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11 septembre 2014

Reliques : que reste-t-il de nos amours ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Reliques : que reste-t-il de nos amours ?

 

Homélie du 24° dimanche du temps ordinaire / Année A
Fête de l’exaltation de la Croix glorieuse
14/09/2014

 

Que reste-t-il de ceux que nous avons connus ?
Ou, comme le chantait Charles Trenet : que reste-t-il de nos amours ? que reste-t-il de ces beaux jours ?…

La mémoire d’un visage, un parfum… des souvenirs qui remontent, associés aux « madeleines » de notre vécu commun : telle musique, tel objet, tel lieux précis…

Nous n’avons pas besoin d’objets matériels en théorie pour faire vivre en nous cette mémoire. Pourtant, il suffit de rentrer dans l’intimité d’une maison, d’un appartement, d’une chambre, pour lire sur les murs et les étagères les grands moments, les grandes figures qui ont marqué les habitants. Et, lors d’un héritage, on voit bien que la valeur affective et mémorielle d’une table, d’un violoncelle ou d’un tableau sont plus importants que leur valeur financière.

Et puis, lorsqu’on déménage une personne âgée de chez elle dans une résidence médicalisée, le simple fait de pouvoir poser quelques meubles et photos personnelles dans sa chambre l’aidera à ne pas être totalement déracinée.

Bref, nous avons besoin qu’il nous reste quelque chose de notre histoire individuelle.

C’est ce même besoin de garder des traces concrètes d’événements importants qui a poussé les chrétiens à garder des restes, des reliques (reliquare = ce qui reste, en latin), de ceux qui ont marqué leur histoire. Les premières reliques matérielles sont peut-être ces morceaux de la croix du Christ dont nous fêtons la découverte en ce 14 septembre, fête de l’exaltation de la croix glorieuse.

On sait que c’est l’impératrice Hélène, la mère de Constantin (IV° siècle), qui est allée chercher à Jérusalem ce qui restait de la croix du Christ et des instruments de sa Passion : la couronne d’épines, les clous, des morceaux du bois (le patibulum). On se souvient également que la Sainte-Chapelle à Paris a été construite spécialement par Saint Louis pour servir d’écrin à ces reliques qu’il y déposa en 1248 [2].

Reliques : que reste-t-il de nos amours ? dans Communauté spirituelle

Ces traces et réalistes, physiques, concrètes, du supplice de la crucifixion subie par Jésus ont toujours été vénérées avec respect par le peuple chrétien. Pas comme des preuves, pas de manière magique. Mais comme des signes de l’enracinement historique de l’événement majeur de notre foi.

En consacrant une fête liturgique annuelle en l’honneur de ces reliques, l’Église catholique redit son attachement à la réalité historique de Jésus de Nazareth, de sa Passion et de sa mise au tombeau.

Les premières reliques des chrétiens ont été pendant trois siècles liées aux martyrs suppliciés dans les arènes romaines.

Les fouilles archéologiques ont par exemple montré que le tombeau de Saint Pierre à Rome correspond vraiment aux restes de l’apôtre, recueillis par des disciples sur les lieux mêmes de son martyr, dans le cirque romain du Vatican.

 

plan-vatican amour dans Communauté spirituelle

La coutume s’est même très tôt répandue de se retrouver autour des tombes des martyrs, pour y célébrer l’eucharistie en secret [2]. Car la véritable eucharistie, c’est d’offrir sa vie, de livrer son corps et de verser son sang par amour. Pour ne jamais oublier ce vrai sens de l’eucharistie, et les martyrs qui pendant 300 ans l’ont payé de leur vie (hélas cela continue encore aujourd’hui), l’Église a ensuite placé dans ses autels des reliques de ses martyrs. Ainsi, en célébrant l’eucharistie sur des restes humains de ceux qui en ont été le prototype, les chrétiens s’obligent eux-mêmes à en faire une question de vie ou de mort.

pierre autel

Telle est la force des reliques, dont nous fêtons aujourd’hui la découverte des premières à Jérusalem. Les reliques des saints s’inscrivent dans ce même mouvement de mémoire réaliste. Sans idolâtrie, loin de tous les trafics qui ont pu polluer leur rôle spirituel dans les siècles passés.

Nous comprendrons mieux l’importance des reliques chrétiennes si nous pratiquons nous-mêmes le respect de nos reliques familiales et personnelles. Il nous reste tous quelque chose d’un père disparu, d’amis partis au loin, de collègues qui nous ont formé etc.. Nous pourrions nous en passer en théorie. Mais c’est plus concret, plus humain d’appuyer notre mémoire sur ces humbles éléments matériels, devenus pour nous seuls symboliques d’un moment, d’un visage, d’un événement.

Que la fête de l’exaltation de la Croix, à travers ces quelques bouts de bois précieusement conservés, nous aident à ne jamais perdre la mémoire de la Passion du Christ pour nous, unie à nos passions humaines les plus vraies.

