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17 mars 2012

L’identité narrative : relire son histoire

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’identité narrative : relire son histoire

 

Homélie du 4° Dimanche de Carême  18/03/2012

 

Le second Livre des Chroniques entendu ce dimanche est comme un flash-back. L’auteur balaie des décennies récentes de l’histoire deL'identité narrative : relire son histoire dans Communauté spirituelle nabuchodonozor_execution_fils_sedecias son peuple. Il met un peu d’ordre et de cohérence dans le foutoir apparent des événements chaotiques que le peuple d’Israël s’est pris de plein fouet sans rien comprendre au début : la dérive des élites de Jérusalem, le sac de la ville et du temple par Nabuchodonosor, le roi Sédécias déporté en exil - les yeux crevés comme pour souligner son aveuglement antérieur - avec les survivants de ce massacre, l’esclavage pendant 70 ans, le retour improbable grâce à Cyrus, étrange roi-messie perse…

Pour se rendre compte de l’ampleur de ce travail de relecture, imaginez des juifs d’aujourd’hui tenter de recoller les morceaux du puzzle du siècle écoulé : la diaspora en Europe, la Shoah sous Hitler, 6 millions de déportés et un massacre inégalé, le retour en Israël improbable après la fin du cauchemar, et maintenant à nouveau la guerre permanente avec les voisins arabes…

 

Si l’histoire collective vous semble trop vaste à embrasser dans ce travail de relecture, faites défiler votre propre histoire devant vos yeux : vos tournants professionnels, vos réussites et vos échecs, les périodes où vous n’avez pas compris ce qui vous arrivait et que vous pouvez maintenant déchiffrer en expliquant pourquoi, pour quoi c’est arrivé.

 

Relire son histoire, c’est capital pour continuer à exister comme peuple, pour ressaisir son identité personnelle.

Le Livre des Chroniques fait cet exercice des années après, comme toujours : ce n’est pas sur le moment qu’on y voit clair. Il faut du recul, de la distance, de la réflexion et du discernement.

C’est d’abord Sédécias, le roi juif, qui apparaît comme la cause de ce malheur, et non le peuple lui-même. Sédécias avec les élites religieuses qui l’entouraient. Il sacrifiait à d’autres dieux que YHWH. Il se moquait des prophètes que Dieu envoyait « sans se lasser ». L’échec des prophètes vient de là ; la ruine de Jérusalem et la déportation également. C’est donc de la faute des chefs du peuple si l’esclavage a de nouveau humilié Israël. Et c’est par la grâce de YHWH si le roi perse Cyrus lui a miraculeusement permis de rentrer chez lui après cet exil. Telle est la relecture du Livre des Chroniques, où l’auteur essaie de trouver une cohérence dans l’enchaînement des événements qui se sont succédés dans un désordre apparent.

 

Paul se livre à un exercice semblable de relecture de son histoire personnelle dans la lettre aux Éphésiens (et dans bien d’autres lettres). Il sait bien qu’il était un persécuteur. Il ne mérite en rien ce qui lui est arrivé sur le chemin de Damas. « Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil » : il peut inviter les Éphésiens à croire en cette gratuité du choix de Dieu, parce qu’il peut lui-même raconter comment cela s’est passé dans son histoire. Par trois fois dans le livre des Actes des Apôtres (Ac 9;22;26), Paul raconte cette rencontre éblouissante qui a marqué sa vie, et dont il nous livre trois versions successives, non identiques.

 

Jésus lui-même, en reprenant le symbole du serpent d’airain élevé sur le bois dans le désert, semble bien interpréter sa propre histoire à la lumière de ce qui est arrivé autrefois. Parce qu’il connaît les écritures ?par le c?ur’, il va y puiser cette référence au serpent de bronze élevé par Moïse pour mettre du sens et de la cohérence dans l’immense chaos apparent de l’infamie de la croix qui approche.

 

Relire son histoire est un enjeu collectif et personnel.

Cela demande de pouvoir raconter, et de pouvoir interpréter.

 

Raconter

C’est ce que Paul Ricoeur appelle l’identité narrative, qu’on peut résumer autour de la proposition suivante : « Je deviens moi-même en me racontant ».

La définition technique de l’identité narrative a été donnée par Paul Ricoeur dans son ouvrage ?Temps et récit’  (1985) :

13731-gf herméneutique dans Communauté spirituelle« Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste [?] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. [?] À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le v?u de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. [?] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents [?] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. [?] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire. »

« L’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et scripteur de sa propre vie ».

