L'homélie du dimanche (prochain)

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16 juillet 2023

Le sperme et la zizanie

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le sperme et la zizanie

Homélie pour le 16° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
23/07/2023

Cf. également :
Accepter l’ivraie en chacun
Le levain dans la pâte : interprétations symboliques
Ecclésia permixta
La patience serait-elle l’arme des forts ?
Foi de moutarde !
Quelle est votre écharde dans la chair ?
Le pur et l’impur en christianisme

Semer la zizanie
Astérix - La Zizanie - n°15
Les fans d’Astérix et Obélix se souviennent du 15° album d’Uderzo et Goscinny : « La zizanie » (1970). On y voyait un petit personnage romain envoyé par César dans l’irréductible village gaulois pour y répandre la discorde afin de l’affaiblir et de l’envahir. Tullius Detritus – le bien nommé – distillait ses petites phrases acides, pleines de sous-entendus, et suscitait ainsi jalousies et disputes. On le recommande à César en ces termes : « vous verrez, JC, c’est un être immonde, mais très efficace. L’horrible visage vert de la discorde apparaît sur son passage ; ça tient du prodige ». Et de fait, la couleur vert pâle puis vert foncé remplit les bulles des dialogues dès que Detritus est dans la pièce…

L’expression semer la zizanie - qui a bien failli vaincre Astérix et les siens en les divisant ! – vient de la parabole de ce dimanche (Mt 13,24-43). Ce que la traduction appelle ivraie est le nom grec ζιζνιον (zizanion), qui a donné zizanie. Au temps de Jésus, zizanion était une céréale, ressemblant beaucoup au blé au début de sa croissance, mais se révélant ensuite être une graminée plutôt nuisible, car étouffant le blé et de mauvais goût. Elle avait même la réputation de rendre ivre. Une espèce de mauvais seigle en somme, qui compromet la qualité de la moisson. Ses racines s’enchevêtrent avec celles du blé, si bien qu’il est impossible d’arracher l’un sans l’autre.

Le mal semé en nos cœurs est à l’image de ce zizanion : indissociablement mêlé au bien, difficile à reconnaître au début, au goût amer, enivrant, capable de compromettre toute une vie…

C’est en référence à notre parabole que le mot latin puis français zizanie a été forgé. Il en est venu à désigner ce qui divise, ce qui compromet la cohésion de la récolte, l’élément étranger qui dresse les uns contre les autres. On a déjà dit que le diable est justement le diviseur (dia-bolos) par opposition au symbole (syn-bolon) qui unit et rassemble. Semer la zizanie est bien œuvre ‘dia-bolique’, au sens où elle veut défaire les liens de communion (koïnonia) et d’amour qui sont les caractéristiques du royaume de Dieu que Jésus veut nous faire imaginer par cette parabole.

Le sperme et la zizanie dans Communauté spirituelle Tullius%2BDetritusOù sont les Tullius Detritus d’aujourd’hui ?

- Dans nos familles, lorsque nous laissons le soupçon, le doute, les non-dits, les sous-entendus miner l’entente fraternelle.
- Dans nos entreprises, lorsque la rivalité entre égos ou l’appât du gain, d’une promotion, d’une reconnaissance etc. sapent peu à peu l’ambiance de travail dans une équipe. Il suffit de peu pour que la couleur verte de la zizanie fasse tache d’huile entre collègues !
- Dans une Église également, Tullius Detritus est à l’œuvre ! Les rumeurs, les jalousies, les silences accumulent les rancœurs et donnent envie de s’éloigner sur la pointe des pieds ou de claquer la porte avec fracas.

Quand sommes-nous complices de ces semeurs de zizanie qui lentement défont les liens entre nous ?

 

La croissance du sperme
 parabole dans Communauté spirituelle
Heureusement, il y a d’abord la force intrinsèque du blé semé. Le grec emploie le mot σπρμα (sperma) = sperme, qui désigne la semence végétale (Gn 1,11–12). Par extension, σπρμα désigne aussi la semence humaine, la fécondité, la postérité accordée à Abraham et ses descendants comme une bénédiction divine. Les Pères de l’Église parlaient du « Logos spermatikos » pour désigner les « semences du Verbe », ces préparations évangéliques répandues dans toutes les cultures bien avant le Christ, comme des pierres d’attente de la révélation pour croître et porter du fruit.

La parabole nous invite à faire confiance à la puissance intrinsèque de ce sperme, de ces germes de vie, ces commencements à la fois si petits et si pleins de promesses. Certes, ces semences sont menacées de toutes parts. Mais elles croissent, elles se renforcent, elles poussent vers le ciel et engendrent de lourds épis qui apportent l’abondance. « Qu’il dorme ou qu’il se lève, le grain pousse tout seul, et il ne sait comment » (Mc 4,26-29).

Lutter contre le mal n’est donc pas s’opposer frontalement à lui, au risque de lui devenir semblable, mais cultiver le bien tout autour, jusqu’à ce que la croissance du blé submerge l’ivraie invasive.

 

Sur le champ, mais quel champ ?
Matthieu met sur les lèvres de Jésus un commentaire allégorique de sa parabole. Gageons que c’est pour Matthieu un moyen d’asseoir sa propre explication telle qu’il l’a entendue dans sa communauté judéo-chrétienne. Nous savons qu’il y en a d’autres !
Attardons-nous sur le champ dans lequel sont semés le sperme et la zizanie. Que peut-il désigner ?

* Le champ, c’est le monde
Image-11 sperme
Voilà la première interprétation proposée par Matthieu. Et c’est vrai que le monde n’est ni blanc ni noir, ni bon ni mauvais totalement. Les utopies politiques qui ont rêvé d’éradiquer le mal du monde pour faire le bonheur des peuples (malgré eux !) se sont révélées catastrophiques et inhumaines. Les socialismes révolutionnaires ont conduit à des dictatures sanglantes, sous prétexte d’imposer à tous la bonne direction de l’Histoire. Cette naïveté vaguement rousseauiste a le sang de millions de morts sur les mains. Montaigne écrivait déjà : « là où il y a l’homme, il y a de l’hommerie ». Et Blaise Pascal insistait : « qui veut faire l’ange fait la bête ». Croire qu’on peut éradiquer le mal ici-bas est une illusion dangereuse et meurtrière.
À l’inverse, ne rien faire en laissant l’ivraie proliférer n’est pas conseillé ! Le semeur de la parabole fait son travail en semant au mieux, le plus serré possible. Ainsi l’ennemi aura moins de latitude pour répandre son venin.

La droite politique française croit que le marché est autorégulateur, elle ne veut pas combattre le mal au nom du respect des supposées ‘lois’ de l’économie. La gauche quant à elle croit que la morale prime sur tout, et que l’indignation suffit à instaurer le royaume de Dieu sur la terre. En réalité, la gauche croit pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie dès aujourd’hui, alors que la droite se résigne et compose avec. En d’autres termes, la gauche ne croit pas au péché originel (on pourrait éradiquer le mal) alors que la droite ne croit pas en la rédemption (il n’y aurait rien à faire contre le mal). On devine ce que le courant de la démocratie chrétienne pourrait puiser comme inspiration politique dans notre parabole pour se tenir à distance de ces deux excès…

 

* Le champ, c’est l’Église
 zizanie
Il se peut que Jésus ait pensé avec notre parabole aux Esséniens, aux Pharisiens, aux Samaritains, aux Sadducéens et autres groupes sectaires qui pullulaient en Israël. Matthieu l’a ensuite appliquée aux lapsi pendant les persécutions : à ceux qui voulaient les exclure une fois pour toutes, même s’ils se repentaient, Matthieu répond que Dieu seul est juge pour trier les bons et les mauvais chrétiens, et que cela n’appartient à personne, pas même à l’Église. ‘Soyez patients et espérez la conversion du pécheur sans vouloir l’exclure définitivement de la communauté’, semble-t-il dire avec cette parabole aux purs et durs qui maniaient l’excommunication un peu trop facilement.
Par la suite, les innombrables hérésies des six premiers siècles au moins ont sans cesse fait resurgir ce dilemme face aux déviants : l’exclusion ou le pardon ? la sanction ou la patience ? l’idéal d’une pureté rêvée ou l’humble acceptation du réel mélangé ?