 

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1. Le 14 septembre 1241, le saint roi Louis IX alla solennellement au-devant des 
reliques de la Passion qu’il avait achetées à l’empereur de Constantinople : c’étaient un morceau de bois de la vraie Croix, le fer de la lance, une partie de l’éponge, un morceau du roseau et un lambeau du manteau de pourpre. Elles furent déposées à la Sainte-Chapelle en 1248.

 

2. Les actes du martyre de saint Polycarpe, en 156, attestent :
« prenant les ossements plus précieux que les pierres de grand prix et plus épurés que l’or, nous les avons déposés dans un lieu convenable. Là même, autant que possible, réunis dans l’allégresse et la joie, le Seigneur nous donnera de célébrer l’anniversaire de son martyre en mémoire de ceux qui sont déjà sorti du combat, et pour exercer et préparer ceux qui attendent le martyre. » On se souvient aussi, en 177, d’une lettre où l’Église de Lyon regrettait de n’avoir pu conserver les restes de ses martyrs.

1ère lecture : Le serpent de bronze, signe du salut (Nb 21, 4b-9)

Lecture du livre des Nombres

Au cours de sa marche à travers le désert, le peuple d’Israël, à bout de courage, récrimina contre Dieu et contre Moïse : « Pourquoi nous avoir fait monter
d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir dans le désert, où il n’y a ni pain ni eau ? Nous sommes dégoûtés de cette nourriture misérable ! »
Alors le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante, et beaucoup en moururent dans le peuple d’Israël.
Le peuple vint vers Moïse et lui dit : « Nous avons péché, en récriminant contre le Seigneur et contre toi. Intercède auprès du Seigneur pour qu’il éloigne de nous les serpents. »
Moïse intercéda pour le peuple, et le Seigneur dit à Moïse : « Fais-toi un serpent, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui auront été mordus, qu’ils le regardent, et ils vivront !»
Moïse fit un serpent de bronze et le dressa au sommet d’un mât. Quand un homme était mordu par un serpent, et qu’il regardait vers le serpent de bronze, il conservait la vie !

 

Psaume : 77, 3-4ac, 34-35, 36-37, 38ab.39

R/ Par ta croix, Seigneur, tu nous rends la vie.

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté ;
et nous redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.
Quand Dieu les frappait, ils le cherchaient,
ils revenaient et se tournaient vers lui :
ils se souvenaient que Dieu est leur rocher,
et le Dieu Très-Haut, leur rédempteur.
Mais de leur bouche ils le trompaient,
de leur langue ils lui mentaient.
Leur cœur n’était pas constant envers lui ;
ils n’étaient pas fidèles à son alliance.
Et lui, miséricordieux,
au lieu de détruire, il pardonnait;
Il se rappelait : ils ne sont que chair,
un souffle qui s’en va sans retour.

2ème lecture : Glorification de Jésus après son humiliation sur la Croix (Ph 2, 6-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se
dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à
mourir, et à mourir sur une croix.

C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à
genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : Le Christ élevé sur la croix pour le salut des hommes (Jn 3, 13-17)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Nous t’adorons, ô Christ, et nous te bénissons : par ta Croix, tu as racheté le monde. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme.
De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Patrick BRAUD

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4 septembre 2014

La correction fraternelle

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La correction fraternelle

 

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année A
07/09/2014

Non-assistance à personne en danger / délit de fuite / devoir d’ingérence…

Vous connaissez ces notions que l’actualité remet régulièrement à l’honneur, hélas…

Mais connaissez-vous la « correction fraternelle » dont parle le Christ dans l’Évangile de ce Dimanche 

Non-assistance à personne en danger / Délit de fuite

On redécouvre cet impératif moral : ne pas laisser quelqu’un en danger sans réagir.
L’actualité nous en a livré quelques exemples, hélas a contrario :

- Les chrétiens d’Irak sont menacés de mort par les djihadistes s’ils ne se convertissent pas à l’islam, et chassés de leur terre. Ne pas les soutenir, ne pas intervenir serait criminel. Les USA bombardent les bases de ‘l’État islamique en Irak et au Levant’ (EIIL). La France envoie une aide humanitaire, accueille des réfugiés chrétiens irakiens et arme les Kurdes contre les djihadistes. Décisons ajustées à l’urgence ? La non-assistance à personnes en danger serait de ne rien faire…

- Les sommets de la terre constatent régulièrement les dangers écologiques qui menacent la planète, et donc les générations futures : effet de serre, eau potable, développement non-durable… la non-assistance à planète en danger serait catastrophique pour l’avenir…

- Des faits divers mettent en scène régulièrement des agressions dans le métro ou le RER où personne ne réagit dans la rame, hélas.

