L'homélie du dimanche (prochain)

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7 septembre 2013

S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout

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S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout


Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire/ Année C
08/09/2013


S’asseoir

Il y a un instant, Jésus demandait de marcher à sa suite? et voici qu’il recommande pour cela de commencer par s’asseoir !

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Prendre le temps de se mettre en position de réflexion : comment ne pas penser au « devoir de s’asseoir » des équipes Notre-Dame ?

Il s’agit de faire silence pour se débarrasser de l’immédiateté, et de pouvoir non seulement délibérer intérieurement, mais d’entendre résonner en soi la Parole que Dieu nous adresse. La conscience est ce que nous discernons au plus profond de nous-mêmes des savoirs que Dieu nous donne.

Quand on chemine, a fortiori à deux, il est fortement recommandé de faire un point régulièrement, pour s’assurer que l’on est dans la bonne direction, que les options prises et les ajustements à apporter sont bien partagés. Aux Équipes Notre-Dame, cela s’appelle le devoir (ou le plaisir) de s’asseoir.

Le devoir de s’asseoir est un temps particulier, au moins chaque mois, dédié à un échange avec son conjoint sur les questions essentielles de notre vie, un tête à tête pour souffler, pour se poser, pour se regarder, pour s’écouter.

Nous échangeons bien sûr en couple très souvent dans la semaine. Mais si nous réfléchissons bien, avons-nous un seul moment dédié spécifiquement à cela dans nos agendas surchargés, sans que la télévision ou l’ordinateur ne soit allumé ?

L’échange commence par une prière, pour placer ce temps sous le regard de Dieu. Cette étape est indispensable pour aller à l’essentiel avec humilité !

Ensuite, nous faisons un point sur notre vie de couple. Chacun écoute son conjoint s’exprimer. Le « je » (« j’ai été heureux(se) de? ou j’ai été blessé(e) par? » est utilisé de préférence au « tu » (« tu n’as pas fait ceci? »), pour faire part de son ressenti sans accuser.

Quelques sujets sensibles peuvent occuper l’essentiel de l’échange. Nous nous efforçons de les aborder avec tact et respect de l’autre.

Nous pouvons également réaliser un tour d’horizon plus large :

- sur soi-même, sur nous deux (la qualité de notre relation de couple, de notre relation personnelle à Dieu, nos efforts, nos progrès, nos faiblesses, nos difficultés,?)

- nos enfants (leur éducation, leur santé, leur caractère, leurs progrès, leurs difficultés,?)

- notre famille (nos parents, petits-enfants, proches âgés, souffrants?), nos amis?

- notre vie professionnelle (nos inquiétudes, nos joies, nos déceptions, nos collègues, les décisions à venir?)

- nos engagements (actions, moyens, objectifs, durée, joies, peines,?)

Les priorités de notre vie doivent être clairement définies : faisons le point sur le temps consacré à la vie de famille depuis quelques mois. N’est-il pas le moment de prévoir un week-end en couple sans enfants pour se retrouver ? Ou alors d’organiser une activité pour tel enfant qui a du mal à trouver sa place dans la fratrie ?

Le devoir de s’asseoir, pratiqué régulièrement, contribue à prendre conscience d’éventuelles dérives de notre relation de couple et à procéder aux ajustements nécessaires. Il est un jalon important dans notre vie de couple.

Cf. http://www.equipes-notre-dame.fr/article/le-devoir-de-sasseoir

 

Le devoir de s’asseoir ne concerne pas que les couples. Chacun de nous, avant de se lancer dans une grande oeuvre, avant de prendre une décision importante, avant de suivre quelqu’un, a tout intérêt à prendre ce temps de réflexion.

Être assis c’est se laisser porter par le sol avant que de demander à nos deux jambes de le faire. C’est un passif qui va fonder l’action suivante. Être assis, c’est l’attitude du Christ en gloire, depuis l’Ascension où Dieu le fait asseoir à sa droite. <
Dans cette position, nous nous souvenons de notre avenir en Christ, car nous serons assis à ses côtés.
C’est donc symboliquement fonder nos décisions en les évaluant à l’aune du but ultime.
C’est peser le pour et le contre en regardant devant, en discernant si cela correspond à l’avenir auquel Dieu nous appelle.

 

Calculer

Jésus emploie bien le verbe calculer. « S’asseoir pour calculer la dépense » est une Patrick Braudattitude de sagesse. Le calcul permet l’anticipation ; il introduit la raison et la logique dans nos projets et nos envies autrement dé-mesurés.

Le calcul est désavoué par Dieu lorsqu’il devient orgueilleux au point de ne vouloir compter (tiens, un verbe apparenté à calculer) que sur nos propres forces.