À l’heure où notre Église est déstabilisée par tant de scandales, d’abus et de procès en tous genres, la tentation refait surface : donnons un grand coup de balai pour repartir à zéro ! Éradiquons tous ceux et celles qui sont compromis, et nous redeviendrons la sainte Église…

Quelle illusion, quel orgueil de vouloir ainsi tout maîtriser ! Et où est passée la miséricorde que Jésus a offerte au criminel à sa droite ? Ou la patience qui nous demande d’attendre le jugement dernier avant la moisson finale ?
Nous ne sommes pas les cathares (‘parfaits’) du XXI° siècle, et notre Église est ce champ mélangé où la croissance est plus importante que l’arrachage. Le Catéchisme de l’Église catholique l’avoue humblement en s’appuyant notamment sur notre parabole du bon grain et de l’ivraie :

« Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n’a pas connu le péché, l’Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement  » (LG 8 cf. UR 3;6). Tous les membres de l’Église, ses ministres y compris, doivent se reconnaître pécheurs (cf. 1Jn 1,8-10). En tous, l’ivraie du péché se trouve encore mêlée au bon grain de l’Évangile jusqu’à la fin des temps (cf. Mt 13,24-30). L’Église rassemble donc des pécheurs saisis par le salut du Christ mais toujours en voie de sanctification (n° 827) ».

 

* Le champ, c’est le royaume des cieux
Le début de notre évangile nous met sur la piste : « le royaume des cieux est comparable à … ». Ce dont parle Jésus est une réalité eschatologique, qui appartient à l’accomplissement de l’histoire (nous ne savons ni quand ni comment). Ce n’est que dans le royaume, « à la fin », que la séparation du bon grain et de l’ivraie aura lieu. D’ici là, impossible de trancher à la place de Dieu.

Une raison de plus d’être contre la peine de mort : Dieu seul est le juge ultime ! Aucune institution ecclésiale ni judiciaire ne peut prétendre incarner cette réalité ultime qu’est la séparation entre le blé et l’ivraie.

De quoi relativiser toute absolutisation de la loi, de la morale, de l’identité communautaire etc…

 

* Le champ, c’est moi
Soyons lucides sur nous-même : « Je ne fais pas le bien que je voudrais, mais je commets le mal que je ne voudrais pas » (Rm 7,19). Il y a en chacun de nous des contradictions internes, indépassables, jusqu’à notre mort. Cette inclination au mal ne vient pas seulement de l’éducation, ou de la société, ou de notre histoire personnelle. Elle est inscrite en nous dès notre naissance « comme une écharde dans notre chair » (2Co 12,7), comme pour nous rappeler à l’humilité, à nous aimer nous-même avec miséricorde.

Chacun a sa part d’ombre. Chacun ses zizanies.
Dieu ne nous promet pas de nous l’enlever, mais de faire grandir en nous la moisson à tel point que la présence de l’ivraie y sera anecdotique.

Pourquoi m’étonner du mal en moi ? Pourquoi m’y résigner ?
Le Christ nous invite à combattre par le bien, le parasite par la surabondance, l’écharde par la marche en avant.

 

* Le champ, c’est l’autre
Du coup, comment ne pas accorder à autrui la même complexité intérieure que celle que je découvre en moi ? Ceux qui sont durs envers les autres le sont d’abord envers eux-mêmes. L’autre est mélangé, comme moi : comment lui en vouloir ? Vouloir le changer – ou l’éliminer – par la force, c’est se condamner soi-même. D’où la stratégie spirituelle de Jésus : « Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient » (Lc 6,28), que Paul reprendra fidèlement :
« Bénissez ceux qui vous persécutent ; souhaitez-leur du bien, et non pas du mal. (…) Ne rendez à personne le mal pour le mal, appliquez-vous à bien agir aux yeux de tous les hommes. (…) Bien-aimés, ne vous faites pas justice vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu. Car l’Écriture dit : C’est à moi de faire justice, c’est moi qui rendrai à chacun ce qui lui revient, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire : en agissant ainsi, tu entasseras sur sa tête des charbons ardents. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12,14-21).

Trier les uns et les autres, les bons et les mauvais, trancher, classer, ranger, étiqueter, évaluer, départager, condamner, c’est cela juger : prononcer une parole dernière et définitive sur quelqu’un. C’est un désir spontané, quasiment naturel, mais qui est aussi enseigné aux humains que nous sommes, dès l’enfance. C’est toute une façon de regarder, de penser, d’agir, qui trouve hélas tant de défenseurs !

Mieux vaut parier sur le désir-du-bien caché en l’autre que de vouloir éliminer le mal en lui…

 

Que ce soit dans le monde, dans l’Église, dans le Royaume des cieux, en moi ou en l’autre, parions donc sur la croissance du bien plutôt que de vouloir éradiquer le mal !

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Après la faute tu accordes la conversion » (Sg 12, 13.16-19)

Lecture du livre de la Sagesse
Il n’y a pas d’autre dieu que toi, qui prenne soin de toute chose : tu montres ainsi que tes jugements ne sont pas injustes. Ta force est à l’origine de ta justice, et ta domination sur toute chose te permet d’épargner toute chose. Tu montres ta force si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance, et ceux qui la bravent sciemment, tu les réprimes. Mais toi qui disposes de la force, tu juges avec indulgence, tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. Par ton exemple tu as enseigné à ton peuple que le juste doit être humain ; à tes fils tu as donné une belle espérance : après la faute tu accordes la conversion.

PSAUME
(Ps 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab)
R/ Toi qui es bon et qui pardonnes, écoute ma prière, Seigneur. (cf. Ps 85, 5a.6a)

Toi qui es bon et qui pardonnes,
plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent,
écoute ma prière, Seigneur,
entends ma voix qui te supplie.

Toutes les nations, que tu as faites,
viendront se prosterner devant toi,
car tu es grand et tu fais des merveilles,
toi, Dieu, le seul.

Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié,
lent à la colère, plein d’amour et de vérité !
Regarde vers moi,
prends pitié de moi.

DEUXIÈME LECTURE
« L’Esprit lui-même intercède par des gémissements inexprimables » (Rm 8, 26-27)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. Et Dieu, qui scrute les cœurs, connaît les intentions de l’Esprit puisque c’est selon Dieu que l’Esprit intercède pour les fidèles.

ÉVANGILE
« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson » (Mt 13, 24-43)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus proposa cette parabole à la foule : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla. Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi. Les serviteurs du maître vinrent lui dire : ‘Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?’ Il leur dit : ‘C’est un ennemi qui a fait cela.’ Les serviteurs lui disent : ‘Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?’ Il répond : ‘Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps. Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.’ »

Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. » Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »

Et cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole, accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde. Alors, laissant les foules, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. » Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ; le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges. De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde. Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ; ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.
Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »
Patrick BRAUD

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2 juillet 2023

La guerre, pile et face

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La guerre, pile et face

Homélie pour le 14° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
09/07/2023

Cf. également :
La sécession des élites selon Jésus
Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?
C’est dans la fournaise qu’on voit l’humble
En joug, et à deux !
Épiphanie : que peuvent les religions en temps de guerre ?
Petite théologie de la guerre
Justice et Paix s’embrassent

Un patriarche ne devrait pas dire ça
La guerre, pile et face dans Communauté spirituelle 578231-patriarche-kirill-vladimir-poutine-fevrier
Le 25 septembre 2022 Kirill – le patriarche orthodoxe de Moscou – institue une invocation liturgique de son invention : « Voici que la bataille est engagée contre la Sainte Rus’ pour diviser son peuple indivis. Lève-toi, ô Dieu de la force, afin de le secourir et accorde-nous la victoire par ta puissance » Il ajoute solennellement cette supplique belliciste, qu’il rend obligatoire dans la liturgie.
Ioann Koval est ukrainien de nationalité, originaire de Louhansk, dans le Donbass, venu à Moscou étudier la théologie où il a épousé une Russe enseignante en littérature. Il est ordonné en 2004 et consacre son ministère aux patients des hôpitaux psychiatriques. Nommé second curé de Saint André, le voilà cependant qui, pendant la liturgie, substitue publiquement au mot « victoire » le mot « paix » : ‘accorde-nous la paix par ta puissance’
Dénoncé, il est renvoyé de l’état clérical le 11 mai 2023 par un tribunal ecclésiastique qui invoque sa « désobéissance » : selon le docile archiprêtre Vladislav Tsypine, vice-président du tribunal, le délinquant récidiviste « a violé son serment d’obéissance inconditionnelle à la hiérarchie de l’Église en émettant une opinion politique incompatible avec le sacerdoce ».

Comment Kirill et ses sbires vont-ils pouvoir écouter la première lecture de ce dimanche (Za 9,-10) sans broncher ? En entendant le prophète Zacharie annoncer un roi pauvre et pacifique, ils devraient être fort mal à l’aise :
« Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations ».
Ils devraient d’ailleurs arracher de la Bible toutes les pages décrivant le royaume de Dieu comme royaume de justice et de paix, et notamment les Béatitudes célébrant les artisans de paix, et Isaïe espérant un Messie instaurant la paix universelle : « Il sera juge entre les nations et l’arbitre de peuples nombreux. De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2,4).

