L'homélie du dimanche (prochain)

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17 novembre 2012

La destruction créatrice selon l’Évangile

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La destruction créatrice selon l’Évangile

Homélie du 33° Dimanche ordinaire  / Année B
18/11/12

La petite apocalypse de Mc 13,24-32 commence dans un fracas hollywoodien. Visiblement, les images employées ici sont destinées à impressionner : détresse, obscurité, chute des étoiles, puissances célestes ébranlées… Symboliquement, cela signifie que l’homme ne pourra plus se rassurer par lui-même, que ce qui l’éclairait jusqu’à présent (la raison, la science, la sagesse, la coutume…) ne brillera plus pour lui ; que ce qui était élevé va être abaissé, que ce qui paraissait puissant va bientôt être profondément bouleversé.

Les premiers chrétiens étaient persuadés que les temps troublés qu’ils vivaient étaient annonciateurs du retour imminent du Christ : persécutions, révolte contre Rome, destruction du temple de Jérusalem… Au moment où Marc écrit, l’attente du retour du Christ devient une espérance tangible : c’est pour demain ! Peut-être Jésus lui-même a-t-il cru en cette imminence de son retour ? Heureusement, Marc précise que le Fils lui-même ne sait pas quand cela arrivera pour de bon, ce qui évite de spéculer sur la fin du monde à la manière des Témoins de Jéhovah ou des oracles du 21 décembre 2012.

Reste que la venue du Fils de l’homme à notre porte s’accompagne dans un premier temps de chute, de fracas, de destruction.

Qui n’a jamais vu s’écrouler en quelques instants quelque chose ou quelqu’un de très cher ne sait pas de quoi il est question ici.

Est-il privilégié ? Oui parce qu’il évite la douleur de la perte et la morsure de la détresse. Non s’il passe à cause de cela à côté des signes qui annoncent un vrai renouvellement de son existence.

Car la destruction qui accompagne la venue du Fils de l’homme en nos vies se conjugue aussitôt avec une incroyable puissance de résurrection : les branches du figuier deviennent tendres, les feuilles sortent, l’été se rapproche. Il y a ce qui s’écroule et qui fait grand bruit. Il y a ce qui naît en silence. Comme le dit un proverbe africain : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. ».

La venue du Christ en nous s’accompagne selon Marc (et aussi Daniel 12,1-3) d’un double mouvement : chute/relèvement ; obscurité/éveil ; détresse/unité ; bouleversements/puissance.

C’est donc il y a des choses qui s’effacent et d’autres qui naissent, des déclins et des surgissements, des destructions et des re-créations. Le Christ vient à nous sur ces lignes de crête.

 

Schumpeter et la destruction créatrice

Afficher l'image d'origineUn économiste du XXe siècle, Joseph Schumpeter, avait diagnostiqué une réalité semblable en économie. Il l’a formalisé dans le célèbre concept de « destruction créatrice », dans lequel il constate que tout progrès économique, toute innovation majeure s’accompagne d’abord d’une destruction d’emplois et de richesse due à l’obsolescence de la technique et des modes de production antérieurs.

« L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle ? tous éléments créés par l’initiative capitaliste. [...] L’histoire de l’équipement productif d’énergie, depuis la roue hydraulique jusqu’à la turbine moderne, ou l’histoire des transports, depuis la diligence jusqu’à l’avion., l’ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l’atelier artisanal et la manufacture jusqu’aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d’autres exemples du même processus de mutation industrielle ? si l’on me passe cette expression biologique ? qui révolutionne incessamment de l’intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c’est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s’y adapter. » 

Joseph Schumpeter, 1943 (Traduction française de 1951) Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, p.106 et 107.

La destruction créatrice selon l'Évangile dans Communauté spirituelle cit-schumpeter 

Lorsque les métiers à tisser Jacquard vinrent révolutionner l’industrie textile au XIX° siècle, on a cru que c’était la fin du monde pour les canuts de Lyon. Mais ce que les métiers à tisser ont détruit d’emplois s’est réinvesti ailleurs, ou autrement, dans de nouveaux métiers inexistants auparavant. Lorsque l’électricité a concurrencé la vapeur, nombres d’emplois ont dû se transformer et se reconvertir. Lorsque le télégraphe est apparu, les diligences et les compagnies postales se sont écroulées. Aujourd’hui, le tout numérique menace les emplois dédiés au papier et à l’analogique, et en même temps cela crée des dizaines de métiers inconnus jusque-là.

Bref, l’innovation technologique bouleverse, renverse un ordre établi en même temps qu’elle en annonce un autre.

 

Thomas Kühn et le changement de paradigme

Afficher l'image d'origineCe double mouvement de destruction créatrice semble également vrai dans la logique de la découverte scientifique. C’est ce que Thomas Kühn appelle le changement de paradigme. Un paradigme, c’est l’ensemble des hypothèses et des interprétations qui permettent d’avoir une vision relativement cohérente du monde.  C’est une certaine manière de voir le monde (une Weltanschauung dirait Max Weber). C?est  l’ensemble des croyances, valeurs et techniques qui sont partagées par les membres d’une communauté scientifique, au cours d’une période de consensus théorique.