Souvenez-vous du roi David voulant dénombrer ses armées pour être sûr de sa puissance militaire :   » Satan se dressa contre Israël et il incita David à dénombrer les Israélites. » (1 Ch 21) Dieu visiblement n’approuve pas ce genre de calcul !
Dans l’évangile, c’est de manière ironique que le calcul de l’empereur romain va être subverti par Dieu : le même recensement par lequel César voulait manifester l’immensité de son empire va servir à manifester l’humble roi de Bethléem (Lc 2,1-19).

Compter les multitudes soumises deviendra finalement compter sur un fils unique…

Reste que le calcul des dépenses de la tour est ici très évangélique. Car c’est bien de dépenses que parle le Christ : impossible de le suivre sans perdre (avant de gagner, ce qui fait de la dépense un investissement en fait).

On ne se lance pas comme cela à la suite du Christ. C’est pour cela que le catéchuménat des adultes dure deux à trois ans au minimum. Car il faut du temps pour évaluer les conversions à vivre, les pertes à assumer, les changements à engager. Devenir prêtre ou moine demande cette forme de sagesse calculant les effets et les impacts de la suite du Christ. La prime en ce domaine revient sans doute aux jésuites (il faut 10 à 15 ans pour le devenir !)…

 

Aller jusqu’au bout

arton21 agir dans Communauté spirituelleLe calcul, une fois bien assis, a pour but de savoir si on peut aller jusqu’au bout de l’aventure, que ce soit le mariage, le monastère, la création d’une entreprise ou une responsabilité associative à prendre. Dans l’Ancien Testament, l’homme n’a pas pu aller jusqu’au bout de la construction d’une tour célèbre (Gn 11,1-9). Babel est demeurée inachevée, parce que les ouvriers n’ont pas pris le temps de s’asseoir pour réfléchir aux conséquences de leur folle envie. Jésus y fait référence implicitement. Car lui ira jusqu’au bout de la volonté de son Père de bâtir une autre tour touchant le ciel, dont la croix sera le signe. « Aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10) pour les associer à l’intimité divine : voilà la construction pour laquelle Jésus est prêt à aller jusqu’au bout. Mais il a pris pour cela 30 années de réflexion auparavant. La vie cachée à Nazareth est la session de préparation à ce chef-d’oeuvre. Et Gethsémani en sera l’intense et bref rappel, pour re-décider – au moment ultime – d’aller jusqu’au bout de cette volonté de son Père.

Comment achever nos projets les plus vrais, familiaux ou professionnels ou autres, si nous ne prenons pas régulièrement le temps de nous asseoir, pour calculer avec sagesse ce qu’il va falloir lâcher, ce qui nous mobilise vraiment, les conséquences à anticiper etc. ?

Ordinaire_23_C_80A bâtirLe devoir de s’asseoir des équipes Notre-Dame les invite à prendre une soirée par mois, une semaine par an pour se retrouver à deux devant Dieu. C’est le même devoir de s’asseoir qui en Lc 14 presse chacun de nous de fonder notre désir d’agir.

Prenez ce temps de sage réflexion, même au travail, pour voir où vous avez envie d’aller et comment y aller jusqu’au bout : vous n’aurez pas perdu la soirée, l’heure, la plage de solitude que vous aurez su vous réserver.

S’asseoir, calculer, aller jusqu’au bout…

 

 

1ère lecture : C’est Dieu qui donne la vraie sagesse (Sg 9, 13-18)

Lecture du livre de la Sagesse

Quel homme peut découvrir les intentions de Dieu ? Qui peut comprendre les volontés du Seigneur ?
Les réflexions des mortels sont mesquines, et nos pensées, chancelantes ; car un corps périssable appesantit notre âme, et cette enveloppe d’argile alourdit notre esprit aux mille pensées.
Nous avons peine à nous représenter ce qui est sur terre, et nous trouvons avec effort ce qui est à portée de la main ; qui donc a découvert ce qui est dans les cieux ?
Et qui aurait connu ta volonté, si tu n’avais pas donné la Sagesse et envoyé d’en haut ton Esprit saint ?
C’est ainsi que les chemins des habitants de la terre sont devenus droits ; c’est ainsi que les hommes ont appris ce qui te plaît et, par la Sagesse, ont été sauvés.

Psaume : Ps 89, 3-4, 5-6, 12-13, 14.17abc

R/ D’âge en âge, Seigneur, tu as été notre refuge.

Tu fais retourner l’homme à la poussière ;
tu as dit : « Retournez, fils d’Adam ! »
À tes yeux, mille ans sont comme hier,
c’est un jour qui s’en va, une heure dans la nuit.

Tu les as balayés : ce n’est qu’un songe ;
dès le matin, c’est une herbe changeante :
elle fleurit le matin, elle change ;
le soir, elle est fanée, desséchée. 

