L'homélie du dimanche (prochain)

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22 juillet 2015

Foule sentimentale

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Foule sentimentale

 

Homélie du 17° dimanche du temps ordinaire / Année B
26/07/2015

 

Cf. également :

Multiplication des pains : une catéchèse d’ivoire

Donnez-leur vous mêmes à manger

 

Vox populi

Foule sentimentale dans Communauté spirituelle 5311436188376

Le référendum du 05/07/2015 où la Grèce a dit « non » à 61% a retenti en Europe comme un coup de tonnerre. On s’était habitué (résigné) à ce que la construction européenne soit d’abord une affaire d’experts (financiers, juridiques…) et de politiques, et voilà que le peuple grec fait entendre un non clair et massif à l’austérité-remède imposée par la ‘troïka’ de Bruxelles. Les foules dansant sur la place du Pirée à l’annonce du résultat ont fait peur à beaucoup de hauts responsables. Peut-on faire confiance à ces foules pour décider de leur avenir ? Pour savoir comment redresser le pays ? Pour influer sur la suite de la construction européenne ? C’est une affaire trop sérieuse et trop technique, trop complexe pour la remettre entre les mains d’une opinion publique ! C’est trop dangereux - voire démagogique - de jouer ainsi avec le sort de l’euro en faisant appel aux foules, pensent beaucoup.

Finalement, les technocrates seraient plus compétents que cette vox populi pour faire les choix importants, disent certains… Et l’accord imposé par la négociation européenne le 13 juillet a toutes les apparences d’une mise sous tutelle, malgré le message exprimé par les foules grecques… Sans la renégociation de la dette (et donc de toutes les dettes souveraines), il y a fort à parier que ces mêmes foules descendront à nouveau dans la rue pour protester…

On voit ainsi revenir un certain mépris à l’égard des foules, supposés incultes et irresponsables, ou au moins une certaine défiance envers elles. Sur bien d’autres sujets (le mariage, la GPA, l’euthanasie, l’école, les territoires etc.) les pouvoirs politiques ont peur des foules, ou ne veulent en tenir aucun compte. Le lien entre peuple et élus, constitutif de nos démocraties représentatives, est de plus en plus distendu. La crise de confiance est telle que l’abstention et les extrêmes prolifèrent d’élection en élection en France.

 

Les foules bibliques

foule foule dans Communauté spirituelleDans la Bible, les foules ont un statut bien différent. Elles sont souvent la raison première de l’action de Dieu: « libérez mon peuple » (Exode), croître et se multiplier (Genèse), participer à la liturgie céleste (cf. les foules de l’Apocalypse) etc…

Regardons comment la multiplication des pains nous invite à regarder autrement les foules d’aujourd’hui : en « levant les yeux » avec Jésus, c’est-à-dire en ayant une vision universelle et à long terme, en les nourrissant avec tendresse, en les conduisant toujours plus loin que leur faim immédiate.

 

Aimer les foules avec le Christ

Un acteur essentiel de ce texte (Jn 6,1-15) est la foule. Un grand nombre de gens ont suivi Jésus, et acceptent pour cela de faire des kilomètres à pied, de l’autre côté du lac, loin de chez eux, dans la chaleur et le flou (qui est cet homme ? peut-il nous apporter un salut ? etc.). C’est lorsque Jésus « lève les yeux » sur cette foule qui se masse autour des Douze et lui qu’il prend conscience de sa responsabilité envers elle. Pour les Douze seulement il n’aurait pas posé ce signe de la multiplication des pains. Mais ici il y a urgence et l’enjeu est de taille : plus de 5000 hommes à nourrir (sans compter les femmes et les enfants !). Avant de les rassasier, il organise cette foule, choisit une prairie herbeuse, la fait asseoir, apportantt ainsi le calme et la confiance qui vont éviter à la distribution de nourriture de dégénérer en pugilats dégradants comme on le voit hélas dans trop de distributions humanitaires. D’ailleurs, à la fin du texte, ce n’est plus tout à fait une foule informe mais des « convives » qui sont rassemblés, comme sont rassemblés les morceaux en surplus, comme avaient été rassemblés les grains de blé pour faire le pain.