-  Il nous est tous arrivé de reprendre notre voiture sur un parking, bien éraflée par un conducteur indélicat qui n’a même pas pris la peine de laisser une carte de visite… Le délit de fuite commence là !

Dans notre évangile, Jésus semble déjà poser les fondations du devoir d’assistance : lorsque ton frère est en danger – à cause du péché ici, et c’est vraiment dangereux de s’installer dans le péché – c’est ton devoir de lui porter secours en l’aidant à changer.

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute ».

Mais Jésus va encore plus loin…

●  Devoir d’ingérence

Vous vous souvenez : c’est Bernard Kouchner qui avait popularisé l’expression, au moment de la guerre des Balkans, pour justifier l’intervention européenne au Kosovo en 1999. On ne peut pas laisser chaque pays mener la politique qu’il veut sous prétexte qu’il est libre. Il y a parfois le devoir de s’ingérer dans les affaires d’autrui, au nom de notre humanité commune. Sinon, c’est le règne de l’individualisme où personne ne sait pas dans la même rue qui est son voisin et ce qu’il fait. Il y a des immeubles ou des rues dans lesquels on vit juxtaposés, sans se connaître les uns les autres, farouchement repliés sur la fameuse liberté des gens « qui font ce qu’ils veulent »,  sous-entendu « je m’en fiche, et je ne veux pas me mêler des affaires des autres ».

Pour Jésus, vivre ensemble, ce n’est pas vivre juxtaposés. C’est me sentir un peu responsable de ce que devient l’autre.
Parfois cela va jusqu’au devoir d’ingérence [1]. Par exemple, si on se sentait un plus solidaire de ce que vivent les couples amis autour de nous, on pourrait parfois intervenir avant qu’ils se séparent, car cela se voit quand un couple va mal…

Mais Jésus va encore plus loin…

 

●  Correction fraternelle

C’est l’expression consacrée pour parler de la démarche que propose Jésus.

La correction fraternelle dans Communauté spirituelleDémarche réaliste, qui constate que le péché existe bien dans nos assemblés et communautés d’Église :  » Si ton frère a commis un péché… »  Jésus est réaliste : il sait bien que les chrétiens ne seront pas forcément meilleurs que les autres. Il ne rêve pas d’une Église de purs, de parfaits. Mais il va essayer de donner une procédure pour essayer de résoudre les difficultés qui naissent tôt ou tard dans une paroisse, un groupe d’Église, dans une famille ou dans la vie sociale.

Cette procédure, c’est la correction « fraternelle ».

En quoi consiste-elle ?

- D’abord à voir l’autre comme un frère/une sœur.
Même s’il ou elle a commis un péché grave, c’est d’abord un enfant de Dieu « pour lequel le Christ est mort » comme dit St Paul (1Co 8,11). Quoi qu’il ait fait, même le pire, il reste mon frère / ma sœur en humanité. De plus, continuer à l’appeler frère m’oblige à me souvenir que moi aussi je suis pécheur : ce n’est donc pas pour « lui faire la leçon » puisque « je serais meilleur » qu’il faut lui parler, c’est pour ne pas le laisser en danger – spirituel et humain – sans réagir. C’est donc dans un climat d’amour, et non de jugement, qu’il nous est demandé d’intervenir.

- Tout l’Évangile nous parle justement de tendre une perche aux « pécheurs » et non de leur mettre la tête sous l’eau.
Juste avant le passage d’aujourd’hui, c’était la parabole de la brebis perdue : 
« gardez-vous de mépriser quiconque… soyez comme le berger qui court à la recherche de la brebis perdue… Votre Père ne veut qu’aucun ne se perde… » (Mt 18, 10-14) Et juste après, Jésus va demander à Pierre de « pardonner 70 fois 7 fois » (Mt 18, 21-22) avant de déplorer l’attitude du serviteur impitoyable et sans cœur qui ne veut pas remettre une dette à un compagnon (Mt 18, 23-25).

Ainsi, c’est dans un climat d’amour qu’il nous est demandé d’intervenir. On n’a le droit de faire une remarque à quelqu’un que si on voit en lui un frère à aimer ! Mais comme il n’y a pas d’amour sans vérité, il faut faire la vérité sur les comportements et les paroles qui blessent.

- Pour cela, Jésus établit avec tact une progression.

canards+  Seul à seul d’abord : avec discrétion, pour que le coupable puisse garder sa réputation et son honneur en changeant
rapidement.

+  À deux ou à trois ensuite : pour éviter les jugements trop subjectifs, où l’on aurait pu se tromper
d’appréciation ; et aussi pour trouver à plusieurs des arguments qui pourraient convaincre davantage. Cela permet aussi d’éviter la précipitation et l’arbitraire.

