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Fêter l’Assomption de Marie, c’est ranimer en nous l’espérance d’être un jour associés à la gloire divine avec elle, plongés dans la communion d’amour trinitaire qui est l’être même de Dieu. Car Marie et l’Église ne font qu’un, et il n’arrive personnellement à l’une que ce qu’il arrive communautairement à l’autre. Relisons l’étonnante affirmation de saint Augustin dans une de ses homélies sur l’Évangile de Matthieu : « Sainte Marie, heureuse Marie ! Et pourtant l’Église vaut mieux que la Vierge Marie »…
« Faites attention, je vous en supplie, à ce que dit le Christ Seigneur, étendant la main vers ses disciples : Voici ma mère et mes frères. Et ensuite : Celui qui fait la volonté de mon Père, qui m’a envoyé, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère. Est-ce que la Vierge Marie n’a pas fait la volonté du Père, elle qui a cru par la foi, qui a conçu par la foi, qui a été élue pour que le salut naquît d’elle en notre faveur, qui a été créée dans le Christ avant que le Christ fût créé en elle ? Sainte Marie a fait, oui, elle a fait la volonté du Père, et par conséquent, il est plus important pour Marie d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été mère du Christ ; il a été plus avantageux pour elle d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été sa mère. Donc, Marie était bienheureuse, parce que, avant même d’enfanter le Maître, elle l’a porté dans son sein.
Voyez si ce que je dis n’est pas vrai. Comme le Seigneur passait, suivi par les foules et accomplissant des miracles divins, une femme se mit à dire : Heureux, bienheureux, le sein qui t’a porté ! Et qu’est-ce que le Seigneur a répliqué, pour éviter qu’on ne place le bonheur dans la chair ? Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! Donc, Marie est bienheureuse aussi parce qu’elle a entendu la parole de Dieu, et l’a gardée : son âme a gardé la vérité plus que son sein n’a gardé la chair. La Vérité, c’est le Christ ; la chair, c’est le Christ. La vérité, c’est le Christ dans l’âme de Marie ; la chair, c’est le Christ dans le sein de Marie. Ce qui est dans l’âme est davantage que ce qui est dans le sein.
Sainte Marie, heureuse Marie ! Et pourtant l’Église vaut mieux que la Vierge Marie.
Pourquoi ? Parce que Marie est une partie de l’Église, un membre éminent, un membre supérieur aux autres, mais enfin un membre du corps entier. S’il s’agit du corps entier, le corps est certainement davantage qu’un seul membre. Le Seigneur est la tête, et le Christ total est à la fois la tête et le corps. Bref, nous avons un chef divin, nous avons Dieu pour tête.
Donc, mes très chers, regardez vous-mêmes : vous êtes les membres du Christ, et vous êtes le corps du Christ. Comment l’êtes-vous ? Faites attention à ce qu’il dit : Voici ma mère et mes frères. Comment serez-vous la mère du Christ ? Celui qui entend, celui qui fait la volonté de mon Père, qui est aux cieux, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. En effet, je comprends bien : mes frères ; je comprends bien : mes sœurs. Car il n’y a qu’un seul héritage : c’est pourquoi, le Christ, alors qu’il était le Fils unique, n’a pas voulu être seul : dans sa miséricorde, il a voulu que nous soyons héritiers du Père, que nous soyons héritiers avec lui. »
MESSE DU JOUR PREMIÈRE LECTURE « Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab) Lecture de l’Apocalypse de saint Jean Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »
PSAUME (Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16) R/ Debout, à la droite du Seigneur, se tient la reine, toute parée d’or.(cf. Ps 44, 10b)
Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté. Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire. Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.
Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ; on les conduit parmi les chants de fête : elles entrent au palais du roi. DEUXIÈME LECTURE « En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15, 20-27a) Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, caril a tout mis sous ses pieds. ÉVANGILE « Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles » (Lc 1, 39-56) Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle. Patrick BRAUD
« La mort survient à un âge différent selon les espèces, mais elle n’a rien d’obligatoire ni d’inévitable… du moins pour une humanité maîtrisant les technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives). Une révolution médicale et philosophique est en marche. Le combat contre la mort va s’intensifier, annonce ainsi le chirurgien-urologue français Laurent Alexandre. La mort deviendra un choix et non plus notre destin »[1]. Il se dit convaincu que les hommes qui vivront mille ans sont déjà nés… Avec le transhumanisme [2], un nouveau paradigme religieux émerge : ce n’est plus le renoncement de l’athée qui se voit seul dans l’Univers, c’est désormais l’affirmation fière de ce que l’homme peut tout faire, y compris créer du vivant et se recréer lui-même » [3].
Laurent Alexandre a fait fortune en fondant le site Doctissimo, qu’il a vendu ensuite pour devenir futurologue. Sa conférence TEDX à Paris, en 2012, sur « le recul de la mort », recueille plus de 1,4 million de vues en ligne [4]. Il prévoit la disparition du cancer « dans une quinzaine d’années », et considère que « la science donnera à l’homme le pouvoir d’un dieu. L’homme va remodeler l’univers ».
Évidemment, cette espérance technologique est très éloignée de l’Évangile de ce dimanche (Jn 6,41-51) : « Celui qui croit a la vie éternelle ». « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Remplacez le pain par les NBIC, et Jésus par les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et vous vous apercevrez que l’utopie transhumaniste est en fait une version sécularisée de l’espérance chrétienne. Tout comme la vision de l’humanité augmentée, fusionnant le cerveau avec les NBIC, est une version sécularisée de l’Homme Nouveau dont Paul expérimente le surgissement en Christ : « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité » (Ep 4,24).
