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17 novembre 2024

Est-ce que je suis juif, moi ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Est-ce que je suis juif, moi ?

 

Homélie pour la fête du Christ Roi / Année B
24/11/24

Cf. également :
Christ-Roi : idéologie ou spiritualité ?
Christ-Roi : Comme larrons en foire
Le jugement des nations
Un roi pour les pires
Église-Monde-Royaume
Le préfet le plus célèbre
Christ-Roi : Reconnaître l’innocent
La violence a besoin du mensonge
Non-violence : la voie royale
Le Christ-Roi, Barbara et les dinosaures
Roi, à plus d’un titre
Divine surprise
Le Christ-Roi fait de nous des huiles

D’Anubis à saint Michel
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
Roi, à plus d’un titre
Les trois tentations du Christ en croix
Le préfet le plus célèbre
Des « juifs perfides » à « nos frères aînés »

 

Des chiffres inquiétants

Le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi à 1676 lors de l’année 2023, contre 436 l’année précédente, alerte un rapport du CRIF de 2024. Cette quasi-multiplication par quatre en un an doit être mise en perspective : on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 1990, quelques centaines sur la période 2000-2022.

Entre le jour de l’attaque terroriste du Hamas en Israël et le 31 août, 1660 citoyens français de confession juive ont décidé de faire leur alya (‘montée’ ou retour à Jérusalem).

On constate une hausse de 300 % des actes antisémites au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023. Et, en 2023, les actes antisémites représentaient 60% des actes antireligieux [1], contre 26% en 2022, alors que les juifs ne sont que 0,6% de la population française (la communauté juive de France est la première communauté juive d’Europe, avec environ 500 000 personnes vivant sur le territoire national).

 

De manière inquiétante, les vieilles calomnies sur une influence juive supposée dans les médias ou les affaires gagnent en audience : plus de la moitié des Français y croient ! Pire encore, les doutes sur la manipulation du statut de victimes de la Shoah atteignent désormais un Français sur deux.

Antisémitisme 1

Source : https://www.fondapol.org/etude/radiographie-de-lantisemitisme-en-france-2/ 

 

Si 17 % des Français aux globales sont sensibles aux thèses antisémites, les moins de 35 ans sont 23 % : les jeunes générations semblent à nouveau sensibles aux thèses antijuives.

Antisémitisme 2 

Indice de pénétration (en %), de l’antisémitisme : par tranche d’âge

 

Comme on s’y attendait, les Français de confession musulmane sont 3 fois plus nombreux que les autres à penser que l’antisémitisme n’est pas leur problème.

Antisémitisme 3 

Une attitude « à la Pilate » en quelque sorte, comme le rapporte notre Évangile du Christ Roi (Jn 18,33-37) : « Est-ce que je suis juif, moi ? » clame Pilate pour se dédouaner des troubles survenus au sein de Jérusalem pendant la Pâque. Et bientôt, il se lavera les mains du sort de Jésus, ne voulant avoir rien en commun avec ce peuple qu’il gouverne militairement au nom de Rome.

 

Depuis les massacres terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, nombre de nos concitoyens allument leur télévision en souhaitant regarder ailleurs : « Est-ce que je suis juif, moi ? »

Sous-entendu : cela ne me regarde pas. Pourquoi se mêler d’un conflit où il n’y a que des coups à prendre ? Cette indifférence se transforme en hostilité ouverte pour certaines générations plus jeunes, musulmanes ou LFI (ou les deux) : « ils n’ont que ce qu’ils méritent ! ». « Ce sont des colons, capitalistes, qui font subir aux Palestiniens un ‘génocide’ qu’ils légitiment par la Shoah, cherchant ainsi à faire oublier la Naqba = la catastrophe de la création de l’État d’Israël en 1948″.

 

Cette dégradation de l’opinion publique en France appelle de la part des chrétiens un sursaut courageux.

Revenons au face-à-face entre le roi des juifs et le préfet romain le plus célèbre de l’histoire : que peut nous apprendre Pilate sur la lâcheté politique ?

 

Pilate, où l’antisémitisme passif

 

- Qui était Ponce Pilate ?

Ponce PilateSon nom le désigne comme membre de l’ordre équestre du sud de l’Italie, les Pontii (d’où Ponce), du clan des Samni. C’est à ces chevaliers que Rome confiait les préfectures des territoires perdus de l’empire. Son nom est peut-être la trace de son origine marine : Pontius = de la mer / Pilatus = armé (d’une lance).

Quoi qu’il en soit, on ne sait rien de lui avant qu’il soit nommé en Judée par Tibère (de 26 à 37). Là, il réside à Césarée de Philippe pour éviter la populace de Jérusalem et ses violences récurrentes. Il restera 11 ans à ce poste : longévité assez rare pour un préfet à l’époque, grâce à ses soutiens auprès de Tibère. Il se fait remarquer par un cynisme et une violence extrêmes. Il brave la fierté juive en installant des boucliers d’or avec des images de l’empereur dans Jérusalem (or la foi juive proscrit le culte des images). Devant l’indignation du peuple, il recule cette fois-ci. Mais sa main ne tremblera pas pour donner l’ordre de massacrer à coups de gourdins des manifestants juifs protestant contre le détournement de l’argent du Temple de Jérusalem pour faire construire un aqueduc. Et sa répression sanglante d’un rassemblement de samaritains au monde Garizim fait tant de bruit que le légat voisin de Syrie, son hiérarchique, le déferrera à Rome pour être jugé. Mais Tibère meurt avant que Pilate n’arrive à Rome. Selon une tradition reprise par Eusèbe, il tomba en disgrâce sous le règne de Caligula et finit par se suicider, à Vienne (France) ou Lucerne (Suisse) selon des légendes peu crédibles (la tradition éthiopienne le fait mourir martyr à Rome, une fois converti au christianisme). On perd ensuite sa trace.

 

Tacite (Annales, XV, 44) fait mention de Pilate très brièvement en parlant des chrétiens : « Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré au supplice par le procurateur Pontius Pilatus ».

Au total, les historiens comme Flavius Joseph ou Philon d’Alexandrie font de lui un portrait beaucoup moins flatteur que les Évangiles. Pour les premiers chrétiens, il fallait en effet atténuer la responsabilité des Romains dans l’assassinat de Jésus si on voulait vivre en bonne intelligence avec eux partout dans l’empire. Quitte à charger les autorités juives (ou le peuple entier pour Jean) d’une culpabilité beaucoup plus écrasante. Ce qui hélas sera à la source d’un antisémitisme ecclésial indigne de Jésus.

 

Bref, Pilate était un sale type, un fonctionnaire dur et inflexible, dont les chrétiens ont cherché à adoucir les traits pour ne pas compromettre leurs relations déjà précaires avec les autorités romaines (les persécutions commenceront très vite après la mort du Christ).

 

Tel qu’il est, cruel kapo à l’image retravaillée par la tradition orale chrétienne et la plume des évangélistes, Ponce Pilate nous intéresse cependant à plus d’un titre.

 

- Antisémitisme passif

Pilate a donc été capable des pires cruautés et exactions contre le peuple juif qu’il  gouvernait d’une main de fer. Ici, devant Jésus, il paraît plutôt hésitant. Ce ‘roi des juifs’  est si dérisoire, si entêté… Il voudrait bien ne pas être impliqué dans ces dissensions compliquées. Mais se proclamer roi – fût-ce de pacotille – est un acte politique qui conteste l’autorité de l’Empire : impossible de s’en désintéresser totalement. Se lavant les mains du problème, Pilate incarne une ligne de conduite qui n’en est pas une : laisser les juifs endosser la responsabilité des événements, quoi qu’il arrive. Et pouvoir ensuite les accuser si cela tourne mal. Bien sûr, Pilate rejette Jésus à cause de sa prétention royale plus que de sa judéité, mais finalement il englobe tous les protagonistes dans son mépris du peuple d’Israël.

