L'homélie du dimanche (prochain)

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20 octobre 2012

Donner sens à la souffrance

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Donner sens à la souffrance

Homélie du 29° dimanche ordinaire / Année B
21/10/12

« Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur » (Es 53,10).

Tous ceux qui ont été à un moment donné de leur histoire « broyés par la souffrance » se demanderont comment on peut plaire au Seigneur lorsqu’on est défiguré par la souffrance ! Que ce soit la douleur physique qui tord le corps au plus intime, la souffrance morale de la solitude, de la séparation, ou la déchirure intérieure devant un échec absolu, qui pourrait faire l’éloge de ces moments affreux ?

Le jansénisme du XVI° siècle, le dolorisme du XX° ont bien essayé, mais heureusement nous ne pouvons plus les suivre aujourd’hui.

Prétendre que la souffrance rapproche de Dieu nous révolte ; à juste titre, car le Serviteur en personne  (le servant leader) qu’est Jésus nous révèle justement une autre voie. « En toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché » (He 4,14-16). Ce n’est donc pas l’épreuve qui a de la valeur, mais le fait de ne pas pécher dans l’épreuve.

 

Que serait « pécher dans l’épreuve » ?

Ce n’est pas le combat pour échapper à la souffrance, car le Christ l’a mené, pour soulager celle de ses contemporains (malades, possédés, exclus).

Ce n’est pas le débat intérieur où le doute se mêle à la foi, car le Christ a connu ce débat à Gethsémani (« que cette coupe s’éloigne de moi »).

Ce n’est pas non plus la révolte et l’indignation, du moment qu’elle ne rompt pas le dialogue avec Dieu, car le Christ lui-même a crié sur la croix (« mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »).

Pécher dans l’épreuve serait plutôt se laisser vaincre par elle, c’est-à-dire nous détourner de notre vocation la plus profonde.

L’évangile de ce dimanche nous dit que la vocation du Christ est d’être le Serviteur par excellence (Mc 10,35-45), et lui-même veut nous donner d’avoir part à son service. « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur ». La souffrance gagne sur nous lorsqu’elle nous fait croire que nous ne pouvons plus être serviteurs, que nous serions devenus inutiles. « Je ne sers plus à rien » est l’une des plaintes qui traduisent le désespoir des malades.

« La société n’a pas besoin de moi » est l’amer constat des chômeurs ou des exclus. « Plus personne n’attend rien de moi » est le sentiment d’abandon qui engendre tant de solitude chez les personnes âgées.

Ne plus servir à rien est profondément déshumanisant.

Bien sûr, « ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir ». Mais ils ignorent qu’au plus profond d’eux-mêmes existe la soif de servir, plus réelle que les envies de domination qui les tiennent en esclavage.

Si « le Fils de l’homme est venu pour servir et non pour être servi », c’est donc qu’il en est de même pour chacun de nous, créé à son image. Comme l’écrivait si bien le poète hindou Rabrindranath Tagore : « Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie. Je m’éveillais et je vis que la vie n’est que service. Je servis et je compris que le service est joie ».

Or l’épreuve – quelle qu’elle soit – cherche à nous détourner de notre vocation au service. Elle veut nous réduire à n’être plus qu’un ayant-droit : aide médicale, aide sociale, aide compassionnelle… C’est bien ce qu’on commence à reprocher sans oser le dire à des êtres handicapés par exemple : ils n’auraient pas dû naître car ils ne pourront apparemment pas être utiles à la société ; au contraire, ils sont une charge inutile, un fardeau insupportable. Bientôt on le dira aux personnes âgées… C’est du moins ce qu’on voudrait nous faire croire. Car quiconque a eu dans sa famille des enfants handicapés sait quelle saveur d’humanité, quelle lumière nouvelle ils apportent à tous ceux qui les approchent, rien que par leur présence. Cela ne supprime en rien la douleur ou le poids énorme que cet handicap fait peser sur les parents, sur les frères et soeurs. Mais reconnaître aux personnes handicapées la capacité d’être eux aussi des serviteurs transforme ceux qui sont à leur contact.

Un chef d’entreprise – une PME – confiait récemment avoir embauché une personne en fauteuil roulant, pour satisfaire au quota légal de 6% de travailleurs handicapés, afin d’éviter de payer l’amende légale… Quelques mois après, il racontait comment l’accueil de ce salarié pas comme les autres avait transformé l’ambiance au travail dans les équipes. Les collègues devenaient plus attentifs, plus humains, et se mettaient à parler eux-mêmes de leur faiblesse. Bref, il se disait finalement qu’il avait fait une bonne affaire ! En fait, il avait juste rendu à cette personne handicapée son rôle social, dû à chacun : pouvoir être utile à d’autres, apporter sa compétence, son intelligence, et son handicap comme autant de manières d’être au service des autres.