Ce thème de l’Homme Nouveau a déjà été exploité par la Révolution française croyant régénérer le monde par le Progrès, les Lumières, la science (mais aussi la violence de la Terreur…), ou encore par le marxisme visant à établir une société sans classes, où l’Homme Nouveau ne serait plus un loup pour l’homme.
Ces idéologies séculières de l’Homme Nouveau se sont révélés meurtrières, inhumaines, parce qu’elles reposaient sur une anthropologie infirme, où le transcendant était réduit au social, au technique, au matériel.
Le transhumanisme va plus loin : il rend crédible la promesse d’une vie prolongée grâce aux implants neuronaux, aux manipulations génétiques, aux technologies de substitution corps–machine. À y regarder de plus près, le transhumanisme parle plus d’a-mortalité que d’immortalité : ne plus mourir, en régénérant sans cesse le corps humain, est sa promesse majeure. Ce n’est pas tout à fait la vie éternelle promise par Jésus à ceux qui croient !
Google et autres milliardaires investissent des sommes faramineuses pour un but ultime : fusionner l’homme et l’ordinateur, après l’avoir soustrait au vieillissement et à la mort. Il s’agirait alors d’une nouvelle humanité, dont on ne sait encore que peu de choses, sinon qu’elle échapperait à la mort en se régénérant perpétuellement… Si bien qu’il est légitime de se demander si le transhumanisme est encore un humanisme ! Il semble bien que le trans soit plus important que l’humain dans cette quête un peu folle.
Pourtant, grâce à cette technologie, vieillir mieux et plus longtemps n’est pas incroyable. Et qui refuserait de mieux voir, marcher, penser à 120 ans et davantage ? Pourquoi la foi chrétienne devrait-elle être opposée à ces tentatives d’amélioration de la condition humaine, qui ne font que prolonger les antiques efforts de la médecine, de l’artisanat, et plus récemment de la science occidentale ? L’affaire Galilée résonne encore à nos oreilles comme une dramatique erreur catholique de l’Église refusant d’accepter le réel, même s’il contredit sa lecture des Écritures. Pourquoi refuser à l’humanité de continuer une évolution qui a commencé il y a des dizaines de millions d’années en la faisant émerger péniblement de l’animalité ?
Le Vatican proteste contre les manipulations génétiques ou informatiques de l’humain, au nom de la morale [5] : « changer l’identité génétique de l’homme en tant que personne humaine par la production d’un être infra-humain est radicalement immoral », ajoutant que « le recours à la modification génétique pour produire un surhomme ou un être doté de facultés spirituelles essentiellement nouvelles est impensable, puisque le principe de la vie spirituelle de l’homme […] n’est pas produit par des mains humaines », et puisque la véritable amélioration ne peut survenir que par l’expérience religieuse et la divinisation venant de Dieu.
Mais la morale ne peut rien contre le réel … « Fides et ratio », répétait inlassablement Jean-Paul II : « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité ». Si la rationalité des NBIC nous offre une évolution du concept d’humanité, pourquoi se raidir et se figer dans une anthropologie bientôt obsolète ?
2. La quête de l’immortalité
Longtemps, on a cru que seul l’humain avait conscience de la mort. Mais les observations s’accumulent où l’on constate que des animaux ont bien conscience de la mort des autres et en souffrent. Des éléphants restent des heures auprès du cadavre d’un des leurs, le caressent de leurs trompes. Ils sont capables d’enterrer les carcasses de leurs congénères, avec ce qui ressemble à des rites funéraires troublants. Des baleines traînent avec elles la dépouille de leur baleineau mort sur des centaines de kilomètres, ne pouvant s’en défaire, avec des cris déchirants. Etc.
Cependant, dans nulle autre espèce la quête de l’immortalité ne s’est développée autant que chez l’homme, à tel point qu’on ne sait plus qui a engendré qui, comme la poule et l’œuf.
Nécropole mégalithique de Wamar (Sénégal)
Sommes-nous devenus humains en cherchant l’immortalité, ou est-ce que parce que nous devenions humains que nous avons cherché à devenir immortels ?
Une chose est sûre : cette quête impossible est une constante de notre histoire. Les premiers sanctuaires et nécropoles mégalithiques d’il y a plus de 50 000 ans en sont une trace imposante. Tailler et déplacer des blocs de pierre de plusieurs dizaines de tonnes pour honorer leurs morts à cette époque témoigne de l’aspiration incompressible des premiers humains à un au-delà de la mort. Les chamanes et les sorciers qui ont pullulé aux temps préhistoriques entretenaient l’image d’un monde des esprits mélangé à celui des vivants, comme s’il existait des forces invisibles venant de l’au-delà. Les civilisations de Sumer et Babylone ont prolongé cette soif d’immortalité avec des mausolées, des sépultures et les premières pyramides censées accompagner un défunt royal dans son voyage au-delà de la mort. Les Égyptiens ont multiplié leurs divinités pour rendre crédible cette survie imaginaire, et leurs orgueilleuses pyramides pharaoniques voulaient garantir aux puissants une résurrection auprès d’Osiris. Notons au passage que, comme dans le transhumanisme, cette survie est extrêmement coûteuse et est en pratique réservée aux riches, aux ‘happy few’ détenant le pouvoir et la fortune …
Les Grecs ont inventé une autre forme d’immortalité, celle que confère l’Histoire aux héros et aux philosophes. Laisser une trace dans l’Histoire est encore aujourd’hui l’obsession, héritée des Grecs, de la plupart des acteurs politiques, de Mitterrand et sa pyramide du Louvre à Poutine et son empire reconstitué…
Les sagesses orientales ont apporté une autre réponse, plus originale, à cette même question de l’immortalité. Elles ont remplacé : ne plus mourir par ne plus vivre. L’extinction du désir dans le nirvana est une fusion avec le Grand Tout de l’Univers : l’immortalité hindoue, bouddhiste ou taoïste rêve d’échapper à l’illusion de ce que nous appelons la vie terrestre.
