L'homélie du dimanche (prochain)

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24 mars 2019

Souper avec les putains

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

SOUPER AVEC LES PUTAINS

Homélie pour le 4° dimanche de Carême / Année C
31/03/2019

Cf. également :

Servir les prodigues
Réconciliation verticale pour réconciliation horizontale
Ressusciter, respirer, se nourrir…
Changer de regard sur ceux qui disent non
Fréquenter les infréquentables
La commensalité du Jeudi saint

L’expression est volontairement provocatrice ! Elle vient de Jacques Pohier, dominicain et exégète, en 1973. Il entendait ainsi actualiser le côté scandaleux et inconcevable de l’attitude de Jésus, qui devrait être la nôtre aujourd’hui : « il est allé manger chez des pécheurs ».

L’accusation maintes fois portée contre Jésus ne fut pas de souper avec les putains mais de manger avec les pécheurs. Mais quelqu’un peut difficilement-imaginer au XX° siècle l’immoralité, religieuse et civile, qu’il y avait alors pour un juif de bonne moralité à manger avec les pécheurs. Dire aujourd’hui que Jésus a mangé avec les pécheurs, c’est édulcorer ce qui est en cause, à quoi je rends la virulence qui convient en disant : souper avec les putains, et en écartant volontairement le mot plus pudique de prostituée. (Jacques Pohier, texte de Juin 1973)

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Manger à la même table que quelqu’un, à l’époque, c’est bien plus qu’un repas. C’est une identité commune, un héritage en partage (celui d’Abraham), une solidarité assurée. La commensalité nourrit la fraternité, si bien que les juifs religieux considèrent comme péché de s’attabler avec des païens, qui mangent une nourriture impure, ou des pécheurs publics qui sont impurs eux-mêmes. En plus, ils sont obligés de manger kasher, et cet interdit alimentaire - comme le halal pour les musulmans - aboutit en pratique à un communautarisme religieux basé sur la pureté rituelle. En allant manger chez les pécheurs (comme nous devrions le faire), Jésus fait sauter en éclats ce séparatisme culinaire, ces barrières inventées par des traditions humaines, trop humaines.

On l’oublie trop souvent, la pointe de la parabole du fils prodigue de ce Dimanche (Lc 15, 1-32) n’est pas la repentance du fis ingrat, mais l’explication de la conduite morale de Jésus : il va « souper avec les putains » parce que le premier son Père festoie et se met à table avec son vaurien de fils parti dépenser son héritage au loin en compagnie des filles de petite vertu…

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter.
Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! »

C’est le banquet final de la parabole qui légitime l’action du Christ : il est l’image parfaite du Père lorsqu’il se compromet avec les impurs, lorsqu’il festoie avec les pécheurs, lorsqu’il ne respecte ni le casher ni le halal qui le sépareraient de ceux qu’il aime. Le fils aîné ne s’y trompe pas hélas !, lui qui refuse d’entrer dans la maison familiale pour prendre part au repas de fête qui célèbre le retour de son frère.

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La sainteté des pharisiens – comme de tous les ultrareligieux de tous bords – est une sainteté par séparation. C’est d’ailleurs le sens premier du mot pharisien : séparé ; à tel point qu’ils faisaient attention dans la rue à n’être touchés par personne de peur de contracter quelque impureté religieuses au passage. Pas facile dans les rues étroites de Jérusalem ! D’où leur regroupement dans des quartiers à eux, entre eux (l’entre-soi n’est pas nouveau !). C’est pourquoi le pharisien refuse de toucher un blessé dans la parabole du bon samaritain.

La sainteté de Jésus n’est pas une sainteté de séparation, mais de communion. Il quitte la divinité pour faire corps avec notre humanité (c’est la kénose), mais en plus il va faire corps avec les pécheurs, jusqu’à être identifié aux pires d’entre eux sur la croix, car il veut « chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10).

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Par cette parabole du fils prodigue, Jésus manifeste que devenir Dieu – par lui, avec lui et en lui – c’est prendre dans nos bras les lépreux de notre temps, s’attabler avec ceux qui sont peu recommandables, fréquenter les infréquentables, bref : « souper avec les putains ».

Notons bien que l’initiative vient de Dieu et non du pécheur. La brebis égarée ne fait rien d’autre que de bêler au secours, mais nulle trace évidemment de pénitence en elle. Le Père du fils prodigue le guette chaque jour au loin sur la route bien avant que celui-ci ne décide de revenir. D’ailleurs le Père ne lui laisse pas le temps de débiter son acte de contrition appris par cœur. Il lui coupe la parole et lui dit : « viens festoyer ; tu es mon fils. Tu auras bien le temps de voir comment vivre de nouveau après le festin ».

Jacques Pohier précise à juste titre que l’attitude de Jésus avec les pécheurs n’est pas de l’ordre du mérite : pénitence puis pardon, mais bien l’inverse !

En se comportant avec tous ces gens de telle sorte qu’il lui fut si souvent reproché de « manger avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs » (Mt 9, 11), d’être « un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs » (Mt 11, 19), de « faire bon accueil (chez lui) aux pécheurs et manger avec eux » (Lc 15, 2), et en rétorquant aux Pharisiens : « En vérité, je vous le dis, collecteurs d’impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu » (Mt 21,31), Jésus ne se soucie certes pas d’abord de morale, car c’est avant tout d’une révélation sur Dieu qu’il s’agit. Il s’agit pour lui de montrer qui est son Dieu, et qu’il n’est pas tel que sa manifestation et sa rencontre soient soumises aux restrictions et aux exclusives qui faisaient que, selon les docteurs et les prêtres d’alors comme de toujours ces gens n’avaient pas droit à Dieu sous prétexte de leur conduite morale ou de leur ignorance religieuse. Mais s’il ne s’agit pas d’abord de morale, il s’agit aussi de morale, et même de formation morale.