La Bonne Nouvelle est alors d’annoncer à ceux qui sont dans l’épreuve qu’ils peuvent donner un sens à ce qui leur arrive (même s’il faut du temps pour y arriver). La vraie charité n’est pas d’abord de les plaindre, de les aider, mais de leur proposer de devenir utiles autrement, serviteurs à leur manière. On se souvient que lorsqu’un SDF avait demandé de l’aide à l’Abbé Pierre (après une tentative de suicide) au moment où il créait les compagnons d’Emmaüs, l’abbé ne lui avait rien donné mais lui avait dit : « viens me donner un coup de main, on a besoin de toi ».

Les témoignages sont légion de ceux qui, broyés par la souffrance, ont réussi à la traverser en en faisant une source de services des autres.

C’est Martin Gray perdant sa femme et ses enfants dans un incendie et témoignant de son amour de la vie, « au nom de tous les miens ».

C’est tant de parents frappés par le malheur innocent d’un enfant : accident, suicide, drogue, maladie. Au lieu de se laisser anéantir, ils ont réagi en fondant une association pour accompagner et soutenir ceux qui sont confrontés à une épreuve semblable.

C’est le secret des premiers martyrs chrétiens tout au long des trois premiers siècles : ne pas laisser gagner la fureur meurtrière de la foule des jeux du cirque, mais pardonner à ses bourreaux, aimer ses ennemis qui vous traitent moins dignement que leurs bêtes. Les martyrs serviront la société romaine et l’aideront à abandonner son goût pour le meurtre. Etc.

Quand l’épreuve arrive, elle coupe le souffle, elle tétanise, elle fait frôler la mort. Le Christ, en nous associant à son baptême et à sa coupe, nous donne de tenir bon dans l’épreuve, sans nous laisser vaincre par elle. Lui – le Serviteur - ouvre un horizon à notre souffrance. Nous ne savons pas pourquoi l’épreuve arrive, mais nous pouvons deviner vers quoi elle peut nous conduire, pour quoi (en deux mots) elle nous arrive.

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Donner sens à la souffrance permet de ne plus se lamenter en regardant toujours en arrière, pour trouver des coupables ou pour accuser Dieu (qui n’y est pour rien le pauvre !).

Donner sens à la souffrance nous tourne vers demain : que puis-je faire de ce qui en ce moment broie ma vie ?

Le Christ sur la croix lui a donné le sens de l’abandon filial et de l’amour des ennemis. Il a ainsi été le Serviteur, jusqu’au bout. Assimilé à un criminel pour les Romains, à un maudit pour les juifs, il a annoncé à tous les damnés de la terre que leur exclusion n’est pas stérile, qu’ils peuvent faire de leur épreuve un service de toute l’humanité.

Utopique ?

Non : terriblement efficace.

 

À nous d’en témoigner en parole et en actes : la souffrance n’est pas le dernier mot de l’épreuve. Le dernier mot, c’est le service.

Et nul n’est si éprouvé qu’il ne puisse devenir serviteur des autres, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

 

 

1ère lecture : « Mon serviteur justifiera les multitudes » (Is 53, 10-11)

Lecture du livre d’Isaïe

Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur.
À cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés.

 

Psaume : 32, 4-5, 18-19, 20.22

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur : 
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous 
comme notre espoir est en toi !

2ème lecture : Le grand prêtre compatissant (He 4, 14-16)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Frères, en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux ; tenons donc ferme l’affirmation de notre foi.
En effet, le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché.
Avançons-nous donc avec pleine assurance vers le Dieu tout-puissant qui fait grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours.

Evangile : Le Fils de l’homme est venu pour servir (brève : 42-45) (Mc 10, 35-45)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Le Fils de l’homme est venu pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Alléluia. (Mc 10, 45)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s’approchent de Jésus et lui disent : « Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande. »
Il leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Ils lui répondirent : « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. »
Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? »
Ils lui disaient : « Nous le pouvons. » Il répond : « La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de l’accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées. »
Les dix autres avaient entendu, et ils s’indignaient contre Jacques et Jean.
Jésus les appelle et leur dit : « Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir.
Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur.
Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Patrick Braud

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6 octobre 2012

Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir

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Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir

Homélie du 27° Dimanche ordinaire / Année B
07/10/2012

APPRENDRE À RECEVOIR

Un passage très célèbre sur le mariage (« ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas »), et juste après un autre passage, non moins célèbre (« laissez les enfants venir à moi »), mais complètement différent.

Pourquoi Luc l’évangéliste a-t-il mis ces deux passages l’un à côté de l’autre ? Est-ce un pur hasard de rédaction ? Ou y aurait-il un lien entre le mariage et l’enfant (autre que le lien naturel de la procréation) ?

Explorons cette deuxième hypothèse.

Le premier passage parle de la réussite du mariage. Comment peut-on réussir à garder le même conjoint toute une vie durant ? Même les pharisiens n’y croient qu’à moitié : devant tout le monde, s’ils posent la question du divorce, c’est qu’ils y sont confrontés de près. Les disciples eux-mêmes interrogeront à nouveau Jésus sur cette question « de retour à la maison ». C’est donc qu’ils n’avaient pas compris sa réponse, ou n’était pas persuadés de son bien-fondé.

