L'homélie du dimanche (prochain)

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15 septembre 2024

Apprendre à battre la chamade

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Apprendre à battre la chamade


Homélie pour le 25° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
22/09/24

Cf. également :

Agir sans comprendre, interroger sans contraindre
Dieu s’est fait infâme
La jalousie entre nature et culture
Jesus as a servant leader
« J’ai renoncé au comparatif »
C’est l’outrage et non pas la douleur
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Un roi pour les pires
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite

 

Il faut sauver la poule aux yeux d’or !

Apprendre à battre la chamade dans Communauté spirituelle« Toujours plus ! » : le titre d’un best-seller (1984) de François de Closets convient bien à la deuxième lecture de ce dimanche (Jc 3,16–4,3) : « Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ».

La convoitise ici dénoncée par Jacques semble par nature insatiable : le riche veut être toujours plus riche, le puissant veut toujours plus de puissance, le leader toujours plus de gloire etc. Poutine veut avaler l’Ukraine, puis ce sera Kaliningrad, les Balkans… La Chine a  digéré Hong Kong et veut se repaître de Taiwan. Les multinationales rachètent leurs concurrents pour maintenir leur quasi-monopole. Avec un peu de lucidité, chacun peut reconnaître qu’il n’échappe pas à cette course au « toujours plus » : plus d’argent, de reconnaissance, de consommation ou d’épargne, d’amour ou d’étourdissement etc. « Plus on obtient, plus on désire », écrivait Jean-Jacques Rousseau au XVIII° siècle.

Quitte d’ailleurs à se brûler les ailes en plein vol ! La Fontaine avait bien croqué le côté suicidaire de la convoitise effrénée, en reprenant (en 1668) la vieille fable d’Ésope sur la poule aux œufs d’or :

la poule aux oeufs d'orL’avarice perd tout en voulant tout gagner.

Je ne veux, pour le témoigner,

Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,

Pondait tous les jours un œuf d’or.

Il crut que dans son corps elle avait un trésor.

Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable

À celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,

S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.

Belle leçon pour les gens chiches :

Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus

Qui du soir au matin sont pauvres devenus

Pour vouloir trop tôt être riches ? 

 

Tuer la poule aux œufs d’or est pourtant une conduite absurde suivie aveuglément de par le monde. À trop produire, et mal, les industries vont tuer l’équilibre climatique nécessaire à notre survie ; à trop convoiter le territoire de l’autre, l’Europe s’est déjà autodétruite dans trois guerres dévastatrices aux millions de morts ; à trop vouloir le pouvoir, les partis politiques se sabordent eux-mêmes et préparent le chaos. Etc.

Jacques a raison : les guerres naissent de la convoitise, les conflits se nourrissent de la jalousie, l’injustice émerge du désordre et des rivalités.

 

Pourtant, il nous est impossible de vivre sans désirer ! Sommes-nous alors condamnés à périr de ce qui nous fait vivre ? Comment sauver la convoitise du piège qu’elle se tend à elle-même ?

 

La convoitise biblique

Le terme grec utilisé par Jacques est πιθυμω (epithumeo). Il est employé 16 fois dans la Bible grecque (LXX + NT). En hébreu, l’équivalent est le mot חָמַד (chamad). On le trouve 21 fois dans l’Ancien Testament hébreu. Quand on examine ces usages en grec ou en hébreu, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas toujours connotés négativement.

 

a) La convoitise heureuse, ou le désir du bien

tableau-le-jardin-des-delices-detail-du-panneau-de-gauche- chamade dans Communauté spirituelleIl y a une sainte convoitise biblique. Dès la Genèse, la création est désirable, un vrai jardin des délices : « Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable (chamad) et aux fruits savoureux » (Gn 2,9).
Ensuite, la Loi et ses 613 commandements sont pour les juifs un trésor à convoiter plus que toutes les richesses matérielles, « plus désirables (chamad) que l’or, qu’une masse d’or fin, plus savoureuses que le miel qui coule des rayons » (Ps 18,11). Symétriquement, YHWH est pris de désir pour Jérusalem et convoite d’y établir avec le Temple le signe de sa présence : « Pourquoi, montagnes aux cimes nombreuses, avez-vous de l’envie contre la montagne que Dieu a voulue (chamad) pour résidence ? » (Ps 67,16-17). C’est à cette passion amoureuse de Dieu pour son peuple que fait écho le chant d’amour de la bien-aimée du Cantiques des cantiques : « Comme un pommier entre les arbres de la forêt, ainsi mon bien-aimé entre les jeunes hommes. J’ai désiré (chamad) son ombre et je m’y suis assise : son fruit est doux à mon palais » (Ct 2,3).

La convoitise amoureuse – à distinguer de la concupiscence charnelle – peut donc nous révéler le désir de Dieu pour son peuple (toujours féminin en hébreu) : « ma fille, le roi sera séduit (chamad) par ta beauté. Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui » (Ps 44,12).

 

Les traductions remplacent d’ailleurs convoitise par désir lorsque Dieu en est l’auteur, ou lorsqu’elle vise un but noble et beau. Ainsi le Christ lui-même désire ardemment manger la Pâque avec ses amis avant de souffrir sa Passion : « j’ai désiré d’un grand désir (epithumeo) manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22,15). La convoitise est ici cette tension de tout l’être où nous nous engageons pour communier à l’autre, dans l’amour et le service. Avec humour, on peut relever que cette volonté de servir peut aller jusqu’à convoiter… une élection épiscopale : « si quelqu’un aspire à la charge d’évêque, c’est une belle tâche qu’il désire (epithumeo) » (1Tm 3,1) ! Il ne s’agit plus alors de faire carrière dans l’Église, mais d’aller au bout du don de soi. Confier de hautes responsabilités à quelqu’un qui n’aurait pas cette soif de servir serait extrêmement dangereux (en politique ou en entreprise comme en Église !).

 

Cette convoitise vaut également pour souhaiter et favoriser la réussite de l’autre indépendamment de la mienne : « Notre désir (epithumeo) est que chacun d’entre vous manifeste le même empressement jusqu’à la fin, pour que votre espérance se réalise pleinement » (He 6,11). Convoiter le succès d’autrui, c’est désirer qu’il aille jusqu’au bout de son désir le plus vrai. La convoitise heureuse est orientée vers la fin, vers l’accomplissement de toutes choses, ce qui lui évitera de s’enfermer dans des réalités avant-dernières : « Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré (epithumeo) voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » (Mt 13,17). Même les anges partagent cette envie irrésistible de voir le dévoilement ultime : « même des anges désirent (epithumeo) se pencher pour scruter ce message » (1P 1,12).

 

Saint+Augustin+-+Dieu+fait+attendre+pour+%25C3%25A9tendre+notre+d%25C3%25A9sir concupiscenceVoilà donc un premier inventaire étonnant : lorsqu’elle vise le bien, lorsqu’elle émane de Dieu ou de l’homme droit, la convoitise devient heureuse, et elle se mue en « un saint désir », comme nous y appelait Saint-Augustin :

Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu dois voir, d’être comblé.

Il prenait l’image d’un sac à agrandir pour y accueillir le plus possible des dons de Dieu :

Supposons que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l’étendant, tu en augmentes la capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, il étend l’âme ; en étendant l’âme, il la rend capable de recevoir.

Désirons donc, mes frères, parce que nous devons être comblés

Augustin : Sermon sur la 1ère Lettre de Jean, 4, 6

Apprenons à élargir l’espace de notre « saint désir » le plus vrai…

 

b) La convoitise mortifère, ou le désordre des désirs

Les autres usages bibliques du mot convoitise (epithumeo, chamad) sont plutôt négatifs, comme en français. Convoiter le fruit de l’arbre interdit (de la connaissance du bien et du mal) va pousser Ève et Adam à se couper de la communion d’avec YHWH. Mettre la main sur le fruit désiré, se l’approprier au lieu de le recevoir de la main du Tout-Autre, c’est remplacer le don par la prédation violente. L’humanité prédatrice est celle qui convoite au lieu de recevoir. C’est même devenu proverbial : « Le méchant convoite (chamad) ce que prennent les méchants » (Pr 12,12). Le mimétisme répand la prédation comme une tâche d’huile dans la société humaine.

