L'homélie du dimanche (prochain)

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9 juin 2012

Impossibilités et raretés eucharistiques

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Impossibilités et raretés eucharistiques

Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ
10/06/2012

Quelle est l’importance de l’eucharistie pour chacun de nous ?

Cette fête du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ – la Fête-Dieu - est le bon moment pour se poser ce genre de questions : si je communie, qu’est-ce que cela irrigue dans le reste de ma vie ? Si je ne communie pas, ou puis-je trouver ma nourriture intérieure pour assumer la semaine à venir ?

La question de la communion eucharistique est devenue très douloureuse en Occident. Pour au moins deux raisons : la présence massive de divorcés remariés dans nos assemblées, la raréfaction du nombre de prêtres.

 

Les questions venant de divorcés remariés

Dans nos assemblées, beaucoup ne peuvent pas (et ne doivent pas au regard de la loi actuelle de l’Église catholique) communier physiquement même s’ils sont régulièrement à la messe. Or il y a tant de personnes mariées religieusement et divorcées civilement en France (presque un mariage sur deux) que dans nos assemblées, soit elles se sentent rejetées, soit elles font « comme si », quitte à tomber dans un « pas vu pas pris » qui est infantilisant pour tout le monde. C’est une telle souffrance que cela en devient un fossé, une source d’amertume et d’incompréhension.

Impossibilités et raretés eucharistiques dans Communauté spirituelleIl faut cependant rappeler que la première souffrance est celle du divorce lui-même. Et non seulement les mariés qui se séparent souffrent (avant, ou pendant, ou après ou les trois…) mais l’Église également souffre, car comment peut-elle parler d’un Dieu d’amour si ses membres en pratique disent que l’amour n’est qu’un CDD, révocable quand le coeur ne bat plus pour l’autre ?

On n’évoque pas souvent cette souffrance ecclésiale liée au divorce de ses membres. Pourtant, comme dans une famille où on est déchiré par le déchirement de ses proches, nos assemblées sont marquées et meurtries par ces séparations. Et répétons-le, leur témoignage s’en trouve extraordinairement affaibli.

Reste que le divorce arrive si fréquemment qu’on ne peut pas se draper dans une attitude pharisienne en se contentant de répéter : « la loi c’est la loi : pas de communion pour les divorcés remariés », sans rien faire d’autre.

Plus de 300 prêtres autrichiens en 2011 avaient osé mettre en débat public cette question (avec d’autres sujets de réforme). Mais le titre de leur « appel à la désobéissance » était d’emblée une mauvaise réponse : la désobéissance n’est féconde que si elle s’accompagne d’un intense travail d’argumentation, et donc de dialogues contradictoires qui demandent du temps, de l’humilité, et beaucoup de respect fraternel. Faire évoluer la loi est plus difficile que de la contourner parce qu’elle gêne. Par contre, lorsque la loi ne peut manifestement plus être observée par la grande majorité du peuple, alors il faut se poser de bonnes questions…

Paradoxalement, les divorcés remariés nous redisent l’importance de l’eucharistie : s’ils souffrent de ne pouvoir communier physiquement au corps et au sang du Christ, c’est parce que cela a une grande importance pour eux. Sinon ils s’en passeraient volontiers, sans faire de problèmes. Tout ceux qui restent à leur place dans l’assemblée alors que les autres se lèvent pour la procession de communion sont de vivants rappels : ne vous habituez jamais à ce geste si impressionnant !

 

La rareté eucharistique

La deuxième raison pour laquelle la question de la communion est devenue douloureuse en Horaires%20des%20messes divorce dans Communauté spirituelleOccident est la raréfaction du nombre de prêtres. Dans le monde rural, il faut maintenant consulter un planning digne d’un horaire SNCF pour trouver une messe quelque part. Et en plus il faut faire des kilomètres en voiture pour aller rejoindre une assemblée où le prêtre comme les participants sont plutôt du troisième âge.

Dans les centres urbains, c’est plus facile. Et on a le choix du style de liturgie et d’assemblée qu’on désire rejoindre (avec le piège de se choisir son Église au lieu d’accepter de faire Église avec ceux qu’on n’a pas choisi). La raréfaction des célébrations eucharistiques régulières en France rejoint la faim eucharistique de bien des paroisses en Afrique ou en Amérique latine, qui ne peuvent avoir la messe qu’une fois par mois (ou par an !) à cause du manque de prêtres.

Est-il juste de priver les fidèles de pain eucharistique avec comme seul argument le manque des ministres ordonnés ? Ne faudrait-il pas renverser la logique, et ordonner des ministres en fonction des besoins des communautés chrétiennes ? Le livre des Actes des Apôtres donne maints exemples de situations ou des apôtres, Pierre et Paul en tête, imposent les mains à des membres d’une Église locale pour que celle-ci puisse vivre et se nourrir du corps et du sang du Christ après le départ des apôtres. « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mt 14,16) avait dit Jésus?