Le deuxième passage parle de l’accueil.
Un double accueil : l’accueil des enfants, et l’accueil du royaume de Dieu à la manière des enfants qui savent accueillir.
Car, contrairement aux idées reçues, Jésus ne vante pas ici une soi-disant innocence des enfants, mais leur extraordinaire capacité à accueillir. C’est parce qu’ils ouvrent leurs bras et leurs coeurs sans restriction pour recevoir ce que les adultes leur donnent que les enfants peuvent nous apprendre à recevoir d’eux-mêmes le royaume de Dieu. L’injonction de leur ressembler (« le royaume de Dieu est à ce qui leur ressemblent ») n’a rien de romantique, ni de régressif : c’est l’appel à savoir recevoir.

En accueillant des enfants qui savent accueillir, nous serons nous-mêmes à bonne école pour accueillir à notre tour ce qui nous est donné (par la vie, par les autres, par Dieu).

Peut-être cette attitude fondamentale d’accueil est-elle la clé de la réussite du mariage évoquée plus haut ?

Car l’indissolubilité du mariage est au-dessus de nos seules forces humaines, semblent dire les pharisiens et les disciples. C’est vrai leur répond Jésus ; c’est pourquoi si vous n’accueillez pas la capacité de durer des mains de Dieu lui-même, vous n’entrerez pas dans la promesse faite au mariage.

Dans le débat actuel sur le mariage civil homosexuel, et dans le contexte où le PACS a déjà supplanté le mariage, sans oublier qu’un mariage sur deux se termine par un divorce, on mesure ce que la parole du Christ a d’exigeant et de libérant tout à la fois.

Si vous vous basez sur la foi chrétienne, si vous avez le désir de recevoir de Dieu la grâce de la durée, alors vous pourrez accueillir la joie d’une vie entière placée sous le signe de la communion de deux êtres. Si vous vous basez sur vos sentiments, votre volontarisme ou vos seules forces humaines, si vous voulez prendre au lieu d’accueillir, alors il y a des chances pour que cela ne dure pas 50 ans…

L’essentiel serait donc de recevoir.

Humblement recevoir comme un enfant. Recevoir de Dieu la force d’accueillir son mari/sa femme pour toute la vie.

Et si grandir, c’était d’abord recevoir ?

On a réduit l’amour à l’acte de donner. On nous chante qu’aimer c’est donner sans retour (F. Pagny, P. Obispo?) ; le Téléthon nous invite à donner notre argent par solidarité (et nous culpabilise si le record n’est pas dépassé !) ; les parents se croient obligés de donner beaucoup de cadeaux à leurs enfants pour montrer leur amour (j’ai entendu à la radio qu’on dépense environ en moyenne 249 euros par enfant lors des fêtes de Noël? ? mais est-ce encore Noël ?)? N’oublie-t-on pas quelque chose de plus fondamental, en amont du don : savoir recevoir ?

Recevoir le vie avant de la donner ; recevoir ce que Dieu veut me donner avant de me prendre pour Dieu ; recevoir ma famille, mon métier comme un cadeau de l’existence ; recevoir mon corps même ? tel qu’il est ? recevoir mon histoire personnelle ? telle qu’elle est ? pour m’aimer en vérité.

L’évangile de Noël nous met sur la piste : « il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » (Lc 2,7). La crèche, la mangeoire et l’étable ne sont pas des guirlandes roses pour endormir les enfants : ce sont le symboles de l’exclusion des hommes, si durs, si orgueilleux que bien souvent ils refusent de recevoir l’amour qui leur offert. « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1,11)? Autrement dit, l’enfant fragile mis à l’écart relève plus ? hélas ? de la logique du « Maillon faible » que celle de « Star Académie » !

Et si le premier appel à lancer était l’invitation à accepter de recevoir ??

 

SE RECEVOIR

Accepter de recevoir, c’est déjà beaucoup. Mais la croissance humaine de Jésus nous Le mariage et l'enfant : recevoir de se recevoir dans Communauté spirituelle p_2020_110308130853_250entraîne encore plus loin. Il ne reçoit pas seulement la vie. Il se reçoit lui-même, sans cesse. Jésus n’a jamais voulu se suffire à lui-même ; il ne croit pas à la sacro-sainte indépendance d’aujourd’hui, qui tourne si vite à l’individualisme ou à la solitude. Lui sait que pour devenir un homme, une femme, il faut accepter de se recevoir des autres, de ceux que l’on rencontre, qui nous façonnent, qui nous blessent, qui nous font grandir en humanité. Lui sait que recevoir de Dieu son identité la plus intime n’est pas humiliant, bien au contraire : il a l’humilité de recevoir de Dieu sa vocation, sa mission, son existence, le but de sa vie, sa raison de vivre la plus vraie (cf. Jn 4,34 ; 14,10 ; 16,32 …). C’est pour cela qu’il ose appeler Dieu « Abba » = Père, papa ! C’est pour cela que par analogie nous l’appelons « Fils de Dieu » parce qu’il se reçoit continuellement d’un Autre que lui-même, et qu’il puise sa joie à devenir lui-même en se recevant d’un Autre qui l’aime. Tout le contraire du repli sur soi ! Tout le contraire de l’in-dépendance où je voudrais ne rien devoir à personne. L’enfant de la crèche – tout comme le crucifié abandonné – sait qu’il y a des liens d’amour sans lesquels nous ne pourrions pas devenir ce que nous sommes.