On peut relire les 4 évangiles avec les foules comme clé d’entrée :

« Dans ma famille toujours menacée de dislocation par le placement des enfants chez les Orphelins d’Auteuil, auprès de ma mère dépendante de l’aumône et donc jamais libre de ses gestes, grandissant à la lisière d’un quartier malfamé pour sa misère et d’un autre, plus populaire, je découvris peu à peu ce que pouvait être la foule entourant Jésus, ce que pouvait signifier sa parole pour les uns et les autres. La Samaritaine, la Cananéenne, le bon larron, le publicain au fond du Temple, la femme faisant tant de bruit pour une drachme retrouvée, tous et toutes m’étaient tellement familiers. La foule des humbles, avec en permanence dans son sillage des misérables, toujours en retard et se poussant, gênant tout le monde, exposant leurs plaies, leurs maladies, leurs souffrances…, rien de tout cela ne me surprenait, au contraire. J’avais l’impression de les avoir déjà rencontrés et c’était exact. Les plus pauvres de la basse ville d’Angers, tantôt absorbés par la foule, tantôt rejetés, refluant vers leur quartier, leurs mansardes, leurs logements sur cour sans soleil ni sanitaire, ne me paraissaient pas différents. Leur langage, leurs comportements étaient les mêmes. Grâce à eux, j’apprenais à être chez moi dans l’Évangile. Cette familiarité n’était pas une question de l’espace ou de l’époque où naissaient les hommes, mais de leur condition sociale dans le monde de leur temps. C’était d’être pauvre ou de condition aisée qui faisait la différence : les uns comprenaient ou même pouvaient bondir de joie ; les autres n’y étaient pas du tout, ils pouvaient critiquer les paroles, les miracles, refuser de les entendre et d’y croire [1]. »

Loin des clichés où les foules seraient essentiellement versatiles (les Rameaux) ou hostiles (la Passion), on découvre alors un lien d’attachement extraordinairement fort entre Jésus et les foules. Visiblement, il est ému par elles, il les connaît de l’intérieur, par le coeur. Il comprend leur demande, et ne s’affole pas de les voir mélangées, voire contradictoires (elles demandent des miracles, une libération politique, des paroles d’amour, une espérance forte que la mort…).

 

Emporté par la foule ?

Cette communion entre Jésus et les foules ne va pourtant à pas jusqu’à leur obéir aveuglément. La fin de notre évangile dit bien : « Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ;  alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul ». Il y a donc des moments où il faut savoir décevoir l’attente du plus grand nombre. Lorsque la foule s’aveugle elle-même sur son propre désir, en instrumentalisant par exemple Jésus pour un projet politique (le faire roi), le Christ doit rétablir une juste distance (se retirer dans la montagne). Il ose les décevoir pour que leur faim ne se trompe pas de cible. Il ne se laisse pas griser par son succès immédiat, au point de laisser la foule mettre la main sur lui.

Les grands personnages politiques sont ceux qui osent ainsi frustrer les foules lorsqu’elles demandent leur propre perte, ou lorsqu’elles veulent manipuler le pouvoir pour leurs intérêts à court terme (manger gratuitement, avoir la puissance du prophète de leur côté…). On pense à De Gaulle sachant garder sa liberté vis-à-vis de l’opinion publique. Ou bien à Mitterrand abolissant la peine de mort contre les sondages. Peut-être également à Jacques Delors refusant d’aller à la présidentielle de 1995, à Jean Monnet et Robert Schumann bâtissant l’Europe sur les liens économiques entre la France et l’Allemagne malgré les haines farouches de part et d’autre etc.

Aimer les foules ne veut pas dire leur obéir en tout, devenir leur jouet. Le prophète nourrit la multitude en éduquant son désir, pour passer d’une faim alimentaire à une faim plus haute encore, pour ne pas s’arrêter aux premiers résultats obtenus etc.

 

Alors vous quelles sont vos foules ?

Celles qui vous suivent et que vous devez nourrir (famille, collaborateurs, associations, club en tout genre) ?
Que voudrait dire lever les yeux pour mieux voir et satisfaire la faim de ces foules ?
Quel est votre amour de ceux qui vous sont ainsi confiés ?

Et nous sommes tous également membres d’une foule à un moment ou à un autre. Suis-je prêt à me décentrer de chez moi pour marcher avec d’autres derrière ce prophète si déroutant ? Est-ce que je reconnais le pain qu’il nous donne, sa  véritable nature et origine ?

Est-ce que j’accepte moi aussi, avec la foule, de ne pas mettre la main sur ceux qui sont nos serviteurs ? De leur laisser la liberté, la solitude, la juste distance nécessaires à leur mission ?

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[1]. Joseph Wresinski, Heureux vous les pauvres, Éditions Cana, 1984.

