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19 décembre 2021

Noël : assumer notre généalogie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Noël : assumer notre généalogie

 Homélie pour la fête de Noël / Année C
25/12/2021

Cf. également :
Noël : La contagion du Verbe
Y aura-t-il du neuf à Noël ?
Noël : évangéliser le païen en nous
Tenir conte de Noël
Noël : solstices en tous genres
Noël : Il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune…
Noël : la trêve des braves
Noël : croyance dure ou croyance molle ?
Le potlatch de Noël
La bienveillance de Noël
Noël « numérique », version réseaux sociaux…
Noël : « On vous écrira… »
Enfanter le Verbe en nous…

Raconter notre histoire familiale

African music roots Senegal Soundioulou Sissoko cora kora griot musique africaine traditional traditionnelle anthologyJe me souviens de funérailles en Afrique noire, il y a bien longtemps. Des funérailles immenses à la mesure du défunt, chef important d’un village important. Il y eut trois jours de festivités, avec une foule incroyable qui arrivait et repartait sans cesse, des sacrifices d’animaux par dizaines, des danses, des masques… Je me souviens notamment de l’éloge funèbre prononcé par le griot devant la case du chef, sa veuve étant sur le seuil sans franchir son confinement symbolique. Pendant longtemps, très longtemps, le griot accompagné d’un tambour a chanté les louanges du chef en racontant l’histoire de sa famille depuis aussi loin que la mémoire humaine le pouvait. Je me faisais traduire, et j’écoutais les noms défiler, leurs hauts faits, leurs alliances, leurs victoires.

Depuis, en relisant la généalogie de ce jour de Noël, j’ai à chaque fois l’impression que Matthieu s’est transformé en griot pour nous présenter le héros de son livre ! C’est vrai que le début de l’Évangile de Matthieu nous met d’emblée devant l’histoire d’un nom, d’une famille, sur des générations. Matthieu fait de cette généalogie une nouvelle Genèse ; il utilise le même mot : commencement (genêsis en grec, bereshit en hébreu) que lors de la création du monde (Gn 1,1). On doit faire ici la distinction entre origine et commencement : l’origine concerne l’histoire-avant, le commencement est ce qui naît à partir de. Matthieu n’est pas intéressé par l’origine de Jésus, mais par son commencement. L’enjeu du récit familial n’est donc pas archéologique, mais existentiel.

Quels sont les commencements qui prennent corps dans mon histoire ?

Quand on sait que Matthieu terminera son Évangile par la perspective grandiose de la fin des temps (« et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » Mt 28,20), on voit que Matthieu veut embrasser toute histoire humaine, du commencement à sa fin. Et la généalogie en est sa porte d’entrée.
« Engendrer » est l’unique verbe employé dans ces versets. Sa répétition vaut pour une insistance sur la cohérence et la progression du déroulement des événements : la naissance de Jésus est ici racontée en termes d’accomplissement.

Et nous ? Sommes-nous capable de raconter d’où nous venons et ce qui naît en nous ? Les hauts et les bas de notre famille sur plusieurs générations ?
Il existe d’ailleurs un métier qui consiste à aider des anciens à coucher par écrit leur histoire et celle de leurs aïeux avant qu’ils ne s’en aillent. Un proverbe africain ne dit-il pas : « un vieux qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle » ?
Fêter Noël, c’est d’abord selon Matthieu reconstituer l’histoire qui nous a façonnés, pour y discerner ce dont elle accouche. Histoire familiale bien sûr. Mais également l’histoire de notre pays (ce que l’on appelle le roman historique national), par exemple de Lascaux à Clovis, de Clovis à Charlemagne, de Charlemagne à Louis XVI, de la révolution aux guerres mondiales etc. L’humanité elle-même a besoin de se raconter son histoire globale depuis les origines. Le succès du livre « Sapiens : Une brève histoire de l’humanité » (2011), de Yuval Noah Harari, est à ce titre révélateur. D’où les grandes cosmogonies (récits de conception du monde) qui caractérisent chaque culture : la création par les divinités, le déluge, et aujourd’hui le Big-bang ou le vide quantique etc.
Pour le Messie de Noël comme pour chacun de nous, impossible de naître vraiment sans se rattacher à une histoire longue, qu’il faut pouvoir raconter à d’autres pour dire qui nous sommes, et pour la transmettre à nos enfants [1].
Que puis-je raconter de mon histoire familiale, depuis les origines ?

 

Périodiser l’histoireLes généalogies de Jésus

Matthieu a travaillé avec soin son découpage de sa généalogie. En 3 périodes égales, de 14 générations chacune. Avec 2 moments charnières entre les périodes : David et l’exil à Babylone.
3 est le chiffre divin (Dieu 3 fois Saint, la Trinité) : distinguer 3 périodes est pour Matthieu le moyen le plus simple d’affirmer que Dieu est à l’œuvre dans cette généalogie. Un regard de foi va permettre de relire la succession des noms humains comme la trace de l’œuvre de Dieu en faveur de son peuple, jusqu’à lui donner le Messie (Christ), l’homme du 8e jour.
14 est un nombre très humain : c’est le chiffre du couple homme-femme (2) multiplié par 7 (le chiffre de la première création en 7 jours). C’est donc toute l’histoire humaine en attente de la 2e création. Rien que par la symbolique de ces nombres 3, 14, 2 et 7, Matthieu nous avertit que l’histoire familiale de Jésus est humaine, très humaine, et que Dieu va porter à son accomplissement l’effort de cette succession de générations pour l’amener de 2 à 3, de 7 à 8.

Ce découpage répond également à un autre besoin : pouvoir mémoriser facilement cette généalogie afin de la raconter sans se tromper le soir autour du feu, à la manière du griot accompagné du tambour. Périodiser notre histoire familiale, personnelle et collective, demande de déceler les époques-charnières, les moments-pivots où quelqu’un, quelque chose a changé le cours des événements. Matthieu a choisi 2 événements clés pour découper ces 3 périodes : la royauté de David et l’exil à Babylone. Le premier est judicieux : c’est un choix qui parle au cœur de tous les juifs. Le grand roi David incarne en effet un idéal de roi juste et religieux, couronné de paix et de prospérité, grâce à l’onction messianique reçue de Samuel. À tel point que « fils de David » sera le titre le plus populaire décerné à Jésus par les foules en attente. Par contre, le choix de la déportation à Babylone a dû choquer les lecteurs de Matthieu. Un peu comme si on faisait de la conférence de Wannsee (1942) sur la solution finale le repère de l’histoire juive contemporaine ! Rappeler Babylone pour Matthieu correspondant donc à un choix délibéré. Avant David, il aurait pu choisir le don de la loi au Sinaï, après lui le retour d’exil. Mais non : le seul nom de Babylone rappelait aux lecteurs que Jésus est né dans une lignée ayant connu bien des catastrophes, bien des revers. Ce n’est pas à la force du poignet qu’Israël a engendré le Messie, parce qu’il aurait été le plus fort ou le plus juste. C’est par don gratuit de Dieu. Insérer Babylone dans la généalogie de Jésus oblige à rester humble, à ne pas écrire l’histoire du point de vue des vainqueurs seulement.

Quels sont les moments charnières où notre histoire personnelle a basculé ?
Quels sont nos David et nos Babylone dont nous devons croiser les fils pour notre propre récit sur nos origines ?