La communion d’amour trinitaire à laquelle nous sommes tous appelés n’est-elle pas le dynamisme le plus intime à la vie de Dieu : se recevoir ?

Et si l’appel à la vie divine passait par l’appel à se recevoir ??

 

RECEVOIR DE SE RECEVOIR?

Recevoir, se recevoir?

Franchissons encore une étape, au risque de nous perdre : et si grandir, c’était recevoir de se recevoir ? ?

Car il y a un piège : je pourrais croire que j’y arriverai tout seul (à me recevoir des autres). On essaie d’ailleurs de nous inculquer qu’en serrant les dents, en n’en parlant à personne et à la seule force des poignets, on devrait pouvoir surmonter les difficultés de la vie. Combien c’est illusoire !

La capacité de me recevoir, je la reçois elle aussi ; comme un enfant reçoit la vie et plus tard la capacité de la donner, le langage et la capacité de se laisser éduquer à la parole, l’amour et la capacité de se laisser aimer.

Prenez l’image des bateaux qui naviguent en flottilles : ils sont les symboles de notre traversée de l’existence, de nos voyages intérieurs, des tempêtes essuyées, des longs bords paisibles où nous avons taillé la route vers Dieu? Le Christ n’est pas le vaisseau amiral ni le vaisseau pilote de cette flottille : non, il s’invite à bord de chaque bateau, pour être notre mât, notre gouvernail, pour que l’Église soit notre équipage et l’Esprit le vent dans nos voiles. Si le Christ n’était que le navire de tête, ce serait désespérant, car je n’arriverais jamais à l’imiter et à le suivre par moi-même : il est bien trop fort pour moi ! Si le Christ embarque à mon bord, s’il devient ma boussole, mon gréement, alors tout devient possible?

Il est à bord de nos vies, pour nous ouvrir au don de Dieu, jour après jour. C’est ce que nos chantons au sommet de la prière eucharistique : « par Lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit ? ». Par le Christ, avec le Christ et en Christ, nous devenons peu à peu ce que nous sommes réellement : enfants de Dieu, dans le Fils unique.

Fils et filles de Dieu, c’est-à-dire : faits pour se recevoir dans l’amour, comme des enfants devraient pouvoir se recevoir de leur parents. Enfants de Dieu, en faisant Corps avec Celui qui ne cesse de se recevoir, et nous entraîne ainsi dans l’offrande qu’il fait de lui-même à son Père.

Nous sommes davantage le satellite accroché au dos de la fusée Ariane que le pétard mouillé bricolé au fond du jardin, et qui voudrait toucher le ciel en ne comptant que sur lui?

Recevoir, se recevoir, recevoir de se recevoir : en réfléchissant à l’appel qui est constitutif de la personne humaine, n’oublions pas que le plus beau cadeau à faire à quelqu’un, à tout âge, c’est désirer se recevoir de lui ?

Éduquer, c’est en ce sens initier l’autre à la joie de cette dépendance d’amour ? et non fabriquer des adultes auto-suffisants.

Et si c’était l’enjeu de toute eucharistie : recevoir du Christ la capacité de nous recevoir de Dieu lui-même ??

 

1ère lecture : Origine du mariage (Gn 2, 18-24)

Lecture du livre de la Genèse

Au commencement, lorsque le Seigneur Dieu fit la terre et le ciel, il dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. »
Avec de la terre, le Seigneur Dieu façonna toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun.
L’homme donna donc leurs noms à tous les animaux, aux oiseaux du ciel et à toutes les bêtes des champs. Mais il ne trouva aucune aide qui lui corresponde.
Alors le Seigneur Dieu fit tomber sur lui un sommeil mystérieux, et l’homme s’endormit. Le Seigneur Dieu prit de la chair dans son côté, puis il le referma.
Avec ce qu’il avait pris à l’homme, il forma une femme et il l’amena vers l’homme.
L’homme dit alors : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes oset la chair de ma chair ! On l’appellera : femme. »
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un.

Psaume : 127, 1-2, 3, 4.5c.6a

R/ Que le Seigneur nous bénisse tous les jours de notre vie !

Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d’olivier.

Voilà comment sera béni
l’homme qui craint le Seigneur.
Que le Seigneur te bénisse tous les jours de ta vie,
et tu verras les fils de tes fils.

2ème lecture : Jésus, notre Sauveur et notre frère (He 2, 9-11)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Jésus avait été abaissé un peu au-dessous des anges, et maintenant nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de sa Passion et de sa mort. Si donc il a fait l’expérience de la mort, c’est, par grâce de Dieu, pour le salut de tous.
En effet, puisque le créateur et maître de tout voulait avoir une multitude de fils à conduire jusqu’à la gloire, il était normal qu’il mène à sa perfection, par la souffrance, celui qui est à l’origine du salut de tous.
Car Jésus qui sanctifie, et les hommes qui sont sanctifiés, sont de la même race ; et, pour cette raison, il n’a pas honte de les appeler ses frères.