 

 

1ère lecture : « On mangera, et il en restera » (2 R 4, 42-44)

Lecture du deuxième livre des Rois

En ces jours-là,      un homme vint de Baal-Shalisha  et, prenant sur la récolte nouvelle,  il apporta à Élisée, l’homme de Dieu,  vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac.  Élisée dit alors :  « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. »      Son serviteur répondit :  « Comment donner cela à cent personnes ? »  Élisée reprit :  « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent,  car ainsi parle le Seigneur :  ‘On mangera, et il en restera.’ »      Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta,  selon la parole du Seigneur.

Psaume : Ps 144 (145), 10-11, 15-16, 17-18

R/ Tu ouvres la main, Seigneur :
nous voici rassasiés.
(Ps 144, 16)

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Les yeux sur toi, tous, ils espèrent :
tu leur donnes la nourriture au temps voulu ;
tu ouvres ta main :
tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Il est proche de tous ceux qui l’invoquent,
de tous ceux qui l’invoquent en vérité.

2ème lecture : « Un seul Corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 1-6)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères,     moi qui suis en prison à cause du Seigneur,  je vous exhorte à vous conduire d’une manière digne de votre vocation :     ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience,  supportez-vous les uns les autres avec amour ;      ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit  par le lien de la paix.      Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit.      Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême,      un seul Dieu et Père de tous,  au-dessus de tous, par tous, et en tous.

Evangile : « Ils distribua les pains aux convives, autant qu’ils en voulaient » (Jn 6, 1-15)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Un grand prophète s’est levé parmi nous :
et Dieu a visité son peuple.
Alléluia.  (Lc 7, 16)

En ce temps-là,     Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée,  le lac de Tibériade.      Une grande foule le suivait,  parce qu’elle avait vu les signes  qu’il accomplissait sur les malades.      Jésus gravit la montagne,  et là, il était assis avec ses disciples.      Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche.     Jésus leva les yeux  et vit qu’une foule nombreuse venait à lui.  Il dit à Philippe :  « Où pourrions-nous acheter du pain  pour qu’ils aient à manger ? »      Il disait cela pour le mettre à l’épreuve,  car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire.      Philippe lui répondit :  « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas  pour que chacun reçoive un peu de pain. »      Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit :      « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge  et deux poissons,  mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! »      Jésus dit :  « Faites asseoir les gens. »  Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit.  Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes.      Alors Jésus prit les pains  et, après avoir rendu grâce,  il les distribua aux convives ;  il leur donna aussi du poisson,  autant qu’ils en voulaient.     Quand ils eurent mangé à leur faim,  il dit à ses disciples :  « Rassemblez les morceaux en surplus,  pour que rien ne se perde. »      Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers  avec les morceaux des cinq pains d’orge,  restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture.      À la vue du signe que Jésus avait accompli,  les gens disaient :  « C’est vraiment lui le Prophète annoncé,  celui qui vient dans le monde. »      Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ;  alors de nouveau il se retira dans la montagne,  lui seul.
Patrick Braud

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15 juillet 2015

Medium is message

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Medium is message


Homélie du 16° dimanche du temps ordinaire /année B
19/07/15

 Cf. également :

Du bon usage des leaders et du leadership

Briefer et débriefer à la manière du Christ

 

Voilà un passage d’évangile fort bien construit, comme d’habitude.

On y voit les Douze débriefer leur mission, c’est-à-dire raconter à Jésus « tout ce qu’ils avaient fait et enseigné ». Mais on ne nous dit pas ni ce qu’ils ont fait, ni ce qu’ils ont enseigné ! Ici, ce qui compte, c’est de relire auprès de Jésus les événements marquants des dernières semaines occupées à annoncer le règne de Dieu.

Comme si parfois le fait de raconter était plus important que ce que l’on raconte.
Comme si être rassemblés à nouveau autour du Christ était plus important que le contenu de ce qu’il leur dirait.
Et cela se prolonge pour Jésus lui-même : « il se mit à enseigner longuement » les foules, sans que Marc prenne soin de nous en livrer quelques sentences bien choisies.
Comme si le fait d’enseigner prenait le pas sur l’enseignement.
Comme si le message réside davantage dans Jésus lui-même parlant aux foules que dans le contenu de sa parole. Comme s’il était la Parole personnifiée.

Autrement dit, Marc semble suggérer que le message c’est Jésus en personne, bien plus encore que son discours !

 Medium is message

Medium is message dans Communauté spirituelle 9782020045940C’est ce qu’un célèbre théoricien des médias, Marshall Mac Luhan, a synthétisé en une formule célèbre : medium is message.

