L'homélie du dimanche (prochain)

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23 février 2013

La vraie beauté d’un être humain

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La vraie beauté d’un être humain

Homélie du 2° Dimanche de Carême / Année C
24/02/2013

Si vous êtes là, c’est parce que vous avez vécu des transfigurations comme celle de l’Évangile d’aujourd’hui. Si vous êtes mari et femme, c’est parce qu’il y a eu dans votre histoire des éblouissements où l’amour de l’autre vous est apparu dans une telle beauté que toute votre vie en a basculé.

Et s’il y a des prêtres, des religieuses, des diacres, avec vous, c’est parce qu’ils ont été eux aussi brûlés par la beauté de certains passages de l’Écriture, ou de certains silences, ou de certains témoins.


* La transfiguration du Christ, c’est notre histoire

Demandez à ceux qui accompagnent les mourants : le corps s’en va en lambeaux, et pourtant il y a des instants inoubliables où, de manière fugitive, la personne malade rayonne d’une paix et d’une beauté incroyables.

La vraie beauté d'un être humain dans Communauté spirituelle Capture-d%E2%80%99e%CC%81cran-2020-05-27-a%CC%80-17.14.25Demandez aux éducateurs : chez tous les enfants réputés difficiles et violents, ils guettent ces éclairs où leur véritable bonté se dévoile l’espace d’un sourire, d’une phrase ou d’un geste étonnant. Et puis, après, plus rien ; la violence et l’agressivité reprennent leur cours, ou la lente dégradation de la fin de vie, ou l’ordinaire de la vie à deux.
Mais celui qui a vécu ce moment de grâce saura désormais qu’une beauté incroyable se cache derrière le visage de l’être aimé, de l’être dégradé, ou de l’enfant insupportable.


* Regardez dans l’Évangile : à qui Jésus manifeste-t-il sa gloire ?

- À Pierre, Jacques et Jean, à qui il confiera aussi le secret du réveil de l’enfant de Jaïre (Lc 8,40-56): là où la famille risque de pleurer sur un enfant que l’on croit mort, Jésus révèle à ces trois disciples qu’il peut réveiller la force de vivre qui est cachée en lui.
Combien d’adultes ont fait cette expérience: tel jeune que l’on croit « perdu » se révèle extraordinaire dès lors qu’il rencontre un véritable éducateur qui sait lui révéler ce qu’il porte en lui ?

- À Pierre, Jacques et Jean, c’est-à-dire à ceux qui seront témoins de l’angoisse et de la tentation de Gethsémani (Lc 9,28-36).

Là, sur l’autre montagne des Oliviers, Jésus devra combattre pour rester fidèle : « Père, éloigne de moi cette coupe ! Cependant que ta volonté soit faite et non la mienne ».
Il suera sang et eau, littéralement, dans ce combat pour rester fidèle.
Il entrera en agonie pour se laisser conduire jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême.


* La transfiguration de Jésus est donc donnée aux disciples pour qu’ils y puisent eux aussi la force de rester fidèles. Ces moments de transfiguration que votre amour vous fait partager vous sont donnés pour tenir bon dans le combat de la fidélité à l’amour de Dieu dans toutes les dimensions de votre existence.

Plus encore, le condamné de la Semaine Sainte n’aura bientôt plus figure humaine. Rejeté, fouetté, déshabillé, méprisé, il sera couvert de crachats et d’insultes. Ses disciples l’abandonneront tous, sauf Jean, comme s’ils avaient oublié le vrai visage de gloire révélé en haut du Mont Thabor.


* La gloire de Jésus transfiguré est donnée à Pierre et Jacques et Jean pour qu’ils 
sachent discerner sous les crachats la vraie beauté de l’homme défiguré lors de sa Passion.

Voilà pourquoi la contemplation du Christ en gloire est un extraordinaire moteur pour rejoindre ceux qui parmi nous n’ont plus figure humaine (misère matérielle ou morale ou autre) : nous croyons en leur beauté pourtant cachée à nos yeux.