 

L’antisémitisme passif aujourd’hui encore renvoie les juifs à leur responsabilité comme s’ils étaient les uniques acteurs et coupables de leurs malheurs. Les braves gens de la France occupée en 1939-45 fermaient les yeux sur ce qu’ils auraient pu voir ou entendre à propos des 200 camps de détention construits chez eux, des trains emmenant des familles juives qu’on ne revoyait plus, des théories raciales sur les Untermenschen (les sous-hommes) au nez crochu… « Est-ce que je suis juif, moi ? »

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Aujourd’hui, les mêmes braves gens trouvent que, quand même, la guerre en Israël coûte trop cher, que Tsahal en fait trop, que tout cela va mal se terminer pour tout le monde si  Israël s’entête. Pourquoi se mobiliser pour un camp plutôt qu’un autre ? « Est-ce que je suis juif, moi ? »

 

Heureusement il y eut Pie XI, qui n’a pas détourné son regard de la tragédie en préparation dans les années 30 : « L’antisémitisme est inadmissible ». « Spirituellement, nous sommes des sémites » (1938). Il condamne l’Action Française dès 1926 pour son antisémitisme, et publie en 1937 l’encyclique Mit brenneder Sorge (avec une brûlante inquiétude) écrite en allemand, et lue en chaire dans toutes les églises d’Allemagne le dimanche des Rameaux pour contourner l’interdiction d’Hitler.

 

Heureusement il y eut le cardinal Saliège qui ne détourna pas les yeux du sort réservé aux juifs de Toulouse et de France, au milieu d’une fausse indifférence générale.

 

Heureusement, il y eut tous les justes qui cachèrent, protégèrent et exfiltrèrent leurs compatriotes juifs poursuivis par les nazis.

 

Heureusement, il y eut Vatican II qu’il a lavé les juifs de l’accusation de « peuple déicide » :

« Ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. […]

En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs » (Nostra Aetate n°4).

 

Heureusement, il y eut Paul VI qui promulgua en 1970 une nouvelle version de la grande prière universelle du Vendredi Saint pour qu’il ne soit plus fait mention des « juifs perfides » (« Prions aussi pour les Juifs perfides afin que Dieu Notre Seigneur enlève le voile qui couvre leurs cœurs et qu’eux aussi reconnaissent Jésus, le Christ, Notre-Seigneur ») : « Prions pour les Juifs, à qui Dieu a parlé en premier : qu’ils progressent dans l’amour de son Nom et la fidélité de son Alliance. (Tous prient en silence. Puis le prêtre dit :) Dieu éternel et tout-puissant, toi qui as choisi Abraham et sa descendance pour en faire les fils de ta promesse, conduis à la plénitude de la rédemption le premier peuple de l’Alliance, comme ton Église t’en supplie. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur ».

 

Heureusement, il y eut Jean-Paul II qui lors de sa visite à la synagogue de Rome en 1986 osa rappeler les liens de famille qui nous unissent : « Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés ». C’était la première fois qu’un pape se rendait dans une synagogue.

 

Au lieu de se laver les mains du sort des juifs à la Pilate, ces chrétiens et tant d’autres ont lavé le peuple juif des fausses accusations millénaires proférées de tous bords contre lui !

Allons-nous rester sur le côté, regardant le Moyen-Orient de loin, en nous excusant : « Est-ce que je suis juif, moi ? Est-ce que je suis palestinien ? »

Allons-nous  répéter la lâcheté de Caïn : « Est-ce que je suis le gardien de mon frère ? »

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[1]. Voici les chiffres des actes anti-religieux à date recensés sur l’année 2023 par le Ministère de l’Intérieur :
- 1762 actes antisémites (pour 0,6% de la population !)
- 564 actes antichrétiens
- 131 actes antimusulmans

 

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Excursus sur les différents visages de l’antisémitisme

 

L’antisémitisme actuel prend de nombreuses formes, combinant parfois des éléments religieux, économiques, raciaux et politiques aux origines très anciennes. Il est alimenté par les tensions au Moyen-Orient, la montée des théories du complot, et les divisions sociales croissantes en Europe et aux États-Unis. L’antisémitisme a évolué à travers les siècles, passant d’une hostilité religieuse à des formes plus politiques, économiques et raciales. Chaque époque a vu l’émergence de figures clés qui ont attisé ces sentiments de haine, influençant la perception du peuple juif.

 

L’antijudaïsme chrétien

C’est une opposition religieuse où beaucoup de Pères de l’Église dénonçaient le rejet par les juifs du Christ comme Messie  d’Israël. Les croisades et l’Inquisition ont nourri une féroce haine populaire contre les juifs, engendrant pogroms et discriminations en tous genres.

Cela allait jusqu’à l’accusation de « peuple déicide » dont on a vu que Vatican II a lavé le peuple juif, mettant fin à plus d’un millénaire d’hostilité chrétienne. 

 

Le mythe du juif errant

Le roman-feuilleton d’Eugène Sue, « Le Juif errant », connaît l’un des plus grands succès publics du XIX° siècle (1844-45). Sue exploite l’idée de la malédiction qui accompagne le Juif errant en faisant coïncider son arrivée à Paris avec l’épidémie de choléra d’avril 1832 qui a fait plus de 12 000 victimes – on ignorait alors presque tout sur cette maladie et son mode de propagation. À ce mythe du Juif errant viennent s’ajouter les vieilles calomnies médiévales accusant les juifs de pratiques sataniques : sacrifices d’enfants vivants ou de chrétiens, profanation d’hosties, empoisonnement de sources, crachats sur des crucifix, etc.

 

L’antijudaïsme musulman

5-189x300 antisémitisme dans Communauté spirituelleLe Coran reproche aux juifs d’avoir falsifié le message des prophètes, et ne tolère les juifs que s’ils payent une taxe et reconnaissent l’Islam comme religion d’État. C’est la dhimmitude, statut censé protéger les minorités comme les juifs ou les chrétiens moyennant taxe financière et statut inférieur : « Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés » (Coran 29,9).

« À cause de leur violation de l’engagement, Nous avons maudits les Juifs et endurci leurs cœurs : ils détournent les paroles de leur sens et oublient une partie de ce qui leur a été rappelé. Tu ne cesseras de découvrir leur trahison, sauf d’un petit nombre d’entre eux. Pardonne-leur donc et oublie [leurs fautes]. Car Dieu aime, certes, les bienfaisants » (Coran 5,13).

Du côté du Hamas, du Hezbollah ou de l’Iran, l’objectif final est au mieux un pays où les trois religions abrahamiques cohabiteraient pacifiquement « à l’ombre de l’islam », donc dans la situation inégalitaire qui était celle des États islamiques anciens. Et leur référence aux « Protocoles des Sages de Sion » (un célèbre faux, inventé de toutes pièces par la Russie tsariste pour calomnier les Juifs) est récurrente, ce qui transforme l’histoire en un vaste complot juif.

 

L’antisémitisme de gauche

La critique de Marx sur le pouvoir financier international des grandes familles juives rejoint la position de nombre d’autres penseurs révolutionnaires socialistes voulant abolir la religion, et la religion juive tout particulièrement. 

« Quel est le fond profane du judaïsme ? Le besoin pratique, l’utilité personnelle. Quel est le culte profane du Juif ? Le trafic. Quel est son Dieu profane ? L’argent. Eh bien, en s’émancipant du trafic et de l’argent, par conséquent du judaïsme réel et pratique, l’époque actuelle s’émanciperait elle-même » (Karl Marx, La question juive, 1843). Ayant des adversaires dans les milieux économiques, certains socialistes, sous une certaine forme radicale, cultivent l’idée que les Juifs sont surreprésentés à ce niveau-là. Ils ne se rendent peut-être pas compte, ou bien ce n’est pas leur problème, mais ces athées puisent leur imaginaire dans le Moyen Âge chrétien, où les Juifs étaient exclus des métiers liés à la terre et poussés à s’investir par exemple dans la finance, interdits aux chrétiens à cause du commandement biblique sur l’usure et le prêt à intérêt.
Voltaire n’a pas de sarcasmes assez cinglants envers le peuple juif, « le plus abominable de la terre », « peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine » (Dictionnaire philosophique, 1764).

