L'homélie du dimanche (prochain)

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28 janvier 2012

Ce n’est pas le savoir qui sauve

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Ce n’est pas le savoir qui sauve


Homélie du 4 ° Dimanche ordinaire  / Année B

29/01/2012

Imposante, cette scène d’exorcisme en pleine synagogue un jour le shabbat (Mc 1,21-28) ! Il faut dire qu’à l’époque, c’était monnaie courante, et que nombre de maladies psychologiques aux effets spectaculaires et violents étaient mis sur le dos du démon avec facilité. Reste que Jésus fait face à cette violence accusatrice. En quelques mots pleins d’autorité, il a délivré cet homme dont la personnalité était clivée. 

Le savoir ne suffit pas

« Je sais fort bien qui tu es : le saint, le saint de Dieu ». L’esprit mauvais qui habite cet homme possède un savoir remarquable et juste. Jésus est vraiment le saint de Dieu, et au début de l’Évangile de Marc fort peu de gens le savent ; encore moins le proclament. Ce cri pourrait passer pour une belle profession de foi en d’autres circonstances. Son contenu est vrai ; c’est son énonciation qui violente et négative. L’esprit a peur de ce que cette sainteté de Dieu peut faire sur lui. Et déjà, rien qu’en parlant à Jésus, il se démasque. En alternant le je et le nous, il se révèle divisé, incapable d’assumer une identité unifiée face à celui qui est habité à l’inverse par l’unique sainteté de Dieu. « Es-tu venu pour nous perdre ? Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Je sais fort bien qui tu es ».

Nous retrouvons ainsi deux caractéristiques toujours actuelles de l’aliénation, c’est-à-dire que ce qui nous rend étrangers à nous-mêmes : un savoir qui n’est pas orienté vers l’amour, un éclatement de la personnalité qui souffre alors d’être tiraillée dans tous les sens.

 

Quand le savoir aliène

L’Humanité du 21° siècle en sait beaucoup plus sur elle-même et sur le monde qu’au temps de Jésus, c’est évident. Un formidable savoir scientifique et technique a déjà révolutionné la manière de voir le monde, de le penser, d’y évoluer. Et ce n’est sans doute que le début d’une aventure de la pensée qui va s’accélérer encore de manière prodigieuse. Pensez aux neurosciences, à la maîtrise de l’énergie produite par l’infiniment petit comme l’infiniment grand. Souvenez-vous de la découverte de l’inconscient, ce continent inconnu, de la naissance de la sociologie mais aussi de l’informatique, de la génétique, des révolutions médiatiques, de l’essor d’Internet etc. Bref, savoir de plus en plus sur de plus en plus de choses semble être la promesse collective de ce siècle. Or le possédé de Capharnaüm vient nous avertir.

Savoir ne suffit pas. On peut connaître et ne pas aimer, pénétrer les profondeurs de la matière et rester superficiel en humanité ; découvrir les choses cachées depuis la fondation du monde et demeurer divisé, étranger à soi-même.

Le christianisme s’est toujours méfié de la gnose, contre laquelle il s’est battu pendant les premiers siècles de son essor. La gnose, c’est ce courant de pensée qui prêche que le salut vient par la connaissance (gnosis en grec). Un certain scientisme moderne relève de la gnose. Certaines maçonneries ou groupements ésotériques également. L’orgueil universitaire de quelques économistes, savants ou penseurs actuels alimentent ce même courant classique.

Il n’est pas jusqu’à des politiques qui croiraient volontiers que la masse est ignorante, et qu’à cause du savoir qu’ils détiennent tout pouvoir devrait leur être donné… (Le parti « avant-garde des masses » est une idée stalinienne qui ressurgit autrement !).

 

La foi au Christ implique un face-à-face courageux avec cette gnose multiforme.

Non : le savoir ne suffit pas. Il peut même « posséder » et diviser l’humanité, en aliénant à des idoles modernes : l’eugénisme au nom d’un savoir génétique, la domination économique au nom d’une avance scientifique et technique, le  matérialisme desséchant au nom d’une conception réductrice du développement humain etc.