Voilà de quoi transformer nos propres réconciliations. Non pas d’abord exiger que l’autre change pour que je puisse l’aimer à nouveau, mais l’aimer à nouveau et il pourra librement changer, à sa guise (ce n’est pas mon problème). La conversion est une conséquence de la grâce et non un préalable. La communion avec le Christ est donnée gratuitement, inconditionnellement, et elle fait son œuvre en nous transformant de l’intérieur. Mais elle ne se mérite pas, au contraire.

Le schéma n’est pas :
a) le pécheur dit qui il est en confessant son péché,
b) il fait pénitence,
c) en conséquence, Dieu peut de nouveau être Dieu avec lui,

mais le schéma est exactement le contraire :
a) Jésus dit qui est Dieu, montre comment Dieu est Dieu avec cette femme, avec cet homme,
b) le pécheur se retrouve du coup avec Dieu,
c) le pécheur confesse son péché et fait pénitence.

C’est la manifestation de la façon dont Dieu est amour qui engendre la conversion, et non pas la conversion qui permet à Dieu de donner libre cours à son amour.
C’est là le contraire, exactement le contraire de la façon dont nos morales, dont nos sociétés, dont nos religions, mais aussi dont nos réactions psychiques personnelles - conscientes ou non - croient devoir traiter la culpabilité.

Cette inversion quasi blasphématoire de la conversion et de la grâce devrait nous empêcher de réduire le christianisme à une morale. En Christ, la morale est seconde (non secondaire). La grâce est première. Elle suscite une morale de réponses et non de préalable. Et cela change tout ! « Souper avec les putains », ce n’est pas faire de Dieu une récompense pour les justes mais faire de ceux qui étaient perdus une récompense pour Dieu.

Les Invisibles : AfficheC’est l’expérience bouleversante de voir Dieu ainsi à nos côtés, goûter avec nous les mêmes plats, qui fera naître en nous l’irrépressible désir de vivre autrement, en accord avec le don reçu. Ainsi Zachée a rendu quatre fois ce qu’il a volé après et non avant que le Christ s’invite chez lui. La femme adultère n’est appelée à la fidélité qu’après avoir été pardonnée. Lévi quitte ses pots-de-vin de fonctionnaire sous occupation d’une armée étrangère après qu’il ait été appelé par Jésus et non avant. Marie elle-même est comblée de grâce dès sa naissance non pas en raison de ce qu’elle aurait fait, mais en raison du Verbe faisant corps en elle, gratuitement.

Comment dès lors pourrions-nous poser des conditions aux chercheurs de Dieu d’aujourd’hui ? Au lieu de les soumettre à une morale trop mêlée de traditions humaines comme celle des pharisiens, ne vaut-il pas mieux mettre en premier l’expérience spirituelle, l’expérience bouleversante du Christ com-pagnon de toutes nos routes mêmes les plus tortueuses ?

Méditons donc cette semaine sur cette promiscuité du Christ avec les impurs, les prostituées, les publicains.

Que voudrait dire pour nous aujourd’hui : « manger avec les pécheurs » ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
L’arrivée du peuple de Dieu en Terre Promise et la célébration de la Pâque (Jos 5, 9a.10-12)

Lecture du livre de Josué

En ces jours-là, le Seigneur dit à Josué : « Aujourd’hui, j’ai enlevé de vous le déshonneur de l’Égypte. » Les fils d’Israël campèrent à Guilgal et célébrèrent la Pâque le quatorzième jour du mois, vers le soir, dans la plaine de Jéricho. Le lendemain de la Pâque, en ce jour même, ils mangèrent les produits de cette terre : des pains sans levain et des épis grillés. À partir de ce jour, la manne cessa de tomber, puisqu’ils mangeaient des produits de la terre. Il n’y avait plus de manne pour les fils d’Israël, qui mangèrent cette année-là ce qu’ils récoltèrent sur la terre de Canaan.

Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7)
R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur !
(cf. Ps 33, 9a)

Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !

Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses.

Deuxième lecture
« Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ » (2 Co 5, 17-21)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né. Tout cela vient de Dieu : il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. Car c’est bien Dieu qui, dans le Christ, réconciliait le monde avec lui : il n’a pas tenu compte des fautes, et il a déposé en nous la parole de la réconciliation. Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu.

Évangile
« Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » (Lc 15, 1-3.11-32)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus.
Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Lc 15, 18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » Alors Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : ‘Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.’ Et le père leur partagea ses biens. Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin. Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien. Alors il rentra en lui-même et se dit : ‘Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.’ Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : ‘Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.’ Mais le père dit à ses serviteurs : ‘Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.’ Et ils commencèrent à festoyer.

Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait. Celui-ci répondit : ‘Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.’ Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier. Mais il répliqua à son père : ‘Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras !’ Le père répondit : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Il fallait festoyer et se réjouir ; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ! »
Patrick BRAUD

 

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17 mars 2019

À quoi bon ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

À quoi bon ?

Homélie pour le 3° dimanche de Carême / Année C
24/03/2019

Cf. également :

Le malheur innocent
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent
Les résistances de Moïse… et les nôtres

 

À quoi bon ?

