L'homélie du dimanche (prochain)

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6 mars 2019

Brûlez vos idoles !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Brûlez vos idoles !

Homélie pour le 1° dimanche de Carême / Année C
10/03/2019

Cf. également :

Ne nous laisse pas entrer en tentation
L’île de la tentation
L’homme ne vit pas seulement de pain
Nous ne sommes pas une religion du livre, mais du Verbe
Et plus si affinité…
Une recette cocktail pour nos alliances
Gravity, la nouvelle arche de Noé ?
Poussés par l’Esprit

 

Idoles à brûler

Au lieu de vous prosterner devant des faux-dieux, jetez-les au feu et devenez libres !

La 3° tentation de Jésus au désert nous met sur cette piste (Lc 4, 1-13) : « Prosterne-toi, adore, et tu auras la gloire, la puissance » dit Satan en personne. Et la réponse cinglante du Christ : « Arrière Satan ! » équivaut au feu de joie qui brûle les fausses images de Dieu.

On se souvient d’ailleurs que c’est par le même reproche cinglant : « Arrière Satan ! », que Jésus a obligé Pierre à se détacher d’une vision trop humaine de sa mission.

Pierre idolâtrait tellement le succès humain qu’il ne pouvait pas imaginer la Passion, celle du Christ, et encore moins la sienne. Jésus l’a aidé à brûler cette conception trop païenne du succès et de la gloire, jusqu’à accepter lui-même le martyre à Rome, crucifié la tête en-bas.

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Brûlez vos idoles !

Rappelez-vous : c’est ce que Moïse a fait au veau d’or (Ex 32).

En voyant que le peuple dansait devant un veau d’or, et l’adorait à la place du Dieu unique, il s’enflamma de colère. Il brisa les tables de la loi, car l’idole et la loi ne peuvent vivre ensemble. Il fit brûler le veau, le moulut en poudre fine, et en saupoudra la surface de l’eau qu’il fit boire aux Israélites.

Drôle de geste : boire l’or fondu de l’idole… mais geste prophétique d’avertissement : attention vous devenez ce que vous adorez, comme vous vous incorporez votre boisson et votre nourriture !
Choisissez devant qui vous vous prosternez car vous serez transformés en ce que vous adorez…
D’ailleurs, le mot adorer vient de ad-orum = porter à la bouche, c’est-à-dire manger et boire. En faisant boire au peuple l’or fondu de l’idole, Moïse leur faisait prendre conscience de la force négative des cultes idolâtriques. Voilà pourquoi nous buvons le sang du Christ au lieu de l’or du veau…

Nous devenons ce que nous adorons : faisons donc attention à ce qui gouverne nos choix de vie.

 buisson dans Communauté spirituelle

Brûlez vos idoles !

Quelles sont ces idoles qui risquent de nous pétrifier, de nous transformer à leur image ?
Quels sont ces « Satans », comme dit le Christ, qui risquent de nous détourner du seul vrai Dieu ?
Le mot Satan vient d’un mot hébreu qui veut dire « faire obstacle » et qui désigne en fait une barre de fer qui bloque un chemin, une barre qu’on glisse dans les roues d’un char pour le renverser.
Satan s’ingénie à mettre des bâtons dans les roues des croyants pour les détourner de Dieu.
Et son bâton privilégié, c’est l’idole : le culte des images.

Idolâtrer, c’est s’arrêter à l’image au lieu de remonter à la source de cette image,
c’est aimer les créatures sans aimer leur créateur ;
c’est embrasser quelqu’un sur une photo et l’ignorer en réel,
c’est préférer l’argent à la relation humaine,
c’est vouloir le pouvoir et vouloir le conserver au lieu de vouloir servir et le pouvoir pour servir. Marx dénonçait à juste titre la « réification des rapports sociaux » comme la grande idolâtrie du XIX° siècle. Peut-être la dématérialisation des relations humaines deviendra-t-elle la grande idole du XXI°… ?

http://fr.web.img5.acsta.net/c_215_290/medias/nmedia/18/35/57/73/18660716.jpgComment découvrir ce qui en ce moment joue le rôle d’idole pour chacun de nous ?
C’est assez simple. Examinez froidement, objectivement ce à quoi vous consacrez le plus d’énergie, ou de temps, ou d’argent.
Certains dépensent une énergie folle à soigner leur réputation auprès des autres.
D’autres consacrent un temps disproportionné à des activités dont ils deviennent finalement les esclaves : l’écran d’ordinateur, de la console de jeu, le sport, une mauvaise solitude faite de repli sur soi et d’isolement, le pouvoir…
D’autres encore claquent un fric fou pour des choses finalement futiles : les cigarettes, l’alcool, le sexe, les gadgets, la voiture, la mode…
Même la famille peut devenir une idole (demandez à la Maffia !)