Dans une famille, il y a toujours des figures glorieuses qu’on veut mettre en avant. Il y a inévitablement d’autres figures qu’on préférerait taire, des ‘cadavres dans le placard’ (suicides, divorces, prisons, faillites etc.) dont le silence sur elles engendre mal-être et troubles divers chez les descendants.
À nous d’enquêter s’il le faut pour reconstituer une histoire honnête et franche, sans l’embellir (Babylone) ni la dévaloriser (David).

 

Les femmes du scandale

5 femmes à scandale dans la généalogie de JésusÀ la différence de Luc qui n’en mentionne aucune dans sa généalogie si différente (Lc 3, 23-38), Matthieu nomme 5 femmes dans l’ascendance de Jésus. Et ce sont 5 femmes à scandale [2], hors normes, choisies volontairement par Matthieu qui montre ainsi que Dieu assume nos contradictions, nos écarts pour tracer son chemin.
Tamar est cette veuve sans enfants (double malheur) qui va quand même obtenir par la ruse ce que la vie ne lui accordait pas. Elle se déguise en prostituées et couche avec son beau-père pour donner malgré tout à son mari un fils de son sang (Gn 38).
Et voilà que Jésus compte un inceste dans ses origines !
Puis vient Rahab, la prostituée de Jéricho (Jo 2;6;7) qui a caché les éclaireurs envoyés par Josué pour conquérir la ville. Le fil écarlate accroché à sa fenêtre en guise de signal d’invasion est devenu célèbre.
Et voilà que Jésus compte une prostituée parmi ses ancêtres !
Puis vient Ruth, cette étrangère de Moab, qui séduit Booz à Bethléem, se convertit, devient l’arrière-grand-mère de David (cf. le livre de Ruth).
Et voilà que Jésus est de sang-mêlé, puisqu’il a une étrangère (païenne de surcroît) dans ses origines !
Puis vient la femme d’Ourias. Nous savons qu’elle s’appelle Bethsabée. Mais Matthieu ne la nomme pas, comme pour rappeler le forfait de David qui l’a prise à Ourias, son mari, général d’armée que David va envoyer au front pour l’éliminer. Ainsi il recueillait dans son lit la maîtresse avec qui il avait déjà commis l’adultère en la violant.
Et voilà que Jésus est fils d’un roi adultère, violeur, voleur, assassin !
Puis enfin vient Marie, la seule femme dont Matthieu dit qu’elle ait engendré. Femme hors normes, puisque cela se fait sans Joseph d’après ce que le texte indique.
Et voilà que Jésus a pour mère une vierge !

5 étant le chiffre de la loi (les 5 livres du Pentateuque), on voit que les 5 femmes choisies par Matthieu annoncent une Loi nouvelle, où la vertu morale n’est pas la condition du salut, où la pureté du sang n’est qu’une chimère, où les hors-normes sont des relais de la grâce divine. Matthieu aurait pu citer des femmes bien plus prestigieuses : Sarah, Rebecca, Rachel, Déborah, Esther, Judith ou Anne etc. Mais non : les 5 femmes du scandale font entrer le Messie de Noël dans une humanité où la norme humaine n’est pas divine, où Dieu écrit droit avec des lignes courbes (selon le proverbe portugais que Claudel met en exergue du « Soulier de satin »).

C’est par ces femmes aussi que Jésus est « fils d’Abraham », alors que Luc dans sa  généalogie l’établira « fils d’Adam » : l’un veut montrer l’accomplissement des promesses de l’Alliance d’Abraham en Jésus, l’autre annonce que ces promesses sont étendues à toute l’humanité en Jésus nouvel Adam.

 

Les anonymes, les petits
À partir de la déportation à Babylone, les personnages évoqués ne sont guère connus, même en Israël. On revient à une lignée d’anonymes, de gens simples et modestes qui n’ont guère laissé de traces dans l’histoire. Mais justement, Matthieu veut souligner que Dieu naît aussi au milieu des petits, grâce à eux. Les frasques des puissants sont un peu le miroir aux alouettes des histoires officielles. L’existence des gens simples et ordinaires est tout aussi essentielle pour que Dieu naisse en nous. Matthieu aura particulièrement le souci de ces petits : le massacre des innocents à Noël, les petits du jugement dernier etc.
À nous de réintégrer les petits, les gens simples et ordinaires dans nos récits, nos mémoires, en famille comme en société.

 

Le but du récit : savoir qui je suis
La finale de notre texte dit clairement son intention : « … Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ ». Le but du récit est clairement d’établir l’identité messianique (christique) de Jésus. Les troubles de l’identité viennent souvent d’une absence d’ancrage historique. Matthieu veut établir que le Messie qui prend corps à travers Israël depuis des siècles est bien Jésus, né à Bethléem de Marie.

Si je dois raconter d’où je viens, c’est d’abord pour dire qui je suis. Ce que Paul Ricœur appelle l’identité narrative. C’est en racontant que je prends conscience de ma singularité, et que je peux l’exposer aux autres. Comment savoir qui je suis sans remonter le fil du temps ? À travers les séparations, les brouilles, les oublis, je peux m’inscrire dans une vague de visages et d’événements qui ont leur cohérence.

Noël : assumer notre généalogie dans Communauté spirituelle arbre-de-jesse-920x500

 

Laisser un vide dans le récit
En finale, le lecteur sera un peu surpris de constater… que Matthieu ne sait pas compter ! On effet, il annonce 3 × 14 générations, mais la dernière période n’en compte que 13 et non 14 ! Où est passée la 14e ?
Si Matthieu laisse un blanc, c’est sans aucun doute voulu.
S’il laisse ouverte la liste, c’est pour nous y inscrire.
S’il ne boucle pas la 14e génération, c’est parce qu’elle est là sous nos yeux.
Le vide laissé dans cette succession – à la manière du jeu du taquin – nous permet de nous y insérer. Nous sommes de la génération Jésus-Christ qui couronne l’action de Dieu dans l’histoire en lui faisant porter ses fruits messianiques de justice et de paix, d’amour et de vérité, de pardon et de fidélité.

Prenons donc place dans cette longue lignée d’illustres et d’obscurs, de pécheurs et de justes, qui a engendré le Messie de Noël et continue de le faire en nos cœurs.

 


[1]. L’ensemble de cet article s’inspire de Céline Rohmer, « L’écriture généalogique au service d’un discours théologique : une lecture de la généalogie de Jésus dans l’évangile selon Matthieu », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires, 2017. Cf. https://journals.openedition.org/cerri/1697

[2]. E. De Luca, Les saintes du scandale, Paris, Mercure de France, 2013.


MESSE DE LA VEILLE AU SOIR

PREMIÈRE LECTURE
« Tu seras la joie de ton Dieu » (Is 62, 1-5)

Lecture du livre du prophète Isaïe

 Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice ne paraisse dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle. Et les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire. On te nommera d’un nom nouveau que la bouche du Seigneur dictera. Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu. On ne te dira plus : « Délaissée ! » À ton pays, nul ne dira : « Désolation ! » Toi, tu seras appelée « Ma Préférence », cette terre se nommera « L’Épousée ». Car le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Épousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu.

