L'homélie du dimanche (prochain)

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14 juillet 2024

Droit dans le mur !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Droit dans le mur !

 

Homélie pour le 16° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

21/07/24

 

Cf. également :

Les écarts de Jésus et les nôtres
Il a détruit le mur de la haine
Medium is message
Du bon usage des leaders et du leadership
Des brebis, un berger, un loup
Le berger et la porte
La différence entre martyr et kamikaze ou djihadiste
Un manager nommé Jésus
Le Passe-murailles de Pâques


La faillite du mur de Gaza

Sur un tracé de 708 km, environ 500 km de murs ont été réalisés Il s’agit à 95 % d’une haute clôture, mais dans les endroits urbains, comme ici à Bethléem, le mur est en béton et atteint 9 m de haut.C’est un peu la ligne Maginot des Israéliens : le « mur de fer » séparant la bande de Gaza d’Israël était censé protégé les colons juifs des commandos du Hamas. Mais le 7 octobre 2023 au matin, des milliers de roquettes enfoncèrent le poste-frontière d’Eretz, y ouvrant une brèche énorme, des dizaines d’ULM de combattants volèrent par-dessus des 8 m de métal, un bulldozer ouvrit un passage à travers l’immense grillage fortifié prolongeant le mur de Gaza…

Stupéfaits, les Israéliens découvraient que ce mur si coûteux (plus d’un milliard de dollars), si technologique (bardé de capteurs, radars, surveillance vidéo etc.), fièrement construit depuis 2002 (à cause de l’intifada) pour garantir leur sécurité était en réalité un leurre…

La faillite de ce système sécuritaire est totale. Le mur n’a pas empêché les 1200 victimes et 252 otages juifs du Hamas. Que deviendra-t-il après la guerre actuelle en riposte à ce pogrom ? Peut-être Israël devait-il méditer sur la 2e lecture de ce dimanche :

« Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père » (Ep 2,13-18).

Paul sait bien qu’il y a un mur invisible séparant les juifs des non-juifs : les habits, la cuisine, les prescriptions juridiques, les rites, la circoncision, le shabbat, les papillotes, les  tsitsits etc. : tout sépare les uns des autres, tout nourrit la haine réciproque. On mesure mal aujourd’hui la révolution apportée par le christianisme, qui abolit ces différences en n’imposant plus ni la circoncision ni l’incirconcision, ni la cashrout, ni la kippa, ni tout le reste ! Mais il suffit d’appliquer le texte de Paul aux relations actuelles entre juifs et palestiniens pour réaliser le renversement inouï opéré en Christ : « en sa personne, il a tué la haine » (Ep 2,16) qui séparait les deux. Il a détruit le mur qui divisait la Terre sainte. Car « le Seigneur ne fait pas de différence entre les hommes » (Ac 10,34 ; 15,9), là où pourtant eux sacralisent ces différences au point de les ériger en murs infranchissables.

 

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, on croyait que cette époque d’enfermement des peuples était révolue. C’était oublier que l’humanité ne cesse d’ériger des murs tout au long de son histoire.

- Muraille de Chine

Le plus vieux est sans doute la Grande Muraille de Chine : plus de 6000 km de protection contre les invasions mongoles et autres, construit depuis le III° siècle et sans cesse reconstruit.

N’oublions pas les autres murailles hélas célèbres :

– Mur de Corée

238 km de murs dans la zone démilitarisée entre Corée du Nord et Corée du Sud (le film « Meurs un autre jour » s’ouvre sur une séquence spectaculaire où James Bond traverse cette zone en hovercraft !).

– Mur des sables

2700 km, 3 m de hauteur : ce mur construit par le Maroc dans les années 50 traverse le Sahara occidental pour protéger le pays des incursions du Front Polisario.

– Mur Inde–Bangladesh

3200 km de fil de fer barbelé : l’Inde a construit cette séparation entre les deux pays jusqu’en 2013, pour stopper les immigrations clandestines bangladaises.

- « Bouclier Est »
La Pologne va construire une ligne de fortification militarisée de 700 km de long en frontière de la Biélorussie et de Kaliningrad.

- Sans oublier les « Peace Walls » qui en Irlande séparent encore certains quartiers catholiques et protestants depuis 1970. Ni la « Ligne verte » (mur surveillé par la Force des Nations Unies) qui coupe l’île de Chypre en deux entre Turcs et Grecs.

- Ni le fameux mur USA–Mexique dont Donald Trump avait fait le symbole de sa détermination anti immigrationniste.

On le voit, l’humanité ne cesse d’ériger des murs depuis 1989 (plus de 70 autour du globe, sur 41 000 km, soit le tour de la Terre !). Sous couvert de préoccupations légitimes : terrorisme, immigration massive, trafics illégaux, insécurité, ils s’exposent au tard à la faillite de celui de Gaza. Et ils tombent sous la condamnation de Paul : Christ est venu détruire les murs de séparation entre les peuples, il est venu pour la communion et non la partition.

Comment puis-je contribuer à démasquer l’idéologie des murs de haine ?


Le mur du séparatisme

L'Archipel français: Naissance dune nation multiple et diviséeNous pourrions en France nous croire loin de ces dangers. Pourtant, le mur de Calais sépare la jungle des migrants de l’agglomération de Calais. Et la séparation dont parlait Paul est parfois dans les têtes plus que dans les parpaings, dans les cœurs plus que dans les barbelés. L’archipélisation de la France décrite par Jérôme Fouquet nous dessine en effet un paysage morcelé. Des groupes ethniques se rassemblent pour vivre entre eux dans certains quartiers ; des modes de vie s’imposent ici, incompatibles avec ceux qui sont pratiqués là. Moins de mariages mixtes, peu de liberté de changer de religion, police des mœurs, repli sur une langue étrangère… : des îlots se forment, afghans, marocains, algériens, turcs, comme autrefois polonais, italiens, portugais, mais plus radicaux, et portés  par des schémas culturels incompatibles. La perspective n’est plus le fameux « vivre ensemble », mais plutôt vivre séparés : chacun selon ses coutumes, ses langues, ses habits, sa cuisine, son quartier, son droit coutumier etc.