Ce rapport gnostique au progrès est comme dans l’Évangile très contradictoire en pratique. L’humanitaire se mélange à la guerre, l’élimination des plus faibles se fait au nom d’un avenir meilleur, la mondialisation nourrit des replis identitaires, la peur climatique devient une arme contre les pays émergents, chaque peuple, chacun dit je et nous alternativement de façon incohérente.

 

La savoir actuel n’est pas gnostique

Heureusement, il y a d’autres rapports au savoir, avec lesquels le christianisme est en connivence naturelle.

Bon nombre des scientifiques sont aujourd’hui d’une humilité remarquable face au réel. Parce que la réalité du monde est complexe, multiforme, parce que la vérité en matière scientifique est plutôt négative que normative, des astrophysiciens, mathématiciens et autres savants contemporains laissent ouvertes les questions sur le sens et l’origine, et s’intéressent eux-mêmes aux grandes démarches religieuses, avec respect. Le scientisme existe encore, mais il est vraiment disqualifié dans la communauté scientifique. Alors, la figure du possédé de Capharnaüm prend davantage de relief : savoir de plus en  plus de choses sur l’homme, sur l’univers, ne dispense jamais  d’orienter ce savoir  vers l’amour, vers l’unification de l’être humain.

 

Le savoir seul ne sauve pas.

Conjugué au désir de Dieu, il peut participer à la création continue d’un monde plus humain.

 

Que faisons-nous du savoir qui est le nôtre ?

 

1ère lecture : Moïse annonce le prophète des temps à venir (Dt 18, 15-20)

Lecture du livre du Deutéronome

Moïse dit au peuple d’Israël : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l’écouterez. C’est bien ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, au mont Horeb, le jour de l’assemblée, quand vous disiez : ‘Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !’
Et le Seigneur me dit alors : ’Ils ont raison. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu’un n’écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte.
Mais un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d’autres dieux, ce prophète-là mourra. ‘»

 

Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre c?ur, mais écoutons la voix du Seigneur.

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre coeur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

 

2ème lecture : La virginité pour le Seigneur (1Co 7, 32-35)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
j’aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur.
Celui qui est marié a le souci des affaires de cette vie, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé.
La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur ; elle veut lui consacrer son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de cette vie, elle cherche comment plaire à son mari.
En disant cela, c’est votre intérêt à vous que je cherche ; je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien, pour que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

 

Evangile : Jésus est le Prophète qui enseigne avec autorité (Mc 1, 21-28)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia. (cf. Lc 1, 68.79)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.
On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.
Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier :
« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. »
Jésus l’interpella vivement : « Silence ! Sors de cet homme. »
L’esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri.
Saisis de frayeur, tous s’interrogeaient : « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. »
Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.
Patrick Braud

21 janvier 2012

De la baleine au ricin : Jonas, notre jalousie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

De la baleine au ricin : Jonas, notre jalousie

 

Homélie du 3° Dimanche ordinaire  / Année B

22/01/2012

L’extrait liturgique du livre de Jonas pour notre deuxième dimanche ordinaire est trop pauvre : on veut tellement insister sur le pardon offert qu’on passe sous silence la résistance de Jonas à ce cadeau fait aux païens de Ninive. Or cette résistance est énorme. L’idée que Dieu puisse se soucier d’un autre peuple que le sien met Jonas en colère : il refuse de collaborer à cette trahison de la « préférence nationale » pour le peuple juif. L’idée que Dieu puisse pardonner gratuitement aux pécheurs et les avertir que avant que le châtiment s’abatte – pour qu’il ne s’abatte pas ! – révulse son côté rude et exigeant.

 

Bref : Jonas est jaloux.

Jaloux du salut des autres.

Jaloux de l’exclusivité juive,  quitte à ce qu’elle se fasse aux dépens des autres peuples.

Jaloux de son statut de prophète qu’il ne veut pas mettre au service d’étrangers : ce serait donner de la confiture à des cochons et gaspiller la parole de Dieu que de l’annoncer à Ninive !