La France a été la première nation à attribuer la pleine égalité de droits aux Juifs par le vote de l’Assemblée constituante en 1791. Le député Clermont-Tonnerre, lors des débats de l’Assemblée sur la citoyenneté active, avait cependant affirmé : « Aux Juifs, en tant que nation, il faut tout refuser ; mais aux Juifs, en tant qu’hommes, il faut tout accorder [...] il ne peut y avoir de nation dans la nation ». On voit qu’en poussant un peu loin ce précepte, en soi légitime, on pouvait s’acheminer vers l’alternative suivante : ou les Juifs perdent leurs particularités, autrement dit ou ils s’assimilent complètement (renonçant au sabbat, à l’alimentation casher, etc.), et dès lors ils sont pleinement Français car ils ont cessé d’être Juifs ; ou bien, ils gardent leurs coutumes et leurs lois, et dès lors ils doivent être « expulsés ». Tandis que la droite (l’abbé Maury notamment) disait : respectons les convictions religieuses des Juifs mais n’en faisons pas des citoyens, la gauche, elle, pouvait, en offrant la citoyenneté aux Juifs, leur interdire à terme ce qu’on n’appelait pas encore ‘le droit à la différence’.

Proudhon écrit dans ses Carnets :

« Juifs. Faire un article contre cette race qui envenime tout, en se fourrant partout, sans jamais se fondre avec aucun peuple. Demander son expulsion de France, à l’exception des individus mariés avec des Françaises ; abolir les synagogues, ne les admettre à aucun emploi, poursuivre enfin l’abolition de ce culte » Pour lui, le juif est « l’ennemi du genre humain. Il faut renvoyer cette race en Asie ou l’exterminer ».

En mai 1895, Jaurès, en voyage en Algérie, décèle « sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme… un véritable esprit révolutionnaire » (La Dépêche de Toulouse, 8 mai 1895), et il y stigmatise « l’usure juive ».

La gauche française prendra certes le parti de Dreyfus, mais certains extrêmes continueront de propager des thèses antijuives.

 

L’antisémitisme racial

Il n’est hélas que trop célèbre, depuis Hitler et les pseudos théories scientifiques aryennes voulant démontrer l’infériorité d’une prétendue race juive qui n’existe pas. On espère que cette haine n’est plus que résiduelle dans le monde…

 

L’antisionisme

Les États et courants politiques ou religieux (musulmans essentiellement) qui s’opposent à la création de l’État d’Israël ne parlent jamais du peuple juif ni d’Israël, mais des « sionistes » et de « l’entité sioniste » qu’ils veulent combattre jusqu’à son élimination pure et simple. C’est l’idéologie du Hamas qui veut libérer la Palestine « du fleuve à la mer », c’est-à-dire du Jourdain à la Méditerranée en expulsant tous les juifs. C’était l’idéologie du grand Mufti de Jérusalem dont les alliances et l’amitié avec Hitler ont discrédité l’autorité religieuse. C’est toujours l’idéologie du Hezbollah, et du régime chiite en Iran, combattant pour la destruction et l’anéantissement d’Israël.

 

L’islamo-gauchisme

L’alliance d’opportunité électorale entre des haines musulmanes antijuives et les critiques de gauche sur le capitalisme juif supposé fait que dans les sondages en France aujourd’hui, les électorats LFI des quartiers populaires plutôt musulmans sont 3 à 4 fois plus antisémites que la moyenne des Français…

 

L’antisémitisme d’extrême droite

Héritier de Drumont, de l’affaire Dreyfus et les théories du complot, certains courants d’extrême droite véhiculent encore des idées nauséabondes sur l’élimination du « pouvoir juif ».

 

L’histoire montre qu’il n’y a pas d’atavisme antisémite. Jaurès n’a-t-il pas finalement défendu Dreyfus ? L’écrivain Georges Bernanos, disciple de l’antisémite Drumont, n’a-t-il pas combattu courageusement le franquisme et le régime de Vichy ?

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Lectures de la messe

Première lecture
« Sa domination est une domination éternelle » (Dn 7, 13-14)

Lecture du livre du prophète Daniel

Moi, Daniel, je regardais, au cours des visions de la nuit, et je voyais venir, avec les nuées du ciel, comme un Fils d’homme ; il parvint jusqu’au Vieillard, et on le fit avancer devant lui. Et il lui fut donné domination, gloire et royauté ; tous les peuples, toutes les nations et les gens de toutes langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite.

Psaume
(Ps 92 (93), 1abc, 1d-2, 5)
R/ Le Seigneur est roi ; il s’est vêtu de magnificence.
 (Ps 92, 1ab)

Le Seigneur est roi ;
il s’est vêtu de magnificence,
le Seigneur a revêtu sa force.

Et la terre tient bon, inébranlable ;
dès l’origine ton trône tient bon,
depuis toujours, tu es.

Tes volontés sont vraiment immuables :
la sainteté emplit ta maison,
Seigneur, pour la suite des temps.

Deuxième lecture
« Le prince des rois de la terre a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu » (Ap 1, 5-8)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean

À vous, la grâce et la paix, de la part de Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre.
À lui qui nous aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, qui a fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père, à lui, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. Amen. Voici qu’il vient avec les nuées, tout œil le verra, ils le verront, ceux qui l’ont transpercé ; et sur lui se lamenteront toutes les tribus de la terre. Oui ! Amen !
Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Souverain de l’univers.

Évangile
« C’est toi-même qui dis que je suis roi » (Jn 18, 33b-37) Alléluia. Alléluia. 
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Alléluia. (Mc 11, 9b-10a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? » Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? » Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »
Patrick BRAUD

 

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15 septembre 2024

Apprendre à battre la chamade

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Apprendre à battre la chamade


Homélie pour le 25° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
22/09/24

Cf. également :

Agir sans comprendre, interroger sans contraindre
Dieu s’est fait infâme
La jalousie entre nature et culture
Jesus as a servant leader
« J’ai renoncé au comparatif »
C’est l’outrage et non pas la douleur
Vendredi Saint : La vilaine mort du Christ
Un roi pour les pires
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite

 

Il faut sauver la poule aux yeux d’or !

Apprendre à battre la chamade dans Communauté spirituelle« Toujours plus ! » : le titre d’un best-seller (1984) de François de Closets convient bien à la deuxième lecture de ce dimanche (Jc 3,16–4,3) : « Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre ».

La convoitise ici dénoncée par Jacques semble par nature insatiable : le riche veut être toujours plus riche, le puissant veut toujours plus de puissance, le leader toujours plus de gloire etc. Poutine veut avaler l’Ukraine, puis ce sera Kaliningrad, les Balkans… La Chine a  digéré Hong Kong et veut se repaître de Taiwan. Les multinationales rachètent leurs concurrents pour maintenir leur quasi-monopole. Avec un peu de lucidité, chacun peut reconnaître qu’il n’échappe pas à cette course au « toujours plus » : plus d’argent, de reconnaissance, de consommation ou d’épargne, d’amour ou d’étourdissement etc. « Plus on obtient, plus on désire », écrivait Jean-Jacques Rousseau au XVIII° siècle.

Quitte d’ailleurs à se brûler les ailes en plein vol ! La Fontaine avait bien croqué le côté suicidaire de la convoitise effrénée, en reprenant (en 1668) la vieille fable d’Ésope sur la poule aux œufs d’or :

la poule aux oeufs d'orL’avarice perd tout en voulant tout gagner.

Je ne veux, pour le témoigner,

Que celui dont la Poule, à ce que dit la Fable,

Pondait tous les jours un œuf d’or.

Il crut que dans son corps elle avait un trésor.

Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable

À celles dont les œufs ne lui rapportaient rien,

S’étant lui-même ôté le plus beau de son bien.

Belle leçon pour les gens chiches :

Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus

Qui du soir au matin sont pauvres devenus

Pour vouloir trop tôt être riches ? 