Bref : le séparatisme progresse à pas de géant. Le modèle anglo-saxon en faisait autrefois un éloge très idéologique, accusant la laïcité française de ne rien comprendre au mélange des peuples. Il semblerait que les Britanniques en reviennent, comme les Suédois, les Danois, les Norvégiens, tous pays où la montée des partis nationalistes inquiète mais révèle en creux la faillite du multiculturalisme.


Dans tous ces pays, pourquoi les chrétiens ne font-ils pas valoir davantage leur vision paulinienne de la société ? Pour Paul, prêcher le Christ c’est refuser tout séparatisme, qu’il soit juif ou païen. Abolir la circoncision, manger des viandes consacrées aux idoles, s’affranchir du shabbat, s’asseoir à la même table que les païens, laisser libre et ne rien imposer sinon le respect de l’autre : les premiers chrétiens ont appris à cohabiter – non sans tensions – entre hébreux, grecs, romains, esclaves et hommes libres, hommes et femmes…

Retrouvons cette capacité d’innovation sociale pour aujourd’hui ! Inventons des manières d’être où chacun peut exprimer le génie propre de sa culture d’origine tout en se mélangeant réellement aux autres.

Refusons le séparatisme qui fait mentir la croix du Christ, lui qui est « mort afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11,52). Nous voulons la communion et non la séparation, la communion et non la créolisation (qui n’est jamais que la domination du nombre), la communion et non le mode de vie unique.

Comment puis-je contribuer à faire reculer le séparatisme autour de moi ?

 

Notre mur intérieur

clivage du moiDétruire le mur qui sépare juifs et nations, chrétiens et musulmans, israéliens et palestiniens, hindous et bangladais etc. : la division à l’extérieur ne doit pas nous faire perdre de vue la division à l’intérieur. Car le mur de la division passe au-dedans de nous. Ce que les psychologues appellent le clivage du moi est un défi commun à tous.
Qui ne s’affronte pas en effet à ce clivage intime où, comme le dit Paul encore, « je fais le mal que je ne voudrais pas et je ne fais pas le bien que je voudrais » (Rm 7,19) ? Au-dedans de notre esprit, de notre conscience, intelligence et volonté, s’affrontent des pulsions antagonistes, des projets contradictoires. Il y a en chacun des forces opposées le déchirant intérieurement. Surmonter ce clivage intime pour devenir davantage Un est la voie spirituelle ouverte par le Christ et en lui. Lui-même s’est battu à Gethsémani pour ne faire qu’un avec la volonté de son Père. Lui-même a dû accepter de surmonter sa répulsion juive envers la femme cananéenne, les lépreux embarrassants, la femme hémorroïsse, les impurs et les exclus de l’Israël d’alors. Et le possédé de Gérasa avoue lui-même être clivé au point d’utiliser le pluriel en parlant de lui, symptôme diabolique d’une personnalité profondément désunie : « que nous veux-tu Jésus de Nazareth ? Je sais fort bien qui tu es… » (Lc 4,34).

N’oublions pas que diabolos (diable) signifie diviseur en grec, exactement à l’opposé du synbolon (symbole) = rassembler, réunir, mettre ensemble.

Le clivage est diabolique ; l’unification est intérieure et divine.


Unifier sa conscience intérieure, unifier sa personne et ses actes, unifier son intelligence, sa volonté et ses sentiments : la vocation chrétienne est d’abord de vivre la communion trinitaire offerte en Christ, en devenant toujours plus cohérent avec soi-même, à la manière de Dieu.

Les incohérents finissent dans la folie. Incohérente, la lumière se dissipe, se disperse ; cohérente, elle a la puissance du faisceau laser capable de toucher les étoiles et sa précision pour toucher l’infiniment petit.

Dans quel domaine puis-je travailler à éliminer mes clivages intérieurs ?

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je ramènerai le reste de mes brebis, je susciterai pour elles des pasteurs » (Jr 23, 1-6)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Quel malheur pour vous, pasteurs ! Vous laissez périr et vous dispersez les brebis de mon pâturage – oracle du Seigneur ! C’est pourquoi, ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël, contre les pasteurs qui conduisent mon peuple : Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. Eh bien ! Je vais m’occuper de vous, à cause de la malice de vos actes – oracle du Seigneur. Puis, je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées. Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue – oracle du Seigneur.
Voici venir des jours – oracle du Seigneur, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, et Israël habitera en sécurité. Voici le nom qu’on lui donnera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »
 
PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ Le Seigneur est mon berger : rien ne saurait me manquer. (cf. Ps 22, 1)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.


Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.


Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi :
ton bâton me guide et me rassure.


Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.


Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

 
DEUXIÈME LECTURE
« Le Christ est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité » (Ep 2, 13-18)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Frères, maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, le Juif et le païen, il a fait une seule réalité ; par sa chair crucifiée, il a détruit ce qui les séparait, le mur de la haine ; il a supprimé les prescriptions juridiques de la loi de Moïse. Ainsi, à partir des deux, le Juif et le païen, il a voulu créer en lui un seul Homme nouveau en faisant la paix, et réconcilier avec Dieu les uns et les autres en un seul corps par le moyen de la croix ; en sa personne, il a tué la haine. Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix, la paix pour vous qui étiez loin, la paix pour ceux qui étaient proches. Par lui, en effet, les uns et les autres, nous avons, dans un seul Esprit, accès auprès du Père.
 
ÉVANGILE
« Ils étaient comme des brebis sans berger » (Mc 6, 30-34)
Alléluia. Alléluia. Mes brebis écoutent ma voix, dit le Seigneur ; moi, je les connais, et elles me suivent. Alléluia. (Jn 10, 27)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, après leur première mission, les Apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. Il leur dit : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux, et l’on n’avait même pas le temps de manger. Alors, ils partirent en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les gens les virent s’éloigner, et beaucoup comprirent leur intention. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
.Patrick Braud

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9 juin 2024

Dieu comble son bien-aimé quand il dort

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Dieu comble son bien-aimé quand il dort

 

Homélie pour le 11° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

16/06/24

 

Cf. également :

La croissance illucide
Un Royaume colibri, papillon, small, not big
Le management du non-agir
L’ « effet papillon » de la foi
Le petit reste d’Israël, ou l’art d’être minoritaires
Le pourquoi et le comment
Le semeur de paraboles
Foi de moutarde !
Maintenant, je commence


Dors là-dessus…

Dieu comble son bien-aimé quand il dort dans Communauté spirituelle vue-dessus-femme-souriante-se-detendre-dormir-canape-maison_225067-100Avez-vous déjà fait cette expérience ? Au lycée ou en prépa, lorsqu’un exercice de maths bien difficile m’avait torturé de longues heures sans que j’arrive à le résoudre, je le laissais volontairement de côté pour le lendemain. Mais, avant de m’endormir, j’orientais ma pensée et mon imagination vers ses symboles, ses courbes, ses équations. Le lendemain matin, comme par magie, tout s’était dénoué, et je pouvais avant mon petit déjeuner coucher sur ma copie la solution au problème d’un seul trait, devenue évidente entre-temps.