 

-careme2012-lapinbleu-19dimanche3.-1Artiste convoitiseD’où l’interdiction fondatrice qui est répétée maintes et maintes fois dans l’Ancien Testament : « tu ne convoiteras pas (chamad) ni les biens de quelqu’un, ni sa femme ». (Ex 20,17 ; Dt 5,21). Car convoiter une chose, c’est déjà l’avilir. Mais convoiter quelqu’un, c’est l’avilir deux fois : en le réduisant au rang d’un objet, et un objet pris de force : « S’ils convoitent (chamad) des champs, ils s’en emparent ; des maisons, ils les prennent ; ils saisissent le maître et sa maison, l’homme et son héritage » (Mi 2,2).

 

La convoitise conduit à l’adultère, qu’elle soit conjugale ou spirituelle, et cette infamie devient un feu dévorant pour ceux qui s’y adonnent : « Si mon cœur a été séduit par une femme et si j’ai guetté à la porte du voisin, que ma femme tourne la meule pour autrui et que d’autres la possèdent ! Car c’est une infamie, une faute relevant des juges ; oui, c’est un feu qui dévore jusqu’à l’abîme, capable de détruire à la racine toute ma récolte »  (Jb 31,9–12). Jésus lui-même sera intransigeant sur la convoitise masculine qui réduit les femmes un objet de plaisir : « Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise (epithumeo) a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur »  (Mt 5,28). Et Paul appelle « chair » tout ce qui contredit l’Esprit : « Car les convoitises (epithumeo) de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez » (Ga 5,17). Parce qu’elle veut annexer l’autre ou ses biens, la convoitise de la « chair » est contre le contraire d’une relation de communion, œuvre de l’Esprit..

 

On se souvient qu’au désert, la relation d’Alliance avec YHWH fut rompue par l’avidité gloutonne des mangeurs de cailles (Nb 11,31-34). Ils en ramassèrent tant – au lieu de recevoir leur ration quotidienne – et se goinfrèrent tant qu’ils en moururent. Car ces ‘cailles tueuses’ avaient avalé des graines de ciguë, inoffensives pour elles, mais mortelles pour les gros mangeurs cédant à leur convoitise : « On appela ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11,34). Voilà ce que constate Moïse, et Jésus à sa suite : la convoitise conduit au tombeau lorsque qu’elle ne vise plus le bien, le beau ou le vrai.

 

Jacques dans notre deuxième lecture parle du « désordre engendré par les rivalités et les jalousies ». Avec la concupiscence, le désir fait désordre ; et c’est le désordre des désirs qui égare l’être humain en quête de bonheur.

Ainsi dans notre Évangile  (Mc 9,30-37), les disciples discutent entre eux pour savoir qui est le plus grand. La concupiscence du pouvoir exerce sa fascination sur tous, même dans l’Église, depuis le début ! Renoncer à ce savoir (« qui est le plus grand ? ») est la condition préalable pour devenir « le serviteur de tous ». La confession de non-savoir mène à la grandeur illucide, c’est-à-dire non consciente d’elle-même. Jésus nous ne nous invite pas à renoncer à la grandeur, mais à renoncer à savoir si nous sommes grands ou pas…

Ne pas convoiter titres, médailles, honneurs, décorations etc. mais vouloir servir jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême : voilà le chemin choisi par le Christ, sur lequel il nous accompagne aujourd’hui par la force de son Esprit.

 

3. Apprendre à battre la chamade

Mon coeur bat la chamade...Le jeu de mots est tentant, puisque la convoitise se dit חָמַד = chamad en hébreu !

Certes, l’expression « battre la chamade » est d’origine militaire. Venue du persan shimata (qui signifie « fièvre » ou « vacarme ») par l’italien chiamata (« appel », « clameur »), la chamade est un puissant roulement de tambour joué pour signaler une reddition ou une demande de trêve, de négociation, accompagné parfois du célèbre drapeau blanc car le tumulte de la guerre couvrait les tambours de la chamade…

Mais rien n’empêche de forcer le jeu de mots : vaincre la (mauvaise) convoitise, c’est battre la chamad ! C’est discerner ce pour quoi/pour qui mon cœur bat vraiment, authentiquement.

 

L’histoire vraie suivante nous invite à écouter battre le meilleur de notre cœur, même et surtout dans la vie professionnelle :

Un jeune diplômé d’une prestigieuse école de commerce vient trouver son ancien professeur de marketing qu’il aimait bien :

– Je viens vous demander conseil. Ma boîte me propose un poste prestigieux, bien payé, et prometteur. C’est à Singapour : il faut-il partir au moins 3 ans et cravacher pour mériter la suite. Dois-je accepter ?

- Quels serait pour toi les avantages et les inconvénients de dire oui ?

- Les avantages : la paye, la promesse d’évolution, le dépaysement, les responsabilités. Les inconvénients : je ne suis pas sûr de vouloir faire carrière dans cette boîte, et c’est beaucoup de sacrifices pour de l’argent.

- Qu’est-ce qui pourrait te faire choisir autre chose ?

- Si je trouvais plus intéressant ailleurs ?

- Réfléchis à ton parcours depuis ta sortie d’école : quand ton cœur s’est-il dilaté lors d’une activité professionnelle ?

Désarçonné par la question, le jeune homme demeure un long moment en silence, le front plissé, interdit, puis cherche dans sa mémoire. Son visage s’éclaire enfin : 

- « Je sais. Je n’ai jamais été si bien avec moi-même que lorsque je conduisais des chantiers de développement pendant mes deux années de coopération militaire en Afrique Noire ». Il avait même une larme discrète lorsqu’il ajouta : « Là, c’était moi. J’étais pleinement en accord avec ce que je faisais ».

Le professeur, ému, n’a pas eu besoin d’en dire plus, et encore moins de lui donner un conseil. Le jeune homme avait pris conscience que son moteur le plus intime pour agir, c’était le sens humain de son action et la qualité des relations avec les équipes. Il déclina finalement l’offre pour Singapour, et chercha une entreprise qui permettrait à nouveau à son cœur de se « dilater » en exerçant son métier.

Ce qui a provoqué ce déclic fut la question du professeur après un échange confiant et ouvert : quand ton cœur s’est-il dilaté ? Cette question fut puissante par la prise de conscience qu’elle suscita, et l’énergie qu’elle libéra en même temps pour chercher autre chose.

 

Contrairement à ce que nous impose le discours médiatique et culturel ambiant, nous sommes responsables de nos coups de cœur, de nos chamades. Le désir, ça s’éduque. Nous pouvons apprendre à convoiter ce qui n’a ni éclat ni prestige aux yeux du monde : « Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire (chamad) » (Is 53,2). Le cœur de Mère Teresa battait la chamade pour les mourants misérables des trottoirs de Calcutta. La convoitise du Père Damien était de vivre avec les lépreux de Molokaï. Dans la laideur du camp d’Auschwitz, le Père Kolbe a désiré prendre la place d’un père de famille pour aller mourir dans le bunker de la faim plutôt que de sauver sa peau.

 

Ces héros ne sont pas des gens extraordinaires : il est donné à chacun de convertir les désirs qui l’animent vers le service, l’amour fraternel, le don de soi. Des millions de martyrs ordinaires en témoignent depuis 20 siècles. Des millions de saints ordinaires ont appris à désirer Dieu dans leurs responsabilités quotidiennes.

Ils ont renoncé à la concupiscence, à « savoir qui est le plus grand ».

