La Trinité, mon fidèle garagiste
La Trinité, mon fidèle garagiste
Homélie pour la fête de la Sainte Trinité / Année C
15/06/25
Cf. également :
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La Trinité et nous
Dieu n’est pas solitaire
Saint Patrick ramassait un trèfle dans un champ et partait de ces trois pétales unis en une seule plante pour parler de la Trinité aux Irlandais.
Saint Augustin partait lui de l’amour humain : un homme, une femme, une vivante relation d’amour entre eux deux, unis et différents ; il tentait ainsi de déchiffrer l’image trinitaire en chacun de nous.
Des Pères de l’Église prenaient d’autres images, comme le soleil (sa lumière, ses rayons, sa chaleur)….
Des peintres de génie ont su trouver une approche symbolique visuelle (la célèbre icône de la Trinité de Roublev…).
Ne serions-nous pas devenus trop silencieux sur la dimension trinitaire de notre foi ?
À trop parler de Jésus uniquement, on risque d’oublier qu’il conduit vers le Père.
À trop se passionner de « spirituel », on perd de vue que l’Esprit est relation avec un Autre.
À trop parler du « Dieu tout-puissant », on le réduit à être solitaire…
Or la plénitude de la Révélation chrétienne, c’est Dieu comme communion d’amour.
Sans la Trinité, comment Dieu pourrait-il être amour en lui-même ? Il ne serait qu’un monstre de solitude et d’égoïsme…
Parce que Dieu est Trinité, l’Église est le « sacrement de la communion » trinitaire (Catéchisme de l’Église catholique n° 747).
Parce que Dieu est Trinité, l’homme – créé à l’image des trois personnes divines – est appelé à vivre des relations personnalisantes.
Parce que Dieu est Trinité, l’humanité tout entière découvre qu’elle est faite, non pour l’individualisme solitaire, mais pour des relations mariant l’unité et la différence.
Les conséquences sociales, politiques, économiques même de cette Révélation trinitaire sont incalculables… !
Les débats actuels sur la mondialisation, l’immigration ou les modèles de développement pourraient trouver en amont, dans cette image trinitaire de l’homme, une source d’inspiration fort utile…
Dieu n’est pas solitaire [1] : il est communion, dans l’amour.
Annonçons-le, pour en vivre dès maintenant…
Dieu, mon fidèle garagiste
Comment se fait-il que le mystère de la sainte Trinité que nous fêtons aujourd’hui apparaisse quelquefois si absent et même si insignifiant pour tant de chrétiens ?
Nous sommes devenus comme le fils aîné de la parabole de l’enfant prodigue.
Lorsque notre relation à Dieu est intéressée, nous passons à côté de ce mystère.
Nous nous intéressons à Dieu non pas pour ce qu’il est en lui-même, mais pour ce qu’il fait pour nous, en nous mettant au centre.
Cette relation à Dieu me fait penser à celle que nous avons avec notre garagiste.
Ce qu’on demande à un garagiste, c’est d’être un bon mécanicien.
Si ce n’est pas lui qui a construit la voiture au moins il la connaît, il sait comment la réparer et il faut que ça marche.
Nous allons trouver volontiers quand il y a des pannes.
Nous sommes tout prêts à reconnaître du reste qu’il y a de notre faute quand ça ne marche pas. J’ai oublié de mettre de l’huile ; j’ai mis du diesel au lieu du sans plomb ; j’ai fait telle ou telle bêtise de conduite.
Nous avons confiance : le garagiste saura bien remettre en route et réparer notre voiture.
Eh bien, nous faisons fonctionner hélas Dieu trop souvent comme cela.
Nous l’utilisons pour ce qu’il peut nous apporter au lieu de nous intéresser à ce qu’il est en lui-même. Nous lui demandons la santé, le succès, le courage, le bonheur etc. sans prendre le temps de le connaître. Nous attendons de lui un service en mode Deliveroo : seul le produit nous importe, pas le livreur…
Imaginez qu’un jour votre garagiste vous dise : « Rentre chez moi. Viens voir ma maison, viens te promener dans mon jardin, viens admirer mon intérieur, je vais te parler de ma vie ». Alors avec cette extrême politesse dans nous sommes capables, nous dirons, pour nous défausser : « Je ne veux pas vous embêter, je ne veux pas rentrer dans votre vie privée, vous savez, tout ce qui m’intéresse, moi, c’est que vous soyez un Dieu qui répare ce qui ne marche pas et qui fasse bien fonctionner ma vie . Mais je ne voudrais pas empiéter sur votre intimité »…
Or justement, c’est à cela que Dieu nous appelle : partager son intimité.
C’est cela que Dieu nous propose : partager ce qu’il est en lui-même, une relation d’amour qui unit le Père au Fils dans l’Esprit.
C’est cette révélation-là qui est la révélation du mystère de la Trinité.
Dieu nous invite à rentrer chez lui, à sortir de nous-même pour nous intéresser à ce qu’il est en lui-même, à entrer dans son intimité.
À ceux qui veulent bien entrer dans sa maison, à ceux qui veulent bien l’écouter, il montre la richesse, le trésor de cet amour.
Et ceux qui en font l’expérience ne l’oublieront jamais, car à leur vie en est transformée, leur vie devient trinitaire à l’image des relations qui unissent le Père et le Fils dans l’Esprit.
Voilà ce à quoi nous sommes appelés.
Le mystère de la Trinité ne se découvre que si on prend le temps de la contempler, si on prend le temps de l’intériorité, comme on est capable de contempler un beau tableau, comme on est capable d’écouter une musique profonde et de la laisser travailler en nous.