Les divorcés remariés et la raréfaction des célébrations eucharistiques reposent de graves questions à notre Église : sommes-nous vraiment persuadés que l’eucharistie est « la source et le sommet de la vie chrétienne » (LG 11) et « la source et le sommet de toute évangélisation » (PO 5) selon les mots du concile Vatican II (cf. également SC 10) ?

En tirons-nous vraiment toutes les conséquences, pour nous-mêmes personnellement comme pour notre Église ?

 

 

1ère lecture : Conclusion solennelle de la première Alliance (Ex 24, 3-8)

Lecture du livre de l’Exode

En descendant du Sinaï, Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles du Seigneur et tous ses commandements. Le peuple répondit d’une seule voix : « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique. »
Moïse écrivit toutes les paroles du Seigneur ; le lendemain matin, il bâtit un autel au pied de la montagne, et il dressa douze pierres pour les douze tribus d’Israël. Puis il chargea quelques jeunes Israélites d’offrir des holocaustes, et d’immoler au Seigneur de jeunes taureaux en sacrifice de paix. Moïse prit la moitié du sang et le mit dans des bassins ; puis il aspergea l’autel avec le reste du sang. Il prit le livre de l’Alliance et en fit la lecture au peuple. Celui-ci répondit : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le mettrons en pratique, nous y obéirons. »
Moïse prit le sang, en aspergea le peuple, et dit : « Voici le sang de l’Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a conclue avec vous. »

Psaume : 115, 12-13, 15-16ac, 17-18

R/ Nous partageons la coupe du salut en invoquant le nom du Seigneur.

Comment rendrai-je au Seigneur
tout le bien qu’il m’a fait ?
J’élèverai la coupe du salut,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !
Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur,
moi, dont tu brisas les chaînes ?

Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.
Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple.

2ème lecture : Le Christ nous purifie par son propre sang (He 9, 11-15)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ est le grand prêtre du bonheur qui vient. La tente de son corps est plus grande et plus parfaite que celle de l’ancienne Alliance ; elle n’a pas été construite par l’homme, et n’appartient donc pas à ce monde.
C’est par elle qu’il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire du ciel en répandant, non pas le sang des animaux, mais son propre sang : il a obtenu ainsi une libération définitive.
S’il est vrai qu’une simple aspersion avec du sang d’animal, ou avec de l’eau sacrée, rendait à ceux qui s’étaient souillés une pureté extérieure pour qu’ils puissent célébrer le culte, le sang du Christ, lui, fait bien davantage : poussé par l’Esprit éternel, Jésus s’est offert lui-même à Dieu comme une victime sans tache ; et son sang purifiera notre conscience des actes qui mènent à la mort pour que nous puissions célébrer le culte du Dieu vivant.
Voilà pourquoi il est le médiateur d’une Alliance nouvelle, d’un Testament nouveau : puisqu’il est mort pour le rachat des fautes commises sous le premier Testament, ceux qui sont appelés peuvent recevoir l’héritage éternel déjà promis.

Evangile : L’institution de l’Eucharistie, sacrement de la nouvelle Alliance (Mc 14, 12-16.22-26)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le pain vivant venu du ciel, Seigneur Jésus. Qui mange de ce pain vivra pour toujours. Alléluia. (cf. Jn 6, 51-52)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? »
Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque.
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous.
Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude.
Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. »
Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.
Patrick Braud

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4 février 2012

Avec Job, faire face à l’excès du mal

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Avec Job, faire face à l’excès du mal

 

Homélie du 5° Dimanche ordinaire  / Année B

05/02/2012

 

La corvée d’exister

Qui ne s’est jamais couché l’angoisse au ventre devant la perspective d’heures  entières à chercher le sommeil en vain ?

Qui ne s’est jamais levé que contraint et forcé pour aller au travail sans enthousiasme ?

Qui n’a jamais ressenti à l’issue d’une journée de travail ce sentiment d’amertume et de désillusion qu’exprimait Job : « vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée ; il fait des journées de manoeuvre » ?

Autant dire que chacun de nous peut se reconnaître à un moment ou un autre dans ce Job désabusé !

Ce qui est extraordinaire, c’est que nous ayons laissé ce livre de Job dans la Bible, au lieu de le reléguer parmi les livres cyniques jetant un doute sur la bonté de Dieu, voire sur son existence même.