Ils ont mis de l’ordre dans leurs désirs pour qu’ils soient orientés vers le bien.

Ils ont appris à discerner la dignité de ceux qui sont méprisés, « sans beauté ni éclat pour attirer les regards ».

Leur cœur a appris à battre la chamade, c’est-à-dire à vaincre la convoitise, pour désirer ce qui le vaut vraiment.

Soyons de ceux-là…

 

 

LECTURES DE LA MESSE


Première lecture
« Condamnons-le à une mort infâme » (Sg 2, 12.17-20)


Lecture du livre de la Sagesse

Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes : « Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à nos entreprises, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’infidélités à notre éducation. Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et l’arrachera aux mains de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui. »


Psaume
(Ps 53 (54), 3-4, 5, 6.8)
R/ Le Seigneur est mon appui entre tous.
 (Ps 53, 6b)


Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
par ta puissance rends-moi justice ;
Dieu, entends ma prière,
écoute les paroles de ma bouche.


Des étrangers se sont levés contre moi,
des puissants cherchent ma perte :
ils n’ont pas souci de Dieu.


Mais voici que Dieu vient à mon aide,
le Seigneur est mon appui entre tous.
De grand cœur, je t’offrirai le sacrifice,
je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !


Deuxième lecture
« C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de paix » (Jc 3, 16 – 4, 3)


Lecture de la lettre de saint Jacques

Bien-aimés, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ; vous demandez, mais vous ne recevez rien ; en effet, vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs.


Évangile
« Le Fils de l’homme est livré…Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous » (Mc 9, 30-37)  Alléluia. Alléluia.
Par l’annonce de l’Évangile, Dieu nous appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Alléluia. (cf. 2 Th 2, 14)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
Patrick BRAUD

 

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10 mars 2024

Agonistique

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Agonistique

 

Homélie pour le 5° Dimanche de Carême / Année B 

17/03/2024

 

Cf. également :
 
Va te faire voir chez les Grecs !

Grain de blé d’amour…
La corde à nœuds…
Qui veut voir un grain de blé ?
Le jeu du qui-perd-gagne
Quels sont ces serpents de bronze ?

Dieu est un trou noir

 

1. Les Jeux agones

Agonistique dans Communauté spirituelleNos Jeux Olympiques Paris 2024 vont débuter le 26 juillet. Ce sont les héritiers des anciennes compétitions organisées par la ville grecque d’Olympie tous les 4 ans. Ces Jeux ont été créés au cours du VIII° siècle avant J.-C., en l’honneur du dieu Zeus. Ils durèrent environ 1000 ans, jusqu’en 393, date des dernières Olympiades (car l’empire devenu chrétien a abandonné les cultes des idoles grecques et romaines). Ces jeux antiques étaient appelés λυμπιακο γώνες  (olympiakoi agōnes), littéralement « Agones Olympiques » : le terme grec γν (agōn) signifie combat, lutte. Les épreuves étaient désignées par ce terme : ππικο γνες (hippikoì agỗnes, courses de chevaux), γυμνικοί γνες (gumnikoí agỗnes, athlétisme) etc. Contrairement à la devise moderne de Pierre de Coubertin (« L’important, c’est de participer »), l’important dans ces jeux antiques était de combattre jusqu’à la victoire. L’agonistique était alors la discipline qui concernait les sports de combat et les épreuves olympiques. En français, le terme est resté pour désigner une attitude combative qui va jusqu’au bout, jusqu’à la mort s’il le faut.

 

Pour les chrétiens, agōn fait immédiatement penser à l’agonie de Jésus à Gethsémani. Là, sur le Mont des Oliviers, il se bat en lui-même pour rester fidèle à sa mission alors que l’infamie du supplice de la croix se profile. Et c’est un sacré combat intérieur : ne pas fuir, faire face, donner sa vie, jusqu’au bout, sans haine, par amour. Ce combat, cette agonie est tellement violente que Jésus en transpire du sang et de l’eau. Il est comme pressuré, vidé par cette déchirure intérieure : sauver sa peau en rentrant dans le rang, ou se ranger du côté des exclus au prix de son honneur, de sa dignité, de sa vie.

Les Jeux agones de Jésus se déroulent à Gethsémani…

 

Sauf pour Jean ! Comme souvent très différent de Mt/Mc/Lc, Jean ne raconte pas dans l’évangile de ce dimanche (Jn 12,20-33) cette scène à Gethsémani, mais à Jérusalem au moment où Philippe et André transmettent à Jésus le désir des Grecs de le connaître. Jésus répond : pas seulement les Grecs, mais le monde entier sera attiré par le Christ « élevé de terre ». Entre les deux, il y a la croix : « il signifiait par-là de quel genre de mort il allait mourir ». Alors Jean transfère ici l’agonie que les trois autres situent à Gethsémani : « Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! ».

 

 agonie dans Communauté spirituelleCette agonie johannique vise l’universalité de la croix–résurrection, alors que l’agonie à Gethsémani chez les synoptiques visait la fidélité du fils au désir de son Père d’aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

 

Entrer en agonie et devenir universel sont liés : ceux qui rêvent de porter du fruit sans accepter d’être mis en terre se font illusion. La couronne de lauriers admirée par tous dans le stade ne s’obtient pas sans une rude ascèse de l’athlète sacrifiant une existence facile à sa quête de victoire. Paul s’exprimera ainsi – en des termes quasi olympiques – à la fin de sa vie : « J’ai mené le bon combat (agōn), j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi » (2 Tm 4,7). C’est « le bon combat de la foi » (1 Tm 6,12) que Paul a mené tout au long de ses voyages à Philippes (Ph 1,3), Colosse, Laodicée (Col 2,1), Thessalonique (1 Th 2,2) et tout autour de la Méditerranée, afin justement de rendre l’Évangile universel. Il encourage les Hébreux à persévérer dans ce marathon de la foi, en combattant le péché en eux (He 12,1).

 

2. Entre deux services

L’agonie johannique est située entre le repas à Béthanie (Jn 12,1-11) et la Cène (Jn 13), entre deux repas donc. Et aussi entre deux services liés à ces repas : le service de Marthe qui les servait (διηκόνει, du verbe diakoneo) à table, et le service de Jésus s’abaissant au rang de domestique lavant les pieds des convives.

onction bethanieLa première figure du service chez Jean est féminine (comme l’était la belle-mère, première servante chez Marc ; Mc 1,31) : Marthe de Béthanie est la première diaconesse  de l’Église pour Jean. Cette figure de la diaconie est redoublée par celle de sa sœur Marie, oignant les pieds de Jésus avec un parfum précieux.

Jésus assume cette part féminine de sa vocation messianique en servant ses disciples à table, et en lavant leurs pieds avec l’eau précieuse du baptême. Marie les essuyait avec ses cheveux, Jésus le fait avec un linge (ἱμάτιον, himation : le mot fait allusion au manteau de pourpre ironique dont on a affublé Jésus lors de sa Passion en Jean 19). Le parallélisme est frappant.

 

Il y a donc comme une inclusion entre ces deux repas de Béthanie et de la Cène, qui se font miroir, et où Jésus reprend la diaconie de Marthe et Marie pour la situer en Dieu même.

Au milieu, il y a l’agonie. C’est donc que le service est un combat, et que le combat de la foi est pour servir. D’ailleurs, il n’y a que trois usages du verbe διακονω, servir (diaconie) chez Jean : un pour Marthe (Jn 12,2), et deux pour l’agonie : Jn 12,26.

Diaconie et agonie sont inséparables. Celui qui veut servir devra apprendre à se détacher de ses œuvres, de sa gloire personnelle, de sa vie même. « Qui veut garder sa vie la perdra, qui la donne avec moi la trouvera ». Il sera entraîné sur un chemin de dépossession, de mort à soi-même, dont la mort physique ne sera que l’ultime étape. Et réciproquement : celui qui veut mener le combat de la foi (djihad en arabe) ne sera ni violent ni puissant, mais serviteur.