La nuit porte conseil, dit à raison la sagesse populaire. Que ce soit pour un problème de maths, une décision importante ou un choix crucial, mieux vaut ne pas agir trop vite et laisser la difficulté décanter durant la nuit.

 

Jésus avait peut-être lui aussi résolu ses problèmes de maths du lycée de Nazareth en dormant sur sa copie… En tout cas, il avait observé la croissance des plantes et des végétaux dans les champs et combien l’agriculteur y était pour peu de choses :

« Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé” » (Mc 4,26-29).

 

Il semblerait donc qu’être un gros dormeur soit un avantage spirituel conséquent…

L’énergie vitale de la plante / du royaume de Dieu se déploie d’elle-même, que nous y collaborions ou pas. Et en plus, elle nous échappe, non maîtrisable : « il ne sait pas comment ».

Le sommeil est le lieu emblématique où il devient manifeste que cela ne vient pas de nous, mais de Dieu. « En vain tu devances le jour, tu retardes le moment de ton repos, tu manges un pain de douleur : Dieu comble son bien-aimé quand il dort » (Ps 127,2)

Le riche compte sa puissance, ses forces, son argent, et en conséquence dort mal. Le pauvre fait confiance car il compte sur Dieu. « Le travailleur dormira en paix, qu’il ait peu ou beaucoup à manger, alors que, rassasié, le riche ne parvient pas à dormir » (Qo 5,11).

 

14-565337 Eckhart dans Communauté spirituelle

L’échelle du songe de Jacob

On n’en finirait pas d’égrener les sommeils bibliques où quelque chose de du royaume de Dieu s’est joué, à notre insu, sans que nous y soyons pour grand-chose.

 

Péguy devait être lui aussi un gros dormeur, car il fait l’éloge du sommeil dans « Le Porche de la deuxième vertu » :

Celui qui a le cœur pur, dort. Et celui qui dort a le cœur pur.
C’est le grand secret d’être infatigable comme un enfant.
D’avoir comme un enfant cette force dans les jarrets.
Ces jarrets neufs, ces âmes neuves
Et de recommencer tous les matins, toujours neuf,
Comme la jeune, comme la neuve Espérance. 

Or on me dit qu’il y a des hommes
Qui travaillent bien et qui dorment mal.
Qui ne dorment pas. Quel manque de confiance en moi ! […]

Je ne parle pas, dit Dieu, de ces hommes
Qui ne travaillent pas et qui ne dorment pas. 

Ceux-là sont des pécheurs, c’est entendu. C’est bien fait pour eux. Des grands pécheurs. Ils n’ont qu’à travailler.

Je parle de ceux qui travaillent et qui ne dorment pas.
Je les plains. Je parle de ceux qui travaillent, et qui ainsi
En ceci suivent mon commandement, les pauvres enfants. 

Et qui d’autre part n’ont pas le courage, n’ont pas la confiance, ne dorment pas.

Je les plains. Je leur en veux. Un peu. Ils ne me font pas confiance.

Comme l’enfant se couche innocent dans les bras de sa mère ainsi ils ne se couchent point,

Innocents, dans les bras de ma Providence. 

Ils ont le courage de travailler. Ils n’ont pas le courage de ne rien faire.

 

Ne pas dormir signifie alors se crisper sur sa seule action, croire que tout dépend de soi, et faire obstacle au travail de Dieu en voulant se substituer à lui ! Laisser Dieu agir n’implique pas de se tourner les pouces, mais de collaborer sans entraver, d’accompagner sans tout vouloir contrôler, de faire confiance sans tout planifier.

 

Le non-agir de Maître Eckhart

granumPlaca non-agirLes saints et les mystiques comprennent cela mieux que les savants, car ils se laissent guider au lieu de construire selon leur plan. Maître Eckhart au XIV° siècle a engagé la mystique rhénane dans cette quête incandescente du non-agir spirituel, à la fine pointe de la convergence avec d’autres traditions mystiques non chrétiennes : taoïstes, soufies ou bouddhistes notamment.

Maître Eckhart a entendu l’appel du Christ à laisser croître le royaume de Dieu comme un détachement radical de ses propres œuvres.

À l’image de Marie qui engendre le Verbe de Dieu en elle en laissant faire l’Esprit, chaque chrétien est appelé à engendrer le Christ en lui en se laissant façonner par Dieu dans la vie spirituelle. Il ne s’agit plus alors d’agir par soi-même (avec orgueil), ni même d’agir pour Dieu (ce qui est encore se substituer à lui), mais de laisser Dieu agir en soi et à travers soi.

« Dieu n’est en rien de rien tenu par leurs œuvres et leurs dons, à moins que de bon gré il ne veuille le faire de par sa grâce et non en raison de leurs œuvres ni en raison de leur don, car ils ne donnent rien qui soit leur et n’opèrent pas non plus à partir d’eux-mêmes, ainsi que dit Christ lui-même : ‘Sans moi vous ne pouvez rien faire’.

(…) C’est ainsi que devrait se tenir l’homme qui voudrait se trouver réceptif à la vérité suprême et vivant là sans avant et sans après et sans être entravé par toutes les œuvres et toutes les images dont il eut jamais connaissance, dépris et libre, recevant à nouveau dans ce maintenant le don divin et l’engendrant en retour sans obstacle dans cette même lumière avec une louange de gratitude en Notre Seigneur Jésus Christ (Maître Eckhart, Sermon n°1).

Le baptisé devient alors un authentique homme d’action, mais d’une action qu’il ne veut pas en propre, qui lui est donnée d’accomplir sans la rechercher particulièrement. Dieu agit en lui sans qu’il ait à se forcer pour accomplir l’œuvre de Dieu.

