Le syndrome du hamster
Le syndrome du hamster
Homélie du 1° dimanche de l’Avent
Dimanche 29 Novembre 2009 / Année C
Un avertissement solennel
« Restez éveillés et priez en tout temps » nous avertit Jésus dans cet évangile de début d’année liturgique.
C’est donc que le risque est grand de nous endormir? Dans la vie trépidante actuelle, ce risque se conjugue plutôt en termes d’horizontalisme. Notre vie risque de tourner en rond si nous ne laissons pas suffisamment de place à la transcendance, et la prière est justement chargée de maintenir cette dimension « verticale » dans nos existences.
« Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre c?ur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie » : ce n’est sans doute pas ce qui vous guette, mais les soucis ordinaires de la vie sont du même ordre. Absorbés par le boulot, les problèmes quotidiens, nous avons du mal à « lever la tête », et à ne pas perdre de vue l’horizon de la promesse qui donne sens à toutes nos activités, utiles par ailleurs.
Le hamster qui pédale sur place
Vous avez sûrement déjà vu un hamster dans sa cage circulaire : il court, il pédale, il s’agite, et s’étourdit dans le tourbillon de sa cage, mais en réalité fait du sur place. C’est l’illusion d’être libre, alors qu’on ne fait que bouger dans une cage, dorée ou non. C’est l’illusion d’une vie active, alors qu’elle ne décolle pas d’une excitation stérile.
Bon nombre de gens mènent une vie de hamster, jusqu’à ce que l’existence leur fournisse un de ces chocs qui réveilleraient même un animal en cage. Ce choc peut s’appeler éblouissement intérieur, deuil, lecture biblique, amour intense? Il arrive aussi que vers le milieu de la vie, le hamster lève les yeux vers au-delà de la cage, et devine un autre univers, une autre liberté : c’est alors que surviennent des ruptures brutales qui étonnent son entourage.
Mais la plupart des gens continuent obstinément de faire tourner les barreaux, trouvant dans la vitesse assez d’ivresse pour ne pas réveiller leur conscience.
La vitesse peut ressembler au rythme d’un métier auquel tout sacrifier, à une certaine façon de consommer, de se distraire ou de survivre qui évite soigneusement les questions essentielles.
L’ivresse peut tenir à la satisfaction légitime d’être reconnu dans telle ou telle activité, voire de se sentir indispensable.
Le résultat est que les hamsters vivent vieux, mais vivent peu?
Nous souffrons du syndrome du hamster lorsque nous nous laissons enfermer dans le court terme : les rythmes professionnels n’invitent que trop rarement à « lever la tête » et à imaginer ce que deviendra l’entreprise dans les 10 ou 20 ans à venir. Bien souvent hélas, raisonner à trois mois est déjà un exploit? Or la vision commune d’un horizon à long terme est essentielle à équipe de collaborateurs. Pour pouvoir se projeter, pour mobiliser son énergie, une équipe a besoin d’une telle vision qui dépasse la seule gestion des impératifs immédiats.
Nous souffrons du syndrome du hamster lorsque nous nous laissons enfermer dans l’urgence : urgences familiales (les enfants à aller chercher, les courses à faire, l’autorité à rétablir?), urgences professionnelles (des « trous à boucher », des rapports à préparer pour le lendemain, des réunions qui s’enchaînent sans les préparer vraiment?). Même l’Église n’échappe pas à cette pression : vite, préparer telle liturgie qui arrive ; vite, trouver un remplaçant pour un prêtre malade ou absent ; vite, décider qui va faire quoi dans l’organisation d’un événement qui approche etc?
Or nous savons bien que les décisions prises dans l’urgence ne sont pas toujours les meilleures, loin de là. Nous savons bien que le court terme est desséchant à la longue : avoir toujours « le nez dans le guidon » fait s’éloigner de l’essentiel, et appauvrit les relations de travail, de collaboration, de famille?
Le poulain du Mont Saint Michel, ou l’anti-hamster
Si vous allez un jour visiter le Mont Saint Michel, regardez attentivement le système qu’on inventé les moines de jadis pour hisser leurs provisions en haut du Mont. Voilà de quoi inverser la tendance « hamstérienne » !
En effet, lorsque les moines étaient sur le Mont, ils n’avaient pas de digue au début pour le relier à la terre. Et pas de moteur ni d’ascenseur pour monter les provisions et les matériaux de construction.
Alors ils avaient réinventé la cage des hamsters, mais en transformant son fonctionnement : une grande cage en bois de 5 ou 6 m de diamètre était reliée par un câble à un traîneau qui courait à la verticale des remparts (le « poulain »).
En « pédalant » dans cette cage, les moines pouvaient ainsi remonter des charges énormes qu’ils n’auraient pas pu hisser autrement. Comme quoi il suffit d’un peu d’imagination pour transformer une galère en ?uvre utile?
Bref, si le sentiment de vanité vous envahit, si vous avez l’impression que votre liberté n’est que surveillée, si tout ce à quoi vous trouviez du plaisir auparavant vous laisse un arrière-goût d’animal en cage, c’est que vous êtes victime du syndrome du hamster. Réagissez d’urgence : quittez la cage, ou transformez-la en « poulain », comme les moines du Mont Saint Michel !
1ère lecture : Annonce de la venue du Messie (Jr 33, 14-16)
Lecture du livre de Jérémie
Parole du Seigneur : Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda :
En ces jours-là, en ce temps-là,je ferai naître chez David un Germe de justice,et il exercera dans le pays le droit et la justice.
En ces jours-là, Juda sera délivré,Jérusalem habitera en sécurité,et voici le nom qu’on lui donnera :« Le-Seigneur-est-notre-justice ».
Psaume : Ps 24, 4-5ab, 8-9, 10.14
R/ Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme, vers toi, mon Dieu
Seigneur, enseigne-moi tes voies,
fais-moi connaître ta route.
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi,
car tu es le Dieu qui me sauve.
Il est droit, il est bon, le Seigneur,
lui qui montre aux pécheurs le chemin.
Sa justice dirige les humbles,
il enseigne aux humbles son chemin.
Les voies du Seigneur sont amour et vérité
pour qui veille à son alliance et à ses lois.
Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ;
à ceux-là, il fait connaître son alliance.
2ème lecture : Comment se préparer pour le jour du Seigneur(1Th 3, 12 — 4, 2)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens
Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous.
Et qu’ainsi il vous établisse fermement dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père, pour le jour où notre Seigneur Jésus viendra avec tous les saints.
Pour le reste, vous avez appris de nous comment il faut vous conduire pour plaire à Dieu ; et c’est ainsi que vous vous conduisez déjà. Faites donc de nouveaux progrès, nous vous en prions, frères, nous vous le demandons dans le Seigneur Jésus.
D’ailleurs, vous savez bien quelles instructions nous vous avons données de la part du Seigneur Jésus.
Evangile : L’attente de la venue du Fils de l’homme (Lc 21, 25-28.34-36)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre coeur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste.
Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre.
Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »
Patrick Braud