« [...] en réalité et en pratique, le vrai message, c’est le médium lui-même, c’est-à-dire, tout simplement, que les effets d’un médium sur l’individu ou sur la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie *»

Le message réside dans le médium (les médias) employé. La télévision a révolutionné les rapports familiaux et l’ouverture au monde de par sa présence même et sa manière de fonctionner, plus que par ses  programmes. De même, Internet bouleverse notre culture actuelle (d’UberPop au crowfounding, en passant par Instagram ou Tweeter etc.) plus par la vision du monde qu’il engendre que par le contenu qu’il véhicule.

Bref : la manière de dire des choses compte autant (sinon plus) que les choses dites.

 

D’ailleurs, pour le thème du bon berger qui est le fil rouge des lectures de ce dimanche, c’est bien le cas. On ne sait pas ce que dit Jésus, mais on le voit incarner en lui-même une posture de bon berger : il rassemble les siens, il prend soin d’eux  (« venez vous reposer un peu ») avec une délicatesse que les féministes du care ne renieraient pas ; il est saisi de compassion devant les foules en attente ; il les enseigne, et bientôt va les nourrir… ‘Qui il est’ est au coeur de son message. Message is Jesus himself, pourrait-on dire en parodiant Mac Luhan. Il incarne ce qu’il annonce : un Dieu qui fait attention aux besoins des hommes, qui les accompagne, est à leur service, désire leur croissance matérielle et spirituelle.

Des bons bergers qui ont marqué nos histoires personnelles, nous retenons souvent leur sourire, leur affection, leur capacité d’écoute, leur présence aux moments importants plus que des sermons ou des listes de recommandations…

 

En termes de leadership, la capacité que Marc met en avant pour Jésus pourrait s’appeler l’exemplarité. Aujourd’hui, bon nombre de dirigeants sont conscients que rien ne changera dans leur entreprise s’ils ne changent pas d’abord eux-mêmes. Plus de proximité, plus d’écoute, un vrai sens du service des collaborateurs, un management vraiment collaboratif et pas seulement participatif… : rien ne sert de faire des grand-messes avec de grandes ambitions devant tout le personnel si le patron et l’encadrement n’incarnent pas eux-mêmes ce qu’ils annoncent ! Dire à des employés : ‘prenez des initiatives, libérez votre capacité d’innovation, devenez plus responsables et autonomes’, cela demande au minimum de la part de celui qui le dit : confiance jusqu’au bout, moins de contrôles, plus d’accompagnement, donner le droit à l’erreur etc. sinon, la posture managériale de l’encadrement contredira en pratique le message de liberté qu’il essaie de faire passer.

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Medium is message

S’il fallait un (triste) exemple de la pertinence de cette formule de Mac Luhan, prenez cette très belle phrase : le travail rend libre. Prononcée par Gandhi ou Mandela, elle ouvre des perspectives de libération par la noblesse de l’activité-travail, par la lutte contre le chômage et l’exclusion sociale. Mais inscrite en allemand à l’entrée d’un centre de détention près d’un village nommé Auschwitz, cette même phrase devient inhumaine et diabolique.

Tout dépend donc de la personne qui la prononce et de la manière dont elle la proclame.

L%E2%80%99exemplarite-n-est-pas-une-facon-d-influencer-Albert-Schweitzer-e1429423271374 exemplaritéSeule une certaine exemplarité rend crédible le message : en Jésus, sa cohérence personnelle est si forte qu’elle le désigne comme le bon berger en personne. La vérité en christianisme n’est pas une doctrine, pas une liste d’interdits ou de commandements, pas un système d’idées : c’est une personne vivante, Jésus le Christ. Devenir chrétien, c’est entrer toujours davantage en communion avec lui, et non adhérer à une idéologie.

Les bons bergers dont nous avons besoin, en entreprise comme en politique par exemple, sont ceux qui incarnent personnellement leurs idées et leurs convictions.

Les parents, les responsables d’associations etc. sont également concernés !

 

À nous de susciter de tels leaders, en choisissant d’appeler aux responsabilités ceux qui ont la passion de servir les autres, en acceptant nous-mêmes d’endosser un certain leadership lorsque les foules ou les Douze d’aujourd’hui nous le demandent.

 

 _________________________

 *  Marshall Mc Luhan, Pour comprendre les médias, Seuil, coll. Points essais, 1977.