 

Tuer la poule aux œufs d’or est pourtant une conduite absurde suivie aveuglément de par le monde. À trop produire, et mal, les industries vont tuer l’équilibre climatique nécessaire à notre survie ; à trop convoiter le territoire de l’autre, l’Europe s’est déjà autodétruite dans trois guerres dévastatrices aux millions de morts ; à trop vouloir le pouvoir, les partis politiques se sabordent eux-mêmes et préparent le chaos. Etc.

Jacques a raison : les guerres naissent de la convoitise, les conflits se nourrissent de la jalousie, l’injustice émerge du désordre et des rivalités.

 

Pourtant, il nous est impossible de vivre sans désirer ! Sommes-nous alors condamnés à périr de ce qui nous fait vivre ? Comment sauver la convoitise du piège qu’elle se tend à elle-même ?

 

La convoitise biblique

Le terme grec utilisé par Jacques est πιθυμω (epithumeo). Il est employé 16 fois dans la Bible grecque (LXX + NT). En hébreu, l’équivalent est le mot חָמַד (chamad). On le trouve 21 fois dans l’Ancien Testament hébreu. Quand on examine ces usages en grec ou en hébreu, on s’aperçoit qu’ils ne sont pas toujours connotés négativement.

 

a) La convoitise heureuse, ou le désir du bien

tableau-le-jardin-des-delices-detail-du-panneau-de-gauche- chamade dans Communauté spirituelleIl y a une sainte convoitise biblique. Dès la Genèse, la création est désirable, un vrai jardin des délices : « Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable (chamad) et aux fruits savoureux » (Gn 2,9).
Ensuite, la Loi et ses 613 commandements sont pour les juifs un trésor à convoiter plus que toutes les richesses matérielles, « plus désirables (chamad) que l’or, qu’une masse d’or fin, plus savoureuses que le miel qui coule des rayons » (Ps 18,11). Symétriquement, YHWH est pris de désir pour Jérusalem et convoite d’y établir avec le Temple le signe de sa présence : « Pourquoi, montagnes aux cimes nombreuses, avez-vous de l’envie contre la montagne que Dieu a voulue (chamad) pour résidence ? » (Ps 67,16-17). C’est à cette passion amoureuse de Dieu pour son peuple que fait écho le chant d’amour de la bien-aimée du Cantiques des cantiques : « Comme un pommier entre les arbres de la forêt, ainsi mon bien-aimé entre les jeunes hommes. J’ai désiré (chamad) son ombre et je m’y suis assise : son fruit est doux à mon palais » (Ct 2,3).

La convoitise amoureuse – à distinguer de la concupiscence charnelle – peut donc nous révéler le désir de Dieu pour son peuple (toujours féminin en hébreu) : « ma fille, le roi sera séduit (chamad) par ta beauté. Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui » (Ps 44,12).

 

Les traductions remplacent d’ailleurs convoitise par désir lorsque Dieu en est l’auteur, ou lorsqu’elle vise un but noble et beau. Ainsi le Christ lui-même désire ardemment manger la Pâque avec ses amis avant de souffrir sa Passion : « j’ai désiré d’un grand désir (epithumeo) manger cette Pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22,15). La convoitise est ici cette tension de tout l’être où nous nous engageons pour communier à l’autre, dans l’amour et le service. Avec humour, on peut relever que cette volonté de servir peut aller jusqu’à convoiter… une élection épiscopale : « si quelqu’un aspire à la charge d’évêque, c’est une belle tâche qu’il désire (epithumeo) » (1Tm 3,1) ! Il ne s’agit plus alors de faire carrière dans l’Église, mais d’aller au bout du don de soi. Confier de hautes responsabilités à quelqu’un qui n’aurait pas cette soif de servir serait extrêmement dangereux (en politique ou en entreprise comme en Église !).

 

Cette convoitise vaut également pour souhaiter et favoriser la réussite de l’autre indépendamment de la mienne : « Notre désir (epithumeo) est que chacun d’entre vous manifeste le même empressement jusqu’à la fin, pour que votre espérance se réalise pleinement » (He 6,11). Convoiter le succès d’autrui, c’est désirer qu’il aille jusqu’au bout de son désir le plus vrai. La convoitise heureuse est orientée vers la fin, vers l’accomplissement de toutes choses, ce qui lui évitera de s’enfermer dans des réalités avant-dernières : « Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré (epithumeo) voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. » (Mt 13,17). Même les anges partagent cette envie irrésistible de voir le dévoilement ultime : « même des anges désirent (epithumeo) se pencher pour scruter ce message » (1P 1,12).

 

Saint+Augustin+-+Dieu+fait+attendre+pour+%25C3%25A9tendre+notre+d%25C3%25A9sir concupiscenceVoilà donc un premier inventaire étonnant : lorsqu’elle vise le bien, lorsqu’elle émane de Dieu ou de l’homme droit, la convoitise devient heureuse, et elle se mue en « un saint désir », comme nous y appelait Saint-Augustin :

Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir. Sans doute, ce que tu désires, tu ne le vois pas encore : mais le désir te rend capable, quand viendra ce que tu dois voir, d’être comblé.

Il prenait l’image d’un sac à agrandir pour y accueillir le plus possible des dons de Dieu :

Supposons que tu veuilles remplir quelque objet en forme de poche et que tu saches la surabondance de ce que tu as à recevoir ; tu étends cette poche, sac, outre, ou tout autre objet de ce genre ; tu sais combien grand est ce que tu as à y mettre, et tu vois que la poche est étroite : en l’étendant, tu en augmentes la capacité. De même, Dieu, en faisant attendre, étend le désir ; en faisant désirer, il étend l’âme ; en étendant l’âme, il la rend capable de recevoir.

Désirons donc, mes frères, parce que nous devons être comblés

Augustin : Sermon sur la 1ère Lettre de Jean, 4, 6

Apprenons à élargir l’espace de notre « saint désir » le plus vrai…

 

b) La convoitise mortifère, ou le désordre des désirs

Les autres usages bibliques du mot convoitise (epithumeo, chamad) sont plutôt négatifs, comme en français. Convoiter le fruit de l’arbre interdit (de la connaissance du bien et du mal) va pousser Ève et Adam à se couper de la communion d’avec YHWH. Mettre la main sur le fruit désiré, se l’approprier au lieu de le recevoir de la main du Tout-Autre, c’est remplacer le don par la prédation violente. L’humanité prédatrice est celle qui convoite au lieu de recevoir. C’est même devenu proverbial : « Le méchant convoite (chamad) ce que prennent les méchants » (Pr 12,12). Le mimétisme répand la prédation comme une tâche d’huile dans la société humaine.

 

-careme2012-lapinbleu-19dimanche3.-1Artiste convoitiseD’où l’interdiction fondatrice qui est répétée maintes et maintes fois dans l’Ancien Testament : « tu ne convoiteras pas (chamad) ni les biens de quelqu’un, ni sa femme ». (Ex 20,17 ; Dt 5,21). Car convoiter une chose, c’est déjà l’avilir. Mais convoiter quelqu’un, c’est l’avilir deux fois : en le réduisant au rang d’un objet, et un objet pris de force : « S’ils convoitent (chamad) des champs, ils s’en emparent ; des maisons, ils les prennent ; ils saisissent le maître et sa maison, l’homme et son héritage » (Mi 2,2).

 

La convoitise conduit à l’adultère, qu’elle soit conjugale ou spirituelle, et cette infamie devient un feu dévorant pour ceux qui s’y adonnent : « Si mon cœur a été séduit par une femme et si j’ai guetté à la porte du voisin, que ma femme tourne la meule pour autrui et que d’autres la possèdent ! Car c’est une infamie, une faute relevant des juges ; oui, c’est un feu qui dévore jusqu’à l’abîme, capable de détruire à la racine toute ma récolte »  (Jb 31,9–12). Jésus lui-même sera intransigeant sur la convoitise masculine qui réduit les femmes un objet de plaisir : « Eh bien ! moi, je vous dis : Tout homme qui regarde une femme avec convoitise (epithumeo) a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur »  (Mt 5,28). Et Paul appelle « chair » tout ce qui contredit l’Esprit : « Car les convoitises (epithumeo) de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez » (Ga 5,17). Parce qu’elle veut annexer l’autre ou ses biens, la convoitise de la « chair » est contre le contraire d’une relation de communion, œuvre de l’Esprit..

