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18 avril 2014

Pâques : Courir plus vite que Pierre

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Pâques : courir plus vite que Pierre

Homélie du dimanche de Pâques
20/04/204 

COURIR

Qu’est-ce qui nous fait courir ?

Quiconque a déjà voyagé dans des pays chauds devine le caractère incongru de la scène : des hommes et des femmes courant sur une piste poussiéreuse sous le soleil d’Afrique ou de Palestine. C’est hautement improbable. D’abord parce que la notion de temps dans ces cultures traditionnelles fait peu de place à l’urgence. Il est rare et même indécent de courir faire quelque chose. Et ensuite parce que le climat dissuade très vite de se livrer à ce genre d’exercice. Hormis les Kenyans sur leurs hauts plateaux, courir sur les routes de Jérusalem ou d’Abidjan relève au mieux d’un manque de savoir-vivre, au pire d’un état de déraison avancé.

Dans cet évangile de Pâques, on court pourtant beaucoup.

Marie-Madeleine, dans le sens tombeau => apôtres, pour les prévenir et leur demander de venir vérifier ses dires.

Pierre et Jean, dans le sens Église => tombeau vide, pour voir si elle dit vrai.

L’Église de Pâques naît donc dans la course, inhabituelle, inconvenante, inquiète.

- Courir vers l’Église pour lui signaler l’absence du corps du Christ : c’est la mission symbolique au plus haut point de Marie-Madeleine. Cette course est encore la nôtre lorsque nous devons alerter en urgence l’Église des endroits de nos villes, de notre culture, de la communauté où il n’y a plus de corps du Christ, c’est-à-dire plus de présence ecclésiale.

- Courir de l’Église vers le tombeau vide : c’est le go fast de Pierre et Jean qui préfigure notre propre course pour chercher et découvrir les lieux où la mort n’a pas eu le dernier mot.

Pâques : Courir plus vite que Pierre dans Communauté spirituelle Pierre+et+Jean 

Ces deux courses se répondent et s’appellent sans cesse l’une l’autre encore aujourd’hui.

Devenir chrétien au petit matin de Pâques, c’est s’entraîner à courir de ces deux quêtes à jamais inassouvies : prévenir l’Église qui doit sortir d’elle-même pour aller voir ; courir soi-même pour visiter les lieux où la victoire sur le mal et la mort s’inscrivent en creux, à la manière du tombeau vide.

La course est essentielle à la vie chrétienne, à tel point que Paul prendra sans cesse cette image sportive : ne pas courir en vain, tenir bon jusqu’au bout de l’épreuve, permettre à la parole de Dieu de poursuivre et d’achever sa course :

1Corinthiens 9,24 : Ne savez-vous pas que, dans les courses du stade, tous courent, mais un seul obtient le prix? Courez donc de manière à le remporter.

1Corinthiens 9,26 : Et c’est bien ainsi que je cours, moi, non à l’aventure; c’est ainsi que je fais du pugilat, sans frapper dans le vide.

2Thessaloniciens 3,1 : Enfin, frères, priez pour nous, demandant que la parole du Seigneur accomplisse sa course et soit glorifiée, comme elle le fait chez vous,

2Timothée 4,7 : J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.

Actes 20,24 : Mais je n’attache aucun prix à ma propre vie, pourvu que je mène à bonne fin ma course et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus: rendre témoignage à l’Évangile de la grâce de Dieu.

Galates 2,2 : J’y montai à la suite d’une révélation; et je leur exposai Évangile que je prêche parmi les païens – mais séparément aux notables, de peur de courir ou d’avoir couru pour rien.

Hébreux 12,1 : Voilà donc pourquoi nous aussi, enveloppés que nous sommes d’une si grande nuée de témoins, nous devons (?) courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée,

Philippiens 3,12 : Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus.

Philippiens 3,14 : et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus

Une-soiree-historique_full_diapos_large courir dans Communauté spirituelle

Et nous, pour quoi, pour qui courons-nous ?

Sommes-nous dans cette dynamique de la course qui nous guérit de la résignation, du fatalisme, du ?à quoi bon ?’ des apôtres après la catastrophe de l’échec au Golgotha ?

Qu’est-ce qui nous fait nous lever le matin ?

Quelles bandelettes roulées à part nous attendent, et où ?

Quelle est notre course en réponse aux appels de ceux qui nous disent d’aller voir ailleurs des absences étonnantes ?

 

Courir plus vite que Pierre

Courir donc.

Pierre et Jean en sont des symboles.

Avec cette précision que seul l’auteur du quatrième évangile apporte : le disciple que Jésus aimait a couru plus vite que Pierre.

Pourquoi souligner ce détail ? Est-ce uniquement parce que ce disciple (souvent identifié à Jean, mais on n’en est pas sûr) était plus jeune et donc plus vigoureux que Pierre ?

Difficile de ne pas y voir là encore une touche symbolique : courir plus vite que Pierre est nécessaire à l’Église pour qu’elle se convertisse à son Seigneur. Car, parce qu’il se sait aimé du Christ, ce disciple sera plus rapide non seulement pour arriver au tombeau mais également pour interpréter cette absence, ce vide, ces bandelettes roulées à part avec soin. « Il vit et il crut », alors qu’on ne sait pas ce que Pierre en a pensé.

le+tombeau+vide croire

Si Pierre symbolise – à juste titre – le caractère institutionnel et hiérarchique de l’Église, alors l’auteur du quatrième évangile a voulu marquer d’emblée que l’Église dès sa naissance ne pouvait se contenter du seul Pierre. Il y faut également Jean, ce contemplatif actif, ce disciple aimé qui voit et croit.

Autrement dit, à côté de la structure institutionnelle (pape, évêques, prêtres…), il faut impérativement à l’Église des disciples bien-aimés qui courent plus vite que Pierre, qui sont capables de voir et de croire avant que la lourde machine ecclésiale se convertisse enfin elle aussi, grâce à leur témoignage.

Ces chevaux ailés de la foi, ces gazelles de la course mystique existent toujours, et ont la belle mission de contester la toute-puissance que Pierre tend parfois à s’arroger, en lui rappelant qu’il est une autre connaissance, celle du coeur, une foi  plus active – celle du juste regard porté sur les choses – qui va plus vite que l’institution et l’empêche de se croire suffisante.

Aujourd’hui, ceux qui courent plus vite que Pierre existent toujours au milieu de nous. Ce sont les fondateurs comme Jean Vanier ou le Père Wrézinski, les prophètes comme cette jeune religieuse triomphant dans The Voice à l’italienne ou ces millions de couples pratiquants tranquillement leur propre spiritualité conjugale apparemment éloignée des canons rigides romains, les sages comme les moines et les moniales écoutant la vraie soif du monde et y répondant avec le silence, les psaumes, la fraternité inconditionnelle etc…

9782204101950 JeanCourir plus vite que Pierre n’est pas pour autant s’opposer frontalement à lui : Jean attend devant le tombeau, et s’efface pour laisser Pierre entrer le premier. On se souvient des Pères Congar et Chenu, précurseurs du concile Vatican II, qui pourtant avaient été durement « crossés » auparavant pour leurs écrits théologiques : ils ne sont pas entrés en dissidence, ils ont obéi humblement, en continuant leur travail de recherche, en croyant qu’avec le temps Pierre lui aussi finirait par voir et croire. Et l’histoire leur a donné raison. La suite a montré que grâce à leur obéissance, l’énorme paquebot Église allait finalement se convertir elle aussi à devenir « servante et pauvre », selon les mots de Congar. Le pape François actuel en est un symbole vivant : il incarne Pierre courant plus vite que Pierre en quelque sorte, dans son humilité joyeuse au service des pauvres.

