon de nos fautes. Elle est inépuisable, la grâce par laquelle Dieu nous a remplis de sagesse et d’intelligence en nous dévoilant le mystère de sa volonté, de ce qu’il prévoyait dans le Christ pour le moment où les temps seraient accomplis ; dans sa bienveillance, il projetait de saisir l’univers entier, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, en réunissant tout sous un seul chef, le Christ. 
En lui, Dieu nous a d’avance destinés à devenir son peuple ; car lui, qui réalise tout ce qu’il a décidé, il a voulu que nous soyons ceux qui d’avance avaient espéré dans le Christ, à la louange de sa gloire. Dans le Christ, vous aussi, vous avez écouté la parole de vérité, la Bonne Nouvelle de votre salut ; en lui, devenus des croyants, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit que Dieu avait promis, c’est la première avance qu’il nous a faite sur l’héritage dont nous prendrons possession au jour de la délivrance finale, à la louange de sa gloire.

Evangile : Jésus envoie les Douze appeler les hommes à la conversion (Mc 6, 7-13)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur toute la terre est proclamée la Parole, et la Bonne Nouvelle aux limites du monde. Alléluia. (cf. Ps 18, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie deux par deux. Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais, et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n’est un bâton ; de n’avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture.
« Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. »
Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage. »
Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir.
Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Patrick Braud

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7 juillet 2012

Le Capaharnaüm de la mémoire : droit à l’oubli, devoir d’oubli

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le Capaharnaüm de la mémoire :
droit à l’oubli, devoir d’oubli

Homélie du 14° dimanche ordinaire / Année B
8 juillet 2012.

 

Le Capharnaüm de la mémoire

Dieu que c’est meurtrier de croire qu’on connaît quelqu’un !

Jésus en fait l’amère expérience : lorsqu’il revient chez lui, « dans son pays », à Le Capaharnaüm de la mémoire : droit à l'oubli, devoir d'oubli dans Communauté spirituelleCapharnaüm (où on a retrouvé les restes de la synagogue et de la maison de Simon-Pierre), personne ne croit en lui. Pourquoi ? Justement parce que c’est un enfant du pays, et que tout le monde croit le connaître. « N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » (cf. Mc 6,1-6)

Autrement dit : les habitants de Capharnaüm ne peuvent pas (ou ne veulent pas ?) voir en Jésus quelqu’un d’autre que celui qu’il a toujours été : l’un des leurs, ni plus ni moins. La prétention de cet enfant devenu homme à être le prophète qui accomplit les Ecritures les heurte profondément.

Pour les juifs, le Messie doit venir d’ailleurs, et manifester ainsi la radicale altérité de  Capharnaüm dans Communauté spirituelleDieu lui-même. Mais ils imaginent cette altérité comme géographique (le Messie ne sera pas d’ici) ou familiale (nul ne saura son origine), alors que Dieu l’a pensée plus radicale encore : cet homme Jésus vient de Dieu. Alors l’incompréhension est totale (« Ils étaient profondément choqués à cause de lui. »), et elle navre Jésus qui s’étonne de leur manque de foi.

Avec ce célébrissime adage : « nul n’est prophète en son pays », Jésus constate avec tristesse que la proximité peut engendrer l’aveuglement, la familiarité peut éloigner de la vraie connaissance de l’autre.

C’est une expérience que nous avons tous pu faire, en la subissant ou en la provoquant.

Nous subissons la méconnaissance des autres lorsque les proches refusent de voir en nous autre chose que ce qu’ils y ont toujours vu.
Nous provoquons cette méconnaissance lorsque nous savons tellement de choses sur quelqu’un que nous lui interdisons en pratique de changer.

Or se laisser surprendre par quelqu’un que l’on croyait connaître est une grande marque de respect.

Le conjoint avec qui vous partagez votre quotidien est un bon test : au bout de quelques années de vie commune, vous laissez-vous encore étonner par lui ? Abordez-vous des questions et des sujets de discussion nouveaux ? Lui laissez-vous la possibilité de changer ? Changer d’habitudes, de pensée, d’état d’esprit : on ne peut s’y aventurer que si les plus proches comprennent, en encourageant, en accompagnant. Sinon on se résigne ; ou bien on quitte. C’est le symptôme de la fameuse crise du milieu de vie : lorsque les choix fondamentaux sont à nouveau à faire, les proches prennent peur et font blocage au lieu d’accepter que l’autre change.