Le Grand Spinoza d’Amsterdam sécularisera cette intuition en faisant de Dieu la nature avec laquelle ne faire qu’un, dans une forme de panthéisme moderne. Et beaucoup de scientifiques actuels sont plutôt spinozistes, considérant que l’univers est éternel dans ses cycles de Big Crunch / Big-Bang, et que la mort recycle nos atomes et molécules dans cette perpétuelle succession de contractions–dilatations implacablement programmée.
Toutes ces quêtes d’immortalité coexistent encore aujourd’hui, métissées, relookées, mais pour l’essentiel toujours fidèles à l’énigme originelle : qu’est-ce que la mort ? pourquoi la mort ?
3. Le futur au présent
Est-ce bien de cette immortalité-là que parle Jésus ? Notre Évangile mélange étonnamment le présent et le futur lorsque Jésus évoque le sujet : « Celui qui croit a la vie éternelle ». « Qui mange ce pain vivra toujours ».
Tout indique qu’il y a un futur déjà offert en présent, et un présent si intense qu’il ouvre sur un futur réellement infini.
Ce battement présent/futur est une caractéristique de la foi chrétienne : le royaume de Dieu est déjà là, présent en chacun de nous, et il n’adviendra en plénitude qu’au retour du Christ (sans que nous sachions exactement comment, où et quand ce retour se produira). La vie éternelle est déjà là pour celui qui croit, et en même temps il y a bien quelque chose de plus grand à attendre par-delà la mort physique. Le futur est présent, offert gracieusement ici et maintenant, et ce présent ouvre sur un futur infini…
Dans les siècles passés, l’Église utilisait la peur de l’enfer et la promesse du paradis pour détourner les pauvres de la transformation sociale. L’eschatologie engloutissait l’histoire. Depuis les Lumières, c’est l’inverse : les sécularisations diverses de l’expérience chrétienne ont braqué les projecteurs sur l’amélioration de la seule vie terrestre, sans plus se préoccuper de l’après. Le Progrès et les sciences ont rendu l’eschatologie moins crédible, moins intéressante que la transformation du présent.
4. La vie zoè, pas la vie bios
Notre défi de croyants et de tenir ensemble l’histoire et l’eschatologie, le présent et le futur, l’effort et la grâce. Nous taire sur l’au-delà serait nous prosterner devant les idoles modernes sans transcendance. Nous réfugier dans un discours ancien rempli de magie et de superstition sur l’au-delà nous ferait régresser aux temps préscientifiques, mutilant ainsi la foi et la raison.
Comment espérer réellement en un au-delà sans dénaturer ni affaiblir la transformation de l’aujourd’hui ?
Une piste pourrait nous être donnée par l’évangile de ce dimanche. Jean en effet parle de vie(éternelle) en employant le terme grec :ζωή (zoé, 49 usages chez Jean), et pas seulement celui de βίος (bios, 2 usages).
La différence est signifiante : le biosrelève de ce qui est nécessaire à la survie, à la prolongation (biologique) de l’espèce. Zoérelève du spirituel, du souffle qui anime, du principe vital différenciant du non-vivant. La vie biosest une question de quantité ; la vie zoéest une question de qualité. Immortalité d’un côté, vie éternelle de l’autre. Prolongation versus intensité.
Nous vivons parfois des instants qui ont un goût d’éternité. Nous expérimentons alors ce qu’est le vrai bonheur mais de manière tellement fugace ! Cette vie bienheureuse nous échappe alors même que nous la désirons. Et, au fond, nous ne savons pas vraiment ce qu’elle est. « L’expression “vie éternelle” cherche à donner un nom à cette réalité connue inconnue », expliquait Benoît XVI dans l’encyclique Spe salvi.
Ne nous y trompons pas : la « vie » dont il est question n’est pas celle que nous connaissons, ce chemin fait d’épines plus que de roses. Quant à l’adjectif « éternel », il n’est pas à comprendre dans le sens d’interminable. « L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier (…). Il s’agirait du moment de l’immersion dans l’océan de l’amour infini (…), tandis que nous sommes simplement comblés de joie », poursuivait le pape.
En ce sens la vie éternelle n’est pas la vie qui vient après la mort. Elle est la vie elle-même, la vraie vie dès maintenant, celle que rien ni personne ne peut détruire. Cette vie surabondante, que saint Jean, en grec, appelle « zoè », la distinguant ainsi du « bios », peut être vécue ici et maintenant, embrassée dans le temps. Comment ? Comment vivre pleinement au lieu de se contenter d’exister ? Jésus nous met sur la voie dans sa grande prière sacerdotale : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jean 17, 3).
Et Benoît XVI de commenter dans son Jésus de Nazareth : « L’homme a trouvé la vie, quand il s’attache à celui qui est lui-même la vie. (…) C’est la relation avec Dieu en Jésus Christ qui donne cette vie qu’aucune mort n’est en mesure d’enlever ». Ce vers quoi tend l’espérance chrétienne
La vie éternelle de notre Évangile n’est pas l’amortalité transhumaniste. Elle relève d’une intensité que l’amour, la beauté, l’art, la gratuité nous font parfois côtoyer dans des moments d’extase où le temps est aboli, où la communion est réelle, où le bonheur d’être à l’autre transcende toutes les limites. C’est de cette densité de relation que parle Jésus, et non du simple fait d’exister pour toujours. L’immortalité transhumaniste pourrait fort bien se révéler malheureuse et triste si elle est solitaire ou sans amour. La vie éternelle, c’est d’aimer au point de ne plus exister…
Saint Irénée parlait avec enthousiasme de cette vie éternelle : « Ceux qui voient Dieu sont en Dieu et participent à sa splendeur. (…) La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». La vie éternelle, c’est donc une vie où enfin, nous « verrons », où nous serons dans le « ravissement », dans un bonheur qui nous dépasse. Nous serons « vivants » très intensément, pleinement, et cette éternité, ce moment exceptionnel, ne passera pas.