Voilà donc une voie de réforme toujours actuelle : courir plus vite que Pierre, c’est-à-dire détecter plus vite que nos évêques, que nos innombrables et lourdes structures ecclésiales, les vrais désirs, la vraie soif de notre société, et croire avant Pierre que le Christ n’est plus enfermé dans les bandelettes du passé. Que ce soit à propos de la situation des divorcés remariés, de la morale familiale, de l’engagement économique ou politique, ils sont nombreux ces disciples aimés du Christ qui vont plus vite que leur Église officielle sur bien des points !

Mais cette course plus rapide ne sera féconde que si elle attend Pierre patiemment, et l’aide à se convertir lui-même.

La contestation adolescente ou stérile n’est pas à l’auteur du défi de Pâques. S’il doit y avoir confrontation – car parfois cela est nécessaire – que ce soit à la manière de Paul, qui ose reprocher publiquement à Pierre de ne pas être fidèle à la gratuité du salut en Christ :

« Quand Céphas (Pierre) vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu’il s’était donné tort. En effet, avant l’arrivée de certaines gens de l’entourage de Jacques, il prenait ses repas avec les païens; mais quand ces gens arrivèrent, on le vit se dérober et se tenir à l’écart, par peur des circoncis. Et les autres Juifs l’imitèrent dans sa dissimulation, au point d’entraîner Barnabé lui-même à dissimuler avec eux. Mais quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de Évangile, je dis à Céphas devant tout le monde: « Si toi qui es Juif, tu vis comme les païens, et non à la juive, comment peux-tu contraindre les païens à judaïser? (Ga 2,11-14)

Tout en reprenant Pierre devant tout le monde, Paul aura à coeur de ne rien faire sans être visiblement en communion avec lui.

« Reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques, Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion : nous irions, nous aux païens, eux à la Circoncision » (Ga 2,9).

Exigence évangélique et obéissance sont donc compatibles au sein de notre Église.

Reste qu’il est essentiel que quelques-uns courent plus vite que Pierre, c’est-à-dire  plus vite que leur évêque, leur conseil paroissial, leurs supérieurs hiérarchiques. Sans eux, l’Église risque de voir sans voir, et – pire encore – de voir sans croire.

 

Messe du jour de Pâques

1ère lecture : Les Apôtres témoins de la Résurrection (Ac 10, 34a.37-43)

Quand Pierre arriva de Césarée chez un centurion de l’armée romaine, il prit la parole : « Vous savez ce qui s’est passé à travers tout le pays des Juifs, depuis les débuts en Galilée, après le baptême proclamé par Jean :
Jésus de Nazareth, Dieu l’a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force. Là où il passait, il faisait le bien, et il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon. Car Dieu était avec lui.
Et nous, les Apôtres, nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois du supplice.
Et voici que Dieu l’a ressuscité le troisième jour.
Il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts.
Il nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que Dieu l’a choisi comme Juge des vivants et des morts.
C’est à lui que tous les prophètes rendent ce témoignage : Tout homme qui croit en lui reçoit par lui le pardon de ses péchés. » 

Psaume : Ps 117, 1.4, 16-17, 22-23

R/ Ce jour que fit le Seigneur est un jour de joie, alléluia !

Rendez grâce au Seigneur : Il est bon !
Éternel est son amour !
Qu’ils le disent, ceux qui craignent le Seigneur :
Éternel est son amour !

Le bras du Seigneur se lève, 
le bras du Seigneur est fort ! 
Non, je ne mourrai pas, je vivrai, 
pour annoncer les actions du Seigneur.

La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs 
est devenue la pierre d’angle : 
c’est là l’oeuvre du Seigneur,  
la merveille devant nos yeux..

2ème lecture : Vivre avec le Christ ressuscité (Col 3, 1-4)

Frères, vous êtes ressuscités avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu.
Tendez vers les réalités d’en haut, et non pas vers celles de la terre.

En effet, vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu.
Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire.

sequence : 

À la victime pascale,
chrétiens, offrez le sacrifice de louange. 

L’Agneau a racheté les brebis; 
le Christ innocent a réconcilié 
l’homme pécheur avec le Père. 

La mort et la vie s’affrontèrent 
en un duel prodigieux. 
Le Maître de la vie mourut ; vivant, il règne. 

?Dis-nous, Marie Madeleine, 
qu’as-tu vu en chemin ?? 

?J’ai vu le sépulcre du Christ vivant, 
j’ai vu la gloire du Ressuscité. 

J’ai vu les anges ses témoins, 
le suaire et les vêtements. 

Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! 
Il vous précédera en Galilée.? 

Nous le savons : le Christ 
est vraiment ressuscité des morts. 

Roi victorieux, 
prends-nous tous en pitié ! 
Amen.

Evangile : Le tombeau vide et la foi des Apôtres (Jn 20, 1-9)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre Pâque immolée, c’est le Christ !
Rassasions-nous dans la joie au festin du Seigneur !
Alléluia. (1 Co 5, 7-8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau.
Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis. »
Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau.
Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau.
En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas.
Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut.
Jusque-là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.
Patrick Braud

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11 avril 2014

Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux

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Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux

Homélie du Dimanche des Rameaux
13/04/2014

Dans bien des régions de France, ce dimanche des rameaux est le plus fréquenté de toute l’année, davantage que Pâques, davantage encore que Noël. À tel point qu’on est obligé de rajouter des offices, et de laisser à la porte des églises ouvertes ensuite des brassées de buis béni pour les retardataires, les timides, ou les oublieux qui veulent quand même renouveler leur rameaux secs et jaunis accroché à leurs crucifix.

 

1. Un signe sensible

Les multiples interprétations symboliques du dimanche des rameaux dans Communauté spirituelle rameauxC’est là tout particulièrement le génie du catholicisme : savoir parler à tous dans un langage simple, accessible, charnel. Et quoi de plus concret que le langage des signes sensibles, comme un rameau béni rapporté à la maison ? Point n’est besoin d’être docteur en théologie, ni même grand pratiquant, pour saisir d’instinct ce que cette branche d’arbuste signifie. Pas même besoin de mots : la tradition orale a suffisamment imprégné pendant des siècles cet objet et les gestes qui l’accompagnent pour que l’enfant, le SDF ou la vieille femme qui viendraient le ramasser furtivement – comme à la dérobée - après la messe sachent qu’il y a là une question de vie et de mort.

 

Pas de catholicisme sans des gestes et des objets aussi populaires que les rameaux, aussi simples que ces feuilles de buis béni, aussi accessible que ces branches coupées pour que la vie ne le soit pas.

 

2. Une espérance invincible

Que fait-on de ces rameaux en effet ? On les glisse entre les bras du crucifix sur la croix familiale, on les coince entre le crucifix et le mur pour qu’ils dépassent fièrement en hauteur, on s’arrange pour que leur vert absolu tranche sur le gris ou l’or de la croix si triste…

À lui seul, un rameau béni témoigne que l’arbre de la croix portera du fruit, quoi qu’il arrive.

À lui seul, un bout de branchages de buis proclame la résurrection promise à chacun.

À elle seule, une palme fièrement dressée au-dessus de la tête du crucifié annonce à la fois la consolation, la transfiguration, l’oasis à travers la mort.

D’ailleurs, quand l’un des nôtres nous a quitté, naviguant on ne sait comment vers une autre rive on ne sait où, il est de coutume d’aller décrocher ce rameau ramené comme un butin du dimanche avant Pâques. On dispose une table en face du corps du défunt, avec une soucoupe d’eau et le rameau à côté. Les visiteurs qui viennent se recueillir devant l’enveloppe charnelle peuvent alors la bénir avec cet humble feuillage. En traçant cet itinéraire cruciforme perlé de gouttes d’eau sur le corps, ils rendent hommage à ce que le défunt a été pour eux, ils rappellent à Dieu – sans le savoir – sa promesse de ne pas laisser ses amis aussi éloignés de lui que la mort peut le faire.

Il n’est donc une nulle épreuve que l’espérance pascale ne puisse illuminer : les rameaux témoignent de cette espérance invincible, avec simplicité.