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos coeurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs. 

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains.

2ème lecture : Ton esclave est devenu ton frère (Phm 1, 9b-10.12-17)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre à Philémon

Fils bien-aimé,
moi, Paul, qui suis un vieil homme, moi qui suis aujourd’hui en prison à cause du Christ Jésus, j’ai quelque chose à te demander pour Onésime, mon enfant à qui, dans ma prison, j’ai donné la vie du Christ.
Je te le renvoie, lui qui est une part de moi-même.
Je l’aurais volontiers gardé auprès de moi, pour qu’il me rende des services en ton nom, à moi qui suis en prison à cause de l’Évangile.
Mais je n’ai rien voulu faire sans ton accord, pour que tu accomplisses librement ce qui est bien, sans y être plus ou moins forcé.
S’il a été éloigné de toi pendant quelque temps, c’est peut-être pour que tu le retrouves définitivement, non plus comme un esclave, mais, bien mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi, il le sera plus encore pour toi, aussi bien humainement que dans le Seigneur.
Donc, si tu penses être en communion avec moi, accueille-le comme si c’était moi.

Evangile : La vraie sagesse, c’est de renoncer à tout pour le Christ (Lc 14, 25-33)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Répands sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage, apprends-nous tes volontés. Alléluia. (cf. Ps 118, 135)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :
« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et s?urs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple.

Quel est celui d’entre vous qui veut bâtir une tour, et qui ne commence pas par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?
Car, s’il pose les fondations et ne peut pas achever, tous ceux qui le verront se moqueront de lui : ‘Voilà un homme qui commence à bâtir et qui ne peut pas achever !’
Et quel est le roi qui part en guerre contre un autre roi, et qui ne commence pas par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui vient l’attaquer avec vingt mille ? S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander la paix.

De même, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple. »
Patrick Braud

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31 août 2013

Dieu est le plus humble de tous les hommes

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Dieu est le plus humble de tous les hommes

 

Homélie du 22° Dimanche du temps ordinaire / Année C
01/09/2013

 

Ben Sirac le sage vante la vertu d'humilité avec des mots que bien des chefs en tout genre pourraient méditer :

« Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.
La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui. »
(Si 3,17-29)

 

Dans l’Ancien Testament, l’humilité est d’abord la réponse humaine à la grandeur de Dieu. 

C’est la conscience de l’extraordinaire distance entre lui et moi qui m’entraîne à reconnaître ma fragilité, ma petitesse. Quelle que soit l’intelligence d’un savant, quel que soit le génie commercial ou industriel d’un patron, quelque soit la renommée d’un politique, qu’est-ce que cela en comparaison de celui qui est tout ? À l’image de la grenouille de La Fontaine, qui pourrait enfler ses prétentions jusqu’à vouloir égaler le « b?uf » divin ?


Dieu est le plus humble de tous les hommes dans Communauté spirituelle 275

 

Même ceux qui ne sont pas croyants font cette radicale expérience de leur finitude : devant l’immensité de l’océan, de la musique, de la maladie, du temps qui passe, de la mort…

En ce sens, l’Ancien Testament énonce une sagesse commune à beaucoup de cultures, de sociétés de toutes les époques. Et c’est déjà beaucoup, car c’est devant Dieu que l’homme apprend ce que être humble veut dire.

 

Le Nouveau Testament va sur ce point plus loin, infiniment plus loin. L’incarnation du Verbe révèle un dieu qui ne se contente pas d’être grand à distance ou même en proximité. Il se fait l’un de nous, dans notre humus = terreau humain et il épouse notre condition dans sa fragilité. L’humilité de Dieu n'est dans nulle autre religion aussi manifeste que dans la foi chrétienne. Comme l’écrivait le père François Varillon :

« Aimer c’est la puissance de descendre au plus bas jusqu’à l’anéantissement de soi.
Cet anéantissement n’est pas une suppression d’existence.
Il est la révélation de l’existence la plus haute.
C’est cela l’Évangile, la présence active et transformante de Dieu au plus bas de la condition humaine. »
1
 

Patrick Braud

En s’abaissant par amour jusqu’à se faire homme, Dieu se révèle humble face à l’homme, plus que nous ne pourrons jamais l’être envers lui. Dans le même mouvement (qui est trinitaire) de cette incarnation, Dieu livre le secret de son intimité : chaque personne divine, d'égale majesté, est tout entier humblement tournée vers le service et la communion avec les deux autres. L’humilité est donc une vertu (virtus = force en latin), intrinsèque à la nature divine. Ce n’est pas un comportement qu’il adopte pour rejoindre l’homme (ce serait à la limite d’une stratégie de séduction), c’est son être trinitaire même qu’il déploie pour inviter l’homme à y entrer en plénitude.