Avec Newton et Galilée, on vivait sous le paradigme d’une mécanique céleste bien huilée et bien ordonnée. Avec Einstein, on est passé à une vision du monde où les anciennes certitudes vacillaient : la masse n’est plus constante, la vitesse dépend de la position d’observateur, l’énergie n’est plus différente fondamentalement de la matière. Avec Planck, Schrödinger et la mécanique quantique, on a basculé dans un monde encore plus troublant et incertain, où on ne sait même plus mesurer la masse et la vitesse d’une particule en même temps. Avec Prigogine et Gleick, on aborde avec étonnement un monde où le chaos fait surgir des formes, où la matière s’organise d’elles-mêmes pour faire émerger de la vie nouvelle.

La lecture pascale des événements

Pourquoi insister longuement sur cette destruction créatrice en économie et autre lettre-aux-catholiques-de-france Apocalypse dans Communauté spirituellechangement de paradigme en sciences ? Parce que ces concepts nous disent tous à leur manière ce que l’Évangile nous exprime dans le langage de son temps : la venue du divin en nous se situe dans les fractures, entre ce qui s’écroule et ce qui naît.

La Lettre aux catholiques de France des évêques en 1996 diagnostiquait elle aussi que pour comprendre ce qui nous arrive, il faut se placer dans la perspective de la destruction créatrice :

« La crise que traverse l’Église aujourd’hui est due, dans une large mesure, à la répercussion, dans l’Église elle-même et dans la vie de ses membres, d’un ensemble de mutations sociales et culturelles rapides, profondes et qui ont une dimension mondiale.

Nous sommes en train de changer de monde et de société. Un monde s’efface et un autre est en train d’émerger, sans qu’existe aucun modèle préétabli pour sa construction. Des équilibres anciens sont en train de disparaître, et les équilibres nouveaux ont du mal à se constituer. Or, par toute son histoire, spécialement en Europe, l’Église se trouve assez profondément solidaire des équilibres anciens et de la figure du monde qui s’efface. Non seulement elle y était bien insérée, mais elle avait largement contribué à sa constitution, tandis que la figure du monde qu’il s’agit de construire nous échappe ».

La Lettre continue en invitant les catholiques à pratiquer une « lecture pascale » des évènements, c’est-à-dire à percevoir l’annonce de la Résurrection à travers les effondrements actuels, ce qui est finalement assez proche de la destruction créatrice.

« Nous devons apprendre à pratiquer davantage cette lecture pascale de tous les événements de notre existence et de notre histoire. Si nous ouvrons les Écritures, comme Jésus le fait avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,27), c’est pour comprendre comment dans les souffrances du temps présent se prépare la gloire qui doit se révéler un jour. »

C’est vrai que beaucoup d’indicateurs sont au rouge pour l’Église en France : à peine 6 % de pratiquants, un taux de catéchisation en chute libre, moins de 100 ordinations sacerdotales par an, des finances en péril etc… On peut (et on doit) allonger cette liste des signes du déclin : ce n’est pas en niant la chute qu’on la conjure. Ce n’est pas en se bouchant les oreilles devant le fracas de ce qui s’écroule qu’on va entendre ce qui naît. Ce n’est pas par des discours lénifiants et moralisants qu’on va éviter l’effondrement de ce qui doit mourir. Rien ne sert non plus rejeter la faute à la société environnante : ce serait se mettre hors jeu du renouvellement contenu en germe dans l’effondrement actuel.

Mieux vaut courageusement prendre acte de ce qui meure, et se rendre disponible pour ce qui naît. « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, suis-moi. »

Mieux vaut scruter attentivement la flore environnante pour y reconnaître les jeunes pousses pleines de promesses, les tendres branches du figuier à côté des tiges desséchées.

 

Nos propres fins d’un monde

Ce qui est vrai de l’économie et de la science ou de l’Église l’est bien sûr de notre vie personnelle.

Celui qui passera par un écroulement complet de sa puissance d’autrefois pourra l’interpréter à la manière du Christ comme l’annonce d’une sur-venue, d’une refondation, d’une fécondité nouvelle. Que ce soit à cause d’un cancer, d’un licenciement, d’une séparation ou d’un deuil, le disciple du Christ pourra finalement entendre dans le fracas de la chute la promesse d’une visite. Il pourra déchiffrer dans ce qui s’efface ainsi l’expérience de ce qui peut en surgir, « à la fin ». Il verra dans les destructions qui frappent son histoire non pas la fin du monde, mais la fin d’un monde, qui n’avait pas les promesses de la vie éternelle. Il recevra d’au-delà de lui-même la force de ne pas se laisser détruire, mais de quitter le vieux monde qui s’en va en lambeaux pour aller vers le nouveau. Avec la sagesse du serpent qui se frotte entre deux pierres aiguisées pour se débarrasser de sa vieille peau, il secouera lui aussi la poussière de ses pieds pour quitter ce qui ne peut plus désormais que mourir, ce qui ne peut plus exprimer son identité profonde.