 

On se souvient qu’au désert, la relation d’Alliance avec YHWH fut rompue par l’avidité gloutonne des mangeurs de cailles (Nb 11,31-34). Ils en ramassèrent tant – au lieu de recevoir leur ration quotidienne – et se goinfrèrent tant qu’ils en moururent. Car ces ‘cailles tueuses’ avaient avalé des graines de ciguë, inoffensives pour elles, mais mortelles pour les gros mangeurs cédant à leur convoitise : « On appela ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11,34). Voilà ce que constate Moïse, et Jésus à sa suite : la convoitise conduit au tombeau lorsque qu’elle ne vise plus le bien, le beau ou le vrai.

 

Jacques dans notre deuxième lecture parle du « désordre engendré par les rivalités et les jalousies ». Avec la concupiscence, le désir fait désordre ; et c’est le désordre des désirs qui égare l’être humain en quête de bonheur.

Ainsi dans notre Évangile  (Mc 9,30-37), les disciples discutent entre eux pour savoir qui est le plus grand. La concupiscence du pouvoir exerce sa fascination sur tous, même dans l’Église, depuis le début ! Renoncer à ce savoir (« qui est le plus grand ? ») est la condition préalable pour devenir « le serviteur de tous ». La confession de non-savoir mène à la grandeur illucide, c’est-à-dire non consciente d’elle-même. Jésus nous ne nous invite pas à renoncer à la grandeur, mais à renoncer à savoir si nous sommes grands ou pas…

Ne pas convoiter titres, médailles, honneurs, décorations etc. mais vouloir servir jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême : voilà le chemin choisi par le Christ, sur lequel il nous accompagne aujourd’hui par la force de son Esprit.

 

3. Apprendre à battre la chamade

Mon coeur bat la chamade...Le jeu de mots est tentant, puisque la convoitise se dit חָמַד = chamad en hébreu !

Certes, l’expression « battre la chamade » est d’origine militaire. Venue du persan shimata (qui signifie « fièvre » ou « vacarme ») par l’italien chiamata (« appel », « clameur »), la chamade est un puissant roulement de tambour joué pour signaler une reddition ou une demande de trêve, de négociation, accompagné parfois du célèbre drapeau blanc car le tumulte de la guerre couvrait les tambours de la chamade…

Mais rien n’empêche de forcer le jeu de mots : vaincre la (mauvaise) convoitise, c’est battre la chamad ! C’est discerner ce pour quoi/pour qui mon cœur bat vraiment, authentiquement.

 

L’histoire vraie suivante nous invite à écouter battre le meilleur de notre cœur, même et surtout dans la vie professionnelle :

Un jeune diplômé d’une prestigieuse école de commerce vient trouver son ancien professeur de marketing qu’il aimait bien :

– Je viens vous demander conseil. Ma boîte me propose un poste prestigieux, bien payé, et prometteur. C’est à Singapour : il faut-il partir au moins 3 ans et cravacher pour mériter la suite. Dois-je accepter ?

- Quels serait pour toi les avantages et les inconvénients de dire oui ?

- Les avantages : la paye, la promesse d’évolution, le dépaysement, les responsabilités. Les inconvénients : je ne suis pas sûr de vouloir faire carrière dans cette boîte, et c’est beaucoup de sacrifices pour de l’argent.

- Qu’est-ce qui pourrait te faire choisir autre chose ?

- Si je trouvais plus intéressant ailleurs ?

- Réfléchis à ton parcours depuis ta sortie d’école : quand ton cœur s’est-il dilaté lors d’une activité professionnelle ?

Désarçonné par la question, le jeune homme demeure un long moment en silence, le front plissé, interdit, puis cherche dans sa mémoire. Son visage s’éclaire enfin : 

- « Je sais. Je n’ai jamais été si bien avec moi-même que lorsque je conduisais des chantiers de développement pendant mes deux années de coopération militaire en Afrique Noire ». Il avait même une larme discrète lorsqu’il ajouta : « Là, c’était moi. J’étais pleinement en accord avec ce que je faisais ».

Le professeur, ému, n’a pas eu besoin d’en dire plus, et encore moins de lui donner un conseil. Le jeune homme avait pris conscience que son moteur le plus intime pour agir, c’était le sens humain de son action et la qualité des relations avec les équipes. Il déclina finalement l’offre pour Singapour, et chercha une entreprise qui permettrait à nouveau à son cœur de se « dilater » en exerçant son métier.

Ce qui a provoqué ce déclic fut la question du professeur après un échange confiant et ouvert : quand ton cœur s’est-il dilaté ? Cette question fut puissante par la prise de conscience qu’elle suscita, et l’énergie qu’elle libéra en même temps pour chercher autre chose.

 

Contrairement à ce que nous impose le discours médiatique et culturel ambiant, nous sommes responsables de nos coups de cœur, de nos chamades. Le désir, ça s’éduque. Nous pouvons apprendre à convoiter ce qui n’a ni éclat ni prestige aux yeux du monde : « Devant lui, le serviteur a poussé comme une plante chétive, une racine dans une terre aride ; il était sans apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire (chamad) » (Is 53,2). Le cœur de Mère Teresa battait la chamade pour les mourants misérables des trottoirs de Calcutta. La convoitise du Père Damien était de vivre avec les lépreux de Molokaï. Dans la laideur du camp d’Auschwitz, le Père Kolbe a désiré prendre la place d’un père de famille pour aller mourir dans le bunker de la faim plutôt que de sauver sa peau.

 

Ces héros ne sont pas des gens extraordinaires : il est donné à chacun de convertir les désirs qui l’animent vers le service, l’amour fraternel, le don de soi. Des millions de martyrs ordinaires en témoignent depuis 20 siècles. Des millions de saints ordinaires ont appris à désirer Dieu dans leurs responsabilités quotidiennes.

Ils ont renoncé à la concupiscence, à « savoir qui est le plus grand ».

Ils ont mis de l’ordre dans leurs désirs pour qu’ils soient orientés vers le bien.

Ils ont appris à discerner la dignité de ceux qui sont méprisés, « sans beauté ni éclat pour attirer les regards ».

Leur cœur a appris à battre la chamade, c’est-à-dire à vaincre la convoitise, pour désirer ce qui le vaut vraiment.

Soyons de ceux-là…

 

 

LECTURES DE LA MESSE


Première lecture
« Condamnons-le à une mort infâme » (Sg 2, 12.17-20)


Lecture du livre de la Sagesse

Ceux qui méditent le mal se disent en eux-mêmes : « Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à nos entreprises, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’infidélités à notre éducation. Voyons si ses paroles sont vraies, regardons comment il en sortira. Si le juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et l’arrachera aux mains de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui. »


Psaume
(Ps 53 (54), 3-4, 5, 6.8)
R/ Le Seigneur est mon appui entre tous.
 (Ps 53, 6b)


Par ton nom, Dieu, sauve-moi,
par ta puissance rends-moi justice ;
Dieu, entends ma prière,
écoute les paroles de ma bouche.


Des étrangers se sont levés contre moi,
des puissants cherchent ma perte :
ils n’ont pas souci de Dieu.


Mais voici que Dieu vient à mon aide,
le Seigneur est mon appui entre tous.
De grand cœur, je t’offrirai le sacrifice,
je rendrai grâce à ton nom, car il est bon !


Deuxième lecture
« C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de paix » (Jc 3, 16 – 4, 3)


Lecture de la lettre de saint Jacques

Bien-aimés, la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. Au contraire, la sagesse qui vient d’en haut est d’abord pure, puis pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie. C’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de la paix. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes ? Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre. Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas ; vous demandez, mais vous ne recevez rien ; en effet, vos demandes sont mauvaises, puisque c’est pour tout dépenser en plaisirs.