Ce soupir de lassitude et de découragement, combien de fois ne l’avons-nous pas murmuré ou pensé si fort qu’il nous a coupé toute envie de continuer ?

À quoi bon ? dans Communauté spirituelleÀ quoi bon écrire à ce fils qui a claqué la porte de la maison depuis des années et qui fait le mort à chaque message ? À quoi bon m’investir encore dans mon travail alors que je ne suis jamais reconnu pour ce que j’y apporte ? À quoi bon aller voter aux européennes alors que tout est joué d’avance ? À quoi bon donner aux Restos du Cœur alors que leur nombre de repas ne cesse malheureusement d’augmenter ?

Vider le tonneau des Danaïdes (qui se remplit sans cesse) ou rouler le rocher de Sisyphe (qui redescend toujours) est si épuisant que cela peut engendrer abattement et dépression, ou au contraire colère et violence. C’est ce second sentiment que Jésus ose attribuer à Dieu lui-même sous les traits du maître de la vigne de la parabole, lui qui ne voit toujours aucun fruit sur son figuier après trois années de soins et d’amour. De sa colère naît l’envie de l’arracher violemment. À quoi bon entourer d’amour et de patience quelqu’un qui ne veut pas porter du fruit ?

Jésus et le figuier stérileDans le contexte de la parabole, le figuier vise sans doute Israël qui ne reconnaît pas son  Messie en Jésus après trois ans de prédication itinérante ; le propriétaire de la vigne désigne le Père d’Israël qui voudrait récolter la foi au Christ dans son peuple ; et le vigneron est Jésus lui-même intercédant pour les siens.

« Je suis décidé à en finir avec eux - oracle du Seigneur -, pas de raisins à la vigne ! pas de figues au figuier ! le feuillage est flétri. Je les donne à ceux qui leur passeront dessus ». (Jr 8,13).

Les Pères de l’Église ont interprété ce « à quoi bon ? » comme la sentence qui allait faire passer d’Israël à l’Église, avec la chute du Temple de Jérusalem en 70 ap. JC comme moment charnière :

La vigne du Dieu des armées est celle qu’il a livrée en prise aux nations. La comparaison de la synagogue avec le figuier est on ne peut plus juste; de même, en effet, que cet arbre se couvre de larges feuilles en abondance, et trompe l’espérance de son maître qui en attend inutilement beaucoup de fruits; ainsi la synagogue avec ses docteurs stériles en œuvres, et fiers de leurs paroles pompeuses qui ressemblent aux feuilles du figuier est toute couverte des ombres d’une loi infructueuse. […] C’est ainsi que le premier peuple qui était sous l’autorité de la synagogue est tombé comme un fruit inutile, afin que le nouveau peuple qui a formé l’Église sortit de la sève abondante de l’ancienne religion. (Ambroise de Milan)

C’est ce qui s’accomplit, lorsque les Romains détruisirent la nation juive, et la chassèrent de la terre promise. (Bède le Vénérable)

On évitera aujourd’hui de nourrir un quelconque antisémitisme chrétien avec ce genre de commentaires… Mais du coup, l’avertissement vaut également pour l’Église, qui peut se voir arrachée si elle ne produit pas les fruits de l’Évangile : pauvreté, humilité, défense des petits, fraternité universelle, amour des ennemis…

Dans notre contexte actuel, le figuier pourrait représenter chacun de nous lorsque nous ne produisons pas du fruit pour les autres ; ou bien notre Église lorsqu’elle se replie sur le religieux au lieu de servir les plus pauvres ; ou bien encore notre vieille Europe devenant spirituellement stérile ; ou nos amitiés lorsqu’elles deviennent des cercles d’intérêt etc.

Le « à quoi bon ? » que Jésus met sur les lèvres du maître de la vigne devrait résonner pour nous comme un avertissement à nous réveiller de notre vanité avant qu’il ne soit trop tard. Car Dieu pourrait bien se lasser de notre improductivité spirituelle, plus que des actionnaires se détournant d’une valeur boursière en chute libre…

 

À quoi bon le laisser épuiser le sol ?

À vrai dire, l’envie d’arracher le figuier stérile naît moins de la colère que de la volonté de préserver les autres plantations. Comme le maître de la vigne, tout patron actuel sait bien que l’excuse et le manque d’exigence managériale face aux dérives de quelques-uns peut compromettre le succès – voire la survie – de toute l’équipe. Au nom du bien commun, pour que les autres vivent, il faut parfois savoir couper des branches mortes, exclure ce qui empêche les autres de grandir et prospérer. Par exemple, tolérer des absences injustifiées récurrentes dans une entreprise ne peut mener qu’à la démotivation et au sentiment d’injustice chez les autres, ceux qui font l’effort d’être présents quoi qu’il arrive. De même, tolérer les écarts personnels d’un Carlos Goshn ou d’un Lula n’aura conduit qu’à des catastrophes économiques ou politiques, malgré leur allure de grand patron ou de leader politique charismatique.
« Tout arbre qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu » (Lc 3.9).
Manquer d’exigence n’a jamais été une preuve d’amour, mais de lâcheté familiale ou sociale. Et ce sont les autres qui paient les pots cassés ! Il a donc raison, ce maître de la vigne, de mettre de l’exigence là où des laxistes laisseraient proliférer des parasites sous prétexte d’obtenir la paix sociale. Mais il a également raison, ce vigneron attentif qui demande et obtient un peu de patience avant de prendre la décision ultime.