 

Le mal comme excès

Puisque Job est lu dans toutes les synagogues et toutes les églises, alors c’est qu’il nous Job et l'excès du malest bon d’entrer en procès contre Dieu comme il le fait. Il nous est possible, en tant que croyants, d’oser accuser Dieu de ses contradictions, et surtout de l’accuser de tolérer la présence du mal qui apparemment submerge tout être vivant tôt ou tard.

Job a tout perdu alors qu’il n’avait rien fait de mal. Cette injustice est telle qu’il se retourne contre le créateur de tout cela, et lui reproche vertement de laisser arriver de telles catastrophes.

La pointe de l’expérience de Job, qui est la nôtre parfois, c’est ce que Philippe Nemo appelle fort justement « l’excès du mal », ou plutôt le mal comme un excès qui déborde toute explication, toute théorie, toute consolation.

Perdre bétail, maisons, serviteurs, argent, santé et jusqu’à femme et enfants : Job est plongé dans un enfer de déréliction d’où Dieu est volontairement absent, ce qui est absolument injustifiable, même par Dieu en personne. Cet excès de souffrance et d’injustice chez nous déclenche un doute sur l’existence de Dieu. Chez Job, Dieu est une évidence incontestable, mais l’excès du mal incline Job à trouver la vie humaine insensée, absurde. « Ma vie n’est qu’un souffle » : la brièveté de cette existence exposée au mal en rajoute au malheur, et mieux vaudrait en finir tout de suite, se plaint Job. Il va encore plus loin dans l’accusation : « maudit soit le jour de ma naissance » (Job 3,1).

« Périsse le jour qui me vit naître, et la nuit qui annonça: « Un garçon vient d’être conçu. » (?) Car elle n’a pas fermé sur moi la porte du ventre, pour cacher à mes yeux la souffrance. 11 Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein, n’ai-je péri aussitôt enfanté ?

Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir, deux mamelles pour m’allaiter ?

Maintenant je serais couché en paix, je dormirais d’un sommeil reposant, avec les rois et les grands ministres de la terre, qui ont bâti leurs demeures dans des lieux désolés, 15 ou avec les princes qui ont de l’or en abondance et de l’argent plein leurs tombes.

Ou bien, tel l’avorton caché, je n’aurais pas existé, comme les petits qui ne voient pas le jour. »

 

De l'inconvénient d'être néC’est ce que Cioran appelait « l’inconvénient d’être né » :

« Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m’oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l’équilibre du monde. »

« Nous ne courons pas vers la mort, nous fuyons la catastrophe de la naissance ». 

 

Cioran ne fait jamais que reprendre la vieille désillusion du Qohélet : « je félicite les morts qui sont déjà morts plutôt que les vivants qui sont encore vivants.  Et plus heureux que tous les deux est celui qui ne vit pas encore et ne voit pas l’iniquité qui se commet sous le soleil » (Qo 4,2).

 Cette désillusion devient encore plus radicalement chez Job une malédiction incompréhensible émanant d’un créateur absent.

 

Oser accuser Dieu

Il refuse la pseudo explication de ses amis venus le consoler avec de pieuses théories qui ne résistent pas au tsunami de l’abandon.

Et Job proteste à longueur de chapitre contre ces religieux qui essaient de faire rentrer l’excès du mal dans la théorie de la rétribution ou de la transcendance divine.

Non il n’a en rien mérité de la catastrophe qui s’abat sur lui.

Non il ne peut accepter que Dieu en soit l’origine.

Non il ne voit aucun signe de la bonté de Dieu dans cette épreuve.

Mais il ose crier face à Dieu. Au lieu de se replier sur sa douleur en silence, il apostrophe ses amis, il traîne Dieu en accusation, il le convoque et le somme de s’expliquer.

 

Les deux excès

À la fin du livre, la réponse de Dieu n’est pas une réponse. Au mal comme excès est opposé Dieu comme un excès plus grand encore. Aucun des deux n’est vraiment compréhensible.

À l’énigme du mal, Dieu semble répondre en se définissant par un mystère plus grand encore. Et ce n’est pas le happy end très Hollywoodien (visiblement rajouté en fin d’histoire pour rassurer le lecteur) qui va résoudre le mystère de cette double question. Tout au plus l’espérance juive affirme-t-elle à la fin la victoire de Dieu comme excès d’amour sur le mal comme excès de souffrance.

L’espérance chrétienne relaiera cette espérance, tout en reconnaissant en Jésus abandonné de tous – et de son Père, suprême blessure – l’accomplissement de la figure de Job.