Évangile
« Le Fils de l’homme est livré…Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le serviteur de tous » (Mc 9, 30-37)  Alléluia. Alléluia.
Par l’annonce de l’Évangile, Dieu nous appelle à partager la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Alléluia. (cf. 2 Th 2, 14)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu’on le sache, car il enseignait ses disciples en leur disant : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera. » Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l’interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demanda : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Ils se taisaient, car, en chemin, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S’étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
Patrick BRAUD

 

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11 août 2024

Assomption : l’Église vaut mieux que la Vierge Marie …

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Assomption : l’Église vaut mieux que la Vierge Marie …


Homélie pour la fête de l’Assomption de la Vierge Marie / Année B 

15/08/24


Cf. également :

Assomption : Marie est-elle morte ?
Le grand dragon rouge feu de l’Assomption
Assomption : entraîne-moi !
Marie et le drapeau européen
Quelle place a Marie dans votre vie ?
Le Magnificat de l’Assomption : exalter / exulter
L’Assomption : Marie, bien en chair
Assomption : Ne vous faites pas voler votre espérance
Assomption : les sentinelles de l’invisible
L’Assomption de Marie, étoile de la mer
L’Assomption de Marie : une femme entre en Résistance
Marie, parfaite image de l’Église à venir
Marie en son Assomption : une femme qui assume !
Marie, notre sœur
Vendredi Saint : la déréliction de Marie


Fêter l’Assomption de Marie, c’est ranimer en nous l’espérance d’être un jour associés à la gloire divine avec elle, plongés dans la communion d’amour trinitaire qui est l’être même de Dieu. Car Marie et l’Église ne font qu’un, et il n’arrive personnellement à l’une que ce qu’il arrive communautairement à l’autre. Relisons l’étonnante affirmation de saint Augustin dans une de ses homélies sur l’Évangile de Matthieu : 
« Sainte Marie, heureuse Marie ! Et pourtant l’Église vaut mieux que la Vierge Marie »

 

Assomption : l'Église vaut mieux que la Vierge Marie … dans Communauté spirituelle 81AduG8oT5L._SL1500_« Faites attention, je vous en supplie, à ce que dit le Christ Seigneur, étendant la main vers ses disciples : Voici ma mère et mes frères. Et ensuite : Celui qui fait la volonté de mon Père, qui m’a envoyé, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère. Est-ce que la Vierge Marie n’a pas fait la volonté du Père, elle qui a cru par la foi, qui a conçu par la foi, qui a été élue pour que le salut naquît d’elle en notre faveur, qui a été créée dans le Christ avant que le Christ fût créé en elle ? Sainte Marie a fait, oui, elle a fait la volonté du Père, et par conséquent, il est plus important pour Marie d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été mère du Christ ; il a été plus avantageux pour elle d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été sa mère. Donc, Marie était bienheureuse, parce que, avant même d’enfanter le Maître, elle l’a porté dans son sein.

 
 

Voyez si ce que je dis n’est pas vrai. Comme le Seigneur passait, suivi par les foules et accomplissant des miracles divins, une femme se mit à dire : Heureux, bienheureux, le sein qui t’a porté ! Et qu’est-ce que le Seigneur a répliqué, pour éviter qu’on ne place le bonheur dans la chair ? Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent ! Donc, Marie est bienheureuse aussi parce qu’elle a entendu la parole de Dieu, et l’a gardée : son âme a gardé la vérité plus que son sein n’a gardé la chair. La Vérité, c’est le Christ ; la chair, c’est le Christ. La vérité, c’est le Christ dans l’âme de Marie ; la chair, c’est le Christ dans le sein de Marie. Ce qui est dans l’âme est davantage que ce qui est dans le sein.

 
 

Sainte Marie, heureuse Marie ! Et pourtant l’Église vaut mieux que la Vierge Marie.
Pourquoi ? Parce que Marie est une partie de l’Église, un membre éminent, un membre supérieur aux autres, mais enfin un membre du corps entier. S’il s’agit du corps entier, le corps est certainement davantage qu’un seul membre. Le Seigneur est la tête, et le Christ total est à la fois la tête et le corps. Bref, nous avons un chef divin, nous avons Dieu pour tête.

 
 

Donc, mes très chers, regardez vous-mêmes : vous êtes les membres du Christ, et vous êtes le corps du Christ. Comment l’êtes-vous ? Faites attention à ce qu’il dit : Voici ma mère et mes frères. Comment serez-vous la mère du Christ ? Celui qui entend, celui qui fait la volonté de mon Père, qui est aux cieux, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. En effet, je comprends bien : mes frères ; je comprends bien : mes sœurs. Car il n’y a qu’un seul héritage : c’est pourquoi, le Christ, alors qu’il était le Fils unique, n’a pas voulu être seul : dans sa miséricorde, il a voulu que nous soyons héritiers du Père, que nous soyons héritiers avec lui. »

MESSE DU JOUR

PREMIÈRE LECTURE
« Une Femme, ayant le soleil pour manteau et la lune sous les pieds » (Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Le sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit, et l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire.
Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. Elle est enceinte, elle crie, dans les douleurs et la torture d’un enfantement. Un autre signe apparut dans le ciel : un grand dragon, rouge feu, avec sept têtes et dix cornes, et, sur chacune des sept têtes, un diadème. Sa queue, entraînant le tiers des étoiles du ciel, les précipita sur la terre. Le Dragon vint se poster devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer l’enfant dès sa naissance. Or, elle mit au monde un fils, un enfant mâle, celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer. L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône, et la Femme s’enfuit au désert, où Dieu lui a préparé une place. Alors j’entendis dans le ciel une voix forte, qui proclamait : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! »

PSAUME
(Ps 44, (45), 11-12a, 12b-13, 14-15a, 15b-16)
R/ Debout, à la droite du Seigneur, se tient la reine, toute parée d’or.(cf. Ps 44, 10b)

Écoute, ma fille, regarde et tends l’oreille ;
oublie ton peuple et la maison de ton père :
le roi sera séduit par ta beauté.

Il est ton Seigneur : prosterne-toi devant lui.
Alors, les plus riches du peuple,
chargés de présents, quêteront ton sourire.

Fille de roi, elle est là, dans sa gloire,
vêtue d’étoffes d’or ;
on la conduit, toute parée, vers le roi.

Des jeunes filles, ses compagnes, lui font cortège ;
on les conduit parmi les chants de fête :
elles entrent au palais du roi.

DEUXIÈME LECTURE
« En premier, le Christ ; ensuite, ceux qui lui appartiennent » (1 Co 15, 20-27a)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, de même c’est dans le Christ que tous recevront la vie, mais chacun à son rang : en premier, le Christ, et ensuite, lors du retour du Christ, ceux qui lui appartiennent. Alors, tout sera achevé, quand le Christ remettra le pouvoir royal à Dieu son Père, après avoir anéanti, parmi les êtres célestes, toute Principauté, toute Souveraineté et Puissance. Car c’est lui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. Et le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort, caril a tout mis sous ses pieds.

ÉVANGILE
« Le Puissant fit pour moi des merveilles : il élève les humbles » (Lc 1, 39-56)
Alléluia. Alléluia. Aujourd’hui s’est ouverte la porte du paradis : Marie est entrée dans la gloire de Dieu ; exultez dans le ciel, tous les anges ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Or, quand Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Alors, Élisabeth fut remplie d’Esprit Saint, et s’écria d’une voix forte : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? Car, lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Marie dit alors : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » Marie resta avec Élisabeth environ trois mois, puis elle s’en retourna chez elle.
Patrick BRAUD

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28 juillet 2024

Ma petite caille !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Ma petite caille !

 

Homélie pour le 18° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

04/08/24

 

Cf. également :

Exorciser la peur du lendemain
Faire ou croire ? 
La capacité d’étonnement
Éveiller à d’autres appétits
« Laisse faire » : éloge du non-agir
La soumission consentie

Aimer Dieu comme on aime une vache ?