Puisse l’Esprit du Christ à nous apprendre à lire les signes des temps, pour la société, pour l’Église et pour nous-mêmes, afin d’accueillir les événements qui nous bouleversent de fond en comble comme autant de destructions créatrices où Dieu lui-même se faufile jusqu’en nous.

 

 

1ère lecture : La résurrection des morts (Dn 12, 1-3)
Lecture du livre de Daniel
Moi, Daniel, j’ai entendu cette parole de la part du Seigneur :
« En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui veille sur ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent. Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple, de tous ceux dont le nom se trouvera dans le livre de Dieu.
Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles.
Les sages brilleront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude resplendiront comme les étoiles dans les siècles des siècles. »

Psaume : 15, 5.8, 9-10, 1b.11

R/ Garde-moi, Seigneur mon Dieu, toi, mon seul espoir !

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon coeur exulte, mon âme est en fête, 
ma chair elle-même repose en confiance : 
tu ne peux m’abandonner à la mort 
ni laisser ton ami voir la corruption.

Mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge.
Tu m’apprends le chemin de la vie : 
devant ta face, débordement de joie ! 
À ta droite, éternité de délices !

2ème lecture : Le sacrifice unique (He 10, 11-14.18)
Lecture de la lettre aux Hébreux
Dans l’ancienne Alliance, les prêtres étaient debout dans le Temple pour célébrer une liturgie quotidienne, et pour offrir à plusieurs reprises les mêmes sacrifices, qui n’ont jamais pu enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds.Par son sacrifice unique, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qui reçoivent de lui la sainteté.
Quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour les péchés.

Evangile : La venue du Fils de l’homme (Mc 13, 24-32)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes de paraître debout devant le Fils de l’homme. Alléluia. (Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« En ces temps-là, après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira et la lune perdra son éclat. Les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, de l’extrémité de la terre à l’extrémité du ciel.
Que la comparaison du figuier vous instruise : Dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Patrick Braud

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3 novembre 2012

Simplifier, Aimer, Unir

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Simplifier, Aimer, Unir

 

Homélie du 31° Dimanche du temps ordinaire / Année B
04/11/2012

 

 

Il y a trois appels dans cet évangile.

 Trois appels qui tournent autour de 3 verbes :

 

1) SIMPLIFIER

Le 1er appel, c'est un appel à simplifier.

Simplifier beaucoup de choses dans notre vie.

On pose la question à Jésus : « quel est le plus grand commandement ? »

Vous savez sans doute que pour être juif, il faut respecter 613 commandements à la lettre, et ceci de manière pointilleuse, voire scrupuleuse, au point que çà peut en devenir obsessionnel. Et voilà que Jésus simplifie : au lieu de 613 commandements, il va en donner 2 qui n'en font qu'un.

Je crois que c'est une habitude profondément sage : nous sommes appelés à simplifier votre vie, à simplifier notre manière de pratiquer notre foi.

 

Simplifiez votre vie.
C'est à dire : allez à l'essentiel de ce qui vous unit aux autres, ne vous laissez pas arrêter par ce qui est secondaire, parce ce qui n'est finalement que détail.

Simplifier sa vie, cela peut vouloir dire aussi avoir le courage de mener une vie simple, de refuser une vie qui serait trop superficielle ou trop mondaine, où les facilités financières vous entraîneraient à être loin de vous-mêmes.

Avoir le goût des choses simples et ensemble goûter le bonheur simple que Dieu vous donne.

Cela veut dire aussi simplifier votre relation à Dieu.
La foi chrétienne n'est pas compliquée, elle est très simple. Il s'agit de faire confiance ; lorsqu'on aime quelqu'un, au point de lui donner sa vie dans le mariage, c'est la même chose avec Dieu : on peut lui faire confiance et lui remettre sa vie.

Simplifiez votre relation à Dieu pour qu'elle devienne profonde, moins intellectuelle et plus existentielle, plus personnelle.

Simplifiez aussi les relations entre nos Églises.

Quelquefois, entre les Églises, on se perd dans des détails historiques ou des controverses de points virgules ou de points d'exclamation?.

Il nous faut un tissu conjonctif entre nos Églises, des personnes, des familles qui nous redisent que l'essentiel est d'aimer, ou plutôt que l'essentiel c'est de se laisser aimer par quelqu'un de plus grand que nous.

Nous avons besoin d'avoir des « couples mixtes » comme l'on dit dans notre jargon, pour qu'entre les Églises pentecôtiste et catholique, et aussi les autres Églises protestantes ou orthodoxes nous sachions revenir à l'essentiel et simplifier la foi autour de ce qu'il y a de plus fondamental : le Christ, mort et ressuscité, qui nous aime et qui nous ouvre un chemin de vie.

Voilà le 1er appel qui résonne ce Dimanche.

 

Simplifiez, ne vous laissez pas envahir par ce qui est secondaire, restez attachés à ce qu'il y a de plus important… : cela demande un grand discernement.
Savoir discerner ce qui est le plus important pour savoir faire des choix : choix professionnels, choix de maison, choix d'engagements sociaux ou ecclésiaux…

Gardez au c?ur cet appel du Christ qui passe de 613 à 2, c'est dire qui simplifie la Foi.