Ainsi devrions-nous avoir un peu plus de patience et d’exigence conjuguées envers ceux  qui demandent le baptême pour leur enfant par exemple sans jamais participer à rien d’autre, envers ceux qui veulent se marier à l’église parce que « c’est plus beau qu’à la mairie », envers ces enfants qui viennent au caté une fois sur deux parce que leur famille s’en fiche etc.

S’il nous manque la patience du vigneron, prenons garde à ne pas devenir comme les scribes et les pharisiens qui « filtrent le moucheron mais avalent le chameau » (Mt 23,24).

S’il nous manque l’exigence du maître de la vigne, prenons garde à ce que le sel de nos communautés ne s’affadisse en n’organisant plus que des rituels folkloriques et vides de foi.

 

Qu’est-ce qui risque d’épuiser le sol aujourd’hui ?

abstrait aride Toile de fond Contexte marron argile climat fermer fissure désert détail saleté sale sécheresse sec poussière Terre environnement érosion extrême sol Grunge chaleur chaud boue Naturel la nature modèle Playa sol été surface texture Texturé fond d'écran échauffement- La multiplication des actes religieux, des rubriques liturgiques, des froufrous insignifiants et ridicules, alors quand alors que tant de gens ne connaissent pas le Christ et son Évangile !

- Le repli ecclésial sur un noyau identitaire, sociologiquement marqué C.S.P.+, éloigné des plus pauvres.

- Le manque de liberté pour oser contester les règles ecclésiales étouffant l’évangélisation.

- Le manque d’audace pour oser « passer aux barbares » et inculturer l’Évangile dans les mentalités scientifiques, technologiques, écologiques et économiques de ce siècle.

La liste n’est pas limitative : chacun de nous épuise le sol des autres lorsqu’il ne porte pas les fruits attendus…

 

Les autres « à quoi bon ? » bibliques

Dans la TOB (Traduction Oecuménique de la Bible), il n’y a que trois autres usages de ce soupir : « à quoi bon ? »

- Le premier est pour stigmatiser les rituels religieux trop extérieurs qu’Israël a pris l’habitude de multiplier en lieu et place d’une vie spirituelle authentique :

« À quoi bon m’offrir tant de sacrifices ? dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, j’en suis rassasié. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’en veux plus ». (Is 1,10)

IMG_1687-826x1024 découragement dans Communauté spirituelleLe peuple se cache derrière sa pratique rituelle pour éviter de s’exposer à la grâce… Un peu comme le figuier qui se cache derrière ses grandes feuilles sans produire de figues. L’analogie est d’ailleurs renforcée par l’autre usage des feuilles de figuier, celles qui servent à cacher la nudité d’Adam et Ève : « Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes » (Gn 3,7). Plutôt que de s’accepter pécheurs et de s’en remettre à Dieu, ils se dissimulent derrière leurs rites religieux pour éviter de s’exposer au regard de Dieu, nus tel que Dieu les a faits. D’ailleurs en hébreu, la feuille d’un arbre se dit  » alla « , ce qui monte; mais  » alla  » veut dire aussi ce qui monte vers Dieu, et a donné le mot  » le’ola  » qui signifie le sacrifice, l’holocauste. Jésus voit un figuier couvert de feuilles comme un homme plein d’actes religieux, de sacrifices, de bonnes œuvres faites dans le Temple. Jésus espère y trouver des fruits, de l’amour, mais il n’y en a pas et il promet à cet homme que si sa vie consiste uniquement à avoir une bonne conscience d’actes religieux, sa vie ne mènera à rien d’autre qu’à la mort.

Ainsi l’homme religieux se pare de pèlerinages, de messes, de médailles et de longues prières pour cacher à Dieu sa misère et éviter de s’exposer à lui en vérité. Les sacrifices d’animaux, les offrandes au temple, les vêtements ostensiblement religieux, les cierges accumulés au pied des statues, Isaïe comme Jésus les ont dénoncés comme une parodie de culte qui ne rend aucune gloire à Dieu :

« Doit-il être comme cela, le jeûne que je préfère, le jour où l’homme s’humilie ? S’agit-il de courber la tête comme un jonc, d’étaler en litière sac et cendre ? Est-ce pour cela que tu proclames un jeûne, un jour en faveur auprès du Seigneur ?

Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs » (Is 58, 5-6)

Quand Dieu se désespère : « à quoi bon supporter ses simulacres ? », il nous appelle en fait à nous laisser bêcher, fumer avec l’humilité qui est le fumier de la parabole, creuser par l’épreuve et la pénitence, pour enfin porter les beaux fruits de la foi.


- Le deuxième « à quoi bon ? » est celui de la foule qui juge inutile d’ennuyer Jésus avec la mort d’une enfant d’un chef de synagogue, Jaïre :

Jaïre agenouillé devant Jésus

 « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » (Mc 5,35)

Cet « à quoi bon ? » est désabusé : devant la mort apparente, rien ne tient, et tout espoir semble vain. Heureusement, Jaïre passera outre et, tel la veuve importune qui casse les oreilles du juge à grands cris, il n’aura de cesse de rencontrer Jésus et de lui parler de sa fille. Veillons donc à ce que les oiseaux de mauvais augure ne nous volent notre espérance sous prétexte de réalisme ou de raisonnable ! Comme Jaïre, il nous faudra parfois faire la sourde oreille pour ne pas donner crédit à la désespérance ambiante.

 

- Le troisième « à quoi bon ? » est celui des disciples indignés devant le gaspillage des Béthanie :

OnctionBethanie figuier« Or, quelques-uns s’indignaient : « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres » (Mc 14,4-5) disaient-il devant ce geste si inconvenant d’une femme impure caressant les pieds de Jésus avec un parfum de grand prix.