Plus que Job, Jésus ne mérite rien des insultes, du mépris et de la condamnation de la croix. La déchirure que Job a ressenti traverse Jésus au plus intime de lui-même : son tas de fumier c’est le bois de la croix, sa lèpre c’est l’infamie qui pèse sur lui, sa perte est celle de sa condition de Fils unique, ses pseudo amis sont des disciples en fuite et des murmures cyniques : « qu’il se sauve lui-même ! ». L’épreuve de Jésus est ainsi plus radicale que celle de Job. D’ailleurs, Job est atteint dans ce qu’il possède mais pas dans sa vie même, alors que Jésus – lui – est exposé à tout perdre, même sa vie.

Le but en est également différent. Si Job subit perte sur perte, c’est parce que dans le texte Satan veut démontrer que le pur amour n’existe pas chez l’homme : « est-ce de manière désintéressée que Job craint Dieu ? » (Job 1,9)

Si Jésus subit perte sur perte, c’est qu’il est uni à la volonté de son Père d’aller « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10).

L’épreuve de Job est un test  autour de l’amour gratuit et désintéressé. La passion du Christ est un plongeon en enfer pour faire corps avec les damnés de la terre, et les faire remonter à la lumière.

 

La résurrection ne sera pas un happy end après un drame convenu. Jésus ressuscité garde les traces de sa passion. Le mal qui s’était acharné « en excès » sur lui n’est pas effacé. Mais la vie « en excès » est donnée par Dieu, sans que ce deuxième mystère vient de résoudre la première énigme.

« Seul l’excès de béatitude sera consonant avec l’excès du mal. Il ne s’agira pas seulement pour Dieu d’effacer le mal donné, mais de se montrer, par la béatitude donnée à l’excès, à la mesure de l’immesurable excès du mal. » (Ph. Nemo)

 

Le courage de faire face

Alors, relisons le livre de Job ! Ses plaintes nous autorisent à nous plaindre avec lui. Ses protestations contre ses amis nous encouragent à ne pas nous satisfaire des solutions conformistes. Sa violence contre Dieu nourrit notre énergie pour ne pas laisser Dieu tranquille, à l’instar de Jacob : « je ne te lâcherai pas que tu ne m’aies béni » (Gn 32,27).

La trajectoire de Job, de la déréliction à la révolte jusqu’à l’inexplicable, pleinement accomplie en Jésus abandonné, peut soutenir nos propres amertumes et désillusions.

« Vraiment la vie de l’homme sur la terre est une corvée. » Mais cette corvée devient en Christ un service ou l’excès du mal est vaincu par l’excès d’amour.

Chacun de nous peut être configuré à Job ou à Jésus à un moment de sa vie.

Qu’ils nous aident à faire face à l’excès du mal avec courage.

 

 

1ère lecture : Détresse de l’homme qui souffre (Jb 7, 1-4.6-7)

Lecture du livre de Job

Job prit la parole et dit :
« Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de man?uvre. Comme l’esclave qui désire un peu d’ombre, comme le man?uvre qui attend sa paye, depuis des mois je n’y ai gagné que du néant, je ne compte que des nuits de souffrance. À peine couché, je me dis :’Quand pourrai-je me lever ?’ Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. Mes jours sont plus rapides que la navette du tisserand, ils s’achèvent quand il n’y a plus de fil.
Souviens-toi, Seigneur : ma vie n’est qu’un souffle, mes yeux ne verront plus le bonheur. »

 

Psaume : Ps 146, 1.3, 4-5, 6-7

R/ Bénissons le Seigneur qui guérit nos blessures !

Il est bon de fêter notre Dieu,
il est beau de chanter sa louange :
il guérit les c?urs brisés
et soigne leurs blessures. 

Il compte le nombre des étoiles,
il donne à chacune un nom ;
il est grand, il est fort, notre Maître :
nul n’a mesuré son intelligence.

Le Seigneur élève les humbles
et rabaisse jusqu’à terre les impies.
Entonnez pour le Seigneur l’action de grâce,
jouez pour notre Dieu sur la cithare !

2ème lecture : L’Apôtre se fait tout à tous (1Co 9, 16-19.22-23)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
si j’annonce l’Évangile, je n’ai pas à en tirer orgueil, c’est une nécessité qui s’impose à moi ; malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !
Certes, si je le faisais de moi-même, je recevrais une récompense du Seigneur. Mais je ne le fais pas de moi-même, je m’acquitte de la charge que Dieu m’a confiée.
Alors, pourquoi recevrai-je une récompense ? Parce que j’annonce l’Évangile sans rechercher aucun avantage matériel, ni faire valoir mes droits de prédicateur de l’Évangile.
Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait le serviteur de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible.
J’ai partagé la faiblesse des plus les faibles, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns.
Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour bénéficier, moi aussi, du salut.