Evangile : L’indissolubilité du mariage ? L’accueil des enfants (brève : 2-12) (Mc 10, 2-16)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Si nous demeurons dans l’amour, nous demeurons en Dieu : Dieu est amour. Alléluia. (cf. 1 Jn 4, 16

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Un jour, des pharisiens abordèrent Jésus et pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? »
Jésus dit : « Que vous a prescrit Moïse ? »
Ils lui répondirent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
Jésus répliqua : « C’est en raison de votre endurcissement qu’il a formulé cette loi.
Mais, au commencement de la création, il les fit homme et femme.
À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils ne font qu’un.
Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! »
De retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau sur cette question.
Il leur répond : « Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle.
Si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d’adultère. »

On présentait à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.
Patrick Braud

29 septembre 2012

Contre tout sectarisme

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Contre tout sectarisme

 

Homélie du 26° Dimanche ordinaire

Année B 30/09/2012

 

Les sectaires ne sont pas toujours là où l’on pense

Imaginez un mormon à la Maison-Blanche ! Pour beaucoup d’Américains d’origine protestante (les WASP = white anglo saxon protestant), cette idée a quelque chose de très choquant. La candidature de Mitt Romney mettant en scène cette éventualité, ils vont partout clamant que l’Église de Jésus-Christ des Saints des derniers jours (les mormons) est une secte ; qu’ils pratiquaient la polygamie jusqu’au XIXe siècle ; qu’ils ont l’argent facile et facilement corrompu (cf. les jeux olympiques de Salt Lake City), et que leurs groupes religieux n’a rien de chrétien en définitive.

Contre tout sectarisme dans Communauté spirituelle Mormon-Moment

On entend dans leurs critiques l’écho de l’indignation qu’avait suscitée l’élection du très catholique John Fitzgerald Kennedy - être catholique est à un handicap aux yeux des WASP - ou de cet « homme de couleur » qu’est Barak Obama (dont on a utilisé le prénom pour faire croire qu’il est musulman !).

Bref, le sectarisme religieux (avec ici ses conséquences politiques) est aussi vivace à notre époque qu’au temps de Jésus ou de Moïse. L’épisode de Eldad et Médad prophétisants dans le désert sans faire partie des 70 « officiels » avait déjà manifesté que le sectarisme ronge Israël dès ses débuts, comme tout peuple. Heureusement, Moïse avait vertement tancé les jaloux qui voulaient se garder pour eux l’effusion de l’Esprit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! ».

Au passage, c’est bien la jalousie qui est à la racine du sectarisme, qu’il soit religieux, politique ou autre. Au lieu de se réjouir que Dieu se donne au-delà des frontières visibles d’Israël ou d’une Église chrétienne, la jalousie suscite le soupçon, le rejet, la fermeture d’esprit.

 

Le même sectarisme travaille le coeur de Jean – le magnifique, le si noble saint Jean l’évangéliste ! – : il veut empêcher ceux qui ne font pas partie de son groupe de pratiquer des exorcismes au nom de Jésus. Un peu comme si les catholiques voulaient dénier aux évangéliques le droit d’imposer les mains au nom du Christ, ou comme si des baptistes refusaient aux catholiques la vérité des baptêmes des petits-enfants… (ce qui hélas arrive trop souvent)

tranquille25 dans Communauté spirituelle

« Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous » : la règle énoncée par le Christ devrait régir les relations entre Églises chrétiennes. L’oecuménisme qui a porté le concile Vatican II est presque allé jusque-là. Au lieu de préconiser « la conversion des hérétiques » (les intégristes en sont toujours là), l’Église catholique reconnaît maintenant officiellement qu’il y a bien des germes de vérité et de sanctification dans les autres Églises. Elle prône non pas « un oecuménisme du retour », mais une « diversité réconciliée ». Les accords de Balamand  en 1993 l’engagent officiellement et irréversiblement sur cette voie.

10. Progressivement, l’action missionnaire tendit à inscrire parmi ses priorités l’effort de conversion des autres chrétiens, individuellement ou en groupe, pour les faire «retourner» à sa propre Église. Pour légitimer cette tendance, source de prosélytisme, l’Église catholique développa la vision théologique selon laquelle elle se présentait elle-même comme l’unique dépositaire de salut. Par réaction, l’Église orthodoxe, à son tour, en vint à épouser la même vision selon laquelle chez elle seule se trouvait le salut. Pour assurer le salut des «frères séparés», il arrivait même qu’on rebaptisât des chrétiens, et qu’on oubliât les exigences de la liberté religieuse des personnes et de leur acte de foi, perspective à laquelle l’époque était peu sensible. 

11. D’un autre côté, certaines autorités civiles ont fait des tentatives pour ramener des catholiques orientaux dans l’Église de leurs pères. À cette fin, elles n’hésitaient pas, si l’occasion s’en présentait, à utiliser des moyens inacceptables. 