Une guerre d’agression comme celle de la Russie contre l’Ukraine est évidemment en pleine contradiction avec le message biblique. Pour d’autres guerres, on pourrait hésiter : était-il légitime de déclarer la guerre à Hitler comme l’ont fait les Alliés occidentaux ? ou de signer avec lui un traité de paix comme le pacte germano-soviétique ? Était-il légitime d’envoyer des troupes en Iran, Irak, Afghanistan, au Mali etc. ? Comment se fait-il que l’Europe supposée de tradition chrétienne ait engendré des guerres incessantes depuis 15 siècles au moins, dont les deux plus sanglantes au siècle dernier ? Pourquoi des théologiens comme Augustin ou Thomas d’Aquin ont-ils développé le concept de guerre juste, comme s’il fallait couvrir les exactions des rois très chrétiens mettant le continent à feu et à sang ?
Tentons d’examiner froidement, rationnellement, le pour et le contre : les guerres sont-elles nécessaires, évitables, utiles ou stériles ?

 

Le côté pile de la guerre
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les arguments en faveur de la guerre ne manquent pas.
- Progrès technologique et scientifique
La guerre a souvent stimulé le progrès technologique et scientifique. Les conflits armés ont conduit à des avancées spectaculaires dans les domaines de la médecine (soins d’urgence, chirurgie, prothèses, appareillages etc.), de l’aéronautique, de la communication (Internet par exemple est une création militaire [1]) et bien d’autres domaines technologiques. Les technologies du nucléaire, du spatial doivent aux V2 et à la bombe H leur formidable essor civil…

- Cohésion sociale et identité nationale
Certains soutiennent que la guerre peut renforcer la cohésion sociale et l’identité nationale. L’unité et la solidarité entre les citoyens peuvent être renforcées en temps de conflit, créant ainsi un sentiment d’appartenance commun et de mobilisation collective. Dans les tranchées de 14-18 par exemple, « les deux Frances » – la calotte et la laïque – se sont réconciliés en devenant frères d’armes dans la boue et les éclats d’obus des tranchées. Le statut des femmes qui avaient remplacé dans les fermes et les usines les hommes partis à la guerre s’en est trouvé changé irréversiblement.
De même, il est clair que l’Ukraine se perçoit aujourd’hui comme une nation alors qu’avant 2014 ce sentiment national était encore minoritaire, chaque ville ou province jouant sa partie de son côté.

Le plan Marshall de 1947 ou comment reconstruire l’Europe- Redressement économique
Après une guerre, certains pays ont connu des périodes de redressement économique. La reconstruction et les investissements dans l’industrie de défense peuvent stimuler l’emploi, la croissance économique et l’innovation technologique. Le plan Marshall est l’exemple d’une politique économique keynésienne réussie, qui a transformé l’après-guerre allemand en une formidable opportunité d’investissements, d’équipements, d’infrastructures etc. La richesse allemande actuelle doit beaucoup paradoxalement aux ruines de 39-45 accueillant les dollars US…

- Avancées politiques et sociales
Dans certains cas, la guerre a été associée à des avancées politiques et sociales. Par exemple, des mouvements pour les droits civils et l’égalité ont émergé à la suite de guerres, conduisant à des réformes et des changements sociaux significatifs.

- Protection des droits et de la liberté
Lorsque la guerre est engagée pour protéger les droits et la liberté d’un peuple opprimé, ce qui est alors une guerre défensive, elle semble largement justifiée lorsque les autres moyens pour rétablir ces droits ont échoué. Dans certaines situations, la guerre est le seul   moyen de résister à l’injustice et de garantir des valeurs fondamentales. La guerre d’indépendance entre les futurs États-Unis et l’Angleterre est de celles-là. La guerre contre les nazis et leurs alliés également.

- La santé morale des peuples
Le dernier argument peut paraître choquant. C’est Friedrich Hegel qui le développe ainsi :
« La santé morale des peuples est maintenue dans son indifférence en face de la fixation des spécifications finies, de même que les vents protègent la mer contre la paresse où la plongerait une tranquillité durable, comme une paix durable ou éternelle y plongerait les peuples » (Principes de la Philosophie du droit. § 324).
Hegel utilise l’image des vents qui protègent la mer contre la stagnation de ses eaux. Métaphore saisissante. Une paix durable et éternelle serait vectrice de mort éthique, de putréfaction, de pétrification de la vie éthique comme l’absence de vent engendrerait le pourrissement des eaux maritimes. On ne peut critiquer plus sévèrement le projet kantien d’une paix perpétuelle ! Rien n’est moins souhaitable pour Hegel que ce « doux rêve » s’il s’accomplit sur la lâcheté et la complicité morale avec l’injuste.
Et c’est vrai que le danger pour des nations en paix est de s’endormir sur leurs valeurs, de se laisser aller dans un confort matériel et une tranquillité où se dilue leur raison d’être. Ce que Soljenitsyne appelait « le déclin du courage » en Occident. Ou ce que les historiens appellent la décadence de l’Empire romain, lorsque leurs légions n’étaient plus composées que de mercenaires se battant au loin (des ancêtres de la milice Wagner en quelque sorte !) pendant que le peuple de Rome se vautrait dans le luxe et l’oisiveté.
Il ne faudrait pas pour autant faire d’Hegel le philosophe belliqueux de l’Europe ! Car il fait plus un constat qu’une préconisation : à l’heure actuelle, il y encore des conflits armés, et au moins on peut essayer de les faire servir au progrès moral des peuples. Mais on devrait pouvoir trouver d’autres façons de résoudre ces conflits, d’autres moyens de préserver la santé morale des peuples. En instituant un débat rationnel, en forgeant une conscience universelle, une capacité à surmonter dialectiquement les oppositions, le recours à la guerre selon Hegel pourrait être dépassé grâce au mouvement de la Raison qui préserve de l’immobilisme décadent, grâce au déploiement de l’Esprit dans l’histoire, grâce aux négociations garanties par un ordre politique mondial.

Préférer mourir plutôt que de sacrifier sa liberté, risquer sa vie pour garantir le droit et la justice est le signe d’une conscience morale plus humaine que le consentement à l’ordre injuste pour avoir une fausse paix.

Cinq ans de conflit en Syrie | Statista

 

Le côté face de la guerre
Malheureusement, il s’impose à nous. Prenez par exemple le bilan chiffré de la guerre en Syrie, qu’on avait un peu oubliée depuis l’invasion russe en Ukraine : 5 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins, 300 000 morts au moins, des blessés à proportion, un pays en ruines…

Les effets négatifs des guerres ne sont hélas que trop évidents :

- Pertes humaines
La guerre entraîne la mort de soldats et de civils, causant des souffrances et des traumatismes émotionnels considérables. Les pertes humaines sont une tragédie incontestable et constituent l’un des aspects les plus néfastes de la guerre.

https://histoire-image.org/sites/default/files/2021-11/dau6_bousu_001f.jpg- Destruction physique
Les conflits armés entraînent la destruction de villes, d’infrastructures, de monuments historiques et de biens matériels, ce qui a un impact dévast
ateur sur les sociétés et les économies touchées. La reconstruction peut prendre des années, voire des décennies.

- Déplacement et réfugiés
Les guerres provoquent des déplacements massifs de population et la création de réfugiés. Les individus et les familles sont forcés de fuir leur foyer, souvent dans des conditions précaires, ce qui entraîne une crise humanitaire et des problèmes socio-économiques.

- Impact sur l’environnement
Les activités liées à la guerre, telles que l’utilisation d’armes chimiques, les bombardements et la pollution générée par les conflits, ont un impact dévastateur sur l’environnement. La biodiversité est menacée, les terres agricoles sont dévastées et les écosystèmes sont perturbés. Le risque nucléaire est terrifiant.

- Cicatrices sociales et divisions
La guerre peut laisser des cicatrices profondes et durables au sein des sociétés, créant des divisions ethniques, religieuses ou politiques. Les traumatismes collectifs peuvent persister pendant des générations, alimentant les tensions et les conflits futurs. La haine qui s’établit entre l’Ukraine et la Russie par exemple marquera longtemps les relations entre ces pays et leurs familles. Il faudra des décennies pour guérir tant de blessures…
citation-guerre-paul-valery gospel dans Communauté spirituelle
- Coût économique
Les guerres ont un coût financier énorme, affectant les budgets nationaux, les infrastructures et les services sociaux. Les ressources qui pourraient être utilisées pour des besoins essentiels tels que l’éducation, les soins de santé, la transition écologique et l’éradication de la pauvreté sont détournées vers l’effort de guerre.