 

Alors Jonas fuit en bateau loin de cette ville qu’il exècre. Mais un fameux poisson (une baleine ?) l’avale et le régurgite ensuite devant les remparts de Ninive qu’il voulait fuir. Jonas s’exécute, contraint, pas de bon coeur : en trois jours symboliques il offre contre son gré une vraie renaissance à cette Las Vegas antique. Il faudra l’épisode du ricin desséché pour qu’il accepte enfin le salut des autres, plus important que la survie de ce ricin destiné à le protéger.

 

La jalousie de Jonas est légaliste et rigoureuse. Les païens ont refusé l’Alliance. Seul Israël y est entré, et cela ne lui apporte que des ennuis. Alors, si Dieu est généreux envers ceux qui l’ont renié, à quoi ça sert d’être fidèle ? Si le pardon est offert même aux pires, pourquoi se fatiguer à pratiquer la loi juive pour être des  justes ? Si Dieu aime les païens, que devient l’élection juive ?

 

La jalousie de Jonas est la nôtre

Dès que nous croyons détenir un avantage ou une position privilégiée, nous croyons qu’il faut la défendre contre les autres. Dès que nous pensons détenir plus de vérité, que ce soit dans une Église ou dans nos savoirs humains, nous avons un mal fou à imaginer que d’autres aient un accès différent à cette même vérité.

La jalousie ne veut pas partager ce que l’intelligence a découvert. Elle s’approprie ce qui a été donné. Elle se réjouit des failles des autres. Elle a peur de perdre, et croit pour cela qu’il faut empêcher l’autre de gagner. Elle confond choix préférentiel et exclusivité : or Dieu est capable de préférer chacun, sans que cela soit comparable.

La jalousie ne cherche pas à faire grandir des collaborateurs, des enfants, un conjoint. Elle n’appelle pas des compagnons à partager l’aventure, comme Jésus le fait avec Jean et André, Jacques et Jean dans l’évangile d’aujourd’hui. Elle se réserve les dividendes des réussites, elle mutualise les pertes et privatise les profits…

 

Un antidote de louange

L’inverse de la jalousie serait sans doute la louange.

Se réjouir de ce que Dieu fait de grand chez les autres libère de la possession de ce qu’il accomplit en moi. « Réjouis-toi Marie » est la salutation où Marie se découvre libérée de toute jalousie pour accueillir le travail de l’Esprit Saint en elle. L’émerveillement de Jésus devant la foi d’une libanaise ou d’un centurion le protège contre tout exclusivisme juif qui a dû le tenter pourtant. « Père, je proclame ta louange : au coeur des enfants tu te révèles ». Cette louange admirative ne jalouse pas ce qui est donné ni la manière dont c’est donné. Elle se réjouit pour l’autre, et sans le savoir se prépare ainsi à recevoir davantage !

 

Quels sont les domaines où la jalousie de Jonas fait encore des ravages de nos jours ?

On pense bien sûr aux relations de travail, où on voudrait nous faire croire que la compétition et la rivalité sont plus efficaces que la coopération et le service. Et puis il y a la famille : les questions d’argent, de réussite sociale et d’héritage révèlent combien la jalousie peut miner des liens fraternels. Mais il ne faut pas oublier non plus les Églises, jalouses les unes des autres, qui se dessèchent au lieu de se réjouir de ce que d’autres ont reçu : d’autres paroisses, d’autres diocèses, d’autres courants spirituels, d’autres Églises, d’autres religions même.

Comme si l’identité de chacun devait se conquérir contre et non avec. Comme si la peur de perdre devait primer sur tout.

 

Jonas a appris à marcher sur sa jalousie pour servir la parole de Dieu.

Relisons son histoire, de la baleine ou ricin, comme un antidote à notre propre jalousie.

 

1ère lecture : A l’appel du prophète, les païens se convertissent (Jon 3, 1-5.10)

Lecture du livre de Jonas

La parole du Seigneur fut adressée de nouveau à Jonas :
« Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle. »
Jonas se leva et partit pour Ninive, selon la parole du Seigneur. Or, Ninive était une ville extraordinairement grande : il fallait trois jours pour la traverser.
Jonas la parcourut une journée à peine en proclamant : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! »
Aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils annoncèrent un jeûne, et tous, du plus grand au plus petit, prirent des vêtements de deuil.
En voyant leur réaction, et comment ils se détournaient de leur conduite mauvaise, Dieu renonça au châtiment dont il les avait menacés.