 

Evangile : Une journée de Jésus au milieu des malades (Mc 1, 29-39)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus a pris sur lui notre faiblesse, il s’est chargé de nos douleurs. Alléluia. (cf. Mt 8, 17)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En quittant la synagogue, Jésus, accompagné de Jacques et de Jean, alla chez Simon et André.
Or, la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre. Sans plus attendre, on parle à Jésus de la malade. Jésus s’approcha d’elle, la prit par la main, et il la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d’esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était.
Le lendemain, bien avant l’aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait.
Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche.
Quand ils l’ont trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. »
Mais Jésus leur répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c’est pour cela que je suis sorti. »
Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais.

Patrick Braud

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21 mai 2011

La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société

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La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société

Homélie pour le 5° Dimanche de Pâques / Année A

22/05/2011

 

 « La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ».

 

Ce verset du psaume 118, repris par Pierre (1P 2,4-9), a dû habiter la pensée de Jésus depuis son enfance. Au moment de la trahison, du procès, de la condamnation et de la croix, plus que jamais ce verset viendra éclairer son chemin. Sur la croix, Jésus est identifié par son Père à ceux que tout le monde rejette : le pouvoir romain pour cause d’agitation politique, les autorités religieuses pour cause de blasphème, le peuple pour cause de banditisme criminel. Abandonné de tous, Jésus fait l’expérience absolue du rejet. Il fait corps avec ceux qui sont rejetés de tous. Il devient « la pierre rejetée par les bâtisseurs ».

 

Sa résurrection par Dieu est alors le signe que lorsque Dieu reconstruit une humanité nouvelle, il le fait à partir de ceux qui sont en bas de l’échelle.

Il part des exclus pour relever tout le peuple.

Il s’appuie sur les damnés, les criminels, les bandits, les blasphémateurs pour que l’homme nouveau ne reproduise plus ces mises à l’écart terribles.

 

Le Père Joseph Wresinski

Quelqu’un a bien compris la dimension politique et sociale de ce renversement opéré par La pierre angulaire : bâtir avec les exclus, les rebuts de la société dans Communauté spirituellela pierre rejetée et devenue angulaire. C’est le Père Joseph Wresinski. Né à Angers au XXe siècle dans une famille pauvre marquée par la séparation, la violence, l’humiliation des bidonvilles, il inventera le terme de Quart Monde pour redonner à ces familles marginales la dignité et la fierté d’appartenir à un peuple en marche.

« Devenir combattant pour les exclus n’est pourtant pas si simple, car on ne se fait pas militant pour des individus épars : une mère ivrogne, une sorcière, un gosse malingre, par-ci, par-là. Il a fallu que je les rencontre en un peuple, il a fallu que je me découvre faisant partie de ce peuple, que je me retrouve à l’âge adulte dans ces gosses des cités dépotoirs autour de nos villes, dans ces jeunes sans travail et qui pleurent de rage. Ils perpétuent la misère de mon enfance et me disent la pérennité d’un peuple en haillons.

Il est en notre pouvoir de mettre en échec cette pérennité. La misère n’existera plus, demain, si nous acceptons d’aider ces jeunes à prendre conscience de leur peuple, à transformer leur violence en combat lucide, à s’armer d’amour, d’espoir et de savoir, pour mener à sa fin la lutte de l’ignorance, de la faim, de l’aumône et de l’exclusion. » [1]

 

Les pauves sont l’Église

Prêtre, il reste pourtant du poil-à-gratter pour son Église ! Car si « les pauvres sont l’Église », selon sa très belle formule, force est de constater que bien souvent l’Église parle sur les pauvres, prie pour les pauvres, agit en leur faveur, mais rarement leur laisse la parole, la responsabilité, l’action au coeur de l’Église.

« L’Église invente à chaque époque pour faire reculer tel genre nouveau de misère et l’éternelle misère de malchance qui niche partout, mais elle finit par n’avoir pas assez de moyens et peut-être plus assez de coeur devant ces trop difficiles à aider. Elle ne sait plus leur parler, elle n’ose plus. Il y a des lieux, des temps et des gens d’Église qui perdent le contact avec les plus pauvres. L’histoire est remplie de ces élans vers la misère qui finissent en collèges pour les riches. Mais je le dis, je l’affirme, prise globalement et surtout regardée dans son c?ur profond et ses saints, l’Église est l’Église des pauvres. Là où je suis je vois très bien pourquoi c’est elle qui peut aller le plus loin pour eux.

- Pourquoi?