PSAUME
(Ps 88 (89), 4-5, 16-17, 27.29)
R/ L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ! (cf. Ps 88, 2a)

« Avec mon élu, j’ai fait une alliance,
j’ai juré à David, mon serviteur :
J’établirai ta dynastie pour toujours,
je te bâtis un trône pour la suite des âges. »

Heureux le peuple qui connaît l’ovation !
Seigneur, il marche à la lumière de ta face ;
tout le jour, à ton nom il danse de joie,
fier de ton juste pouvoir.

« Il me dira : Tu es mon Père,
mon Dieu, mon roc et mon salut !
Sans fin je lui garderai mon amour,
mon alliance avec lui sera fidèle. »

DEUXIÈME LECTURE
Le témoignage de Paul au sujet du Christ, fils de David (Ac 13, 16-17.22-25)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Invité à prendre la parole dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, Paul se leva, fit un signe de la main et dit : « Israélites, et vous aussi qui craignez Dieu, écoutez : Le Dieu de ce peuple, le Dieu d’Israël a choisi nos pères ; il a fait grandir son peuple pendant le séjour en Égypte et il l’en a fait sortir à bras étendu. Plus tard, Dieu a, pour eux, suscité David comme roi, et il lui a rendu ce témoignage : J’ai trouvé David, fils de Jessé ;c’est un homme selon mon cœurqui réalisera toutes mes volontés. De la descendance de David, Dieu, selon la promesse, a fait sortir un sauveur pour Israël : c’est Jésus, dont Jean le Baptiste a préparé l’avènement, en proclamant avant lui un baptême de conversion pour tout le peuple d’Israël. Au moment d’achever sa course, Jean disait : ‘Ce que vous pensez que je suis, je ne le suis pas. Mais le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de retirer les sandales de ses pieds.’ »

ÉVANGILE
« Généalogie de Jésus, Christ, fils de David » (Mt 1, 1-25)
Alléluia. Alléluia. Demain sera détruit le péché de la terre, et sur nous régnera le Sauveur du monde. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Commencement (Généalogie) de Jésus, Christ, fils de David, fils d’Abraham.
Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naassone, Naassone engendra Salmone, Salmone, de son union avec Rahab, engendra Booz, Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David.
David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon, Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa, Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias, Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Acaz, Acaz engendra Ézékias, Ézékias engendra Manassé, Manassé engendra Amone, Amone engendra Josias, Josias engendra Jékonias et ses frères à l’époque de l’exil à Babylone.
Après l’exil à Babylone, Jékonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Éliakim, Éliakim engendra Azor, Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akim, Akim engendra Élioud, Élioud engendra Éléazar, Éléazar engendra Mattane, Mattane engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.
Le nombre total des générations est donc : depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze générations ; depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations.
Patrick BRAUD

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5 décembre 2021

Anticiper la joie promise

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Anticiper la joie promise

Homélie du 3° Dimanche de l’Avent  / Année C
12/12/2021

Cf. également :

La joie parfaite, et pérenne
Un baptême du feu de Dieu ?
Faites votre métier… autrement
Éloge de la déontologie
Du feu de Dieu !
Le Verbe et la voix
Gaudete : je vois la vie en rose
Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »
Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?
Laissez le présent ad-venir

Avance sur salaire

Anticiper la joie promise dans Communauté spirituelle avance-sur-salaireLa pratique est bien connue dans les entreprises qui emploient des salariés à hauteur du SMIC. Vers la fin du mois, certains viennent trouver leur chef : ‘je n’arrive pas à boucler le mois. Je voudrais demander une avance sur salaire pour passer ce cap difficile’. Cette demande d’avance  sur salaire est légale. L’employeur peut certes s’y opposer, mais il peut également faire un geste pour anticiper ainsi le versement mensuel à venir.

Dans notre première lecture (So 3, 14-18a), le prophète Sophonie pratique en quelque sorte une avance sur salaire, ou plutôt une avance sur la joie qui va bientôt faire exulter Jérusalem : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur ».

Le propos du prophète est révolutionnaire : réjouissez-vous, non du passé, mais de ce qui va arriver (le retour d’exil et la splendeur retrouvée de Jérusalem) et qui déjà transforme ainsi votre présent !

 

Déterminisme

Laplace-determinisme Avent dans Communauté spirituelleCe rapport biblique au temps – unique, absolument original – conteste nos représentations habituelles. Avec Marx, nous avions appris que les rapports de force socio-économiques étaient le vrai moteur de l’histoire – disait-on – et que le présent n’est que l’inexorable conséquence des mécanismes économiques. Avec Freud, on a failli croire que notre passé individuel – dès le ventre maternel – surdéterminait notre santé, nos pathologies, au point de concevoir la guérison comme un voyage immobile – sur le divan – dans notre petite enfance.

Avec Newton, Galilée et la mécanique céleste, on se mit à rêver d’établir les lois universelles gouvernant toutes choses. Si bien que Laplace pouvait dire qu’une intelligence – ou un démon ! - qui aurait toutes les lois et les conditions initiales pourrait prévoir n’importe quel événement à n’importe quel moment de l’histoire : « Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était suffisamment vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux » [1].

Bref, nous étions devenus déterministes à notre insu ! Le présent et le futur étaient soi-disant déterminés par le passé.

 

L’avenir n’est pas écrit

Heureusement, des mathématiciens montrèrent très vite que la connaissance des lois ne garantit pas toujours la possibilité de prédire l’avenir. Poincaré établit qu’un système gravitationnel à 3 corps est imprévisible sur le long terme (1890) [2]. Et puis est arrivé Planck (1900) avec sa mécanique quantique : plus rien n’était sûr, mais plutôt probable. Et Heisenberg enfonçait le clou (1927) en démontrant son principe d’indétermination selon lequel on ne peut connaître avec précision la position et la vitesse d’une particule en même temps [3]. Lorenz et ses équations météorologiques ont fait de même en 1963 en établissant l’incertitude des prévisions météo (dire le temps qu’il a fait est déjà une aventure pour le présentateur télé… alors, garantir absolument la météo du lendemain ou à 3 mois, quelle gageure !). Feigenbaum a étudié de curieuses bifurcations mathématiques imprévisibles, alors qu’on connaît parfaitement l’équation de la courbe (1975) ! La bifurcation de Feigenbaum [4] est devenue le symbole de l’incertitude au cœur des lois.

Gleick a construit une théorie du chaos déterministe (1987), redonnant ainsi une chance à l’événement imprévisible d’arriver même dans les systèmes les mieux ficelés. Prigogine (Prix Nobel de chimie en 1977) a étudié les systèmes dissipatifs irréversibles. Ces systèmes se comportent comme s’ils étaient face à une bifurcation et pouvaient y effectuer un ‘choix’ non déterminé, l’enchaînement de ces ‘choix’ finissant par écrire une histoire qui n’est pas déductible des conditions initiales du système. En 1931, le théorème d’incomplétude de Gödel établissait déjà qu’il y a des énoncés indécidables, c’est-à-dire ni démontrables ni réfutables; du coup la notion de vérité devient toute relative…

Bref, le déterminisme des siècles précédents en a pris un coup ! Le démon de Laplace est nu…
Nous voilà désormais condamnés à tâtonner dans un monde incertain, complexe (Edgar Morin), où ce qui se passera demain ne peut plus être déduit de ce qui s’est passé hier.

 

Souviens-toi de ton futur !