 

Psaume : Ps 24, 4-5ab, 6-7, 8-9

R/ Fais-nous connaître tes chemins, Seigneur !

Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve. 

Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse,
ton amour qui est de toujours.
Oublie les révoltes, les péchés de ma jeunesse ;
dans ton amour, ne m’oublie pas.

Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.

 

2ème lecture : Le monde passe : vivons ce temps pour le Seigneur (1Co 7, 29-31)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
je dois vous le dire : le temps est limité. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui sont heureux, comme s’ils n’étaient pas heureux, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui tirent profit de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas. Car ce monde tel que nous le voyons est en train de passer.

 

Evangile : Jésus invite les hommes à la conversion, et appelle ses premiers Apôtres (Mc 1, 14-20)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le règne de Dieu est venu jusqu’à vous ; croyez à la Bonne Nouvelle. Alléluia. (Mc 1, 15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait :
« Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Passant au bord du lac de Galilée, il vit Simon et son frère André en train de jeter leurs filets : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant là leurs filets, ils le suivirent.

Un peu plus loin, Jésus vit Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient aussi dans leur barque et préparaient leurs filets.
Jésus les appela aussitôt. Alors, laissant dans la barque leur père avec ses ouvriers, ils partirent derrière lui.
Patrick Braud

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17 décembre 2011

Laisser le volant à Dieu

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Laisser le volant à Dieu

 

Homélie du 4° Dimanche de l’Avent

 

Faire l’oeuvre de Dieu, ou laisser Dieu faire son oeuvre en nous ?

Investir son énergie, ses talents, son argent pour construire quelque chose de beau, une trace de soi : la famille, le succès professionnel, le combat associatif…, ou accueillir ce qui est donné par la vie sans compter ni calculer ?

 

De la tente au cèdre : David et Marie

Le roi David est conduit par le prophète Nathan à passer de l’une à l’autre attitude (1R 7,1-16). « Je vais construire une maison pour Dieu plus belle que ma maison de cèdre » était sa première impulsion.

Un peu gêné sans doute d’habiter dans un palais de cèdre alors que l’arche d’Alliance campait sous une tente.

La même gêne peut-être que ressentent les habitants des beaux quartiers vis-à-vis des familles logées dans des barres d’immeubles délabrés.

Dieu lui répond : « ne te soucie pas de ce que tu peux construire pour moi. Laisse-moi construire pour toi. »

 

Ce renversement change profondément la royauté de David : il ne cherchera plus à programmer ce qui est bon pour Dieu. Il essaiera d’accueillir ce que Dieu lui donnera, en déchiffrant les événements de sa vie - heureux et malheureux - comme autant d’invitations à le laisser faire.

C’est à de tels tournants que nous sommes appelés : arrêter de vouloir faire pour l’autre, et accueillir  activement ce que l’autre fait surgir en moi.

Laisser le volant à Dieu dans Communauté spirituelle vierge_trois_quarts_sm 

L’annonce faite à Marie relève de cette même logique subversive (Lc 1,26-38) : elle ne peut pas donner un fils à Dieu, mais elle accepte que Dieu fasse cela en elle, sans savoir comment. Ce n’est pas Marie qui se propose de consacrer un fils à la cause d’Israël, c’est le Dieu d’Israël qui surprend Marie en l’associant à son oeuvre incroyable. « Que tout se passe pour moi selon ta parole ».

 

Quitter la volonté de bâtir pour celle d’accueillir fera paradoxalement réussir l’oeuvre ainsi construite, Temple de Dieu à Jérusalem ou Temple de Dieu dans l’homme qu’est Jésus.

C’est comme une danse où les deux partenaires inventent leur composition au fur et à mesure ensemble, au lieu de l’imposer à l’autre. Lâcher la programmation altruiste pour la danse avec l’autre fait passer David et Marie du côté de ceux qui font de grandes choses, parce qu’ils sont habités, non parce qu’ils veulent les faire.

Laisser le volant

Comment opérer ce renversement ?

En acceptant les événements comme guides.