+  Et enfin devant toute l’Église : par exemple, St Jean Chrysostome refuse la communion à l’empereur qui revient des jeux du cirque. Il a du sang sur les mains : c’est un devoir d’amour que de l’exclure de la communion (ou plutôt de lui révéler qu’il s’est lui-même exclu de la communion) pour qu’il change de vie. « S’il refuse, considère-le comme un païen et un publicain » : c’est-à-dire considère-le comme quelqu’un à évangéliser de nouveau, quelqu’un qui s’est placé de lui-même en dehors de l’Église, et qui a besoin de se convertir à nouveau.

Par trois fois ce frère a repoussé la main qu’on lui tendait, et a persisté dans son péché. Après lui avoir donné toutes ses chances, pratiquement, la communauté se reconnaît impuissante vis-à-vis de ce frère. Du moins jusqu’à ce qu’il retrouve le désir de changer de vie.

Quel péché public peut justifier d’aller jusque là ? J’ai déjà cité St Jean Chrysostome et l’empereur revenant des jeux du cirque. On pourrait penser à ceux qui en Italie ou chez nous sont dans la Mafia et font pourtant semblant de prier à l’église. On pourrait penser aux extrémistes catholiques qui prêchent la haine sous alibi de défense de la chrétienté. Le tout est d’éviter la non-assistance à personne en danger, et le délit de fuite, d’appliquer avec discernement le devoir d’ingérence, et de pratiquer plus tard la correction fraternelle.

Les moines pratiquent depuis longtemps cette hygiène relationnelle. À la réunion du chapitre, chacun peut battre sa coulpe, ou le Père Abbé peut reprocher à chacun ce qu’il pense légitimement devoir lui dire afin de l’aider à vivre en communion avec les autres.

« Quand on peut amender quelqu’un et qu’on néglige de le faire, on se rend complice de sa faute » (saint Grégoire le Grand, « Moralia in Job », X 7). 

Entraînez-vous à pratiquer la correction
fraternelle
 (donnée et reçue) en famille, au travail, entre amis… : c’est exigeant, mais l’amour véritable est à ce prix.

11113010 correction dans Communauté spirituelle


[1]. « La notion d’ingérence humanitaire est ancienne. Elle reprend et élargit la notion d’intervention d’humanité qui au XIXème siècle autorisait déjà une grande puissance à agir dans le but de protéger ses ressortissants ou des minorités (religieuses par exemple) qui seraient menacées. Dans De Jure Belli
ac Pacis
 (1625), déjà, Hugo Grotius avait évoqué un “droit accordé à la société humaine” pour intervenir dans le cas où un tyran “ferait subir à ses sujets un traitement que nul n’est autorisé à faire”.  

L’idée d’ingérence humanitaire a été ranimée au cours de la guerre du Biafra (1967-1970) pour dénoncer l’immobilité des chefs d’États et de gouvernement face à la terrible famine que le conflit avait déclenchée, au nom de la non-ingérence. C’est sur cette idée que se sont créées plusieurs ONG, dont Médecins sans frontières, qui défendent l’idée qu’une violation massive des droits de la personne doit conduire à la remise en cause de la souveraineté des États et permettre l’intervention d’acteurs extérieurs, humanitaires notamment.  

La théorisation du concept date des années 1980. Le philosophe Jean-François Revel fut le premier à évoquer le « devoir d’ingérence » en 1979 dans un article du magazine français l’Express en 1979 consacré aux dictatures centrafricaine de Jean-Bedel Bokassa et ougandaise d’Idi Amin Dada. Le terme fut repris par le philosophe Bernard-Henri Lévy l’année suivante à propos du Cambodge et reformulé en « droit d’ingérence » en 1988, au cours d’une conférence organisée par Mario Bettati, professeur de droit international public et Bernard Kouchner, ancien représentant spécial des Nations Unies au Kosovo et l’un des fondateurs de Médecins sans frontières. Bernard Kouchner en a été le principal promoteur depuis et Mario Bettati a participé à la diffusion de ce concept dans les cercles onusiens notamment. »

Source : http://www.operationspaix.net/41-resources/details-lexique/devoir-et-droit-d-ingerence.html 

 

 

 

1ère lecture : Le prophète est responsable de ses frères (Ez 33, 7-9)

Lecture du livre d’Ézékiel

La parole du Seigneur me fut adressée : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les
avertiras de ma part. Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à
toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie.»

Psaume : 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur,

mais écoutons la voix du Seigneur !
Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,

par nos hymnes de fête acclamons-le !
Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.
Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : « Celui qui aime les autres accomplit la Loi »(Rm 13, 8-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. Ce que dit la Loi : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras rien ; ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain.
Donc, l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour.

Evangile : Instructions pour la vie de l’Église. Tout chrétien est responsable de ses frères (Mt
18, 15-20)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dans le Christ, Dieu s’est réconcilié avec le
monde. Il a déposé sur nos lèvres la parole de réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus disait à ses disciples :

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes
afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le
comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le
ciel.