 

Chacun devient lui-même lorsqu’il peut trouver les mots pour ?narrer’, pour raconter ce qui lui est arrivé. Par écrit ou par oral, quelquefois de manière artistique (tant de peintures, d’oeuvres musicales ou littéraires sont autobiographiques). À l’image de l’apôtre Paul qui raconte trois fois le tournant de son existence, chacun de nous peut et doit sans cesse raconter le fil rouge de la trajectoire de sa vie.

Un peuple ignore son identité tant qu’un griot, un historien, un poète ou un savant ne la lui livre à travers une saga, une épopée, un mythe fondateur…

Dans les retraites spirituelles, relire son histoire passe par raconter à un accompagnateur, à Dieu et à soi-même, les événements où la question du sens et de la cohérence d’une vie se présente.

 

Interpréter

Raconter ne suffit pas. Il faut encore découvrir à travers ce récit où et comment Dieu 9.+Chagall+Crucifixion identitéagit dans tout ce fatras. Qu’est-ce que cela signifie ? Où tout cela conduit-il ?

 

C’est ce qu’on appelle l’herméneutique :

l’interprétation des événements pour leur donner du sens, une direction, une signification.

 

L’évangile de ce dimanche nous redit (avec tant d’autres) que Jésus faisait sans cesse référence aux Écritures pour interpréter les chocs successifs qui vont le conduire au supplice des esclaves.

 

C’est une clé très sûre pour nous également : en scrutant les deux Testaments, nous aurons en main le trousseau de clés à qui aucune des serrures de l’histoire ne résiste.

 

 

  

Relire son histoire, l’interpréter à la lumière de la Bible : où en sommes-nous de cet exercice spirituel ?

 

 

 

1ère lecture : Châtiment et pardon : l’exil et le retour (2Ch 36, 14-16.19-23)

Lecture du second livre des Chroniques

Sous le règne de Sédécias, tous les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes, et ils profanaient le temple de Jérusalem consacré par le Seigneur.
Le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de sa Demeure et de son peuple.
Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n’y eut plus de remède à la colère grandissante du Seigneur contre son peuple.
Les Babyloniens brûlèrent le temple de Dieu, abattirent les murailles de Jérusalem, incendièrent et détruisirent ses palais, avec tous leurs objets précieux.
Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu’au temps de la domination des Perses.
Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant soixante-dix ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.

Or, la première année de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume ? et même consigner par écrit ? :
« Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir un temple à Jérusalem, en Judée. Tous ceux d’entre vous qui font partie de son peuple, que le Seigneur leur Dieu soit avec eux, et qu’ils montent à Jérusalem ! »

 

Psaume : Ps 136, 1-2, 3, 4-5, 6

R/ Jérusalem, au profond de mon c?ur, Jérusalem, au plus haut de ma joie !

Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours
nous avions pendu nos harpes.

C’est là que nos vainqueurs
   nous demandèrent des chansons, 
et nos bourreaux, des airs joyeux : 
« Chantez-nous, disaient-ils,
quelque chant de Sion. » 

Comment chanterions-nous
   un chant du Seigneur 
sur une terre étrangère ? 
Si je t’oublie, Jérusalem,
que ma main droite m’oublie ! 

Je veux que ma langue
   s’attache à mon palais 
si je perds ton souvenir, 
si je n’élève Jérusalem,
au sommet de ma joie.

 

2ème lecture : Par grâce, Dieu nous fait revivre (Ep 2, 4-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés,
nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés.
Avec lui, il nous a ressuscités ; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus. Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, il voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse infinie de sa grâce.
C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus Christ, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre.