« Celui qui croit a la vie éternelle » : prenons au sérieux cette déclaration de Jésus.
En venant communier à l’autel, nous laissons le Christ devenir notre trait d’union avec le Père, dans la communion d’amour de l’Esprit.
Cette communion nous fait vivre en lui.
Dès maintenant.
Intensément.
C’est-à-dire : éternellement.
______________________________________
[1]. Laurent Alexandre, La Mort de la mort, J.-C. Lattès, 2011.
[2]. Le transhumanisme veut promouvoir, selon la définition du biologiste Julian Huxley (frère d’Aldous Huxley), « un homme qui reste un homme, mais se transcende lui-même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine » (Huxley, 1957)
[3]. Laurent Alexandre, La guerre des intelligences, J.-C. Lattès, 2017.
[5]. Commission Théologique Internationale, Communion et service : la personne humaine créée à l’image de Dieu, 2004.
LECTURES DE LA MESSE
PREMIÈRE LECTURE « Fortifié par cette nourriture, il marcha jusqu’à la montagne de Dieu » (1 R 19, 4-8)
Lecture du premier livre des Rois En ces jours-là, le prophète Élie, fuyant l’hostilité de la reine Jézabel, marcha toute une journée dans le désert. Il vint s’asseoir à l’ombre d’un buisson, et demanda la mort en disant : « Maintenant, Seigneur, c’en est trop ! Reprends ma vie : je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il s’étendit sous le buisson, et s’endormit. Mais voici qu’un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange ! » Il regarda, et il y avait près de sa tête une galette cuite sur des pierres brûlantes et une cruche d’eau. Il mangea, il but, et se rendormit. Une seconde fois, l’ange du Seigneur le toucha et lui dit : « Lève-toi, et mange, car il est long, le chemin qui te reste. » Élie se leva, mangea et but. Puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu. PSAUME (Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9) R/ Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur ! (Ps 33, 9a) Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête ! Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre. Qui regarde vers lui resplendira,
sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend :
il le sauve de toutes ses angoisses. L’ange du Seigneur campe alentour
pour libérer ceux qui le craignent.
Goûtez et voyez : le Seigneur est bon !
Heureux qui trouve en lui son refuge ! DEUXIÈME LECTURE « Vivez dans l’amour, comme le Christ » (Ep 4, 30 – 5, 2)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens Frères, n’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. Amertume, irritation, colère, éclats de voix ou insultes, tout cela doit être éliminé de votre vie, ainsi que toute espèce de méchanceté. Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. Oui, cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré lui-même pour nous, s’offrant en sacrifice à Dieu, comme un parfum d’agréable odeur. ÉVANGILE « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel » (Jn 6, 41-51) Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean En ce temps-là, les Juifs récriminaient contre Jésus parce qu’il avait déclaré : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel. » Ils disaient : « Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire maintenant : ‘Je suis descendu du ciel’ ? » Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : il a la vie éternelle, celui qui croit. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » .Patrick Braud
Avez-vous déjà entendu un homme appeler ainsi – affectueusement – sa compagne ? Les cailles sont réputées pour être des oiseaux très sensuels, serrées les unes contre les autres lors de leurs vols migrateurs ou quand elles se reposent au sol. Pourriez-vous imaginer appeler Jésus : « ma caille » ? Pourtant, en toute logique, au vu de nos lectures bibliques de ce dimanche (Ex 16,2-15 ; Jn 6,24-35), on peut appliquer au Christ ce titre comme on lui attribue celui de « Pain de vie » en décalque de la manne donnée aux Hébreux dans le désert ! La relecture christique de la manne est bien connue ; mais les cailles ?
Essayons de voir ce que ces petits les oiseaux dodus si mignons pourraient nous révéler du Christ…
1. « Me voici ! »
Le peuple veut de la viande. La manne est le pain qui permet de survivre, mais à la longue, on s’en lasse, car elle n’a aucun goût. Alors qu’une tendre viande rôtie bien juteuse, c’est autre chose !
Si vous avez vu le film : « Le festin de Babette », vous aurez l’eau à la bouche en pensant aux ‘cailles en sarcophage’ que sert Babette, la domestique qui a gagné à la loterie, à ses hôtes d’un soir. C’est une spécialité culinaire française du Café de Paris, dont Babette était la cheffe prestigieuse avant d’émigrer en secret aux Pays-Bas pour devenir l’humble servante cuisinant du pain trempé dans la bière à ses deux maîtresses puritaines et vieilles filles aigries. Ces cailles venues de France par bateau vont transfigurer les austères convives du festin de Babette, véritable figure eucharistique.
Les cailles au désert vont elles aussi changer le menu du peuple : elles sont à la manne ce que le vin est à l’eau, la musique au silence. Autrement dit : le peuple veut de la joie et pas seulement de la survie, du plaisir et pas seulement du besoin, des jeux et pas seulement du pain… YHWH comprend cela ! « Le Seigneur dit à Moïse : Me voici… J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël » (Ex 16,4).
La traduction liturgique (comme trop souvent) est inexacte : Dieu dit bien :« Me voici » (הנני), et non : « Voici ». Ça change tout, car cela marque la sollicitude divine qui comprend l’attente du peuple, et se présente en personne en réponse pour l’exaucer. « À leur demande, il fait passer des cailles, il les rassasie du pain venu des cieux » (Ps 104,40). C’est comme si on vient vers quelqu’un pour lui demander quelque chose et que la personne vous répond : « Me voici je t’écoute : Je suis là ; que veux-tu ? N’oublie pas, Je suis ton Dieu, Je suis là pour toi, Invoque-moi ».