 

2) « TU AIMERAS »

Le second appel contenu dans ce texte, c'est l'appel du Christ à l'impératif : « Tu aimeras ».
Patrick BraudCe n'est pas : « si tu ressens quelque chose pour l'autre, alors oui, aime le ! »
Ce n'est pas : « écoute ton c?ur battre, suis ton c?ur qui bat et tu verras bien où il t'emmènera ».
C'est l'impératif qui va jusqu'à dire : « choisis d'aimer, aie en toi la volonté d'aimer »,  et d'aimer l'autre même lorsqu'il ne sera plus aimable?

Car il y a des moments – interrogez les vieux couples – où le conjoint / l'ami n'est pas toujours aimable ! Il y a des moments où le conjoint / l'ami fait souffrir. Il y a des moments où le sentiment seul ne suffit pas, où le sentiment sera peut être un peu loin?..
C'est inévitable sur 50 ans, 60 ans de vie commune ou d'amitié.

Aimer, c'est d'abord vouloir aimer ; à la manière du Christ : vouloir aimer.

Le sentiment est utile mais il ne suffit pas pour construire une vie à deux ou pour tenir dans l'amitié. Il faut s'appuyer sur un projet, une construction. Peut être faut-il avoir la même rigueur dans l'amour / l'amitié que celle que vous avez dans votre vie professionnelle. Pour construire un projet, il faut régulièrement s'appuyer sur des bases solides et objectives sur lesquelles on peut revenir.

Tu aimeras… : et cela ira même jusqu'à aimer ses ennemis : preuve que le sentiment n'est pas l'amour…

 

3) UNIR TROIS AMOURS EN UN SEUL

 Le 3èmeappel qui est contenu dans ce texte, c'est l'appel à unir trois Amours en un seul.

 Les 3 amours dont parle le Christ, vous les avez entendus :
« - Tu aimeras le Seigneur ton Dieu
- Tu aimeras ton prochain ? comme toi-même ».

Simplifier, Aimer, Unir dans Communauté spirituelle fig5-1C'est donc qu'il y a dans l'ordre : l'amour de Dieu, l'amour de soi et l'amour du prochain.
Les deux premiers sont peut être les plus importants car c'est ceux que l'on oublie avec le temps. Par exemple, on croit qu'on se marie parce qu'on aime l'autre. Or on se marie surtout pour aimer l'autre, pour l'aimer mieux, pour l'aimer davantage. Pourquoi ?

Parce qu'il y a d'abord l'ouverture à l'amour de Dieu lui même, l'ouverture à cet amour infini qui dilate en nous notre capacité de nous laisser aimer par quelqu'un plus grand que nous et qui est à la source de tous nos amours humains, de toutes nos amitiés humaines.

« Tu aimeras ton Seigneur ton Dieu »

Si vous avez cette chance – car je crois que c'est une chance – de partager dans votre couple cet amour de Dieu, cette recherche de Dieu, ce désir de Dieu, alors profitez-en au maximum. C'est une chance car il y a beaucoup de couples où un seul membre partage cette recherche.
Quel bonheur, quelle joie, mais aussi quelle force de se tourner à deux vers celui qui est plus grand que nous et de laisser de la place entre nous pour un ami, un compagnon, un sauveur sur notre route.

S'ouvrir à l'infini de Dieu : voilà pourquoi le premier amour est l'amour de Dieu lui-même. Il conditionne quelque part les autres.


L'amour de soi
Il est la fondation de tous les autres amours et de manière paradoxale du second amourqui vient dans l'évangile : l'amour de soi. Plus je laisse Dieu m'aimer, plus je suis réconcilié avec moi-même. Plus je peux m'accepter moi même en vérité.

Vous avez sûrement déjà fait cette expérience, dans votre couple ou dans l'amitié. Lorsqu'on est aimé par quelqu'un, on commence à pouvoir être en paix avec son passé, avec les blessures de son histoire personnelle, avec les blessures de son histoire familiale (et qui d'entre nous n'en a pas ?). Mais aussi grâce aux grandes rencontres, aux grandes joies, aux grands témoins qui ont balisé notre route.

Être en paix avec soi-même, s'aimer soi-même grâce à l'amour que Dieu, nous porte.

Il est illusoire de croire que l'on peut aimer l'autre si l'on ne peut pas s'aimer soi-même. Vous le savez bien : beaucoup de couples se divisent et se séparent parce qu'ils n'ont pas résolu leurs propres questions personnelles. Ils croyaient utiliser l'autre pour mieux trouver la paix ; et puis l'instrumentalisation de l'autre débouche tôt ou tard sur une déception ou sur une désillusion. Seule la réconciliation avec soi-même permet d'aimer l'autre en vérité. Ce travail n'est pas fini avec le mariage, il continue à partir de là.