« ?.Dieu étreint l'âme dans l'amour.
Il est l'Autre mais sans distance.
Et caché. Humblement caché, car on ne pourrait le voir et rester libre.
L'invisibilité de Dieu est son humilité respectueuse de notre liberté. 2

 

L’humilité de Dieu est essentielle à l’amour qui unit les Trois ; elle est ainsi la source de l’humilité humaine, qui peut y participer, par grâce.

 

L’humilité est à ce point enracinée en Dieu que Maître Eckhart osera dire que celui qui est humble ne fait qu’un avec Dieu, et qu'il peut tout lui demander puisque en fait il n’est plus extérieur à ce qu’il désire :

L'homme véritablement humble n’a pas besoin de demander à Dieu: il peut commander à Dieu,
car la hauteur de la déité n’a égard qu’à 1a profondeur de l’humilité (…).

L’homme humble et Dieu ne font qu’un.

L’homme humble a pouvoir sur Dieu comme il en a sur lui-même, et tout ce qui est dans les anges est en propre à l’homme humble. Ce que Dieu opère, l’homme humble l’opère aussi, et ce que Dieu est, il l’est : une vie et un être. Et c’est pourquoi notre cher Seigneur a dit: « Apprenez de moi qui suis doux et humble de c?ur. » » 3 

 

Quand Jésus dit : « qui s'élève sera abaissé, qui s'abaisse sera élevé », il parle d’abord de lui-même.

Quand il demande de donner un festin pour ceux qui ne pourront jamais vous le rendre, il fait référence à la générosité divine qui est à la source de nos générosités humaines. « Il faut appeler divin l’amour qui est assez fort pour ne pas exiger la réciprocité comme condition de sa constance » (F. Varillon; ibid).

Quand il insiste : « va te mettre à la dernière place », il ne fait qu’énoncer le chemin sur lequel lui-même s’est engagé, jusqu’à la dernière place en humanité qu’est l'infamie de la croix.

 

Par quoi se caractérise cette humilité de Dieu ?

Par le souci de servir, par le refus de s’attribuer à soi-même sa propre gloire, par l’attention et le respect donné aux plus petits de la société, par un amour de soi intense parce que réaliste et enraciné en Dieu, par le refus de l’auto rédemption (serrer les dents pour y arriver tout seul sans dépendre de personne) etc.

On est alors aux antipodes de la fausse humilité, caricature autrefois trop fréquente, dans les congrégations religieuses comme dans les cercles bien-pensants… Sous prétexte d’humilité en effet, on peut cacher la peur de risquer ou la peur de prendre des responsabilités. À force d’humilité ostentatoire, on peut cultiver un goût morbide de l’auto-dépréciation, du paraître, et finalement du refus de la joie d’être aimé. Les contrefaçons de l’humilité rétrécissent le désir de vivre, nourrissent l’amertume de ne pas être reconnu, et finissent par cette peur contraire à l’Évangile : aller enfouir son talent au lieu de le faire fructifier.

 

Non, l’humilité à la manière de Dieu est une passion pour l’autre, pour faire grandir l’autre. « Dieu élève les humbles » chante Marie, parce que eux-mêmes élèvent leurs frères. L’humiliation est exactement à l’opposé de l’humilité.

 

Un rabbin le racontait fort joliment :

Deux élèves d’une école talmudique se disputaient pour savoir qui est le plus grand.
Le premier saisit son camarade à la tête, lui fait courber l'échine et crie victoire en le maintenant plié sous sa main : « je suis plus grand, je suis plus grand ».
À l’autre maintenant – Moshe – de faire la preuve. Il se relève, et se met à sauter en l’air, de plus en plus haut : « je suis plus grand, je suis plus grand ! » Le rabbin arrive et interpelle ses deux jeunes disciples : Moshé, certainement tu seras un maître en Israël, car pour te grandir tu n’as pas eu besoin de rabaisser tes frères »…

 

Puisqu'elle se reçoit, n'hésitez pas à demander à Dieu son humilité !

 


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[1]Varillon F., Traversées d’un croyant, choix de textes présentés Charles Ehlinger, Ed. Bayard, 2005.

[2]. Varillon F., L'humilité de Dieu, Centurion, 1974.

[3]. Maître Eckhart, Sermon n° 14. 


 

1ère lecture : Exhortation à l’humilité (Si 3, 17-18.20.28-29)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Mon fils, accomplis toute chose dans l’humilité, et tu seras aimé plus qu’un bienfaiteur.
Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser : tu trouveras grâce devant le Seigneur.
La puissance du Seigneur est grande, et les humbles lui rendent gloire.
La condition de l’orgueilleux est sans remède, car la racine du mal est en lui.
L’homme sensé médite les maximes de la sagesse ; l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute.