 

Jésus à l'agonie en prière dans le jardin des olives avant sa crucifixion - 72813916Qui mieux que Jésus de Nazareth a incarné ce lien entre diaconie et agonie ?

Comment dès lors les chrétiens ne seraient-ils pas eux aussi configurés au Christ en agonie, s’ils ont vraiment la Passion de servir ? C’est ce qu’écrivait Blaise Pascal avec génie : « le Christ sera en agonie jusqu’à la fin du monde ».

Les persécutions anti-chrétiennes actualisent dramatiquement ce climat agonistique dans lequel les baptisés veulent malgré tout servir l’homme, tout homme, tous les hommes (Cf. le rapport de l’association ‘Porte ouvertes’ dénombrant 365 millions de chrétiens persécutés dans le monde fin 2023).

Mais notre agonie ordinaire est moins visible : utiliser notre argent, nos relations, nos talents, nos responsabilités, notre métier etc. non pas pour nous servir mais pour servir les autres – et Dieu en premier – est un combat intérieur si exigeant ! On stigmatise (à raison hélas !) les politiques trop nombreux qui recherchent leur intérêt individuel, leur gloire, leur pouvoir au lieu de chercher le bien-être de leur peuple. Ayons également le courage de nous examiner : servir est-il réellement le combat de notre vie ?

 

3. Jésus troublé

Dans ce combat pour demeurer le serviteur, Jésus est troublé (ταρσσω, tarassō) (Jn 12,27). Ce n’est pas le sang et l’eau du Gethsémani des synoptiques. Mais c’est le trouble de l’agonie chez Jean, qui prend soin de le répéter à nouveau pendant la Cène, faisant ainsi un lien supplémentaire entre les deux épisodes : « Après avoir ainsi parlé, Jésus fut troublé en son esprit, et il rendit ce témoignage : “Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera.” » (Jn 13,21). Être livré par un de ses meilleurs amis est un trouble existentiel : que vaut ma vie si ceux qui disent m’aimer me trahissent, m’abandonnent ?

C’était le trouble que Jésus avait déjà ressenti en voyant Marie (toujours elle !) pleurer la mort de son frère Lazare : « Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut troublé » (Jn 11,33).

Ce trouble de l’agonie est lié à la perte de ses amis – l’un meurt, l’autre trahit – ou à leur  détresse (Marie pleurait). L’heure qui s’approche est celle de la Passion, avec sa solitude, sa déréliction. Devant l’infamie de la croix, les amis s’enfuient (sauf les femmes !), la foule se moque et insulte, et Dieu lui-même semble se dérober, abandonnant la chair de sa chair.

Bezatha piscineLe trouble agonistique de Jésus renvoie encore à l’agitation des eaux de la piscine de  Bethzatha. C’est le même verbe ταράσσω qui est employé par Jean pour décrire l’agitation intérieure de Jésus dans son agonie et l’ébullition de l’eau dans la piscine miraculeuse : « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau est troublée » (Jn 5,7). Ce trouble conduit à la guérison pour les malades, et à la résurrection pour Jésus. L’eau troublée dans la piscine est remplacée par Jésus troublé en son agonie…

Se laisser ainsi troubler par Dieu est la marque de sa puissance de résurrection à l’œuvre en nous. À l’image de la femme qui met tout sens dessus dessous en remuant la poussière de sa maison pour retrouver la pièce d’argent égarée (Lc 15,8), Dieu nous trouble en notre for intérieur pour nous amener à choisir le bon combat, pour nous guérir de nos attachements maladifs, pour nous ressusciter avec le Christ. C’est déjà le lien agonie–gloire qui est affirmée dans ce trouble de Jésus, qu’il va expliciter plus loin en promettant la gloire à ceux qui serviront jusqu’au bout.

Qui de nous, s’avançant sur le chemin de cette agonie–service, ne ressentira pas tôt ou tard cette détresse intérieure ? « Mon esprit est abattu au dedans de moi, Mon cœur est troublé dans mon sein » (Ps 143,4). « Mon âme est troublée. Et toi, Seigneur, que fais-tu ? » (Ps 6,3–4).

Qui ne sera pas troublé par l’arrachement à soi-même qui attend tout serviteur fidèle ?

C’est pourquoi le Ressuscité dira par deux fois à ses amis : « que votre cœur ne se trouble pas » (Jn 14,1.27). Il sait de quoi nous sommes pétris. Sa victoire sur la mort est notre garantie : servir jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême (Jn 13,1) est un combat qui peut devenir angoissant, mais qui en Christ est déjà couronné de succès.

Rien à craindre fondamentalement donc, sinon la peur d’avoir peur…


4. Du service à la gloire : la gloire, c’est de servir…Lavement des pieds - Corinne SIMON CIRIC

Qu’est-ce que cette gloire ? En grec, le mot δξα (doxa) désigne ce qui est lourd, dense, grave. Parler de la gloire de Dieu, c’est donc dire que Dieu est lourd, pesant. Non pas qu’il ait besoin de faire un régime ! Mais la lourdeur, la pesanteur de Dieu, c’est une certaine densité d’être qui fait que sa vie a du poids, a de la consistance.

La gloire de YHWH est une densité d’être, une plénitude de vie. C’est en même temps une force d’attraction considérable, à la manière d’une force gravitationnelle : ce qui est dense attire à lui tous les objets à proximité, comme un trou noir en physique attire particules, atomes, lumières et corps célestes. D’où la parole de Jésus : « élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».

 

Diaconie agonie gloireDiaconie–agonie–gloire : servir est un combat où nous recevons une densité d’être, une plénitude de sens et de vie qui nous fait ressembler à Dieu, qui fait de nous des dieux, selon la parole du Psaume 82,6 que Jésus aimait à rappeler : « N’est-il pas écrit dans votre Loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux ? » (Jn 10,34).

Diaconie–agonie–gloire : la voie de la divinisation repose pour Jean sur ces trois piliers inséparables.

La séquence n’est d’ailleurs pas linéaire, mais plutôt systémique. Des moments de transfiguration glorieuse nous sont donnés pour affermir notre courage à servir, des combats qui nous tiennent à cœur nous transforment peu à peu en serviteur authentique, et la beauté de la vie en Dieu transparaît déjà en filigrane dans l’agonie de ceux qui persévèrent dans le service de leurs semblables…

 

Lorsque l’agonie du Christ deviendra la nôtre, laissons-nous attirer par la figure du service qu’il a su incarner jusqu’au bout, de façon agonistique, jusqu’à l’extrême.

 


God’s gonna trouble the water
Dieu va troubler cette eau (pour donner la guérison, la vie)

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« Je conclurai une alliance nouvelle et je ne me rappellerai plus leurs péchés » (Jr 31, 31-34)

 

Lecture du livre du prophète Jérémie

Voici venir des jours – oracle du Seigneur –, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une alliance nouvelle. Ce ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte : mon alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’étais leur maître – oracle du Seigneur.

Mais voici quelle sera l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés – oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés.

 

PSAUME
(50 (51), 3-4, 12-13, 14-15)
R/ Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu. (50, 12a)

 

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

 

Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

 

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Il a appris l’obéissance et est devenu la cause du salut éternel » (He 5, 7-9)

 

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect. Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

 

ÉVANGILE
« Si le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 20-33)
Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. 

Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive, dit le Seigneur ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. 

Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (Jn 12, 26)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. » Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous. Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Il signifiait par-là de quel genre de mort il allait mourir.

Patrick BRAUD

 

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4 mars 2024

Défaire le mensonge

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Défaire le mensonge

 

Homélie pour le 4° Dimanche de Carême / Année B 

10/03/2024

 

Cf. également :
 
Quels sont ces serpents de bronze ?