- Instabilité régionale et mondiale
Les conflits armés peuvent déstabiliser des régions entières et avoir des répercussions géopolitiques à l’échelle mondiale. Ils peuvent engendrer des rivalités, des tensions et des réactions en chaîne qui menacent la paix et la sécurité internationale. Il suffit de lister les pays en guerre aujourd’hui pour mesurer le malheur des peuples exposés à ces conflits : Syrie, Ukraine, Arménie, Iran, Yémen, Soudan, Éthiopie, République Démocratique du Congo, pays du Sahel, Haïti, Pakistan…

 

L’engagement chrétien pour la paix
La Vie Catholique Illustrée N° 1053 - Du 13 Au 19 Octobre 1965.   de Paul VI (6) : Plus jamais la guerre! / Ce que le Père Avril a vu en Chine (4 pages) / L'éléphant, ce colosse sentimental (3 p.) / Cinéma : Marie-Chantal (Marie Laforêt) contre le docteur Kah (1 page).  Format Broché
Le cri lancé par Paul VI, la gorge nouée, dans l’enceinte de l’ONU le 4 octobre 1965 à l’occasion de son 20° anniversaire résonne encore dans nos mémoires :
« Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais !
N’est-ce pas surtout dans ce but qu’est née l’Organisation des Nations unies : contre la guerre et pour la paix ? (…) Il n’est pas besoin de longs discours pour proclamer la finalité suprême de votre institution. Il suffit de rappeler que le sang de millions d’hommes, que des souffrances inouïes et innombrables, que d’inutiles massacres et d’épouvantables ruines sanctionnent le pacte qui vous unit en un serment qui doit changer l’histoire ­future du monde : jamais plus la guerre, jamais plus la guerre ! C’est la paix, la paix, qui doit guider le destin des peuples et de toute l’humanité ! »

De la trêve de Dieu au Moyen Âge à la diplomatie vaticane et ses médiations de conciliation dans les conflits modernes, l’Église catholique n’a jamais cessé d’espérer voir s’accomplir la prophétie de Zacharie et Isaïe : briser l’arc de guerre, surmonter les oppositions par la négociation, établir la justice qui garantira la paix. Sans ce combat pour la paix, la foi chrétienne serait réduite à une spiritualité intimiste et individualiste. Or l’Évangile a par nature cette composante sociale et politique qui nous oblige à œuvrer pour la paix.

On le sait peu, mais la référence française la plus fondatrice pour un projet de paix perpétuelle ne vient pas de Rousseau ni d’autres Lumières, mais d’un prêtre français, l’abbé Castel de Saint-Pierre qui a écrit en 1713 un livre fondateur : « Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe ». Cet ouvrage sera la référence de tous les textes ultérieurs, même de ceux qui le critiquent. On y trouve déjà l’idée de confédérer les nations sous une seule autorité, afin de circonscrire une sphère pacifiée où le Droit international primerait sur les intérêts particuliers, où la guerre serait interdite. Emmanuel Kant systématisera cette solution politique à la guerre avec son fameux traité de 1795 : « Vers la paix perpétuelle : un projet philosophique ». Il y plaide pour l’établissement d’un Droit international garanti  par une fédération politique mondiale où les conflits se régleront par des moyens pacifiques. Il plaide également pour une éducation des citoyens « favorisant une culture de paix et de respect mutuel ».
On voit ce que la Société des Nations puis l’ONU doivent à ces penseurs du XVIII° siècle, lassés de voir l’Europe s’entre-déchirer par des guerres fratricides.

L’engagement de chaque chrétien pour la paix devrait être en consonance avec celui de l’Église catholique actuellement. : offrir des médiations, rappeler le droit et la justice, éduquer au pardon, pratiquer l’amour des ennemis, dénoncer toute instrumentalisation du Nom de Dieu dans les conflits actuels (cf. Que peuvent les religions en temps de guerre ?).

Puissions-nous chacun et ensemble réaliser ce que « briser l’arc de guerre » signifie, et nous y engager de toutes nos forces !
Alors nous pourrons chanter le vieux negro spiritual immortalisé par Louis Armstrong : Down by the riverside.
I’m gonna lay down my sword and shield
Down by the riverside
And I ain’t gonna study war no more”:
Je vais déposer mon épée et mon bouclier au bord du fleuve (de mon baptême),
et je n’apprendrai jamais plus la guerre…

 


[1]. Dans les années 1960, le département de la Défense des États-Unis a lancé un projet de recherche appelé ARPANET (Advanced Research Projects Agency Network) dans le but de créer un réseau de communication robuste et résilient qui pourrait survivre à une attaque nucléaire. Ce projet a été réalisé par des chercheurs et des universités en collaboration avec des entreprises du secteur privé. ARPANET a introduit des concepts fondamentaux tels que la commutation de paquets et le protocole TCP/IP (Transmission Control Protocol/Internet Protocol), qui sont encore utilisés aujourd’hui dans le fonctionnement d’Internet. Au fil du temps, ARPANET a évolué pour devenir l’Internet que nous connaissons aujourd’hui.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Voici ton roi qui vient à toi : il est pauvre » (Za 9, 9-10)

Lecture du livre du prophète Zacharie
Ainsi parle le Seigneur : « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici ton roi qui vient à toi : il est juste et victorieux, pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre, et de Jérusalem les chevaux de combat ; il brisera l’arc de guerre, et il proclamera la paix aux nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, et de l’Euphrate à l’autre bout du pays. »

PSAUME
(Ps 144 (145), 1-2, 8-9, 10-11, 13cd-14)
R/ Mon Dieu, mon Roi, je bénirai ton nom toujours et à jamais ! ou : Alléluia ! (Ps 144, 1)

Je t’exalterai, mon Dieu, mon Roi ;
je bénirai ton nom toujours et à jamais !
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d’amour.
La bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Que tes œuvres, Seigneur, te rendent grâce
et que tes fidèles te bénissent !
Ils diront la gloire de ton règne,
ils parleront de tes exploits.

Le Seigneur est vrai en tout ce qu’il dit,
fidèle en tout ce qu’il fait.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent,
il redresse tous les accablés.

DEUXIÈME LECTURE
« Si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » (Rm 8, 9.11-13)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais elle n’est pas envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si, par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez.

ÉVANGILE
« Je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 25-30)
Alléluia. Alléluia. Tu es béni, Père, Seigneur du ciel et de la terre, tu as révélé aux tout-petits les mystères du Royaume ! Alléluia. (cf. Mt 11, 25)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler.
Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Patrick BRAUD

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25 juin 2023

Je vis tranquille au milieu des miens

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Je vis tranquille au milieu des miens

Homélie pour le 13° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
02/07/2023

Cf. également :
Construisons donc une chambre haute pour notre Élisée intérieur
Dieu est le plus court chemin d’un homme à un autre
Le jeu du qui-perd-gagne
Honore ton père et ta mère
Aimer nos familles « à partir de la fin »
Prendre sa croix
Chandeleur : les relevailles de Marie
Zachée : le juste, l’incisé et la figue
Comme une épée à deux tranchants

Salutations africaines
Si vous allez au Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, surtout dans des villages de brousse, observez deux Mossis (l’ethnie majoritaire du centre) qui se saluent sur la route. Vous entendrez une très longue litanie de salutations très codifiées échangées de part et d’autre :
Je vis tranquille au milieu des miens dans Communauté spirituelle Image5– Kiemame ? (comment allez-vous ?)
- Laafi bala (la paix seulement)
– La zakramba, kiemame ? (et la famille, comment ça va ?)
- Laafi bala (la paix seulement)
– La villagedamba, kiemame ? (et les gens du village ?)
- Laafi bala (la paix seulement) … etc.
À chaque demande pour savoir si les proches de l’interlocuteur vont bien, l’autre répond : laafi bala, la paix seulement. Et réciproquement ! Ces salutations durent donc de longues minutes, sans regarder l’autre dans les yeux pour ne pas le gêner ni être agressif. Évidemment, les Blancs (« nassaara ») habitués à un furtif « ça va ? » dont ils n’attendent même pas la réponse pour passer à autre chose sont désemparés devant ce rituel d’apprivoisement réciproque qui demande du temps, de la présence à l’autre, de la délicatesse. Le leitmotiv « laafi bala » qui rythme cette coutume et tout le parler mossi traduit la valeur prépondérante accordée à la paix, l’harmonie, la cohésion sociale dans cette culture. L’idéal du Mossi est de vivre en paix au milieu des siens. Même s’il est malade ou si ses greniers sont vides, il commencera toujours par répondre : « laafi bala »…
Cet objectif de vie très simple est visiblement partagé par la Sunamite de notre première lecture (2 R 4,8-16). Voyons comment.