Ce qui est vrai pour le conjoint l’est également pour le collègue. Dans une entreprise, certains trimbalent des étiquettes comme des boulets : ‘celui-là on le connaît, c’est un tire-au-flanc, ou bien un vrai tyran, ou encore un type à éviter’. Parce que cette rumeur s’étend à tout un service, ou bien simplement parce qu’il fait partie des murs, tel collaborateur sera prisonnier du regard porté sur lui comme sur Jésus à Capharnaüm : ‘n’est-ce pas Machin qu’on connaît par coeur ? Et il voudrait nous faire croire qu’il serait capable d’autre chose ? Foutaises !’

Et pourtant, dès qu’on donne la parole aux salariés en brassant leurs appartenances, leurs niveaux hiérarchiques, leurs métiers, il se passe des révélations surprenantes. Un tel qu’on croyait transparent se révèle bon animateur ; une telle qu’on pensait  distante se révèle blessée et touchante ; un autre qu’on jugeait agressif ne demandait seulement qu’une écoute pour adopter un comportement plus positif etc.

 

Dieu que c’est meurtrier de croire qu’on connaît quelqu’un !

Le mieux serait alors de professer une docte ignorance : je confesse ne pas savoir qui tu es vraiment (que tu sois ami, conjoint ou collègue). Et chaque matin je repars à ta découverte sans laisser l’accumulation des acquis du passé me fermer à la surprise du lendemain. Lorsque la relation est difficile, l’autre percevra ainsi un signal de liberté : ?tu ne m’enfermes pas dans ce que j’ai été’. Lorsque la relation est belle et bonne, l’autre percevra dans cette docte ignorance de ma part un encouragement à continuer à aller plus avant, en continuant à se transformer.

 

L’oubli est parfois plus important que la mémoire.

Oublier ce que j’ai appris sur l’autre me permet de le découvrir à chaque fois avec un regard neuf, de l’accompagner dans ses changements. Les habitants de Capharnaüm étaient prisonniers de leur mémoire commune avec Jésus : l’ayant vu gamin travailler avec son père charpentier, jouer avec ses cousins et cousines dans les rues du village (les fameux « frères et soeurs » de Jésus), ils ne peuvent imaginer que Jésus est différent de ce qu’ils savent déjà de lui.

Leur mémoire leur joue des tours, mais c’est paradoxalement en les empêchant d’oublier !

Le Capharnaüm de la mémoire, c’est lorsque celle-ci est trop en ordre, trop archivées sur trop longtemps pour pouvoir s’ouvrir à la nouveauté.

S’ils avaient mis de côté leurs souvenirs avec la famille de Joseph, les habitants de Capharnaüm se seraient rendus disponibles à la nouveauté de Jésus, comme le seront ceux qui ignorent tout de lui.

 

Devoir d’oubli / droit à l’oubli

Il y a donc comme un devoir d’oubli qui flotte dans cet évangile…

1001privacyday.1264684203.thumbnail InternetÉlément très actuel, quand vous pensez aujourd’hui à toutes les traces numériques que les jeunes notamment laissent sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux. Dans 5 ans ou 10 ans, alors qu’ils auront changé, un employeur leur ressortira peut-être la vidéo où ils s’exhibaient ivres et en plein délire estudiantin :c’est vous là  sur cette photo ? Et vous croyez que je vais vous faire confiance ?’ Le jeune protestera :mais c’était moi il y a cinq ans ! Maintenant je suis différent.’  Peine perdue?

Comme quoi le devoir d’oubli devrait s’accompagner d’un droit à l’oubli, garanti par la société et par la loi, le droit à l’oubli numérique notamment pour ne pas être enfermé à jamais dans une empreinte d’un moment.

Nietzsche est étonnamment proche de Jésus à Capharnaüm lorsqu’il écrit :

« Faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, voilà, je le répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli. »

Nietzsche, Généalogie de la morale

 

Le devoir d’oubli, c’est le regard bienveillant qui donne à l’autre la chance de renaître.

Le droit à l’oubli, c’est l’affirmation de la dignité de toute personne humaine qui est toujours plus grande que ses actes passés.

Jésus à Capharnaüm a souffert qu’on ne lui accorde pas ce droit à l’oubli. Par contre, envers les parias de son époque, il a témoigné d’un devoir d’oubli qui a choqué les gens installés dans leurs fausses connaissances.

 

Comment lutter pour ce droit à l’oubli ?

Comment mettre en œuvre ce devoir d’oubli ?