Le Nouveau Testament met en garde contre toutes sortes d’idoles qui peuvent nous réduire en esclavage : l’argent (Mt 6,24), le vin (Tt 2,3), la volonté de domination du prochain (Col 3,5 Ep 5,5), la puissance politique (Ap 13,8), le plaisir, l’envie, la haine (Rm 6,19).
Même l’observance matérielle de la loi peut devenir idolâtrique (Ga 4,8) : les fondamentalistes et les traditionalistes de tout poil ne sont finalement que des idolâtres qui s’ignorent ! Ils chosifient le texte au lieu de laisser l’Esprit faire vivre le texte pour découvrir Dieu au-delà du verset.

Brûlez vos idoles !

Le problème, c’est qu’on y est attaché à nos petites statuettes divines intérieures !
On y tient à nos idoles !
On aime nos esclavages, comme Israël aimait les marmites d’Égypte pleines de viandes.
Le problème, c’est que le fruit de l’idolâtrie au départ semble savoureux, agréable, désirable, comme le disait la première lecture de la Genèse…
« C’est si bon que c’est presque un péché » disait fort justement une publicité…

Pour brûler nos idoles, il faut d’abord démasquer leur stratégie trompeuse : nous faire croire que c’est bon alors qu’elles nous empoisonnent.
Voilà pourquoi Moïse a fait fondre l’or du veau et l’a fait boire au peuple : pour qu’il goûte la véritable amertume que produit l’esclavage, et se détourne ainsi de ce poison qu’est l’appétissante idole… À l’inverse, le buisson ardent brûlait sans consumer, lui. Car l’amour ne détruit pas ceux qu’il enflamme, contrairement à « Satan ».

Quelquefois, il faut longtemps, très longtemps, avant que quelqu’un ne devienne écœuré de cette course aux idoles. Mais cela arrive. Des gens témoignent qu’ils ont failli se perdre dans la drogue, le sexe, l’argent ; et que maintenant ils ont la nausée à la simple évocation de leurs excès d’autrefois. « Comment ai-je pu me rouler à ce point dans la fange, pire qu’un cochon dans sa souille ? »

Le veau d'or

Brûlez vos idoles !

Voilà donc 40 jours pour discerner l’idole qui en ce moment est active en vous, le Satan qui vous met des bâtons dans les roues, le veau d’or qui vous laissera un goût amer à la bouche.
Débusquez votre idole intérieure.

Pour vous y aider, voici un petit exercice tout simple : choisissez un symbole de ce petit dieu de rien du tout qui vous accapare, écrivez son nom ou décrivez-le sur une feuille A4, enroulez-le autour d’une bûchette, gardez-le bien en évidence chez vous sous vos yeux jusqu’à Pâques, puis jetez-la dans le feu pascal (lors de la veillée) à la fin du Carême : ce peut être un mot (tabac, haine…), un objet (ex : un billet !), un dessin etc. Vous verrez : brûler ce qui nous brûle est très libérateur…

Pendant ce Carême, retrouvons ce que signifie le combat de Jésus au désert : adorer Dieu seul, pas les caricatures dérisoires des petits dieux de bazar, remplis de vanités…

Brûlons nos idoles, avant qu’elles ne nous consument…
feu_pascal.jpg

 

 Lectures de la messe

Première lecture
La profession de foi du peuple élu (Dt 26, 4-10)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse disait au peuple : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu. Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C’est là qu’il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse. Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage. Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions dans la misère, la peine et l’oppression. Le Seigneur nous a fait sortir d’Égypte à main forte et à bras étendu, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges. Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. Et maintenant voici que j’apporte les prémices des fruits du sol que tu m’as donné, Seigneur. »

Psaume
(Ps 90 (91), 1-2, 10-11, 12-13, 14-15ab)

R/ Sois avec moi, Seigneur, dans mon épreuve. (cf. Ps 90, 15)

Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut
et repose à l’ombre du Puissant,
je dis au Seigneur : « Mon refuge,
mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »

Le malheur ne pourra te toucher,
ni le danger, approcher de ta demeure :
il donne mission à ses anges
de te garder sur tous tes chemins.

Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres ;
tu marcheras sur la vipère et le scorpion,
tu écraseras le lion et le Dragon.

« Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ;
je le défends, car il connaît mon nom.
Il m’appelle, et moi, je lui réponds ;
je suis avec lui dans son épreuve. »

Deuxième lecture
La profession de foi en Jésus Christ (Rm 10, 8-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, que dit l’Écriture ? Tout près de toi est la Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons. En effet, si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé. Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut. En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte. Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent. En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.