 

1. La Sunamite qui veut le rester
En la remerciant pour son hospitalité digne du meilleur AirBnb (et en plus c’est gratuit !), Élisée voudrait l’introduire auprès des hautes sphères du royaume :
sunamite-m Elisée dans Communauté spirituelle« Que peut-on faire pour toi ? Faut-il parler pour toi au roi ou au chef de l’armée ? » (2R 4,13). Ce qui reviendrait à l’extraire de son humble condition sociale pour la propulser dans la haute société princière. La réponse de la Sunamite est d’une simplicité profonde : « je vis (demeure יָשַׁבya.shav / οκω oikeō) tranquille au milieu des miens ». Le verbe employé  évoque l’atmosphère familière de la maisonnée (oikeō), et surtout le fait de demeurer (ya.shav) avec les siens. On y entend déjà en filigrane l’annonce du Prologue de Jean : « il est venu demeurer chez les siens ». D’ailleurs Élisée va demeurer chez elle à chacune de ses escales, ce qui transformera toute la maisonnée.

La Sunamite préfère rester au milieu de son village, de son peuple, plutôt que d’aller à la cour du roi. Elle ne rêve pas d’être ailleurs que là où elle est. C’est sans doute cela, la présence : habiter le présent avec ceux qui sont là, sans se projeter ailleurs, ni avant, ni après. Saint François de Sales traduira cette sagesse en une belle maxime : « Fleuris là où Dieu t’a semé ». Nous passons notre temps à vouloir être ailleurs, être quelqu’un d’autre, être à une autre époque, et du coup nous ne sommes plus vraiment là.
Comme quoi savoir demeurer quelque part est tout un art !

Elle veut vivre tranquillement au milieu des siens.
Un peu plus loin, on la voit réagir à l’insolation qui a frappé ce fils inattendu et qu’on croit mort. À son mari inquiet qui lui demande ce qui se passe, elle répond tranquillement : « tout va bien » (שָׁלוֹם shalom) 2R 4,23, alors que le danger est grand. On retrouve le mot shalom cher aux Mossis du Burkina (sous la forme laafi) : la paix. Être en paix, même en plein danger, vivre en paix, faire la paix avec soi-même et les autres, pacifier le tumulte intérieur des passions désordonnées pour se caler en son centre de gravité spirituelle, aligné sur ses valeurs, tenant résolument le cap choisi.

Il faut pouvoir le prononcer ce « tout va bien » quand tout va mal à l’intérieur, quand la déception est à son comble, quand la douleur de l’absence d’un enfant est ravivée, quand tout le rêve en un instant devient cauchemar… Mais par contraste, la voilà la belle aventure de la foi : faire confiance en l’avenir envers et contre tout, espérer contre toute espérance. En dignes enfants d’Abraham : « Espérant contre toute espérance, il a cru ; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras ! » (Rm 4,18).

Être ainsi ancré dans un lieu, un peuple, dans les valeurs qui me constituent revient à être ancré en Dieu même. Comme le disait le psalmiste : « je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère » (Ps 131,2).
Pourtant, la Sunamite aurait eu des raisons de vouloir autre chose ! Elle et son mari ne roulent pas sur l’or. Ils doivent travailler encore malgré leur âge. Et surtout cette femme ne peut avoir d’enfant. Cela ne trouble pas sa tranquillité spirituelle. Elle a cette force intérieure qui lui permet d’accueillir ce qui est pour en tirer le meilleur. Comme dira Paul : « j’ai appris à me contenter de ce que j’ai. Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4,11-13)

Et vous : où souhaitez-vous demeurer parmi les vôtres ? Où en est votre tranquillité de  cœur ?

 

2. Éloge du désintéressement
Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?
L’hospitalité accordée à Élisée aurait pu être intéressée. Pensez donc : si c’est un prophète, peut-être fera-t-il quelque chose pour moi ? Or l’aménagement de la chambre haute pour Élisée n’est accompagné d’aucune demande, ni explicite ni implicite. À tel point qu’Élisée ne connaît même pas la souffrance de celle qui l’accueille (ne pas avoir d’enfant). Sans calcul, sans autre motif que la valeur de ce prophète et la valeur de l’hospitalité comme règle de conduite, cette femme se retire avec discrétion en laissant Élisée se reposer, sans l’importuner avec ses soucis. Elle se fait simplement une joie d’accueillir cet homme de Dieu, sans arrière-pensée, gratuitement, pour rien.

Et vous : c’était quand, la dernière fois où vous avez agi ‘pour rien’ ?

 

3. Et par-dessus le marché : la fécondité
Femmes de la bible la Sunamite Elisée
La Sunamite, par pudeur et par discrétion, mais aussi pour ne pas peser sur l’homme de Dieu, ne lui avait rien dit de sa stérilité. C’est une souffrance majeure à cette époque, plus encore qu’aujourd’hui, sur le plan social en tout cas. Une femme sans enfant était déconsidérée, voire moquée et méprisée, discriminée. Anne par exemple passait des heures à pleurer devant YHWH, écrasée par la honte de ne pouvoir être mère : « Seigneur de l’univers ! Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils… » (1S 1,11). Et Rachel suppliait Jacob : « Voyant qu’elle n’avait pas donné d’enfant à Jacob, Rachel devint jalouse de sa sœur. Elle dit à Jacob : ‘Donne-moi des fils, sinon je vais mourir !’ » (Gn 30,1). Lorsqu’elle met Joseph au monde, elle s’écrie : « Dieu a enlevé ma honte » (Gn 30,23). Car c’était une terrible humiliation, une honte socialement lourde à porter que de ne pas avoir d’enfant.
Malgré cette blessure intime si profonde, la Sunamite ne s’est pas laissée aigrir ni rabougrir par le drame de sa stérilité (ou de celle de son mari ?). Elle a su donner un autre sens à sa vie que les enfants.

Les innombrables célibataires – par choix par force – de nos sociétés modernes pourraient trouver en elle une belle figure d’épanouissement personnel, en passant d’un célibat subi à un célibat choisi. En se tournant vers les autres, en rendant service autant qu’elle le peut, tranquillement au milieu des siens, cette femme sans enfant est devenue une référence à Sunam. Une de ces justes ordinaires sans lesquels le monde ne tiendrait pas. Elle est populaire chez les siens, parce qu’elle trouve son plaisir à faire le bien, non pour une éventuelle récompense mais parce que cela est bien, tout simplement. Elle se désigne elle-même comme servante (2R 4,16), diaconesse avant l’heure (comme le sera la belle-mère de Pierre une fois guérie : « elle les servait » Mc 1,31). Sa joie de servir a sublimé sa douleur de ne pas avoir d’enfant. Elle ne s’attarde pas sur sa souffrance, et fait de sa disponibilité familiale un moteur pour aller vers les autres, pour les accueillir chez elle.

Alors, nous dit le texte, la conséquence de ce détachement intérieur est paradoxalement de retrouver la fécondité perdue : « l’année prochaine, tu tiendras un fils dans tes bras » (2R 4,16). C’est tellement fou qu’elle-même n’y croit pas : ne te moque pas de moi, dit-elle à Élisée. Comme Sarah riait incrédule devant l’improbable annonce des trois visiteurs lui promettant une grossesse impossible, la Sunamite ne veut pas souffrir à nouveau en vain en espérant une grossesse qu’elle a sagement effacée de son horizon. Redisons-le : son équilibre de vie, sa tranquillité au milieu des siens, son sens du service faisait qu’elle ne demandait rien à Élisée. Son accueil est vraiment totalement désintéressé !