 

L'amour du prochain

Et enfin bien sûr, ces deux amours convergent vers l'amour du prochain.
Aimer son prochain surtout quand il n'est pas aimable. Et le prochain est très concrètement celui à côté de qui on vit (quartier, travail, famille) : il est trop facile d'être humaniste pour les grandes causes lointaines et de ne pas voir ceux qui sont à côté.

Aimer son prochain jusqu'au pardon.
Aimer son prochain comme Dieu aime ; et Dieu est sans doute le plus court chemin pour aller vers l'autre.
Aimer à la manière du Christ et nous allons le signifier dans l'eucharistie??
Lui, Il verse son sang pour l'autre ; Lui, il livre son corps pour l'autre.
Vous êtes appelés vous aussi à verser votre sang, à livrer votre corps pour que l'autre vive, pour que l'autre ait en plénitude, la joie promise par le Christ.

 

Simplifiez votre vie, osez conjuguer le verbe aimer à l'impératif et unissez les trois amours : Amour de Dieu, Amour de Soi, Amour de l'Autre.

Par l'eucharistie, le Christ nous donne la force de devenir les témoins de ce que :
- la communion est possible entre nous.
- la communion est possible entre nos Églises, entre religions différentes.
- la communion c'est Dieu lui même qui se donne, dans le respect de la différence et en même temps dans la proximité, pour devenir inséparables.

Puissions-nous devenir ainsi des signes de cet amour finalement trinitaire : être unis tout en respectant les différences.

C'est ce que Dieu vit en lui-même : le Père et le Fils, dans le baiser commun qui est l'Esprit.

 

Puissions-nous aller boire à la source de cet amour et en devenir des signes vivants.

 

1ère lecture : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » 

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple d’Israël :
« Tu craindras le Seigneur ton Dieu. Tous les jours de ta vie, toi, ainsi que ton fils et le fils de ton fils, tu observeras tous ses commandements et ses ordres, que je te prescris aujourd’hui, et tu auras longue vie.

Israël, tu écouteras, tu veilleras à mettre en pratique ce qui t’apportera bonheur et fécondité, dans un pays où ruissellent le lait et le miel, comme te l’a promis le Seigneur, le Dieu de tes pères.

Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique.

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme et de toute ta force.

Ces commandements que je te donne aujourd’hui resteront dans ton c?ur. »

 

Psaume : 118, 97.99, 101-102, 103-104, 105-106

R/ Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, et tu auras la vie.

De quel amour j’aime ta loi :
tout le jour je la médite !
Je surpasse en sagesse tous mes maîtres,
car je médite tes exigences.

Des chemins du mal, je détourne mes pas, 
afin d’observer ta parole. 
De tes décisions, je ne veux pas m’écarter, 
car c’est toi qui m’enseignes. 

Qu’elle est douce à mon palais ta promesse : 
le miel a moins de saveur dans ma bouche ! 
Tes préceptes m’ont donné l’intelligence : 
je hais tout chemin de mensonge. 

Ta parole est la lumière de mes pas, 
la lampe de ma route. 
Je l’ai juré, je tiendrai mon serment, 
j’observerai tes justes décisions.

 

2ème lecture : « Le sacerdoce qui ne passe pas » (He 7, 23-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Dans l’ancienne Alliance, un grand nombre de prêtres se sont succédé parce que la mort les empêchait de durer toujours.

Jésus, lui, puisqu’il demeure éternellement, possède le sacerdoce qui ne passe pas.

C’est pourquoi il est en mesure de sauver d’une manière définitive ceux qui s’avancent vers Dieu grâce à lui, car il vit pour toujours, afin d’intercéder en leur faveur.

C’était bien le grand prêtre qu’il nous fallait : saint, sans tache, sans aucune faute ; séparé maintenant des pécheurs, il est désormais plus haut que les cieux.

Il n’a pas besoin, comme les autres grands prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices, d’abord pour ses péchés personnels, puis pour ceux du peuple ; cela, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même.

Dans la loi de Moïse, ce sont des hommes remplis de faiblesse qui sont désignés comme grands prêtres. Mais plus tard, quand Dieu s’engage par serment, il désigne son Fils qu’il a pour toujours mené à sa perfection.

 

Evangile : Les trois amours (Mc 12, 28b-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu : il connaît Dieu. Alléluia. (1 Jn 4, 8.7)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Un scribe s’avança vers Jésus pour lui demander : « Quel est le premier de tous les commandements ? »

Jésus lui fit cette réponse : « Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton c?ur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là. »

Le scribe reprit : « Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l’Unique et qu’il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son c?ur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices. »

Jésus, voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. 

Patrick Braud

27 octobre 2012

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

Homélie du 30° dimanche ordinaire Année B
28/10/12

 

Le fils de Timée et le Fils de David

L’épisode de la rencontre de Jésus et de Bartimée à la sortie de Jéricho est célèbre (Mc 10,46-52). On y voit souvent une preuve de la puissance du Christ. Ou son désir de réintégrer socialement tous les exclus qui comme cet aveugle restent au bord de la route au sens propre comme au sens figuré. Ou on y lit avec raison le symbole du baptisé qui quitte ses aveuglement pour suivre Jésus sur la voie de l’évangile.