Ce qui dérange, ce qui surprend, ce qui est imprévu, ce qui est étrange : voilà des indicateurs aussi sûrs qu’un jet de pétrole dans un champ. Il y a là de quoi gratter pour découvrir ce que Dieu désire opérer en nous.

 

Ne restreignons pas ces événements aux seules remises en causes douloureuses. S’il est vrai qu’une maladie, un deuil, un handicap etc. peuvent faire voir la vie autrement, c’est encore plus vrai d’un amour intense, d’un éblouissement artistique, d’une savoureuse lecture etc. C’est dans la prospérité et la tranquillité enfin acquises que David a fait ce chemin. C’est dans la grâce sereine de Nazareth que Marie a dit son « oui ».

Inutile donc d’attendre des catastrophes pour laisser Dieu prendre le volant de nos vies !

La pleine possession de la réussite peut devenir le moment favorable pour passer sur l’autre versant, celui où l’on est conduit plutôt que de conduire. Il y a des règles et les étapes propres à chacun pour cela.

La croix du Christ, catastrophe à nulle autre pareille en première instance, vient témoigner de ce que les drames de nos existences peuvent eux aussi être intégrés dans ce vaste mouvement de conversion du désir. Malgré leur négativité qui demeure, ces épreuves n’empêchent pas Dieu de nous « construire une maison » comme il l’a fait pour David et Marie.

  Lapinbleu366C-Rm8_14 Avent dans Communauté spirituelle


Soyons donc attentifs à ces annonces.

Celle faite à Marie est la figure des annonces dont Dieu jalonne nos vies, mieux que le Petit Poucet son chemin…

 

 

1ère lecture : Promesse du Messie, fils de David (2S 7, 1-5.8b-12.14a.16)

Lecture du second livre de Samuel

Le roi David était enfin installé dans sa maison, à Jérusalem. Le Seigneur lui avait accordé des jours tranquilles en le délivrant de tous les ennemis qui l’entouraient. Le roi dit alors au prophète Nathan : « Regarde ! J’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite sous la tente ! » Nathan répondit au roi : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. »

Mais, cette nuit-là, la parole du Seigneur fut adressée à Nathan : « Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle le Seigneur : Est-ce toi qui me bâtiras une maison pour que j’y habite ? C’est moi qui t’ai pris au pâturage, derrière le troupeau, pour que tu sois le chef de mon peuple Israël. J’ai été avec toi dans tout ce que tu as fait, j’ai abattu devant toi tous tes ennemis. Je te ferai un nom aussi grand que celui des plus grands de la terre. Je fixerai en ce lieu mon peuple Israël, je l’y planterai, il s’y établira et il ne tremblera plus, et les méchants ne viendront plus l’humilier, comme ils l’ont fait depuis le temps où j’ai institué les Juges pour conduire mon peuple Israël. Je te donnerai des jours tranquilles en te délivrant de tous tes ennemis.

Le Seigneur te fait savoir qu’il te fera lui-même une maison. Quand ta vie sera achevée et que tu reposeras auprès de tes pères, je te donnerai un successeur dans ta descendance, qui sera né de toi, et je rendrai stable sa royauté. Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils. Ta maison et ta royauté subsisteront toujours devant moi, ton trône sera stable pour toujours. »

 

Psaume : 88, 4-5, 27-28, 29-30

R/ Dieu ! Tu as les paroles d’Alliance éternelle.

« Avec mon élu, j’ai fait une alliance,
j’ai juré à David, mon serviteur :
J’établirai ta dynastie pour toujours,
je te bâtis un trône pour la suite des âges.

« Il me dira : Tu es mon Père,
mon Dieu, mon roc et mon salut !
Et moi, j’en ferai mon fils aîné,
le plus grand des rois de la terre !

« Sans fin je lui garderai mon amour,
mon alliance avec lui sera fidèle ;
je fonderai sa dynastie pour toujours,
son trône aussi durable que les cieux. »

2ème lecture : Le mystère de Dieu révélé en Jésus Christ (Rm 16, 25-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Gloire à Dieu, qui a le pouvoir de vous rendre forts conformément à l’Évangile que je proclame en annonçant Jésus Christ. Oui, voilà le mystère qui est maintenant révélé : il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd’hui il est manifesté. Par ordre du Dieu éternel, et grâce aux écrits des prophètes, ce mystère est porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi. Gloire à Dieu, le seul sage, par Jésus Christ et pour les siècles des siècles. Amen.