De même c’est la prière qui nous révèle l’incroyable profondeur du mystère de la Trinité.
Je connais beaucoup d’hommes et de femmes admirables dans leur travail, qui restent à leur bureau tard le soir, qui se dépensent son compter même le week-end pour leur famille, pour des malades, pour des gens qui autour d’eux ont besoin d’eux. Mais je connais beaucoup moins d’hommes et de femmes qui prennent du temps pour entrer dans l’intimité de Dieu, pour se laisser introduire en Dieu, et qui prennent ainsi le temps de s’arrêter pour le regarder, lui, le contempler, lui.
Sortez de vous-même et allez à l’intérieur de Dieu : il nous arrachera à notre égoïsme, il va colorer notre vie de couleurs nouvelles.
Laissez-vous donc conduire par la prière à la richesse du mystère trinitaire.
C’est simple la prière, ce n’est pas réservé aux religieux ou aux rêveurs.
C’est le pain vivant de tous ceux qui ont le désir de laisser Dieu les inviter chez lui.
La prière, c’est vraiment entrer dans l’intimité du Dieu Trinité.
Alors soyez souple pour trouver ce temps de la contemplation.
Soyez souple aussi pour trouver votre manière à vous de prier, chacun à la sienne.
Mais si vous n’y consacrez pas un temps régulier, vous resterez extérieurs au mystère de Dieu. Et vous le ferez « fonctionner » pour vous, comme votre garagiste qui connaît bien son métier pour réparer les pannes, mais que vous ne connaissez absolument pas en lui-même.
Et vous n’aurez pas découvert le trésor de sa vie, le trésor du Père et du Fils unique dans la communion d’amour qu’est l’Esprit Saint.
Fêtons cette immense révélation du mystère de la Trinité, du Dieu communion d’amour, qui nous appelle à partager cette intimité d’amour en lui, par lui, avec lui.
Pour nous aider à entrer dans cette prière trinitaire, voici celle d’Élisabeth de la Trinité (1880-1906), qui peut nourrir notre médiation cette semaine :
Ô MON DIEU, TRINITÉ QUE J’ADORE,
Ô mon Dieu Trinité que j’adore,
Aide-moi à m’oublier entièrement
pour m’établir en toi, immobile et paisible
comme si déjà mon âme était dans l’éternité.
Que rien ne puisse troubler ma paix,
ni me faire sortir de toi, ô mon immuable,
mais que chaque minute m’emporte plus loin
dans la profondeur de ton mystère.
Pacifie mon âme, fais-en ton ciel, ta demeure aimée et le lieu de ton repos.
Que je ne t’y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière,
tout éveillée en ma foi, tout adorante, toute livrée à ton action créatrice.
Ô mon Christ Aimé, crucifié par amour,
je voudrais être une épouse pour ton cœur,
je voudrais te couvrir de gloire, je voudrais t’aimer, jusqu’à en mourir !
Mais je sens mon impuissance
et je te demande de me « revêtir de toi-même »,
d’identifier mon âme à tous les mouvements de ton âme,
de me submerger, de m’envahir, de te substituer à moi,
afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de ta vie.
Viens en moi comme adorateur, comme réparateur et comme sauveur.
Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à t’écouter,
je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de toi.
Puis, à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances,
je veux te fixer toujours et demeurer sous ta grande lumière ;
ô mon astre aimé, fascine-moi pour que je ne puisse plus sortir de ton rayonnement.
Ô Feu consumant, Esprit d’amour, surviens, en moi,
afin qu’il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe :
que je lui sois une humanité de surcroît en laquelle il renouvelle tout son mystère.
Et toi, ô Père, penche-toi vers ta pauvre petite créature,
« couvre-la de ton ombre », ne vois en elle que le « Bien-aimé en lequel tu as mis tout ton amour ».
Ô mes Trois, mon Tout, ma Béatitude,
Solitude infinie, immensité où je me perds,
je me livre à toi comme une proie.
Ensevelis-toi en moi pour que je m’ensevelisse en toi,
en attendant d’aller contempler en ta lumière
l’abîme de tes grandeurs
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[1]. Cf. le livre de J.N. Bezançon : Dieu n’est pas solitaire, DDB, 1999.
LECTURES DE LA MESS
PREMIÈRE LECTURE
La Sagesse a été conçue avant l’apparition de la terre (Pr 8, 22-31)
Lecture du livre des Proverbes
Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu : « Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre. Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde. Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment, jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »
Psaume
(Ps 8, 4-5, 6-7, 8-9)
R/ Ô Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand, ton nom, par toute la terre ! (Ps 8, 2)
À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts,
la lune et les étoiles que tu fixas,
qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui,
le fils d’un homme, que tu en prennes souci ?
Tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et d’honneur ;
tu l’établis sur les œuvres de tes mains,
tu mets toute chose à ses pieds.
Les troupeaux de bœufs et de brebis,
et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
tout ce qui va son chemin dans les eaux.
DEUXIÈME LECTURE
Vers Dieu par le Christ dans l’amour répandu par l’Esprit (Rm 5, 1-5)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis ; et nous mettons notre fierté dans l’espérance d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté dans la détresse elle-même, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.
ÉVANGILE
« Tout ce que possède le Père est à moi ; l’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître » (Jn 16, 12-15)
Alléluia. Alléluia.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (Ap 1, 8)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick Braud
Mots-clés : Elisabeth, Trinité