 

Evangile : Dieu a envoyé son Fils pour sauver le monde (Jn 3, 14-21)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Tout homme qui croit en lui possède la vie éternelle. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Jn 3, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs ?uvres étaient mauvaises.
En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses ?uvres ne lui soient reprochées ; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses ?uvres soient reconnues comme des ?uvres de Dieu.
Patrick Braud

  

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23 juillet 2011

Acquis d’initié

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Acquis d'initié dans Communauté spirituelleHomélie du 17° dimanche ordinaire / année A

24/07/2011

 

Acquis d’initié

 

·       Délit d'initié

On connaît le délit d’initié. Il consiste à profiter d’informations confidentielles pour réaliser des opérations extrêmement rentables, mais légalement et moralement répréhensibles. L'exemple le plus célèbre est celui de Jeffrey Skilling, ex-PDG de l’entreprise ENRON (courtier en énergie), qui a été condamné en 2006 à 24 ans et 4 mois de prison pour ce type de fraude. « L’initié » avait en effet encouragé ses salariés à acheter des actions Enron (vendant les siennes au même moment), avant l’annonce quinze jours plus tard d’un bilan catastrophique de son entreprise, faisant chuter le cours de l’action et engendrant d’énormes pertes pour les petits actionnaires.

 

Jésus semble parler de cas semblables dans cette parabole du trésor caché et de la perle  dans Communauté spirituellerare. Mais c’est pour louer la sagesse du découvreur de trésors qui ne laisse pas filer pareille occasion. Et pour féliciter le sens de l’investissement qu’a ce négociant de perles : mieux vaut acheter une perle rare et unique, que de répartir son patrimoine en une multitude de petites plus-values très moyennes. Remplacez perle par objectif et vous avez déjà une idée de la portée de cette parabole.

 

·       Acquis d'initié

Le découvreur et les négociants sont des initiés, au sens où ils savent ce que bien d’autres ne savent pas : un champ contient un trésor, tel caillou est une perle incroyable. Ils ne commettent aucun délit en faisant des opérations commerciales d’acquisition de ce champ ou de ce caillou.

C’est un acquis d’initié. Car les initiés que sont les baptisés (l’initiation chrétienne désigne le processus du catéchuménat des adultes) savent mieux que les autres où sont les vraies valeurs après lesquelles il vaut la peine de courir, les vrais buts à se fixer, les vraies richesses qui méritent qu’on leur ordonne toutes les autres richesses.

Non pas parce que ces initiés seraient meilleurs que les non-initiés : non, ils acceptent simplement que la lumière de l’Évangile éclaire leur choix et leurs priorités. Après tout, ceci n'est réservé à personne ; c’est ouvert à tous. Il n’y a dans cet acquis d’initié nul effet de secret qui viendrait d’un réseau équivalent à une franc-maçonnerie quelconque. Il n’y a pas d’informations confidentielles à ne divulguer à quiconque. Au contraire, l’Évangile du royaume des cieux est fait pour être crié sur les toits, diffusé en public au vu et au su de tous.

 

Par contre, cet acquis d'initié affronte courageusement deux éléments de tout choix important : la perte et le risque.

 

·       La perte

Pour acquérir, il faut d’abord savoir perdre.

Aux échecs, bien des prises de Dame commencent par le sacrifice de pions. Certaines parties d’échecs  mémorables mettent en jeu une stratégie de qui perd gagne où la perte d’une tour conduira à prendre la Dame adverse, où le sacrifice d’une Dame peut amener le mat adverse en quelques coups inexorables.

Impossible d’acheter le champ au trésor caché sans vendre d’abord les autres terrains et maisons qui constituaient pourtant un patrimoine moyen. Impossible de serrer la perle précieuse dans sa main sans  vendre d’abord les autres bijoux ordinaires qui constituaient le fonds de commerce de notre négociant d'Anvers ou d'ailleurs.

 

Accepter de perdre est donc une étape inévitable de l’accroissement du patrimoine.

 

Tous ceux qui ont vécu des mobilités géographiques professionnelles savent bien qu’il faut savoir partir, sinon la trajectoire s’arrête. Jésus rappelle aux couples qu’avant de commencer une vie nouvelle à deux, il faut savoir quitter chacun l’univers parental : « l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un ».

La perte fait partie de l’aventure paradoxale de celui qui désire acquérir davantage.

 

·       Le risque

C’est l’autre élément du choix à faire pour ordonner nos objectifs, nos priorités.

Vendre ce qu’on possède, c’est prendre le double risque du marché : le prix de vente est peut-être trop faible ; le prix d’achat sera peut-être trop élevé ; et entre deux règne finalement une grande incertitude. D’autant que le découvreur ne sait pas encore si la transaction du champ au trésor caché pourra bien se faire, ni le négociant pour sa perle rare.

 

Assumer le risque fait intégralement partie du pari évangélique.