 

 

1ère lecture : « Je ramènerai le reste de mes brebis, je susciterai pour elles des pasteurs » (Jr 23, 1-6)
Lecture du livre du prophète Jérémie

Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage – oracle du Seigneur !          C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Je vais m’occuper de vous, à cause de la malice de vos actes – oracle du Seigneur.         Puis, je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées. Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront.          Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue – oracle du Seigneur.           Voici venir des jours – oracle du Seigneur, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice.          En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »  

Psaume : Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6

R/ Le Seigneur est mon berger :
rien ne saurait me manquer.  
(cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

2ème lecture : « Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité » (Ep 2, 13-18)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères,          maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ.          C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ;               il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix,          et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine.          Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches.          Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père.

Evangile : « Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ;
moi, je les connais, et elles me suivent.
Alléluia. (Jn 10, 27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, après leur première mission,     les Apôtres se réunirent auprès de Jésus,  et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.  Il leur dit :  « Venez à l’écart dans un endroit désert,  et reposez-vous un peu. »  De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux,  et l’on n’avait même pas le temps de manger.      Alors, ils partirent en barque  pour un endroit désert, à l’écart.      Les gens les virent s’éloigner,  et beaucoup comprirent leur intention.  Alors, à pied, de toutes les villes,  ils coururent là-bas  et arrivèrent avant eux.      En débarquant, Jésus vit une grande foule.  Il fut saisi de compassion envers eux,  parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger.  Alors, il se mit à les enseigner longuement.
Patrick BRAUD

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1 juillet 2015

Quelle est votre écharde dans la chair ?

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Quelle est votre écharde dans la chair ?

Homélie du 14° dimanche de l’année B
05/07/2015

 

L’écharde de Paul

Marchez pieds nus sur un vieux parquet en bois. Vous aurez bien des chances de ressentir une vive douleur à un moment où votre pied aura traîné et frotté sur le bois. Un petit éclat de lame de parquet est venu se ficher dans la peau, et s’est même infiltré en dessous, disparaissant complètement sous l’épiderme : une écharde ! Elle est venue se ficher en votre chair. Si bien qu’il faut d’abord localiser où est logé l’intruse, souvent invisible. Et ensuite procéder à l’extrusion de l’éclisse. Une pince à épiler et un couteau aiguisé font généralement l’affaire. Mais attention : si vous n’enlevez pas l’épine entière, le bout de bois qui restera va s’infecter et vous fera souffrir au point de ne pouvoir poser le pied par terre.

Quelle est votre écharde dans la chair ? dans Communauté spirituelle

C’est cette image de l’écharde que Paul a en tête lorsqu’il parle d’un mystérieux rappel à l’humilité inscrit en sa chair.

« Et pour que je ne sois pas enflé d’orgueil, à cause de l’excellence de ces révélations, il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter et m’empêcher de m’enorgueillir. »
2Co 12,7 (2° lecture de ce Dimanche)

Quelle était cette écharde pour Paul ?

Les exégètes et historiens ont tout imaginé : tentations continuelles, adversaires tenaces, maladies chroniques (telles que des problèmes d’yeux, la malaria, des migraines ou des crises d’épilepsie), un problème d’élocution (cf. Moïse qui était bègue et a dû demander à Dieu d’être secondé par Aaron) etc.

Le mot écharde employé en grec (σκόλοψ= skolops) par Paul est unique dans toute la Bible (c’est un hapax). Impossible donc de le comparer à d’autres usages bibliques pour deviner ce que cela pourrait bien être. En fait nous ne savons pas ce à quoi Paul fait allusion. Lui-même ne veut pas le dire explicitement aux corinthiens. Peut-être en a-t-il honte ? Peut-être cela était-il connu des communautés chrétiennes ?

Paul devait avoir quelques problèmes de santé, puisqu’il mentionne par exemple aux Galates que c’est une maladie qui lui a permis opportunément de leur annoncer l’Évangile (comme quoi un problème de santé peut finalement servir l’évangélisation !).

« Vous le savez, ce fut une maladie qui me donna l’occasion de vous évangéliser la première fois, et, malgré l’épreuve que vous était ce corps infirme, vous n’avez marqué ni mépris ni dégoût; mais vous m’avez accueilli comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus ». (Ga 4,14)

Si cette écharde avait été une maladie, Paul l’aurait sans doute évoqué comme en Ga 4,14. Mais nous n’en savons rien. Conformément à la mentalité religieuse de son époque, Paul attribue à un « envoyé de Satan » l’origine de cette écharde. C’est donc qu’il ressent son écharde non pas tant comme une douleur que comme un obstacle à sa mission (Satan = obstacle en hébreu). Paul constate avec amertume qu’il y a quelque chose en lui qui l’empêche d’être parfaitement cohérent avec la mission qu’il a reçue. Et du coup, il ne peut se vanter d’être un super apôtre infaillible et impeccable.