En famille, au travail, entre amis ou voisins, comment accepter finalement que quelqu’un soit prophète en son pays ?

 

1ère lecture : Le prophète envoyé aux rebelles (Ez 2, 2-5)

Lecture du livre d’Ezékiel

L’esprit vint en moi, il me fit mettre debout, et j’entendis le Seigneur qui me parlait ainsi :
« Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël, vers ce peuple de rebelles qui s’est révolté contre moi. Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères se sont soulevés contre moi,
et les fils ont le visage dur, et le c?ur obstiné. C’est à eux que je t’envoie, et tu leur diras : ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’
Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils s’y refusent ? car c’est une engeance de rebelles ?, ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »

Psaume : 122, 1-2ab, 2cdef, 3-4

R/ Nos yeux levés vers toi, Seigneur, espèrent ta pitié.

Vers toi j’ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel,
comme les yeux de l’esclave
vers la main de son maître.

Comme les yeux de la servante
vers la main de sa maîtresse, 
nos yeux, levés vers le Seigneur notre Dieu,
attendent sa pitié.

Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous :
notre âme est rassasiée de mépris.
C’en est trop, nous sommes rassasiés 
du mépris des orgueilleux !

2ème lecture : La force de l’Apôtre réside dans sa faiblesse (2Co 12, 7-10)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, les révélations que j’ai reçues sont tellement exceptionnelles que, pour m’empêcher de me surestimer, j’ai dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour m’empêcher de me surestimer. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » Je n’hésiterai donc pas à mettre mon orgueil dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ habite en moi. C’est pourquoi j’accepte de grand c?ur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

Evangile : Jésus n’est pas accepté dans son pays (Mc 6, 1-6)

Acclamation : Alléluia.Alléluia. Le Seigneur a envoyé Jésus, son serviteur, porter pauvres la Bonne Nouvelle du salut. Alléluia. (cf. Lc 4, 18a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent.
Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui.
Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison. »
Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonna de leur manque de foi. Alors il parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Patrick Braud

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30 juin 2012

Les matriochkas du 12

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Les matriochkas du 12

 

Homélie du 13° Dimanche ordinaire / Année B

01/07/2012

 

Comme très souvent, cette page d’Évangile peut se prêter à différentes interprétations :

- historique : on cherchera à retrouver la puissance de guérison qui visiblement impressionnait les contemporains de Jésus.

- morale : on soulignera le dépassement des catégories du pur et de l’impur qu’opère Jésus en se laissant toucher par cette femme impure, et en touchant le cadavre d’une fillette, contractant ainsi une autre impureté légale.

- religieuse : on insistera sur la divinité de ce prophète manifesté ici par sa victoire sur la mort sociale, familiale et physique.

- sacramentelle : on fera le rapprochement entre le corps du Christ hier qui était source de guérison à son contact, et l’eucharistie aujourd’hui qui joue le même rôle.

- psychologique : on étudiera le rapprochement entre cette femme qui n’arrive pas à être femme à cause de ses saignements où sa féminité s’écoule au-dehors, solitaire et stérile, et cette fillette qui n’arrive pas à devenir femme, sans doute à cause de ses parents qui l’étouffent (« l’enfant n’est pas morte, elle dort »).

 

Chacune de ces interprétations est légitime et mérite des pages de commentaires, tant leurs conséquences actuelles sont importantes.

Faute de place limitons-nous à une autre interprétation, allégorique celle-là, qui était chère aux Pères de l’Église.

 

Les matriochkas du chiffre 12

La clé de cette interprétation allégorique repose sur ce qui est commun aux deux récits dans Mc 5,21-43, récits enchâssés l’un dans l’autre comme des poupées russes :

 

- le 12 : c’est une suture évidente entre les deux guérisons. La femme avait des pertes de sang « depuis 12 ans », et Marc prend bien soin de préciser (détail inutile s’il n’était pas symbolique) que « la jeune fille avait 12 ans ».

Or 12 est dans la Bible le chiffre d’Israël, depuis que les 12 tribus se sont fédérées en un seul peuple de Dieu. Ce n’est pas pour rien que Jésus choisit 12 apôtres, annonçant l’accomplissement d’Israël dans l’Église. Ce n’est pas pour rien que la Jérusalem céleste a 12 portes ouvertes sur le monde lors de l’accomplissement des temps dans l’Apocalypse de Jean.

Les deux personnages de notre récit figurent donc symboliquement Israël, malade ou endormi à force d’attendre le Messie.