 

Si nos banquiers et hommes d’affaires sont assez habiles pour jouer avec les risques des marchés financiers, pourquoi les baptisés ne le seraient-il pas davantage en matière de risques spirituels ?

 

La perte et le risque : que ces deux paraboles de Jésus nous inspirent une vraie hiérarchisation de nos objectifs.

À quel acquis d’initié sommes-nous appelés ?

 

Patrick Braud

 

1ère lecture : Salomon demande à Dieu le véritable trésor (1R 3, 5.7-12)

Lecture du premier livre des Rois

À Gabaon, pendant la nuit, le Seigneur apparut en songe à Salomon.
Il lui dit :
« Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. »
Salomon répondit :
« Seigneur mon Dieu, c’est toi qui m’as fait roi à la place de David mon père ; or, je suis un tout jeune homme, incapable de se diriger,
et me voilà au centre du peuple que tu as élu ; c’est un peuple nombreux, si nombreux qu’on ne peut ni l’évaluer ni le compter. Donne à ton serviteur un coeur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ; comment sans cela gouverner ton peuple, qui est si important ? »

Cette demande de Salomon plut au Seigneur, qui lui dit :
« Puisque c’est cela que tu as demandé, et non pas de longs jours, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis ; mais puisque tu as demandé le discernement, l’art d’être attentif et de gouverner, je fais ce que tu as demandé : je te donne un coeur intelligent et sage, tel que personne n’en a eu avant toi et que personne n’en aura après toi. »

 

Psaume : Ps 118, 57.72, 76-77, 127-128, 129-130

R/ De quel amour j’aime ta loi, Seigneur !

Mon partage, Seigneur, je l’ai dit,
c’est observer tes paroles.
Mon bonheur, c’est la loi de ta bouche,
plus qu’un morceau d’or ou d’argent.

Que j’aie pour consolation ton amour
selon tes promesses à ton serviteur !
Que vienne à moi ta tendresse, et je vivrai :
ta loi fait mon plaisir.

Aussi j’aime tes volontés,
plus que l’or le plus précieux.
Je me règle sur chacun de tes préceptes,
je hais tout chemin de mensonge.

Quelle merveille, tes exigences,
aussi mon âme les garde !
Déchiffrer ta parole illumine,
et les simples comprennent.

 

2ème lecture : Dieu fait tout pour que nous partagions un jour la gloire du Christ (Rm 8, 28-30)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour.
Ceux qu’il connaissait par avance, il les a aussi destinés à être l’image de son Fils, pour faire de ce Fils l’aîné d’une multitude de frères.
Ceux qu’il destinait à cette ressemblance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a justifiés, il leur a donné sa gloire.

 

Evangile : Les paraboles du Royaume. Le trésor caché et la perle – Le filet (brève : 44-46) (Mt 13, 44-52)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Dieu notre Père, Seigneur de l’univers, toi qui révèles aux petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

 

Jésus disait à la foule cette parabole :
« Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau. Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ.

Ou encore : Le Royaume des cieux est comparable à un négociant qui recherche des perles fines.
Ayant trouvé une perle de grande valeur, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle.

Le Royaume des cieux est encore comparable à un filet qu’on jette dans la mer, et qui ramène toutes sortes de poissons.
Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien.
Ainsi en sera-t-il à la fin du monde : les anges viendront séparer les méchants des justes et les jetteront dans la fournaise : là il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Avez-vous compris tout cela ? ? Oui », lui répondent-ils.
Jésus ajouta : « C’est ainsi que tout scribe devenu disciple du Royaume des cieux est comparable à un maître de maison qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien. »

 

23 avril 2011

Comment annoncer l’espérance de Pâques ?

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Comment annoncer l’espérance de Pâques ?

 

Homélie pour le Dimanche de Pâques / Année A 2011

Comment allez vous parler de Pâques à vos collègues de travail ? Ils évoqueront leur long week-end en famille, leur virée au bord de la mer ou en montagne. Ils raconteront peut-être les yeux brillants de leurs enfants cherchant les oeufs dans le jardin, où se barbouillant les doigts avec les chocolats de Pâques. Mais vous ? Comment allez-vous témoigner de la joie de Pâques à vos voisins, dans votre immeuble, votre quartier ?

