Ruptures et continuités : les conversions à vivre pour répondre à un appel
Ruptures et continuités :
les conversions à vivre pour répondre à un appel
Homélie pour le 3° dimanche ordinaire / Année A
Dimanche 23 Janvier 2011
Pêcheurs / pêcheurs d’hommes
· « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Le jeu de mots est célèbre. Il a suscité d’innombrables commentaires. Il peut à nouveau éclairer les appels qui jalonnent notre route, venant de Dieu, du hasard ou de la nécessité…
Un appel produit toujours ruptures et continuités
Savoir quitter
· C’est facile à constater : être appelé à une responsabilité nouvelle oblige la plupart du temps à quitter bien des choses. Il faut déménager pour aller travailler ailleurs ; accepter d’avoir moins de temps libre pour assumer un engagement supplémentaire ; renouveler son réseau de relations pour découvrir un autre milieu etc…
À cause de cela, dans l’évangile, les verbes quitter / laisser suivent presque toujours le verbe appeler. « Il les appela. Aussitôt, laissant leur barque… ».
- Simon et André quittent leur père, leurs filets de pêche, et avec eux l’entreprise familiale, leur vie tranquille à Capharnaüm.
- Jacques et Jean font de même : ils quittent eux aussi la barque familiale et les rivages familiers.
- Jésus lui-même inaugure son ministère par un changement d’adresse significative : « il quitta Nazareth et vint habiter Capharnaüm ». À tel point que Capharnaüm est devenue ‘la ville de Jésus’, là où il avait sa maison (celle de Pierre en fait, dont on a retrouvé les traces et qu’on visite aujourd’hui encore à Capharnaüm).
Il quitte son enfance, Nazareth et sa vie cachée, pour s’établir dans ce « carrefour des nations », peuplé de militaires, de voyageurs, et de tous les commerces qui vont avec…
On aurait dû l’appeler ‘Jésus de Capharnaüm’ et non pas ‘Jésus de Nazareth’ !
· Répondre à un appel implique donc des ruptures, inévitablement.
Faites la liste des ruptures que vous avez déjà traversées – même sans vous en rendre compte sur le moment – pour les études, pour un poste professionnel, à cause du déménagement des autres, des deuils, des séparations successives…
Savoir quitter est donc l’apprentissage de ceux qui répondent à des appels.
Continuités
· Mais tout n’est pas rompu de son passé lorsqu’on se met à suivre le Christ. En même temps que l’on quitte, on découvre ce qui demeure. Tout n’est pas changé : des choses fondamentales restent là, plus que jamais, prises dans une autre lumière certes, mais toujours les mêmes.
Ainsi, Simon et André ne cessent pas d’être frères, et répondent ensemble à l’appel de Jésus, en frères. De même pour Jacques et Jean, qui restent « fils de Zébédée » par la suite.
C’est rassurant : on peut répondre à un appel en famille, les liens familiaux peut être transfigurés dans l’aventure commune !
· Autre continuité soulignée fortement par l’évangéliste Matthieu : entre Isaïe et Jésus. L’appel auquel répond Jésus ne rompt pas les anciennes alliances. Au contraire, il les accomplit. « Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe : Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée, toi le carrefour des païens : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ». (Mt 4,14-16)
« Ne croyez pas que je sois venu pour abolir : je suis venu accomplir, non pas abolir ». (Mt 5,17). Accomplir la prophétie d’Isaïe se situe dans la continuité de la lignée des prophètes.
Pour l’Église, assumer la continuité avec Israël, ou avec le premier Testament, est toujours un impératif que les ruptures historiques ne peuvent effacer.
Ruptures et continuités : la conversion des talents
· Autre continuité tout à fait remarquable dans le texte : les deux fois deux frères ne cesseront pas d’être des pêcheurs. Ils ne deviendront pas apôtres à partir de rien, ex nihilo. Ils apprendront à convertir leur savoir-faire de pêcheurs de poissons dans la mission apostolique de pêcheurs d’hommes.
Autrement dit, Dieu ne les appelle pas malgré leur métier, contre lui ou sans lui. Il s’appuie sur leur métier pour les initier à leur vocation profonde.
Et qu’est-ce qu’être pêcheur à l’époque de Jésus ?
Pour les juifs, rappelez-vous, la mer est le lieu de la peur et de la mort. Depuis le déluge qui a submergé la terre, noyé les Égyptiens, naufragé Jonas ou fait peur aux piètres marins qu’étaient les juifs, être plongé dans l’eau signifiait habiter les profondeurs de la mort, au milieu de monstres effrayants. Le métier de pêcheur, c’est alors de sortir hors de ce milieu infernal les ‘poissons’ représentant les hommes. Le pêcheur met l’humanité hors d’eau. Son savoir-faire libère ceux qui habitaient les « ténèbres » (selon les termes d’Isaïe) des océans pour les amener à la lumière de la surface. À tel point que les chrétiens se désignaient dans les premiers siècles par le symbole du poisson, tiré hors de l’eau angoissante, prêt à être cuit sur la braise, savoureusement goûté lors du repas de la résurrection sur la grève (cf. Jn 21).
· Le jeu de mots pêcheurs/pêcheurs d’hommes signifie donc la profonde continuité que chacun va assumer : en répondant à l’appel du Christ, nous sommes invités non pas à renier notre identité profonde, nos talents, nos charismes, mais à les mettre au service de la pêche apostolique, avec plus d’intelligence encore que lorsque nous étions à notre compte…
· L’histoire est pleine de telles ruptures / continuités :
Augustin quitte sa maîtresse et l’ésotérisme, mais met l’art de sa rhétorique au service de l’Évangile.
Ambroise était préfet de Milan et il a su mettre sa compétence au service de son ministère d’évêque.
Charles de Foucauld était un génial explorateur doué du sens militaire : il deviendra un pionnier de la grammaire et du dictionnaire touareg-français.
L’Abbé Pierre était député, et il a su faire jouer son carnet d’adresses en faveur d’Emmaüs…
Vous le voyez : tout appel, qui vient du Christ ou des événements de la vie, produit à la fois des ruptures et des continuités.
À chacun de discerner ce qu’il doit quitter, ce qu’il peut conserver tout en le transformant, pour répondre à quel appel…
1ère lecture : Une lumière se lèvera sur la Galilée (Is 8, 23 – 9,1-3)
Lecture du livre d’Isaïe
Dans les temps anciens, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens.
Le peuple qui marchait dans les ténèbresa vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué l’allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.
Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane.
Psaume : Ps 26, 1, 4abcd, 13-14
R/ Le Seigneur est lumière et salut
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?
J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie.
J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. »
2ème lecture : Le scandale des divisions dans l’Église du Christ (1Co 1, 10-13.17)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ à être tous vraiment d’accord ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiments.
J’ai entendu parler de vous, mes frères, par les gens de chez Cloé : on dit qu’il y a des disputes entre vous.
Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « J’appartiens à Apollos », ou bien : « J’appartiens à Pierre », ou bien : « J’appartiens au Christ ».
Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
D’ailleurs, le Christ ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ.
Evangile : Jésus commence son ministère par la Galilée (brève : 12-17) (Mt 4, 12-23)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Aléluia. (cf. Lc 1, 68.79)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée.
Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
Ainsi s’accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
Pays de Zabulon et pays de Nephtali,route de la mer et pays au-delà du Jourdain,Galilée, toi le carrefour des païens :
le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière.Sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre et de la mort,une lumière s’est levée.
A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c’étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.