« Ce point est la montagne
à gravir sans agir (…)
la voie te conduit
au Désert admirable (…) ».

Maître Eckhart, Granum Sinapis

 

La procrastination structurée

procrastinate+now+and+panic+later PéguyProcrastiner, c’est remettre à demain (en latin : pro = pour / cras = demain). Contrairement à l’adage : ‘ne remet pas au lendemain ce que tu peux faire aujourd’hui’, le procrastinateur va s’ingénier à reporter à demain le plus possible de tâches ingrates, difficiles, auxquelles il n’est pas prêt, pour n’exécuter aujourd’hui que ce qu’il doit ou peut réellement faire. Dans la vie professionnelle par exemple, c’est fou le nombre de mails auxquels il est urgent de ne pas répondre ! On en reçoit des centaines par jour dans sa boîte mail, dont la plupart sont en copie (les fameux cc : copie carbone, ou cci : copie carbone cachée). Or 80 % d’entre eux se résolvent d’eux-mêmes, tout seuls, dans les 48 heures, car d’autres y répondent, ou le problème a disparu, ou ce n’est pas si pressé etc.

Il est urgent de ne pas répondre ! Dormir sur ses mails est une version sécularisée du sommeil du cultivateur de l’Évangile : ne pas croire ni vouloir tout faire tout seul tout de suite ; mais laisser Dieu agir, laisser le temps faire son œuvre à travers nous, sans le commander.

 

Carafe à décanterPrenez une belle et bonne vieille bouteille de vin enveloppée d’une poussière vénérable, datant de quelques décennies. Si vous prévoyez de la servir à vos invités ce soir, mieux vaut la déboucher à l’avance, la vider dans une carafe et la laisser ainsi décanter à l’air libre quelques heures avant le repas. L’avantage sera double : l’oxydation au contact de l’air aura redonné au vin sa vigueur, sa profondeur, et la pesanteur aura précipité les inévitables déchets au fond de la carafe, purifiant ainsi le nectar décanté. Est-ce vraiment vous qui aurez décanté le vin ? Ou bien – au mieux – l’avez-vous favorisé ?

La plante grandit par elle-même, la pesanteur décante le vin d’elle-même, le royaume de Dieu grandit par sa seule force.

Ceux qui accompagnent des catéchumènes adultes vers le baptême en font le constat joyeux : ils n’y sont pour rien, mais ils sont les témoins émerveillés de la croissance de la vie spirituelle en l’autre. Ils n’ont même pas semé, et ils vont moissonner ! Ils dormaient quand les catéchumènes s’éveillaient à l’Évangile, mais ils posent désormais la main sur leur épaule au moment de la confirmation.

 

Voilà pourquoi « Dieu comble son bien-aimé quand il dort » ! Car, renonçant alors à tout diriger et contrôler, le dormeur s’abandonne aux forces plus grandes que lui qui régissent le cycle de l’univers. Le croyant s’abandonne à l’Esprit de Dieu qui renouvelle la face de la terre, jour et nuit, que je travaille ou que je me repose. Ne pas tout faire tout de suite relève de la sagesse spirituelle du cultivateur de l’Évangile, et se traduit en pratique par une procrastination structurée. Structurée, car sinon c’est de la paresse, de la démission, de l’irresponsabilité. Structurée, c’est-à-dire hiérarchisant la pile des priorités et des affaires à traiter en classant au plus bas ce qui peut attendre, ce que je ne sais pas ni ne peux faire à l’heure actuelle, ce qui n’est pas si urgent etc. Alors émerge en haut de la pile ce qui convient à mon labeur de ce jour (mais qui était en bas de la pile quelques jours avant !). Bon nombre de ces post-it ainsi savamment empilés, avec intelligence et discernement, se détruiront d’eux-mêmes dans les jours qui viennent. Les autres sont alors mûrs pour être traités (ou non !).

 

Nous serions fous de nous épuiser à croire que tout dépend de nous tout de suite, alors que Dieu comble son bien-aimé quand il dort !

La croissance illucide du royaume de Dieu est d’abord en nous : « On ne dira pas : “Voilà, il est ici !” ou bien : “Il est là !” En effet, voici que le règne de Dieu est au milieu de vous” » (Lc 17,21). L’espérance jaillit là où ne nous ne l’attendions pas, le renouveau nous surprend en fleurissant où il veut quand il veut… Et cela ne dépend pas de nous. Et nous ne savons pas comment cela se fait. Et cette docte ignorance est bienheureuse, car elle respecte l’énergie vitale de l’Esprit de Dieu à l’œuvre en nous.

La croissance illucide du royaume de Dieu vaut également pour notre monde, travaillé par des germes de résurrection là où nous ne l’aurions pas imaginé. À contre-courant des flux d’information en continu de nos médias, le regard chrétien espère toujours discerner la grâce des commencements à l’œuvre en ce monde. La « Lettre aux catholiques de France » de 1996 nous invitait à pratiquer « une lecture pascale des événements », c’est-à-dire à discerner ce qui naît de ce qui meurt, ce qui grandit du royaume de Dieu autour de nous et en nous, en refusant de nous laisser fasciner par le fracas des effondrements inévitables.

 sommeil« La crise que traverse l’Église aujourd’hui est due, dans une large mesure, à la répercussion, dans l’Église elle-même et dans la vie de ses membres, d’un ensemble de mutations sociales et culturelles rapides, profondes et qui ont une dimension mondiale.

Nous sommes en train de changer de monde et de société. Un monde s’efface et un autre est en train d’émerger, sans qu’existe aucun modèle préétabli pour sa construction. Des équilibres anciens sont en train de disparaître, et les équilibres nouveaux ont du mal à se constituer. Or, par toute son histoire, spécialement en Europe, l’Église se trouve assez profondément solidaire des équilibres anciens et de la figure du monde qui s’efface. Non seulement elle y était bien insérée, mais elle avait largement contribué à sa constitution, tandis que la figure du monde qu’il s’agit de construire nous échappe ».