Gabrielle Althen, La splendeur et l'échardeIl a conscience d’être à part : sa notoriété était grande chez les juifs avant sa conversion au Christ. Elle est encore plus grande chez les chrétiens après. Il écrit des lettres dont il sait qu’on en fait lecture publique dans les assemblées. Il parle d’égal à égal avec Pierre, avec les procureurs romains… Bref, il pourrait avoir la grosse tête !

Et voilà qu’une mystérieuse écharde le ramène régulièrement à ses limites, et l’empêche de se surestimer.

L’interprétation que Paul fait de sa faiblesse est finalement très positive : c’est pour bien attester que le trésor qu’il apporte ne vient pas de lui, mais de Dieu, et qu’il porte ce trésor dans un vase d’argile. Peu importe le vase : c’est le contenu qui compte.

Paul sait, avec sagesse et réalisme, qu’il n’est pas à la hauteur du message qu’il annonce. Au lieu de le désespérer, ce décalage va finalement servir sa cause : c’est le Christ qui compte, Paul n’est que son serviteur, avec ses contradictions et son génie.

 

Et vous, quelle est votre écharde ?

Du coup, la possibilité d’une écharde qu’il nous faut gérer à vie devient intéressante pour nous aussi… Bien sûr, dans la mesure du possible, chacun de nous s’évertue à extraire l’éclisse spirituelle qu’il découvre fichée dans son histoire. Mais les éradiquer toutes est impossible en réalité. Croire qu’on peut être 100 % cohérent avec nos convictions les plus profondes est un leurre. Avec l’âge et l’expérience, la sagesse recommande d’apprendre à vivre avec ce que l’on est plutôt que de chercher (illusoirement) à se changer totalement.

C’est vrai des petites douleurs physiques (arthrose, vue,…), même si aujourd’hui les prothèses peuvent apporter beaucoup d’améliorations ! C’est plus vrai encore des traits de caractère ou de personnalité. Si quelqu’un est colérique, il apprendra à mettre sa colère au service des causes justes. Si quelqu’un est solitaire, il apprendra à fêter sa solitude pour en faire un lieu habité. Si un autre est hyperactif, il sera mettre sa retraite au service de la vie associative etc. Et lorsque cette faiblesse devient un obstacle à la cohérence globale, alors se souvenir de Paul permettra de l’accueillir comme un salutaire rappel à l’humilité : qui suis-je pour juger mon frère, moi qui ai telle difficulté, tel gros défaut, telle limite peu glorieuse ? Celui qui se croit sans faiblesse devient dur et inhumain envers ses compagnons de route. Celui qui ne sent plus les éclisses fichées dans sa chair les  laisse infecter son corps tout entier.

 

Alors, quelle est votre écharde ?

affiche écharde dans Communauté spirituelleNe répondez pas trop vite. Car ce n’est sans doute pas celle dont vous auriez rêvé. Ce n’est pas vous qui la choisissez. Elle vous est imposée par la vie (par Satan, disait Paul dans sa culture). Elle risque fort d’être humiliante par moments. En tout cas, vous la reconnaîtrez lorsque vous pouvez dire avec un peu d’humour : « tiens, c’est bien moi ça, et ce n’est pas prêt de changer… »

Alors, il vaut mieux faire la fête à ce tweet vous ramenant à la réalité : « tu n’es pas tout-puissant » #uneéchardedanslachair.

L’écharde contemporaine peut être un deuil ou une séparation non résolue, des mauvaises habitudes inexpugnables, un défaut récurrent et impossible à éliminer, une infirmité limitante, une passion dévorante, un trait de caractère peu glorieux qui refait surface avec l’âge… Plutôt que de s’épuiser à combattre ce qui réapparaîtra ailleurs ou autrement, Paul nous invite à faire avec : ne luttez pas frontalement contre vos faiblesses invincibles, faites-en plutôt des alliées, afin de vous décentrer de vous-même, de faire confiance à un Autre, pour ne pas avoir la grosse tête…

 

Bienheureuse faiblesse qui nous recentre sur la force venant de Dieu !

Salutaire écharde qui nous amène humblement à sourire de nous-mêmes et nous dégonfle les chevilles !