- Elle transforme leur coeur, elle les sauve, elle les remet dans l’espérance et dans l’amour. Ces démunis en viennent à se donner eux aussi, ils cherchent à rendre service et ça desserre l’étau de leur misère, ils sont capables de penser aux autres, de se priver. Devant des choses pareilles je vous assure qu’on est avec Dieu, dans l’action de Dieu. » [2]

 

Construire à partir des rebuts de la société

Le Père Joseph ne cesse de plaider pour que l’Église se reconnaisse dans « le visage des  exclus dans Communauté spirituellemisérables ». Unie au Christ, pierre rejetée par les bâtisseurs, l’Église doit elle aussi faire l’expérience d’être avec ces « rebuts de l’Humanité », d’être elle-même considérée comme un rebut.  « Jusqu’à l’heure présente, nous avons faim, nous avons soif, nous sommes nus, maltraités et errants; nous nous épuisons à travailler de nos mains. On nous insulte et nous bénissons; on nous persécute et nous l’endurons; on nous calomnie et nous consolons. Nous sommes devenus comme l’ordure du monde, jusqu’à présent l’universel rebut » (1Co 4,11-13)

« Tu as fait de nous des balayures, un rebut parmi les peuples. » (Lm 3,45)

« Tout ce que j’ai d’oppresseurs fait de moi un scandale; pour mes voisins je ne suis que dégoût, un effroi pour mes amis. Ceux qui me voient dans la rue s’enfuient loin de moi, comme un mort oublié des coeurs, comme un objet de rebut. » (Ps 31,12-13)

 

« En fait, nous sommes une contestation permanente pour l’État, nous lui rappelons son rôle de défenseur des plus défavorisés, nous lui proposons, par notre action, des expérimentations. Nous sommes un signe de contradiction vis-à-vis de toute institution qui cherche d’abord à se perpétuer. Y compris l’Église qui fut longtemps l’asile des exclus, leur recours, leur lieu de révolte et de libération. L’Église semble ne plus vouloir se reconnaître dans le visage des misérables, qui est celui du Christ souffrant. Elle y perd son identité? Et pourtant ce rebut de l’humanité, ce déchet, c’est le petit reste des élus, le Peuple sauvé par Dieu ». [3]

 

Qui sont les « pierres angulaires » aujourd’hui ?

« La pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ».

Du combat du Père Joseph Wresinski à la place centrale à donner aux exclus dans nos entreprises, nos assemblées, nos familles même, que la pierre d’angle qu’est Jésus nous inspire une vraie politique de résurrection, chacun à notre échelle.

 


[1]« Les Pauvres sont l’Église », entretiens du père Joseph Wresinski avec Gilles Anouil, Le Centurion, 1983, pp. 7-15.

[2]in : « Si nous parlions de Dieu ? », André Sève, Le Centurion, 1985.

[3]Témoignage Chrétien n° 1741, 17 novembre 1977, Interview du Père Joseph par Philippe Warnier.

 

1ère lecture : Les premiers auxiliaires des Apôtres (Ac 6, 1-7)

 

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque : ils trouvaient que, dans les secours distribués quotidiennement, les veuves de leur groupe étaient désavantagées.
Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et ils leur dirent : « Il n’est pas normal que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des repas.
Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, qui soient des hommes estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous leur confierons cette tâche.
Pour notre part, nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole. »
La proposition plut à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un païen originaire d’Antioche converti au judaïsme.
On les présenta aux Apôtres, et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains.

La parole du Seigneur était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs accueillaient la foi.

 

Psaume : Ps 32, 1.2b-3a, 4-5, 18-19

 

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Jouez pour lui sur la harpe à dix cordes.
Chantez-lui le cantique nouveau.

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait. 
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour. 

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour, 
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

 

2ème lecture : La pierre éliminée devient la pierre d’angle (1P 2, 4-9)

 

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères,
approchez-vous de lui : il est la pierre vivante que les hommes ont éliminée, mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur.
Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus.
On lit en effet dans l’Écriture : Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie et de grande valeur ; celui qui lui donne sa foi ne connaîtra pas la honte.
Ainsi donc, honneur à vous qui avez la foi, mais, pour ceux qui refusent de croire, l’Écriture dit : La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber. Ces gens-là butent en refusant d’obéir à la Parole, et c’est bien ce qui devait leur arriver.
Mais vous, vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu ; vous êtes donc chargés d’annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.

 

Evangile : « Personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 1-12)

 

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, Fils de Dieu. Celui qui croit en toi a reconnu le Père. Alléluia. (cf. Jn 14, 6.9)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ?
Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi.
Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin. »
Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? »
Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.
Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. »
Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »
Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père.
Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres oeuvres.
Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des oeuvres.
Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes oeuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. »
Patrick Braud

 

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26 février 2011

L’insouciance de Jésus : du fatalisme à la recherche de l’essentiel

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

L’insouciance de Jésus :
du fatalisme à la recherche de l’essentiel

Homélie pour le 8° dimanche ordinaire / Année A

Dimanche 27 Février 2011


Le souci du lendemain est au coeur de la modernité

·       Ce passage de l’évangile de Matthieu (Matthieu 6,24-34) est assez déconcertant pour un homme du XXIe siècle. Certaines phrases résonnent d’une actualité étonnamment prophétique et pertinente. Par exemple : « vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent ». Alors que nous souffrons encore des conséquences des crises économiques successives, on se dit que beaucoup d’acteurs des milieux bancaires et financiers auraient dû relire cet avertissement en le prenant au sérieux…

 

·       Par contre, d’autres phrases paraissent complètement obsolètes, inefficaces, voire dangereuses prises au pied de la lettre. Par exemple : « qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ? ».