* Mais quelle conception avons-nous de la beauté de l’homme ou de la femme ?
Patrick BraudLes Évangiles n’ont jamais dit de Jésus qu’il avait le profil d’Antonio Bandeiras ou de Bruce Willis. On ne sait pas si Marie avait les mêmes mensurations que Claudia Schiffer ou Emmanuelle Béart, et nous-mêmes, nous ne serions pas tous sélectionnés pour défiler sous les couleurs de Dior ou Cacharel…
Et pourtant Jésus manifeste sur cette montagne une gloire qui éclipse celle d’Élie et Moïse.
Et pourtant Marie est corporellement transfigurée, pour toujours, à travers son Assomption.
Et pourtant vous êtes tous et chacun plus beaux que Bruce Willis et Emmanuelle Béart lorsque vous aimez vraiment !


* Autrement dit, ces éclairs de transfiguration nous sont donnés pour traverser toutes les défigurations à venir sans désespérer, sans trahir?
Autrement dit, la vraie beauté d’un être humain se dévoile à nos yeux lorsque nous l’aimons, lorsque nous le voyons - à l’image du Christ - accepter de se livrer aux mains de ses proches, d’être exposé, vulnérable à la passion d’aimer, lorsque lui-même se donne sans fausse pudeur, désarmé et confiant.

Dans ces moments-là, on voudrait que tout s’arrête comme Pierre : « dressons trois tentes ».
Mais non, ce n’était que l’espace d’une parole, d’un regard, d’une main étreinte, ou d’un corps pacifié. Et puis la vie reprend, apparemment comme avant. Apparemment seulement, car la mémoire du Christ éblouissant de beauté soutiendra l’Église lorsqu’elle le croisera à nouveau défiguré dans les passions de notre temps.
Apparemment seulement, car les couples qui n’ont pas oublié tous les éblouissements de leur amour pourront s’appuyer sur cette mémoire pour devenir fidèles, pour croire en l’autre quoiqu’il arrive, pour deviner la vraie beauté de l’autre d’âge en âge jusqu’à la fin de sa vie.


* Celui qui demain sera défiguré est aujourd’hui dévoilé à nos yeux dans toute sa splendeur : que la transfiguration du Christ nous aide à ne jamais désespérer de la beauté humaine, celle de votre conjoint, celle de vos enfants, celle de votre voisin ou collègue, du prochain si peu aimable, de celui dont on se détourne, celle de votre Église même.

 

1ère lecture : L’Alliance de Dieu avec Abraham (Gn 15, 5-12.17-18a)
Lecture du livre de la Genèse

Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Vois quelle descendance tu auras ! »
Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste.
Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays. »
Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que j’en ai la possession ? »
Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. »
Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux.
Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abram les écarta.
Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s’empara d’Abram, une sombre et profonde frayeur le saisit.
Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d’animaux.
Ce jour-là, le Seigneur conclut une Alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici. »

Psaume : Ps 26, 1, 7-8, 9abcd, 13-14

R/ Le Seigneur est lumière et salut.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut,
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie,
devant qui tremblerais-je ?

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon c?ur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
ne me cache pas ta face.
N’écarte pas ton serviteur avec colère,
tu restes mon secours.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »

2ème lecture : Le Christ nous transfigurera (brève : 3, 20 – 4, 1) (Ph 3, 17-21; 4, 1)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Frères, prenez-moi tous pour modèle, et regardez bien ceux qui vivent selon l’exemple que nous vous donnons.
Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ.
Ils vont tous à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre. Mais nous, nous sommes citoyens des cieux ; c’est à ce titre que nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer.

Evangile : La Transfiguration (Lc 9, 28b-36)

Acclamation : Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Du sein de la nuée resplendissante, la voix du Père a retenti : « Voici mon Fils, mon bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d’une blancheur éclatante.
Et deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’en allaient, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le. »
Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul. Les disciples gardèrent le silence et, de ce qu’ils avaient vu, ils ne dirent rien à personne à ce moment-là.

Patrick Braud

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16 février 2013

L’homme ne vit pas seulement de pain

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’homme ne vit pas seulement de pain

Homélie du 1° Dimanche de Carême / Année C
17/02/2013

« L’homme ne vit pas seulement de pain » (Lc 4,1-13).

Célébrissime phrase de Jésus, devenue comme bien d’autres un adage.

L'homme ne vit pas seulement de pain dans Communauté spirituelle tttRéflexion qui prend tout son sens en temps de crise économique. Parce que les temps sont difficiles (plans sociaux, baisse du pouvoir d’achat etc.), certains voudraient nous faire croire que les seules questions importantes sont d’ordre économique : chômage, croissance, austérité, réduction des déficits publics etc.