Cet « à quoi bon ? » est terriblement moderne : c’est le raisonnement froid des utilitaristes qui ne comprennent pas la puissance de la gratuité en ce monde, qui n’accordent aucune valeur à l’esthétique par rapport au droit ou à l’économique. C’est une forme de fermeture à l’esprit du don, au pur amour désintéressé et sans calcul. Dans son ardeur révolutionnaire, Judas a été séduit par cette dureté du cœur qui réduit l’argent à son utilité sociale au lieu de le mettre au service de l’amour, du beau et du vrai.

Ces trois « à quoi bon ? » sont très différents de celui du propriétaire de la vigne dans la parabole de figuier stérile. Mais les quatre font système, afin de conjuguer la patience et l’exigence dans notre responsabilité envers autrui, envers nous-mêmes.

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis » (Ex 3, 1-8a.10.13-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel. Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : ‘Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.’ Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : Je-suis’. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : ‘Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob’. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en d’âge. »

Psaume
(Ps 102 (103), 1-2, 3-4, 6-7, 8.11)
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
(Ps 102, 8a)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !

Car il pardonne toutes tes offenses
et te guérit de toute maladie ;
il réclame ta vie à la tombe
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur fait œuvre de justice,
il défend le droit des opprimés.
Il révèle ses desseins à Moïse,
aux enfants d’Israël ses hauts faits.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour ;
Comme le ciel domine la terre,
fort est son amour pour qui le craint.

Deuxième lecture
La vie de Moïse avec le peuple au désert, l’Écriture l’a racontée pour nous avertir (1 Co 10, 1-6.10-12)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, je ne voudrais pas vous laisser ignorer que, lors de la sortie d’Égypte, nos pères étaient tous sous la protection de la nuée, et que tous ont passé à travers la mer. Tous, ils ont été unis à Moïse par un baptême dans la nuée et dans la mer ; tous, ils ont mangé la même nourriture spirituelle ; tous, ils ont bu la même boisson spirituelle ; car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher, c’était le Christ. Cependant, la plupart n’ont pas su plaire à Dieu : leurs ossements, en effet, jonchèrent le désert. Ces événements devaient nous servir d’exemple, pour nous empêcher de désirer ce qui est mal comme l’ont fait ces gens-là. Cessez de récriminer comme l’ont fait certains d’entre eux : ils ont été exterminés. Ce qui leur est arrivé devait servir d’exemple, et l’Écriture l’a raconté pour nous avertir, nous qui nous trouvons à la fin des temps. Ainsi donc, celui qui se croit solide, qu’il fasse attention à ne pas tomber.

Évangile

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » (Lc 13, 1-9)
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
Convertissez-vous, dit le Seigneur, car le royaume des Cieux est tout proche. Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (Mt 4, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : ‘Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?’ Mais le vigneron lui répondit : ‘Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.’ »
Patrick BRAUD

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10 mars 2019

Transfiguration : le phare dans la nuit

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

TRANSFIGURATION : le phare dans la nuit


Homélie pour le 2° dimanche de Carême / Année C
17/03/2019

Cf. également :
Transfiguration : la métamorphose anti-kafkaïenne
Dressons trois tentes…
La vraie beauté d’un être humain
Visage exposé, à l’écart, en hauteur
Figurez-vous la figure des figures
À l’écart, transfiguré
L’alliance entre les morceaux
Le sacrifice interdit

Nous pouvons lire dans la Transfiguration du Christ la valeur et la densité de nos propres transfigurations.

Phare dans la nuitEh oui, nous aussi, chacun de nous – si nous y regardons bien – nous avons dans notre vie des petits Mont Thabor – ou des grands – des moments si clairs et si forts que rien n’en efface la trace, pas même le doute et l’épreuve après coup.
Réfléchissez : le sentiment fugitif de l’évidence de l’amour, ou celui de l’évidence de Dieu ne sont sans doute pas étrangers à votre histoire.
Un peu comme le navire qui, se battant contre une mer agitée, distingue soudain, au sommet d’une vague plus forte que les autres, le temps d’un éclair, la jetée du port qu’il faut rejoindre, ou l’éclat lumineux d’un phare qui commande le passage.
Vision si fugitive et si brève qu’une fois l’élan retombé on écarquille les yeux en se demandant si on n’a pas rêvé.
Mais vision fulgurante qui nourrit l’espoir et le combat dans la nuit.

La Transfiguration avant la Passion, c’est cet extraordinaire moment de lumière donné pour vivre la nuit ordinaire.

En préparant avec des jeunes leur mariage, j’ai toujours été frappé de la trace qu’ils portaient quelque part en eux d’un événement fondateur, d’un moment privilégié, d’un éblouissement qui les aidait à tenir bon. Et plus encore, en préparant des anniversaires de mariage – 30 ans, 40 ans, noces d’or ! – j’ai été impressionné par la mémoire toujours présente de ces grands moments de la vie de couple où il s’est passé quelque chose ; je revois encore mes grands-parents quand ils parcouraient ainsi les grands moments de leur vie commune :
« tu te souviens ? »
disait autrefois mon grand-père, et ma grand-mère répondait simplement : « oui ».
Et leur communion de regard et de silence en disait long.