 

« Ma petite caille ! »

Ma petite caille ! dans Communauté spirituelle LE-CHENE-FLEURI-Ancenis-Maine-et-Loire-49-1-3Avez-vous déjà entendu un homme appeler ainsi – affectueusement – sa compagne ? Les cailles sont réputées pour être des oiseaux très sensuels, serrées les unes contre les autres lors de leurs vols migrateurs ou quand elles se reposent au sol. Pourriez-vous imaginer appeler Jésus : « ma caille » ? Pourtant, en toute logique, au vu de nos lectures bibliques de ce dimanche (Ex 16,2-15 ; Jn 6,24-35), on peut appliquer au Christ ce titre comme on lui attribue celui de « Pain de vie » en décalque de la manne donnée aux Hébreux dans le désert ! La relecture christique de la manne est bien connue ; mais les cailles ?

Essayons de voir ce que ces petits les oiseaux dodus si mignons pourraient nous révéler du Christ…

 

1. « Me voici ! »

BDC_11712_1 cailles dans Communauté spirituelleLe peuple veut de la viande. La manne est le pain qui permet de survivre, mais à la longue, on s’en lasse, car elle n’a aucun goût. Alors qu’une tendre viande rôtie bien juteuse, c’est autre chose !
Si vous avez vu le film : « Le festin de Babette », vous aurez l’eau à la bouche en pensant aux ‘cailles en sarcophage’ que sert Babette, la domestique qui a gagné à la loterie, à ses hôtes d’un soir. C’est une spécialité culinaire française du Café de Paris, dont Babette était la cheffe prestigieuse avant d’émigrer en secret aux Pays-Bas pour devenir l’humble servante cuisinant du pain trempé dans la bière à ses deux maîtresses puritaines et vieilles filles aigries. Ces cailles venues de France par bateau vont transfigurer les austères convives du festin de Babette,  véritable figure eucharistique.

Les cailles au désert vont elles aussi changer le menu du peuple : elles sont à la manne ce que le vin est à l’eau, la musique au silence. Autrement dit : le peuple veut de la joie et pas seulement de la survie, du plaisir et pas seulement du besoin, des jeux et pas seulement du pain… YHWH comprend cela ! « Le Seigneur dit à Moïse : Me voici… J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël » (Ex 16,4).

La traduction liturgique (comme trop souvent) est inexacte : Dieu dit bien : « Me voici » (הנני), et non : « Voici ». Ça change tout, car cela marque la sollicitude divine qui comprend l’attente du peuple, et se présente en personne en réponse pour l’exaucer. « À leur demande, il fait passer des cailles, il les rassasie du pain venu des cieux » (Ps 104,40). C’est comme si on vient vers quelqu’un pour lui demander quelque chose et que la personne vous répond : « Me voici je t’écoute : Je suis là ; que veux-tu ? N’oublie pas, Je suis ton Dieu, Je suis là pour toi, Invoque-moi ».

Le fait de traduire : « Voici, je vais faire pleuvoir » enlève non seulement tout son sens à la phrase mais en plus au caractère d’amour et de bonté de Dieu à l’égard de son peuple. D’habitude, c’est l’homme qui répond ainsi à l’appel de son Seigneur, tel Samuel dans le Temple. Ici, c’est l’inverse !

Les chrétiens appliquent ce « Me voici » à Jésus lui-même se présentant à son Père : « Me voici, je viens faire ta volonté » (He 10,9 ; Ps 39,8).

Les cailles sont comme la traduction très concrète de l’amour de Dieu pour son peuple : me voici, dit YHWH/Jésus, je vais nourrir ton besoin (la manne) et ton désir (les cailles), car j’ai entendu ta détresse. Invoque-moi, je suis là pour toi.

 

Faire pleuvoir des cailles sur ceux que nous aimons, c’est entendre leurs cris, être là pour eux, comprendre leur attente, y répondre par plus que le strict nécessaire.

 

2. La confiance dans l’épreuve

Faire confiance à Dieu dans l'épreuveLes cailles se disent שְׂלָו (se.lav) en hébreu. La racine du mot évoque la sérénité, la tranquillité, la paix intérieure de l’oiseau qui vole en nuage avec ses frères ou se repose à terre avec eux. Car les cailles sont avant tout des planeurs ! Elles se laissent porter par les vents thermiques du jour pour traverser les immensités d’Arabie en battant des ailes le moins possible afin de ne pas s’épuiser. C’est tout un art de planer comme un vol de cailles aux vents du désert ! N’est-ce pas la figure de l’aventure spirituelle ? Le vent de l’Esprit souffle où il veut, il suffit de laisser faire pour être porté par lui là où il nous désire.

Il est également fréquent que, surprises par un vent contraire, les cailles s’abattent en masse. Les oiseaux épuisés et incapables de reprendre leur envol peuvent alors être facilement capturés à la main. C’est ce qui arrive au désert, pour la plus grande joie des Hébreux.

 

Le Christ est la caille par excellence, lui qui se laisse porter par l’Esprit de son Père pour aller au bout de sa mission ! Il reste confiant dans l’épreuve, sait quand voler au plus haut « comme sur les ailes de l’aigle », et quand se reposer au plus bas, dans le fond de la barque de Pierre ou dans le creux du tombeau de Nicodème…

En mangeant les cailles qui leur sont données sans beaucoup d’efforts (ils n’ont qu’à se pencher pour les ramasser à terre le soir), les Hébreux apprennent eux aussi à faire confiance dans l’épreuve : Dieu saura nous donner soir après soir de quoi réjouir notre palais, de quoi donner du goût à notre aventure.

 

Jésus, le Pain de vie, est donc également la caille de la confiance : se laisser porter par l’Esprit de Dieu est sa paix intérieure, même à travers l’agonie de Gethsémani.

 

Dans l’eucharistie, nous lui sommes unis, et nous volons avec lui et son Église sur les ailes de l’Esprit, sans effort, pour migrer vers le royaume lointain…

 

3. Vendredi, c’est double ration !

220px-Tissot_The_Gathering_of_the_Manna_%28color%29 exodeCailles et manne s’arrêtent le samedi du shabbat. Mais juste avant, le vendredi, il y a le double à ramasser. Bien sûr, c’est une justification a posteriori du shabbat juif. Mais pour les chrétiens, c’est le vendredi de la mort en croix que la grâce de Dieu est double. Au paroxysme de l’épreuve, Dieu répond par un surcroît de grâce.

Difficile de le percevoir lorsque nous sommes nous-mêmes submergés par la douleur du Golgotha… Ce n’est qu’après coup que nous pouvons discerner comment Dieu nous a soutenus au plus fort de l’épreuve. Mais nous pouvons croire – sans le voir – que Dieu nous donne le double lorsque précisément nous en avons doublement besoin.

 

Ce qui implique d’ailleurs que le samedi, il n’y a plus ni cailles ni manne. Pour les chrétiens, le samedi est le temps du tombeau, de la mort réelle, de la descente aux enfers. Terrible perspective : il y a bien « un jour sans », une expérience d’absence réelle, sans grâce à récolter. Sans cette traversée plus éprouvante que celle du désert du Sinaï, pas de résurrection, pas de repas à nouveau partagé dans la joie.

 

Un jour double, un jour sans : notre migration vers le Royaume est ainsi rythmée par une alternance que nous ne maîtrisons pas. À nous de faire provision pendant l’abondance, et de puiser dans nos réserves pendant la disette. Vaches grasses, vaches maigres : Joseph avait su partager cette sagesse à Pharaon, pour qu’un autre peuple – celui d’Égypte – ne dépérisse pas de famine aux temps mauvais.

 

Engranger dans les temps de grâce, tenir bon en puisant dans notre réserve en temps d’épreuve : à nous de devenir de bons gestionnaires de la manne et des cailles que Dieu nous envoie !