Bien sûr, ces préoccupations sont centrales et majeures.
Bien sûr, lutter pour que chacun puisse subvenir aux besoins matériels de sa famille est une priorité.

Mais cela ne disqualifie pas pour autant les autres aspirations humaines. Et cela ne met pas hors-jeu les autres débats sur les questions sociétales tout aussi importantes : aujourd’hui le « mariage pour tous » ; demain les lois sur la PMA, la GPA ; et après-demain les débats sur la fin de vie, la bioéthique etc.

Si l’homme ne vit pas seulement de pain, cela implique que les questions de société l’intéressent autant que l’emploi et le salaire. Ce serait revenir un matérialisme pur et dur que de dénier à ceux qui souffrent économiquement le droit d’avoir en même temps d’autres aspirations.

Citons quelques exemples de faims différentes :

- Une association d’accueil de SDF organise régulièrement des sorties à l’Opéra, grâce à des billets offerts par la municipalité. Pourquoi offrir l’Opéra à des SDF au lieu de les inviter au restaurant ? Les participants répondaient eux-mêmes : « c’était beau ! » ; ou « on était transporté ailleurs » ; ou « jamais je n’aurais cru pouvoir entrer là ».

Si l’homme ne vit pas seulement de pain, alors il vit également de culture, de beauté.

- Le père Joseph Wrezinski, fondateur d’ATD Quart-monde, a créé une université populaire du quart-monde rue des Grands Degrés à Paris. Pourquoi une université avec et pour les familles du quart-monde ? Parce que ce peuple vit de son histoire, de son identité, de ses valeurs affirmées tout au long de ces combats, et pas seulement des aides aux subventions qu’il pourrait quémander. Les bibliothèques de rue d’ATD qui sillonnent les bas d’immeubles des cités d’urgence ouvrent aujourd’hui encore les gamins des abris de fortune à la faim de lire, à la soif de découvrir, de savoir.

- Marx voulait remettre Hegel les pieds sur terre, en affirmant – contre l’idéalisme allemand – que le moteur de l’histoire était dans les luttes sociales et pas dans les idées. Pour les marxistes avec lui, les valeurs morales sont le reflet des rapports sociaux où certains dominent les autres et imposent leur conception de l’existence. La religion n’est alors qu’une superstructure produite par les infrastructures économiques et tout entière dépendante d’elles.

Ce matérialisme historique, qui se voulait scientifique, on le croyait mort avec la chute du mur de Berlin en 1989. Et pourtant son cadavre bouge encore chez les dogmatiques de gauche comme chez les ultralibéraux qui s’alignent dessus sans le savoir. Croire que la tâche du politique ne réside que dans les transformations économiques relève d’un matérialisme étonnant. Croire que la morale, la spiritualité ou la culture n’appartiennent qu’à la vie privée suppose une vision très matérialiste de l’être humain.

- Réduire le développement de l’Afrique à des programmes humanitaires de productions agricoles ou industrielles peut se révéler meurtrier du génie africain, et finalement très colonialiste.

- Si l’homme ne vit pas seulement de pain, alors il faut se battre pour que la lecture des grandes oeuvres littéraires, l’écoute des chefs-d’oeuvre de la musique classique ou l’initiation aux impressionnistes ne soit pas réservée à des élites.

On attribue (faussement) à Goebbels cette phrase traduisant le mépris du nazisme vis-à-vis de toute forme de spiritualité : « quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver »  L’extrême droite comme le marxisme méprisent ce qu’ils appellent des oeuvres décadentes ou des valeurs bourgeoises.

Le Christ – lui - sait bien qu’au coeur de tout homme réside une autre faim que le matériel.
Il a vu que le lépreux désire sa réintégration sociale tout autant que sa guérison (Mc 1,40-45).
Il connaît la soif de communion qui habite Zachée, le collabo mis à l’écart (Lc 19,1-10).
Il devine chez la femme hémorroïsse le désir d’être désirée que lui interdit sa perte de sang chronique (Mt 9,20-21).
Il entend dans la demande matérielle des mendiants une autre demande, plus fondamentale, de reprendre leur place dans la famille sociale (Mc 10,46-52).