Cette vision non-déterministe du monde aurait de quoi encourager Sophonie ! Alors que le peuple est déporté à Babylone, il ose l’inviter à se réjouir par avance de sa libération (improbable au moment où il parle) ! Alors que Jérusalem a été dévasté, il l’invite à tressaillir d’allégresse car – Sophonie en est sûr – le salut vient au-devant d’elle pour la restaurer dans toute sa gloire.

Les rabbins nous le redisent de génération en génération : « souviens-toi de ton futur ! » C’est ce que tu vas devenir qui donne forme au présent et non l’inverse. C’est ta vocation divine qui transforme ton humanité et non l’inverse. C’est ton futur qui reflue vers toi pour t’ajuster à sa réalisation. Tel un mascaret qui remonte le cours du fleuve à contre-courant lors de la marée haute, l’espérance de Sophonie renverse les pessimismes issus des défaites passées. Elle ouvre le présent d’Israël à plus grand que lui-même. Elle change la perception du passé, car Dieu peut en faire un signe de la gratuité de son salut, au lieu d’un poids de culpabilité à traîner encore et encore. Jean-Baptiste au désert reprendra cette anticipation du salut qui vient en désignant Jésus comme le royaume de Dieu déjà à notre rencontre. 

Si on appliquait cette conception du temps à la justice humaine, elle deviendrait restauratrice et non pas punitive. Si on apprenait à se réjouir par avance de ce qui n’est pas encore là, notre cœur s’ouvrirait à des possibles insoupçonnés, et les ferait advenir. Car c’est la magie des prophéties bibliques : elles provoquent ce qu’elles annoncent, elles ouvrent le présent à ce qui vient, elles changent le passé pour le rendre compatible avec l’événement de grâce.

Les déterministes prolongent le passé pour comprendre le présent et essayer de prédire le futur. Un peu comme on prolonge une courbe mathématique d’après son équation. Les non-déterministes – dont nous sommes – ne nient pas le poids de ces mécanismes. Mais la lourdeur des forces en présence ne suffit pas à tuer leur espérance : Dieu est capable de faire du neuf, du radicalement imprévisible. Qui aurait pu prévoir que la déportation à Babylone prendrait fin grâce à Cyrus, roi de Perse païen ? Qui aurait pu imaginer que la Shoah déboucherait finalement sur le retour des juifs en un Israël ressuscité ? Le raisonnement est à prolonger pour l’Église catholique : qui peut savoir où la conduira la crise majeure des abus sexuels ? Dieu est capable de faire de cette épreuve une renaissance, à travers la purification nécessaire.

Appliquez encore cette vision du temps aux parcours de vie personnelle de chacun. Ce que vous avez été, subi, infligé, donné, gardé… ne conditionne pas définitivement celui que vous allez devenir. Votre passé ne vous enferme pas. Plus encore : à l’appel de Sophonie, vous pouvez exulter par avance de la libération qui vient vers vous. Vous pouvez-vous réjouir par avance de l’inattendu qui est devant vous. Vous pouvez tressaillir d’allégresse à l’approche d’un salut qui vient à votre rencontre. Ce salut vient de l’avenir, car il n’est pas la prolongation ou la résultante des actions d’autrefois. C’est en cela qu’il est gratuit, gracieux : Dieu le donne sans regarder en arrière.

Isaïe le proclame avec force : « Venez, et discutons – dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront aussi blancs que neige. S’ils sont rouges comme le vermillon, ils deviendront comme de la laine » (Is 1, 18). Autrement dit : le pardon est déjà l’anticipation eschatologique du monde nouveau où tout est réconcilié en Dieu. Véritable bifurcation dans nos histoires personnelles et collectives, le pardon – de Gandhi à Mountbatten, de Mandela à De Klerk, de Maïti  Girtanner à son ex-bourreau nazi etc. – est capable de nous ouvrir à l’avenir auquel Dieu nous appelle.

 

Anticiper la joie promise

La Bible fourmille de ces moments étonnants la plus grande menace n’empêche pas le croyant de louer, exulter, de se réjouir par avance. On pense évidemment aux trois juifs exilés que le roi Nabuchodonosor précipite dans le feu pour les forcer à adorer sa statue (Dn 3). Du cœur de la fournaise – alors que tout va mal et semble perdu – monte alors la louange sur leurs lèvres, irrationnelle, sauf à croire que Dieu est déjà en train de les sauver malgré les apparences : « Ces trois hommes, Sidrac, Misac et Abdénago, tombèrent, ligotés, au milieu de la fournaise de feu ardent. Or ils marchaient au milieu des flammes, ils louaient Dieu et bénissaient le Seigneur. Azarias, debout, priait ainsi ; au milieu du feu, ouvrant la bouche, il dit : ‘Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères, loué sois-tu, glorifié soit ton nom pour les siècles ! […] L’ange du Seigneur était descendu dans la fournaise en même temps qu’Azarias et ses compagnons ; la flamme du feu, il l’écarta de la fournaise et fit souffler comme un vent de rosée au milieu de la fournaise. Le feu ne les toucha pas du tout, et ne leur causa ni douleur ni dommage. Puis, d’une seule voix, les trois jeunes gens se mirent à louer, à glorifier et à bénir Dieu en disant : ‘Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères : à toi, louange et gloire éternellement ! (…) »

Le bonheur, un avant-goût d'éternitéJésus reprendra cette disposition spirituelle pour en faire le cœur des Béatitudes : « Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes. » (Lc 6, 22 23)

Comment demeurer dans la joie alors que l’épreuve nous consume ? En nous appuyant fermement sur l’espérance que notre avenir en Dieu est plus important que notre présent ou notre passé, qu’il les façonne pour notre salut. D’où la recommandation de Paul d’être toujours dans la joie : « Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse » (1 Th 5, 16 17). « Demeurez dans la joie du Seigneur » (Ph 3, 1). Et Pierre renchérissait : « Aussi vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves » (1 P 1, 6).

D’où la joie des premiers martyrs chrétiens des trois premiers siècles qui chantaient dans l’arène romaine au moment où l’on lâchait les fauves. Plus tard, François d’Assise retrouvera cette veine spirituelle pour chanter la joie parfaite, celle qui naît de l’avenir même au cœur de la détresse la plus grande :

« Quand nous arriverons à Sainte-Marie-des-Anges, ainsi trempés par la pluie et glacés par le froid, souillés de boue et tourmentés par la faim, et que nous frapperons à la porte du couvent, et que le portier viendra en colère et dira : « Qui êtes-vous ? » et que nous lui répondrons : « Nous sommes deux de vos frères », et qu’il dira : « Vous ne dites pas vrai, vous êtes même deux ribauds qui allez trompant le monde et volant les aumônes des pauvres ; allez-vous en ! » ; et quand il ne nous ouvrira pas et qu’il nous fera rester dehors dans la neige et la pluie, avec le froid et la faim, jusqu’à la nuit, alors si nous supportons avec patience, sans trouble et sans murmurer contre lui, tant d’injures et tant de cruauté et tant de rebuffades, et si nous pensons avec humilité et charité que ce portier nous connaît véritablement, et que Dieu le fait parler contre nous, ô frère Léon, écris que là est la joie parfaite ».

C’est ce que les théologiens appellent fort justement l’anticipation eschatologique : il est possible d’accueillir la joie promise dès maintenant, quel que soit notre passé, notre présent. Car notre avenir reflue sur ce que nous vivons actuellement, tel le mascaret qui remonte le fleuve.