La Lettre continue en invitant les catholiques à pratiquer une « lecture pascale » des évènements, c’est-à-dire à percevoir l’annonce de la Résurrection à travers les effondrements actuels (ce qui rappelle la « destruction créatrice » chère à Schumpeter) :

« Nous devons apprendre à pratiquer davantage cette lecture pascale de tous les évènements de notre existence et de notre histoire. Si nous ouvrons les Écritures, comme Jésus le fait avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,27), c’est pour comprendre comment dans les souffrances du temps présent se prépare la gloire qui doit se révéler un jour ».

 

C’est vrai que beaucoup d’indicateurs sont au rouge pour l’Église en France : à peine 6 % de pratiquants, un taux de catéchisation en chute libre, moins de 100 ordinations sacerdotales par an, des finances en péril etc… On peut (et on doit) allonger cette liste des signes du déclin : ce n’est pas en niant la chute qu’on la conjure. Ce n’est pas en se bouchant les oreilles devant le fracas de ce qui s’écroule qu’on va entendre ce qui naît. Ce n’est pas par des discours lénifiants et moralisants qu’on va éviter l’effondrement de ce qui doit mourir. Rien ne sert non plus rejeter la faute à la société environnante : ce serait se mettre hors-jeu du renouvellement contenu en germe dans l’effondrement actuel.

Mieux vaut courageusement prendre acte de ce qui meurt, et se rendre disponible pour ce qui naît. « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, suis-moi » (Lc 9,60).

Mieux vaut scruter attentivement la flore environnante pour y reconnaître les jeunes pousses pleines de promesses, les tendres branches du figuier à côté des tiges desséchées. Les 7000 baptêmes d’adultes en France en 2023 sont à cet égard une heureuse surprise qui devrait nous convertir à ce type de « lecture pascale »…

Des petites choses éclosent ; des signaux faibles clignotent enfin ; des nuages gros comme le poing montent à l’horizon (1R 18,44), annonciateurs de pluie prochaine ; des renouveaux côtoient les ruines ; des moissons se préparent en secret et en silence…

 

Péguy nous appelle à porter ce regard d’espérance sur nous-même et sur le monde.

Jésus nous invite à faire confiance à la puissance intrinsèque du royaume de Dieu en croissance.

Maître Eckhart nous indique la voie paradoxale du non-agir pour collaborer à cette croissance qui nous est donnée sans mérite aucun de notre part.

Alors, dans chacune de nos actions, abandonnons-nous avec confiance aux forces spirituelles sans cesse à l’œuvre : Dieu comble son bien-aimé quand il dort

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Je relève l’arbre renversé » (Ez 17, 22-24)

Lecture du livre du prophète Ézékiel

Ainsi parle le Seigneur Dieu : « À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront. Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur : je renverse l’arbre élevé et relève l’arbre renversé, je fais sécher l’arbre vert et reverdir l’arbre sec. Je suis le Seigneur, j’ai parlé, et je le ferai. »


PSAUME
(91 (92), 2-3, 13-14, 15-16)

R/ Il est bon, Seigneur, de te rendre grâce ! (cf. 91, 2a)

Qu’il est bon de rendre grâce au Seigneur,
de chanter pour ton nom, Dieu Très-Haut,
d’annoncer dès le matin ton amour,
ta fidélité, au long des nuits.

Le juste grandira comme un palmier,
il poussera comme un cèdre du Liban ;
planté dans les parvis du Seigneur,
il grandira dans la maison de notre Dieu.

Vieillissant, il fructifie encore,
il garde sa sève et sa verdeur
pour annoncer : « Le Seigneur est droit !
Pas de ruse en Dieu, mon rocher ! »
 
DEUXIÈME LECTURE
« Que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur » (2 Co 5, 6-10)


Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous gardons toujours confiance, tout en sachant que nous demeurons loin du Seigneur, tant que nous demeurons dans ce corps ; en effet, nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision. Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur. Mais de toute manière, que nous demeurions dans ce corps ou en dehors, notre ambition, c’est de plaire au Seigneur. Car il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps.

 
ÉVANGILE
« C’est la plus petite de toutes les semences, mais quand elle grandit, elle dépasse toutes les plantes potagères » (Mc 4, 26-34)

Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ;le semeur est le Christ ;celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, parlant à la foule, Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. »

Il disait encore : « À quoi allons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole pouvons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. Mais quand on l’a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. »
Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. Il ne leur disait rien sans parabole, mais il expliquait tout à ses disciples en particulier.
Patrick Braud

 

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19 mai 2024

Trinité : le triangle amoureux

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Trinité : le triangle amoureux

 

Homélie pour la fête de la Trinité / Année B 

26/05/24

 

Cf. également :

Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?
La structure trinitaire de l’eucharistie
La Trinité est notre programme social
Trinité économique, Trinité immanente
Les trois vertus trinitaires
Vivre de la Trinité en nous
La Trinité, icône de notre humanité
L’Esprit, vérité graduelle
Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

 

Dieu triangle

Les superstitionsPourquoi tant de gens ont-ils peur de passer sous une échelle ? Pourquoi est-ce la même forme géométrique qui signale sur les panneaux de la route un danger, une sortie d’école, un chantier, un risque de chute de pierres, une sortie fréquente de camions ou de sangliers… ?

Plusieurs explications sont avancées par les spécialistes [1]. La plus fréquente fait référence à la Trinité, symbolisée par un triangle. Passer sous une échelle c’est entrer à l’intérieur du triangle divin, ce qui résonnait au Moyen Âge comme une profanation, susceptible d’attirer le malheur sur celui qui oserait s’y risquer. Passer sous l’échelle, c’est entrer en Dieu et « nul ne peut voir Dieu sans mourir » (Ex 33,20). Dangereux ! On se souvenait également que les condamnés à la pendaison passaient sous l’échelle du gibet avant de glisser leur cou  dans le nœud coulant. Passer sous l’échelle était là encore une annonce de malheur. La symbolique de l’échelle était encore associée à celle du Golgotha que les soldats ont adossée à la croix du Christ afin de le hisser pour le crucifier, puis pour le descendre. Poser une échelle était donc associé à l’image de la trahison de Judas et la mort de Jésus. Du coup, l’allusion du triangle à la mort s’est généralisée sur nos panneaux routiers, signalant les multiples dangers qui nous menacent.