12. À cause de la manière dont catholiques et orthodoxes se considèrent à nouveau dans leur rapport au mystère de l’Église et se redécouvrent comme Églises s?urs, cette forme «d’apostolat missionnaire», décrite ci-dessus, et qui a été appelée «uniatisme», ne peut plus être acceptée ni en tant que méthode à suivre, ni en tant que modèle de l’unité recherchée par nos l’Églises. 

13. En effet, surtout depuis les conférences pan-orthodoxes et le deuxième Concile du Vatican, la redécouverte et la remise en valeur tant par les orthodoxes que par les catholiques, de l’Église comme communion, ont changé radicalement les perspectives et donc les attitudes.

De part et d’autre, on reconnaît que ce que le Christ a confié à son Église ? profession de la foi apostolique, participation aux mêmes sacrements, surtout à l’unique sacerdoce célébrant l’unique sacrifice du Christ, succession apostolique des évêques ? ne peut être considéré comme la propriété exclusive d’une de nos Églises. Dans ce contexte, il est évident que tout re-baptême est exclu. 

14. C’est la raison pour laquelle l’Église catholique et l’Église orthodoxe se reconnaissent mutuellement comme Églises s?urs, responsables ensemble du maintien de l’Église de Dieu dans la fidélité au dessein divin, tout spécialement en ce qui concerne l’unité. Selon les paroles du Pape Jean-Paul II, l’effort ?cuménique des Églises s?urs d’Orient et d’Occident, fondé dans le dialogue et la prière, recherche une communion parfaite et totale qui ne soit ni absorption ni fusion, mais rencontre dans la vérité et l’amour (cf. Slavorum Apostolin. 27). 

Quelle est la différence entre les deux ?

Justement le sectarisme dénoncé par Jésus.

Au lieu de vouloir que les orthodoxes « retournent » dans le patriarcat romain (ce qui est une erreur historique, car Constantinople dès le début était la nouvelle Rome pour les byzantins), l’Église catholique romaine accepte que les orthodoxes aient leurs propres traditions, liturgies, disciplines ecclésiastiques (ordination d’hommes mariés par exemple) sans y voir une contradiction avec ses propres choix. L’important est d’accepter la diversité, en vérifiant ensemble que cette diversité peut être comprise par l’autre et ne dévalorise pas sa propre manière de croire.

Ça, c’est pour le sectarisme au sommet. Mais cette diable de jalousie se niche à tous les étages de notre vie.

Le sectarisme au travail, c’est l’attitude navrante de ceux pour qui seuls les titres, les diplômes, les réseaux ou les grades sont garants de la valeur de chacun.

Le sectarisme dans une association, c’est la volonté de garder ses prérogatives de petit chef (ex : c’est à moi de faire les comptes ou d’organiser ce voyage, pas à lui !), et la fierté débordante d’appartenir au meilleur groupe qui soit.

Le sectarisme dans un quartier, c’est l’arrogance des natifs ou des vieux habitants qui ont du mal à accepter l’arrivée et les suggestions des nouveaux.

Le sectarisme en famille, c’est un certain mépris ou indifférence pour les pièces rapportées (on préfère du coup dire : « valeurs ajoutées » dans ma famille…), et un manque d’humilité flagrant pour admettre les limites du clan familial.

On peut continuer la liste !

L’important est de se souvenir du diagnostic de Moïse : « Serais-tu jaloux pour moi ? » et de l’antidote de Jésus : « Ne l’empêchez pas (?) celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Le sectarisme s’enracine dans la jalousie et se guérit dans la louange.

schism_paul-athenagorasSavoir s’émerveiller de ce que les autres font, de ce que Dieu fait en eux ; admirer la générosité de Dieu qui n’est pas prisonnier des labels rouges, des marques déposées et autres appellations contrôlées : voilà une pauvreté en esprit qui se réjouit de la richesse de l’autre !

 

Au sommet des Églises, le pape Paul VI et le patriarche Athénagoras nous avaient déjà donné un signe éblouissant : la levée mutuelle des excommunications entre orthodoxes et catholiques en 1965, le baiser fraternel entre les deux ennemis d’hier, l’humble agenouillement de Paul VI devant Athénagoras, tout cela avait bouleversé le coeur de tous, et tracé le seul vrai chemin de réconciliation : la louange pour la richesse de l’autre, et non la jalousie du sectarisme.

 

Puissions nous en inspirer chaque fois que reviendra en nous la tentation de ce murmure scandalisé : « mais il n’est pas des nôtres celui-là ! »

 


[1]. Cf. « L’uniatisme, méthode d’union du passé, et la recherche actuelle de la pleine communion », Déclaration de Balamand (Liban), 23 Juin 1993,

http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/ch_orthodox_docs/rc_pc_chrstuni_doc_19930624_lebanon_fr.html

 

 

1ère lecture : L’Esprit de Dieu souffle où il veut (Nb 11, 25-29)
Lecture du livre des Nombres

Le Seigneur descendit dans la nuée pour s’entretenir avec Moïse. Il prit une part de l’esprit qui reposait sur celui-ci, et le mit sur les soixante-dix anciens du peuple. Dès que l’esprit reposa sur eux, ils se mirent à prophétiser, mais cela ne dura pas.