Pierre sera dans cette droite ligne lorsqu’il fixera le paralysé mendiant de la Belle Porte du Temple de Jérusalem dans les yeux en lui disant : « de l’or ou de l’argent je n’en ai pas, mais ce que j’ai je te le donne : au nom de Jésus le Nazôréen, marche ! » (Ac 3,6)

Jésus lui-même, à nouveau confronté à cette tentation de la faim et de la soif, suppliera sur la croix : « j’ai soif » (Jn 19,28). Les chrétiens ont toujours entendu dans cette plainte l’écho des psaumes : « mon âme a soif du Dieu vivant : quand le verrai-je face à face ? » (Ps 42,3 ; 63,2)

Patrick Braud

La faim et la soif qui ont tenaillé Jésus aux entrailles n’étaient pas uniquement matérielles : son besoin le plus fondamental résidait dans la relation à son Père. Sa faim était spirituelle, au sens où il désirait que l’Esprit soit son lien indissoluble à Dieu.

« L’homme ne vit pas seulement de pain ».
Nous appartenons à cette humanité-là.
Culture, vie associative, beauté et communion avec le monde : à nous d’explorer les vraies faims qui sommeillent en nous.

Que ce Carême nous y aide !


[1]. Fausse citation faussement attribuée à Goebbels (ou Goering). En fait, il s’agit d’une réplique tirée d’une pièce de théâtre d’un nazi, Hanns Johst. Soucieux de plaire à son Führer, il concocta, à l’occasion de son anniversaire de 1933, un drame apologétique (Schlageter) où figure cette tirade : « Quand j’entends parler de culture, j’enlève le cran de sécurité de mon Browning. » Baldur von Schirach (chef des jeunesses hitlériennes), a utilisé cette citation, lors d’un meeting, avec un certain succès. 

 

1ère lecture : La profession de foi du peuple d’Israël (Dt 26, 4-10)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple d’Israël : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu.
Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen vagabond, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse.
Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage.
Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés.
Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte par la force de sa main et la vigueur de son bras, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges.
Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel.
Et voici maintenant que j’apporte les prémices des produits du sol que tu m’as donné, Seigneur. »

Psaume : Ps 90, 1-2, 10-11, 12-13, 14-15ab

R/ Reste avec nous, Seigneur, dans notre épreuve.

Quand je me tiens sous l’abri du Très Haut
et repose à l’ombre du Puissant
Je dis au Seigneur : « Mon Refuge
mon Rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »

Le malheur ne pourra te toucher
ni le danger approcher de ta demeure
Il donne mission à Ses anges
de te garder sur tous tes chemins

Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres
tu marcheras sur la vipère et le scorpion
tu écraseras le lion et le dragon

« Puisqu’il s’attache à Moi, Je le délivre
Je le défends car il connaît Mon Nom
il m’appelle et Moi Je lui réponds
Je suis avec lui dans son épreuve. »

2ème lecture : La profession de foi en Jésus Christ (Rm 10, 8-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frère, nous lisons dans l’Écriture : La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton c?ur. Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons.
Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton c?ur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé.
Celui qui croit du fond de son c?ur devient juste ; celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut.
En effet, l’Écriture dit : Lors du jugement, aucun de ceux qui croient en lui n’aura à le regretter.
Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent.
Il est écrit en effet, tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés.

Evangile : La tentation de Jésus (Lc 4, 1-13)

Acclamation : Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole venant de la bouche de Dieu.
Ta parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.(cf. Mt 4, 4)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Après son baptême, Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le démon lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. »
Le démon l’emmena alors plus haut, et lui fit voir d’un seul regard tous les royaumes de la terre.
Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m’appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Jésus lui répondit : « Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras. »
Puis le démon le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus répondit : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le démon s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Patrick Braud

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24 mars 2012

Qui veut voir un grain de blé ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Qui veut voir un grain de blé ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Carême  25/03/2012

 

« Nous voulons voir Jésus »

Au commencement, il y a le désir…

Désir d’une rencontre vraie : « nous voulons voir Jésus ». Désir de la rencontre de l’autre, car entre les Grecs et les Juifs de l’époque, la différence doit être aussi radicale qu’entre Juifs et Palestiniens aujourd’hui… La vie chrétienne est placée sous le signe du désir  de l’autre, et plus précisément de la croissance  dans le désir de l’autre, croissance à laquelle Jésus nous appelle tout au long de notre existence.