 

3. Entre vert et sec : le rappel à l’éphémère

Pourtant ces rameaux se flétrissent. Du vert resplendissant de la semaine sainte, il passe en quelques mois au jaune sec et cassant des feuilles abandonnées.

Ainsi nos espoirs humains touchent vite leurs limites.

Ainsi nos projets se dessèchent tôt ou tard.

Ainsi nos réalisations les plus belles deviennent rabougries et prêtes à tomber en poussière avec les années, à l’échelle du temps de l’univers…

Ce n’est que sagesse d’enlever alors ces tiges desséchées de nos crucifix pour aller les brûler en début de carême. On dit que les cendres du premier mercredi de carême sont faites avec celle des rameaux brûlés, réduits en poudre, et étalés sur le front des fidèles pour leur rappeler que tout passe…

Nous sommes dans des réalités avant-dernières : rien ici-bas ne peut être absolutisé au point de ne pas devoir vieillir et tomber en poussière. Ce n’est que dans la réalité dernière – celle du monde à venir après la mort – que les rameaux ne jauniront pas. D’ici là, le nécessaire renouvellement annuel de nos rameaux nous oblige à ne pas croire éternel nos espoirs ou nos réussites.

Entre arbre vert et arbre sec, ces branches qui ne durent qu’une année accrochées à nos murs nous ramènent à l’éphémère humain, nous convertissent à l’éternité seulement divine.

 

4. La fête des tentes ou la vraie présence de Dieu

Le pasteur de l’Église réformée de Versailles rappelait ainsi en 2004 le lien ente les rameaux et la fête des tentes :

« David ordonna autrefois que sa propre mule serve de monture à son fils Salomon et qu’on le fasse descendre à Guihôn pour qu’il y reçoive l’onction d’huile le consacrant ainsi roi d’Israël.

Ainsi, cette entrée de Jésus à Jérusalem, juché sur un ânon, ne rappelle pas seulement la prophétie messianique de Zacharie, mais aussi l’intronisation du roi Salomon.

« Mais Salomon allait à Guihôn », me direz-vous, « pas à Jérusalem ! ».

« Justement ! », vous répondrais-je, « on a là une coïncidence extraordinaire ! ».

Guihôn (qui veut dire ?la jaillissante? en hébreu) était une des deux sources qui alimentaient la ville de Jérusalem. Elle se situait à l’extérieur de la ville, ce qui n’était pas pratique, et parfois même dangereux, pour les habitants de Jérusalem. Après divers aménagements, c’est finalement le roi Ezéchias qui, dans les années 700 av. JC, fit creuser un canal souterrain reliant Guihôn à un bassin situé à l’intérieur des remparts : la fameuse piscine de Siloé. À l’époque de Jésus, pendant la fête des Tentes, la plus grande et la plus sainte des fêtes juives (du moins jusqu’à la destruction du temple de Jérusa­lem en l’an 70), les prêtres allaient tous les jours puiser de l’eau à cette piscine de Siloé, et ils l’emportaient en procession jusqu’au Temple pour nettoyer l’autel des holocaustes, où l’on faisait de nom­breux sacrifices pendant les sept jours que durait cette fête. Cette procession se faisait sous les cris de la foule brandissant des palmes et des rameaux de verdure. Nous y voilà !

Cette proces­sion de l’eau purificatrice, fournie par la source de Guihôn, ressemble étrangement à cette procession qui accompagne Jésus à l’entrée de Jérusalem, où il va purifier la maison de son Père en chassant les marchands du Temple. Par ailleurs, nous avons entendu tout à l’heure un extrait du psaume 118, celui qui était vraisemblablement chanté (ou plutôt « psalmodié ») pendant ces processions de la fête des Tentes, rameaux en main. Et vous y avez reconnu le « Béni soit celui qui vient, au nom du Seigneur ! » (Hosanna !) que crie la foule en accueillant Jésus (peut-être y avez-vous relevé également l’histoire de la pierre angulaire, que Jé­sus citera quelques versets plus loin).

Mais ce n’est pas tout : il y a une autre coïncidence. Vous savez sans doute que c’est Salomon (on y revient) qui fit construire le premier temple de Jérusalem. Et bien c’est justement au cours de cette ?fête des Tentes? que Salomon l’inaugura, en faisant entrer dans le temple, toujours en procession, la fameuse ?arche de l’alliance?, celle que le peuple hébreu avait transportée dans le désert, et qui contenait les fameuses ?tables de la Loi? qui scellaient l’alliance entre Dieu et son peuple. D’ailleurs, la fête des Tentes est en rapport direct avec l’Exode. En hébreu, on l’appelle la fête des Soukkôth. La souk­kah (soukkôth au pluriel) n’est pas exactement une « tente » mais plutôt une cabane ou une hutte faite de branchages. Cette fête évoque les 40 ans d’errance dans le désert du Sinaï, où les Hébreux n’avaient que des tentes ou des huttes pour se protéger du soleil. En mémoire de ce temps héroïque, les juifs vont vivre pendant une semaine dans des soukkôth qu’ils auront construit eux-mêmes aux alentours de Jérusalem. Aujourd’hui encore, cette fête symbolise le ?renouvellement de l’alliance?.


Bref, résumons ce que nous avons découvert :

- Jésus est monté sur un ânon, comme le roi Salomon lors de son intro­ni­­sation.

- Son accueil par la foule branchages à la main ressemble fort aux cérémonies de la fête des Ten­tes, considérée comme la fête du ?renouvellement? de l’alliance. Et Jésus y joue le rôle de la source ?royale? de Guihôn, qui est menée en procession jusqu’au temple pour la purification.

- C’est justement dans ce contexte de la fête des Tentes que Salomon inaugura le premier Temple de Jérusalem. »

http://erys.pagesperso-orange.fr/PREDICATION%20DU%204%20AVRIL%202004.html

Les rameaux annoncent donc la nouvelle tente que Dieu va établir : non pas une hutte de branchages faite de main d’homme, pas même un nouveau Temple de pierres à Jérusalem, mais le corps même de Jésus transfiguré à travers la mort.

Brandir nos palmes en chantant Hosanna !, c’est donc reconnaître en Christ la vraie source de vie et de purification. C’est saluer en lui le Temple vivant de la présence de Dieu. C’est désirer que nos propres corps en communiant à lui dans l’eucharistie deviennent en lui des temples vivants de cette présence pour nos frères.

 

5. Un signe de fécondité

Seneve Carême dans Communauté spirituelleLes autres usages bibliques du mot branches (kladous, en grec) utilisé ici pour désigner les rameaux nous mettent sur la voie de la fécondité.

Car ce mot branches est également utilisé par les évangélistes pour désigner le grand arbre et ses branchages finalement sortis de la minuscule graine de sénevé :

Et il disait: « Comment allons-nous comparer le Royaume de Dieu ? Ou par quelle parabole allons-nous le figurer? C’est comme un grain de sénevé qui, lorsqu’on le sème sur la terre, est la plus petite de toutes les graines qui sont sur la terre; mais une fois semé, il monte et devient la plus grande de toutes les plantes potagères, et il pousse de grandes branches, au point que les oiseaux du ciel peuvent s’abriter sous son ombre. » (Mc 4,32 ; Mt 13,13 ; Lc 13,19).

Cette disproportion entre la petite cause et les grands effets s’applique à la Passion du Christ : une injustice ordinaire (hélas !), invisible dans l’histoire de l’époque, se déroulant dans une obscure contrée toute petite, se révélera finalement le salut de toute l’humanité. Cet effet papillon de la foi se réfugie dans nos rameaux, va se cacher dans la petitesse de la branche coupée, pour resurgir à Pâques en toute majesté.

Rien ne sera perdu de nos amours les plus vrais : leur fécondité abritera même les oiseaux du ciel !