On peut aussi y voir la rencontre de deux fils, l’un donnant à l’autre d’assumer sa filiation.
Voyons comment.

Les noms bibliques ont une signification.

Ils ne sont jamais là par hasard dans un texte de la Bible, comme les chiffres d’ailleurs.

Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils dans Communauté spirituelleJéricho par exemple, vient du nom hébreu : lune (« jareah »). Jéricho est donc la ‘ville de la lune’ en hébreu. Or la lune croît et décroît, elle change sans cesse (par opposition au soleil) : elle est devenue dans le monde de Jésus le symbole de la disparition et du déclin. L’évangéliste Marc précise bien que Jésus sort de Jéricho avec ses disciples : symboliquement c’est l’invitation à sortir de nos déclins, à ne pas se résigner à la disparition.

       Sortir d’une logique dépressive du déclin, c’est par exemple reconnaître que notre Église est bien vivante, et se renouvelle en profondeur. Nous sommes à l’image de cette foule « assez nombreuse » (traduction plus exacte du texte) qui entoure Jésus dans le passage d’aujourd’hui : ni majoritaire, ni marginale. Une foule qui va apprendre à être instrument du salut en transmettant l’appel du Christ à l’aveugle.

         Sortir de Jéricho est aussi l’invitation à quitter nos déclins intérieurs : lorsque décline notre soif de Dieu, notre soif de vivre ; lorsque baisse l’intensité de notre amour pour Dieu, l’intensité de notre amour pour les autres, sortons de ces Jérichos-là avec le Christ ! Quittons nos logiques dépressives…

D’autant plus que Jésus se met en route vers Jérusalem : autre nom symbolique.

Yerou-shalaïm : la ville de la paix (shalom) ou de la plénitude (shelemout). Jésus passe de Jéricho à Jérusalem : il nous fait passer avec lui du déclin à la paix, de la disparition à la plénitude.

       Deux autres noms ont toute leur importance dans ce texte : « Bar-timée » et « fils de David ».

C’est tellement important que Marc précise : « Bar-Timée » c’est le fils de Timée. Or Timée vient d’une racine grecque qui signifie : « châtiment ». Bar-Timée est donc le fils du châtiment ; ce que traduit bien hélas sa condition d’aveugle, puisqu’à l’époque beaucoup croyaient que la cécité était un châtiment de Dieu (ce que Jésus ne cessera de dénoncer).

Le fils de Timée croise le « fils de David ». Et David veut dire : « Bien Aimé ». Voici donc que le fils du châtiment rencontre le fils Bien Aimé !

Choc terrible : qui va l’emporter : la peur du châtiment ou la foi en la puissance de l’amour ?

La peur ou la foi ? : dilemme terriblement actuel !

Lorsque des intégristes religieux de tous bords voudraient revenir à la peur comme moteur de la conversion vers Dieu.

Lorsque les questions de violence sociale (dans nos écoles ou nos cités) risquent d’être instrumentalisées dans les débats politiques.

Les Évêques français appellent depuis longtemps à revaloriser la famille comme lieu primordial  d’éducation à la confiance : « la famille est le premier lieu où les hommes et les femmes apprennent la confiance en eux-mêmes et la confiance dans les autres » (Message du 18/10/2006). On croirait entendre la « foule – Église » de notre évangile, qui finalement transmet au fils de Timée l’appel du Fils de David : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».

20030919142921_medium amour dans Communauté spirituelle         La rencontre des 2 fils d’aujourd’hui nous fait passer de la peur du châtiment à la confiance en l’amour : « ta foi t’a sauvé » constate Jésus, dont le nom signifie justement : « Dieu sauve ». A la fin du récit, l’aveugle n’est plus le fils de Timée mendiant assis au bord de la route, mais un homme – enfin ! – qui suit Jésus sur la route. Il a changé de filiation.

         Et vous : êtes-vous fils de Timée ou de David ?

C’est si important de savoir de qui on est le fils / la fille…

Dans la préparation au mariage, c’est toujours une étape capitale du dialogue avec les fiancés : de qui êtes-vous l’enfant ? Comment ces 2 filiations vont-elles pouvoir se rencontrer ? Au prix de quelle conversions personnelles ? Moyennant quelles guérisons du passé familial de chacun ?

Le fils du châtiment croise le fils du Bien Aimé, et la confiance d’emporte alors sur la peur.

Souvenez-vous des 2 autres fils de Mc 10,35-45 (juste avant notre passage sur Bartimée) : les fils de Zébédée, dont le nom signifie « mon cadeau » étaient en train de renier leur père puisque justement ils voulaient s’approprier les 1° places, au lieu de recevoir « comme un cadeau » la place que Jésus leur donnerait.

Que dois-je assumer dans la filiation qui est la mienne, à l’image des fils de Zébédée ?

Quelle guérison y a-t-il à entreprendre dans cette filiation, à l’image du fils de Timée ?

Quelle promesse ma filiation contient-elle, à l’image du Fils de David ?