À chacun son Cyrus !
Démêler le fil du pêcheur
L’identité narrative : relire son histoire
Le chien retourne toujours à son vomi
La soumission consentie

Ne vous habituez pas à vivre dans le mensonge

La violence a besoin du mensonge


Info ou intox ?

Zelensky en danseur d’opérette, Macron exfiltré d’une manifestation, le pape en doudoune… : le Net n’en finit plus de déverser de fausses images, des deepfakes plus vraisemblables que la réalité. À tel point que chaque jour, des chaînes comme TF1, France 2, France 24  ou France Info concoctent une chronique quotidienne : ‘Info ou intox ?’, ‘Le vrai du faux’ etc., pour démasquer les tromperies, les ruses, les fausses rumeurs, qui enflent par millions de vues avant d’être vérifiées [1].

L’évangile de ce dimanche nous demande de « faire la vérité pour venir à la lumière ». Mais voilà : les menteurs de ce siècle aiment parader en pleine lumière, alors que les menteurs du temps de Jésus préféraient les ténèbres à la lumière de peur que leurs œuvres ne soient démasquées ! Les influenceurs russes par exemple montrent allègrement dans leurs posts leurs vidéos falsifiées, leurs témoignages fabriqués, et s’exposent sur les réseaux sociaux pour collecter le plus de vues et de likes possible !

Si bien que faire la vérité commence pour nous par défaire le mensonge qui circule en pleine lumière, sans honte ni remords, avec un cynisme effroyable, au service d’idéologies meurtrières.

 

Préalable nécessaire à l’opération-vérité, ce déminage de l’information et de la pensée n’en est pas pour autant suffisant. Sans s’épuiser comme Don Quichotte contre les moulins à vent des mensonges, nous devons également nous mettre en quête de la vérité dont parle le Christ. Ce qui suppose d’avoir le goût du vrai. Dans un petit ouvrage remarquable, Étienne Klein, philosophe des sciences, vulgarisateur (et centralien) de haute volée, constatait amèrement que l’appétence pour la vérité devenait plus rare. Les « post-vérités » ou « vérités alternatives » à la Trump, les faux airs doctes des antivax, la réécriture russe de l’histoire… : la poursuite des intérêts individuels et collectifs enfouit peu à peu la quête du vrai. Et les tonnes d’émotions produites à chaque fait divers n’arrangent rien !

« La philosophie des Lumières défendait l’idée que la souveraineté d’un peuple libre se heurte à une limite, celle de la vérité, sur laquelle elle ne saurait avoir de prise : les « vérités scientifiques », en particulier, ne relèvent pas d’un vote. La crise sanitaire a toutefois montré avec éclat que nous n’avons guère retenu la leçon, révélant l’ambivalence de notre rapport à la science et le peu de crédit que nous accordons à la rationalité qu’il lui revient d’établir. Lorsque, d’un côté, l’inculture prend le pouvoir, que, de l’autre, l’argument d’autorité écrase tout sur son passage, lorsque la crédibilité de la recherche ploie sous la force de l’évènement et de l’opinion, comment garder le goût du vrai – celui de découvrir, d’apprendre, de comprendre ? Quand prendrons-nous enfin sereinement acte de nos connaissances, ne serait-ce que pour mieux vivre dans cette nature dont rien d’absolu ne nous sépare ? » [2]. 

Nous préférons vanter des idées qui nous plaisent, plutôt que d’aimer celles qui sont justes. Le goût du vrai est peu à peu remplacé par la recherche de l’adhésion du plus grand nombre. Dans le domaine de la santé, cela engendre le complotisme antivax ; dans le domaine de l’information : des fake news ou de la propagande comme celle des Russes sur la guerre en Ukraine. Dans le domaine religieux, c’est l’affolement des croyances. Les gens sont prêts à croire à peu près n’importe quoi, du moment que cela leur fait du bien (croient-ils !). Les gourous se réclamant de Dieu pullulent, même au sein des congrégations religieuses respectées, comme l’ont tristement montré les affaires sur les frères Marie-Dominique et Thomas Philippe, ou sur Jean Vanier etc. Les théories les plus fumeuses se répandent, mélangeant allègrement le soi-disant surnaturel avec des médecines alternatives, des sagesses orientales détournées, ou même les ovnis et autres extra-terrestres… Sur Internet, n’importe qui se prétend expert de n’importe quoi, et les gogos re-twittent aussitôt sans réfléchir ni analyser, propageant ainsi les rumeurs les plus folles.

L’’irrationnel bat son plein dans le domaine religieux !

On voit par exemple de plus en plus de gens courir de sanctuaire en sanctuaire, pour chercher dans les apparitions mariales une réponse à leur inquiétude. Lourdes, Fatima, La Salette, Međugorje, Garabandal, Dozulé… : certains organisent des circuits comme des Tour operators, d’autres sont persuadés que les messages cachés, les secrets réservés aux voyants vont pouvoir sauver le monde, ou au moins leur petite existence.

 

Retrouver le goût de la vérité et le partager autour de soi est notre première réponse à l’appel du Christ ce dimanche.

Mais quelle vérité ?

 

Vérité grecque ou vérité hébraïque ?

Le dernier usage du mot vérité chez Jean nous laisse perplexes, sur un véritable point d’orgue : « qu’est-ce que la vérité ? », demande Pilate à Jésus (Jn 13,38) lié devant lui, se proclamant témoin de la vérité.

Qu’est-ce que la vérité ? Le Petit Larousse donne cette définition qui nous apparaît assez intuitive : « […] Adéquation entre la réalité et l’homme qui la pense. […] Connaissance ou expression d’une connaissance conforme à la réalité, aux faits tels qu’ils se sont déroulés ».

Défaire le mensonge dans Communauté spirituelle verite02En grec, le mot λθεια (aletheia) employé par Jean renvoie à tout une tradition philosophique, où la réalité est une manifestation physique très concrète, observable, objective (selon Aristote). Cette vérité-là préexiste à l’homme, et c’est à nous de la chercher, de la découvrir comme le trésor caché dans un champ. Faire la vérité, selon ce concept aristotélicien, c’est coller au réel. Mais, si l’on suit Platon, et Plotin plus encore, la vérité serait plutôt une construction intellectuelle, une théorie dans le monde des Idées, une vision de l’esprit permettant de comprendre le monde et au-delà. Faire la vérité serait alors bâtir une pensée qui reflète le plus fidèlement possible les phénomènes observés.

 

Emet - TruthMême si Jean emploie le nom grec λθεια, il lui donne un autre sens. Il est sans doute influencé par la pensée biblique, celle des prophètes et des sages parlant d’un Dieu de grâce et de vérité (Tobie 4,6;13,6). Les psaumes lient la Parole de Dieu et la vérité (ce que le Christ, Verbe de Dieu, accomplira pleinement) : « le fondement de ta parole est vérité (אֱמֶת = ‘emeth) » (Ps 119,160).

אֱמֶת : la vérité de l’Ancien Testament se situe d’emblée dans notre relation à Dieu. Elle comprend tout ce que prescrivent la Loi et la justice. Elle se traduit dans l’agir et en est l’exigence. Autrement dit, la vérité de l’Ancien Testament est relationnelle, quand la vérité grecque était plutôt objective : c’est dans le don de la communion avec lui-même que Dieu se révèle vrai et nous ajuste à sa vérité.

 

La vérité grecque est le dévoilement d’un réel extérieur, grâce au travail de l’intelligence humaine.
La vérité biblique est la réception par l’homme de la grâce d’une relation de communion avec YHWH, qui implique l’éthique, le droit et la justice.

La première relève plus de l’orthodoxie : ce qu’il faut penser pour être dans le vrai. 

La seconde relève de l’orthopraxie : comment il faut se conduire avec Dieu et les autres pour être dans le vrai.

Alors : λθεια ou אֱמֶת ?