 

Pourtant, fondamentalement, le triangle est une figure éminemment symbolique et positive dans la culture occidentale. Sans doute parce que, très tôt, les réflexions sur la Trinité que nous fêtons ce dimanche ont puisé dans le triangle une métaphore particulièrement bien adaptée, et simple à comprendre. Un triangle ne fait qu’un alors qu’il a 3 côtés distincts. Mieux : un triangle équilatéral affiche l’égalité entre ses 3 branches inséparables. Facile d’y voir l’image du Père, du Fils et de l’Esprit intimement liés les uns aux autres sans pourtant se confondre l’un avec l’autre, et ne formant qu’un. Les 3 personnes divines sont unies « sans séparation ni confusion », selon le vieil adage christologique qui s’appliquait déjà aux deux natures du Christ, l’humaine et la divine.

Comme par ailleurs le triangle est un élément incontournable en architecture, on le retrouve partout, sur le fronton de nos églises, de nos tableaux de peinture, de nos symboles religieux. Les francs-maçons, du moins ceux qui croient au Grand Architecte, l’ont gardé en souvenir, avec l’œil au centre pour évoquer leur conception du salut par la connaissance : Dieu connaît tout, et tout connaître rend pareil à Dieu.

 

triangle, instrument de musiqueSi l’on est mélomane, on peut méditer sur la Trinité à partir du petit instrument de musique qui s’appelle justement triangle, le plus humble de tous les instruments du mastodonte orchestre symphonique au grand complet.

En effet, le son ne se propage dans le triangle et au-delà que si chaque branche vibre sans retenir la vibration pour elle-même, mais en la communiquant aux deux autres. Chaque branche du triangle reçoit la vibration des deux autres et leur transmet en même temps. Ce faisant, le triangle fait résonner sa note claire et limpide au-delà de lui-même. Cette circulation du son musical à l’intérieur du triangle fait irrésistiblement penser à la périchorèse trinitaire, cette rotation, cette danse-autour (en grec) qui caractérise la circulation de l’amour en Dieu, cette circumincessio (se tenir autour ensemble, en latin) qui fait du mouvement la substance divine. Saint Thomas d’Aquin ne disait-il pas qu’« en Dieu la relation est substantielle » ? Il n’y a de notes émises par le triangle que si le son circule sans entraves autour de ses 3 branches.

Par nature, ce son se diffuse à toute la salle de concert, comme l’amour de Dieu se diffuse à toute sa Création, « naturellement ». « Bonum diffusuvum sui », écrivait encore saint Thomas d’Aquin. La nature du Bien/Bon est de se diffuser, de se communiquer lui-même, sans calcul, gratuitement, sans nécessité, sans condition.

 

D’ailleurs, le triangle de l’orchestre symphonique n’est pas clos sur lui-même : il a cette petite ouverture, ce vide, ce sommet manquant qui est comme un appel à prendre notre place dans cette circulation trinitaire. Sans cette ouverture, la diffusion du son est étouffée. Avec elle, avec ce manque inscrit dans la structure du triangle, la communication du son est assurée pour tout l’entourage. Telle une circoncision du cœur ouvert à l’autre, l’ouverture du triangle manifeste l’auto-communication de Dieu, qui fait partie de sa nature même. Il faut donc oser affirmer qu’en Dieu Trinité il y a une brèche, une faille, une ouverture, un manque, depuis que sa Création a surgi de son amour. Grâce au philosophe juif Emmanuel Levinas, nous savons que la totalité (être sans failles) est diabolique, alors que l’infini (de la circulation de l’amour) est divin [2]. Un dieu qui n’est qu’Un comme celui de l’islam est une totalité enclose sur elle-même, et cela engendre une société/religion totalitaire. Un Dieu ‘circoncis’ fait circuler l’amour à l’infini, en lui et hors de lui, et cela engendre (normalement !) une société/religion ouverte.

 

Rappelez-vous : la Trinité économique n’est pas différente de la Trinité immanente. C’est le même son qui circule dans les 3 branches du triangle pour lui-même et dans la salle de concert pour les auditeurs ravis.

 

La Trinité, source et sommet de tout amour humain

Le concile Vatican II a parlé de l’eucharistie comme « source et sommet de la vie chrétienne » (LG 11). C’est le mouvement trinitaire : se recevoir pour se donner, sans cesse. En définissant le mariage comme un sacrement, les Églises catholiques et orthodoxes affirment que l’amour humain est un signe privilégié, efficace, pour contempler l’amour trinitaire à l’œuvre. Car l’amour humain prend sa source en Dieu, et y ramène. En contemplant Dieu Trinité, l’homme et la femme apprennent à s’aimer. En s’aimant, à la manière trinitaire, ils deviennent une icône de l’amour divin. Si bien que l’on peut transposer de l’eucharistie à la Trinité la phrase de Vatican II : la Trinité est bien source et sommet de tout amour humain.

 

On est bien loin de l’amour fusionnel qui continue de faire des ravages ! « Être un couple, c’est ne faire qu’un. Oui mais lequel ? » Cette boutade d’Oscar Wilde [3] exprime la difficulté de conjuguer la communion et l’altérité. L’amour suppose l’autre (hetero en grec) et le promeut comme tel. l’égoïsme promeut le même (homo en grec), quitte à absorber l’autre.

 

Laissons au jésuite François Varillon, qui a écrit des pages incandescentes à ce sujet, le dernier mot sur ce triangle amoureux qui n’a rien à voir avec celui du théâtre de boulevard !

 

La Trinité réalise parfaitement le vœu de l’amour

François Varillon Joie de croire joie de vivreC’est d’amour qu’il s’agit. On risque d’errer quand on cherche l’intelligence du mystère de Dieu par d’autres voies que celle de l’amour. Il nous faut réfléchir à partir de l’expérience humaine de l’amour et à partir de la déception que, tous, plus ou moins, nous expérimentons dans l’amour.

En effet, quel est le vœu profond de l’amour que nous vivons dans le mariage, l’amour fraternel ou filial, l’amitié ou la vie de communauté ? Le vœu de l’amour est de devenir l’autre, tout en restant moi, de telle sorte que l’autre et moi, nous ne soyons pas seulement amis mais que nous soyons véritablement un. L’expérience humaine de l’amour est joie et souffrance mêlées. Joie prodigieuse de dire à celui ou à celle que l’on aime : toi et moi, nous ne sommes pas deux, mais un. Souffrance d’être obligé de reconnaître qu’en disant cela, on dit, non pas ce qui est, mais ce que l’on voudrait qu’il soit et qui ne peut pas être. Car si l’aimant et l’aimé n’étaient plus deux, il n’y aurait plus d’autre, et, du coup, l’amour serait aboli. Comme disent les braves gens, pour aimer, il faut être deux.