Encore une fois, je vous le dis : si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
Patrick BRAUD

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27 août 2014

L’effet saumon

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L’effet saumon

Homélie du 22° dimanche du temps ordinaire / Année A
31/08/2014

 

Être dans le vent : une ambition de feuille morte
Les trois lectures de ce 22° dimanche convergent : être croyant, c’est être différent ! Jérémie s’en plaint sans cesse (c’est l’origine des fameuses jérémiades) : « à longueur de journée, la Parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie. » (Jr 5, 7-9).

Il aimerait bien passer inaperçu et vivre comme tout le monde. Mais l’appel de Dieu à proclamer sa Parole fait de lui quelqu’un qui dérange, à contre-courant des opinions majoritaires.

La vocation prophétique de tout baptisé lui fera expérimenter cette condition différente dans se plaignait Jérémie. Sur bien des sujets de société, il ne pourra être d’accord avec les consensus – même démocratiques – qui régissent les opinions publiques actuelles. Annoncer la Parole, « à temps et à contretemps » (2 Ti 4,2), suscite bien des oppositions, et s’inscrit rarement dans l’air du temps.

 

Celui qui épouse son temps se retrouve bientôt veuf
Les vrais leaders qui ont une vision de l’avenir osent en effet ne pas s’aligner sur le comportement majoritaire. De Gaulle ne représentait qu’une poignée de Français lorsqu’il choisit de désobéir à Pétain en s’exilant à Londres en 1940. Heureusement, il a préféré être minoritaire plutôt que de continuer une carrière politique sous l’Occupation !
Israël a fait dès le début de son histoire le choix du Dieu unique, ce qui le plaçait à part à dans l’histoire des nations, naturellement polythéistes. Il a payé plusieurs fois lourdement le prix de ce choix (et continue à le payer). Mais ne pas épouser l’air du temps était pour lui une condition sine qua non pour conserver son identité.

 

Seuls les poissons morts vont dans le sens du courant
Le conformisme est finalement é-nervant, au sens étymologique du terme. Celui qui se conforme à la pensée majoritaire risque d’y perdre sa liberté et son énergie. Si les chrétiens est anticonformiste par nature, ce n’est pas par provocation, c’est au nom de la réalité ultime dont le Christ est le témoin, et qui nous oblige à relativiser, à critiquer, à remettre en perspective toutes les réalités avant-dernières.

Saint Paul a connu la prison, les chaînes, et finalement la décapitation à cause de ce courage anticonformiste : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent » (Rm 12, 1-2).

Si Mitterrand avait attendu que l’opinion publique française soit prête, il n’aurait jamais aboli la peine de mort en 1981. C’est l’honneur d’un leader politique que d’oser, au nom de son éthique de conviction, changer une réalité sociale alors que la majorité serait plutôt conservatrice. Giscard a fait de même pour le vote à 18 ans. Ce courage politique manque singulièrement aux générations actuellement au pouvoir, depuis des années…

 

Le homing des saumons
La métaphore la plus parlante au sujet de cette posture chrétienne à contre-courant de beaucoup d’opinions majoritaires est sans doute celle des saumons.

Vous avez sûrement déjà vu ces images magnifiques de saumons argentés quittant le vivier de l’océan pour remonter les fleuves et rivières, jaillissant hors de l’eau, survolant les barrages, les roches et autres obstacles naturels. Ils retournent chez eux (homing), à la source, là où ils sont nés, pour à leur tour donner la vie. C’est un vrai travail, épuisant, dangereux, que de remonter ainsi le courant sur des kilomètres. Beaucoup mourront épuisés avant la fin, ou happés par un ours brun, ou échoués sur un rocher.

Mais aller en sens inverse du flux est un impératif porteur de vie.

Les baptisés sont ces saumons d’eau vive !

On se souvient que le symbole de poissons les désigne sur les murs de catacombes des trois premiers siècles (ICTUS). Ces poissons-baptisés « ne se modèlent pas sur le monde présent » et entreprennent comme les saumons leur homing, leur remontée  à la source. La source, c’est l’Écriture, la prière, la Tradition vivante, qui leur permet de ne pas épouser l’air du temps, d’oser être différents, quitte à être minoritaires.

Dans notre évangile (Mt 16, 21-27), Pierre semble soumis à la tentation du poisson mort qui se laisse aller au gré du courant : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas ». Il pense comme tous les juifs de son époque que le Messie sera forcément victorieux par la force. Il n’imagine pas un Messie différent, humilié, exclu, mis au rang des criminels. Jésus est obligé de lui passer un savon en public : « tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ».