 

6. L’olivier greffé

Les seuls autres usages du mot branches de notre évangile des rameaux se retrouvent chez Paul. Et précisément 6 usages dans le chapitre 11 de la lettre aux Romains. Il s’agit du passage consacré au mystère d’Israël, toujours vivant au milieu de nous. Paul le compare à l’olivier racine, sur lequel a été greffé l’olivier sauvage des païens :

« Mais si quelques-unes des branches ont été coupées tandis que toi, sauvageon d’olivier tu as été greffé parmi elles pour bénéficier avec elles de la sève de l’olivier, ne va pas te glorifier aux dépens des branches. » (Rm 11,17-18)

Nous sommes ces païens qui, grâce à Jésus de Nazareth, ont été incorporés à l’Israël de Dieu. Cette greffe réussie, où l’Église vient accomplir la synagogue sans l’abolir, nous oblige à ne jamais oublier nos racines juives.

Brandir un rameau en chantant Hosanna ! nous enracine dans la tradition juive qui a élevé Jésus à l’âge adulte, qui lui a donné son identité, sa profondeur, et l’a ensuite offert à toutes les nations.

Cueillir des branches d’olivier pour le dimanche des rameaux a ainsi tout son sens : nous sommes cet olivier sauvage greffé sur le bois de la croix, pour devenir avec le Christ un seul peuple, une seule famille de Dieu par tout l’univers.

Pas besoin de savoir tout cela pour fêter le dimanche des rameaux de tout son coeur ! Il suffit de chanter à tue-tête (même en chantant faux), d’agiter ses branchages, et de les rapporter précieusement à la maison pour en décorer nos crucifix.

 

 

      Evangile : (Mt 21, 1-11)

Acclamation : Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphagé, sur les pentes du mont des Oliviers. Alors Jésus envoya deux disciples : « Allez au village qui est en face de vous ; vous trouverez aussitôt une ânesse attachée et son petit avec elle. Détachez-les et amenez-les moi. Et si l’on vous dit quelque chose, vous répondrez : ‘Le Seigneur en a besoin, mais il les renverra aussitôt.’ »
Cela s’est passé pour accomplir la parole transmise par le prophète : Dites à la fille de Sion : Voici ton roi qui vient vers toi, humble, monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme. Les disciples partirent et firent ce que Jésus leur avait ordonné. Ils amenèrent l’ânesse et son petit, disposèrent sur eux leurs manteaux, et Jésus s’assit dessus. Dans la foule, la plupart étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient la route. Les foules qui marchaient devant Jésus et celles qui suivaient criaient : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! » Comme Jésus entrait à Jérusalem, l’agitation gagna toute la ville ; on se demandait : « Qui est cet homme ? » Et les foules répondaient : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Messe de la Passion
1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)

Lecture du livre d’Isaïe

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire.
Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : Ps 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : La Passion (brève : 27, 11-54) (Mt 26, 14-75; 27, 1-66)

Acclamation :

Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Matthieu

L’un des Douze, nommé Judas Iscariote, alla trouver les chefs des prêtres
et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui proposèrent trente pièces d’argent.
Dès lors, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, les disciples vinrent dire à Jésus : « Où veux-tu que nous fassions les préparatifs de ton repas pascal ? »
Il leur dit : « Allez à la ville, chez un tel, et dites-lui : ‘Le Maître te fait dire : Mon temps est proche ; c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.’»
Les disciples firent ce que Jésus leur avait prescrit et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus se trouvait à table avec les Douze.
Pendant le repas, il leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous va me livrer. »
Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, l’un après l’autre : « Serait-ce moi, Seigneur ? »
Il leur répondit : « Celui qui vient de se servir en même temps que moi, celui-là va me livrer. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Il vaudrait mieux que cet homme-là ne soit pas né ! »
Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Rabbi, serait-ce moi ? » Jésus lui répond : « C’est toi qui l’as dit ! »

Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, en disant :
« Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés. Je vous le dis : désormais je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où je boirai un vin nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. »

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Alors Jésus leur dit : « Cette nuit, je serai pour vous tous une occasion de chute ; car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis du troupeau seront dispersées. Mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi, je ne tomberai jamais. »
Jésus reprit : « Amen, je te le dis : cette nuit même, avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. »
Pierre lui dit : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous les disciples en dirent autant.

Alors Jésus parvient avec eux à un domaine appelé Gethsémani et leur dit : « Restez ici, pendant que je m’en vais là-bas pour prier. »
Il emmena Pierre, ainsi que Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée, et il commença à ressentir tristesse et angoisse.
Il leur dit alors : « Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. »
Il s’écarta un peu et tomba la face contre terre, en faisant cette prière : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. »
Puis il revient vers ses disciples et les trouve endormis ; il dit à Pierre : « Ainsi, vous n’avez pas eu la force de veiller une heure avec moi ? Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
Il retourna prier une deuxième fois : « Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! »
Revenu près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient lourds de sommeil.
Il les laissa et retourna prier pour la troisième fois, répétant les mêmes paroles.
Alors il revient vers les disciples et leur dit : « Désormais, vous pouvez dormir et vous reposer ! La voici toute proche, l’heure où le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs ! Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. »

Jésus parlait encore, lorsque Judas, l’un des Douze, arriva, avec une grande foule armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres et les anciens du peuple.
Le traître leur avait donné un signe : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le. »
Aussitôt, s’approchant de Jésus, il lui dit : « Salut, Rabbi ! », et il l’embrassa.
Jésus lui dit : « Mon ami, fais ta besogne. » Alors ils s’avancèrent, mirent la main sur Jésus et l’arrêtèrent.
Un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Jésus lui dit : « Rentre ton épée, car tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée. Crois-tu que je ne puisse pas faire appel à mon Père, qui mettrait aussitôt à ma disposition plus de douze légions d’anges ? Mais alors, comment s’accompliraient les Écritures ? D’après elles, c’est ainsi que tout doit se passer. »
À ce moment-là, Jésus dit aux foules : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais assis dans le Temple où j’enseignais, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais tout cela est arrivé pour que s’accomplissent les écrits des prophètes. » Alors les disciples l’abandonnèrent tous et s’enfuirent.

Ceux qui avaient arrêté Jésus l’amenèrent devant Caïphe, le grand prêtre, chez qui s’étaient réunis les scribes et les anciens.
Quant à Pierre, il le suivait de loin, jusqu’au palais du grand prêtre ; il entra dans la cour et s’assit avec les serviteurs pour voir comment cela finirait.
Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort.
Ils n’en trouvèrent pas ; pourtant beaucoup de faux témoins s’étaient présentés. Finalement il s’en présenta deux, qui déclarèrent : « Cet homme a dit : ‘Je peux détruire le Temple de Dieu et, en trois jours, le rebâtir.’ »
Alors le grand prêtre se leva et lui dit : « Tu ne réponds rien à tous ces témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus gardait le silence. Le grand prêtre lui dit : « Je t’adjure, par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Messie, le Fils de Dieu. »
Jésus lui répond : « C’est toi qui l’as dit ; mais en tout cas, je vous le déclare : désormais vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant et venir sur les nuées du ciel. »
Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : « Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort. »
Alors ils lui crachèrent au visage et le rouèrent de coups ; d’autres le giflèrent en disant : « Fais-nous le prophète, Messie ! qui est-ce qui t’a frappé ? »
Quant à Pierre, il était assis dehors dans la cour. Une servante s’approcha de lui : « Toi aussi, tu étais avec Jésus le Galiléen ! »
Mais il nia devant tout le monde : « Je ne sais pas ce que tu veux dire. »
Comme il se retirait vers le portail, une autre le vit et dit aux gens qui étaient là : « Celui-ci était avec Jésus de Nazareth. »
De nouveau, Pierre le nia : « Je jure que je ne connais pas cet homme. »
Peu après, ceux qui se tenaient là s’approchèrent de Pierre : « Sûrement, toi aussi, tu fais partie de ces gens-là ; d’ailleurs ton accent te trahit. »
Alors, il se mit à protester violemment et à jurer : « Je ne connais pas cet homme. » Aussitôt un coq chanta.
Et Pierre se rappela ce que Jésus lui avait dit : « Avant que le coq chante, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et pleura amèrement.