Le fait de traduire : « Voici, je vais faire pleuvoir » enlève non seulement tout son sens à la phrase mais en plus au caractère d’amour et de bonté de Dieu à l’égard de son peuple. D’habitude, c’est l’homme qui répond ainsi à l’appel de son Seigneur, tel Samuel dans le Temple. Ici, c’est l’inverse !
Les chrétiens appliquent ce « Me voici » à Jésus lui-même se présentant à son Père : « Me voici, je viens faire ta volonté » (He 10,9 ; Ps 39,8).
Les cailles sont comme la traduction très concrète de l’amour de Dieu pour son peuple : me voici, dit YHWH/Jésus, je vais nourrir ton besoin (la manne) et ton désir (les cailles), car j’ai entendu ta détresse. Invoque-moi, je suis là pour toi.
Faire pleuvoir des cailles sur ceux que nous aimons, c’est entendre leurs cris, être là pour eux, comprendre leur attente, y répondre par plus que le strict nécessaire.
2. La confiance dans l’épreuve
Les cailles se disent שְׂלָו(se.lav) en hébreu. La racine du mot évoque la sérénité, la tranquillité, la paix intérieure de l’oiseau qui vole en nuage avec ses frères ou se repose à terre avec eux. Car les cailles sont avant tout des planeurs ! Elles se laissent porter par les vents thermiques du jour pour traverser les immensités d’Arabie en battant des ailes le moins possible afin de ne pas s’épuiser. C’est tout un art de planer comme un vol de cailles aux vents du désert ! N’est-ce pas la figure de l’aventure spirituelle ? Le vent de l’Esprit souffle où il veut, il suffit de laisser faire pour être porté par lui là où il nous désire.
Il est également fréquent que, surprises par un vent contraire, les cailles s’abattent en masse. Les oiseaux épuisés et incapables de reprendre leur envol peuvent alors être facilement capturés à la main. C’est ce qui arrive au désert, pour la plus grande joie des Hébreux.
Le Christ est la caille par excellence, lui qui se laisse porter par l’Esprit de son Père pour aller au bout de sa mission ! Il reste confiant dans l’épreuve, sait quand voler au plus haut « comme sur les ailes de l’aigle », et quand se reposer au plus bas, dans le fond de la barque de Pierre ou dans le creux du tombeau de Nicodème…
En mangeant les cailles qui leur sont données sans beaucoup d’efforts (ils n’ont qu’à se pencher pour les ramasser à terre le soir), les Hébreux apprennent eux aussi à faire confiance dans l’épreuve : Dieu saura nous donner soir après soir de quoi réjouir notre palais, de quoi donner du goût à notre aventure.
Jésus, le Pain de vie, est donc également la caille de la confiance : se laisser porter par l’Esprit de Dieu est sa paix intérieure, même à travers l’agonie de Gethsémani.
Dans l’eucharistie, nous lui sommes unis, et nous volons avec lui et son Église sur les ailes de l’Esprit, sans effort, pour migrer vers le royaume lointain…
3. Vendredi, c’est double ration !
Cailles et manne s’arrêtent le samedi du shabbat. Mais juste avant, le vendredi, il y a le double à ramasser. Bien sûr, c’est une justification a posteriori du shabbat juif. Mais pour les chrétiens, c’est le vendredi de la mort en croix que la grâce de Dieu est double. Au paroxysme de l’épreuve, Dieu répond par un surcroît de grâce.
Difficile de le percevoir lorsque nous sommes nous-mêmes submergés par la douleur du Golgotha… Ce n’est qu’après coup que nous pouvons discerner comment Dieu nous a soutenus au plus fort de l’épreuve. Mais nous pouvons croire – sans le voir – que Dieu nous donne le double lorsque précisément nous en avons doublement besoin.
Ce qui implique d’ailleurs que le samedi, il n’y a plus ni cailles ni manne. Pour les chrétiens, le samedi est le temps du tombeau, de la mort réelle, de la descente aux enfers. Terrible perspective : il y a bien « un jour sans », une expérience d’absence réelle, sans grâce à récolter. Sans cette traversée plus éprouvante que celle du désert du Sinaï, pas de résurrection, pas de repas à nouveau partagé dans la joie.
Un jour double, un jour sans : notre migration vers le Royaume est ainsi rythmée par une alternance que nous ne maîtrisons pas. À nous de faire provision pendant l’abondance, et de puiser dans nos réserves pendant la disette. Vaches grasses, vaches maigres : Joseph avait su partager cette sagesse à Pharaon, pour qu’un autre peuple – celui d’Égypte – ne dépérisse pas de famine aux temps mauvais.
Engranger dans les temps de grâce, tenir bon en puisant dans notre réserve en temps d’épreuve : à nous de devenir de bons gestionnaires de la manne et des cailles que Dieu nous envoie !