Aussi l’annonce finale de la naissance ne sonne pas comme une « récompense » au sens classique du terme, mais bien plutôt comme une conséquence logique de son ouverture au passage de Dieu dans sa vie. Autrement dit : la naissance ne sera pas une médaille comme en recherchent les grands de ce monde. Ce sera un cadeau, un excès de bonté divine, un plus, « par-dessus le marché » comme disait Jésus : « cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par-dessus le marché » (M 6,33). Dans l’Évangile de ce dimanche (Mt 10, 37-42), Matthieu emploie trois fois le terme récompense (μισθς = misthos) pour saluer les conséquences de l’accueil d’un prophète, d’un juste, d’un disciple. En bon juif converti à Jésus, Matthieu est légèrement obsédé par la problématique de la Loi juive et de son accomplissement. Il emploie 10 fois (comme les 10 commandements) le mot récompense dans son Évangile [1], justement afin de montrer l’accomplissement de la Loi dans la foi chrétienne. Il se débat avec la doctrine pharisienne de la rétribution, qui voudrait n’accorder à l’homme que ce qu’il mériterait en retour de ses actes. On traduit : récompense, mais également salaire, au sens de ce qui est dû pour le travail accompli, ce qui est normal de recevoir une fois la journée effectuée. Ce n’est donc que justice. Et c’est dans l’ordre des choses – telles que YHWH les a faites – que l’accueil désintéressé transforme celui qui accueille à l’image de celui qu’il accueille, comme l’orant est transformé à l’image de l’icône qu’il contemple.

Cette récompense n’est pas le moteur de notre empressement à accueillir. Ce n’est pas une rétribution, un mérite.
Nous ne pratiquons pas l’hospitalité pour ‘gagner le paradis’. Nous le faisons pour rien, par pur amour aurait dit Madame Guyon (cf. Le pur amour : pour qui êtes-vous prêts à aller en enfer ?).
Nous ne sommes pas ‘intéressés’ par la vie éternelle : c’est elle qui s’offre à nous, par-dessus le marché.

Et vous, quelle fécondité pouvez-vous accepter de recevoir, ‘par-dessus le marché’ ?

 

4. Déceler le besoin de l’autre
Elisée et la Sunamite
Terminons en essayant d’être moins balourd qu’Élisée ! Il n’avait rien vu de la situation de la Sunamite. C’est son serviteur Guéhazi qui lui révèle : « elle n’a pas de fils ». Élisée est tout surpris, et confus, de se rendre compte qu’il est passé à côté de la souffrance de son hôte. C’est encore le cas quand il la revoit plus tard sans deviner la maladie mortelle qui a couché son fils (« son âme est dans l’amertume. Le Seigneur me l’a caché, il ne m’a rien annoncé » 2R 4,27). C’est encore le cas quand il pense à tort que son seul bâton sera suffisant, sans lui, pour guérir l’enfant apparemment mort (2R 4,29–32).
Heureusement qu’il y a le brave Guéhazi pour lui souffler à chaque fois la solution… Tout  prophète qu’il est, Élisée ne fait pas assez attention aux petites gens qu’il croise, même ceux qui lui font du bien.
Il nous faut donc nous appuyer sur d’autres yeux que les nôtres, d’autres sensibilités, d’autres proximités sociales et spirituelles pour déceler le besoin de l’autre.

Et vous : sur qui pouvez-vous vous appuyer pour déchiffrer les réels besoins des gens qui vous entourent, au travail, en famille, en Église ?

 


[1]. Mt 5,12.46 ; 6,1.2.5.16 ; 10,41.42 ; 20,8

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Celui qui s’arrête chez nous est un saint homme de Dieu » (2 R 4, 8-11.14-16a)

Lecture du deuxième livre des Rois
Un jour, le prophète Élisée passait à Sunam ; une femme riche de ce pays insista pour qu’il vienne manger chez elle. Depuis, chaque fois qu’il passait par là, il allait manger chez elle. Elle dit à son mari : « Écoute, je sais que celui qui s’arrête toujours chez nous est un saint homme de Dieu. Faisons-lui une petite chambre sur la terrasse ; nous y mettrons un lit, une table, un siège et une lampe, et quand il viendra chez nous, il pourra s’y retirer. »
Le jour où il revint, il se retira dans cette chambre pour y coucher. Puis il dit à son serviteur : « Que peut-on faire pour cette femme ? » Le serviteur répondit : « Hélas, elle n’a pas de fils, et son mari est âgé. » Élisée lui dit : « Appelle-la. » Le serviteur l’appela et elle se présenta à la porte. Élisée lui dit : « À cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras. »

PSAUME
(Ps 88 (89), 2-3, 16-17, 18-19)
R/ Ton amour, Seigneur, sans fin je le chante ! (Ps 88, 2a)

L’amour du Seigneur, sans fin je le chante ;
ta fidélité, je l’annonce d’âge en âge.
Je le dis : C’est un amour bâti pour toujours ;
ta fidélité est plus stable que les cieux.

Heureux le peuple qui connaît l’ovation !
Seigneur, il marche à la lumière de ta face ;
tout le jour, à ton nom il danse de joie,
fier de ton juste pouvoir.

Tu es sa force éclatante ;
ta grâce accroît notre vigueur.
Oui, notre roi est au Seigneur ;
notre bouclier, au Dieu saint d’Israël.

DEUXIÈME LECTURE
Unis, par le baptême, à la mort et à la résurrection du Christ (Rm 6, 3-4.8-11)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; la mort n’a plus de pouvoir sur lui. Car lui qui est mort, c’est au péché qu’il est mort une fois pour toutes ; lui qui est vivant, c’est pour Dieu qu’il est vivant. De même, vous aussi, pensez que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu en Jésus Christ.

ÉVANGILE
« Celui qui ne prend pas sa croix n’est pas digne de moi. Qui vous accueille m’accueille » (Mt 10, 37-42)
Alléluia. Alléluia. Descendance choisie, sacerdoce royal, nation sainte, annoncez les merveilles de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. Alléluia. (cf. 1 P 2, 9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera. Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé. Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ; qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste. Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche, à l’un de ces petits en sa qualité de disciple, amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »
Patrick BRAUD

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18 juin 2023

Que faire de nos reniements ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que faire de nos reniements ?

Homélie pour le 12° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
25/06/2023

Cf. également :
Une utopie à proclamer sur les toits
Terreur de tous côtés !

N’arrêtez pas vos jérémiades !
L’effet saumon
Sous le signe de la promesse
La « réserve eschatologique »

Les volte-face de Mitterrand, et les nôtres
Que faire de nos reniements ? dans Communauté spirituelle 41ipeIXEm1L._SX322_BO1,204,203,200_
La vie de François Mitterrand est une mine inépuisable d’articles, de sujets de thèses de doctorat, de conférences et autres documentaires pour les historiens. Comment ce jeune catholique charentais, de famille traditionnelle, a-t-il pu prendre autant de visages et incarner autant de courants politiques ? Ses années de jeunesse vichyssoise à l’extrême droite lui valurent d’être décoré de la francisque en 1943, et de figurer dans des gouvernements où il appliquait une répression féroce en Algérie française. Son retournement idéologique dans les années 70 l’a conduit opportunément à fonder le Parti Socialiste autour d’une grande idée : la rupture avec le capitalisme. Au congrès d’Épinay de 1971, sa prédication enflammée pour mettre le cap à gauche est devenue célèbre : « la révolution, c’est d’abord une rupture avec l’ordre établi. Celui-qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti socialiste ».
Las ! : élu Président de la République en 1981, Mitterrand s’aperçoit que la réalité économique est plus complexe que ce qu’il croyait, et il fait à nouveau volte-face, abandonnant la révolution et la rupture avec le capitalisme pour « le tournant de la rigueur » en 1983. Le socialiste révolutionnaire devenait un social-démocrate compatible avec les marchés et l’orthodoxie budgétaire. Dernier renoncement : 1984, lorsqu’il veut appliquer un point essentiel du Programme Commun de la Gauche sur lequel il s’était engagé la main sur le cœur. Il s’agissait de nationaliser l’enseignement privé pour le fusionner en un seul système public. Un million de manifestants dans la rue plus tard, il abandonne sagement la réforme emblématique de son engagement de gauche, et choisit le statut quo…

Réalisme, diront certains. Manque de courage politique, diront les autres.
Toujours est-il que « le Sphinx » – comme on le surnommait – est passé dans l’histoire comme un excellent disciple de Machiavel, prêt à renier ses convictions pour d’autres si cela lui permettait de conquérir ou garder le pouvoir.
Sur l’air de : « Paris vaut bien une messe », nos dirigeants nous ont malheureusement habitué à retourner leur veste assez souvent en fonction du vent dominant et de leurs intérêts…

 apostasie dans Communauté spirituelleSoyons honnêtes, ces volte-face sont également les nôtres. Plus ordinaires, plus mesquines peut-être que le passage de la francisque à la révolution puis aux compromissions de tous ordres. Mais nos petits reniements peuvent pareillement lézarder la belle façade de nos réussites et de nos combats.
Qui est vraiment allé au bout de ses idéaux de jeunesse ?
Qui n’a pas mis d’eau dans son vin pour vivre plus confortablement ?
Qui a accepté de payer le prix fort pour rester fidèle à une conviction dangereuse ?