 

 

1ère lecture : « C’est une engeance de rebelles ! Qu’ils sachent qu’il y a un prophète au milieu d’eux ! » (Ez 2, 2-5)

Lecture du livre du prophète Ézékiel

En ces jours-là,      l’esprit vint en moi  et me fit tenir debout.  J’écoutai celui qui me parlait.      Il me dit : « Fils d’homme, je t’envoie vers les fils d’Israël,  vers une nation rebelle qui s’est révoltée contre moi.  Jusqu’à ce jour, eux et leurs pères  se sont soulevés contre moi.      Les fils ont le visage dur,  et le cœur obstiné ;  c’est à eux que je t’envoie.  Tu leur diras :  ‘Ainsi parle le Seigneur Dieu…’      Alors, qu’ils écoutent ou qu’ils n’écoutent pas  – c’est une engeance de rebelles ! –  ils sauront qu’il y a un prophète au milieu d’eux. »

Psaume : Ps 122 (123), 1-2ab, 2cdef, 3-4

R/ Nos yeux, levés vers le Seigneur, attendent sa pitié.

(cf. Ps 122, 2)

Vers toi j’ai les yeux levés,
vers toi qui es au ciel,
comme les yeux de l’esclave
vers la main de son maître.

Comme les yeux de la servante
vers la main de sa maîtresse,
nos yeux, levés vers le Seigneur notre Dieu,
attendent sa pitié.

Pitié pour nous, Seigneur, pitié pour nous :
notre âme est rassasiée de mépris.
C’en est trop, nous sommes rassasiés 

du rire des satisfaits,
du mépris des orgueilleux !

2ème lecture : « Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure » (2 Co 12,7-10)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, les révélations que j’ai reçues sont tellement extraordinaires  que, pour m’empêcher de me surestimer,  j’ai reçu dans ma chair une écharde,  un envoyé de Satan qui est là pour me gifler,  pour empêcher que je me surestime.  Par trois fois,  j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi.      Mais il m’a déclaré :  « Ma grâce te suffit,  car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. »  C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses,  afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ  les faiblesses, les insultes, les contraintes,  les persécutions et les situations angoissantes.  Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

     – Parole du Seigneur.

 

Evangile : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays »(Mc 6, 1-6)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres.
Alléluia. (Lc 4, 18ac)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là,     Jésus se rendit dans son lieu d’origine,  et ses disciples le suivirent.      Le jour du sabbat,  il se mit à enseigner dans la synagogue.  De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient :  « D’où cela lui vient-il ?  Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée,  et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ?      N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie,  et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ?  Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? »  Et ils étaient profondément choqués à son sujet.      Jésus leur disait :  « Un prophète n’est méprisé que dans son pays,  sa parenté et sa maison. »      Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ;  il guérit seulement quelques malades  en leur imposant les mains.      Et il s’étonna de leur manque de foi.  Alors, Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Patrick BRAUD

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24 juin 2015

La générosité de Dieu est la nôtre

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La générosité de Dieu est la nôtre


Homélie du 13° Dimanche du temps ordinaire / Année B

28/06/15

Je vous propose aujourd’hui de méditer sur le rôle de la générosité dans notre vie.

Le mot générosité revient en effet deux fois sous la plume de Paul dans notre 2ème lecture.

L’attitude généreuse de Jésus dans l’évangile marque le passage de ce dimanche, puisqu’une force de guérison déborde de lui pour une femme et une jeune fille.

Et enfin le livre de la Sagesse dans la 1ère lecture contemple la Création, et y voit la trace de la générosité de Dieu.

Car c’est bien de là qu’il faut partir : la générosité est avant tout divine ! Ce n’est pas d’abord une valeur humaine : c’est une manière d’être de Dieu lui-même. « Il a créé toutes choses pour qu’elles subsistent » s’émerveille le Sage (Sg 1-2).

Vous êtes-vous déjà étonnés devant le spectacle de la nature, devant la beauté de la création ?

Comment se fait-il que quelque chose existe plutôt que rien ?

Dieu n’avait nul besoin de faire surgir d’autres existences que la sienne. Rien ne lui aurait manqué si le Big Bang n’avait pas explosé ; il serait toujours Dieu si l’homme n’existait pas ! En Dieu, l’acte créateur est un acte de pure générosité, qui correspond à la nature même de l’amour qu’est Dieu. « Bonum diffusum sui » disaient les Anciens : l’essence du bien est de se diffuser, de se communiquer généreusement à d’autres ». Le Verbe de Dieu, incarné en Jésus Christ, va jusqu’au bout de cette générosité divine :« lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). Voilà « la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ » comme l’écrit Saint Paul : débordante, gratuite, sans calcul. Il a généreusement renoncé à ses droits et privilèges divins pour faire corps avec l’humanité rejetée et méprisée, afin de la réintroduire en Dieu-Trinité.