 

Psaume : Ps 67, 4-5ac, 6-7ab, 10-11

R/ Béni soit le Seigneur : il élève les humbles.

Les justes sont en fête, ils exultent ; 
devant la face de Dieu ils dansent de joie.
Chantez pour Dieu, jouez pour son nom.
Son nom est Le Seigneur ; dansez devant sa face.

Père des orphelins, défenseur des veuves, 
tel est Dieu dans sa sainte demeure. 
À l’isolé, Dieu accorde une maison ; 
aux captifs, il rend la liberté.

Tu répandais sur ton héritage une pluie généreuse, 
et quand il défaillait, toi, tu le soutenais. 
Sur les lieux où campait ton troupeau, 
tu le soutenais, Dieu qui es bon pour le pauvre.

 

2ème lecture : La fête éternelle sur la montagne de la nouvelle Alliance (He 12, 18-19.22-24a)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, 
quand vous êtes venus vers Dieu, il n’y avait rien de matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d’obscurité, de ténèbres, ni d’ouragan, pas de son de trompettes, pas de paroles prononcées par cette voix que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre.

Mais vous êtes venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d’anges en fête et vers l’assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux. Vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes, et vers les âmes des justes arrivés à la perfection. Vous êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle.

 

Évangile : Pour avoir part au royaume de Dieu : choisir la dernière place, inviter les pauvres (Lc 14, 1a.7-14)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Heureux les invités à la table de Dieu : il comble de biens les affamés, il élève les humbles. Alléluia. (cf. Lc 1, 52-53)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour de sabbat, Jésus était entré chez un chef des pharisiens pour y prendre son repas. Remarquant que les invités choisissaient les premières places, il leur dit cette parabole :
« Quand tu es invité à des noces, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité quelqu’un de plus important que toi.
Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendrait te dire : ‘Cède-lui ta place’, et tu irais, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : ‘Mon ami, avance plus haut’, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi.
Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

Jésus disait aussi à celui qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi t’inviteraient en retour, et la politesse te serait rendue.
Au contraire, quand tu donnes un festin, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; et tu seras heureux, parce qu’ils n’ont rien à te rendre : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Patrick BRAUD

 

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24 août 2013

Dieu aime les païens

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Dieu aime les païens

Homélie du 21° Dimanche du temps ordinaire / Année C
25/08/2013

Sans garantie du gouvernement

Dieu aime les païens dans Communauté spirituelle 618062-extremement-rare-telles-accusations-abusLes Frères musulmans d’Égypte ou les hassidims strictement orthodoxes de Jérusalem « grinceront des dents » à entendre les lectures de ce dimanche. Comment ? Faire partie du peuple élu ne suffit pas à être sûr d’être sauvé ? Comment ? Des étrangers venus d’on ne sait où viendraient nous « jeter dehors » pour prendre notre place auprès de Dieu ? Comment ? La pratique rituelle ne nous ouvre pas la « porte étroite » ? Alors, à quoi sert de pratiquer à la mosquée, à la synagogue ou à l’église ? Pourquoi chercher à être le premier dans le domaine de la foi si Dieu s’amuse à intervertir les derniers et les premiers ? (cf. Lc 13,22-30)

C’est ça qui est bien chez le Dieu de la Bible : il prend très souvent à contre-pied les certitudes des croyants trop sûrs d’eux, et ne garantit absolument aucun salut obtenu par la prière, le culte où la tradition. Renversant !

Isaïe annonce que le festin du royaume de Dieu est ouvert à tous les païens des quatre coins de l’horizon : rien ne sert d’être juif, cela ne donne aucune garantie ! Apparemment, dans la bouche d’Isaïe, les païens n’auront rien fait de spécial pour être ainsi associés au festin. Dieu ira les chercher gratuitement, sans autre condition que d’accepter de se laisser rassembler avec l’humanité enfin réconciliée. Par contre, ceux qui auront mangé et bu en présence du Christ se voient reprocher de faire le mal : un comble ! Comme quoi la pratique eucharistique n’est pas un calcul pour obtenir quoi que ce soit. La prière non plus. Prier ou communier relève de la gratuité et non du calcul. De la louange et non de la stratégie. Lorsque Dieu va chercher les païens – sans raison – pour les associer au festin à Jérusalem, il fait un pied de nez aux barbus, aux papillotes, aux soutanes impeccables qui virevoltent dans les lieux saints avec tant d’arrogance.

 

Dieu aime les païens.

Patrick BraudAu moins eux ne cherchent pas à l’utiliser.
Au moins eux seront étonnés d’être choisis et appelés.
Au moins eux auront conscience de ne rien mériter.
Au moins avec eux on est sûr que Dieu aime sans raison, à la limite de l’absurde.

Aimez-vous les païens qui vous entourent, à la manière de Dieu ?