4. Les cailles tueuses
Se nourrir du don reçu n’est pas se goinfrer sans retenue ! Le livre des Nombres nous raconte en effet qu’un an après l’épisode d’Exode 16, le peuple hébreu se trouve dans les environs de Qivroth-Taawa, dans le désert du Sinaï (sensiblement la même zone que lors du premier épisode). De nouveau le peuple se plaint et réclame de la viande à Moïse. Dieu fait alors pleuvoir une nouvelle fois des cailles sur le camp des juifs. Ces derniers se jettent sur les oiseaux et se livrent à des excès de nourriture. Mis en colère par ce spectacle, Dieu fait mourir en grand nombre les juifs qui se sont livrés à ces excès :
« Envoyé par le Seigneur, le vent se leva ; depuis la mer, il amena des cailles, il les rabattit sur le camp et tout autour du camp sur une largeur d’une journée de marche à peu près ; elles couvraient la surface du sol sur deux coudées d’épaisseur environ. Le peuple resta debout tout ce jour-là, toute la nuit et toute la journée du lendemain ; ils ramassèrent les cailles. Celui qui en eut le moins en ramassa dix grandes mesures [1]. Ils prirent beaucoup de temps pour les étaler tout autour du camp. La viande était encore entre leurs dents, ils n’avaient pas fini de la mâcher que déjà la colère du Seigneur s’enflammait contre le peuple et qu’il frappait le peuple ; il le frappa d’un très grand coup. On appela donc ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11,31-34).
Vouloir posséder au lieu de recevoir, maîtriser au lieu d’accueillir, conduit à la mort spirituelle. La convoitise de ceux qui se gavent au lieu de se nourrir les mène au tombeau (Qibroth-ha-Taawa). « Tu ne convoiteras pas » sera un leitmotiv des Dix Paroles données à Moïse au Sinaï (Ex 20,17).
Cet épisode repose sans doute sur un phénomène connu des spécialistes : le coturnisme. Pendant leur migration, les cailles absorbent parfois des graines de ciguë, qui ne leur font aucun mal mais peuvent empoisonner ceux qui mangent trop de ces cailles porteuses.
Le texte biblique ne s’intéresse pas à cette explication naturelle mais à sa signification spirituelle : toute gloutonnerie devient mortelle, toute volonté de stocker la grâce est suicidaire. La convoitise est motelle pour ceux qui s’y adonnent.
L’avidité de l’Occident voulant multiplier les richesses matérielles, ou celle de la Russie voulant engloutir l’Ukraine afin de restaurer l’Empire : tant de convoitises empoisonnent encore aujourd’hui la vie en société !
Que chacun s’examine : quelle est ma convoitise ? Quels sont les cailles porteuses de ciguë que je dois apprendre à consommer avec modération ?
5. Cailles du soir, rosée du matin
Le texte biblique mentionne dans l’ordre : le vol de cailles recouvrant le camp le soir, et la rosée s’évaporant en manne le matin. Pourquoi pas les deux en même temps ? Et pourquoi dans cet ordre ?
Évidemment, les phénomènes naturels évoqués imposent cette distinction soir/matin. Mais le rédacteur accorde une valeur théologique et spirituelle à cette distinction : la manne n’est pas les cailles. Le pain pour survivre n’est pas la viande pour le goût. Israël est nostalgique des marmites de viande en Égypte, alors que pourtant il y était esclave. La puissance de cette soumission volontaire (La Boétie) est telle que YHWH accepte de la combattre avec ses propres armes : viande contre viande, cailles du désert contre marmites en Égypte.
Ainsi YHWH reconnaît qu’il ne peut y avoir de religion sans plaisir ! Ce goût de la viande juteuse, rôtie et assaisonnée symbolise la joie d’une vie selon l’Alliance, comme le gigot pascal l’évoquait déjà. Paradoxalement, YHWH met ainsi le plaisir avant le besoin : les cailles du soir avant la manne du matin ! C’est donc que croire est de bon goût…
Certes cela nourrit son homme que d’avoir le pain de la Parole et de l’eucharistie. Mais la joie de l’Esprit (symbolisée par le vol plané des cailles sur les ailes du vent) est plus essentielle encore : c’est cette joie spirituelle que vise la Parole de Dieu et les sacrements. Tremper le pain dans la sauce de la viande pour l’accompagner resitue les priorités : Jésus le Pain de vie ne conduit pas à lui-même, mais à son Père dans la communion de l’Esprit. Le but, c’est la communion trinitaire : la Bible et les sacrements n’en sont que des serviteurs.
Les cailles avant la manne.
Souvenons-nous au passage que le jour juif commence au coucher du soleil et non au matin. C’est donc au début du jour nouveau que tombent les cailles dans les assiettes des hébreux. La résurrection ce 8° jour qui commence dès le soir de Pâques va retrouver l’abondance de la joie des cailles avant la nécessité du pain de la manne, après la carence du tombeau.
Ressusciter à la vie nouvelle avec le Christ, c’est goûter la foi comme un plaisir inégalé, une saveur plus intense que toutes nos anciennes satisfactions.
Les cailles avant la manne, au début d’un jour nouveau…
Que ces quelques pistes symboliques autour des cailles de l’Exode nourrissent notre rumination de la semaine : que voudrait dire pour moi « sortir du camp » afin d’aller ramasser les cailles au sol dont Dieu désire que je me régale ?
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[1]. Dix homers, soit environ un volume de 2200 litres ! Quantité énorme, irréaliste, soulignant la disproportion de la grâce par rapport à nos efforts.
LECTURES DE LA MESSE PREMIÈRE LECTURE « Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)
Lecture du livre de l’Exode En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ » Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »
PSAUME (Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a) R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)
Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur. Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel. Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré. DEUXIÈME LECTURE «Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité. ÉVANGILE « Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35) Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. » .Patrick Braud
La série cartonne sur TF1 : Morgane, une jeune femme rousse, délurée et excentrique, faisait le ménage dans les bureaux de la PJ de Lille lorsqu’elle tombe sur le dossier d’une affaire non résolue. En deux coups d’œil, elle repère les anomalies, fait les croisements nécessaires et met les enquêteurs sur la bonne piste ! La commissaire repère le phénomène, et lui demande d’aider la brigade comme consultante externe. Elle a su reconnaître le haut potentiel de cette femme atypique sans formation ni diplôme académique.