Or, deux hommes étaient restés dans le camp ; l’un s’appelait Eldad, et l’autre Médad. L’esprit reposa sur eux ; bien que n’étant pas venus à la tente de la Rencontre, ils comptaient parmi les anciens qui avaient été choisis, et c’est dans le camp qu’ils se mirent à prophétiser.
Un jeune homme courut annoncer à Moïse : « Eldad et Médad prophétisent dans le camp ! »
Josué, fils de Noun, serviteur de Moïse depuis sa jeunesse, prit la parole : « Moïse, mon maître, arrête-les ! »
Mais Moïse lui dit : « Serais-tu jaloux pour moi ? Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! »

Psaume : 18, 8, 10, 12-13, 14

R/ La loi du Seigneur est joie pour le c?ur.

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

La crainte qu’il inspire est pure, 
elle est là pour toujours ; 
les décisions du Seigneur sont justes 
et vraiment équitables.

Aussi ton serviteur en est illuminé ;
à les garder, il trouve son profit. 
Qui peut discerner ses erreurs ? 
Purifie-moi de celles qui m’échappent.

Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil : 
qu’il n’ait sur moi aucune emprise. 
Alors je serai sans reproche, 
pur d’un grand péché.

2ème lecture : Contre la richesse (Jc 5, 1-6)
Lecture de la lettre de saint Jacques

Écoutez-moi, vous, les gens riches ! Pleurez, lamentez-vous, car des malheurs vous attendent.
Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille vous accusera, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé de l’argent, alors que nous sommes dans les derniers temps !
Des travailleurs ont moissonné vos terres, et vous ne les avez pas payés ; leur salaire crie vengeance, et les revendications des moissonneurs sont arrivées aux oreilles du Seigneur de l’univers.
Vous avez recherché sur terre le plaisir et le luxe, et vous avez fait bombance pendant qu’on massacrait des gens.
Vous avez condamné le juste et vous l’avez tué, sans qu’il vous résiste.

Evangile : Contre le sectarisme et contre le scandale (Mc 9, 38-43.45.47-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Ta parole, Seigneur, est vérité : dans cette vérité, consacre-nous. Alléluia. (cf. Jn 17, 17)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit : « Ne l’empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Et celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.
Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer.
Et si ta main t’entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied t’entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d’être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne.
Si ton ?il t’entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne,
là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas. »
Patrick Braud

15 septembre 2012

Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

 

Homélie du 24° dimanche ordinaire / année B

16/09/2012

 

La foi où les oeuvres ?

Qu’est-ce qui est le plus important : croire, ou faire des choses bien ?

Sommes-nous sauvés en adhérant au Christ ou en faisant ce qu’il dit ?

Cette dialectique de la foi et des oeuvres est au coeur de la lettre de saint Jacques : « celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Cette question a provoqué le déchirement de l’Europe au XVI° siècle, car c’est sur ce débat – qui a passionné les foules – que Luther et les réformateurs ont engagé un bras de fer avec Rome.

Leur raisonnement, toujours actuel, est très cohérent. Résumons-le : le salut est gratuit. Nul ne peut prétendre mériter l’amour offert par Dieu en Jésus-Christ. Prétendre que c’est grâce à nos bonnes actions que nous sommes dignes du salut serait contredire la gratuité absolue de l’amour divin.

Le raisonnement des catholiques n’est pas moins cohérent. En suivant saint Jacques, ils insistent sur la nécessaire coopération de l’homme au salut offert : la foi est morte si elle ne produit pas des oeuvres bonnes, et il est donc légitime de chercher à traduire en actes le désir d’être sauvé. Dieu ne veut pas sauver l’homme malgré lui, sans l’associer à cette transformation.

Les oppositions entre catholiques et protestants découlent de cette dispute centrale.

- Si la gratuité est absolue, alors l’homme n’y est pour rien, et ce serait folie que de compter sur ses bonnes oeuvres, sur l’intercession des saints ou sur le ministère des prêtres pour s’assurer du salut.

- Si la liberté de l’homme est réelle, alors il peut collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui : Marie en est la preuve en personne, ainsi que la communion des saints les sacrements reçus activement, et les mérites de chacun.

 

On a peine à imaginer aujourd’hui que des familles ont éclaté à cause de ces questions théologiques, que des pays ont expulsé une partie des leurs, que l’Église d’Occident a donné naissance à une multitude de confessions plus ou moins étrangères les unes aux autres, tantôt violemment opposées, tantôt juxtaposées dans l’indifférence mutuelle…

Alors : croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ?

L’Europe du Nord a choisi la première réponse. L’Europe du Sud s’est plutôt ralliée à la deuxième. Après des milliers de morts, des exils, des persécutions de chaque camp sur l’autre, on a vaguement trouvé  au XV° siècle un principe pacificateur : cujus regio, ejus religio. Chacun devait adopter la religion de sa région : en Bavière on était catholique, en Saxe protestant. Mais ce n’était qu’un pis-aller.