Israël s’épuise comme la femme hémorroïsse s’il n’entre pas en contact avec le corps du Christ (ne fut-ce qu’en « touchant son manteau »). Il perd sa vitalité (saignements internes), devient solitaire au milieu des nations (comme cette femme qui ne peut pas se marier à cause de ses saignements qui font d’elle une impure), et stérile (la fécondité est une autre conséquence de ces saignements).

Israël devient « endormi » au milieu des nations, à l’image de cette jeune fille qui refuse de s’alimenter (Jésus est obligé d’intimer cet ordre aux parents : « faites-la manger ») s’il refuse lui aussi de se nourrir de la parole faite chair

 

Les Pères de l’Église ont longtemps insisté sur l’apport des juifs reconnaissant en Jésus le Christ des Écritures, comme sur le drame de « l’Israël ancien » qui ne veut pas entrer en contact avec son Messie si paradoxal.

Aujourd’hui encore, le rôle d’Israël dans le concert des nations continue, unique et irremplaçable (cf. Rm 9-11). On voit bien que – même politiquement – Israël peut s’isoler et devenir stérile lorsqu’il s’entête à confondre élection et privilège : le peuple élu par Dieu est choisi pour être le serviteur des nations (cf. Is 53) pas un dominateur des autres peuples. L’humble messianité de Jésus, serviteur désintéressé, pourrait opérer sur Israël le même redressement spectaculaire que chez la fillette qui se lève et marche, ou chez la femme épuisée qui enfin devient vraiment femme.

 

Devenir femme

En hébreu, le peuple est un nom féminin. Dans la Bible, Israël est toujours personnifiée dans sous les traits d’une femme : la bien-aimée du Cantique des cantiques, la femme adultère d’Osée, et jusqu’à l’absence de femme pour Jérémie célibataire, signe d’un Dieu sans partenaire d’alliance depuis qu’Israël l’a abandonné pour des idoles païennes.

La femme et la fillette de Mc 5 renvoient donc à Israël qui a du mal à assumer sa féminité, c’est-à-dire sa condition de partenaire de Dieu dans l’Alliance.

 

Devenir fille

Ce symbolisme est renforcé par le titre que Jésus donne à la femme guérie : « [ma]  fille, ta foi t’a sauvée ». C’est comme s’il l’adoptait : elle qui est sans protection, seule, impure et stérile, elle découvre en Jésus un père. Dieu est le père d’Israël, le père des pauvres : en l’appelant « ma fille » Jésus fait entrer cette femme dans la famille d’Israël où tous se reconnaissent enfants de Dieu.

La fillette est également appelée « ma fille » par le chef de synagogue : ce parallèle situe bien Jésus comme le vrai chef de la nouvelle synagogue qu’est l’Église.

 

Les anonymes

De façon étonnante, ces deux figures féminines demeurent anonymes. Elles font partie de ces inconnus que le Christ rencontre une fois, et une seule apparemment, qu’il libère et laisse libres d’aller leur chemin sans leur demander de le suivre. Étonnante liberté de Jésus qui se laisse dérouter par elles, justement pour les remettre sur la route de leur vocation personnelle. Les Pères de l’Église voyaient dans ces anonymes de l’Évangile tous les peuples auxquels l’Église est envoyée : sans chercher forcément les convertir ni à posséder leur identité, l’Église corps du Christ est appelée à guérir et relever gratuitement. Même minoritaire au milieu de sociétés musulmanes ou hindoues ou athées aujourd’hui, l’Église inlassablement doit accepter qu’une force sorte d’elle-même, presque à son insu comme pour Jésus, pour soulager ceux qu’elle croise sur sa route et qu’elle ne reverra plus après.

 

Jésus-Jaïre

L’anonymat de ces deux figures féminines est d’autant plus surprenant que le nom de Jaïre est mentionné dès le début du récit, sans doute dans l’intention de nous avertir.

En effet, Jaïr est dans la Bible le nom du père du célèbre Mardochée (Esther 2,3) qui a su guider sa fille Ester pour déjouer un complot visant à exterminer les juifs (déjà !).

Jaïr est encore le nom d’un juge qui a gouverné Israël pendant 22 ans (Jg 10,3), et qui avait 30 fils qui montaient chacun 30 ânes (expression qui indique leur puissance Jg 5,10 ; 13,14).

C’est encore le nom du père ou du prince de Galaad (1Ch 2,21-22) qui en possédait 23 villes (plus 60 villes en Bashân cf. Jo 13,30), ce qui montre là encore sa puissance.