Autrement dit : ‘tu calques ton espérance sur celle des révolutionnaires zélotes qui veulent un coup d’état à la manière de Fidel Castro ; ou bien tu rêves comme les prêtres du Temple d’une gloire divine obligeant tous les hommes à se prosterner devant elle. Mon pauvre Pierre, arrête de modeler ton espérance sur les idéologies qui t’entourent. Sois libre d’accueillir l’autre manière d’être Christ que la Croix va manifester. Témoigne de ce Dieu différent au milieu des hommes. Peu importe que tu sois populaire ou non, majoritaire ou non ; l’essentiel est de témoigner de ce que tu as contemplé à la source de ta foi’.

 

Résiste…
Contester les modèles dominants n’oblige pas à devenir de « tristes sires », jamais contents de ce qui est ! Discernant les « signes des temps » (Vatican II), les chrétiens se réjouissent de tout ce qu’il y a de vrai, de bon et de bien dans la culture contemporaine. Ce qui leur donne d’autant plus de liberté pour dire non sur des sujets importants où selon eux la conscience collective est aveuglée.

Nous ne sommes pas des prophètes de malheur, toujours insatisfaits. Nous sommes les témoins d’un monde nouveau qui ne demande qu’à faire irruption dans notre présent.

Les saumons qui remontent à la source témoignent tranquillement que le don et la gratuité ont toute leur place dans une économie de marché ouverte ; que le respect de la vie humaine dès sa conception est une bénédiction pour tous ; que l’espérance dans un au-delà de la mort ré-ordonne les vraies priorités d’une existence etc.

« Résiste. Suis ton cœur qui insiste. Ce monde n’est pas le tien, viens, bats-toi, signe et persiste. Résiste ! », chantait France Gall sur les paroles de Michel Berger.

En pratiquant leur homing à la manière des saumons, les baptisés retrouvent le courage de cette résistance à tous les conformismes d’aujourd’hui.

Alors, foin des feuilles mortes, air du temps et autres poissons morts dérivant au gré du courant, faisons notre homing out : osons « ne pas nous modeler sur le monde présent », au nom de notre espérance.

 

1ère lecture : Le prophète doit souffrir pour son Dieu (Jr 20, 7-9)
Lecture du livre de Jérémie

Seigneur, tu as voulu me séduire, et je me suis laissé séduire ; tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté. À longueur de journée je suis en butte à la raillerie, tout le monde se moque de moi.
Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : « Violence et pillage ! » À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’injure et la moquerie.
Je me disais : « Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom. » Mais il y avait en moi comme un feu dévorant, au plus profond de mon être. Je m’épuisais à le maîtriser, sans y réussir.

Psaume : Ps 62, 2, 3-4, 5-6, 8-9

R/ Mon âme a soif de toi,
Seigneur, mon Dieu

Dieu, tu es mon Dieu, je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t’ai contemplé au sanctuaire,
j’ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes.
Mon âme s’attache à toi,
ta main droite me soutient.

2ème lecture : Le culte spirituel (Rm 12, 1-2)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Je vous exhorte, mes frères, par la tendresse de Dieu, à lui offrir votre personne et votre vie en sacrifice saint, capable de plaire à Dieu : c’est là pour vous l’adoration véritable.
Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait.

Evangile : Le disciple du Christ doit souffrir avec son Maître(Mt 16, 21-27)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ illumine nos cœurs : qu’il nous fasse voir quelle espérance nous ouvre son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Pierre avait dit à Jésus : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. »
À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.
Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas. »
Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive.
Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera.
Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie ? Et quelle somme pourra-t-il verser en échange de sa vie ?
Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. »
Patrick BRAUD

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22 août 2014

Yardén : le descendeur

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Yardén : le descendeur

 Homélie du 21° Dimanche du temps ordinaire / Année A
24/08/2014

« Jésus était venu dans la région de Césarée de Philippe »

L’endroit où Jésus pose la fameuse question : « pour vous qui suis-je ? » n’est pas choisi au hasard (Mt 16, 13-20). 

Ceux qui ont eu la chance d’aller en Terre Sainte savent en effet que la géographie d’Israël et de Palestine est une géographie symbolique, où chaque lieu parle de l’action de Dieu dans l’histoire humaine.

La géographie de Césarée de Philippe

Césarée de Philippe est en effet une ville qui symbolise la proximité d’avec le Père.

Le Jourdain est le fils de l’Hermon (« l’humble montagne de l’Hermon » Ps 42,7), montagne aux confins du Liban, montagne aux neiges éternelles qui culmine à 2814 mètres. Sa source accrochée aux flancs de l’Hermon est à 520 mètres d’altitude, sur l’emplacement de la ville de Césarée de Philippe, qui constituait déjà un grand centre thermal au temps de Jésus.