Regardez le graphique ci-dessous. À partir du XVIIIe siècle, l’espérance de vie en France s’accroît régulièrement (excepté pendant les guerres bien sûr) et de façon spectaculaire. Du temps de Jésus, plus d’un enfant sur deux mourait à la naissance, et vivre vieux (40-50 ans) était réservé à une petite minorité. Aujourd’hui, la mortalité infantile est réduite à zéro ou presque en France, et en moyenne on a tous des chances de vivre jusqu’à 80 ans, avec au milieu de nous des centenaires à la pelle !

 

Heureusement donc que l’Occident n’a pas pris au pied de la lettre ce triste constat que Jésus fait à son époque : ‘on ne peut pas prolonger sa vie’, pensait-on.

Ce n’est pas une fatalité de mourir à 40 ans !

Collectivement, c’est bien le souci du lendemain qui a permis de prolonger notre existence, contrairement à ce que semble constater Jésus. Individuellement, c’est également efficace : arrêter de fumer, faire un régime, avoir un bon suivi médical préventif etc…. vous fera gagner quelques années de vie si vous avez le souci de votre santé.

 

·       Plus important encore, cette amélioration de la vie, en qualité et en durée, est due à  la faculté de prévision et d’anticipation modernes que Jésus semble rejeter. « Ne vous faites pas donc pas tant de souci pour demain ». C’est pourtant en s’inquiétant fortement pour demain qu’on a pu bâtir des systèmes de retraite performants (que l’on défend becs et ongles !), qu’on a pu dépister des maladies avant qu’elles n’arrivent etc…

C’est en refusant une conception ‘providentialiste’ que la science occidentale a pu découvrir les lois du climat, la physique, de la génétique, de la création des richesses économiques etc… Si on en était resté à la lettre des conseils de Jésus sur l’imitation des lis des champs et l’insouciance du lendemain, tous ces progrès modernes n’auraient guère été possibles…

D’ailleurs, l’aversion de l’Église catholique pour le prêt à intérêt (qu’elle confondait avec l’usure), véritable outil de l’émergence du capitalisme dès le XIIIe siècle, vient de là en partie ! Les marchands, les ingénieurs et les banquiers du Moyen Âge voulaient (à juste titre) anticiper, maîtriser les risques, changer les lendemains grâce à leur intelligence et leurs techniques. Apparemment tout le contraire de ce que dit Jésus ici de sa méfiance envers l’argent et de son insouciance du lendemain !

 

Car ne pas se soucier du lendemain s’est révélé dans l’histoire inefficace sur le plan économique et social, voire dangereux… Qui oserait aujourd’hui contester le souci écologique du lendemain pour notre planète par exemple !

« Gouverner c’est prévoir » : le souci du lendemain est au coeur de la modernité.

 

Comment se tirer de ces contradictions bien réelles ?

- Certains voudraient revenir à une conception providentialiste. Dans le domaine religieux par exemple, « s’abandonner à la Providence » est un thème qui revient en force.

Les fondateurs comptent sur la générosité des riches pour faire vivre leurs oeuvres ; mais est-ce cela la Providence ? ?

- D’autres prêchent une attitude quasi fataliste : ‘c’est écrit’. Quoi que vous fassiez, c’est écrit ; et si vous arrivez à prolonger votre vie, c’est que Dieu en avait décidé ainsi. Si quelqu’un meurt trop tôt, ce que ‘c’était son heure’Mektoub !’, diraient les croyances populaires musulmanes…

 

Ces visions, fataliste ou providentialiste, ne sont guère compatibles avec l’ensemble de la révélation biblique. Depuis la responsabilité initiale de la Genèse où Dieu confie la terre à l’homme (« croissez et multipliez-vous ») jusqu’à la ville de l’Apocalypse, symbole de l’effort humain pour mieux vivre ensemble, la Bible n’incite guère à l’insouciance !

 

Alors ? Comment interpréter cette expression devenue proverbiale : « à chaque jour suffit sa peine » ?