         Impossible de nous rencontrer en vérité, sans violence, si nous ne savons pas de qui nous sommes le fils / la fille !

         Que l’Esprit du Christ, qui continue d’agir dans son Église comme autrefois dans la foule, nous donne d’entendre chacun personnellement, l’appel du Christ transmis par la foule : « Confiance ! Que tu sois fils de l’amour ou du hasard, de la promesse ou de la peur, confiance, lève-toi, il t’appelle ».

 

 

 

1ère lecture : Retour joyeux des rescapés d’Israël (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre de Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! »
Voici que je les fais revenir du pays du Nord, et que je les rassemble des extrémités du monde. Il y a même parmi eux l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée ; c’est une grande assemblée qui revient.
Ils étaient partis dans les larmes, dans les consolations je les ramène ; je vais les conduire aux eaux courantes par un bon chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné. Parole du Seigneur.

Psaume : 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6

R/ Le Seigneur a fait merveille : nous voici dans la joie.

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie ; 

Alors on disait parmi les nations : 
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! » 
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : 
nous étions en grande fête ! 

Ramène, Seigneur, nos captifs, 
comme les torrents au désert. 
Qui sème dans les larmes 
moissonne dans la joie. 

Il s’en va, il s’en va en pleurant, 
il jette la semence ; 
il s’en vient, il s’en vient dans la joie, 
il rapporte les gerbes.

2ème lecture : Jésus, grand prêtre à la manière de Melkisédek (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n’est pas lui-même qui s’est donné cette gloire ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, et qui déclare dans un autre psaume : Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

Evangile : Guérison d’un aveugle à Jéricho (Mc 10, 46-52)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia.(cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route.
Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! »
Beaucoup de gens l’interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! »
Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. »
L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus.
Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ? Rabbouni, que je voie. »
Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.
Patrick Braud

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20 octobre 2012

Donner sens à la souffrance

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Donner sens à la souffrance

Homélie du 29° dimanche ordinaire / Année B
21/10/12

« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur » (Es 53,10).

Tous ceux qui ont été à un moment donné de leur histoire « broyés par la souffrance » se demanderont comment on peut plaire au Seigneur lorsqu’on est défiguré par la souffrance ! Que ce soit la douleur physique qui tord le corps au plus intime, la souffrance morale de la solitude, de la séparation, ou la déchirure intérieure devant un échec absolu, qui pourrait faire l’éloge de ces moments affreux ?

Le jansénisme du XVI° siècle, le dolorisme du XX° ont bien essayé, mais heureusement nous ne pouvons plus les suivre aujourd’hui.

Prétendre que la souffrance rapproche de Dieu nous révolte ; à juste titre, car le Serviteur en personne  (le servant leader) qu’est Jésus nous révèle justement une autre voie. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché » (He 4,14-16). Ce n’est donc pas l’épreuve qui a de la valeur, mais le fait de ne pas pécher dans l’épreuve.

 

Que serait « pécher dans l’épreuve » ?

Ce n’est pas le combat pour échapper à la souffrance, car le Christ l’a mené, pour soulager celle de ses contemporains (malades, possédés, exclus).

Ce n’est pas le débat intérieur où le doute se mêle à la foi, car le Christ a connu ce débat à Gethsémani (« que cette coupe s’éloigne de moi »).

Ce n’est pas non plus la révolte et l’indignation, du moment qu’elle ne rompt pas le dialogue avec Dieu, car le Christ lui-même a crié sur la croix (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

Pécher dans l’épreuve serait plutôt se laisser vaincre par elle, c’est-à-dire nous détourner de notre vocation la plus profonde.

L’évangile de ce dimanche nous dit que la vocation du Christ est d’être le Serviteur par excellence (Mc 10,35-45), et lui-même veut nous donner d’avoir part à son service. « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ». La souffrance gagne sur nous lorsqu’elle nous fait croire que nous ne pouvons plus être serviteurs, que nous serions devenus inutiles. « Je ne sers plus à rien » est l’une des plaintes qui traduisent le désespoir des malades.

« La société n’a pas besoin de moi » est l’amer constat des chômeurs ou des exclus. « Plus personne n’attend rien de moi » est le sentiment d’abandon qui engendre tant de solitude chez les personnes âgées.

Ne plus servir à rien est profondément déshumanisant.

Bien sûr, « ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir ». Mais ils ignorent qu’au plus profond d’eux-mêmes existe la soif de servir, plus réelle que les envies de domination qui les tiennent en esclavage.

Si « le Fils de l’homme est venu pour servir et non pour être servi », c’est donc qu’il en est de même pour chacun de nous, créé à son image. Comme l’écrivait si bien le poète hindou Rabrindranath Tagore : « Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie. Je m’éveillais et je vis que la vie n’est que service. Je servis et je compris que le service est joie ».