C’est vrai, les chrétiens (et les pratiquants encore plus que les autres) sont minoritaires en France. Au travail, dans un quartier, en famille même ils sont quelques-uns noyés au milieu d’une masse d’indifférents ou d’opposants. La tentation est alors forte de se replier sur son identité religieuse menacée de toutes parts, et au pire de dénigrer ce qui ne vivent pas pareil, au mieux de les considérer avec un rien de mépris au fond des yeux.

Même les manifestants anti mariage-pour-tous sont exposés à ce piège. Sûrs de la droiture de leur opinion, ils risquent de juger les autres, leurs pratiques, leurs idées, avec dureté et intolérance.

 

Dieu aime les païens
En les invitant gratuitement à se rassembler avec les croyants, ils manifestent qui Il est : un amour inconditionnel.
À tous ceux qui se croient à l’abri à cause des multiples fidélités rituelles qu’ils observent soigneusement, l’appel des païens rappelle que c’est la miséricorde que Dieu désire, et non le sacrifice.

À tous ceux qui méprisent plus ou moins les autres parce qu’ils ne partagent pas leurs croyances et leurs pratiques, l’élection des païens résonne comme un signe : il y a beaucoup à apprendre de ceux qui vivent ailleurs ou autrement.

À tous ceux qui désespèrent des conflits religieux ensanglantant les peuples, de l’Égypte à l’Inde en passant par l’Irlande ou la Palestine, le choix par Dieu des païens annonce une immense espérance : Christ est mort pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés (Jn 11,52).

Le tout est d’aimer les païens à la manière de Dieu : tels qu’ils sont, invités au festin, associés au même étage. Les messagers (Is 66) qui sont chargés d’annoncer cette nouvelle aux nations lointaines sont chargés également de les ramener à Jérusalem, par tous les moyens possibles : chevaux, chariots, litières, mulets, dromadaires… Comme quoi tous les véhicules culturels sont bons pour ramener les nations vers Dieu ! Conception centripète de la mission d’Israël ou de l’Église, cette passion pour le rassemblement de tous dans l’unité reflète le coeur de Dieu. Jusqu’à prendre des prêtres et des lévites parmi ces païens – ose annoncer Isaïe - les fonctions les plus sacrées en Israël ! Décidément, Dieu ne respecte pas même pas son copyright, doivent penser les auditeurs du prophète…

Alors, regardez d’un autre oeil les païens avec qui vous travaillez, avec qui vous faites du sport, des repas, des sorties.
Dites-vous que ce sont vos voisins de table de demain au festin final.
Dites-vous qu’à travers eux, Dieu vous éduque à dilater votre cœur à ses dimensions à lui.
Apprenez d’eux ce qu’est la gratuité de la foi chrétienne.

1ère lecture : Dieu vient rassembler toutes les nations (Is 66, 18-21)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Seigneur : Je viens rassembler les hommes de toute nation et de toute langue. Ils viendront et ils verront ma gloire :
je mettrai un signe au milieu d’eux ! J’enverrai des rescapés de mon peuple vers les nations les plus éloignées, vers les îles lointaines qui n’ont pas entendu parler de moi et qui n’ont pas vu ma gloire : ces messagers de mon peuple annonceront ma gloire parmi les nations.
Et, de toutes les nations, ils ramèneront tous vos frères, en offrande au Seigneur, sur des chevaux ou dans des chariots, en litière, à dos de mulets ou de dromadaires. Ils les conduiront jusqu’à ma montagne sainte, à Jérusalem, comme les fils d’Israël apportent l’offrande, dans des vases purs, au temple du Seigneur.
Et même je prendrai des prêtres et des lévites parmi eux. Parole du Seigneur.

Psaume : Ps 116, 1, 2

R/ Allez par le monde entier proclamer la Bonne Nouvelle.

Louez le Seigneur, tous les peuples ; 
fêtez-le, tous les pays ! 

Son amour envers nous s’est montré le plus fort ; 
éternelle est la fidélité du Seigneur !

2ème lecture : Dieu corrige ceux qu’il aime (He 12, 5-7.11-13)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, n’oubliez pas cette parole de réconfort, qui vous est adressée comme à des fils : Mon fils, ne néglige pas les leçons du Seigneur, ne te décourage pas quand il te fait des reproches. Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons ; il corrige tous ceux qu’il reconnaît comme ses fils. 
Ce que vous endurez est une leçon. Dieu se comporte envers vous comme envers des fils ; et quel est le fils auquel son père ne donne pas des leçons ? Quand on vient de recevoir une leçon, on ne se sent pas joyeux, mais plutôt triste. Par contre, quand on s’est repris grâce à la leçon, plus tard, on trouve la paix et l’on devient juste.
C’est pourquoi il est écrit : Redonnez de la vigueur aux mains défaillantes et aux genoux qui fléchissent, et : Nivelez la piste pour y marcher. Ainsi, celui qui boite ne se tordra pas le pied ; bien plus, il sera guéri.