Passé Présent Avenir

La liturgie est le lieu par excellence où nous pouvons déjà savourer un avant-goût du bonheur promis. « Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire » (Vatican II, SL 8).

Poussons donc des cris de joie avec Sion, en ce temps de l’Avent où la venue du Christ en nous ouvre de nouveaux possibles et nous éveille à notre vocation ultime !
Apprenons à nous réjouir en tout temps, même et surtout au feu de l’épreuve.

 


[1]. Pierre-Simon Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, 1814.

[2]. Les équations de Newton appliquées à ces trois corps conduisent à une équation différentielle impossible à résoudre. En effet, il manque des intégrales premières, c’est à dire des fonctions gardant une valeur constante le long de chaque trajectoire, et la seule connaissance de l’Énergie, de la Quantité de mouvement, et du Moment cinétique ne suffisent pas pour résoudre l’équation: le problème n’a pas de solution exacte.

[3]. Mathématiquement, cela revient à dire que l’incertitude sur la position (Δx) et l’incertitude sur la vitesse (Δp) ne peuvent être infiniment petites à la fois : Δx × Δp ⩾ h/2π (h = constante de Planck).

[4]. Soit la suite (qui peut représenter par exemple l’évolution d’une population de lapins !) : xn+1 = rxn(1-xn). La courbe de Feigenbaum étudie les valeurs de convergence possibles de la suite en fonction du taux r. Au-delà d’une certaine valeur de r, la suite a 1, puis 2, puis 4 etc. valeurs d’équilibre possibles, et très vite c’est le chaos ! Impossible de prévoir vers quelle valeur  cette courbe va bifurquer en réalité…

 


Lectures de la messe

Première lecture
« Le Seigneur exultera pour toi et se réjouira » (So 3, 14-18a)

Lecture du livre du prophète Sophonie
Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé les sentences qui pesaient sur toi, il a écarté tes ennemis. Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir ! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fête. »

Cantique (Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6)
R/ Jubile, crie de joie, car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.
 (cf. Is 12, 6)

Voici le Dieu qui me sauve :
j’ai confiance, je n’ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c’est le Seigneur ;
il est pour moi le salut

Exultant de joie, vous puiserez les eaux
aux sources du salut.
« Rendez grâce au Seigneur,

proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits ! »

Redites-le : « Sublime est son nom ! »
Jouez pour le Seigneur, il montre sa magnificence,

et toute la terre le sait.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d’Israël.

Deuxième lecture
« Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens
Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus.

Évangile
« Que devons-nous faire ? » (Lc 3, 10-18)
Alléluia. Alléluia. 
L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Alléluia. (cf. Is 6,1)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! » Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. » Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. » Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. » Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.
Patrick BRAUD

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7 novembre 2021

Ephapax : une fois pour toutes

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 18 h 22 min

Ephapax : une fois pour toutes

33° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
14/11/2021

Cf. également :

Jésus, Fukuyama ou Huntington ?
Lire les signes des temps
« Même pas peur »…
La destruction créatrice selon l’Évangile
La « réserve eschatologique »
L’antidote absolu, remède d’immortalité

Le voyageur sans billet
Vous connaissez peut-être la blague du voyageur sans billet : le contrôleur du TGV demande à un jeune homme de montrer son billet. Le voyageur sort son smartphone, montre une photo de Jésus en croix en glissant avec un sourire : « il a payé toutes nos dettes, une fois pour toutes ! »

Au-delà du clin d’œil, ce brin d’humour pose une question fondamentale qui rejoint notre deuxième lecture de ce dimanche : croyons-nous que le Christ est un tournant unique, définitif, de portée universelle dans l’histoire du monde ?

Noël revient chaque année, mais aussi le grand pèlerinage à la Mecque, la fête du dieu Ganesh à tête d’éléphant en Inde, ou Yom Kippour en Israël. Que ce soit à la messe, à la mosquée, dans le Gange ou devant le Mur des Lamentations, les croyants de toutes religions vont refaire des centaines, des milliers de fois les mêmes gestes, prononcer les mêmes paroles, accomplir les mêmes gestes dans leur vie. C’est fou ce que la religion est répétitive ! Les rites et coutumes sont au cœur de la démarche religieuse, et le rite est par essence répétitif, reproductif de lui-même. Il faut le répéter, souvent jusqu’à la mort !

L’hapax biblique
Notre deuxième lecture offre une fenêtre de tir très intéressante pour dynamiter cette logique répétitive, voire légèrement obsessionnelle et ennuyeuse, qui guette toute démarche religieuse. La lettre aux Hébreux utilise en effet 8 fois (8 étant le chiffre de la résurrection) le terme grec άπαξ (hapax) qui signifie : une fois et une seule, et 3 fois (nombre divin) le terme voisin ἐφάπαξ (ephapax) qui est comme son superlatif et signifie : une fois pour toutes.

Les 8 usages du terme hapax soulignent le caractère unique du sacrifice du Christ, par exemple : « c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice ». L’auteur (on n’est pas sûr que ce soit Paul) précise lui-même le sens de l’expression : « Ces mots une seule fois montrent clairement qu’il y aura une transformation de ce qui sera ébranlé parce que ce sont des choses créées, afin que subsiste ce qui ne sera pas ébranlé » (He 12, 27).

Il utilise 3 fois l’autre terme ephapax, pour affirmer que l’offrande du Christ est accomplie une fois pour toutes (He 7,27 ; 9,12 ; 10,10). Ce que Paul reprend dans sa lettre aux Romains : « lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant » (Rm 6, 10).

C’est dire que l’auteur insiste fortement pour souligner le caractère singulier, unique, définitif, non reproductible de l’offrande faite par le Christ de lui-même. Alors que le grand prêtre juif était dans la répétition des sacrifices d’animaux et des services liturgiques à refaire chaque jour, le Christ – lui - a fait une fois pour toute l’offrande de sa vie : «  Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie ».

Qu’est-ce que cela change, me direz-vous ? Toute notre conception de l’histoire ! Si la résurrection du Christ est un hapax, un événement unique et définitif, alors l’histoire humaine a connu dans la Pâque de l’an 0 un véritable tournant à nul autre pareil.

Plus besoin d’offrir le sacrifice pour nos péchés, comme le dit He 10, 18 : « quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché », car le Christ l’a déjà fait une fois pour toutes. Et qui oserait prétendre y ajouter quelque chose ? Qui pourrait répéter et reproduire ? « Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant » (Rm 6, 10). Plus besoin de recommencer ce qui a été fait une fois pour toutes.

Ce qui a été fait par le Christ a été bien fait, et a une portée définitive, universelle, plénière. Impossible d’y rajouter quelque chose, impossible de faire plus, ou de faire semblant de l’imiter alors qu’il l’a déjà fait pour nous, pleinement, une fois pour toutes.

Le but de la liturgie chrétienne n’est donc pas de mimer ce que le Christ a fait, ni de le refaire. Rabâcher n’est pas chrétien : « ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » (Mt 6, 7). Non : il s’agit de nous rendre présents à ce moment unique de l’histoire qu’est la Passion-Résurrection, et ainsi de nous laisser unir par l’Esprit du Christ à l’unique offrande qu’il fait de lui-même à son Père. Dans la communion des temps qu’opère la liturgie chrétienne, nous sommes rendus contemporains du Christ en croix, pour communier à sa Résurrection, et ainsi avoir la force de communier à sa Passion, dans cet ordre, comme l’écrit Paul : « Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa Passion, en devenant semblable à lui dans sa mort » (Ph 3, 10).