Dans la vie professionnelle également, beaucoup pourraient témoigner de ces intuitions très fortes où l’on sent que l’on est dans la bonne direction, à sa vraie place.
Je pense par exemple à un ami qui, au lieu de choisir une carrière tranquille, a quitté sa confortable situation de salarié et a choisi d’essayer de sauver l’entreprise familiale, dont dépendaient plus de 100 familles.
Je pense à ce cadre, haut responsable, qui accepte de partir sur le terrain pour trouver les emplois qui compenseront la fermeture d’une usine, ou au neveu qui préfère partir au Mexique avec la Délégation Catholique à la Coopération plutôt que d’aller à New York pour un poste financier juteux. Malgré toutes les difficultés rencontrées, une certitude du cœur les habite, qui s’enracine dans quelques moments de lumière.

Vie de couple, de famille, responsabilité professionnelle : l’éblouissement du Christ en gloire nous traverse tout entiers, jusque dans notre relation à Dieu lui-même.

Transfiguration : le phare dans la nuit dans Communauté spirituelle 41KQXZRC3FL._SY445_SX342_Dans un livre qu’il faut absolument lire, Jean-François Six raconte comment Dieu est capable de retourner une vie en un instant.
Son livre s’intitule : « Dieu cette année-là ».
Cette année-là, c’est 1886.
Et 1886, c’est l’année des martyrs de l’Ouganda, de la conversion de Charles de Foucauld, de Paul Claudel, de Thérèse de Lisieux et de Maurice Blondel.
Quand ces témoins racontent, ils situent l’origine de leur aventure spirituelle et sont souvent capables de dire : « tel lieu, telle rencontre, telle date précise ».
Pour le jeune Charles de Foucauld, ce fut la rencontre avec l’abbé Huvelin, dans son confessionnal en octobre 1886 dans l’église St Augustin, à Paris. Il voulait disserter à la manière d’un mondain qu’il était sur les troubles de sa vie fortunée. L’abbé Huvelin lui ordonna de se mettre à genoux et de se confesser sans détours. Les larmes de Charles de Foucauld se confessant lui restèrent une source intarissable de courage pour faire corps avec les délaissés croisés au Maroc, les Touaregs à qui il consacra le meilleur de lui-même.

Pour Thérèse, ce fut au retour de la messe de Minuit chez elle à Lisieux. À onze ans, en entendant malgré lui son père pester contre l’obligation des cadeaux à faire aux enfants, elle prit conscience tout à coup que la petite voie, justement celle de l’enfance spirituelle, serait son chemin de croissance en Dieu.

Cette même nuit de Noël – dans laquelle décidément Dieu distribua ses coups de foudre – Paul Claudel est bouleversé. Il est à Notre Dame de Paris, et il précise : « près du second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c’est alors que se produisit l’événement qui domine toute ma vie. En un instant, mon cœur fut touché et je crus. Je crus d’une telle force d’adhésion, d’un tel soulèvement de tout mon être, d’une conviction si puissante que depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d’une vie agitée n’ont pu ébranler ma foi. » Claudel était rentré à Notre-Dame athée, il en est ressorti chrétien, sans bien savoir ce que cela voulait dire. Mais dans tous ses écrits il suit ce fil rouge du bouleversement inattendu qu’il appelle la grâce.

Une multitude de témoins pourrait vous raconter l’évènement fondateur de leur aventure spirituelle. Ainsi pour Ignace de Loyola : en 1521, les Français assiègent Pampelune. Ignace s’illustre parmi les défenseurs de la ville quand un boulet de canon lui broie la jambe et brise sa carrière. Il rentre au château familial sur un brancard. S’ennuyant ferme pendant sa convalescence, il dévore la vie des saints dans la bibliothèque de son château, et en sort complètement transformé, aspirant à servir la gloire de Dieu au service des hommes plutôt que sa propre gloire chevaleresque dans la noblesse de son temps.

Interrogez ceux et celles qui se sont lancés dans une aventure spirituelle – sans que l’on ne voie très bien de l’extérieur pourquoi ils s’y sont lancés – et ils vous raconteront souvent quelque part dans leur passé un Mont Thabor, une lumière qu’ils ont vu une fois. Et une fois suffit pour se mettre en route, comme Abraham, pour partir avec la seule certitude de cette rencontre ineffable.

Alors commence vraiment le chemin de conversion. Car c’est seulement en redescendant dans la plaine, à l’image de Pierre Jacques et Jean, qu’on vérifie si c’était une illusion ou une vraie rencontre. La vie ordinaire du couple met ainsi à l’épreuve ces éblouissements initiaux. Ceux qui n’étaient qu’illusion ou sentiment ne permettent pas de tenir la route. Ces mirages s’évanouissent  très vite devant la dure réalité de la vie commune.

Nos transfigurations, ce sont des évènements, souvent banals, plus rarement extraordinaires, mais toujours des évènements relus dans la foi, relus sans cesse, 10 ans, 20 ans, 50 ans après pour donner sens aux épreuves et aux obstacles qui nous envahissent comme la brume reprend possession de l’océan après la traversée lumineuse du phare.

La conversion n’est pas l’œuvre d’un instant, si beau, si fort soit-il. Elle à vivre toute notre vie durant, le Carême est là pour nous le rappeler. Car le véritable amour se vit dans la durée, non dans l’éblouissement d’un amour. Mais l’éblouissement nous est donné pour durer.

citation amour 30

Dans cette eucharistie, demandons au Seigneur de nous ouvrir les yeux pour discerner les « Mont Thabor » dont il a jalonné notre route.

Sachons en rendre grâce.
Puissions-nous y revenir souvent pour leur rester fidèles.

