Les 10 paroles du Notre Père
Les 10 paroles du Notre Père
Homélie du 17° Dimanche du temps ordinaire / Année C
25/07/2010
Le Notre Père fait évidemment partie du trésor de la foi chrétienne. Il est avec le Credo l’une des perles que l’on transmet aux catéchumènes, pour qu’ils l’assimilent, l’apprennent « par le coeur », et le restitue ensuite devant l’assemblée (traditio / redditio).
Arrêtons-nous sur la structure de cette prière journalière, dans sa version liturgique (où Mt et Lc se combinent).
En fait, les mots du Notre Père sont juifs, et son énonciation est chrétienne.
Une prière juive
Chaque mot du Notre Père vient de l’Ancien Testament. Jésus ne les a pas inventés. Il les a agencés d’une manière originale et unique. Mais un juif (ou même un musulman) n’aurait aucune difficulté je crois pas à appeler Dieu « père », à prier pour que son règne vienne, pour que le pardon soit accordé…
Mieux encore, la structure de cette prière est profondément juive.
On peut en effet distinguer 10 paroles, comme le décalogue transmis par Moïse au peuple hébreu (dans ce sens, on peut dire que la prière devient plus importante que la loi en régime chrétien).
Ces 10 paroles se constituent de :
· trois louanges : notre / père / qui es aux cieux
· trois demandes qui concernent Dieu lui-même :
- que ton Nom soit sanctifié
- que ton règne vienne
- que ta volonté soit faite…
Trois est le chiffre divin du Dieu trois fois saint, dès l’Ancien Testament.
· Viennent ensuite quatre demandes concernant l’homme (quatre est le chiffre symbolique de l’humain : les quatre points cardinaux, les quatre coins de la Terre dans la représentation de l’époque…) :
- le pain quotidien
- le pardon
- la résistance à la tentation
- la délivrance du mal.
Après ces 10 paroles du Notre Père, on conclut volontiers par une doxologie qui est tirée des écrits de Paul : « car c’est à toi qu’appartiennent… », ce qui là encore rejoint la tradition juive, où la prière va de la louange à la louange, en passant par l’intercession.
Si la structure du Notre Père est juive, ses mots le sont tout autant.
- Père : dès l’Ancien Testament, Dieu se révèle « père des pauvres », du peuple, père du roi, du prophète… Sa paternité est une autre manière de dire l’Alliance qui l’unit à Israël, voire à toute l’humanité.
- notre : la relation à Dieu n’est pas individuelle, mais communautaire. L’Église ne dit pas : « mon père », et c’est très important, parce que cela veut dire que la relation à l’Église fait partie de la relation à Dieu. Appeler Dieu « père », c’est nous reconnaître égaux en tant qu’enfants de ce père qui est nôtre.
- qui es aux cieux : c’est la révélation de la transcendance de Dieu (depuis le buisson ardent et le Tétragramme YHWH). Dieu est Notre Père tout en étant un autre père, un Dieu tout autre.
Puis viennent les trois demandes concernant le Nom, la volonté et le règne de Dieu.
Étrange prière, pleine d’humour juif en quelque sorte, puisque l’homme fragile et limité vole au secours du Tout-Autre en priant pour lui ! Comme si Dieu avait bien besoin d’être aidé par ce vermisseau… Mais nous nous décentrons de nos besoins propres en priant d’abord pour Dieu : pour que son Nom soit sanctifié, son règne vienne, sa volonté soit faite.
Les trois louangent indiquaient la gratuité de la prière ; ces trois demandes soulignent le désintéressement de toute demande, qui est d’abord pour Dieu avant d’être pour soi-même.
Puis viennent les demandes pour l’homme : le pain / le pardon / la tentation / la délivrance.
Intercession très concrète (on commence par le pain) qui ne cherche pas à accumuler (le pain de chaque jour seulement, comme la manne), mais à se rendre disponible à Dieu.
Pour avoir une étude plus détaillée de chacune de ces trois louanges et de ces 7 demandes, relisez le Catéchisme de l’Église Catholique (nos 2759-2865) qui en fait un excellent commentaire (patristique notamment).
Une énonciation chrétienne.
Les mots et la structure du Notre Père sont juifs, mais son énonciation est chrétienne.
La distinction entre énoncé / énonciation est classique : vous pouvez bien connaître les paroles d’une chanson de Michael Jackson, mais vous ne pouvez guère les chanter comme lui…
Le fait que le Notre Père jaillisse du coeur de la prière du Jésus (« un jour, quelque part, Jésus était en prière… » Lc 11,1) la colore d’une manière unique.