La question s’est vite posée dans les premières communautés chrétiennes. L’enthousiasme du début a été douché par les menaces et persécutions romaines ou juives. L’ardeur des convertis butait sur l’ampleur des conséquences désastreuses pour eux et leurs familles s’ils persévéraient dans leur foi au Christ. À tel point que beaucoup renièrent leur baptême pour ne pas être arrêtés, suppliciés, brûlés au jetés au feu.
Quel sort fallait-il réserver à ces renégats ? Et plus troublant encore, quel sort fallait-il leur accorder s’ils voulaient revenir après avoir renié ?

 

La rigueur ou la mansuétude ?
Il y a dans le Nouveau Testament une contradiction apparente au sujet de l’apostasie. Quand Jésus parle de reniement dans notre Évangile de ce dimanche (Mt 10,26-33), on sent que les Églises locales y entendent un avertissement très net : « celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux ».

Pierre renie JésusApparemment, la ligne de conduite est claire : les renégats doivent être reniés, c’est-à-dire exclus définitivement des communautés locales, comme le Christ les reniera à la fin des temps. Oui, mais voilà… Le seul autre usage du verbe renier (ρνομαι, arneomai) dans les Évangiles est réservé… à Pierre ! Pierre le renégat, qui par 3 fois a juré : « je ne connais pas cet homme », dans la cour du grand prêtre au début du procès de Jésus. Même Judas n’est pas traité de renégat : Pierre est le seul à avoir renié Jésus dans les textes, car Judas l’a livré, pas renié (cf.Choisir Judas comme ami). Donc, logiquement, selon notre évangile, le Christ aurait dû renier Pierre devant Dieu, lui qui l’avait renié devant les hommes. Or, pas du tout ! Au contraire : selon Jean, Jésus ressuscité a demandé par 3 fois à Pierre : « m’aimes-tu ? » pour le pardonner de son triple reniement, et il lui a confié le premier rôle dans l’Église naissante : « sois le berger de mes brebis » (Jn 21,15-19).
Pierre, seul renégat du Nouveau Testament, n’est pas renié comme annoncé par Jésus mais au contraire promu au premier plan : que s’est-il passé entre Matthieu et Jean ? Comment lever cette contradiction apparente entre ces deux passages ?

Si l’on oppose seulement la lettre de nos deux évangiles, la contradiction est insoluble. Alors, mettons-les en perspective historique.
Écrits entre 30 et 60 après la mort de Jésus, ces textes ont été longuement ruminés, prêchés, travaillés, ciselés par la tradition orale dans les premières communautés chrétiennes. On l’a dit, ces communautés étaient fragiles et instables, exposées aux menaces et persécutions. Refuser d’offrir un sacrifice à l’empereur ou à une divinité païenne pouvait entraîner la prison et la mort. Jude par exemple écrit : « il s’est glissé parmi vous certains hommes, dont la condamnation est écrite depuis longtemps, des impies, qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution, et qui renient (arneomai) notre seul maître et Seigneur Jésus-Christ » (Jude 1,4). Ce qui confirme le constat de Pierre : « Il y a eu parmi le peuple de faux prophètes, et il y aura de même parmi vous de faux docteurs, qui introduiront des sectes pernicieuses, et qui, reniant (arneomai) le maître qui les a rachetés, attireront sur eux une ruine soudaine » (2P 2,1).
L’Apocalypse quant à elle préfère par contraste encourager les Résistants en louant les Églises locales qui tiennent bon dans la foi malgré leur faiblesse et le danger : « Je sais où tu demeures, je sais que là est le trône de Satan. Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié (arneomai) ma foi, même aux jours d’Antipas, mon témoin fidèle, qui a été mis à mort chez vous, là où Satan a sa demeure » (Ap 2,13). « Je connais tes œuvres. Voici, parce que tu as peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n’as pas renié (arneomai) mon nom, j’ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer » (Ap 3,8).

Ceux qui sont tombés. De lapsisReste que beaucoup préféraient renier le Christ plutôt que d’avoir des ennuis. Ces lapsi (en latin : ceux qui sont tombés, qui ont chuté) se multiplièrent. À chaque persécution nouvelle augmentait le nombre de ceux qui parmi eux reniaient le Christ. Ainsi Tertullien déplore l’« appréhension des clercs aux pieds de cerfs devant le martyre » et l’« appréhension des chrétiens devant la douleur ». Il raconte que des communautés entières ont éloigné d’elles les persécutions en corrompant les autorités, chose que l’« ordre régnant de l’Église » a approuvée. Dans ses épîtres, l’évêque Cyprien de Carthage évoque à de nombreuses reprises le fait que les évêques et hautes personnalités ecclésiastiques s’accusaient mutuellement d’avoir renié leur foi à l’occasion d’une persécution. Il mentionne également le fait que de très nombreux chrétiens se faisaient établir en sous-main, contre de l’argent, publiquement ou secrètement, une attestation (libellus) de la part des autorités, certifiant qu’ils étaient païens et sacrifiaient selon le rite païen. On en a trouvé confirmation il y a quelques années en Égypte dans ce que l’on appelle le papyrus Rainer, qui contient un registre administratif de ceux qui reniaient leur baptême et que l’on appelait libellatici. Ailleurs, Pierre d’Alexandrie dans son ouvrage sur la pénitence (Liber de poenitentia), évoque les moyens employés par les chrétiens pour échapper aux persécutions. Il y parle de chrétiens qui forçaient leurs esclaves chrétiens (!) à pratiquer pour eux des sacrifices selon le mode païen ou à mourir pour eux en martyrs s’ils refusaient ! Pas très glorieux…
Le théologien protestant Von Harnack reconnaissait que « le nombre des ceux qui reniaient leur foi dépassait largement celui des martyrs et de ceux qui, ouvertement ou secrètement, se considéraient de confession chrétienne ».

Parfois, certains lapsi voulaient revenir à l’Église après l’avoir quitté. À la fin des persécutions, ces « chrétiens de nom » affluèrent à nouveau dans l’Église, qui les accueillit avec empressement, car, comme le dit déjà le Pasteur d’Hermas, « seuls ceux qui sont butés sont rejetés pour toujours », et l’Église avait besoin de renforcer ses rangs. Tertullien prêche l’excuse du reniement arraché par la force : « si le reniement a été extorqué, la foi peut être conservée intacte dans le cœur »…

 

Que faire de ces repentis ?
Si l’on suit la ligne de notre évangile de Matthieu – la ligne rigoriste – on restera inflexible et on n’admettra pas le retour des renégats.
B072K99ZTW.01._SCLZZZZZZZ_SX500_ pénitenceSi l’on suit la ligne johannique – la ligne pénitentielle – on aménagera un retour possible moyennant une procédure de réintégration où l’apostat exprimera son repentir et son désir de choisir le Christ.
Nos deux textes apparemment contradictoires reflètent en réalité la forte tension permanente – car cela a duré plusieurs siècles – entre ces deux lignes au cœur de l’Église. Faut-il être exigeant pour sauvegarder la pureté du baptême ? ou conciliant en acceptant les fidèles tels qu’ils sont, pécheurs, mais capables de conversion ?

La rigueur sonne comme un avertissement de la gravité de la faute.
La pénitence prend en compte la faiblesse des croyants, pour ne pas les perdre.
Les deux courants sont présents dans le Nouveau Testament, et souvent s’affrontent sans merci.
La solution viendra plus tard, au temps de Cyprien de Carthage (III° siècle), avec l’invention de la pénitence publique comme condition pour réintégrer les lapsi désirant revenir dans l’Église. Il faut dire qu’avec l’empereur Constantin le vent aura tourné en faveur de la secte nouvelle : jadis persécutée, l’Église deviendra impériale, suscitant un afflux de demandes de baptêmes pas toujours sincères…

Paul recueille les deux traditions sans choisir : intransigeance vis-à-vis des lapsi, et miséricorde pourtant jusqu’au bout.
Pour l’intransigeance :
« Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions (arneomai), lui aussi nous reniera (arneomai) » (2Tim 2,12).
« Si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié (arneomai) la foi, et il est pire qu’un infidèle » (1Tim 5,8).
« Certains ont l’apparence de la piété, mais renient (arneomai) ce qui en fait la force. Éloigne-toi de ces hommes-là (2Tim 3,5) ».
« Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient (arneomai) par leurs œuvres, étant abominables, rebelles, et incapables d’aucune bonne œuvre (Ti 1,16) ».
Pour la mansuétude :
« Si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier (arneomai) lui-même » (2Tim 3,13).