HPI, Haut Potentiel Intellectuel : ces 3 lettres nous invitent désormais à voir autrement les personnes qui manifestent une lecture décalée des événements, une autre forme d’intelligence des choses.
Dans le récit de la multiplication des pains de ce dimanche (Jn 6,1-15), arrêtons-nous sur le rôle d’André. Alors que Philippe doute et reste dans l’interrogative (« Où allons-nous trouver… ? » « Qu’est-ce que cela… ? »), André – lui - agit. Il parcourt des yeux la foule considérable rassemblée en ce lieu sauvage, et y décèle le haut potentiel dont Jésus va pouvoir faire quelque chose : un gamin avec cinq pains et deux poissons.
Détecter les hauts potentiels (évangéliques) n’est pas l’apanage des cabinets de chasseurs de têtes, des DRH ou recruteurs de tous bords. C’est un charisme lié à notre baptême : l’Esprit du Christ nous donne de voir les êtres autrement, et d’amener au Christ ceux qui peuvent porter du fruit en lui.
Parcourons quelques facettes de ce rôle confié à André tout au long des Évangiles, afin de découvrir notre propre vocation chrétienne de détecteurs de talents.
Voir le désir de l’autre
Souvent nous ne savons pas nous-même ce que nous cherchons en vérité. C’est par la médiation d’un autre que notre vocation nous est révélée : un professeur qui nous fait aimer sa matière, un champion de tennis qui brille à Roland-Garros, un proche qui nous offre une guitare ou un violon, une demande d’un coup de main etc. André a l’intuition que son frère Simon-Pierre va être bouleversé s’il le présente à Jésus. Il sait que Pierre espère un Messie, que c’est un homme travaillé par l’Esprit de Dieu lui faisant désirer une vie pleine et accomplie. Alors André amène son frère à Jésus (Jn 1,42).
Autrefois les marieuses faisaient cela : présenter une jeune fille à un jeune homme, pressentant qu’ils pourraient faire un joli couple. André est un peu le marieur du Jourdain : il partage avec son frère la rencontre de cet homme extraordinaire dont Jean-Baptiste le premier a su discerner le haut potentiel évangélique, et met Simon en contact avec Jésus.
Deviner le désir de l’autre est donc ce qui permet à André de proposer à son frère la rencontre de Jésus.
Le psychanalyste Jacques Lacan le disait avec justesse : aimer, ce n’est pas désirer l’autre, c’est désirer le désir de l’autre.
Désirer l’autre est une forme de consommation, d’instrumentalisation de celui-ci pour ma propre jouissance. Désirer le désir de l’autre est crucifiant, mais libérateur pour l’autre qui alors est soutenu dans sa quête la plus personnelle.
André voit le désir de son frère (l’attente du Messie) et il désire au plus profond de lui que Pierre aille jusqu’au bout de cette quête, pour devenir réellement lui-même. Il ne le force pas, ne lui impose rien, n’assène aucune vérité. Il lui propose une relation. La foi au Christ ne s’impose pas, ne se transmet pas, ne s’enseigne pas : elle se propose, à l’image d’André amenant son frère au rabbi du Jourdain…
Si nous prenions le temps comme André de connaître les soifs, les attentes, les espoirs de nos proches, alors nous saurions trouver les médiations, les occasions, les moments pour leur proposer de rencontrer le Christ.
Un autre moment évangélique où André fait preuve de radar spirituel lui permettant de détecter le désir d’autrui est le passage où, avec Philippe à nouveau, il transmet à Jésus le désir des Grecs de le connaître :
« Il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : “Nous voudrions voir Jésus.” Philippe va le dire à André, et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : “L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,20–24).
Philippe et André sont bien placés pour transmettre cette demande, car leur prénom traduit leur culture grecque. Philippe signifie en grec : « qui aime les chevaux » (philéô / híppos), et André : « homme » (andros). Ces deux-là détonnent parmi les Douze, par leur culture grecque qui les différencie des dix autres, hébreux, fils d’hébreux. Leur double culture leur permet pourtant de faire le pont entre l’Église – hébraïque à l’origine – et le monde grec. D’ailleurs, André deviendra la figure de l’Église grecque du patriarcat de Constantinople, présenté comme le frère du patriarcat de Rome – l’Église latine – représentée par Pierre [1].
André est passé de Jean-Baptiste, le dernier prophète de l’Ancien Testament, à Jésus, premier prophète du Nouveau. Il aidera l’Église à passer de l’univers juif à la sagesse grecque. Après la Pentecôte, il partit prêcher l’Évangile, au cours d’un long périple, tout autour des côtes de la mer Noire. Ses voyages l’amenèrent en Bithynie (côte turque), à Éphèse, en Mésopotamie, en Ukraine actuelle, en Thrace (région entre le Bosphore et le Danube), à Byzance et finalement en Achaïe (région au nord du Péloponnèse), où il finit crucifié, sous l’empereur Néron, à Patras (Grèce) en l’an 60.
Présenter au Christ la requête de cultures non chrétienne est le magnifique rôle confié à André et Philippe, qui nous revient également aujourd’hui.
Les « Grecs » qui veulent voir Jésus sont parmi nos contemporains ceux qui ont soif d’une spiritualité authentique, ceux qui cherchent une grande et juste cause à laquelle se donner, ceux qui s’étourdissent dans les plaisirs de l’Occident sans pourtant y trouver leur compte etc. La culture de ces « Grecs » est truffée de numérique, de technologique, mais aussi de mondialisation, de revendications individuelles etc. Tous ces éléments sont aussi étrangers à la culture biblique que les Grecs étaient étrangers à Jérusalem sous la domination romaine…
« Amener les Grecs au Christ » comme André et Philippe relève alors d’un formidable travail d’inculturation, à peine entamé en réalité. Écouter ces cultures, y repérer les hauts potentiels, discerner ceux et ce qui peut y porter du fruit ou non, les présenter au Christ et réciproquement : ce travail théologique et spirituel incombe à toute l’Église, et pas seulement à quelques-uns.