Évangile
« Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté » (Lc 4, 1-13)
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim. Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. » Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »

Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre. Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. » Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »

Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ; et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.
Patrick BRAUD

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3 mars 2019

Cendres : une conversion en 3D

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Cendres : une conversion en 3D

Homélie pour le Mercredi des Cendres / Année C
06/03/2019

Cf. également :

Cendres : soyons des justes illucides
Mercredi des Cendres : le lien aumône-prière-jeûne
Déchirez vos cœurs et non vos vêtements
Mercredi des cendres : de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile

La radieuse tristesse du Carême
Carême : quand le secret humanise
Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner
Le symbolisme des cendres


Les 3 manières de nous laisser convertir…

Les Cendres« Convertissez-vous et croyez à l’évangile » : cette phrase résonne en boucle ce Mercredi pendant la procession d’imposition des cendres dans nos églises. Cet appel relaie celui de Joël dans la première lecture (Jl 2, 12-18) : « revenez à moi de tout votre cœur », celui de Paul dans la deuxième ((2 Co 5, 20 – 6, 2) : « laissez-vous réconcilier avec Dieu », et celui de Jean-Baptiste au désert « proclamant un baptême de conversion » (Lc 3,3).

Mais qu’est-ce que se convertir ? Ou plutôt : se laisser convertir, car ce mouvement nous est donné plus que nous ne le produisons.

Le Nouveau Testament fait apparaître 3 types de conversion – qui sont encore les nôtres aujourd’hui – au titre de notre baptême, et les cendres du Carême nous y ramènent : retournement / redressement / accomplissement.

Illustrons à chaque fois la dimension de la conversion évoquée par la façon dont Charles de Foucauld l’a vécue, pour nous convaincre de la puissance de transformation symbolisée par la cendre sur nos fronts ou nos mains.

 

1) La conversion par retournement (comme une crêpe qu’on retourne en la faisant sauter dans la poêle !)

cadre _conversion.jpgLorsqu’un petit bout de chou apprend à faire du ski, sur les pentes de Serres-Chevalier ou du Mont d’Or, très vite il se heurte à une impasse : un mur de neige impraticable arrive tôt ou tard devant ses skis. Que faire ? Les moniteurs de ski nous apprenaient autrefois à effectuer une conversion : savante manœuvre (qu’il faudrait mimer !) où on tord une jambe pour qu’elle reparte en sens inverse, puis l’autre, à 180°.

Or, devenu adulte, je trouve que c’est une grande sagesse que de savoir reconnaître les impasses où je me suis enfermé, et d’avoir le courage de me retourner exactement à l’opposé.

Le baptême dans l’Esprit Saint est cette source de courage qui nous permet de dire non à des pentes suicidaires, qui nous appelle à effectuer une conversion radicale, par retournement.

Dans l’Évangile, c’est par exemple Zachée : il aimait tant l’argent, il voulait tant profiter de sa situation pour traverser la vie en 1ère classe. Il aura suffi que Jésus s’invite chez lui pour qu’il change du tout au tout, redistribuant l’argent volé, devenant fraternel…

À l’inverse, certains refusent cette conversion-là et persévèrent dans leurs impasses. Ainsi le criminel à la gauche de Jésus en Croix, qui jusqu’au bout ne veut pas se détourner du mal qui lui colle à la peau…

Charles de Foucauld a été ‘retourné comme une crêpe’ par Dieu lui-même :
+ du fêtard de l’école St Cyr (il avait toujours du foie gras et un bon sauternes sur sa table de nuit…) à l’ascète du désert,
+ du riche noble, cherchant à séduire, au moine caché de Nazareth cherchant ‘l’abjection de la croix’,
+ de l’agitation superficielle de son milieu social parisien à l’adoration eucharistique, silencieux moteur de sa vie au milieu du désert du Sahara.

Qu’y a-t-il en moi qui doive être retourné, pour que je devienne fidèle à l’Esprit de mon baptême ?

 

2) La conversion par redressement (comme un bâton tordu qu’on redresse pour s’appuyer dessus)

Je contemplais autrefois –  fasciné  - le maréchal-ferrant taper les fers des chevaux rougis au feu de braise. Avec dextérité, en maniant force et savoir-faire, il arrivait à détordre les fers, à les aplatir, à leur faire épouser la forme exacte du sabot du cheval…

MARECHAL-FERRANT, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI

L’Esprit de Dieu joue un peu au maréchal-ferrant avec nous : il redresse ce qui est tordu, nous embrase pour nous rendre malléables, nous ajuste à la forme divine qui est en nous.

Dans l’Évangile, la conversion par redressement c’est par exemple Lévi. Lévi, fonctionnaire des écritures fiscales, qui devient Matthieu, passionné de l’écriture de son Évangile sur Jésus. Il aura suffi que Jésus le voie à son bureau de douanes et lui dise : « suis-moi ». Et sa merveilleuse capacité d’écriture, il va maintenant la mettre au service du Christ.

À l’inverse, Pilate refusera finalement de réorienter la soif de vérité qui était la sienne : « qu’est-ce que la vérité ? » Au lieu de laisser Jésus l’emmener vers une vérité radicale, il en restera à une recherche désordonnée et finalement cynique.