La générosité de Dieu est la nôtre dans Communauté spirituelleRegardez d’ailleurs dans notre passage d’évangile : Jésus est tellement habité de cette générosité débordante qu’une force sort de lui, sans qu’il la contrôle, pour guérir une femme qui souffrait de ne plus être une femme (à cause de ses pertes de sang). Et quand il s’en aperçoit, il ne demande rien à cette femme en retour :« va en paix ». De même pour la fillette qui n’arrive pas à devenir une jeune fille : il la ressuscite à sa condition de jeune fille (12 ans ! chiffre symbolique) : « Talitha koum »,  mais ne demande rien en retour. Au contraire, il leur recommande avec insistance que personne ne le sache.

Avez-vous déjà vu plus grande générosité que ces deux générosités-là : la création par Dieu de la nature et de l’homme ? La re-création par le Christ d’une humanité ressuscitée avec lui ?

 

La générosité humaine va naître de cette double contemplation.

Ce n’est donc pas une valeur humaine, ni même humaniste : être généreux, c’est répondre à l’amour de Dieu par le même amour, c’est participer à la manière d’être de Dieu, c’est correspondre à l’image de Dieu en nous. Comme l’écrivait le livre de la Sagesse : « Dieu a fait de l’homme une image de ce qu’il est en lui-même ». La générosité en ce sens n’est pas d’abord une valeur morale : c’est une vocation divine. C’est une manière d’être divinisés… ! D’ailleurs l’étymologie nous met sur cette piste : généreux vient du latin genorosus qui veut dire « bonne race », de race divine donc !

On comprend alors l’appel pressant de Paul aux Corinthiens : imitez la générosité de Dieu / du Christ, en participant à la collecte organisée pour l’Église de Jérusalem ! La générosité devient ici le symbole de la communion entre églises locales. Paul dit même que c’est un « ministère » (2 Co 8, 4 ; 9,1 ; 12,55), une « liturgie » (9, 12). Et il appelle cette quête une « communion » (Koïnonia : Rm 12, 13 ; 15-26… 2 Co 8, 4 ; 9-13 / cf. 1 Tm 6, 18 Tite 13, 16…), du nom même qui désigne l’Église désormais depuis le Concile Vatican II ! Vous voyez pourquoi aujourd’hui encore on a raison de faire la quête en même temps qu’on présente le pain et le vin pour notre communion à Dieu : c’est de la même générosité dont il s’agit (dont il devrait s’agir !), la générosité humaine répondant à la générosité première du Christ pour nous.

Devenir chrétien est donc une question de générosité : répondre largement à l’appel infini de Dieu transmis par l’Église, offrir sa vie sans compter, ouvrir le cœur des hommes pour qu’ils puissent accueillir le don généreux qui leur est fait en Jésus-Christ…

Les scouts et guides de tous âges savent par cœur cette prière héritée de St Ignace de Loyola, dans laquelle nous demandons au Christ de participer à la générosité divine :

« Seigneur Jésus,
Apprenez-nous à être généreux,
A Vous servir comme Vous le méritez
A donner sans compter,
A combattre sans souci des blessures,
A travailler sans chercher le repos,
A nous dépenser, sans attendre d’autre récompense,
que celle de savoir que nous faisons Votre Sainte Volonté »

Alors cette semaine prenez le temps de réfléchir.

Où en êtes-vous de la contemplation de la générosité de Dieu envers nous ? à travers la création, à travers l’homme… ?
Où en êtes-vous de votre propre générosité en réponse ? comme attitude spirituelle et pas seulement morale.

Générosité dans l’usage de votre temps, de vos compétences, de votre argent, de votre patience, de votre pardon… : croyez-vous vraiment que Dieu vous appelle à être généreux comme il l’est envers tous ? Commencez-vous à découvrir que c’est là une manière de devenir Dieu lui-même, à son image et sa ressemblance ?

Que l’Esprit du Christ nous établisse dans cette contemplation de la générosité divine, et nous donne de la traduire en actes…

  

1ère lecture : « C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24)
Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.  Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

Psaume : 29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13

R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (29, 2a)

Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,
tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

2ème lecture : « Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres » (2Co 8, 7.9.13-15)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien.

Evangile : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)

Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile.
Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

 Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré – … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

 Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.
Patrick BRAUD

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