Imaginez que l’Histoire soit une ligne. Les mentalités anciennes la voient cyclique, et les liturgies païennes ramènent toujours au point primordial, « in illo tempore », pour revenir à l’ordre initial et conjurer le chaos grandissant. Le livre de l’Exode a ouvert une brèche dans ce cercle du temps, et l’a doté d’une flèche : la Terre promise, puis le Royaume de Dieu. La modernité a aplati cette ligne pour la rendre linéaire : le mythe du Progrès assure que nous allons de l’avant et que demain sera mieux qu’hier. Le catastrophisme écologiste actuel brise ce bel élan optimiste, et dessine une ligne du temps catastrophique, anticipant un effondrement imminent.

La lettre aux Hébreux préserve la foi chrétienne de ces schémas trop simples : il y a dans l’histoire des hapax, des événements uniques, singuliers, d’une portée définitive et universelle, dont la Pâque du Christ est l’archétype. Et ces événements sont imprévisibles.

Qui aurait pu prédire la survie du petit peuple juif à l’Exode, à la déportation vers Babylone ou à la Shoah ? Mille fois il aurait dû être rayé de la carte ! Mais des interventions humaines (Moïse, Esther, Judith, Cyrus…) – dans lesquelles les livres bibliques reconnaissent une inspiration divine – ont fait basculer le cours des événements de manière décisive.

Qui aurait pu annoncer à l’avance l’incarnation du Très-Haut adoré par les juifs ? Événement inouï, inimaginable, cet hapax change le cours du temps, définitivement.

Qui aurait pensé que Jésus de Nazareth se lève d’entre les morts, le premier, avant la résurrection finale ? Cet hapax-là est tellement incroyable qu’il fera rire les Athéniens, grincer des dents les juifs, et suscitera la jalousie mortelle des Romains.

Depuis Pâques, l’histoire ne cesse d’être jalonnée de ces hapax où quelque chose se transforme, d’une manière irréversible, si bien que l’homme ne sera plus jamais après comme avant. Pensez aux premiers conciles, à saint François d’Assise, à la Réforme de Luther, à la chute du Mur de Berlin etc.

 

L’hapax existentiel

Tolle Lege St AugustinIl n’y a pas que l’histoire biblique qui est remplie d’hapax, culminant en Jésus-Christ. Notre histoire personnelle également. Le philosophe Michel Onfray, pourtant athée déclaré, reprend ce terme biblique de la lettre aux Hébreux pour l’appliquer à notre existence individuelle. Il parle d’hapax existentiel pour désigner ces moments uniques de notre histoire où il se passe quelque chose de définitif, de non reproductible :

« Nombre de philosophes ont connu ce que nous pourrions appeler des hapax existentiels, des expériences radicales et fondatrices au cours desquelles du corps surgissent des illuminations, des extases, des visions qui génèrent révélations et conversions qui prennent forme dans des conceptions du monde cohérentes et structurées » [1].
Ainsi l’hapax existentiel est-il une expérience déterminante capable de pousser un homme à devenir un philosophe.
Parmi les philosophes dont Onfray cherche à saisir l’hapax existentiel, on trouve au premier chef saint Augustin, avec l’épisode célèbre du « Tolle et lege » où Augustin, manichéen angoissé, entend une voix intérieure lui intimer de prendre le livre (de la Parole) et de le lire.
La notion d’hapax existentiel fut introduite par Vladimir Jankélévitch, qui explique que « toute vraie occasion est un hapax, c’est-à-dire qu’elle ne comporte ni précédent, ni réédition, ni avant-goût ni arrière-goût ; elle ne s’annonce pas par des signes précurseurs et ne connaît pas de « seconde fois » [2]. Ainsi de la perte d’un enfant, pour sa mère : « Mais l’enfant qu’elle a perdu, qui le lui rendra ? Or c’est celui-là justement qu’elle aimait… Hélas, aucune force ici-bas ne peut faire revivre ce précieux, cet incomparable hapax littéralement unique dans toute l’histoire du monde ».
Il s’agit donc d’un événement unique dans ses aspects constituants et qui fait naître brusquement et nécessairement un cheminement de vie et de pensée original et personnel (cf. Wikipédia, article hapax).

Les chrétiens n’auront aucun mal à reprendre ce que Jankélévitch et Onfray écrivent à propos de l’hapax existentiel : oui, il arrive dans nos vies de ces bifurcations imprévues, uniques, qui changent tout, pour longtemps. Et nous pouvons souvent (pas toujours !) y  reconnaître la trace de l’action de Dieu.

Telle lecture nous bouleverse comme jamais et nous amène à prendre une décision aussi radicale que celle de saint Augustin ? Hapax !
Telle rencontre nous éblouit et nous fait choisir des études, un métier différent ? Hapax !
Telle expérience intérieure nous émeut jusqu’aux larmes et laisse en nous une trace indélébile de paix et de joie ? Hapax !
La beauté de telle musique ou de tel visage nous fait pressentir l’infini qui nous habite ? Hapax !
La détresse d’un enfant mort de froid dans la rue nous saisit au point de remuer ciel et terre pour que cela n’arrive plus jamais ? Hapax !
Et chacun peut continuer la liste avec les moments, les événements qui ont marqué dans son parcours de vraies bifurcations, une fois pour toutes.

 

Passer de l’hapax à l’ephapax
Car c’est bien l’un des enjeux de notre deuxième lecture : passer de l’hapax à l’ephapax. Ou pour le dire plus simplement : faire en sorte que l’événement unique qui nous bouscule devienne un tournant irréversible dans notre vie, une fois pour toutes, en en assumant toutes les conséquences.

Je me souviens encore pour ma part du choc de ma découverte de l’Afrique Noire dans les années 80, quand la coopération permettait aux jeunes de faire leur service militaire à l’étranger. Dès la descente de l’avion, j’ai senti qu’il se passait quelque chose qui allait me marquer au fer rouge. On n’est plus le même 2 ans après, même si l’on revient en France reprendre apparemment sa vie ordinaire. Car on ne peut plus vivre après comme avant, sauf à se renier soi-même.

Transformer nos éblouissements uniques en décisions de longue portée, une fois pour toutes, est également l’un des enjeux de la Pâque chrétienne. Un événement deviendra ephapax pour nous si nous savons en faire un jalon décisif dans notre parcours humain, aux conséquences lourdes et durables, une fois pour toutes.

Célébrer la Pâque du Christ, selon la lettre aux Hébreux, c’est reconnaître dans cette occurrence extraordinaire la matrice de nos propres surgissements : il y a de l’unique, du définitif, du singulier dans l’histoire de chacun, dont l’offrande pascale du Christ est comme le déchiffrement, le mode d’emploi, l’accomplissement.

À nous de savoir discerner ces moments-là.
Quels sont donc vos hapax ?
Comment pouvez-vous les transformer en ephapax, une fois pour toutes ?

 


[1]. Michel Onfray, L’Art de jouir : pour un matérialisme hédoniste, Paris, Grasset, coll. « Littérature française », 1991.

[2]. Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, Paris, PUF, 1957, p. 117.


Lectures de la messe

Première lecture
« En ce temps-ci, ton peuple sera délivré » (Dn 12, 1-3)

Lecture du livre du prophète Daniel

 En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci. Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.