Il suffit peut-être d’une écoute plus profonde que d’habitude, d’une disponibilité plus sereine pour l’échange banal dans l’escalier ; il suffit de laisser l’annonce nocturne vous habiter : si le Christ est ressuscité, toute rencontre humaine a une dimension d’éternité. Si Christ est vraiment ressuscité, la banalité la plus ordinaire recèle une promesse à côté de laquelle vous ne voudrez pas passer.

 

Se taire ou proclamer ?

Dans les quatre Évangiles, dans les Actes des Apôtres, les lettres de Paul, on a l’impression que l’évènement de Pâques est si fort qu’ils en parlent à tout le monde, explicitement, à temps et à contretemps.

Impossible de faire cela sans discernement aujourd’hui !

Et en plus ce serait anti-évangélique : après 17 siècles d’histoire de l’Église en France, on ne peut pas agir comme si c’était la première Pâque.

 

À tel point que certains ont cru qu’il fallait rester discrets, ne pas brandir son étendard, mais cheminer humblement avec leurs compagnons de travail, de logement, sans rien dire de leur foi en la résurrection. Plus encore, la thèse du « christianisme anonyme » (Karl Rahner) donnait à penser qu’en fait beaucoup ne sont « pas loin du royaume de Dieu », comme dit Jésus au scribe, et sont sans doute des chrétiens qui s’ignorent, au moins sur le plan éthique. Alors à quoi bon vouloir les convertir ?

Comment annoncer l'espérance de Pâques ? dans Communauté spirituelle chut000Cette attitude a été utile et même nécessaire dans les années 60-80, où l’Église en France devait renoncer à la puissance et à la domination sociale.

La situation est bien différente aujourd’hui. Non pas qu’il faille tout rejeter de cette période où l’Église se faisait « dialogue, conversation » selon la belle expression de Paul VI  en 1964 (Ecclesiam suam). L’attitude d’humilité, d’admiration devant l’éthique et le sens humain de « l’autre » sont toujours des repères évangéliques.

Mais « l’autre » justement ne partage plus la culture, le « background », le fonds commun minimum des années 60-80. Une proportion énorme de jeunes a grandi sans jamais avoir pu ouvrir une Bible. La majorité n’a entendu parler de Jésus ou de l’Église que par les Guignols de l’Info, les blogs les plus illuminés ou des événements occasionnels comme le mariage d’un ami, l’enterrement des grands-parents. Ils ne sont pas contre la résurrection du Christ, ni pour non plus. Ils ne connaissent pas. Et – sauf à nourrir une quête personnelle plus fréquente qu’on ne le croit – ils partent en week-end de Pâques comme pour le congé du 14 juillet : en ayant le sentiment quelque part il y a bien ?quelque chose’ à l’origine, mais sans trop savoir quoi.

 

Alors la situation des chrétiens n’est pas plus confortable qu’autrefois. Se taire sur la Résurrection serait comme passer à côté d’une bande de gamins désoeuvrés sans leur proposer de jouer au basket ou au rugby. Trop parler, trop vite, trop mal, serait également dévastateur.

 

Partir du désir de l’autre

Comment sortir de l’impasse ?

Relisons les annonces de la résurrection du Christ dans l’Écriture. Elles sont si nombreuses (explicites dans le Nouveau Testament, en filigrane dans l’Ancien Testament) que vous ne n’y arriverez pas en une semaine ! Eh bien, mettez-y le mois, relisez un maximum de passages où l’annonce de la résurrection retentit. En vous demandant à chaque fois : sur quoi s’appuie cette annonce ?

Reprenez les textes de la vigile et du matin de Pâques.

tombeau_vide annonce dans Communauté spirituelle

- dans la nuit de Pâques, c’est sur « la visite au tombeau », sur le désir des femmes d’honorer la mémoire de leur ami que le Ressuscité s’appuie pour se manifester  (Mt 28, 1-10).

- pour Paul ce même soir, c’est sur le baptême qu’il greffe la proclamation de la Résurrection (Rm 6,3).

- le jour de Pâques, Pierre s’appuie sur la vision de Corneille, centurion romain, pour oser entrer chez lui et l’inviter à croire que « Dieu a ressuscité Jésus le troisième jour » (Ac 10,39).

- la deuxième lecture part de la célébration populaire de la fête juive de Pâques pour en dévoiler le sens profond : « Christ, notre agneau pascal, a été immolé ». (1 Co 5,7).