Evangile : L’appel universel au salut et la porte étroite (Lc 13, 22-30)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. De l’Orient à l’Occident, tous les peuples de la terre prendront place à la table de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 13, 29)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant.
Quelqu’un lui demanda : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? » 
Jésus leur dit : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas.
Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : ‘Seigneur, ouvre-nous’, il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes.’
Alors vous vous mettrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.’
Il vous répondra : ‘Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.’ 
Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors.
Alors on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu.
Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers. »
Patrick Braud

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17 août 2013

De l’art du renoncement

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

De l’art du renoncement

Homélie du 20° Dimanche du temps ordinaire / Année C
18/08/2013

 

« Renonçant à la joie qui lui était proposée, Jésus a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix, et, assis à la droite de Dieu, il règne avec lui. »

Chaque mot de cette phrase de la lettre aux Hébreux de ce Dimanche (He 12,1-4)  heurte notre sensibilité occidentale du XXI° siècle. Chaque mot semble prendre le contre-pied des idéologies soft actuelles sur le bien-être personnel, la recherche de l’épanouissement, le désir de ne pas souffrir, l’investissement dans la vie présente…

Prenez le verbe renoncer : qui prêche le renoncement aujourd’hui ? À part quelques écologistes radicaux prônant la décroissance, et donc la réduction de notre train de vie, qui rappelle cette vieille loi pourtant pleine de sagesse : le renoncement peut devenir un chemin de libération ?

Ce à quoi le Christ renonce, c’est à « la joie qui lui était proposée ». Voilà qui est encore plus scandaleux ! Le christianisme semble tomber ici sous les accusations de Nietzsche : religion de sous-hommes ne pouvant accéder à la joie dionysiaque, et érigeant leur impuissance en chemin de sainteté. Ce serait vrai si la phrase de He 12,3 s’arrêtait là, s’il n’y avait le but, la raison pour laquelle le Christ renonce à la joie possible.

La finalité de ce renoncement, c’est d’ « être assis à la droite de Dieu » et de « régner avec lui ». Avec en plus l’ouverture de cette ascension / assomption à tous ceux qui le suivraient.

Pour avoir oublié ce but ultime, certains courants du christianisme se sont transformés en rabats-joie lugubres que Nietzsche a eu raison de fustiger.

Pour avoir chassé ce but ultime de leur horizon, les courants hédonistes actuels ne comprennent pas que le renoncement est un investissement pour une joie future, éternelle. Seule la perspective eschatologique d’un autre monde en Dieu permet de comprendre le sacrifice (encore un autre mot que la modernité méconnaît) du Christ. Sinon il faut être fou pour ne pas rechercher son bonheur personnel, ici et maintenant, par tous les moyens.

 

En écartant la problématique de la joie présente comme non pertinente, Jésus introduit une contestation révolutionnaire : le salut offert aux autres est plus important que son propre épanouissement du moment. La fidélité à soi-même passe par le dessaisissement de soi pour que les humiliés de la terre puissent être élevés au plus haut.

 

Car le renoncement du Christ à ce à quoi il aurait pu prétendre (la gloire, l’admiration De l'art du renoncement dans Communauté spirituelledes foules, le pouvoir politique et religieux, la vénération populaire etc.) est la condition sine qua non pour qu’il épouse la condition des humiliés. « Il a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix ». Notons au passage que la croix, dans cette interprétation des plus anciennes, est signe d’humiliation et non pas de souffrance physique. C’est en effet le supplice des humiliores dans le monde romain : la croix est le supplice des esclaves (cf. Spartacus et ses 6000 révoltés crucifiés avec lui le long des voies romaines), le supplice infamant qui prive tout juif le subissant des promesses faites à Israël, au point de devenir un « maudit de Dieu » (Ga 3,13; Dt 21,23) dont le corps n’est même pas digne d’être enterré.

La volonté du Christ c’est d’aller au bout de celle de son Père, « jusqu’à l’extrême » (Jn 13,1) : faire corps avec les damnés de la terre pour leur ouvrir un chemin de libération et de vie en Dieu.

En allant les rejoindre, il est assimilé à eux. Leur humiliation devient la sienne ; mais il l’assume « sans honte », alors que les puissants ont réussi en dominant les humiliés à leur faire intérioriser la honte d’être dominés. Il y a dans ce « sans honte » le début du retournement de la situation d’humiliation, comme on retourne un gant de l’intérieur. Le Père Joseph Wrésinsky l’a bien compris, qui a commencé à redonner un nom et une histoire au peuple du Quart-Monde pour qu’il retrouve la fierté d’être lui-même. Les grands libérateurs ont fait de même : Gandhi avec les colonisés indiens, Martin Luther King avec les ?nègres’ américains des années 60, Mandela avec les townships souffrant de ségrégation et de misère etc.