 

Heureuses différences (même si elles sont de fait difficiles à assumer) qui sont le carburant de nos rencontres : « je veux voir l’autre … »

Dans la foi chrétienne, nous croyons que le visage de l’autre, lorsqu’il est désiré pour lui-même et non pas dans nos projections imaginaires, ce visage devient sacrement de la rencontre de Dieu. « Il est possible, à partir de l’autre relativement autre que nous voyons, de pressentir l’Autre absolument autre que nous ne voyons pas et appelons Dieu » [1]. Voilà pourquoi la recherche du visage de l’autre renvoie à Dieu lui-même.

 

Au IVème siècle, un évêque (Grégoire de Nysse) parlait déjà de cet infini du désir qui interdit de figer la course vers l’être aimé:

« Au fur et à mesure que quelqu’un progresse vers ce qui surgit toujours en avant de lui, son désir augmente lui aussi. Ainsi, à cause de la transcendance des biens qu’il découvre toujours à mesure qu’il progresse, il lui semble toujours n’être qu’au début de l’ascension. C’est pourquoi la Parole répète: ?Lève-toi’ à celui qui est déjà levé, et: ?Viens’ à celui qui est déjà venu. A celui qui se lève vraiment, il faudra toujours se lever. Celui qui court vers le Seigneur n’épuisera jamais le large espace pour sa course.

Ainsi celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencements en commencements, par des commencements qui n’auront jamais de fin ».

« Car c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer » [2]

 

« Nous voulons voir Jésus » est la vérité de nos propres recherches amicales : « je veux découvrir qui tu es ».

 

L’écho ecclésial

Qui veut voir un grain de blé ? dans Communauté spirituelle ricochetsEnsuite, il y a le jeu de l’écho, qui amplifie et répercute ce désir de l’autre. Les Grecs le disent à Philippe, qui le dit à André, et tous les deux le transmettent à Jésus. Mais c’est déjà l’Église qui apparaît là! L’Église, comme un réseau de liens fraternels, pour que la démarche de ceux qui cherchent aboutisse. Une sorte de Facebook à la puissance 10, et mieux encore, car ce sont ici des visages et pas seulement des écrans … L’Église est ce lieu où nous pouvons dire le manque qui nous habite, la soif qui nous tient, l’envie de vivre que nous creusons en la partageant avec des frères. L’Église est cette eau tendue qui soutient nos rebonds successifs dans la recherche de l’autre, jusqu’à faire ricocher jusqu’au nuages ce galet nommé désir…

Par la vie paroissiale ou par les pèlerinages, par des équipes de partage ou par la formation spirituelle et théologique, nous pouvons expérimenter la force de ce soutien fraternel. Continuons à tisser ces liens ecclésiaux : ils nous aideront à rester vigilants et confiants.

 

Du grenier à l’épi

L’Évangile nous dit ensuite que la rencontre entre les Grecs et Jésus a lieu pendant la  fête, c’est-à-dire la grande, l’unique fête de la Pâque.

Et là, l’histoire du grain de blé que nous propose Jésus est très parlante. Devenir chrétien, c’est suivre le chemin de ce grain de blé jeté en terre. C’est consentir à se laisser aimer pour ne plus vivre centré sur soi. C’est accepter de se laisser faire, comme le grain de blé, pour pouvoir porter du fruit. La mort et la Résurrection sont au coeur de tout amour, qui est pascal, comme elle est au coeur de l’amour du Christ, que nous allons célébrer dans l’eucharistie. En buvant ensemble à la même coupe, nous exprimons la dimension pascale de la vie chrétienne : aimer, c’est verser son sang, c’est livrer sa vie.

 

Pourtant, que de résistances mettons-nous avant d’accepter de lâcher-prise ainsi sur notre propre vie! Eh oui!, le petit grain de blé était plus tranquille a

Fiches_9122011_1120_448 blé dans Communauté spirituelle

vant, ?en père peinard’ dans son grenier, en tas avec les autres [3]. Un certain bonheur, qui était le nôtre, avant de nous laisser déranger par le Christ. Et pourtant, il nous manquait quelque chose, ou plutôt quelqu’un, et ce petit bonheur nous semblait trop petit, un peu étroit…

Un jour, on charge ce tas de grains de blé sur une charrette et on le sort dans la campagne. C’est le début de l’ouverture à l’autre, avec un petit côté excitant pas désagréable…: çà se passe bien, il y a plein de gens nouveaux à découvrir, tout en gardant sa liberté.