 

Evangile : Le Messie sera fils de Marie (Lc 1, 26-38)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. La Vierge Maire accueille la Parole : « Je suis la servante du Seigneur, que s’accomplisse la Bonne Nouvelle ! » Alléluia. (Lc 1, 38)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille, une vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie.
L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » 
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. »
Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? »
L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait : ‘la femme stérile’. Car rien n’est impossible à Dieu. »
Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. »
Alors l’ange la quitta.
Patrick Braud

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26 novembre 2011

L’absence réelle

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’absence réelle

 

Homélie du 1° dimanche de l’Avent / Année B

27/11/2011

 

L’évangile de ce premier dimanche de l’Avent est clairement centré sur la vigilance : « veillez ! »

Une vigilance orientée elle-même vers le retour du maître, dont Jésus nous dit qu’il est « parti en voyage ».

 

Un voyage bien embarrassant

Évidemment, il fait ce qu’il veut. Il a le droit de partir se balader où bon lui chante L'absence réelle dans Communauté spirituellequand l’envie lui en prend : c’est lui le maître. Impossible de contester cette décision qui pourtant plonge ses serviteurs dans la panade. Sans lui, la maison est bien difficile à gérer. Et puis, il tarde à revenir (comme l’époux, quel mufle, pour son repas de noces cf. ici). Il ne prévient personne et ne tient personne au courant pendant ce fameux voyage (à l’époque, même sans mail ou SMS, il aurait pu envoyer des courriers aux gens de sa maison !).

 

On le voit : quand le maître est parti, il est bel et bien parti, sans qu’on puisse le joindre. Il est véritablement absent, séparé des siens (ab-sum).

 

En comparant l’attente de sa venue à cette absence réelle du maître de maison, Jésus décrit une tension que les chrétiens auront beaucoup de mal à ne pas annuler dans l’histoire.

Les paraboles où il est question d’un tel voyage et de l’absence qui en découle sont nombreuses : parabole des talents (Mt 25,14-30), de l’époux (Mt 25,1-13), du maître de la vigne (Lc 20,9-19)… Dans l’évangile de Jean, Jésus n’arrête pas de répéter : « je m’en vais » (une vingtaine de fois) comme pour préparer ses disciples à la tête dure à cette disparition.

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L’absence évitée

Il y a donc une absence réelle du Christ que rien ne peut combler. Même la présence réelle dans l’eucharistie ne peut annuler ce vide au creux de l’histoire humaine. Même les discours plus ou moins spirituels sur le compagnonnage avec Jésus, « sa présence en mon coeur » ou tout autre dérivatif ne pourront jamais remplir le trou énorme que le départ du Christ a creusé dans notre histoire.

Alors, devenir chrétien va de pair avec assumer l’absence réelle du « maître parti en voyage »…

 

Bien sûr, pour nous rassurer, nous pouvons d’abord envisager les conséquences positives d’une telle absence. En effet, le départ du Christ loin de nous garantit notre responsabilité effective : s’il était toujours là, nous n’arrêterions pas de lui demander ce qu’il faut faire, tels des gamins inquiets. Cette absence est une garantie de notre condition de croyants adultes.

On pourrait encore essayer d’utiliser cette absence pour « expliquer » les malheurs du monde, la pluralité des religions, la difficulté à croire…

 

Une autre manière de nier l’absence, c’est la trahison. Du moins c’est la piste sur laquelle nous met notre passage d’évangile :

« Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ». Jésus fait sans aucun doute allusion à quatre moments de sa Passion : il est livré le soir par Judas, il comparaît dans la nuit devant Caïphe, Pierre le renie au chant du coq, il est livré à Pilate le matin. Toutes les heures aussi propices à l’attente le sont aussi à la trahison. Celui qui ne veille plus finit par se détourner de l’essentiel de sa vie.