 

Faire la vérité

Celui qui fait la vérité vient à la lumièreIl semble que Jean ait hésité souvent entre ces deux conceptions du mot, tout au long des 45 usages qu’il en fait dans ses écrits. Tantôt la vérité est simplement l’adéquation au monde tel qu’il est. Tantôt elle est une révélation divine qui se communique aux croyants pour l’ajuster aux mœurs de Dieu.

Penser vrai et agir vrai sont présents, entremêlés dans les textes du Nouveau Testament.

Pourtant, le passage de ce dimanche nous oriente vers une signification nouvelle, compatible avec les deux précédentes, mais ‘plus haute’ en quelque sorte.

« Celui qui fait la vérité vient à la lumière » : faire la vérité suppose qu’elle ne préexiste pas ; elle advient dans le moment même où on la fait. Voilà qui penche du côté de la vérité relationnelle chère à l’Ancien Testament. Jean précise d’ailleurs que la vérité est bien une action, une marche qui nous engage d’un point de vue éthique : « J’ai eu beaucoup de joie à trouver plusieurs de tes enfants qui marchent dans la vérité selon le commandement que nous avons reçu du Père » (2Jn 1,4) ; « J’ai eu beaucoup de joie quand des frères sont venus et qu’ils ont rendu témoignage à la vérité qui est en toi : ils ont dit comment tu marches dans la vérité. Rien ne me donne plus de joie que d’apprendre que mes enfants marchent dans la vérité » (3Jn 1,3-4). Cette marche est le processus qui fait advenir la vérité portée par le croyant. C’est une action, une manière de se comporter qui répond à l’Alliance. Par notre façon de vivre et d’agir, nous sommes alors « dans le vrai ». « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » (1Jn 3,18). 

Ne pas faire la vérité, ce n’est pas se tromper dans une théorie, une idée, un raisonnement, c’est agir en contradiction avec l’Alliance proposée par Dieu.

C’est pourquoi le mensonge est bien le contraire de la vérité, et non l’erreur : « Je ne vous ai pas écrit que vous ignorez la vérité, mais que vous la connaissez, et que de la vérité ne vient aucun mensonge » (1Jn 2,21). Mentir est un acte délibéré pour (se) détourner de l’Alliance. Et le diable est « le père du mensonge » (Jn 8,44)…

 

La vérité grecque n’est pas éliminée pour autant. Car en régime chrétien, la grâce prévaut sur l’effort éthique. Jean ne parle jamais de rechercher la vérité à la force du poignet, car elle nous est donnée par le Christ, en Christ, et ne résulte pas de l’œuvre de nos mains. Dieu se communique lui-même, et nous donne d’avoir part à la vérité qu’il est en lui-même. Quand Jésus ose dire : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6), il se situe bien comme la source de la communion à la vérité divine qui l’habite en plénitude. Faire la vérité demande donc d’accueillir une révélation ‘venue d’en haut’ ; elle n’est pas une construction humaine. Plus encore : elle est relation de communion avec une personne bien vivante, et non pas adhésion à un corpus doctrinal.

 

λθεια ou אֱמֶת : ces deux aspects de la vérité sont bien présents chez Jean. La vérité est un chemin à pratiquer, avec une forte dimension éthique. Elle n’en est pas moins donnée, non fabriquée, et se révèle à ceux qui sont en communion avec le Christ, explicitement ou non. Cette communion transforme l’agir du chrétien (et – par l’Esprit – l’agir de tout homme de bonne volonté) pour l’ajuster à l’amour trinitaire, et le faire ainsi venir à la lumière, c’est-à-dire se laisser illuminer par la source du discernement et de la sagesse.

 

Une vérité négative et provisoire

La Quête inachevée: Autobiographie intellectuelleNe sautons pas trop vite à cette étape ultime de l’union personnelle avec Dieu. Il faut d’abord déminer le terrain, déblayer la route. Faire la vérité demande au préalable de défaire les mensonges. On l’a évoqué en parlant des fake news qui fleurissent sur les réseaux sociaux. On peut le fonder en raison en s’appuyant sur Karl Popper (1902-1994), philosophe des sciences qui a étudié toute sa vie la question de la vérité scientifique. Il a remarqué que la plupart du temps, nous raisonnons par induction, en généralisant des observations qui semblent se répéter. Par exemple : « je n’ai vu dans ma vie que des cygnes blancs ». Le raisonnement inductiviste conclura : « tous les cygnes sont blancs ». Or cette assertion est indémontrable, car il faudrait examiner tous les cygnes : passés, présents et futurs ! Impossible ! Par contre, il suffit de trouver un seul cygne noir (qui existe bel et bien !) pour que l’assertion devienne fausse. C’est ce que Popper appelle la réfutabilité, la possibilité de tester ou non un énoncé pour éprouver sa validité.

Popper a donc remplacé une vision naïve et rassurante de la science – ça se vérifie à tous les coups, donc c’est vrai – par une conception infiniment plus inquiétante que l’on peut résumer comme suit : ça n’est pas infirmé, donc c’est non-faux, ou bien encore provisoirement vrai.

Si on ne peut tester une hypothèse pour l’infirmer, c’est donc qu’elle n’est pas scientifique. Elle relève alors de la magie, de la croyance, du mythe. Ainsi la psychanalyse n’est pas réfutable : l’interprétation des rêves ne peut être contredite par l’expérience ; les concepts freudiens sont des mythes – peut-être utiles – mais ne pouvant être scientifiquement réfutés.

 

«Si ce sont des confirmations que l’on recherche, il n’est pas difficile de trouver, pour la grande majorité des théories, des confirmations ou des vérifications » et donc « une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique ». Mettre à l’épreuve une théorie est « une tentative pour en démontrer la fausseté (to falsify) ou pour la réfuter ». On doit constater que « certaines théories se prêtent plus aux tests, s’exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques ». Au total, le critère de la scientificité d’une théorie « réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester » [3].

 

La vérité scientifique selon Popper est négative, et provisoire.

– négative : je ne peux pas dire ce qui est vrai, mais seulement ce qui est faux (grâce à un test de réfutabilité).

– provisoire : les théories qui résistent à la réfutation par l’expérience seront peut-être un jour infirmées par d’autres, comme l’ont été les théories sur la terre plate, l’immobilité des étoiles, la gravitation de Newton, et même actuellement la physique relativiste ou la mécanique quantique. En attendant leur réfutation, elles sont admises comme les plus résistantes, donc avec un degré de vérité ‘supérieur’.

Rien n’est vrai absolument pour toujours : c’est provisoirement la meilleure approximation dont on dispose, jusqu’à ce qu’on mette en évidence des imperfections, des contradictions, des lacunes que d’autres théories viendront prendre en charge. C’est pourquoi la quête de la vérité scientifique est par essence une quête inachevée [4], asymptotique, s’approchant sans cesse davantage de la vérité sans jamais coïncider totalement avec elle.

 

71eUOXS3XBL._SL1500_ Jean dans Communauté spirituelleNégative et provisoire : n’est-ce pas également le lot de toute vérité que nous pourrions énoncer sur Dieu ? Le tétragramme YHWH, imprononçable, nous mettait sur cette voie d’un ineffable, au-delà de tout. Dieu est plus grand que tout, plus grand même que le mot Dieu… Car la relation avec une personne est inépuisable, et ne se réduit jamais à une liste de concepts ou de prescriptions ! Et la quête de Dieu n’est-elle pas elle aussi par essence une quête inachevée ?

 

Cette conception de la vérité nous appelle à réfuter les fausses images de Dieu qui prolifèrent en tout domaine, du politique au développement personnel en passant par les religions, et à ne jamais sacraliser pour toujours l’infiniment peu que nous avons commencé à saisir de l’infiniment grand. Ce qui désacralise également les systèmes figés statufiant Dieu sous les habits d’une époque…

 

Faisons la vérité, en commençant par défaire le mensonge, en nous et autour de nous, et nous viendrons à la lumière. 