Ainsi Charles de Foucauld devient Charles de Jésus, pour signifier qu’il ne veut recevoir sa noblesse que du Christ. Son réseau de relations mondaines et puissantes, il l’a utilisé pour lancer un appel à la solidarité et à la justice en faveur, de l’Algérie et du Maroc, alors colonies françaises. Il a comme « redressé » son capital culturel et relationnel pour le mettre au service des Touaregs, de manière authentiquement désintéressée.

Qu’y a-t-il en moi qui doive être redressé, pour que je devienne fidèle à l’Esprit de mon baptême ?

 

3) La conversion par accomplissement (comme une fleur qui s’épanouit)

C’est la plus belle. C’est le bourgeon qui s’épanouit en fleur, puis la fleur en fruit.
C’est l’attitude de milliers de personnes qui mettent leurs qualités, leur énergie, leur compétence, le meilleur d’eux-mêmes, au service de Dieu et de leurs frères.

Dans l’Évangile, c’est par exemple Nicodème, qui fait jouer sa culture, son érudition juive pour interroger Jésus pendant la nuit ; puis il fait jouer son appartenance au Sanhédrin pour plaider en sa faveur et réclamer un procès juste. Enfin il ose demander le corps de Jésus pour l’ensevelir.

Il y a aujourd’hui des milliers de justes qui osent aller jusqu’au bout de ce qu’ils portent en eux, quitte à prendre des risques. L’Esprit Saint leur donne d’accomplir leur vie en se mettant au service de Dieu et de leurs frères.

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À l’inverse, il est hélas possible de gâcher, de gaspiller ses talents les meilleurs en ne les poussant pas à l’accomplissement maximum. Pensez par exemple au jeune homme riche, si près du but, si proche de la communion intime avec le Christ, et qui n’ose pas aller jusqu’au bout du radicalisme évangélique. Il s’en alla tout triste…

Charles de Foucauld a accompli le meilleur de son héritage et de ses talents : sa passion d’explorateur du Maroc se réalise en plénitude dans son retour à Béni Abbés, puis à l’Assekrem en Algérie ; sa formation scientifique à St Cyr, il l’épanouira au service de la culture des Touaregs du désert : c’est lui qui a écrit le premier dictionnaire touareg, qui a fixé la grammaire, l’écriture de cette langue.

Qu’y a-t-il en moi qui aspire à s’accomplir en se laissant féconder par l’Esprit de mon baptême ?

 

Carême 2016 : 40 jours pour se convertirL’Esprit Saint nous donne de vivre en plénitude le baptême de conversion proclamé par Jean-Baptiste.
« Combler les ravins, et abaisser les collines »
, c’est se laisser retourner par l’appel du Christ.
« Rendre droits les sentiers tortueux »
, c’est accepter d’être redressé, appuyé sur le Christ.
« Préparer les chemins du Seigneur », c’est mobiliser mes énergies les plus vraies pour que s’accomplisse en moi sa venue.

Nous sommes maintenant invités à venir en procession recevoir les Cendres du Carême qui commence, temps de conversion du cœur et non seulement des lèvres.

Pour accueillir la Résurrection de Pâques en nous, acceptons de recevoir des mains d’un autre ce poussiéreux symbole de notre condition humaine appelée à porter la gloire du Vivant.

Que l’Esprit du Christ imprègne avec les cendres nos fronts offerts, qu’il fertilise notre désir de changer vraiment, et qu’il nous prépare au combat du Carême.

Seigneur, à quelle(s) conversion(s) m’appelles-tu ?…

 

Lectures du Mercredi des Cendres

1ère lecture : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (Jl 2, 12-18)
Lecture du livre du prophète Joël

Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et laisser derrière lui sa bénédiction : alors, vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu. Sonnez du cor dans Sion : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra- t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” »
Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.

Psaume : 50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché ! (cf. 50, 3)

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave- moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends- moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

2ème lecture : « Laissez- vous réconcilier avec Dieu.
Voici maintenant le moment favorable » (2 Co 5, 20 – 6, 2)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui- même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez- vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il dit dans l’Écriture : Au moment favorable je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut.

Evangile : « Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 1-6.16-18)

Acclamation : Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur.
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (cf. Ps 94, 8a.7d)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps- là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.

 Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

 Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
Patrick BRAUD

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10 février 2019

Les malheuritudes de Jésus

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 00 min

Les malheuritudes de Jésus


Homélie pour le 6° dimanche du temps ordinaire / Année C
17/02/2019

 Cf. également :

Le bonheur illucide
Aimer Dieu comme on aime une vache ?
La « réserve eschatologique »

Comment peut-on dire à quelqu’un : « malheur à toi ? » Ou pire encore : « maudit sois-tu ! » Nous sommes (relativement) à l’aise avec les quatre béatitudes de Luc dans l’Évangile aujourd’hui (Lc 6, 17.20-26). Mais on passe souvent sous silence les quatre « malheuritudes » (néologisme pour désigner le contraire des béatitudes) qui suivent : « malheur à vous les riches ! à vous riez ! à vous qui êtes repus ! à vous dont tout le monde dit du bien ! » Or la conception du texte montre que ces quatre déclarations de malheur, exactement symétrique des quatre béatitudes, sont nécessaires à l’ensemble pour qu’il y ait une alternative, un choix possible. C’est parce que cette version de Luc est plus dure, plus difficile à porter qu’elle est moins populaire que celle de Matthieu, avec ses huit belles et amples béatitudes sans contrepartie (Mt 5, 1-11). Or l’Évangile de Luc est à juste titre surnommé « l’Évangile de la miséricorde » : y aurait-il contradiction ?

Les malheuritudes de Jésus dans Communauté spirituelle 20080901173755_image_aujourdhuiSi on ne peut enlever ces lignes de Luc, c’est donc que déclarer « malheur ! » à quelqu’un fait partie intégrante de notre fonction prophétique d’aujourd’hui, et de la miséricorde que nous devons à notre époque. Sans tomber dans l’excès où nous ne deviendrions plus que des prophètes de malheur, il nous appartient de prendre au sérieux le tragique de l’existence, d’avertir quelqu’un/un groupe/un peuple du malheur qui va fondre sur lui s’il ne change rien. Car béatitudes et malheuritudes ne sont pas des récompenses ni des sanctions : ce sont des constats. Si vous êtes riches, vous avez déjà votre consolation : l’avenir ne vous apportera rien, votre malheur en sera immense. Si vous êtes repus alors que les autres ont faim, vous vous excluez vous-même de la table commune à laquelle tous seront invités. Si vous riez – et c’est souvent aux dépens des autres – vous endurcissez votre cœur en ne ressentant plus de compassion, et vous vous préparez un avenir glacé, amputé de la joie de communier aux autres. Si vous recherchez la renommée, la gloire, l’adulation, vous n’aurez plus la force de contrarier les puissants, de dénoncer les tyrans, de contester les injustices ; vous serez comme les faux prophètes n’annonçant aux princes que ce que les princes ont envie d’entendre…

François Clavairoly, Président de la Fédération protestante de France, fait ainsi le diagnostic du malheur qui s’abat sur Judas après la Cène :

autun-cap017-t béatitude dans Communauté spirituelle« De même, Judas, dans le récit de l’évangile, n’est condamné par quiconque. À l’inverse de Pierre qui n’est pas pris de remord alors qu’il vient sans vergogne de renier son maitre, Judas veut revenir sur sa décision et rendre l’argent de la trahison, il veut faire marche arrière, mais il ne se pardonnera pas son geste ni n’attendra aucun pardon et il se perdra lui-même. Judas est plongé, piégé lui-aussi  dans son malheur, et il s’y noiera, comme Jésus l’avait pressenti  au moment du dernier repas en disant, sans le nommer, d’ailleurs : « Malheur à cet homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux eût-il  valu pour lui qu’il ne fût pas né, cet homme-là »

Le suicide est un geste, comme je le disais, placé sous le signe du malheur. Non pas de la malédiction, car alors Dieu prononcerait un verdict de jugement,  mais, pour employer un mot qui n’existe pas et qui dit exactement l’inverse de la béatitude, Judas est sous l’emprise d’une « malheuritude » qui l’enferme et il se perd lui-même, seul, dans sa propre nuit d’une responsabilité trop lourde à porter et que personne ne veut partager autour de lui. » [1]

Dire « malheur à vous ! » est dans la bouche de Jésus un acte d’amour : c’est l’avertissement – porteur de salut – que la voie choisie par certains est une forme de suicide, une impasse, et ne peut que les mener au malheur.

vanner%2B2 malheurJérémie pratiquait cette arme prophétique (première lecture : Jr 17,5-8) : « maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel tandis que son cœur se détourne du Seigneur : il ne verra pas venir le bonheur ». Transposez cette remarque à la construction européenne par exemple, et vous aurez une idée des ennuis qui vont vous tomber dessus comme ils ont plu sur Jérémie…

Le psaume 1 reprend cette même pédagogie de l’avertissement : « les méchants sont comme de la paille balayée par le vent ; leur chemin se perdra ». C’est là encore un constat désolé et non une condamnation. C’est l’adolescent délinquant qu’on secoue par les épaules avec amour pour lui dire : « réveille-toi, tu es en train de te perdre toi-même ». C’est l’ami confident qui ose reprocher à son ami ses infidélités conjugales, faute de quoi sa famille va dans le mur. C’est plus trivialement le panneau : « attention danger ! » avec une tête de mort qui avertit le promeneur trop curieux qu’il entre dans une zone militaire, un générateur haute tension ou une route effondrée, avec beaucoup de risques et de périls. Ce sont les phrases et photos terribles sur les paquets neutres de cigarettes : « fumer tue ». Et Paul dans la deuxième lecture  (1 Co 15, 12-20) avertit les Corinthiens baptisés : « si nous avons mis cet espoir dans le Christ pour cette vie-ci seulement, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes ». Rétrécir l’espérance chrétienne au bien-être dans cette vie-ci nous empêche finalement d’accueillir la vie éternelle promise en Christ au-delà de la mort.