Certains pensent que l’étymologie de Jaïre serait apparentée à celle du latin : jacere = être couché, gésir. Cette étymologie serait une allusion frappante à l’influence mortelle du père sur sa fille lorsqu’il l’étouffe au point de la maintenir couchée, gisante, considérée comme morte.

Jésus accomplit ici ce qu’annoncent tous les usages du nom Jaïr dans la Bible : juge équitable, Père de l’Église qui va libérer les nations (Esther), prince puissant régnant sur des villes nombreuses pour les libérer, force de vie qui libère ceux qui gisent dans l’ombre de la mort.

 

La puissance de la résurrection

But ultime de la catéchèse patristique : l’annonce de la résurrection, celle du Christ qui engendre la nôtre.

Laissons le dernier mot à Cyrille d’Alexandrie (376-444) pour terminer ce voyage dans l’interprétation allégorique des Pères de l’Église. Il fait le lien entre le relèvement de la fillette de l’évangile et la puissance de résurrection qui est à l’oeuvre dans l’eucharistie et l’Église, corps du Christ.

 « Dès lors que le Christ est entré en nous par sa propre chair, nous ressusciterons entièrement ; il est inconcevable, ou plutôt impossible, que la vie ne fasse pas vivre ceux chez qui elle s’introduit.

 Comme on recouvre  un tison ardent d’un tas de paille pour garder intacte le germe du feu, de  même notre Seigneur Jésus Christ cache la vie en nous par sa propre chair et y met comme une semence d’immortalité qui écarte toute la corruption que  nous portons en nous.

Ce n’est donc pas seulement par sa parole qu’il  réalise la résurrection des morts. Pour montrer que son corps donne la vie,  comme nous l’avons dit, il touche les cadavres et par son corps il donne la  vie à ces corps déjà en voie de désintégration. Si le seul contact de sa  chair sacrée rend la vie à ces morts, quel profit ne trouverons-nous pas en  son eucharistie vivifiante quand nous la recevrons !…

Il ne suffirait pas  que notre âme seulement soit régénérée par l’Esprit pour une vie nouvelle. Notre corps épais et terrestre aussi devait être sanctifié par sa  participation à un corps aussi consistant et de même origine que le nôtre et devait être appelé ainsi à l’incorruptibilité. »

 

 

1ère lecture : Dieu n’a pas fait la mort (Sg 1, 13-15; 2, 23-24)

Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent ; ce qui naît dans le monde est bienfaisant, et l’on n’y trouve pas le poison qui fait mourir. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.
Dieu a créé l’homme pour une existence impérissable, il a fait de lui une image de ce qu’il est en lui-même. La mort est entrée dans le monde par la jalousie du démon, et ceux qui se rangent dans son parti en font l’expérience.

 

Psaume : 29, 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13

R/ Je t’exalte, Seigneur, toi qui me relèves;

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse. 

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

Que mon c?ur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

2ème lecture : La générosité du Christ, motif de la nôtre (2Co 8, 7.9.13-15)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez reçu largement tous les dons : la foi, la Parole et la connaissance de Dieu, cette ardeur et cet amour que vous tenez de nous, que votre geste de générosité soit large, lui aussi.
Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité.
En cette occasion, ce que vous avez en trop compensera ce qu’ils ont en moins, pour qu’un jour ce qu’ils auront en trop compense ce que vous aurez en moins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’a rien eu de plus, et celui qui en avait ramassé peu n’a manqué de rien.

Evangile : Résurrection de la fille de Jaïre – Guérison d’une femme (Mc 5, 21-43 (lecture brève 5, 21-24.35b-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus Christ, notre Sauveur, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par son Évangile. Alléluia. (cf. 2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord du lac.
Arrive un chef de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. »
Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.
Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… ? Elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré ? … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par derrière dans la foule et toucha son vêtement. Car elle se disait : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondaient : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : ‘Qui m’a touché ?’ »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait ce geste. Alors la femme, craintive et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Mais Jésus reprit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre pour annoncer à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de la synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l’accompagner, sinon Pierre, Jacques, et Jean son frère.
Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. »
Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui l’accompagnent. Puis il pénètre là où reposait la jeune fille.
Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher ? elle avait douze ans. Ils en furent complètement bouleversés.
Mais Jésus leur recommanda avec insistance que personne ne le sache ; puis il leur dit de la faire manger.
Patrick Braud

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