 

L’absence assumée

Et si l’on essayait plutôt d’assumer en vérité l’absence de celui que nous aimons ?

Rien ne pourra le remplacer :

- ni l’Église, si prompte à prendre sa place

- ni l’humanitaire, cache-misère de bien des peurs du vide

- ni la réussite professionnelle et sociale, captant l’énergie de l’attente pour l’investir dans la transformation du seul présent

- ni le divertissement pascalien, qui s’étourdit sans attendre de fin ultime…

 

Assumer l’absence réelle du Christ permet dans le même mouvement d’assumer les autres absences qui peuplent nos mémoires.

Au lieu d’imaginer qu’un défunt est là à côté, mieux vaut attendre le rendez-vous final. Au lieu de projeter l’angoisse du vide sur d’improbables signes ou communications mystérieuses avec lui, mieux vaut prendre acte que la mort n’est plus là, simplement, et qu’il ne sera vraiment présent qu’en Dieu, au-delà du temps et l’espace connu. Au lieu de rechercher des liens imaginaires avec ceux qui ont croisé notre route et qui ont disparu de notre vue, mieux vaut avec courage se tourner résolument vers l’avenir : « laisse les morts enterrer leurs morts » (Lc 9,60).

 

L’Esprit nous aide à habiter l’absence

Celui qui peut nous aider à apprivoiser les absences de nos vies, celle du Christ comme celle de nos amis et familles, c’est l’Esprit de Dieu. Jésus nous l’a promis : son départ ne nous laisse pas orphelins, puisque l’Esprit vient respirer en nous, et orienter notre désir vers la rencontre ultime.

« C’est votre intérêt que je parte; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai ». (Jn 16,7)

« L’Esprit et l’épouse disent : viens ! » (Ap 22,17)

 

Invoquons donc l’Esprit : qu’il nous apprenne comment assumer joyeusement et courageusement l’absence réelle du Christ, et toutes les absences qui jalonnent notre avancée vers lui…

 

1ère lecture : Appel au Seigneur pour qu’il vienne (Is 63, 16b-17.19b; 64, 2b-7)

Lecture du livre d’Isaïe

Tu es, Seigneur, notre Père, notre Rédempteur : tel est ton nom depuis toujours. Pourquoi Seigneur, nous laisses-tu errer hors de ton chemin, pourquoi rends-tu nos coeurs insensibles à ta crainte ? Reviens, pour l’amour de tes serviteurs et des tribus qui t’appartiennent. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes fondraient devant toi. 

Voici que tu es descendu, et les montagnes ont fondu devant ta face. Jamais on ne l’a entendu ni appris, personne n’a vu un autre dieu que toi agir ainsi envers l’homme qui espère en lui. Tu viens à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie et qui se souvient de toi en suivant ton chemin. Tu étais irrité par notre obstination dans le péché, et pourtant nous serons sauvés. Nous étions tous semblables à des hommes souillés, et toutes nos belles actions étaient comme des vêtements salis. Nous étions tous desséchés comme des feuilles, et nos crimes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoquait ton nom, nul ne se réveillait pour recourir à toi. Car tu nous avais caché ton visage, tu nous avais laissés au pouvoir de nos péchés. Pourtant, Seigneur, tu es notre Père. Nous sommes l’argile, et tu es le potier : nous sommes tous l’ouvrage de tes mains.

Psaume : 79, 2.3bc, 15-16a, 18-19

R/ Dieu, fais nous revenir ; que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés !

Berger d’Israël, écoute,
toi qui conduis, ton troupeau : resplendis !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver. 

Dieu de l’univers reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

2ème lecture : L’Église est fidèle dans l’attente du Seigneur(1Co 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
que la grâce et la paix soient avec vous, de la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la Parole et toutes celles de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est implanté solidement parmi vous. Ainsi, aucun don spirituel ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir solidement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

 

Evangile : « Veillez ! » (Mc 13, 33-37)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Montre-nous, Seigneur, ta miséricorde : fais-nous voir le jour de ton salut. Alléluia. (cf. Ps 84, 8)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment.
Il en est comme d’un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller.
Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin.
Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis.
Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Patrick Braud

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