 

__________________________________

[1]. Cf. par exemple le site de France 24 : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-intox/

[2]. Étienne Klein, Le Goût du vrai, Tract n° 17, Gallimard, 2020.

[3]. Karl Popper, Conjectures et réfutations, La croissance du savoir scientifique, Payot, 2006, pp. 64-65

[4]. Cf. Karl Popper, La quête inachevée (Unended Quest; An Intellectual Autobiography, 1976), Calmann-Lévy, 1981.

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
La colère et la miséricorde du Seigneur manifestées par l’exil et la délivrance du peuple (2 Ch 36, 14-16.19-23)

 

Lecture du deuxième livre des Chroniques

En ces jours-là, tous les chefs des prêtres et du peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les abominations des nations païennes, et ils profanaient la Maison que le Seigneur avait consacrée à Jérusalem. Le Seigneur, le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de son peuple et de sa Demeure. Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n’y eut plus de remède à la fureur grandissante du Seigneur contre son peuple. Les Babyloniens brûlèrent la Maison de Dieu, détruisirent le rempart de Jérusalem, incendièrent tous ses palais, et réduisirent à rien tous leurs objets précieux. Nabuchodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu’au temps de la domination des Perses. Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant 70 ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.
Or, la première année du règne de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole du Seigneur proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume – et même consigner par écrit – : « Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, en Juda. Quiconque parmi vous fait partie de son peuple, que le Seigneur son Dieu soit avec lui, et qu’il monte à Jérusalem ! »

 

PSAUME
(136 (137), 1-2, 3, 4-5, 6)
R/ Que ma langue s’attache à mon palais si je perds ton souvenir ! (cf. 136, 6a)

 

Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes.

 

C’est là que nos vainqueurs
nous demandèrent des chansons,
et nos bourreaux, des airs joyeux :
« Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. »

 

Comment chanterions-nous un chant du Seigneur
sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem,
que ma main droite m’oublie !

 

Je veux que ma langue s’attache à mon palais
si je perds ton souvenir,
si je n’élève Jérusalem
au sommet de ma joie.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Morts par suite des fautes, c’est bien par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2, 4-10)

 

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu ainsi montrer, au long des âges futurs, la richesse surabondante de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, et par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne vient pas des actes : personne ne peut en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions.

 

ÉVANGILE
« Dieu a envoyé son Fils pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 14-21)
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus !Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus ! (Jn 3, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ; mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. »
 Patrick BRAUD

 

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28 février 2024

Avec Maître Eckhart, chassons nos marchands intérieurs

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 9 h 30 min

Avec Maître Eckhart, chassons nos marchands intérieurs

 

Homélie pour le 3° Dimanche de Carême / Année B 

03/03/2024

 

Cf. également :
Assumer notre colère
Le Corps-Temple
De l’iconoclasme aux caricatures
Une Loi, deux tables, 10 paroles
La prière et la loi de l’offre et de la demande
Aimer Dieu comme on aime une vache ?
Le Temple, la veuve, et la colère
Les deux sous du don…
Aimer Dieu comme on aime une vache ?


Simonie, simoniaque…

Avec Maître Eckhart, chassons nos marchands intérieurs dans Communauté spirituelle 712QV6uS97L._SL1360_Faites un petit sondage autour de vous : qui connaît la définition et l’origine du mot simonie ? Qui peut décrire une pratique simoniaque ? Peu de gens pourront vous répondre…

La simonie est pourtant à l’œuvre dans la fonction publique, dans les nominations de prestige, et même dans l’Église. La preuve : Luc relate dans son livre des Actes des Apôtres qu’un certain Simon, magicien (= guérisseur, charlatan ou gourou) de son état, fut tellement ébloui par les prodiges accomplis par Philippe puis Pierre qu’il lui demanda discrètement de lui céder les secrets de ce pouvoir moyennant finances (Ac 8,9-21). Or Philippe et Pierre guérissaient et transmettaient l’Esprit par imposition des mains au nom de Dieu, ce qui implique et exige la gratuité entière. Marchander le don de Dieu pour servir son propre intérêt est hélas une pratique de tous les temps, dans tous les milieux sociaux. Simon le Magicien fut vertement réprimandé par Pierre : « Périsse ton argent, et toi avec, puisque tu as estimé pouvoir acheter le don de Dieu à prix d’argent ! » (Ac 8,20).

 

Mais la simonie continuera son chemin dans l’Église, où de nombreux évêchés, médailles et nominations s’obtenaient grâce à de l’argent sous le manteau…

Jésus trouve la simonie installée dans le Temple de Jérusalem : on voudrait nous faire croire que tout s’achète et tout se vend, même la grâce divine ! On voudrait nous soutirer de l’argent pour obtenir des faveurs célestes ! Comme si on pouvait marchander avec Dieu ! Comme si on pouvait acheter le gratuit !

Mais la plupart des gens sont prêts à payer – beaucoup – pour obtenir ce qu’ils veulent. Ils prennent Dieu pour un guichet de la Sécurité sociale, une assurance-vie ou un distributeur bancaire…

Pour ancrer notre dénonciation de toute simonie, suivons de près le sermon n° 1 de Maître Eckhart (1260-1328) [1] sur l’Évangile de ce dimanche (Jn 2,13-25), où l’on voit le doux Jésus se mettre en colère pour fouetter les marchands et les chasser du Temple.

Le raisonnement de Maître Eckhart est serré, et s’articule logiquement en plusieurs étapes. Détaillons-le.

 

1. Le Temple c’est l’âme de chacun

Maître Eckhart fait une lecture mystique du Temple de Jérusalem : il représente le cœur de chaque être humain, notre intimité spirituelle.

Ce temple où Dieu veut régner puissamment selon sa volonté, c’est l’âme de l’homme, qu’il a formée et créée si exactement égale à lui-même, comme nous lisons que Notre Seigneur dit : « Faisons l’homme selon notre image et à notre ressemblance. »


2. Pour que le Christ entre dans ce temple, il faut qu’il soit vide.

Nous nous laissons encombrer par tant de choses non-essentielles ! Sans un vide-grenier énergique pour faire de la place, comment accueillir Celui que même l’infini ne peut contenir ?

 

3. Vide de quoi ?

a) Vide de tout marchandage

marchand%2Bdu%2Btemple-222 Eckhart dans Communauté spirituelleMarchander avec Dieu, c’est s’intéresser à Dieu pour ce qu’il peut m’apporter et non pour lui-même.

Voyez, ce sont tous des marchands ceux qui se préservent de péchés grossiers et seraient volontiers de gens de bien et font leurs bonnes œuvres pour honorer Dieu, comme de jeûner, veiller, prier, et quoi que ce soit, toutes sortes d’œuvres bonnes, et ils les font cependant pour que Notre Seigneur leur donne quelque chose en retour, ou pour que Dieu leur fasse en retour quelque chose qui leur soit agréable : ce sont tous des marchands. 

Ce sont ces marchands-là que Jésus chasse du cœur de l’homme, en purifiant notre foi de toute recherche d’avantages pour nous-mêmes, afin que cette foi devienne gratuite, désintéressée, un « pur amour ». Aimer Dieu pour obtenir la santé, la réussite, la richesse ou même le paradis, c’est un peu aimer Dieu comme une vache : pour son lait, pour sa viande, rarement pour elle-même…

Ce sont de fieffés fous ceux qui veulent ainsi commercer avec Notre Seigneur ; ils ne connaissent de la vérité que peu de chose ou rien. C’est pourquoi Notre Seigneur les chassa hors du temple et les jeta dehors.


b) Vide de tout attachement à nos œuvres

90411994-briser-chaînes marchandDieu le premier n’est pas attaché à lui-même.

Dieu ne cherche pas ce qui est sien ; dans toutes ses œuvres il est dépris et libre et les opère par juste amour. Ainsi fait cet homme qui est uni à Dieu ; il se tient lui aussi dépris et libre dans toutes ses œuvres, et les opère seulement pour honorer Dieu, et ne recherche pas ce qui est sien, et Dieu l’opère en lui.