« Malheur à vous… » : Luc et Matthieu sont d’ailleurs spécialistes de cette formule-choc destinée à sortir l’aider de sa torpeur spirituelle, de sa complicité avec le mal.

Mais malheureux êtes-vous, Pharisiens, vous qui versez la dîme de la menthe, de la rue et de tout ce qui pousse dans le jardin, et qui laissez de côté la justice et l’amour de Dieu. C’est ceci qu’il fallait faire, sans négliger cela.
Malheureux êtes-vous, Pharisiens, vous qui aimez le premier siège dans les synagogues et les salutations sur les places publiques.
Malheureux, vous qui êtes comme ces tombes que rien ne signale et sur lesquelles on marche sans le savoir.
Vous aussi, légistes, vous êtes malheureux, vous qui chargez les hommes de fardeaux accablants, et qui ne touchez pas vous-mêmes d’un seul de vos doigts à ces fardeaux.
Malheureux êtes-vous, légistes, vous qui avez pris la clé de la connaissance: vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et ceux qui voulaient entrer, vous les en avez empêchés. (Lc 11, 42-44.46.52)

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Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez ce qu’il y a de plus grave dans la Loi: la justice, la miséricorde et la fidélité; c’est ceci qu’il fallait faire, sans négliger cela.
Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui purifiez l’extérieur de la coupe et du plat, alors que l’intérieur est rempli des produits de la rapine et de l’intempérance.
Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et d’impuretés de toutes sortes (Mt 23,22.25.27).

L’être humain est ainsi fait : si personne ne l’avertit à temps de ses dérives dangereuses, il est capable de s’enfermer lui-même dans un malheur sans fin. Il aurait fallu plus de ces prophètes de malheur pour empêcher la cupidité bancaire de déclencher la crise de 2008, pour détourner les musulmans de l’islamisme, pour éviter les explosions de colère des oubliés un peu partout en Europe…

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Au nom de notre vocation prophétique, nous ne pouvons pas renoncer à diagnostiquer et rendre public le malheur en train de préparer sa venue et sa domination.

Ce faisant, nous perdrons sans aucun doute l’estime de beaucoup. Nous serons peut-être haïs, insultés, méprisés – selon les mots des Jésus – car nous heurterons de front des intérêts et des idéologies extrêmement puissantes et répandues.

Ce faisant, nous découvrirons que les quatre béatitudes font système, comme hélas les quatre malheuritudes symétriques. Impossible en effet de résister aux attaques sans avoir un cœur de pauvre qui met son espérance en Dieu et non dans les mortels. Impossible de dénoncer l’injustice sans en payer le prix d’une manière ou d’une autre, sans éprouver la faim, sans pleurer devant le mal progressant sous nos yeux.

Le malheur déclaré à l’autre (« malheur à vous ! ») n’est jamais que l’heure du mal (mal-heur), la conséquence implacable de sa liberté humaine. Pourtant, par essence, cette déclaration est réversible : « si tu changes de voie, alors le malheur s’éloignera de toi ». Et par essence, cette déclaration témoigne de l’attachement à l’autre, sinon on laisserait se perdre en pensant : « bien fait pour lui, je m’en fiche ». Eh bien non ! Comme la correction fraternelle obligeant à révéler un péché à son frère, la malheuritude est le fruit d’un amour inquiet de la perdition de l’autre.

Comment retrouver aujourd’hui cette force de contestation prophétique ?

Peut-être en commençant par se l’appliquer à soi-même, à l’image de Paul : « malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1Co 9,16). Chacun de nous peut décliner cette malheuritude pour lui-même : « malheur à moi si j’oublie ceci, si je m’éloigne de cela, si je deviens complice de…. »

mt14l2233webEnsuite, nous aurons besoin de nous enraciner longuement en Dieu avant de constater telle ou telle menace sur le bonheur humain. C’est après avoir descendu de la montagne que Jésus enseigne les foules : c’est donc que l’intimité avec Dieu (lors de sa solitude en montagne auparavant) nourrit sa parole démasquant les impasses malheureuses. À parler trop vite, nous risquerions de n’être le porte-voix que de notre ego ou de nos idéologies trop humaines. Sans cette intense fréquentation de l’Esprit de discernement, à travers la prière, l’étude biblique, le silence, l’écoute des événements, nous resterons prisonniers de ce que nous prétendons dénoncer.