Il faut saluer l’énorme travail de dialogue et de réconciliation accompli par nos Églises depuis plus d’un siècle. Comme la déchirure était d’abord théologique, il fallait commencer par résoudre le dilemme proprement théologique qui a provoqué ces fractures. Croire ou agir ? La foi ou les oeuvres ? dans Communauté spirituelle doctrine-justifCela a été formellement accompli lors de la publication commune du document sur la justification par la foi 1 en 1999 par les Églises catholique et luthériennes, puis signé également par les Églises méthodistes. C’est finalement la position équilibrée de Saint-Jacques qui est la clé de cette réconciliation : oui le salut est gratuit, oui l’homme y est associé et doit collaborer à l’oeuvre de Dieu en lui et autour de lui.

« Nous confessons ensemble que la personne humaine est, pour son salut, entièrement dépendante de la grâce salvatrice de Dieu. »

« Lorsque les catholiques affirment que, lors de la préparation en vue de la justification et de son acceptation, la personne humaine ?coopère? par son approbation à l’agir justifiant de Dieu, ils considèrent une telle approbation personnelle comme étant une action de la grâce et non pas le résultat d’une action dont la personne humaine serait capable. »

La levée des excommunications mutuelles du XVIe siècle qui a eu lieu dans la foulée de la publication de ce document est un événement majeur pour nos sociétés européennes, et pour tous celles vers qui elles ont exporté leurs divisions (Afrique, Amérique latine notamment).

Croire ou agir ? La foi où les oeuvres ?

Que retenir de ce long conflit à notre échelle individuelle ?

Pouvons-nous par exemple réfléchir à l’interaction entre la foi et les oeuvres dans notre vie ?

Croire et agir font système. Cela a des conséquences pour chacun de nous.

- Croire sans agir pousse à se réfugier dans le culte, la prière « magique », le repli identitaire dans de petits groupes fortement marqués. C’est une tentation proche du traditionalisme.

- Agir sans croire pousse à se perdre dans le militantisme (politique, humanitaire, ecclésial…) sans autre horizon que l’efficacité. C’est une tentation activiste très populaire. La plupart des non-pratiquants s’appuient sur ce genre de raisonnement pour justifier leur absence à l’Église : faire du bien autour de soi vaut mieux que la participation à une assemblée. Position presque trop « catholique » dans la mesure où elle survalorise l’action au détriment de la foi, l’éthique au détriment de la métaphysique.

Or croire et agir font système.

Croire pour agir, agir pour croire…

Même dans la vie professionnelle, on retrouve cette dialectique et les dérives de ceux qui en absolutisent un des termes.

- Certains sont si attachés aux résultats que seule l’action compte ; peu importe la vision de l’homme, et d’ailleurs ils n’ont ni le temps ni l’intérêt pour se poser des questions sur le sens de leur travail.

- D’autres seront à l’inverse d’éternels penseurs, volontiers critiques sur l’action des autres, mais ne descendant jamais dans l’arène.

Mettre en oeuvre des stratégies industrielles ou commerciales demande de rendre compte des finalités poursuivies, des valeurs auxquelles on croit, d’une certaine vision de l’homme qui anime cette action.

Et symétriquement, avoir des convictions et des valeurs oblige à prendre des risques pour les incarner dans des décisions professionnelles.

 

Le vieux débat entre la foi et les oeuvres ne devrait-il pas finalement rester vivant en chacun de nous ? Sans lui donner de solution stable et définitive, le questionnement issu de saint Jacques aurait le mérite : – si nous l’alimentons sans cesse – de nous maintenir dans une dynamique de conversion permanente.

 

Nul n’est si croyant qu’il puisse se passer d’agir.

Nul n’est si efficace qu’il puisse se passer de croire.

_________________________________________________________

1. La Doctrine de la justification, Déclaration commune de la Fédération luthérienne mondiale et de l’Église catholique romaine, Cerf, Paris, 1999.

1ère lecture : Prophétie du Serviteur souffrant (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre d’Isaïe

Parole du Serviteur de Dieu : Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé.
J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.
Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.
Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu’un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu’il s’avance !
Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ?

Psaume : 114, 1-2, 3ac-4, 5-6, 8ac-9

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur : 
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié, 
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits : 
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur 
sur la terre des vivants.

2ème lecture : Pas de vraie foi sans les actes (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, alors qu’il n’agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ?
Supposons que l’un de nos frères ou l’une de nos s?urs n’aient pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ?
Ainsi donc, celui qui n’agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n’agit pas ; moi, c’est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Evangile : Confession de foi de saint Pierre et première annonce de la Passion (Mc 8, 27-35)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre seule fierté, c’est la croix du Seigneur ! En lui, le monde est crucifié à nos yeux, et nous, aux yeux du monde. Alléluia. (cf. Ga 6, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus s’en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? »
Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. »
Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne.
Et, pour la première fois, il leur enseigna qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Évangile la sauvera. »
Patrick Braud

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