Le matin venu, tous les chefs des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort.
Après l’avoir ligoté, ils l’emmenèrent pour le livrer à Pilate, le gouverneur.
Alors Judas, le traître, fut pris de remords en le voyant condamné ; il rapporta les trente pièces d’argent aux chefs des prêtres et aux anciens.
Il leur dit : « J’ai péché en livrant à la mort un innocent. » Ils répliquèrent : « Qu’est-ce que cela nous fait ? Cela te regarde ! »
Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre.
Les chefs des prêtres ramassèrent l’argent et se dirent : « Il n’est pas permis de le verser dans le trésor, puisque c’est le prix du sang. »
Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec cette somme le Champ-du-Potier pour y enterrer les étrangers.
Voilà pourquoi ce champ a été appelé jusqu’à ce jour le Champ-du-Sang.
Alors s’est accomplie la parole transmise par le prophète Jérémie : Ils prirent les trente pièces d’argent, le prix de celui qui fut mis à prix par les enfants d’Israël, et ils les donnèrent pour le champ du potier, comme le Seigneur me l’avait ordonné.

On fit comparaître Jésus devant Pilate, le gouverneur, qui l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus déclara : « C’est toi qui le dis. »
Mais, tandis que les chefs des prêtres et les anciens l’accusaient, il ne répondit rien.
Alors Pilate lui dit : « Tu n’entends pas tous les témoignages portés contre toi ? »
Mais Jésus ne lui répondit plus un mot, si bien que le gouverneur était très étonné.
Or, à chaque fête, celui-ci avait coutume de relâcher un prisonnier, celui que la foule demandait.
Il y avait alors un prisonnier bien connu, nommé Barabbas.
La foule s’étant donc rassemblée, Pilate leur dit : « Qui voulez-vous que je vous relâche : Barabbas ? ou Jésus qu’on appelle le Messie ? »
Il savait en effet que c’était par jalousie qu’on l’avait livré.
Tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te mêle pas de l’affaire de ce juste, car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui. »
Les chefs des prêtres et les anciens poussèrent les foules à réclamer Barabbas et à faire périr Jésus.
Le gouverneur reprit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils répondirent : « Barabbas ! »
Il reprit : « Que ferai-je donc de Jésus, celui qu’on appelle le Messie ? » Ils répondirent tous : « Qu’on le crucifie ! »
Il poursuivit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Ils criaient encore plus fort : « Qu’on le crucifie ! »
Pilate vit que ses efforts ne servaient à rien, sinon à augmenter le désordre ; alors il prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable du sang de cet homme : cela vous regarde ! »
Tout le peuple répondit : « Son sang, qu’il soit sur nous et sur nos enfants ! »
Il leur relâcha donc Barabbas ; quant à Jésus, il le fit flageller, et le leur livra pour qu’il soit crucifié.
Alors les soldats du gouverneur emmenèrent Jésus dans le prétoire et rassemblèrent autour de lui toute la garde.
Ils lui enlevèrent ses vêtements et le couvrirent d’un manteau rouge.
Puis, avec des épines, ils tressèrent une couronne, et la posèrent sur sa tête ; ils lui mirent un roseau dans la main droite et, pour se moquer de lui, ils s’agenouillaient en lui disant : « Salut, roi des Juifs ! »
Et, crachant sur lui, ils prirent le roseau, et ils le frappaient à la tête.
Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau, lui remirent ses vêtements, et l’emmenèrent pour le crucifier.

En sortant, ils trouvèrent un nommé Simon, originaire de Cyrène, et ils le réquisitionnèrent pour porter la croix.
Arrivés à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire, ils donnèrent à boire à Jésus du vin mêlé de fiel ; il en goûta, mais ne voulut pas boire.
Après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort ; et ils restaient là, assis, à le garder.
Au-dessus de sa tête on inscrivit le motif de sa condamnation : « Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs. »
En même temps, on crucifie avec lui deux bandits, l’un à droite et l’autre à gauche.
Les passants l’injuriaient en hochant la tête :
« Toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes et les anciens, en disant :
« Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! C’est le roi d’Israël : qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui !
Il a mis sa confiance en Dieu ; que Dieu le délivre maintenant s’il l’aime ! Car il a dit : ‘Je suis Fils de Dieu.’ »
Les bandits crucifiés avec lui l’insultaient de la même manière.

À partir de midi, l’obscurité se fit sur toute la terre jusqu’à trois heures.
Vers trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éli, Éli, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Le voilà qui appelle le prophète Élie ! »
Aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge qu’il trempa dans une boisson vinaigrée ; il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire.
Les autres dirent : « Attends ! nous verrons bien si Élie va venir le sauver. »
Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
Et voici que le rideau du Temple se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla et les rochers se fendirent.
Les tombeaux s’ouvrirent ; les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent, et, sortant des tombeaux après la résurrection de Jésus, ils entrèrent dans la ville sainte, et se montrèrent à un grand nombre de gens.
À la vue du tremblement de terre et de tous ces événements, le centurion et ceux qui, avec lui, gardaient Jésus, furent saisis d’une grande crainte et dirent : « Vraiment, celui-ci était le Fils de Dieu ! »

Il y avait là plusieurs femmes qui regardaient à distance : elles avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le servir.
Parmi elles se trouvaient Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.

Le soir venu, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu lui aussi disciple de Jésus.
Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus. Alors Pilate ordonna de le lui remettre.
Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul neuf,
et le déposa dans le tombeau qu’il venait de se faire tailler dans le roc. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla.
Cependant Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du tombeau.

Quand la journée des préparatifs de la fête fut achevée, les chefs des prêtres et les pharisiens s’assemblèrent chez Pilate, en disant : « Seigneur, nous nous sommes rappelé que cet imposteur a dit, de son vivant : ‘Trois jours après, je ressusciterai.’
Donne donc l’ordre que le tombeau soit étroitement surveillé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent voler le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité d’entre les morts.’ Cette dernière imposture serait pire que la première. »
Pilate leur déclara : « Je vous donne une garde ; allez, organisez la surveillance comme vous l’entendez. »
Ils partirent donc et assurèrent la surveillance du tombeau en mettant les scellés sur la pierre et en y plaçant la garde.
Patrick BRAUD 

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4 avril 2014

Et Jésus pleura

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Et Jésus pleura

Homélie du 5° dimanche de carême / Année A
06/04/2014

Un texte d’obsèques

Ce passage où Jésus réveille celui qu’il aime du sommeil de la mort est très souvent choisi par les familles pour les obsèques de leurs proches. Beaucoup de non pratiquants le repèrent très vite dans la sélection de textes bibliques qui leur est proposée. Quand on leur demande pourquoi, ils répondent, sans avoir les mots : parce que Jésus a pleuré devant la mort de son ami, parce qu’il est plein d’humanité, parce que lui aussi est touché par le chagrin… D’instinct, ils reconnaissent en Jésus un compagnon de route qui a connu comme eux la peine de la séparation. Le voir pleurer dans cet évangile les rassure sur leurs propres larmes, et laisse pressentir que pleurer peut avoir un sens, puisque Jésus lui-même l’a fait.

Et Jésus pleura dans Communauté spirituelle 586906-jeune-garcon-pleure-cercueil-proches 

Les larmes uniques du Christ

Il n’y a que deux passages dans tout le Nouveau Testament où l’on voit Jésus pleurer : ici devant le tombeau de Lazare, et ailleurs devant et sur la ville de Jérusalem (Lc 19,41).