Qui puis-je amener au Christ de ces « Grecs » autour de moi ?
Que pourrais-je présenter au Christ de leur culture pour qu’il la féconde et en multiplie les fruits mieux que les cinq pains et deux poissons ?
Repérer le peu et le petit
Nourrir les foules : Philippe ne voit que l’ampleur impossible de la tâche. André agit, et s’appuie sur ce qu’il peut, c’est-à-dire pas grand-chose au début. Il a le coup d’œil pour repérer un enfant (c’est petit) avec 5 pains et 2 poissons (c’est peu). Là où Philippe ne voit qu’une disproportion dérisoire et désespérante, André refuse de juger, et veut seulement faire confiance à ce que fera Jésus.
À l’image de la graine de moutarde, le royaume de Dieu commence souvent par de petites choses faites par de petites gens. L’humble bergère de Lourdes a transformé son siècle mieux que l’empereur Napoléon III. Un petit livre de Soljenitsyne a suffi à ébranler l’empire du mensonge russe. Quelques étudiants sur la place Tien-An-Men ont dévoilé pour toujours la force dictatoriale du parti communiste chinois. Pendant l’hiver 54 un jeune curé ensoutané, bien seul, se révolte devant un bébé mort de froid dans les rues de Paris, et ose lancer un appel sur la radio RTL, déclenchant une énorme « insurrection de la bonté » débouchant sur la formation des communautés Emmaüs etc.
À notre échelle, il est de notre responsabilité de repérer comme André le peu et le petit à partir de quoi / de qui le Christ pourra nourrir les foules. C’est peut-être un collègue, un sans-grade prenant des risques pour la justice au travail. C’est parfois un voisin plein d’humanité et de compassion. C’est dans une association quelqu’un qui a le talent de parler, d’accompagner ou d’organiser…
Le christianisme est une religion des commencements : à partir de peu de choses commence à germer un univers nouveau ; à partir de gens de peu commence à germer un Peuple de Dieu. Ces 5 pains et 2 poissons ne cessent de se multiplier sous nos yeux, si nous savons chausser les lunettes d’André scrutant la foule au désert.
Prions pour que ce coup d’œil d’André devienne le nôtre.
Cette semaine, quel est le peu et le petit que je pourrais amener au Christ ?
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[1]. Les latins comprendront mal l’évolution ultérieure de Byzance – Constantinople fondée par André. À tel point que les Croisés, lors du triste saccage de Constantinople de la 4° croisade en 1204 – pillages et tueries impardonnables de frères chrétiens – volèrent des reliques de l’apôtre et ramenèrent fièrement son crâne en Italie. Ce vol manifeste dura des siècles, au grand dam légitime des orientaux. Il aura fallu le génie de charité du pape Paul VI pour remettre en 1964 à l’évêque de Patras le crâne d’André qui n’aurait jamais dû quitter la Grèce. André est ainsi un emblème de l’œcuménisme entre les deux Églises-sœurs de Constantinople et Rome. La fameuse icône représentant les deux frères Pierre et André unis affectueusement fut offerte par le patriarche Athënagoras à Paul VI lors de leur rencontre historique pour la fête de l’Épiphanie en 1964, en plein concile Vatican II.
LECTURES DE LA MESSE PREMIÈRE LECTURE « On mangera, et il en restera » (2 R 4, 42-44) Lecture du deuxième livre des Rois En ces jours-là, un homme vint de Baal-Shalisha et, prenant sur la récolte nouvelle, il apporta à Élisée, l’homme de Dieu, vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac. Élisée dit alors : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent. » Son serviteur répondit : « Comment donner cela à cent personnes ? » Élisée reprit : « Donne-le à tous ces gens pour qu’ils mangent, car ainsi parle le Seigneur : ‘On mangera, et il en restera.’ » Alors, il le leur donna, ils mangèrent, et il en resta, selon la parole du Seigneur. PSAUME (Ps 144 (145), 10-11, 15-16, 17-18) R/ Tu ouvres la main, Seigneur : nous voici rassasiés. (Ps 144, 16)
Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce et que tes fidèles te bénissent ! Ils diront la gloire de ton règne, ils parleront de tes exploits.
Les yeux sur toi, tous, ils espèrent : tu leur donnes la nourriture au temps voulu ; tu ouvres ta main : tu rassasies avec bonté tout ce qui vit.
Le Seigneur est juste en toutes ses voies, fidèle en tout ce qu’il fait. Il est proche de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent en vérité.
DEUXIÈME LECTURE « Un seul Corps, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême » (Ep 4, 1-6) Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. ÉVANGILE « Ils distribua les pains aux convives, autant qu’ils en voulaient » (Jn 6, 1-15) Alléluia. Alléluia. Un grand prophète s’est levé parmi nous : et Dieu a visité son peuple. Alléluia. (Lc 7, 16) Évangile de Jésus Christ selon saint Jean En ce temps-là, Jésus passa de l’autre côté de la mer de Galilée, le lac de Tibériade. Une grande foule le suivait, parce qu’elle avait vu les signes qu’il accomplissait sur les malades. Jésus gravit la montagne, et là, il était assis avec ses disciples. Or, la Pâque, la fête des Juifs, était proche. Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : « Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Il disait cela pour le mettre à l’épreuve, car il savait bien, lui, ce qu’il allait faire. Philippe lui répondit : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain. » Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du poisson, autant qu’ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture. À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. » Mais Jésus savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul. .Patrick Braud