 

Lectures de la messe

Première lecture
Le Seigneur conclut une alliance avec Abraham, le croyant (Gn 15, 5-12.17-18)

Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là, le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux… » Et il déclara : « Telle sera ta descendance ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste.  Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t’ai fait sortir d’Our en Chaldée pour te donner ce pays en héritage. » Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que je l’ai en héritage ? » Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. » Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l’autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les cadavres, Abram les chassa. Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux tomba sur Abram, une sombre et profonde frayeur tomba sur lui. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les morceaux d’animaux. Ce jour-là, le Seigneur conclut une alliance avec Abram en ces termes : « À ta descendance je donne le pays que voici, depuis le Torrent d’Égypte jusqu’au Grand Fleuve, l’Euphrate. »

Psaume
(Ps 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14)
R/ Le Seigneur est ma lumière et mon salut.
(Ps 26, 1a)

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

C’est ta face, Seigneur, que je cherche :
ne me cache pas ta face.
N’écarte pas ton serviteur avec colère :
tu restes mon secours.

J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »

Deuxième lecture
« Le Christ transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux » (Ph 3, 17 – 4, 1)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Frères, ensemble imitez-moi, et regardez bien ceux qui se conduisent selon l’exemple que nous vous donnons. Car je vous l’ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont à leur perte. Leur dieu, c’est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne pensent qu’aux choses de la terre. Mais nous, nous avons notre citoyenneté dans les cieux, d’où nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux, avec la puissance active qui le rend même capable de tout mettre sous son pouvoir. Ainsi, mes frères bien-aimés pour qui j’ai tant d’affection, vous, ma joie et ma couronne, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

Évangile
« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre » (Lc 9, 28b-36)
Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur.
De la nuée lumineuse, la voix du Père a retenti : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait. Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Patrick BRAUD

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6 mars 2019

Brûlez vos idoles !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Brûlez vos idoles !

Homélie pour le 1° dimanche de Carême / Année C
10/03/2019

Cf. également :

Ne nous laisse pas entrer en tentation
L’île de la tentation
L’homme ne vit pas seulement de pain
Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe
Et plus si affinité…
Une recette cocktail pour nos alliances
Gravity, la nouvelle arche de Noé ?
Poussés par l’Esprit

 

Idoles à brûler

Au lieu de vous prosterner devant des faux-dieux, jetez-les au feu et devenez libres !

La 3° tentation de Jésus au désert nous met sur cette piste (Lc 4, 1-13) : « Prosterne-toi, adore, et tu auras la gloire, la puissance » dit Satan en personne. Et la réponse cinglante du Christ : « Arrière Satan ! » équivaut au feu de joie qui brûle les fausses images de Dieu.

On se souvient d’ailleurs que c’est par le même reproche cinglant : « Arrière Satan ! », que Jésus a obligé Pierre à se détacher d’une vision trop humaine de sa mission.

Pierre idolâtrait tellement le succès humain qu’il ne pouvait pas imaginer la Passion, celle du Christ, et encore moins la sienne. Jésus l’a aidé à brûler cette conception trop païenne du succès et de la gloire, jusqu’à accepter lui-même le martyre à Rome, crucifié la tête en-bas.

Brûlez vos idoles ! dans Communauté spirituelle Lapinbleu267C-Mc1_12.jpg1

Brûlez vos idoles !

Rappelez-vous : c’est ce que Moïse a fait au veau d’or (Ex 32).

En voyant que le peuple dansait devant un veau d’or, et l’adorait à la place du Dieu unique, il s’enflamma de colère. Il brisa les tables de la loi, car l’idole et la loi ne peuvent vivre ensemble. Il fit brûler le veau, le moulut en poudre fine, et en saupoudra la surface de l’eau qu’il fit boire aux Israélites.

Drôle de geste : boire l’or fondu de l’idole… mais geste prophétique d’avertissement : attention vous devenez ce que vous adorez, comme vous vous incorporez votre boisson et votre nourriture !
Choisissez devant qui vous vous prosternez car vous serez transformés en ce que vous adorez…
D’ailleurs, le mot adorer vient de ad-orum = porter à la bouche, c’est-à-dire manger et boire. En faisant boire au peuple l’or fondu de l’idole, Moïse leur faisait prendre conscience de la force négative des cultes idolâtriques. Voilà pourquoi nous buvons le sang du Christ au lieu de l’or du veau…

Nous devenons ce que nous adorons : faisons donc attention à ce qui gouverne nos choix de vie.

 buisson dans Communauté spirituelle

Brûlez vos idoles !

Quelles sont ces idoles qui risquent de nous pétrifier, de nous transformer à leur image ?
Quels sont ces « Satans », comme dit le Christ, qui risquent de nous détourner du seul vrai Dieu ?
Le mot Satan vient d’un mot hébreu qui veut dire « faire obstacle » et qui désigne en fait une barre de fer qui bloque un chemin, une barre qu’on glisse dans les roues d’un char pour le renverser.
Satan s’ingénie à mettre des bâtons dans les roues des croyants pour les détourner de Dieu.
Et son bâton privilégié, c’est l’idole : le culte des images.