Psaume
(Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11)
R/ Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge.
(Ps 15, 1)

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

Deuxième lecture
« Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 11-14.18)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Dans l’ancienne Alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie.  Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché.

Évangile

« Il rassemblera les élus des quatre coins du monde » (Mc 13, 24-32) Alléluia. Alléluia.
Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme. Alléluia. (cf. Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »
Patrick BRAUD

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25 juillet 2021

Exorciser la peur du lendemain

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Exorciser la peur du lendemain

Homélie pour le 18° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
01/08/2021

Cf. également :

Faire ou croire ?
La capacité d’étonnement

Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir
La soumission consentie

Fin du mois, fin du monde

Exorciser la peur du lendemain dans Communauté spirituelle Peur-de-manquer-275x400Rappelez-vous mars 2020 et le début du confinement : les rayons des supermarchés ont été dévalisés en quelques heures de leurs produits de base. Farine, huile, pâtes, riz : tout disparaissait à vue d’œil. Jusqu’au papier toilette, devenu denrée rare ! À croire que les familles françaises stockaient en prévision d’une pénurie mondiale. Et le pire est que cette folle demande en excès a créé quelques pénuries le temps d’ajuster la production à ces consommateurs angoissés. Nos grands-parents nous avaient raconté la période de rationnement d’après-guerre : les tickets pour obtenir de la nourriture au compte-gouttes, les files interminables devant les boulangeries, les rayons où il ne restait qu’une ou deux misérables boîtes de conserve. D’ailleurs, dans beaucoup de familles, les générations suivantes continuent de stocker, par réflexe. Chez moi, ma mère avait toujours un placard rempli de farine, huile, sucre, riz : ‘on ne sait jamais’.

Cette peur de manquer est aussi vieille que l’humanité, que la vie elle-même. L’épisode de la manne que nous lisons ce dimanche (Ex 16, 2-4.12-15) et que l’Évangile de Jean reprend à sa manière (Jn 6, 24-35) en est la trace. Les esclaves hébreux en fuite dans le désert inconnu ont faim et soif. La peur de mourir au milieu de ces rochers brûlants les désespère. Alors, lorsque tombe du ciel la manne inattendue, ils veulent faire des provisions, ‘au cas où’. Et c’est bien légitime. L’interdiction de YHWH n’en est que plus étonnante : pourquoi empêcher d’en ramasser pour le lendemain ? La sanction naturelle pour ceux qui transgressent cette interdiction est tout aussi impressionnante : la manne amassée pourrit dans les paniers de ceux qui voudraient la stocker en prévision des ‘jours sans’.

Comment ne pas nous reconnaître dans cette réaction instinctive des hébreux : peur de manquer, angoisse du lendemain ?

Souvenez-vous des Gilets jaunes en France : sur les ronds-points, ils ferraillaient avec les écologistes sur les urgences de l’action politique. Les uns parlaient de fin du monde, les autres de fin du mois. L’angoisse écolo de la décennie d’après, nourrie par des rapports et des études de collapsologie effrayante, se heurtait à la peur de manquer très concrète de familles modestes où faire manger les enfants et boucler les fins de mois devenait la préoccupation majeure, lancinante et épuisante. Ces deux peurs sont aujourd’hui encore des moteurs importants de l’action politique. Les Français ont épargné des milliards pendant le confinement, suivant sans le savoir ce réflexe des hébreux au désert : mettre le plus possible de côté en prévision des jours mauvais. Joseph, fils de Jacob, avait pourtant été loué pour sa sagesse dans le même livre de l’Exode : il avait su remplir les greniers de blé de l’Égypte au temps des 7 années de vaches grasses pour faire face ensuite aux 7 années de disette les temps de vaches maigres. La sagesse de Jacob auprès de Pharaon a permis à l’Égypte de traverser 7 années de famine. La loi de Moïse a permis aux hébreux dans le désert de traverser 7 fois 7 années d’exode. Pourquoi la sagesse de Jacob au palais de Pharaon autrefois est-elle maintenant condamnée par YHWH au désert ?

Discours de la servitude volontaireAvant de tenter de répondre, regardons de plus près l’angoisse des hébreux : elle est à la fois physique et symbolique. Physique, car elle porte sur un besoin alimentaire en bas de la pyramide de Maslow : manger pour survivre. Symbolique, car la peur de manquer traduit également un déficit de reconnaissance. Les boulimiques par exemple reportent sur la nourriture une recherche de satiété qui s’enracine ailleurs. Le manque affectif caractérise l’être humain dès la séparation d’avec sa mère : il va chercher à recréer l’unité perdue à travers ses liens à autrui, et l’angoisse le saisira s’il a l’impression que l’autre ne répond pas à son désir. Ainsi Caïn avec Dieu contre Abel : il convoite la reconnaissance symbolique qu’Abel obtient auprès de YHWH qui accepte son sacrifice rituel et pas celui de Caïn. De même les hébreux au désert : ils n’ont pas faim que de manne, ils désirent également la variété, la richesse des plats mangés en Égypte : « Nous nous rappelons encore le poisson que nous mangions pour rien en Égypte, et les concombres, les melons, les poireaux, les oignons et l’ail ! Maintenant notre gorge est desséchée ; nous ne voyons jamais rien que de la manne ! » (Nb 11, 5 6) Voilà de quoi alimenter la servitude volontaire si bien décrite par La Boétie : préférer l’esclavage repu à la liberté exigeante.

Renoncer à la convoitise

 angoisse dans Communauté spirituelleLa manne est tellement répétitive et son goût est si peu enthousiasmant qu’ils veulent et réclament autre chose. YHWH leur donnera alors les cailles, qui volent par nuage dans le désert du Sinaï et sont faciles à prendre au sol. Mais il va marquer le coup, et les punira d’avoir cédé à leur convoitise : « La viande était encore entre leurs dents, ils n’avaient pas fini de la mâcher que déjà la colère du Seigneur s’enflammait contre le peuple et qu’il frappait le peuple ; il le frappa d’un très grand coup. On appela donc ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11, 33 34).

La convoitise en effet n’est jamais loin de la peur de manquer. Elles se nourrissent l’une de l’autre. L’enjeu de la manne quotidienne est alors d’éduquer cette horde d’esclaves en fuite à ne pas céder à la convoitise. ‘Apprends à ne pas céder à ton désir d’accumulation, et tu maîtriseras la violence tapie à la porte de ton cœur, cette violence que la convoitise engendre et attise’. Pour que nos déserts deviennent les tombeaux de notre convoitise (selon Nb 11), il nous faut apprendre à renoncer à l’accumulation, en faisant confiance à celui qui nous guide.