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Cette ville est située dans une fraîche vallée, près de l’une des principales sources du Jourdain, au pied du mont Hermon, du côté sud-ouest, à 528 mètres au-dessus du lac de Tibériade. Elle contrôle la route entre Tyr et Damas, et garde la plaine fertile du lac Huleh (le Semechonitis des Romains), irriguée par les sources du Jourdain. Le site est identifié à Baniyas (46 km à l’est de Tyr) ; le petit village qui en restait fut détruit au lendemain de l’occupation du Golan par Israël (1967). D’abord appelée Panion par les Grecs en raison du sanctuaire qu’ils y dédièrent au dieu Pan et aux Nymphe, elle fut ensuite appelée Panéas après qu’Antiochus III, vers 200 avant Jésus-Christ, y défit les Égyptiens (paneas en grec). En 20 avant Jésus-Christ, Auguste donna la région de Panéas à Hérode le Grand qui lui éleva « un temple magnifique en marbre blanc » (Flavius Josèphe), près de la grotte du dieu Pan. Après la mort d’Hérode le Grand, la région fut incluse dans la tétrarchie de Philippe qui réorganisa Panéas et qu’il nomma Césarée de Philippe, en son honneur et en celui de Tibère César. La ville devint alors un centre important de la civilisation gréco-romaine : elle contrôlait la région à laquelle elle donna son nom. Césarée de Philippe fut incluse dans le territoire d’Hérode Agrippa II (53) qui l’appela Néronias, en l’honneur de Néron. Durant la première révolte juive (66-70), elle servit de lieu de repos aux armées romaines. Césarée de Philippe eut assez tôt un évêché qui dépendant de la province de Tyr (Phénicie première). Après qu’ils eurent pris la ville (1129), les croisés y installèrent un évêque latin.

Le Jourdain, figure christique

Arrêtons-nous sur le Jourdain, pour y découvrir le sens de cet épisode sur l’identité de Jésus.

Ce n’est certes pas un fleuve comme les autres !

Depuis les hauteurs de l’Hermon, le Jourdain suit une faille qui le fait descendre de plus en plus bas, vers le lac de Tibériade (210 m au-dessous du niveau de la mer), jusqu’à la Mer Morte, le point le plus bas du globe : -392 mètres. C’est pourquoi ce fleuve s’appelle le « Jourdain », c’est à dire le « descendeur » (Yardén) en Hébreu. En faisant corps avec le Jourdain par son baptême, Jésus s’identifie à lui : il est lui aussi, par excellence, le « descendeur », celui qui jaillit des hauteurs inaccessibles du Père comme le Jourdain jaillit de l’Hermon ; celui qui va rejoindre l’humanité au plus bas, jusqu’aux enfers mêmes, dans nos Mers les plus mortes. Le Jourdain devient alors la parabole du Christ et de sa kénose d’amour : « le Christ, ayant la condition de Dieu, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Il s’est abaissé (kénose) » (Ph 2,6‑11). Tel un plongeur, il vient plonger au plus bas de notre humanité, pour ramener vers le Père ceux que l’on croyait noyés, perdus, envasés…

C’est donc près des sources du Jourdain, à Césarée de Philippe, que Jésus annonce à ses disciples le baptême de sa Passion; c’est là encore, à l’endroit où il jaillit du Père pour descendre jusqu’à la mort, que Jésus demande à ses disciples qui il est, et donne à Pierre la primauté dans l’Église, avec le pouvoir des clés (Mt 16, 13-20).

Notre Église, notre baptême, attestent de la plongée de Dieu en notre humanité, au plus bas, pour faire triompher la vie nouvelle.

Le parallélisme entre le Jourdain et Jésus devient plus saisissant lorsqu’on voit le fleuve d’avion : il effectue de multiples méandres, plus de trois fois son trajet direct à vol d’oiseau. Voilà donc le Christ qui, comme le Jourdain descendant de l’Hermon, prend le temps de rencontrer les hommes partout sur son parcours, quitte à faire des détours, à travers les méandres de nos vies. Ce faisant, il s’y charge des déchets, des souillures, de la pollution produite par les hommes. Le Jourdain passe par le lac où les villes vident leurs poubelles ; il reprend son cours lent, sale, sinueux, à travers des méandres sans fin. « C’était nos souffrances qu’il portait » (Is 53,4).

Et c’est à 6 kilomètres de l’embouchure de la Mer Morte que Jésus est plongé pour recevoir le Baptême, c’est à dire à l’endroit où le fleuve est le plus sale. Jésus « paraît » (c’est une épiphanie) sur les bords du Jourdain (Mc 1,9) pour y être baptisé, plongé.

C’est comme si Jésus voulait faire les poubelles de l’humanité, ou venait récupérer les déchets à la déchetterie publique…
« Il a été fait péché pour nous » nous dira Saint Paul (2 Co 5,21). Il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Il est venu faire corps avec tous les déchets de la société, tous les exclus d’aujourd’hui, pour les faire remonter vers le Père, lui qui jaillit du Père et y retourne.