Puis on verse les grains sur la terre fraîchement labourée: petit frisson d’un contact plus personnel, d’une proximité avec un corps étranger à la fois inquiétant et attirant.

 

Puis on enfonce le grain de blé tombé en terre. Et là, le grain de blé se demande s’il n’a pas fait une grosse bêtise en se laissant conduire jusque là. Il ne voit plus rien, il n’entend plus rien, l’humidité le transperce jusqu’au dedans de lui-même… Le grain de blé qui, par la mort inévitable, est en train d’être transformé, de devenir ce qu’il doit être, c’est-à-dire un bel épi, regrette le grenier où en effet il était très heureux, mais heureux d’un petit bonheur humain. Sa tentation est alors de faire machine arrière, de céder à la panique, de refuser de se laisser faire. C’est dommage, car c’est précisément là que Dieu agit: le Dieu qui le transforme, pour le faire passer de l’état de grain à l’état d’épi, ce qui n’est possible que par une mort à soi-même et une nouvelle naissance. Dieu veut notre croissance, et il n’y a pas de croissance sans transformation.

Bien sûr, sur ce chemin de croissance, il faut savoir quitter. Au début, les pertes sont visibles et conséquentes: son indépendance, ses habitudes, quelque fois sa région, ses amis, sa famille… Avec le temps, elles deviennent plus subtiles, plus difficiles: quitter ses certitudes toutes faites, son égoïsme, sa nostalgie… Le Christ lui-même a dû se battre intérieurement pour ne pas abandonner ce chemin. « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion » ; il a supplié Dieu «  avec un grand cri et dans les larmes »  (He 5,7-9), car il n’imaginait que « faire la volonté » de son père irait jusqu’à un tel abandon, jusqu’à une telle déréliction. Il en est « bouleversé » (Jn 12,30) au plus profond de lui-même. Dans l’évangile de Jean, c’est ce passage qui tient lieu d’agonie à Gethsémani, ce qui en dit long sur le déchirement au plus intime qui fait hésiter Jésus.

Et en même temps, suivant cette voie pascale, il nous sera donné mystérieusement de faire l’expérience de la joie et de la fécondité de cette Pâque permanente : notre travail, nos engagements, nos familles nous rendront féconds, avec la même efficacité que l’épi par rapport au grain de blé: 100, 1000 pour 1 ! Un tel rendement mérite bien un investissement massif et sans réserve…

 

Vous voyez que l’histoire de ce grain de blé n’est pas seulement celle du Christ dans sa Pâque : c’est la nôtre, à tout âge, dès lors que exprimons le désir de « voir Jésus ».

Que l’Esprit du Christ nous inspire une confiance à toute épreuve, pour traverser sans découragement les étapes jusqu’à Pâques, du grenier à l’épi?

 

 


 

 

[1].  VARILLON F.,  L’humilité de Dieu,  Le Centurion, Paris, 1974, p. 39.

[2]. Homélies sur le Cantique des Cantiques.

[3]. Cf. VARILLON F.,  Joie de croire, joie de vivre,  Le Centurion, Paris, 1981, p. 38s.

  

  

 

1ère lecture : La nouvelle Alliance (Jr 31, 31-34)

Lecture du livre de Jérémie

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle.
Ce ne sera pas comme l’Alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte : mon Alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’avais des droits sur eux.

Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur c?ur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands, déclare le Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés.

 

Psaume : Ps 50, 3-4, 12-13, 14-15

R/ Donne-nous, Seigneur, un c?ur nouveau !

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.