Mais le verbe utilisé n’est pas le même. Ici c’est un hapax = un terme utilisé une fois et une seule dans toute la Bible. Il s’agit ici d’une phrase des plus courtes de l’Écriture sainte, mais aussi des plus riches en contenu : « Jésus pleura » (Jn 11,35). Lorsqu’il s’agit des pleurs de Marie et des Juifs (Jn 11,31.33), Jean utilise le terme grec « klaio » qui évoque l’expression à haute voix d’une douleur, à la manière des pleureuses qui accompagnaient les cortèges funèbres. Par contre, quand il décrit l’attitude de Jésus face au tombeau de son ami Lazare, il utilise un terme qu’on ne trouve qu’une fois ? ici - dans le Nouveau Testament : le verbe grec « dakruó », qui signifie « verser des larmes » silencieusement. En outre, il utilise une forme verbale qu’on appelle l’aoriste, décrivant le début d’un état qui dure.

Ainsi on pourrait traduire : « Jésus laissa couler ses larmes? », en suggérant que ce moment a duré longtemps, sans retenue.

Juan_de_Flandes_001 Jésus dans Communauté spirituelleCe ne sont donc pas des larmes sentimentales, ni des larmes de pleureuses.

Elles ne sont pas pathologiques, au sens où l’émotion produit parfois des crises de larmes comme un réflexe nerveux.

Elles ne sont pas démonstratives, au sens où il faudrait montrer bruyamment et publiquement son chagrin comme c’était de convenance au XIX° siècle.

Non : ce sont des pleurs qui coulent abondamment, en silence, à la manière d’un barrage qui déborde doucement.

Bien sûr il y avait dans ces larmes tout l’amour que Jésus portait pour Lazare.

Bien sûr, elles portaient le chagrin devant la mort, et la vulnérabilité devant la faille qu’elle représente dans la condition humaine.

Mais si Jésus pleure d’une manière unique, c’est parce que ses larmes conduisent à la vie et non pas à la tristesse, à la résurrection et non pas à la dépression.

Lui seul est capable de faire sortir ce corps hors du tombeau :« Lazare, sors ! »

Lui seul a le pouvoir de conjurer la puanteur de quatre jours pour l’éveiller au parfum de la vie.

Lui seul peut rendre à Lazare sa vraie liberté : « déliez-le et laissez-le aller ».

 

Pleurer à la manière du Christ

Il s’agit alors pour nous d’apprendre à pleurer à la manière du Christ.

Pas seulement en étant touché qu’il pleure comme nous, mais en lui demandant de pleurer comme lui.

Jésus « frémit » devant l’injustice de la mort, il ne s’y résigne pas, il la combat. Ses pleurs signent son engagement pour restaurer la dignité de tout homme. S’il ne retient pas sa révolte intérieure, c’est pour relever le défi pour lequel il a été envoyé : vaincre la mort dans un combat sans merci.

Voilà les larmes du Christ devant Lazare inanimé.

Voilà nos propres larmes si elles refusent le sentimentalisme pour devenir notre engagement à la suite du Christ : combattre toute forme d’injustice en nous appuyant sur la victoire du Christ sur la mort.

 

Pleurer sur Jérusalem

Le second et dernier passage où il est rapporté que Jésus a pleuré se situe devant Jérusalem : « et quand il fut proche, voyant la ville, il pleura sur elle » (Lc 19,41). Ici aussi est utilisé l’aoriste, mais avec le premier verbe (klaio), de sorte que le sens de ce passage est : « Il éclata en pleurs (de façon audible) sur elle ».

Pleurer sur Jérusalem rejoint alors nos détresses humaines.

Jésus se désole du refus que cette ville lui oppose ; il se lamente sur les conséquences que cette exclusion va entraîner pour elle ; il est bouleversé de constater que « l’amour n’est pas aimé » selon le cri de saint François d’Assise parcourant les terres d’Ombrie…

C’est à l’éloge de la vulnérabilité que ces pleurs de Jésus sur Jérusalem nous invitent. Pleurer, c’est être accepter d’être touché, blessé.

Comme également Pierre – saint Pierre ! – a pleuré amèrement sur sa trahison (Lc 22,62).

Ou comme Rachel a pleuré ses enfants massacrés par les ennemis d’Israël (Mt 2, 18 ? Jn 31, 15).

Ou comme Marie Madeleine lavait de ses larmes les pieds de Jésus (Lc 7,36-50) …

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Celui qui ne pleure jamais est-il vraiment humain ?

On devine que la dureté du coeur peut empêcher de pleurer.

On pressent que la sécheresse des yeux peut venir des boucliers et des cuirasses dont quelqu’un a été obligé de se barder dans son histoire pour ne pas trop souffrir.

Mais Dieu que les larmes font du bien lorsqu’elles coulent par amour !

Comme les vannes d’un barrage qu’on libère et dont les eaux deviennent source d’énergie?
À tel point que le « don des larmes » est devenu un charisme attribué à l’Esprit Saint : laisser enfin couler hors de soi ce que l’on s’épuisait à accumuler et à contenir sans rien dire, sans rien exprimer?


Entre silence et langage coulent nos larmes…

Elles traversent le corps de l’homme en prière, et plusieurs parmi vous pourraient témoigner de ces instants de grâce où la prière nous fait littéralement fondre en larmes. C’est un bouleversement de tout notre être, qui peut devenir une étape de la vie spirituelle. C’est comme un nouveau baptême « baigné de larmes », une « ablution intérieure » (Guigues II le Chartreux, XII° siècle).

Larmes de joie ou de compassion, elles nous revêtent d’une grâce purificatrice.
Pendant des siècles, des chrétiens ont recherché, désiré, imploré ce don de larmes aujourd’hui un peu oublié. De Ste Monique à Ste Catherine de Sienne, des Pères du Désert des premiers siècles aux effusions de l’Esprit aujourd’hui, c’est la même promesse des Béatitudes qui s’accomplit : « heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » (Mt 5,5).

C’est un chemin de sainteté.

Refuser de pleurer, ce serait devenir dur comme la pierre, avoir le c?ur sec comme un désert (et même le désert contient des sources cachées…).

Ce serait finalement se haïr soi-même, puisqu’il serait alors impossible de consentir à sa faiblesse.


Mais l’énergie interne des larmes est également une énergie profondément jubilatoire : « Joie, joie, pleurs de joie » écrivait Pascal à la hâte dans ses ?Pensées’.

« Pascal ne profère pas la foi au début de sa conversion : il la pleure.
Seules les larmes possèdent cette intelligence du c?ur pour témoigner de l’extase mystique. Elles n’expliquent rien parce qu’elles ne savent rien. Nous ne comprenons pas pourquoi nous pleurons, car nous pleurons quand, précisément, nous cessons de comprendre. Le sens de la vraie larme est de nous surprendre au-delà de nos logiques »
Jean-Loup CHARVET,L’éloquence des larmes, DDB, 2000, p. 85.


« Bienheureux ceux qui pleurent ! »

Pour quoi, pour qui, coulent vos larmes ?

Acceptez-vous d’entendre l’appel du Christ à laisser jaillir de vous de vraies larmes de compassion, de pénitence ou de joie ?

Consentez-vous à cette « hémorragie lumineuse de l’âme » (JL Charvet), à cette « rosée de l’être » où nous renaissons à l’amour véritable ?


« Jésus laissa couler ses larmes… »

Qu’il nous apprenne aujourd’hui à pleurer avec cette intensité qui nous engage tout entier?

 

 

1ère lecture : Le peuple mort va revivre (Ez 37, 12-14)
Lecture du livre d’Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël.
Vous saurez que je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai sortir, ô mon peuple !
Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous installerai sur votre terre, et vous saurez que je suis le Seigneur : je l’ai dit, et je le ferai.

Psaume : Ps 129, 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8
R/ Auprès du Seigneur est la grâce, la pleine délivrance.

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !

Si tu retiens les fautes, Seigneur, 
Seigneur, qui subsistera ? 
Mais près de toi se trouve le pardon 
pour que l’homme te craigne. 