Regardez où se jette le Jourdain : dans la Mer Morte ! Pourquoi morte ? Parce que, à cause de l’évaporation intensive à -400 m, elle s’enrichit constamment en sel (33% soit 6 fois plus que l’océan !), à tel point que nulle vie animale ou végétale ne peut s’y développer. Ni faune, ni flore, berges arides… Voilà donc le Prince de la Vie, l’Auteur de la Vie, qui se jette dans la Mer Morte ! L’Amour plonge dans une eau de mort, descendant au plus bas, jusqu’à la mort même.

Ce combat pour la vie, contre la mort, est la raison la plus profonde de la descente du Christ d’auprès du Père jusqu’à nous (Noël). La Pâque du Christ, c’est ce moment où le fleuve se jette dans la Mer Morte, et où les eaux douces viennent assainir l’eau salée, et faire gagner la vie.

Eau claire jaillissant du côté droit du Christ en croix (Jn 19,34) (souvenez-vous que pour lui, sa Passion est un baptême), notre baptême devient source des sacrements qui coulent de l’Église, corps du Ressuscité. La Vie en Christ est plus forte que la mort.

Le Jourdain dans l’histoire d’Israël

Qu’il est riche en symboles, ce Jourdain où Jésus accepte d’être aujourd’hui d’être plongé pour nous rejoindre au cœur, au plus intime, là où parfois nous avons nous-mêmes peur d’aller !… car qui n’a pas peur de fouiller dans ses propres poubelles ? …

- Josué avait déjà traversé ce Jourdain après le long exode du désert (vers 1200 avant JC), et le gué du Jourdain près de Jéricho était devenu le symbole de l’entrée dans la Terre Promise (Jos 3-4);
le baptême de Jésus, c’est vraiment le gué pour entrer dans le Royaume.

mosaique-marie1b-texte baptême dans Communauté spirituelle 

- Sur les rives du Jourdain, pour marquer l’ère nouvelle, les Israélites reçurent la circoncision et mangèrent la Pâque (Jos 5, 2-12).
Dans le baptême au Jourdain, le Christ réalise la circoncision du cœur et la Pâque nouvelle.

- Les fugitifs célèbres passeront par les gués du Jourdain pour échapper à leurs ennemis (David, Abner…) : aujourd’hui, Jésus est le passage pour échapper à la mort.

- Sur les rives du Jourdain, Élisée vit le prophète Elie s’envoler vers le ciel comme un char de feu (2R 2,1-18).
Sur les rives du Jourdain, Jean-Baptiste voit en Jésus l’Agneau de Dieu, celui qui remontera vers son Père dans la gloire de la Résurrection.

- Élisée envoya le Syrien, général d’une armée étrangère, se purifier de sa lèpre dans les eaux du Jourdain (2 R 5).
Aujourd’hui Jésus envoie tous les peuples de la terre être purifiés de leur lèpre intérieure  dans les eaux du baptême chrétien.

Oui, le Jourdain est vraiment le symbole de Jésus, le « descendeur », celui qui jaillit du Père pour nous sauver de nos Mers Mortes. À Césarée de Philippe, il prend sa source en Dieu, « l’humble montagne de l’Hermon », pour descendre au plus bas de notre humanité.

Puissions-nous, dans notre baptême, le laisser nous faire remonter – tels des saumons  - jusqu’à la source dont il jaillit sans cesse : le Père, source de tout amour ; le Père, notre avenir.

Puissions-nous également, avec lui, descendre au plus bas de notre humanité, pour aller chercher ce qui en nous était perdu, ceux qui se croient perdus des hommes, perdus de Dieu…

 



 1ère lecture : Je te confierai les clefs de la maison de David (Is 22, 19-23)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur adressée à Shebna le gouverneur : « Je vais te chasser de ton poste, t’expulser de ta place.
Et, ce jour-là, j’appellerai mon serviteur, Éliakim, fils de Hilkias.
Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs : il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda.
Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira.
Je le rendrai stable comme un piquet qu’on enfonce dans un sol ferme ; il sera comme un trône de gloire pour la maison de son père. »

Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6a.8

R/ Toi, le Dieu fidèle, poursuis ton œuvre d’amour.

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.
Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité, 

car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel, 
tu fis grandir en mon âme la force. 
Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble,
Le Seigneur fait tout pour moi. 
Seigneur, éternel est ton amour : 
n’arrête pas l’oeuvre de tes mains.

2ème lecture : Profondeur insondable du mystère du
salut
 (Rm 11, 33-36)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu !
Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables !
Qui a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ?
Qui lui a donné en premier, et mériterait de recevoir en retour ?
Car tout est de lui, et par lui, et pour lui.
À lui la gloire pour l’éternité ! Amen.

Evangile : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux» (Mt 16, 13-20)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Sur la foi de Pierre le Seigneur a bâti son
Église, et les puissances du mal n’auront sur elle aucun pouvoir. Alléluia. (cf. Mt 16, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : « Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes ? »
Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. »
Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Prenant la parole, Simon-Pierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! »
Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux.
Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie.
Patrick BRAUD

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