Reste que le devoir d’annoncer l’Évangile, à temps et à contretemps, nous fera nous aussi comme le Christ proclamer : « malheur à vous si… », avec les conséquences que cela entraîne.

N’ayons pas peur d’assumer ce rôle prophétique, en politique ou en entreprise, entre voisins ou entre membres d’une association. Car notre bonheur est de voir l’autre (et nous-mêmes !) se détourner du malheur annoncé…

 


[1]. Cf. Le suicide : éléments de réflexion dans une perspective protestante (27 janvier 2016) :  http://www.protestants.org/index.php?id=34057#_msocom_1

 

 

Lectures de la messe

 Première lecture
« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur :
Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable.
Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.

Psaume
(Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
(Ps 39, 5a)

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants,
qui ne suit pas le chemin des pécheurs,
ne siège pas avec ceux qui ricanent,
mais se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira.

Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent.

Le Seigneur connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perdra.

Deuxième lecture
« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.

Évangile
« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia.
Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel.
Alléluia. (Lc 6, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Patrick BRAUD

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10 septembre 2018

Le vertige identitaire

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le vertige identitaire

 

Homélie pour le 24° dimanche du temps ordinaire / Année B
16/09/2018

Cf. également :

Yardén : le descendeur
Prendre sa croix
Croire ou agir ? La foi ou les œuvres ?
Faire ou croire ?
Jésus évalué à 360°
De l’art du renoncement
C’est l’outrage et non pas la douleur
Prendre sa croix chaque jour


Qui suis-je ?

Le vertige de cette question ne vous a-t-il jamais effleuré ?

Le doute sur votre identité la plus personnelle ne vous a-t-il jamais troublé ? Sous un ciel de nuit constellée d’étoiles, la conscience de notre fragilité peut nous faire crier d’émerveillement : « qu’est-ce que l’homme, Seigneur, pour que tu penses à lui ? » (Ps 144,3) ou au contraire de désespoir : « l’homme n’est qu’une herbe changeante. Le matin elle fleurit ; le soir elle est fanée, desséchée » (Ps 90,5-6).


L’avis des autres

Tout Fils qu’il est, Jésus lui aussi a dû se battre avec cette question existentielle, d’autant plus lancinante pour lui qu’elle touchait à une double raison d’être : en Dieu, et parmi les hommes. Lorsqu’il demande à ses disciples : « pour vous, qui suis-je ? » à Césarée de Philippe, on peut y entendre l’écho de cette quête intérieure, et l’on devine que les trente  années à Nazareth ont été largement habitées par cette interrogation.

Ce n’est pas un examen scolaire qu’il ferait passer à ses lieutenants : « qui a la bonne réponse ? » C’est vraiment l’aide qu’un ami demande ses amis : « pouvez-vous me dire ce que vous percevez de moi ? J’en ai besoin pour intégrer vos avis dans la conscience que j’ai de moi-même. »

Dessin-PiemRecueillir les opinions des autres sur moi, croiser leur regard sur ma personnalité : tout bon coach d’entreprise vous fera faire une tonne d’exercices là-dessus, et vous livrera des dizaines de recettes pour devenir plus performant au boulot grâce à ces techniques de développement personnel. Cela n’est peut-être pas inutile. Mais il est question de bien autre chose ici : Jésus, conscient que sa Passion approche, veut être ré-assuré sur ses appuis fondamentaux, sinon la violence, l’exclusion et la dérision le feront chanceler et  trahir.

Qui suis-je pour juger ?Ceux qui ne se posent jamais cette question deviennent froids et insensibles. Hitler y avait répondu trop vite en s’imaginant une fois pour toutes dans son délire être le Messie aryen d’un homme nouveau pour une Europe nouvelle. Staline a hésité, notamment les jours suivant l’invasion de la Russie par les troupes nazies où il pensait démissionner. Mais ses camarades du Politburo lui ont répondu : « tu es le seul chef du parti, le seul sauveur de la mère patrie ». La folie d’Hitler l’isolait de ses proches et l’empêchait d’écouter ce que ses généraux ou autres allemands réalistes voulaient lui transmettre. Le système communiste à l’inverse a statufié Staline dans son personnage historique et il a hélas endossé ce rôle à l’extrême.
« Qui suis-je pour ordonner la solution finale ? » « Qui suis-je pour déporter au goulag par millions ceux qui s’opposent à moi ? » S’ils s’étaient posé ce genre de questions, avec lucidité et conscience droite, aidés par de vrais amis leur apportant des éléments de réponse objective, ils n’auraient peut-être pas basculé dans leur folie destructrice…

Même les monarques absolus en France avaient leur bouffon, et le bouffon du roi avait  toute liberté pour faire remonter au souverain ses travers, ses erreurs, ses défauts… « Pour qui te prends-tu ? Tu veux jouer à Dieu sur terre, alors que tu n’es qu’un Bourbon mal fini ! » « Qui es-tu pour te prendre pour le soleil en personne ? »
Un esclave accompagnait toujours l’empereur romain qui défilait triomphalement dans les rues de Rome après une victoire : « souviens-toi que tu es mortel », devait-il lui murmurer sans cesse à l’oreille derrière lui tout en tenant la couronne de lauriers, afin de lui éviter la démesure (hybris en grec) en se prenant pour un autre que lui-même.