J’espère le Seigneur de toute mon âme ; 
je l’espère, et j’attends sa parole. 
Mon âme attend le Seigneur 
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.  

Oui, près du Seigneur, est l’amour ; 
près de lui, abonde le rachat. 
C’est lui qui rachètera Israël 
de toutes ses fautes.

2ème lecture : Celui qui a ressuscité Jésus vous donnera la vie(Rm 8, 8-11)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
sous l’emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu.
Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous l’emprise de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas.
Mais si le Christ est en vous, votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché, l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes.
Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

Evangile : Mort et résurrection de Lazare (Lecture brève : 11, 3-7.20-27.34-35) (Jn 11, 1-45)

Acclamation : Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Tu es la Résurrection, tu es la Vie, Seigneur Jésus ! Celui qui croit en toi ne mourra jamais.Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 11, 25-26)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Un homme était tombé malade. C »était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa s?ur Marthe.
(Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. Lazare, le malade, était son frère.)
Donc, les deux s?urs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »
En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. »
Jésus aimait Marthe et sa s?ur, ainsi que Lazare.
Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura pourtant deux jours à l’endroit où il se trouvait ; alors seulement il dit aux disciples : « Revenons en Judée. »
Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas ? »
Jésus répondit : « Ne fait-il pas jour pendant douze heures ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. »
Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je m’en vais le tirer de ce sommeil. »
Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. »
Car ils pensaient que Jésus voulait parler du sommeil, tandis qu’il parlait de la mort.
Alors il leur dit clairement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! »
Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) dit aux autres disciples : « Allons-y nous aussi, pour mourir avec lui ! »
Quand Jésus arriva, il trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà.
Comme Béthanie était tout près de Jérusalem ? à une demi-heure de marche environ ? beaucoup de Juifs étaient venus manifester leur sympathie à Marthe et à Marie, dans leur deuil.
Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison.
Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. Mais je sais que, maintenant encore, Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas. »
Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. »
Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection. »
Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle s’en alla appeler sa soeur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva aussitôt et partit rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village ; il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie, et lui manifestaient leur sympathie, quand ils la virent se lever et sortir si vite, la suivirent, pensant qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Elle arriva à l’endroit où se trouvait Jésus ; dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus fut bouleversé d’une émotion profonde. Il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Viens voir, Seigneur. »
Alors Jésus pleura.
Les Juifs se dirent : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la s?ur du mort, lui dit : « Mais, Seigneur, il sent déjà ; voilà quatre jours qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit :  « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais si j’ai parlé, c’est pour cette foule qui est autour de moi, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Les nombreux Juifs, qui étaient venus entourer Marie et avaient donc vu ce que faisait Jésus, crurent en lui.
Patrick BRAUD  

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28 mars 2014

La barre de fraction de la foi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La barre de fraction de la foi

Homélie du 4° dimanche de Carême / Année A
30/03/2014

Le père fondateur de la linguistique, Ferdinand de Saussure, a posé une distinction fondamentale qui pourrait bien nourrir l’interprétation de notre évangile de l’aveugle-né .

Il distingue le signifiant (S) du signifié (s).

La barre de fraction de la foi dans Communauté spirituelle Saussure_Linguistique3

Le signifiant, c’est la chose physique, par exemple une pierre en anthropologie, ou un son humain en linguistique. Le signifié, c’est la signification que nous lui attachons : une tombe pour la pierre lorsqu’il s’agit de cultes funéraires anciens, un mot pour un son humain. Cette signification dépend du contexte, de la culture, de l’histoire de celui qui perçoit le signe. Par exemple, un espagnol entendra le signifié oui là où un anglais entendra la mer (sea) à travers le son si. Le génie de Ferdinand de Saussure a été de placer une barre de fraction entre le signifiant et le signifié pour évoquer le travail que fait le langage humain. Le signe du langage est constitué du rapport s/S. C’est le propre de l’humain, dans le langage, d’associer un signifié à un signifiant.

« Nous n’évoluons pas dans un monde de signifiants purs, sinon nous serions des pierres, des blocs de granit par exemple. Nous ne sommes pas non plus dans un monde de signifiés purs, sinon nous serions des abstractions sans chair, des vérités mathématiques par exemple. Non, nous circulons, nous nous mouvons précisément entre signifiant et signifié. C’est pourquoi la barre de la fraction s/S mérite d’être considérée comme le lieu électif de la conscience humaine. »
Philosophie Magazine n° 72, mars 2014, page 37.

Or que se passe-t-il dans l’évangile de l’aveugle-né ?
On peut repérer 5 attitudes en réaction à cette guérison étonnante.
Examinons comment un même évènement peut donner lieu à autant d’interprétations, à autant de rapports s/S différents.

1. Nier l’évidence
Des juifs ne veulent pas reconnaître les faits, ils s’obstinent à nier l’évidence. Car ils ont peur des conclusions inévitables auxquels ils seraient entraînés : si cette ancien aveugle voit, c’est que Jésus agit au nom de Dieu, dont il est donc l’envoyé (= Siloé). Mieux vaut noyer le poisson en essayant de susciter des témoignages contradictoires.

Cela rappelle l’aveuglement volontaire des communistes français devant le goulag et la misère soviétique : bilan « globalement positif » osait dire Georges Marchais en revenant d’URSS?

2. Travestir le réel
Des voisins eux aussi veulent nier le signifiant, en suggérant que ce n’est pas lui, mais quelqu’un qui lui ressemble qui a été guéri.

Cela rappelle l’étrange position du Coran au sujet de la crucifixion de Jésus : ce ne serait pas lui, mais quelqu’un qui lui ressemble qui aurait été crucifié, car un prophète ne peut pas terminer aussi lamentablement, abandonné de Dieu ?

2. S’en laver les mains
Les parents de l’aveugle-né quant à eux butent sur la menace de persécution à laquelle ils s’exposeraient s’ils posaient la barre de fraction entre la guérison de leur fils et l’identité de Jésus. Ils préfèrent ne pas voir, s’aveugler eux-mêmes sur la réalité de ce qui s’est passé, en se défaussant sur la responsabilité adulte de leur enfant (« il est assez grand, interrogez-le ! »). Ils se lavent les mains de l’action où leur fils s’est lavé les yeux…

Cela rappelle l’indifférence actuelle de tant d’européens au sujet de l’existence de Dieu ou de la vie après la mort. Question inintéressante, répondent-ils en substance : seule compte à nos yeux nos conditions de vie actuelle qu’il faut améliorer.

3. Le conflit des interprétations
Certains pharisiens, quant à eux, acceptent le signifiant, contraints et forcés : cet homme voit, c’est certain. Ils essaient bien de mettre en doute la réalité de ce signifiant, en prétendant que peut-être cet homme faisait semblant ? avant – d’être aveugle pour mendier, ou qu’il n’est pas né comme cela etc. Mais les faits sont têtus et très vite ils sont obligés de se prononcer sur la fameuse barre de fraction à poser entre s et S.
Que veut dire cette guérison ? Lui attribuer une origine divine entre en conflit avec un autre signifiant : le jour du sabbat. Dans le conflit des interprétations qui surgit de là, ces pharisiens choisissent l’une au détriment de l’autre, au lieu de les intégrer toutes deux dans une interprétation plus haute (« le Fils de l’homme est maître du sabbat »). Ce faisant, ils se privent de connaître vraiment l’identité de Jésus : « nous ne savons pas d’où il est ».

Cela rappelle les étranges justifications de l’apartheid par certaines Églises d’Afrique du Sud, ou de l’esclavage par certaines Églises américaines au XIX° siècle. Elles s’appuyaient sur une lecture littérale de certains passages de l’Ancien Testament pour justifier leur domination coloniale, contre d’autres passages du Nouveau Testament manifestement en faveur de l’égalité de tous?