- l’Évangile de Jean s’appuie sur l’amour de Marie-Madeleine pour celui qu’elle vient de perdre, ce qui la pousse à « se rendre au tombeau de grand matin » (Jn, 20,1). Puis c’est la course au tombeau de Pierre et de Jean, traduisant leur course intérieure pour trouver un sens à leur vie.

 

Bref : impossible d’annoncer la joie de Pâques sans s’appuyer sur un désir, une quête, une vision, une coutume pratiquée par l’autre. Aujourd’hui encore, la perte d’un être cher, un baptême, un rêve secret, une fête populaire, une course intérieure anime sûrement ceux que nous croisons, à un moment ou à un autre.

 

La finesse du discernement spirituel

Si nous laissons l’Esprit du Ressuscité habiter en nous, il nous donnera sa finesse de discernement pour deviner l’attente la plus vraie qu’il a déposée en l’autre.

Si nous sommes à l’écoute de cette attente, si nous lui permettons de se dire, alors très simplement la proposition de la Résurrection pourra se faire, sans violence aucune, dans le respect absolu de la conscience et de la liberté de chacun.

Témoignage discret, joie rayonnante ou annonce explicite : ce qui se passera après cette première annonce ne nous appartient pas.

 

Seule compte la finesse spirituelle avec laquelle les baptisés pourront inviter à croire ce cri déchirant la nuit de Pâques : « il est ressuscité d’entre les morts ! »

 

 

Messe du jour de Pâques

1ère lecture : Les Apôtres témoins de la Résurrection (Ac 10, 34a.37-43)

 

Quand Pierre arriva de Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean :
Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui.
Et nous, les Apôtres, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice.
Et voici que Dieu l’a ressuscité le troisième jour.
Il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts.
Il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts.
C’est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage : Tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés. »

 

Psaume : Ps 117, 1.4, 16-17, 22-23

 

R/ Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève,
le bras du Seigneur est fort !
Non, je ne mourrai pas, je vivrai,
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’?uvre du Seigneur, la
merveille devant nos yeux..

 

2ème lecture : Vivre avec le Christ ressuscité (Col 3, 1-4)

 

Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.
Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre.

En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu.
Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.

 

Evangile : Le tombeau vide et la foi des Apôtres (Jn 20, 1-9)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick Braud

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12 février 2011

Accomplir, pas abolir

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Accomplir, pas abolir 

 

Homélie pour le 6° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 13 Février 2011

 

« Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ».

Si les Églises s’étaient davantage souvenues de cette phrase de Jésus en Mt 5, elles n’auraient sans doute pas diabolisé les rites chinois, supprimé autant de coutumes africaines, ou imposé tant de points de vue orientaux au début puis occidentaux ensuite… Heureusement, certains ne l’ont pas oublié : des missionnaires ont sauvé les langues locales en les mettant par écrit, avec dictionnaires et grammaire. D’autres ont magnifié les coutumes locales dignes d’admiration et les ont fait entrer dans le trésor chrétien. D’autres encore cherchent dans la musique contemporaine, ou la culture numérique, ou la mondialisation… ce qui peut être « accompli » en le « baptisant » en Christ.

 

Mais justement qu’est-ce que accomplir pour Jésus ?

 

Mt 5 ne développe ce thème de l’accomplissement que pour la Loi. C’est à la fois peu et beaucoup. En suivant quelques étapes du travail d’accomplissement auquel Jésus se livre par rapport à la Loi, nous aurons quelques indications pour les autres éléments à accomplir (les prophètes, la sagesse, la culture d’un peuple…).

 

·       Accomplir c’est d’abord connaître

Pour Jésus, c’est clair : la lettre de la loi est très importante. « Pas un iota n’en disparaîtra » annonce-t-il. Il la connaît par coeur, par le coeur, cette version littérale de la Torah.

Il est capable de citer l’Écriture au diable qui le tente au désert par trois fois avec d’autres citations (Mt 4).

Il est même assez habile pour aller chercher dans la Torah ce qui est contraire à la Torah ! Ainsi, lorsque les fanatiques de la loi juive se scandalisent du non-respect du shabbat par ses disciples qui cueillent des épis pour manger ce jour-là, il leur propose un autre passage de la Loi où David et ses compagnons osent manger les pains consacrés réservés aux seuls prêtres (Lc 6,2-5).