Nous qui sommes à son image, nous pouvons également pratiquer ce même détachement. Ainsi, si tu fais une œuvre bonne, « tu ne dois rien désirer en retour ».

Voyez, l’homme qui ne vise ni soi ni rien que seulement Dieu et l’honneur de Dieu, il est véritablement libre et dépris de tout mercantilisme dans toutes ses œuvres et ne cherche pas ce qui est sien, tout comme Dieu est dépris dans toutes ses œuvres et libre et ne recherche pas ce qui est sien.

Apprenons à être comme Jésus « dépris et libre ».

Ainsi seraient écartées les tourterelles, c’est-à-dire obstacles et attachement au moi propre en toutes les œuvres qui néanmoins sont bonnes, en quoi l’homme ne cherche rien de ce qui est sien. C’est pourquoi Notre Seigneur dit avec grande bonté : « Enlevez-moi ça, débarrassez-moi ça ! », comme s’il voulait dire : Cela est bon, cependant cela dresse des obstacles.

Maître Eckhart relève que Jésus est moins dur avec les vendeurs de tourterelles qu’avec les changeurs d’argent, car les tourterelles étaient les sacrifices des pauvres, alors que les riches mettaient ostensiblement de grosses sommes d’argent dans les vases du Temple (cf. Mc 12,38-44). Reste que c’est le principe de l’échange qui rend le sacrifice quasi simoniaque. Jésus s’inscrit ainsi dans la lignée des prophètes qui réclamaient l’intériorisation du sacrifice et non plus la graisse des animaux dégoulinant sur les autels en flammes : « Allez apprendre ce que veut dire cette parole : c’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices » (Mt 9,13). Les psaumes avaient déjà intériorisé cette exigence : « Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé » (Ps 51,18-19).

 

4. Il faut le vide et le silence intérieur pour entendre Jésus nous parler au cœur.

Apprendre-a-faire-le-vide simonieJésus doit-il discourir dans l’âme, alors il faut qu’elle soit seule et il faut qu’elle-même se taise, si elle doit entendre Jésus discourir.
Ah, il entre alors et commence à parler.

De là la nécessité de s’arrêter, de faire une halte spirituelle, de se maintenir en silence, loin des divertissements qui nous détournent de l’essentiel.
Comment écouter une parole venant d’ailleurs si nos casques, nos écrans, nos compagnons-mêmes nous étourdissent sans cesse de bruit et de fureur ?

 

5. Dans ce silence intérieur, que dit le Christ ?

 Il dit ce qu’il est. Qu’est-il donc ? Il est une Parole du Père. Dans cette même Parole le Père se dit soi-même et toute la nature divine et tout ce que Dieu est, tel aussi qu’il la connaît [= la Parole], et il la connaît telle qu’elle est.

Le Christ fait plus que dire quelque chose : il se communique lui-même tout entier. Il est le Verbe de Dieu, et c’est la communion intime avec lui qui est l’objet du dialogue intérieur. Il se donne entièrement, personnellement. Si bien que ce qu’il dit n’est pas une doctrine, une théorie, une pensée, c’est lui-même.

En disant la Parole, il se dit et [dit] toutes choses dans une autre Personne, et lui donne la même nature [divine] qu’il a lui-même. […]

Le Père dit la Parole et dit dans la Parole et non autrement, et Jésus dit dans l’âme. Le mode de son dire, c’est qu’il se révèle soi-même et tout ce que le Père a dit dans lui, selon le mode où l’esprit est réceptif.


6. Alors, unis au Christ, nous pouvons tout traverser avec la puissance qui est en Dieu.

 TempleEckhart cite alors le Psaume (Ps 36,10) :

« Seigneur, dans ta lumière on connaîtra la lumière ».

Alors c’est Dieu avec Dieu qui se trouve connu dans l’âme ; alors elle connaît avec cette sagesse soi-même et toute chose, et cette même sagesse elle la connaît avec lui-même.

Dans le sanctuaire de l’âme, Dieu est connu par Dieu, et rien ne peut troubler cette communion essentielle :

Quand l’esprit reçoit cette puissance dans le Fils et par le Fils, il devient puissant dans toute sorte de progrès, en sorte qu’il devient égal et puissant dans toutes vertus et dans toute limpidité parfaite, de telle manière que félicité ni souffrance ni rien de ce que Dieu a créé dans le temps ne peut troubler cet homme, qu’il ne demeure puissamment en cela comme dans une force divine en regard de laquelle toutes choses sont petites et sans pouvoir.

Cela ressemble à la « sainte indifférence » d’Ignace de Loyola : ne demander à Dieu ni la richesse de la pauvreté, ni la santé ni la maladie, ni la réussite ni l’échec, mais tout traverser avec une confiance égale en Celui qui nous aime.

Voilà pourquoi le marchandage est sans objet avec Dieu !


7. Cette communion intime nous divinise, dès maintenant.

71dALxHYPeL._SL1350_Cette union spirituelle où Dieu se donne lui-même entièrement transforme l’homme dans un mouvement qu’Eckhart appelle Ursprung en allemand, jaillissement de l’être rejoignant son lieu véritable en Dieu.

Lorsque Jésus se révèle avec cette richesse et avec cette douceur et s’unit à l’âme, avec cette richesse et avec cette douceur l’âme flue alors de retour dans soi-même et hors de soi-même et au-dessus de soi-même et au-dessus de toutes choses, par grâce, avec puissance, sans intermédiaire, dans son premier commencement. Alors l’homme extérieur est obéissant à son homme intérieur jusqu’à sa mort, et est alors en paix constante dans le service de Dieu en tout temps. 

C’est cela la Résurrection promise, dont parle Jésus avec le relèvement du Temple de Jérusalem en 3 jours après sa destruction. Dans une dialectique spirituelle qui préfigure celle de Hegel, Maître Eckhart affirme que la négation du mercantilisme (chasser les marchands du Temple) permet à l’âme de surmonter le vide ainsi créé en se laissant rejoindre par la plénitude trinitaire, qui est au-dessus de tout.

 

Il peut ainsi terminer son sermon en résumant sa pensée par une prière qui est aussi la nôtre :

Pour qu’aussi Jésus doive nécessairement venir en nous et jeter dehors et enlever tous obstacles et nous fasse un comme il est un, un Dieu avec le Père et avec l’Esprit Saint, pour que donc nous devenions et demeurions éternellement un avec lui, qu’à cela Dieu nous aide. Amen.

 

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[1] Texte complet accessible ici : https://www.pileface.com/sollers/IMG/pdf/Sermons_1-30.pdf


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
La Loi fut donnée par Moïse (Ex 20, 1-17)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, sur le Sinaï, Dieu prononça toutes les paroles que voici : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, pour leur rendre un culte. Car moi, le Seigneur ton Dieu, je suis un Dieu jaloux : chez ceux qui me haïssent, je punis la faute des pères sur les fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération ; mais ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération. Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom.
Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. Honore ton père et ta mère, afin d’avoir longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne commettras pas de vol. Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain ; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui lui appartient. »
 
PSAUME
(18b (19), 8, 9, 10, 11)
R/ Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle. (Jn 6, 68c)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,

ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,

elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables :

plus désirables que l’or,

qu’une masse d’or fin,
plus savoureuses que le miel
qui coule des rayons.

DEUXIÈME LECTURE
« Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les hommes, mais pour ceux que Dieu appelle, il est sagesse de Dieu » (1 Co 1, 22-25)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.
 
ÉVANGILE
« Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jn 2, 13-25)
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que ceux qui croient en lui aient la vie éternelle.
Gloire au Christ, Sagesse éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (Jn 3, 16)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.

Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en son nom, à la vue des signes qu’il accomplissait. Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ; lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.
 Patrick BRAUD

 

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