4. L’interrogation ouverte
D’autres pharisiens sont plus respectueux des faits, et posent d’autres barres de fraction sur ce qui s’est passé. « Comment un homme pécheur pourrait y accomplir des signes pareils ? » Ils devinent que le signe posé renvoie à une identité inconcevable et pourtant manifeste : Jésus se révèle Dieu-en-action lorsque avec de la boue et de la salive il recrée cette aveugle-né pour une vie nouvelle.
Respectueux du réel, ils ont la droiture de rester interrogatifs, en attente.

Cela rappelle l’agnosticisme respectueux et ouvert de tant de philosophes d’hier et d’aujourd’hui. Leur questionnement, même et surtout sans réponse, est essentiel à la purification de la foi des chrétiens.

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5. Le cheminement de l’interprétation
Le principal intéressé se rend à l’évidence (S) : il était aveugle, maintenant il voit. Au début il n’arrive pas attribuer de signification à cette observation des faits (S). Ce n’est que progressivement, dans son dialogue avec Jésus et avec les autres, qu’il  est conduit à reconnaître l’action d’abord d’un maître qui a des disciples, puis d’un prophète, qui vient de Dieu, puis du Fils de l’homme, qu’il appelle finalement Seigneur (s).

C’est l’illumination progressive des catéchumènes qui découvrent dans l’initiation chrétienne qui est vraiment le Christ pour eux. C’est notre propre cheminement, lorsque, d’événement en événement, nous découvrons quelle est « la largeur, la  hauteur, la profondeur de l’amour du Christ pour nous ».

6. La barre de fraction
Ces 5 attitudes sont toujours les nôtres face aux signes qui jalonnent notre existence. Nous butons sur des faits (S) ; ils s’imposent à nous, et nous cherchons le coup de barre qui mettrait notre navire sur une route nous permettant d’intégrer ces événements dans un signifié plus large (s/S).
La foi chrétienne relève de cet art du pilotage qui consiste à placer la barre de fraction de telle manière que le rapport s/S soit pleinement humanisant.
La foi est un langage qui décrypte l’histoire et l’univers dans un dialogue avec Dieu / avec les autres, où ce qui arrive est mis en relation avec ce que cela signifie, de manière à progresser vers une conscience plus humaine, plus divine.
S peut prendre la figure d’une grande joie, ou d’une grande épreuve ; s n’existe pas indépendamment du rapport qu’il entretient avec S, et c’est un sacré travail de déchiffrement, de discernement spirituel que de poser la barre de fraction de manière juste, ajustée au réel.

Les tenants du signifié pur sont de dangereux idéologues.
Les absolutistes du signifiant seul sont de redoutables matérialistes.
La foi chrétienne pose entre les deux la barre de fraction de l’interprétation (c’est-à-dire de l’herméneutique).

En suivant l’itinéraire intérieur de l’aveugle-né réfléchissant et dialoguant sur ce qui est arrivé, chacun de nous est invité à découvrir la (les) signification(s) des événements de sa propre existence.

De quoi nourrir une retraite intime de carême…

_______________________

[1]. cf. son ouvrage principal : Cours de linguistique générale, 1916.

 

1ère lecture : Dieu choisit David comme roi de son peuple (1S 16, 1b.6-7.10-13a)

Lecture du premier livre de Samuel

Le Seigneur dit à Samuel : « J’ai rejeté Saül. Il ne règnera plus sur Isaraël. Je t’envoie chez Jessé de Bethléem, car j’ai découvert un roi parmi ses fils. Prends une corne que tu rempliras d’huile, et pars ! »
En arrivant, Samuel aperçut Éliab, un des fils de Jessé, et il se dit : « Sûrement, c’est celui que le Seigneur a en vue pour lui donner l’onction ! »
Mais le Seigneur dit à Samuel : « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le c?ur. »
Jessé présenta ainsi à Samuel ses sept fils, et Samuel lui dit : « Le Seigneur n’a choisi aucun de ceux-là. N’as-tu pas d’autres garçons ? »
Jessé répondit : « Il reste encore le plus jeune, il est en train de garder le troupeau. »
Alors Samuel dit à Jessé : « Envoie-le chercher : nous ne nous mettrons pas à table tant qu’il ne sera pas arrivé. »
Jessé l’envoya chercher : le garçon était roux, il avait de beaux yeux, il était beau.
Le Seigneur dit alors : « C’est lui ! donne-lui l’onction. »
Samuel prit la corne pleine d’huile, et lui donna l’onction au milieu de ses frères. L’esprit du Seigneur s’empara de David à partir de ce jour-là.

Psaume : Ps 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer.

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer. 

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ; 
il me conduit par le juste chemin 
pour l’honneur de son nom. 

Si je traverse les ravins de la mort, 
je ne crains aucun mal, 
car tu es avec moi : 
ton bâton me guide et me rassure. 

Tu prépares la table pour moi 
devant mes ennemis ; 
tu répands le parfum sur ma tête, 
ma coupe est débordante. 

Grâce et bonheur m’accompagnent 
tous les jours de ma vie ; 
j’habiterai la maison du Seigneur 
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : Vivre dans la lumière (Ep 5, 8-14)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtres aux Éphésiens

Frères,
autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes devenus lumière ; vivez comme des fils de la lumière ? or la lumière produit tout ce qui est bonté, justice et vérité ? et sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur.
Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt.
Ce que ces gens-là font en cachette, on a honte d’en parler.
Mais quand ces choses-là sont démasquées, leur réalité apparaît grâce à la lumière, et tout ce qui apparaît ainsi devient lumière. C’est pourquoi l’on chante :
Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera.

Evangile : L’aveugle-né (Jn 9, 1-41 [Lecture brève : 9, 1.6-9.13-17.34-38])

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Lumière du monde, Jésus Christ, celui qui marche à ta suite aura la lumière de la vie. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (cf. Jn 8, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.
Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, pourquoi cet homme est-il né aveugle ? Est-ce lui qui a péché, ou bien ses parents ? »
Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents. Mais l’action de Dieu devait se manifester en lui.
Il nous faut réaliser l’action de celui qui m’a envoyé, pendant qu’il fait encore jour ; déjà la nuit approche, et personne ne pourra plus agir. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. »
Cela dit, il cracha sur le sol et, avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle, et il lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé » (ce nom signifie : Envoyé). L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait.

Ses voisins, et ceux qui étaient habitués à le rencontrer ? car il était mendiant ? dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? »
Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble. » Mais lui affirmait : « C’est bien moi. »
Et on lui demandait : « Alors, comment tes yeux se sont-il ouverts ? »
Il répondit : « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il m’en a frotté les yeux et il m’a dit : ‘Va te laver à la piscine de Siloé.’ J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. »
Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. »

On amène aux pharisiens cet homme qui avait été aveugle.
Or, c’était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux.
À leur tour, les pharisiens lui demandèrent : « Comment se fait-il que tu voies ? » Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et maintenant je vois. »
Certains pharisiens disaient : « Celui-là ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres répliquaient : « Comment un homme pécheur pourrait-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés.
Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. »
Les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme, qui maintenant voyait, avait été aveugle. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents
et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? »
Les parents répondirent : « Nous savons que c’est bien notre fils, et qu’il est né aveugle.
Mais comment peut-il voir à présent, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. »
Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, les Juifs s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de la synagogue tous ceux qui déclareraient que Jésus est le Messie.
Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! »

Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. »
Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien ; mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et maintenant je vois. »
Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? »
Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous aussi vous voulez devenir ses disciples ? »
Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Moïse, nous savons que Dieu lui a parlé ; quant à celui-là, nous ne savons pas d’où il est. »
L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire qu’un homme ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. »
Ils répliquèrent : « Tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.

Jésus apprit qu’ils l’avaient expulsé. Alors il vint le trouver et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »
Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? »
Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Il dit : « Je crois, Seigneur ! », et il se prosterna devant lui.
Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Des pharisiens qui se trouvaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous des aveugles, nous aussi ? »
Jésus leur répondit : « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’ votre péché demeure. »
Patrick Braud

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