Le silence et la solitude, à l’écart

Le vertige identitaire dans Communauté spirituelle jesusdesert-homme-vision2Jésus n’avait pas que l’enquête auprès de ses disciples pour mieux cerner son identité personnelle. Les évangélistes le mentionnent souvent aller à l’écart, rester seul une partie de la nuit, prier sur la montagne ou au désert. Nul doute que ces moments de silence et de solitude ont été déterminants pour sa réponse.

N’espérons pas nous non plus savoir qui nous sommes sans prendre ce temps du retrait, silencieux et solitaire. C’est la distance nécessaire à prendre pour décoller de nos œuvres, pour ne pas nous identifier à nos actes, pourrait trouver en nous le souffle si subtil de l’Esprit de Dieu, notre intime.

Celui qui ne fait qu’agir ressemblera très vite à l’un de ces canards à qui on a coupé le cou et qui continue à courir en tous sens. Le véritable homme d’action sait ne rien faire, a appris à banaliser des plages de son agenda pour n’avoir rendez-vous qu’avec lui-même. Il sait que lire, marcher, philosopher, méditer seul face à la nature ou la table de son écritoire est indispensable pour ne pas se dessécher et se vider jusqu’à devenir creux.


Les Écritures

-careme2017-lapinbleu-40dimanche6bL’avis des autres, la solitude et la prière… : Jésus a également appris qui il était en scrutant les Écritures comme les juifs le font depuis des millénaires. Il a chanté les cris des psaumes ; il s’est reconnu dans le Serviteur souffrant d’Isaïe dont notre première lecture (Is 50, 5-9) nous donne un portrait de résistant non-violent que Jésus fera sien (« je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats… »). Il a découvert l’attente messianique d’Israël et chaque fibre de son être a vibré au portrait des prophètes, jusqu’au grand prophète espéré depuis Moïse.

N’espérons pas savoir qui nous sommes en réalité, devant Dieu, sans scruter les Écritures avec le Christ. Certains textes nous bouleverseront tant que rien ne sera plus comme avant. Certains passages nous brûleront au fer rouge, et leur marque nous accompagnera dans nos choix de vie mieux qu’un tatouage ou un matricule. La petite musique biblique deviendra notre toile de fond sur laquelle nous peindrons nos paysages. La Bible est un révélateur de l’identité de chacun. Elle nous dit qui nous sommes. Elle me renvoie mon image, contrastée  et multiple.

 

Nos compagnons de route, le silence dans la solitude, la Bible scrutée avec passion : voilà au moins trois pistes pour creuser cette question à laquelle nous n’avons jamais répondu définitivement : « qui suis-je ? » Comme l’écrivait Rilke à un jeune poète, le plus important n’est peut-être pas la réponse, mais le fait même de se laisser habiter et transformer par cette question mystérieuse.

Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes, chacune comme une pièce qui vous serait fermée, comme un livre écrit dans une langue étrangère. Ne cherchez pas pour le moment des réponses qui ne peuvent vous être apportées, parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique, les « vivre ». Et il s’agit précisément de tout vivre.
Ne vivez pour l’instant que vos questions.
Peut-être, simplement en les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement, un jour, dans les réponses.
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète, Lettre n° 4 du 16/07/1903.

D’ailleurs, lorsque Dieu lui-même doit parler suite à la question de Moïse sur son identité : « qui es-tu ? », sa réponse n’en est pas vraiment une. YHWH : je serai qui je serai… Autrement dit : ne cherche pas à m’enfermer dans un nom, une identité close. Ne crois pas me connaître en m’appelant Adonaï, El Shaddaï, Seigneur ou Allah (d’ailleurs, le Tétragramme YHWH ne se prononce pas, car nul n’a prise sur l’identité divine). Marche humblement avec moi et tu verras en cours de route qui je suis.

Prenons le temps cette semaine de poser cette question de confiance à un proche, un collègue : « pour toi, qui suis-je ? »

 

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient » (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?

Psaume
(Ps 114 (116 A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. ou : Alléluia ! (Ps 114, 9)

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
 retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort, 
gardé mes yeux des larmes
 et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.

Deuxième lecture
« La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »

Évangile
« Tu es le Christ… Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup » (Mc 8, 27-35) Alléluia. Alléluia.
Que la croix du Seigneur soit ma seule fierté ! Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Alléluia. (Ga 6,14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne. Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Patrick BRAUD

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