 

4. Les cailles tueuses

grande ciguë toxiqueSe nourrir du don reçu n’est pas se goinfrer sans retenue ! Le livre des Nombres nous raconte en effet qu’un an après l’épisode d’Exode 16, le peuple hébreu se trouve dans les environs de Qivroth-Taawa, dans le désert du Sinaï (sensiblement la même zone que lors du premier épisode). De nouveau le peuple se plaint et réclame de la viande à Moïse. Dieu fait alors pleuvoir une nouvelle fois des cailles sur le camp des juifs. Ces derniers se jettent sur les oiseaux et se livrent à des excès de nourriture. Mis en colère par ce spectacle, Dieu fait mourir en grand nombre les juifs qui se sont livrés à ces excès :

« Envoyé par le Seigneur, le vent se leva ; depuis la mer, il amena des cailles, il les rabattit sur le camp et tout autour du camp sur une largeur d’une journée de marche à peu près ; elles couvraient la surface du sol sur deux coudées d’épaisseur environ. Le peuple resta debout tout ce jour-là, toute la nuit et toute la journée du lendemain ; ils ramassèrent les cailles. Celui qui en eut le moins en ramassa dix grandes mesures [1]. Ils prirent beaucoup de temps pour les étaler tout autour du camp. La viande était encore entre leurs dents, ils n’avaient pas fini de la mâcher que déjà la colère du Seigneur s’enflammait contre le peuple et qu’il frappait le peuple ; il le frappa d’un très grand coup. On appela donc ce lieu Qibroth-ha-Taawa (c’est-à-dire : Tombeaux-de-la-convoitise) car c’est là qu’on enterra la foule de ceux qui avaient été pris de convoitise » (Nb 11,31-34).

 

 manneVouloir posséder au lieu de recevoir, maîtriser au lieu d’accueillir, conduit à la mort spirituelle. La convoitise de ceux qui se gavent au lieu de se nourrir les mène au tombeau (Qibroth-ha-Taawa). « Tu ne convoiteras pas » sera un leitmotiv des Dix Paroles données à Moïse au Sinaï (Ex 20,17).

Cet épisode repose sans doute sur un phénomène connu des spécialistes : le coturnisme. Pendant leur migration, les cailles absorbent parfois des graines de ciguë, qui ne leur font aucun mal mais peuvent empoisonner ceux qui mangent trop de ces cailles porteuses.

Le texte biblique ne s’intéresse pas à cette explication naturelle mais à sa signification spirituelle : toute gloutonnerie devient mortelle, toute volonté de stocker la grâce est suicidaire. La convoitise est motelle pour ceux qui s’y adonnent.
L’avidité de l’Occident voulant multiplier les richesses matérielles, ou celle de la Russie voulant engloutir l’Ukraine afin de restaurer l’Empire : tant de convoitises empoisonnent encore aujourd’hui la vie en société !

 

Que chacun s’examine : quelle est ma convoitise ? Quels sont les cailles porteuses de ciguë que je dois apprendre à consommer avec modération ?

 

5. Cailles du soir, rosée du matin

Le texte biblique mentionne dans l’ordre : le vol de cailles recouvrant le camp le soir, et la rosée s’évaporant en manne le matin. Pourquoi pas les deux en même temps ? Et pourquoi dans cet ordre ?

Évidemment, les phénomènes naturels évoqués imposent cette distinction soir/matin. Mais le rédacteur accorde une valeur théologique et spirituelle à cette distinction : la manne n’est pas les cailles. Le pain pour survivre n’est pas la viande pour le goût. Israël est nostalgique des marmites de viande en Égypte, alors que pourtant il y était esclave. La puissance de cette soumission volontaire (La Boétie) est telle que YHWH accepte de la combattre avec ses propres armes : viande contre viande, cailles du désert contre marmites en Égypte.

Ainsi YHWH reconnaît qu’il ne peut y avoir de religion sans plaisir ! Ce goût de la viande juteuse, rôtie et assaisonnée symbolise la joie d’une vie selon l’Alliance, comme le gigot pascal l’évoquait déjà. Paradoxalement, YHWH met ainsi le plaisir avant le besoin : les cailles du soir avant la manne du matin ! C’est donc que croire est de bon goût…

Certes cela nourrit son homme que d’avoir le pain de la Parole et de l’eucharistie. Mais la joie de l’Esprit (symbolisée par le vol plané des cailles sur les ailes du vent) est plus essentielle encore : c’est cette joie spirituelle que vise la Parole de Dieu et les sacrements. Tremper le pain dans la sauce de la viande pour l’accompagner resitue les priorités : Jésus le Pain de vie ne conduit pas à lui-même, mais à son Père dans la communion de l’Esprit. Le but, c’est la communion trinitaire : la Bible et les sacrements n’en sont que des serviteurs.

Les cailles avant la manne.

 

Souvenons-nous au passage que le jour juif commence au coucher du soleil et non au matin. C’est donc au début du jour nouveau que tombent les cailles dans les assiettes des hébreux. La résurrection ce 8° jour qui commence dès le soir de Pâques va retrouver l’abondance de la joie des cailles avant la nécessité du pain de la manne, après la carence du tombeau.

Ressusciter à la vie nouvelle avec le Christ, c’est goûter la foi comme un plaisir inégalé, une saveur plus intense que toutes nos anciennes satisfactions.

Les cailles avant la manne, au début d’un jour nouveau…

 

Que ces quelques pistes symboliques autour des cailles de l’Exode nourrissent notre rumination de la semaine : que voudrait dire pour moi « sortir du camp » afin d’aller ramasser les cailles au sol dont Dieu désire que je me régale ?

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[1]. Dix homers, soit environ un volume de 2200 litres ! Quantité énorme, irréaliste, soulignant la disproportion de la grâce par rapport à nos efforts.

 

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous » (Ex 16, 2-4.12-15)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, dans le désert, toute la communauté des fils d’Israël récriminait contre Moïse et son frère Aaron. Les fils d’Israël leur dirent : « Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! » Le Seigneur dit à Moïse : « Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain pour vous. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l’épreuve : je verrai s’il marchera, ou non, selon ma loi. J’ai entendu les récriminations des fils d’Israël. Tu leur diras : ‘Au coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Alors vous saurez que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu.’ »
Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s’évapora, il y avait, à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre, sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d’Israël se dirent l’un à l’autre : « Mann hou ? » (ce qui veut dire : Qu’est-ce que c’est ?), car ils ne savaient pas ce que c’était. Moïse leur dit : « C’est le pain que le Seigneur vous donne à manger. »

PSAUME
(Ps 77 (78), 3.4ac, 23-24, 25.52a.54a)
R/ Le Seigneur donne le pain du ciel ! (cf. 77, 24b)

Nous avons entendu et nous savons
ce que nos pères nous ont raconté :
et nous le redirons à l’âge qui vient,
les titres de gloire du Seigneur.

Il commande aux nuées là-haut,
il ouvre les écluses du ciel :
pour les nourrir il fait pleuvoir la manne,
il leur donne le froment du ciel.

Chacun se nourrit du pain des Forts,
il les pourvoit de vivres à satiété.
Tel un berger, il conduit son peuple.
Il le fait entrer dans son domaine sacré.

DEUXIÈME LECTURE
«Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé selon Dieu » (Ep 4, 17.20-24)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, je vous le dis, j’en témoigne dans le Seigneur : vous ne devez plus vous conduire comme les païens qui se laissent guider par le néant de leur pensée. Mais vous, ce n’est pas ainsi que l’on vous a appris à connaître le Christ, si du moins l’annonce et l’enseignement que vous avez reçus à son sujet s’accordent à la vérité qui est en Jésus. Il s’agit de vous défaire de votre conduite d’autrefois, c’est-à-dire de l’homme ancien corrompu par les convoitises qui l’entraînent dans l’erreur. Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité.

ÉVANGILE
« Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6, 24-35)
Alléluia. Alléluia. L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Alléluia. (Mt 4, 4b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, quand la foule vit que Jésus n’était pas là, ni ses disciples, les gens montèrent dans les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » Ils lui dirent alors : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle œuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l’Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »
.Patrick Braud

 

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