2ème lecture : La soumission du Christ, cause du salut éternel (He 5, 7-9)

 Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé.
Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

 

Evangile : Jésus voit arriver son heure (Jn 12, 20-33)

Acclamation : Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Fils de l’homme, élevé sur la croix, par toi tous les hommes reçoivent la vie. Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 3,14-15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque,
quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Philippe va le dire à André ; et tous deux vont le dire à Jésus.
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié.
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.
Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? ? Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !
Père, glorifie ton nom ! »
Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »
Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, c’est pour vous.
Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

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17 mars 2012

L’identité narrative : relire son histoire

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’identité narrative : relire son histoire

 

Homélie du 4° Dimanche de Carême  18/03/2012

 

Le second Livre des Chroniques entendu ce dimanche est comme un flash-back. L’auteur balaie des décennies récentes de l’histoire deL'identité narrative : relire son histoire dans Communauté spirituelle nabuchodonozor_execution_fils_sedecias son peuple. Il met un peu d’ordre et de cohérence dans le foutoir apparent des événements chaotiques que le peuple d’Israël s’est pris de plein fouet sans rien comprendre au début : la dérive des élites de Jérusalem, le sac de la ville et du temple par Nabuchodonosor, le roi Sédécias déporté en exil - les yeux crevés comme pour souligner son aveuglement antérieur - avec les survivants de ce massacre, l’esclavage pendant 70 ans, le retour improbable grâce à Cyrus, étrange roi-messie perse…

Pour se rendre compte de l’ampleur de ce travail de relecture, imaginez des juifs d’aujourd’hui tenter de recoller les morceaux du puzzle du siècle écoulé : la diaspora en Europe, la Shoah sous Hitler, 6 millions de déportés et un massacre inégalé, le retour en Israël improbable après la fin du cauchemar, et maintenant à nouveau la guerre permanente avec les voisins arabes…

 

Si l’histoire collective vous semble trop vaste à embrasser dans ce travail de relecture, faites défiler votre propre histoire devant vos yeux : vos tournants professionnels, vos réussites et vos échecs, les périodes où vous n’avez pas compris ce qui vous arrivait et que vous pouvez maintenant déchiffrer en expliquant pourquoi, pour quoi c’est arrivé.

 

Relire son histoire, c’est capital pour continuer à exister comme peuple, pour ressaisir son identité personnelle.

Le Livre des Chroniques fait cet exercice des années après, comme toujours : ce n’est pas sur le moment qu’on y voit clair. Il faut du recul, de la distance, de la réflexion et du discernement.

C’est d’abord Sédécias, le roi juif, qui apparaît comme la cause de ce malheur, et non le peuple lui-même. Sédécias avec les élites religieuses qui l’entouraient. Il sacrifiait à d’autres dieux que YHWH. Il se moquait des prophètes que Dieu envoyait « sans se lasser ». L’échec des prophètes vient de là ; la ruine de Jérusalem et la déportation également. C’est donc de la faute des chefs du peuple si l’esclavage a de nouveau humilié Israël. Et c’est par la grâce de YHWH si le roi perse Cyrus lui a miraculeusement permis de rentrer chez lui après cet exil. Telle est la relecture du Livre des Chroniques, où l’auteur essaie de trouver une cohérence dans l’enchaînement des événements qui se sont succédés dans un désordre apparent.

 

Paul se livre à un exercice semblable de relecture de son histoire personnelle dans la lettre aux Éphésiens (et dans bien d’autres lettres). Il sait bien qu’il était un persécuteur. Il ne mérite en rien ce qui lui est arrivé sur le chemin de Damas. « Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil » : il peut inviter les Éphésiens à croire en cette gratuité du choix de Dieu, parce qu’il peut lui-même raconter comment cela s’est passé dans son histoire. Par trois fois dans le livre des Actes des Apôtres (Ac 9;22;26), Paul raconte cette rencontre éblouissante qui a marqué sa vie, et dont il nous livre trois versions successives, non identiques.

 

Jésus lui-même, en reprenant le symbole du serpent d’airain élevé sur le bois dans le désert, semble bien interpréter sa propre histoire à la lumière de ce qui est arrivé autrefois. Parce qu’il connaît les écritures ?par le c?ur’, il va y puiser cette référence au serpent de bronze élevé par Moïse pour mettre du sens et de la cohérence dans l’immense chaos apparent de l’infamie de la croix qui approche.

 

Relire son histoire est un enjeu collectif et personnel.

Cela demande de pouvoir raconter, et de pouvoir interpréter.

 

Raconter

C’est ce que Paul Ricoeur appelle l’identité narrative, qu’on peut résumer autour de la proposition suivante : « Je deviens moi-même en me racontant ».