 

« Nul n’est censé ignorer la loi ». Parce qu’il la connaît mieux que quiconque, de l’intérieur, Jésus peut à la fois appeler à son respect et jouer de sa sophistication. Parce qu’il connaît la Loi, il peut en manifester la subtile complexité, qui appelle à un discernement. Il peut même faire apparaître des contradictions internes qui appellent à un dépassement de la lettre de la Loi…

 

Il faut donc connaître par le coeur ce que l’on désire « accomplir ».

Voilà pourquoi les Pères Blancs passent tant de temps à apprendre une langue locale africaine, ou pourquoi Charles de Foucauld est resté tant d’années à étudier le touareg et la culture touarègue.

Accomplir c’est d’abord connaître.

 

·       Accomplir, c’est ensuite relativiser

Non pas au sens de fragiliser, ou diminuer. Mais au sens de replacer dans son contexte (car tout est relatif !), de retrouver la relation que la loi voulait restaurer lorsqu’elle a été promulguée. Pour cela, Jésus n’absolutise la lettre de la Loi. Il revient à la tradition orale, vivante, évolutive, attentive à l’humain.

« Vous avez entendu qu’il a été dit… » « Eh bien moi je vous dis » : ce leitmotiv  revient cinq fois dans ce discours sur la montagne. Il se réfère à la tradition orale plus qu’à l’écrit ici, pour 5 questions disputées : le meurtre, l’adultère et le divorce, le serment, la vengeance, l’attitude face aux ennemis. Or 5 est le chiffre de la Loi, des cinq livres de Moïse constituant la Torah, le Pentateuque.

Accomplir ce n’est donc pas répéter sans rien changer de la lettre.

Accomplir, c’est retrouver une tradition vivante qui fait face aux questions contemporaines en sachant « tirer du neuf de l’ancien ». (Mt 13,52)

 

·  Accomplir, c’est radicaliser

Radicaliser : revenir à la racine de l’intuition de la loi.

C’est ce que fait Jésus ici par rapport aux cinq points évoqués. Pour ces questions de meurtre / d’adultère-divorce / de serment / de vengeance / ou d’amour des ennemis, Jésus ne se satisfait pas du légal, mais il veut retrouver ce qui était à la racine de la Loi : rétablir la communion entre les êtres.

Pas seulement sanctionner, pas seulement être ?en règle’, mais faire surgir une communion plus grande qu’avant le conflit.

 

Il est à noter d’ailleurs que cette radicalisation n’est jamais dirigée contre les autres, mais envers soi-même.

Le drame des intégristes ou des fanatiques de la loi (de la charia aux idéologies sécuritaires actuelles…) c’est de faire de la loi une machine de guerre contre les autres : contre les délinquants, contre la ?racaille’, contre les ?impies’, contre les ?blasphémateurs’, contre la finance ou contre les multinationales…

Or Jésus renverse ce mouvement de radicalisation : c’est envers soi-même qu’il appelle à être radical.

« Si ton frère a quelque chose contre toi ». « Si ton oeil t’entraîne à pécher ». « Quand vous dites oui… ». « Ne jure pas sur ta tête ». « Aimez vos ennemis »?

Cette radicalisation-là ne vise pas à éliminer l’autre, supposé mauvais, mais bien à éliminer le mal en soi d’abord.

Tout le contraire d’une dérive autoritaire ou légaliste…

 

·  Le sommet de la loi c’est la miséricorde

Allant chercher en soi la racine du mal à guérir, chacun pourra alors considérer l’autre bien autrement que sous le seul angle du droit.

C’est un frère, pas un « crétin » ou un adversaire. (v22)

C’est une compagne, plus qu’une femme adultère. (v 32)

C’est un compagnon de route avec qui faire le double du chemin, et pas un « méchant » à abattre. (v 41)

C’est un ennemi à aimer, pas à éliminer. (v 44)

 

« Allez donc apprendre ce que veut dire cette parole : c’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices » (Mt 9,13 ; 12,7; cf. Os 6,6). Voilà la clé d’interprétation de la Loi que Jésus est allé chercher dans la Loi.

La miséricorde est le sommet de la Loi.

Toute « radicalisation » qui s’éloignerait de cette perspective deviendrait vite inhumaine, à la manière des régimes autoritaires et policiers (même au nom d’alibis  religieux…).

 

·    Connaître, relativiser, radicaliser, orienter vers la miséricorde : voilà quelques étapes de l’accomplissement de la Loi par Jésus, avec lui et en lui.