Endurer sans honte l’humiliation de ceux qui en sont écrasés est déjà leur ouvrir la possibilité d’une dignité pleinement rétablie.

 

Ce faisant, il ne faudra pas s’étonner de rencontrer « l’hostilité des pécheurs ». Le combat contre l’hostilité de ses adversaires, Jésus l’a vécu sans aide ni violence. Il a préféré être broyé par la violence adverse plutôt que d’employer contre elle la même logique de puissance, de domination.

Ceux qui veulent défendre les humiliés parmi leurs collègues, leurs salariés, leurs familles même, feront cette expérience au début très amère : prendre le parti des petits suscite l’hostilité, conduit à être méprisé comme eux, et apparemment cette violence semble gagner à court terme. Il faut une sacrée énergie spirituelle pour tenir bon sans « se laisser accabler par le découragement ». Il faut une vision prophétique pour garder « les yeux fixés » sur le long terme, pour surmonter les premières défaites inévitables. Il faut recevoir de Dieu le courage de « résister jusqu’au sang » s’il le faut dans notre lutte contre le mal.

 

Alors les renoncement à opérer nous apparaîtront logiques et efficaces.

Renoncer aux joies immédiates est finalement un bien par rapport à la perspective du règne de Dieu auquel le Christ nous associe. Le bonheur n’est pas un but de la vie présente. La recherche du bonheur personnel pourrait même nous éloigner de notre vrai désir. Le philosophe Alain écrivait : « le bonheur est une récompense qui vient à ceux qui ne l’ont pas cherchée ». Le bonheur est illucide, au sens où c’est en renonçant à lui qu’on peut paradoxalement y demeurer.

 

Quel est notre but ultime ?

Quelles humiliés sommes-nous appelés à défendre ?

À quel renoncement cela nous conduit-il ?

 

 

 

1ère lecture : Le prophète signe de contradiction (Jr 38, 4-6.8-10)

Lecture du livre de Jérémie

Pendant le siège de Jérusalem, les chefs qui tenaient Jérémie en prison dirent au roi Sédécias : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur. »
Le roi répondit : « Il est déjà entre vos mains, et le roi ne peut rien contre vous ! »
Alors ils se saisirent de Jérémie et le jetèrent dans la citerne du prince Melkias, dans la cour de la prison. On le descendit avec des cordes. Dans cette citerne il n’y avait pas d’eau, mais de la boue, et Jérémie s’enfonça dans la boue.
Un officier du palais, l’Éthiopien Ébed-Mélek, vint trouver le roi : « Mon Seigneur le roi, ce qu’ils ont fait au prophète Jérémie, c’est mal ! Ils l’ont jeté dans la citerne, il va y mourir de faim ! »
Alors le roi donna cet ordre à l’Éthiopien Ébed-Mélek : « Prends trois hommes avec toi, et retire de la citerne le prophète Jérémie avant qu’il ne meure. »

Psaume : 39, 2, 3, 4, 18

R/ Seigneur, à mon aide ! Viens à mon secours !

D’un grand espoir 
   j’espérais le Seigneur : 
il s’est penché vers moi 
   pour entendre mon cri. 

Il m’a tiré de l’horreur du gouffre, 
   de la vase et de la boue ; 
il m’a fait reprendre pied sur le roc, 
   il a raffermi mes pas. 

Dans ma bouche il a mis un chant nouveau, 
   une louange à notre Dieu. 
Beaucoup d’hommes verront, ils craindront, 
   ils auront foi dans le Seigneur. 

Je suis pauvre et malheureux, 
   mais le Seigneur pense à moi. 
Tu es mon secours, mon libérateur : 
   mon Dieu, ne tarde pas !

2ème lecture : Le combat dans la foi à l’exemple de Jésus (He 12, 1-4)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, ceux qui ont vécu dans la foi, foule immense de témoins, sont là qui nous entoure. Comme eux, débarrassons-nous de tout ce qui nous alourdit, et d’abord du péché qui nous entrave si bien ; alors nous courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l’humiliation de la croix, et, assis à la droite de Dieu, il règne avec lui.
Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le découragement. Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché.

Evangile : Jésus, cause de division entre les hommes (Lc 12, 49-53)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus, le bon Pasteur, connaît ses brebis et ses brebis le connaissent : pour elles il a donné sa vie.Alléluia. (cf. Jn 10, 14-15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Jésus disait à ses disciples : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde ? Non, je vous le dis, mais plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ;
ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
Patrick Braud 

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