À l’appui du courant insistant sur la miséricorde, on trouvera bien sûr dans le Nouveau Testament la parabole du fils prodigue (Lc 15,11–32). Dans le contexte des chrétiens quittant l’Église par peur du danger, le fils cadet est devenu la figure des lapsi, ces chrétiens qui ont renié leur baptême mais font pénitence pour revenir à l’Église, tandis que le frère aîné est semblable aux rigoristes intransigeants. Cette interprétation se trouve chez Tertullien, Ambroise et Jérôme. On trouve ainsi dans les Constitutions apostoliques : « Ô évêque, tu ne te détourneras pas avec dégoût de celui qui aura chuté une première et une seconde fois, (…) Celui qui dans son repentir produit des fruits de pénitence, admettez-le à la prière, comme le fils perdu, le libertin » (Constitutions apostoliques II, 40,1-4).
La parole de Jésus : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10) ne cesse de résonner comme un appel à une miséricorde plus grande que toute offense…

 

Conclusion
La ligne rigoriste de ce dimanche est utile comme garde-fou et avertisseur : attention, renier le Christ arrive plus facilement que vous ne le pensez ! Or c’est une question de vie ou de mort !
La ligne pénitentielle corrige cette dureté apparente en composant avec la faiblesse humaine : « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse » (Ez 18,23.32).
Donc si les lapsi regrettent leur reniement et font à nouveau le choix du Christ (« Pierre, m’aimes-tu ? ») ils pourront à nouveau s’asseoir à la table eucharistique avec l’assemblée-Église. La condition de ce retour – directement dérivée de l’exigence rigoriste – est de suivre un chemin pénitentiel, graduel (cf. les trois « je t’aime » de Pierre), public, et unique. Ce n’est qu’après le IX° siècle que la pénitence deviendra privée et réitérable.

tableau-définition-bienveillance renégatL’intérêt de ce débat pour nous aujourd’hui est de nous questionner en profondeur sur notre inclination personnelle :
- suis-je plutôt rigoriste par nature ? auquel cas pratiquer la miséricorde me ferait du bien…
- ou suis-je plutôt miséricordieux, acceptant facilement par réalisme la faiblesse d’autrui et la mienne ? auquel cas je devrais réétudier la radicalité de l’Évangile pour éviter que mes compromis se changent en compromissions.
- quels sont mes reniements ? comment les dépasser ?

En outre, ce débat entre rigorisme et mansuétude peut éclairer d’un jour nouveau l’accès des divorcés remariés aujourd’hui à la table eucharistique : ces « lapsi » du sacrement de mariage pourraient-ils bénéficier eux aussi une procédure pénitentielle de réintégration ?

 

Excursus rapide sur le statut des renégats dans le judaïsme et dans l’islam

Le statut des apostats dans le judaïsme
Dans la tradition juive, il n’y a pas de sanction légale ou de peine séculaire pour l’apostasie. Le judaïsme met l’accent sur le libre arbitre et la responsabilité personnelle en matière de croyance religieuse. Chaque individu est libre de choisir sa propre voie spirituelle et de quitter la pratique religieuse juive s’il le souhaite. L’apostasie n’est donc pas considérée comme un crime ou un péché punissable par les autorités religieuses ou civiles. Mais elle peut avoir des implications sociales et familiales au sein de certaines communautés juives plus traditionnelles. Dans ces contextes, un individu qui abandonne la foi juive peut être exposé à l’ostracisme, à des conséquences sociales ou à des tensions familiales en raison de la désapprobation de sa décision.

Quelques versets vont ainsi dans le sens d’une intransigeance rigoureuse :
« Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme qui repose sur ton sein, ou ton ami que tu aimes comme toi-même, t’incite secrètement en disant : Allons, servons d’autres dieux ! – des dieux que ni toi ni tes pères n’avez connus, des dieux des peuples qui vous entourent, près de toi ou loin de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre -, tu n’y consentiras pas, et tu ne l’écouteras pas ; tu ne jetteras pas sur lui un regard de pitié, tu n’auras point de miséricorde, tu ne le couvriras pas, et tu ne déroberas pas pour lui ; mais tu le feras mourir » (Dt 13,6-10).

« Mon peuple est détruit, parce qu’il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai, et tu seras dépouillé de mon sacerdoce ; puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j’oublierai aussi tes enfants » (Os 4,6).
Ce verset souligne les conséquences néfastes de l’abandon de la connaissance de Dieu et de la Loi, entraînant la destruction du peuple.

« Qu’il n’y ait parmi vous ni homme, ni femme, ni famille, ni tribu, dont le cœur se détourne aujourd’hui de l’Éternel, notre Dieu, pour aller servir les dieux de ces nations-là. Qu’il n’y ait point parmi vous de racine qui produise du poison et de l’absinthe. Que personne, après avoir entendu les paroles de cette malédiction, ne se croie en sécurité dans son cœur, en disant : J’aurai la paix, quoique je suive mes penchants, et que j’ajoute l’ivresse à la soif » (Dt 29,18-20).
Ce verset énonce les conséquences spirituelles négatives et les dangers associés à l’abandon de la foi et de l’alliance avec Dieu.

 

Le statut des apostats dans le Coran
Dans le Coran, il existe de nombreux versets qui abordent la question de l’apostasie ou des renégats. Voici quelques-uns d’entre eux qui sont plutôt intransigeants et rigoristes :
Sourate Al-Baqarah (2,217) : « Et ceux qui croient, puis mécroient, puis croient de nouveau, puis mécroient, et augmentent en mécréance, Allah ne leur pardonnera jamais, ni les guidera vers un chemin. »
Sourate Al-Ma’idah (5,54) : « Ô les croyants! Celui parmi vous qui apostasie de sa religion… Allah va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allah, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. »
Sourate An-Nisa (4,137) : « Ceux qui croient, puis mécroient, puis croient de nouveau, ensuite mécroient, et deviennent de plus en plus mécréants, Allah ne leur pardonnera jamais, ni ne les guidera vers un chemin. »
Sourate Al-Imran (3,90) : « Ceux qui ont mécru après avoir eu la foi, puis qui ont persisté dans leur mécréance, leur repentir ne sera jamais accepté, et ce sont eux les égarés. »
Sourate Al-Imran (3,85) : « Et quiconque cherche une autre religion que l’Islam, cela ne lui sera point agréé, et il sera, dans l’au-delà, parmi les perdants. »
Sourate Al-Ma’idah (5,72-73) : « Ils ont mécru ceux qui disent: ‘Allah, c’est le Messie, fils de Marie.’… Ils ont certes mécru ceux qui disent: ‘Allah est le troisième de trois.’ Mais il n’y a de divinité qu’Une Divinité Unique. Si ils ne cessent pas de tenir de tels propos, un châtiment douloureux touchera ceux d’entre eux qui auront mécru. »

Il y a cependant quelques autres versets du Coran qui relèvent plutôt de la mansuétude que du rigorisme :
Sourate Al-Baqarah (2,256) : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient. »
Ce verset est souvent invoqué pour souligner le principe de la liberté de religion et rejeter la contrainte dans les questions de foi. Certains soutiennent que cela implique que l’apostasie ne doit pas être punie, car la foi doit être basée sur un choix volontaire.
Sourate Al-Kafirun (109,1-6) : « Dis : Ô les infidèles ! Je n’adore pas ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. À vous votre religion, et à moi ma religion. »
Ce verset souligne le respect mutuel des croyances religieuses et l’importance de reconnaître la diversité des religions. Certains musulmans soutiennent que cela implique que les apostats doivent être libres de choisir leur propre religion sans être soumis à des sanctions.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Il a délivré le malheureux de la main des méchants » (Jr 20, 10-13)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable.
Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause.
Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants.

PSAUME
(Ps 68 (69), 8-10, 14.17, 33-35)
R/ Dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi. (Ps 68, 14c)

C’est pour toi que j’endure l’insulte,
que la honte me couvre le visage :
je suis un étranger pour mes frères,
un inconnu pour les fils de ma mère.

L’amour de ta maison m’a perdu ; on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi.
Et moi, je te prie, Seigneur : c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.

Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse, regarde-moi.
Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »

Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.
Que le ciel et la terre le célèbrent,
les mers et tout leur peuplement !

DEUXIÈME LECTURE
« Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure » (Rm 5, 12-15)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.

ÉVANGILE
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33)
Alléluia. Alléluia. L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur, dit le Seigneur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage. Alléluia. (cf. Jn 15, 26b-27a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »
Patrick BRAUD

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