Or l’épreuve – quelle qu’elle soit – cherche à nous détourner de notre vocation au service. Elle veut nous réduire à n’être plus qu’un ayant-droit : aide médicale, aide sociale, aide compassionnelle… C’est bien ce qu’on commence à reprocher sans oser le dire à des êtres handicapés par exemple : ils n’auraient pas dû naître car ils ne pourront apparemment pas être utiles à la société ; au contraire, ils sont une charge inutile, un fardeau insupportable. Bientôt on le dira aux personnes âgées… C’est du moins ce qu’on voudrait nous faire croire. Car quiconque a eu dans sa famille des enfants handicapés sait quelle saveur d’humanité, quelle lumière nouvelle ils apportent à tous ceux qui les approchent, rien que par leur présence. Cela ne supprime en rien la douleur ou le poids énorme que cet handicap fait peser sur les parents, sur les frères et soeurs. Mais reconnaître aux personnes handicapées la capacité d’être eux aussi des serviteurs transforme ceux qui sont à leur contact.

Un chef d’entreprise – une PME – confiait récemment avoir embauché une personne en fauteuil roulant, pour satisfaire au quota légal de 6% de travailleurs handicapés, afin d’éviter de payer l’amende légale… Quelques mois après, il racontait comment l’accueil de ce salarié pas comme les autres avait transformé l’ambiance au travail dans les équipes. Les collègues devenaient plus attentifs, plus humains, et se mettaient à parler eux-mêmes de leur faiblesse. Bref, il se disait finalement qu’il avait fait une bonne affaire ! En fait, il avait juste rendu à cette personne handicapée son rôle social, dû à chacun : pouvoir être utile à d’autres, apporter sa compétence, son intelligence, et son handicap comme autant de manières d’être au service des autres.

La Bonne Nouvelle est alors d’annoncer à ceux qui sont dans l’épreuve qu’ils peuvent donner un sens à ce qui leur arrive (même s’il faut du temps pour y arriver). La vraie charité n’est pas d’abord de les plaindre, de les aider, mais de leur proposer de devenir utiles autrement, serviteurs à leur manière. On se souvient que lorsqu’un SDF avait demandé de l’aide à l’Abbé Pierre (après une tentative de suicide) au moment où il créait les compagnons d’Emmaüs, l’abbé ne lui avait rien donné mais lui avait dit : « viens me donner un coup de main, on a besoin de toi ».

Les témoignages sont légion de ceux qui, broyés par la souffrance, ont réussi à la traverser en en faisant une source de services des autres.

C’est Martin Gray perdant sa femme et ses enfants dans un incendie et témoignant de son amour de la vie, « au nom de tous les miens ».

C’est tant de parents frappés par le malheur innocent d’un enfant : accident, suicide, drogue, maladie. Au lieu de se laisser anéantir, ils ont réagi en fondant une association pour accompagner et soutenir ceux qui sont confrontés à une épreuve semblable.

C’est le secret des premiers martyrs chrétiens tout au long des trois premiers siècles : ne pas laisser gagner la fureur meurtrière de la foule des jeux du cirque, mais pardonner à ses bourreaux, aimer ses ennemis qui vous traitent moins dignement que leurs bêtes. Les martyrs serviront la société romaine et l’aideront à abandonner son goût pour le meurtre. Etc.

Quand l’épreuve arrive, elle coupe le souffle, elle tétanise, elle fait frôler la mort. Le Christ, en nous associant à son baptême et à sa coupe, nous donne de tenir bon dans l’épreuve, sans nous laisser vaincre par elle. Lui – le Serviteur - ouvre un horizon à notre souffrance. Nous ne savons pas pourquoi l’épreuve arrive, mais nous pouvons deviner vers quoi elle peut nous conduire, pour quoi (en deux mots) elle nous arrive.

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Donner sens à la souffrance permet de ne plus se lamenter en regardant toujours en arrière, pour trouver des coupables ou pour accuser Dieu (qui n’y est pour rien le pauvre !).

Donner sens à la souffrance nous tourne vers demain : que puis-je faire de ce qui en ce moment broie ma vie ?

Le Christ sur la croix lui a donné le sens de l’abandon filial et de l’amour des ennemis. Il a ainsi été le Serviteur, jusqu’au bout. Assimilé à un criminel pour les Romains, à un maudit pour les juifs, il a annoncé à tous les damnés de la terre que leur exclusion n’est pas stérile, qu’ils peuvent faire de leur épreuve un service de toute l’humanité.

Utopique ?

Non : terriblement efficace.

 

À nous d’en témoigner en parole et en actes : la souffrance n’est pas le dernier mot de l’épreuve. Le dernier mot, c’est le service.

Et nul n’est si éprouvé qu’il ne puisse devenir serviteur des autres, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

 

 

1ère lecture : « Mon serviteur justifiera les multitudes » (Is 53, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur.
À cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés.

 

Psaume : 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : 
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous 
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : Le grand prêtre compatissant (He 4, 14-16)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

Evangile : Le Fils de l’homme est venu pour servir (brève : 42-45) (Mc 10, 35-45)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Fils de l’homme est venu pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Alléluia. (Mc 10, 45)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. »
Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui répondirent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »
Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Ils lui disaient : « Nous le pouvons. » Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques et Jean.
Jésus les appelle et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur.
Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Patrick Braud

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