Avec la violence, la convoitise engendre également l’injustice. Mais ceux qui ramassent la manne sont surpris de constater que chacun en collecte finalement exactement ce qu’il lui faut : « Les fils d’Israël firent ainsi : certains en recueillirent beaucoup, d’autres peu. Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop ; celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien. Ainsi, chacun en avait recueilli autant qu’il pouvait en manger » (Ex 16, 17 18). Les premières communautés chrétiennes reprendront ce principe de distribution du bien commun : à chacun selon ses besoins. « Ils apportaient le montant de la vente pour le déposer aux pieds des Apôtres ; puis on le distribuait en fonction des besoins de chacun. » (Ac 4, 35)

Jésus a éprouvé ce double manque et affronté l’angoisse humaine qui en résulte, pour l’exorciser. Il a eu faim au désert et a refusé la satiété facile que lui proposait le diable. Il a manqué d’air et vécu la terrible angoisse de la lente asphyxie du supplice de la croix, besoin de respirer bien plus vital que le pain. Il a ressenti l’abandon des hommes lors de sa Passion, et pire encore l’abandon de Dieu, pourtant son Père. À Gethsémani, c’est l’angoisse du manque de reconnaissance qui l’a épouvanté ; sur la croix elle l’a fait crier : « Eloï, Eloï, lama sabachthani ? » Face à cette terrifiante angoisse, son combat intérieur a finalement nourri sa confiance – malgré tout – en l’amour de Dieu le guidant jour après jour : « que ta volonté soit faite et non la mienne » (Lc 22,42).

 

Apprendre la convivialité

800px-Tissot_The_Gathering_of_the_Manna_%28color%29 DemainLa deuxième raison de l’interdiction de stocker la manne apparaît alors en filigrane : le souci de la survie physique ne doit pas occulter l’aspiration à une vie plus grande que la nourriture. Ce que nous cherchons est bien plus que de la manne. Nous avons faim de reconnaissance plus que de marmites de viande. Nous avons soif de communion plus que de citernes débordantes. Plus tard, les prêtres du Temple de Jérusalem se souviendront de l’interdit du stockage de la manne en le transposant aux sacrifices d’animaux accomplis au Temple : « Quant à la chair de la victime offerte en sacrifice d’action de grâce et sacrifice de paix, elle sera mangée le jour même où elle est présentée ; on n’en gardera rien pour le lendemain matin. » (Lv 7, 15). Et les commentaires insistent sur l’obligation de communion, de convivialité liée à cet interdit de stocker la viande du sacrifice pour le lendemain :

C’est pour faire connaître le miracle ! Car celui qui apporte l’offrande de rémunération, voyant qu’elle ne peut se consommer que le jour même et la nuit suivante, il invitera ses proches et ses amis à manger et se réjouir avec lui. Ils s’interrogeront alors sur la raison de cette offrande et il leur racontera les miracles et les prodiges dont Hachem l’a gratifié. On en viendra à louer Hachem devant un public important et en présence de sages. Alors que si cette offrande était consommée comme les autres propitiatoires, en deux jours et une nuit, le propriétaire de l’offrande n’aurait invité personne […]. En revanche, voyant la quantité considérable de viande et de pain chez lui, sachant qu’il n’aura la possibilité de les consommer qu’en l’espace d’un jour et d’une nuit, il sera contraint d’inviter un grand nombre de proches pour en manger, par crainte de devenir objet de risée et de ridicule, lorsqu’on le verra brûler une telle quantité de son offrande, et que l’on comprendra qu’il n’avait convié ni famille ni amis [1].

Et Jésus avertit les riches que leurs greniers remplis à ras bord ne leur garantissent pas la vraie vie, au contraire ! « Puis il se dit : ‘Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en construirai de plus grands et j’y mettrai tout mon blé et tous mes biens. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà donc avec de nombreux biens à ta disposition, pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l’existence.’ Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d’être riche en vue de Dieu.’ » (Lc 12, 18 22)

 

Avoir faim d’autre chose

fr-con-279-Se-nourrir-de-Dieu-par-sa-Parole exodeRenoncer à la convoitise, apprendre la convivialité… Une troisième raison qui pousse à ne pas conserver la manne reçue est de découvrir la vraie faim qui est la nôtre : « Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 3). Plus nous stockons et accumulons, plus nous croyons être invulnérables, indépendants, n’ayant pas besoin de l’aide des autres. Nos biens entassés nous coupent peu à peu de la relation à autrui, et à Dieu le premier. Comme le dit crûment saint Jacques : « Et vous autres, maintenant, les riches ! Pleurez, lamentez-vous sur les malheurs qui vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille sera un témoignage contre vous, elle dévorera votre chair comme un feu. Vous avez amassé des richesses, alors que nous sommes dans les derniers jours ! » (Jc 5, 1 3).

Accumulation et convoitise se conjuguent pour engendrer injustice et violence.

 

Se laisser guider par la confiance

Une quatrième raison de l’interdiction de l’accumulation de la manne réside dans l’attitude de confiance quotidienne qu’elle développe. Puisque je ne peux faire de réserves, je découvre qu’il me suffit de faire confiance jour après jour, de me laisser guider. « Dieu y pourvoira », disait déjà Abraham à son fils inquiet de l’animal pour le sacrifice. Jésus ne nous a-t-il pas appris à demander notre pain quotidien, et pas un stock de boulangerie ? « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». L’expression grecque exacte employée par Mathieu et Luc pour cette demande du pain qui reprend celle de la manne est :
τὸν (le) ἄρτον (pain) ἡμῶν τὸν (de nous) ἐπιούσιον (suffisant) δὸς (donne) ἡμῖν (nous) σήμερον (aujourd’hui) (Mt 6,11)
Ce qui signifie littéralement : « donne-nous aujourd’hui le pain qui suffit à notre subsistance ». Pas plus, ni moins. Ce qui veut dire que le but de notre prière va plus loin : « que ta volonté soit faite ». Comme le dit Jésus : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». Le pain du Notre Père est bien la manne du désert de l’Exode… Le pain eucharistique lui aussi est fait pour être consommé intégralement à chaque eucharistie : on ne conserve quelques hosties que pour les porter ensuite aux malades, aux absents, pas pour stocker du surplus ni en reprendre ! Comme les Juifs conservaient une jarre de manne dans le tabernacle du Saint des Saints, non pour accumuler, mais pour témoigner de la sollicitude de YHWH pour son peuple.  Même l’adorations eucharistique respecte l’interdit du désert : ne pas abuser de la grâce en croyant l’accumuler pour soi…

Dans son Apocalypse, Jean promet que les chrétiens qui tiendront bon dans l’épreuve de la persécution seront soutenus pas une nourriture spirituelle semblable à la manne : « Au vainqueur je donnerai de la manne cachée… » (Ap 2, 17)

manna manne
On retrouve là le sens de la Providence tel que l’invoquait Jésus : non pas une résignation fataliste (Mektoub !), ni une superstition magique dans l’intervention divine surnaturelle, mais une confiance à toute épreuve, comptant sur Dieu en nous plus que sur nos propres forces et ressources accumulées au-dehors. « Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.  Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’entre eux » (Mt 6, 28 29)

La pauvreté volontaire de Jésus s’enracine dans sa confiance absolue en son Père, qui le délivre de la peur du manque, qui exorcise l’angoisse du lendemain : « Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34). Chercher la volonté de Dieu jour après jour, faire confiance à sa parole, se laisser guider par son amour : voilà notre véritable exode, où la manne ne nous manquera pas si nous ne refermons pas la main sur le don reçu jour après jour.

Résumons-nous : l’interdiction d’accumuler la manne nous est salutaire pour au moins 4 raisons : renoncer à la convoitise, apprendre la convivialité, se nourrir de parole plus que de pain, se laisser guider par la confiance.

Ne dites pas qu’aucun de ces quatre objectifs ne vous concerne…

Quels sont vos stocks de manne, et où sont-ils ?

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode

En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

 

PSAUME
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

ÉVANGILE
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
.Patrick Braud

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