 

Ne pas confondre la fin et les moyens

Comme pour le lien entre Dieu et la pluie (Mt 5,45), Jésus semble s’appuyer ici sur une évidence culturelle indépassable à son époque (‘la nature nourrit l’homme gratuitement’) pour conduire vers une révélation d’un autre ordre : Dieu le premier vous nourrit gratuitement.

Non pas en faisant tout arriver de manière magique et cruelle (la pluie/la sécheresse, les récoltes/la famine…).

Mais en assurant à l’homme qu’ « il vaut beaucoup plus que les oiseaux du ciel ».

En invitant à ne pas se tromper d’objectif : c’est « chercher le Royaume et sa justice » qui est au coeur du désir humain, tout le reste n’est que de l’ordre des moyens (bien manger, bien boire, s’habiller, vivre vieux), pas de l’ordre de la fin ultime.

 

·       D’ailleurs, Jésus ne dit pas : « soyez insouciants », mais : « ne vous faites pas tant de souci ». C’est-à-dire : souciez-vous du lendemain, de votre retraite, de votre santé, de la planète – oui, mais n’y mettez pas tout votre coeur, toute votre énergie, au risque de passer à côté de l’essentiel. Tout en poursuivant ceci (assurer les lendemains), n’oubliez pas cela (habiter le présent, chercher l’essentiel).

Quand on visite des maisons de retraite et qu’on voit des personnes âgées assises en silence tout l’après-midi en rond sur leurs fauteuils, on peut se demander effectivement si l’augmentation quantitative de la durée de vie ne s’est pas faite au détriment de la qualité relationnelle et humaine de ces longues années, surtout sur la fin…

 

Un avertissement salutaire

·       « À chaque jour suffit sa peine » résonne alors comme un avertissement aussi salutaire aujourd’hui que : « vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’Argent ». Au lieu de s’inquiéter toujours pour beaucoup de choses, ne perdez pas de vue l’essentiel. « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire… » (Mc 10,41)

 

À force de trop vivre dans le lendemain, le risque est réel de passer à côté du présent.

 

 

Sans renoncer à l’exceptionnelle capacité de prévision et d’anticipation que nous ont donnée les sciences modernes, pourrons-nous nous entendre cet appel à mettre tout cela au service du présent ?

 

« Père céleste », donne-nous d’habiter la peine où la joie de chaque jour.

Apprends-nous à recevoir gratuitement ce que la recherche de l’essentiel peut produire dans nos vies.

« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »… (Lc 11,3)

 

 

1ère lecture : Dieu ne peut pas oublier son peuple (Is 49, 14-15)

Lecture du livre d’Isaïe

Jérusalem disait : « Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée. »

Est-ce qu’une femme peut oublier son petit enfant, ne pas chérir le fils de ses entrailles ? Même si elle pouvait l’oublier, moi, je ne t’oublierai pas. – Parole du Seigneur tout-puissant.

Psaume : 61, 2-3, 8, 9

R/ En Dieu seul, le repos de notre âme.

Je n’ai de repos qu’en Dieu seul,
mon salut vient de lui.
Lui seul est mon rocher, mon salut,
ma citadelle : je suis inébranlable.

Mon salut et ma gloire 
se trouvent près de Dieu. 
Chez Dieu, mon refuge, 
mon rocher imprenable ! 

Comptez sur lui en tous temps, 
vous, le peuple. 
Devant lui épanchez votre coeur : 
Dieu est pour nous un refuge.

 

2ème lecture : C’est Dieu qui juge : ne jugez pas (1 Co 4, 1-5)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
il faut que l’on nous regarde seulement comme les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu.

Et ce que l’on demande aux intendants, c’est en somme de mériter confiance.

Pour ma part, je me soucie fort peu de votre jugement sur moi, ou de celui que prononceraient les hommes ; d’ailleurs, je ne me juge même pas moi-même.

Ma conscience ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour cela que je suis juste : celui qui me juge, c’est le Seigneur.

Alors, ne portez pas de jugement prématuré, mais attendez la venue du Seigneur, car il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et il fera paraître les intentions secrètes. Alors, la louange qui revient à chacun lui sera donnée par Dieu.

Évangile : Sermon sur la montagne. Confiance en Dieu notre Père (Mt 6, 24-34)

 Acclamation : Alléluia. Alléluia. Cherchez d’abord le royaume de Dieu, et tout vous sera donné par surcroît. Alléluia. (Mt 6, 33)

 Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Aucun homme ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent.

C’est pourquoi je vous dis : Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ?

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ?

D’ailleurs, qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ?

Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas.

Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’eux.

Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?

Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : ‘Qu’allons-nous manger ?’ ou bien : ‘Qu’allons-nous boire ?’ ou encore : ‘Avec quoi nous habiller ?’

Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin.

Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché.

Ne vous faites pas tant de souci pour demain : demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

 

Patrick Braud

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