La définition technique de l’identité narrative a été donnée par Paul Ricoeur dans son ouvrage ?Temps et récit’  (1985) :

13731-gf herméneutique dans Communauté spirituelle« Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste [?] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. [?] À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le v?u de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. [?] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents [?] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. [?] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire. »

« L’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et scripteur de sa propre vie ».

 

Chacun devient lui-même lorsqu’il peut trouver les mots pour ?narrer’, pour raconter ce qui lui est arrivé. Par écrit ou par oral, quelquefois de manière artistique (tant de peintures, d’oeuvres musicales ou littéraires sont autobiographiques). À l’image de l’apôtre Paul qui raconte trois fois le tournant de son existence, chacun de nous peut et doit sans cesse raconter le fil rouge de la trajectoire de sa vie.

Un peuple ignore son identité tant qu’un griot, un historien, un poète ou un savant ne la lui livre à travers une saga, une épopée, un mythe fondateur…

Dans les retraites spirituelles, relire son histoire passe par raconter à un accompagnateur, à Dieu et à soi-même, les événements où la question du sens et de la cohérence d’une vie se présente.

 

Interpréter

Raconter ne suffit pas. Il faut encore découvrir à travers ce récit où et comment Dieu 9.+Chagall+Crucifixion identitéagit dans tout ce fatras. Qu’est-ce que cela signifie ? Où tout cela conduit-il ?

 

C’est ce qu’on appelle l’herméneutique :

l’interprétation des événements pour leur donner du sens, une direction, une signification.

 

L’évangile de ce dimanche nous redit (avec tant d’autres) que Jésus faisait sans cesse référence aux Écritures pour interpréter les chocs successifs qui vont le conduire au supplice des esclaves.

 

C’est une clé très sûre pour nous également : en scrutant les deux Testaments, nous aurons en main le trousseau de clés à qui aucune des serrures de l’histoire ne résiste.

 

 

  

Relire son histoire, l’interpréter à la lumière de la Bible : où en sommes-nous de cet exercice spirituel ?

 

 

 

1ère lecture : Châtiment et pardon : l’exil et le retour (2Ch 36, 14-16.19-23)

Lecture du second livre des Chroniques

Sous le règne de Sédécias, tous les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes, et ils profanaient le temple de Jérusalem consacré par le Seigneur.
Le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de sa Demeure et de son peuple.
Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n’y eut plus de remède à la colère grandissante du Seigneur contre son peuple.
Les Babyloniens brûlèrent le temple de Dieu, abattirent les murailles de Jérusalem, incendièrent et détruisirent ses palais, avec tous leurs objets précieux.
Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu’au temps de la domination des Perses.
Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant soixante-dix ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.

Or, la première année de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume ? et même consigner par écrit ? :
« Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir un temple à Jérusalem, en Judée. Tous ceux d’entre vous qui font partie de son peuple, que le Seigneur leur Dieu soit avec eux, et qu’ils montent à Jérusalem ! »

 

Psaume : Ps 136, 1-2, 3, 4-5, 6

R/ Jérusalem, au profond de mon c?ur, Jérusalem, au plus haut de ma joie !

Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours
nous avions pendu nos harpes.

C’est là que nos vainqueurs
   nous demandèrent des chansons, 
et nos bourreaux, des airs joyeux : 
« Chantez-nous, disaient-ils,
quelque chant de Sion. » 

Comment chanterions-nous
   un chant du Seigneur 
sur une terre étrangère ? 
Si je t’oublie, Jérusalem,
que ma main droite m’oublie ! 

Je veux que ma langue
   s’attache à mon palais 
si je perds ton souvenir, 
si je n’élève Jérusalem,
au sommet de ma joie.

 

2ème lecture : Par grâce, Dieu nous fait revivre (Ep 2, 4-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés,
nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés.
Avec lui, il nous a ressuscités ; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus. Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, il voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse infinie de sa grâce.
C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus Christ, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre.

 

Evangile : Dieu a envoyé son Fils pour sauver le monde (Jn 3, 14-21)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Tout homme qui croit en lui possède la vie éternelle. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Jn 3, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs ?uvres étaient mauvaises.
En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses ?uvres ne lui soient reprochées ; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses ?uvres soient reconnues comme des ?uvres de Dieu.
Patrick Braud

  

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