Idolâtrer, c’est s’arrêter à l’image au lieu de remonter à la source de cette image,
c’est aimer les créatures sans aimer leur créateur ;
c’est embrasser quelqu’un sur une photo et l’ignorer en réel,
c’est préférer l’argent à la relation humaine,
c’est vouloir le pouvoir et vouloir le conserver au lieu de vouloir servir et le pouvoir pour servir. Marx dénonçait à juste titre la « réification des rapports sociaux » comme la grande idolâtrie du XIX° siècle. Peut-être la dématérialisation des relations humaines deviendra-t-elle la grande idole du XXI°… ?

http://fr.web.img5.acsta.net/c_215_290/medias/nmedia/18/35/57/73/18660716.jpgComment découvrir ce qui en ce moment joue le rôle d’idole pour chacun de nous ?
C’est assez simple. Examinez froidement, objectivement ce à quoi vous consacrez le plus d’énergie, ou de temps, ou d’argent.
Certains dépensent une énergie folle à soigner leur réputation auprès des autres.
D’autres consacrent un temps disproportionné à des activités dont ils deviennent finalement les esclaves : l’écran d’ordinateur, de la console de jeu, le sport, une mauvaise solitude faite de repli sur soi et d’isolement, le pouvoir…
D’autres encore claquent un fric fou pour des choses finalement futiles : les cigarettes, l’alcool, le sexe, les gadgets, la voiture, la mode…
Même la famille peut devenir une idole (demandez à la Maffia !)

Le Nouveau Testament met en garde contre toutes sortes d’idoles qui peuvent nous réduire en esclavage : l’argent (Mt 6,24), le vin (Tt 2,3), la volonté de domination du prochain (Col 3,5 Ep 5,5), la puissance politique (Ap 13,8), le plaisir, l’envie, la haine (Rm 6,19).
Même l’observance matérielle de la loi peut devenir idolâtrique (Ga 4,8) : les fondamentalistes et les traditionalistes de tout poil ne sont finalement que des idolâtres qui s’ignorent ! Ils chosifient le texte au lieu de laisser l’Esprit faire vivre le texte pour découvrir Dieu au-delà du verset.

Brûlez vos idoles !

Le problème, c’est qu’on y est attaché à nos petites statuettes divines intérieures !
On y tient à nos idoles !
On aime nos esclavages, comme Israël aimait les marmites d’Égypte pleines de viandes.
Le problème, c’est que le fruit de l’idolâtrie au départ semble savoureux, agréable, désirable, comme le disait la première lecture de la Genèse…
« C’est si bon que c’est presque un péché » disait fort justement une publicité…

Pour brûler nos idoles, il faut d’abord démasquer leur stratégie trompeuse : nous faire croire que c’est bon alors qu’elles nous empoisonnent.
Voilà pourquoi Moïse a fait fondre l’or du veau et l’a fait boire au peuple : pour qu’il goûte la véritable amertume que produit l’esclavage, et se détourne ainsi de ce poison qu’est l’appétissante idole… À l’inverse, le buisson ardent brûlait sans consumer, lui. Car l’amour ne détruit pas ceux qu’il enflamme, contrairement à « Satan ».

Quelquefois, il faut longtemps, très longtemps, avant que quelqu’un ne devienne écœuré de cette course aux idoles. Mais cela arrive. Des gens témoignent qu’ils ont failli se perdre dans la drogue, le sexe, l’argent ; et que maintenant ils ont la nausée à la simple évocation de leurs excès d’autrefois. « Comment ai-je pu me rouler à ce point dans la fange, pire qu’un cochon dans sa souille ? »

Le veau d'or

Brûlez vos idoles !

Voilà donc 40 jours pour discerner l’idole qui en ce moment est active en vous, le Satan qui vous met des bâtons dans les roues, le veau d’or qui vous laissera un goût amer à la bouche.
Débusquez votre idole intérieure.

Pour vous y aider, voici un petit exercice tout simple : choisissez un symbole de ce petit dieu de rien du tout qui vous accapare, écrivez son nom ou décrivez-le sur une feuille A4, enroulez-le autour d’une bûchette, gardez-le bien en évidence chez vous sous vos yeux jusqu’à Pâques, puis jetez-la dans le feu pascal (lors de la veillée) à la fin du Carême : ce peut être un mot (tabac, haine…), un objet (ex : un billet !), un dessin etc. Vous verrez : brûler ce qui nous brûle est très libérateur…

Pendant ce Carême, retrouvons ce que signifie le combat de Jésus au désert : adorer Dieu seul, pas les caricatures dérisoires des petits dieux de bazar, remplis de vanités…

Brûlons nos idoles, avant qu’elles ne nous consument…
feu_pascal.jpg

 

 Lectures de la messe

Première lecture
La profession de foi du peuple élu (Dt 26, 4-10)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu. Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse. Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage. Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions dans la misère, la peine et l’oppression. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte à main forte et à bras étendu, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges. Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. Et maintenant voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur. »

Psaume
(Ps 90 (91), 1-2, 10-11, 12-13, 14-15ab)

R/ Sois avec moi, Seigneur, dans mon épreuve. (cf. Ps 90, 15)

Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut
et repose à l’ombre du Puissant,
je dis au Seigneur : « Mon refuge,
mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »

Le malheur ne pourra te toucher,
ni le danger, approcher de ta demeure :
il donne mission à ses anges
de te garder sur tous tes chemins.

Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres ;
tu marcheras sur la vipère et le scorpion,
tu écraseras le lion et le Dragon.

« Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ;
je le défends, car il connaît mon nom.
Il m’appelle, et moi, je lui réponds ;
je suis avec lui dans son épreuve. »

Deuxième lecture
La profession de foi en Jésus Christ (Rm 10, 8-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, que dit l’Écriture ? Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons. En effet, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut. En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte. Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent. En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

Évangile
« Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté » (Lc 4, 1-13)
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »

Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »

Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Patrick BRAUD

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