Cet accomplissement n’est jamais figé.

Il ne vise pas que la loi. Le Christ est venu accomplir ce qu’il y a de meilleur en chacun, en chaque peuple.

La mission de l’Église est essentiellement une mission d’accomplissement :

accomplir la culture , l’intelligence, les sciences et techniques, en  « tout homme, tout l’homme, tous les hommes » (Paul VI, Popularum Progressio).

 

Pour ne pas céder aux sirènes identitaires et légalistes, répétons-nous souvent cette phrase-clé de Jésus : « je ne suis pas venu abolir, mais accomplir ».

 

 

 

1ère lecture : « Tu peux observer les commandements » (Si 15, 15-20)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Si tu le veux, tu peux observer les commandements, il dépend de ton choix de rester fidèle.

Le Seigneur a mis devant toi l’eau et le feu : étends la main vers ce que tu préfères.

La vie et la mort sont proposées aux hommes, l’une ou l’autre leur est donnée selon leur choix.

Car la sagesse du Seigneur est grande, il est tout-puissant et il voit tout.

Ses regards sont tournés vers ceux qui le craignent, il connaît toutes les actions des hommes.

Il n’a commandé à personne d’être impie, il n’a permis à personne de pécher.

 

Psaume : 118, 1-2, 4-5, 17-18, 33-34

R/ Heureux qui règle ses pas sur la parole de Dieu.

Heureux les hommes intègres dans leurs voies
qui marchent suivant la loi du Seigneur !
Heureux ceux qui gardent ses exigences,
ils le cherchent de tout coeur ! 

Toi, tu promulgues des préceptes
à observer entièrement.
Puissent mes voies s’affermir
à observer tes commandements ! 

Sois bon pour ton serviteur, et je vivrai,
j’observerai ta parole.
Ouvre mes yeux,
que je contemple les merveilles de ta loi.

Enseigne-moi, Seigneur, le chemin de tes ordres ;
à les garder, j’aurai ma récompense.
Montre-moi comment garder ta loi,
que je l’observe de tout coeur.

2ème lecture : La sagesse de Dieu est ignorée du monde (1 Co 2, 6-10)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
c’est bien une sagesse que nous proclamons devant ceux qui sont adultes dans la foi, mais ce n’est pas la sagesse de ce monde, la sagesse de ceux qui dominent le monde et qui déjà se détruisent.

Au contraire, nous proclamons la sagesse du mystère de Dieu, sagesse tenue cachée, prévue par lui dès avant les siècles, pour nous donner la gloire.

Aucun de ceux qui dominent ce monde ne l’a connue, car, s’ils l’avaient connue, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de gloire.

Mais ce que nous proclamons, c’est, comme dit l’Écriture : ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu.

Et c’est à nous que Dieu, par l’Esprit, a révélé cette sagesse. Car l’Esprit voit le fond de toutes choses, et même les profondeurs de Dieu.

 

Evangile : Sermon sur la montagne. Accomplir, pas abolir. (Mt 5, 17-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. La loi du Seigneur est joie pour le c?ur, lumière pour les yeux. Alléluia. (cf. Ps 18, 9)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Amen, je vous le dis : Avant que le ciel et la terre disparaissent, pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un seul de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera sera déclaré grand dans le Royaume des cieux.

Je vous le dis en effet : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu’un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu’un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu’un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu. Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande.  Accorde-toi vite avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou.


Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme et la désire a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur. Si ton oeil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car c’est ton intérêt de perdre un de tes membres, et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car c’est ton intérêt de perdre un de tes membres, et que ton corps tout entier ne s’en aille pas dans la géhenne.

Il a été dit encore : Si quelqu’un renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère. 

Vous avez encore appris qu’il a été dit aux anciens : Tu ne feras pas de faux serments, mais tu t’acquitteras de tes serments envers le Seigneur. Eh bien moi, je vous dis de ne faire aucun serment, ni par le ciel, car c’est le trône de Dieu, ni par la terre, car elle est son marchepied, ni par Jérusalem, car elle est la Cité du grand Roi. Et tu ne jureras pas non plus sur ta tête, parce que tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. Quand vous dites ‘oui’, que ce soit un ‘oui’, quand vous dites ‘non’, que ce soit un ‘non’. Tout ce qui est en plus vient du Mauvais. »

      Patrick Braud

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