Quand Jésus dit « Père », Abba, il le fait d’une manière unique, à laquelle il veut nous associer.
Quand il enseigne : « que ta volonté soit faite », c’est parce que lui-même va prier ainsi à Gethsémani.
Quand il demande « le pain quotidien », c’est parce que lui-même se nourrit jour après jour de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, etc…
Alors, prier le Notre Père, c’est se glisser dans la relation d’intimité que Jésus entretient avec son Père, en tant que Fils unique, et frère aîné une multitude…
D’ailleurs, l’énonciation de ces mots est trinitaire, c’est-à-dire que l’Esprit lui-même vient prier en nos ces mots pour qu’ils deviennent ceux du Christ. « Unis dans un même Esprit, nous pouvons dire avec confiance la prière que nous avons reçue du Sauveur »?
Cette énonciation trinitaire du Notre Père est si forte qu’elle a remplacé la prière juive dite « des 18 bénédictions » (la « Amidah ») que tout juif récite aujourd’hui encore, trois fois par jour. Nous prions le Notre Père, debout, trois fois par jour (Laudes, messe, Vêpres).
Cette semaine, arrêtons-nous sur une de ces 10 paroles du Notre Père.
Choisissons-en une, une seule, afin qu’elle tourne et retourne en nos coeurs pendant sept jours, et fassent jaillir de notre vie une louange / une demande unie à celle du Christ?
1ère lecture : Abraham intercède pour la ville condamnée (Gn 18, 20-32)
Les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome. Le Seigneur lui dit : « Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde !
Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi. Si c’est faux, je le reconnaîtrai. »
Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur.
Il s’avança et dit : « Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ?
Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ?
Quelle horreur, si tu faisais une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le pécheur, traiter le juste de la même manière que le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ?»
Le Seigneur répondit: « Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. »
Abraham reprit : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre ?
Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? » Il répondit : « Non, je ne la détruirai pas, si j’en trouve quarante-cinq. »
Abraham insista : « Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? » Le Seigneur répondit : « Pour quarante, je ne le ferai pas.»
Abraham dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j’ose parler encore : peut-être y en aura-t-il seulement trente ? » Il répondit : « Si j’en trouve trente, je ne le ferai pas. »
Abraham dit alors : « Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? » Il répondit : « Pour vingt, je ne détruirai pas. »
Il dit : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère : je ne parlerai plus qu’une fois. Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? » Et le Seigneur répondit : « Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome. »
Psaume : Ps 137, 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8
R/ Tu écoutes, Seigneur, quand je crie vers toi
De tout mon coeur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.
Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.
Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ;
de loin, il reconnaît l’orgueilleux.
Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre,
ta main s’abat sur mes ennemis en colère.
Ta droite me rend vainqueur.
Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’oeuvre de tes mains.
2ème lecture : La croix du Christ, source de notre vie (Col 2, 12-14)
Frère,
par le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui, avec lui vous avez été ressuscités, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui a ressuscité le Christ d’entre les morts.
Vous étiez des morts, parce que vous aviez péché et que vous n’aviez pas reçu de circoncision. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné tous nos péchés.
Il a supprimé le billet de la dette qui nous accablait depuis que les commandements pesaient sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix du Christ.
Evangile : Enseignements de Jésus sur la prière (Lc 11, 1-13)
Un jour, quelque part, Jésus était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean Baptiste l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : ‘Père,que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés,c ar nous-mêmes nous pardonnonsà tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous soumets pas à la tentation.’ »
Jésus leur dit encore : « Supposons que l’un de vous ait un ami et aille le trouver en pleine nuit pour lui demander : ‘Mon ami, prête-moi trois pains :
un de mes amis arrive de voyage, et je n’ai rien à lui offrir.’
Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond : ‘Ne viens pas me tourmenter ! Maintenant, la porte est fermée ; mes enfants et moi, nous sommes couchés. Je ne puis pas me lever pour te donner du pain’,
moi, je vous l’affirme : même s’il ne se lève pas pour les donner par amitié, il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami, et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Eh bien, moi, je vous dis : Demandez, vous obtiendrez ; cherchez, vous trouverez ; frappez, la porte vous sera ouverte.
Celui qui demande reçoit ; celui qui cherche trouve ; et pour celui qui frappe, la porte s’ouvre.
Quel père parmi vous donnerait un serpent à son fils qui lui demande un poisson ?
ou un scorpion, quand il demande un oeuf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ! »
Patrick Braud
Mots-clés : amidah, Décalogue, demande, parole, Père, prière