Écoutez dialoguer deux personnages de Gabriel Marcel dans ‘Le cœur des autres’ : « Toi et moi, dit Daniel à sa femme, nous ne sommes pas deux ». Sa femme, qui est une fine mouche, répond : « C’est justement ce qui m’effraie quelquefois ; tu n’as jamais l’air de me considérer comme quelqu’un d’autre. Quand on est plus qu’un seul… comment expliquer cela ? On ne se donne plus rien… et c’est terrible, parce que cela peut devenir un prétexte pour ne penser plus qu’à soi ». Si toi et moi nous ne faisons qu’un, nous nous aimons nous-même. Mais l’amour de soi n’est pas l’amour, il est complaisance en soi, il n’est pas don ni accueil.

L’amour veut à la fois la distinction et l’unité. Dans la condition humaine, ce vœu profond : être non seulement uni à l’autre mais un avec lui, tout en restant soit, est incoercible et irréalisable. C’est pourquoi nul n’entre sans souffrance au royaume de l’amour. Mais en Dieu, le vœu de l’amour est éternellement exaucé : c’est le mystère même de la Trinité. Le Père, le Fils et le Saint Esprit se distinguent réellement l’un de l’autre, de telle sorte qu’aucune confusion ne soit possible : le Père ne disparaît pas dans le Fils, le Fils ne disparaît pas dans le Père, le Père et le Fils ne disparaissent pas dans le Saint Esprit. Ils sont un, tout en étant parfaitement distincts.

La Trinité, ce n’est pas trois personnes juxtaposées mais trois générosités qui se donnent l’une à l’autre en plénitude. Chacune des trois personnes n’est elle-même qu’en étant pour les deux autres. Le Père n’existe comme Père distinct du Fils qu’en se donnant tout entier au Fils ; le Fils n’existe comme fils distinct du Père qu’en étant tout entier élan d’amour pour le Père. Le Père n’existe pas d’abord comme personne constituée en elle-même et pour elle-même : c’est l’acte d’engendrer le Fils qui le constitue personne. S’il n’y avait pas le Fils, il ne serait pas Père, c’est bien évident. Chaque personne n’est soit qu’en étant hors de soi. Elle est posée dans l’être en étant posée dans l’autre. Dans le Père, dans le Fils, dans le Saint Esprit, il y a impossibilité absolue du moindre repliement sur soi. Dieu ne fait pas « attention à soi », comme l’écrivait Maurice Zundel.

 

Trois personnes en un seul Dieu

La Sainte Trinité (2) : branchez-vous sur un courant d’amourPourquoi 3 personnes (et non pas 4 ou 10, comme le demandait le philosophe Kant) ? 

On peut proposer deux approches du mystère de l’Esprit Saint. 

La première à partir de l’exigence de réciprocité, essentielle à la perfection de l’amour. Dans l’amour humain, cette réciprocité, nous ne la percevons que par le truchement des signes ; en elle-même, elle échappe à ceux qui s’aiment. « Je t’aime, toi, ma femme et je vois que tu m’aimes par les mots que tu me dis, par les gestes que tu fais, par ton comportement envers moi. Mais je ne vois pas ton amour lui-même. D’où ma souffrance, cette tentation du doute, à certaines heures, quand ces mots, ces gestes, ce comportement semblent moins ardents, moins spontanés. Si je voyais l’amour, ces fluctuations n’existeraient pas, mais je ne vois que les signes. C’est pour cela qu’il y a en moi ce violent désir de connaître ton amour autrement que par ses signes, dont la présence m’enchante et fait mon bonheur, mais dont la diminution me meurtrit et dont l’absence me désespère ». Saint-Augustin a écrit là-dessus une de ces phrases amies de la mémoire dont il avait le génie : « elle le voit, il la voit, personne ne voit l’amour ».

Dans la Trinité, où la réciprocité est parfaite, l’amour lui-même est une personne, le Saint Esprit : amour du Père pour le Fils, amour du Fils pour le Père. Baiser commun, si l’on veut. La réciprocité de l’amour faite personne, au sens où nous pourrions dire : Mozart est la musique faite homme. L’amour est vécu en plénitude : il y a l’aimant, l’aimé et l’amour. L’aimant est aimé, l’aimé est aimant et l’amour est le dynamisme de cet élan par lequel les deux ne sont plus qu’un, tout en étant distincts.

 

Une autre approche de ce mystère de la troisième personne peut être tentée à partir de l’exigence de pureté, essentielle elle aussi, à la perfection de l’amour. J’entends par pureté l’exclusion de tout égoïsme, de tout avoir. En Dieu, il n’y a pas de trace de propriété de soi-même, car l’amour ne peut pas être propriétaire. S’il n’y avait pas de troisième personne, le Père trouverait dans le Fils, et le Fils dans le Père, une possession de soi. L’autre serait pour chacun une projection de soi, une extension de soi. Un peu comme un père de famille qui vraiment se serait sacrifié pour son fils, lui aurait tout donné ; quand il contemple son fils, il se retrouve en lui : je suis celui qui ai tout donné à mon fils. Le père se retrouverait lui-même dans le fils ; et, également, le fils dans le père. Mais si l’amour réciproque du Père et du Fils s’ouvre sur un troisième, il y a exclusion absolue de toute forme d’avoir, de tout regard sur soi. 

C’est la pureté absolue de l’amour. 

La Pauvreté de Dieu.

François Varillon, Joie de croire, joie de vivre, Ed. Centurion, 1981, pp. 138-140.

 

______________________________

[1]. Cf. Laurence Caracalla, Aux origines des 100 superstitions qui hantent ou réjouissent notre quotidien, Ed. Le Figaro, 2017.

[2]. Cf. Emmanuel Lévinas, Totalité et infini : essai sur l’extériorité, M. Nijhoff, 1961.

[3]. L’homosexualité d’Oscar Wilde (il a été condamné en 1895 à deux ans de travaux forcés pour « grave immoralité ») influence-t-elle son doute sur la capacité de l’amour humain à respecter l’altérité ?….





LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre » (Dt 4, 32-34.39-40)

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple : « Interroge . Un Dieu qui n’est qu’un comme celui de l’islam est une totalité enclose sur elle-même, et cela engendre une société/religion totalitaire. Un dieu circoncis fait circuler l’amour à l’infini, en lui et hors de lui, et cela engendre (normalement !) Une société/religion ouverte. Donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre : d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu parlant du milieu du feu, et qui soit resté en vie ? Est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre, à travers des épreuves, des signes, des prodiges et des combats, à main forte et à bras étendu, et par des exploits terrifiants – comme tu as vu le Seigneur ton Dieu le faire pour toi en Égypte ? Sache donc aujourd’hui, et médite cela en ton cœur : c’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre. Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours. »
 
PSAUME
(32 (33), 4-5, 6.9, 18-19, 20.22)
R/ Heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu. (32, 12a)

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ;
il est fidèle en tout ce qu’il fait.
Il aime le bon droit et la justice ;
la terre est remplie de son amour.

Le Seigneur a fait les cieux par sa parole,
l’univers, par le souffle de sa bouche.
Il parla, et ce qu’il dit exista ;
il commanda, et ce qu’il dit survint.

Dieu veille sur ceux qui le craignent,
qui mettent leur espoir en son amour,
pour les délivrer de la mort,
les garder en vie aux jours de famine.

Nous attendons notre vie du Seigneur :
il est pour nous un appui, un bouclier.
Que ton amour, Seigneur, soit sur nous
comme notre espoir est en toi !

DEUXIÈME LECTURE
« Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; en lui nous crions “Abba !”, Père ! » (Rm 8, 14-17)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Romains
Frères, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants, nous sommes aussi ses héritiers : héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ, si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire.
 
ÉVANGILE
« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » (Mt 28, 16-20)
Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Patrick Braud

 

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12 mai 2024

Pentecôte, où la nécessité d’une parole publique

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Pentecôte, ou la nécessité d’une parole publique

 

Homélie pour la fête de Pentecôte / Année B 

19/05/24

 

Cf. également :

Le délai entre Pâques et Pentecôte
La séquence de Pentecôte
Pentecôte : un universel si particulier !
Le déconfinement de Pentecôte
Les langues de Pentecôte
Pentecôte, ou l’accomplissement de Babel
La sobre ivresse de l’Esprit
Les trois dimensions de Pentecôte
Le scat de Pentecôte
Pentecôte : conjuguer glossolalie et xénolalie
Le marché de Pentecôte : 12 fruits, 7 dons
Et si l’Esprit Saint n’existait pas ?
La paix soit avec vous
Parler la langue de l’autre
Les multiples interprétations symboliques du buisson ardent

Parresia : le courage pascal 

 

Parole de DRH (chrétien)

En retraite depuis peu, l’ancien DRH d’Auchan France (35 000 salariés à l’époque) relit son parcours professionnel, depuis son premier poste d’employé en hypermarché, avec les lunettes de sa foi évangélique si importante pour lui :

Pentecôte, où la nécessité d’une parole publique dans Communauté spirituelle a75df2_53936b6e64c54cd7bd17c145616c971e~mv2« Qu’est-ce que je fais là ?

Pourquoi suis-je dans cette salle de réunion froide et sans âme, avec quinze personnes qui représentent une masse salariale considérable, à regarder poliment et sagement, assommé par des chiffres stériles et sans intérêt d’un PowerPoint, qui défilent interminablement sur cet écran géant ? Ce n’est pas possible que les grands dirigeants qui m’entourent, acceptent de passer docilement des heures à cogiter sur la baisse des charges, donc des effectifs, alors que le chiffre d’affaires va indubitablement dans le mur, en se targuant d’être tous de grands commerçants. Dire encore et redire encore qu’il faut, et comment, « supprimer des bras », oubliant que derrière « ces bras » se trouvent des êtres, des âmes et des cœurs, signifie que nous avons déjà perdu la tête ! Je n’entends plus le mot « client », je n’entends plus le mot « produit », l’esprit commerçant s’en est allé, je n’entends plus parler de la « culture d’entreprise », je n’entends plus parler du personnel comme d’une richesse…

Par le biais de ces quelques pages, j’affirme haut et fort, que l’Homme est une vraie richesse, plus que cela : la première richesse d’une entreprise ! » [1]

 

Chrétien passionné, Jean-André Laffitte a donné de la voix, à contre-courant quand il le fallait, pour défendre la dignité et les salaires des sans-grades de la Grande Distribution, le pouvoir d’achat des clients la plupart du temps très modestes. Cela l’a amené à contester publiquement le court-termisme de certains dirigeants trop centrés sur leur propre réussite, les calculs trop financiers de certains actionnaires… À force d’élever la voix, on lui a poliment demandé de partir. Ce qu’il a fait, car le grand écart est impossible à tenir longtemps dans ce cas.

Maintenant en retraite, il reprend la parole à nouveau, une parole publique, à travers ce livre-témoignage où il raconte comment sa foi évangélique a inspiré et animé ses grandes actions managériales : la Vision d’entreprise « bottom-up », le servant-leadership, le partage du pouvoir/savoir/avoir, la valorisation du capital humain, « l’entreprise libérée » etc.

 

C’est qu’il arrive toujours un moment où l’on ne peut plus se taire, sauf à enfouir sa foi au fond d’une dévotion si privée qu’elle sera privée … d’effets !

Comment ne pas rattacher cette parole publique à celle de Pentecôte que nous venons d’écouter dans la première lecture (Ac 2,1-11) ?

 

Pentecôte : un temps pour parler

CD S'ils se taisent... Les pierres crieront !Impossible de se taire en effet depuis Pentecôte. 

Avant, les disciples ont peur, confinés au cénacle. Après, ils s’exposent aux yeux de tous les pèlerins venus à Jérusalem. 

Avant, ils ont peur : des juifs, des romains, d’eux-mêmes. Après, ils bravent les interdictions officielles et haranguent les foules. 

Avant, c’est encore un groupe nationaliste juif qui croit avoir trouvé le Messie. Après, c’est une Église catholique (= universelle) qui parle toutes les langues de la terre et s’adresse à toutes les cultures comme en témoigne la liste bigarrée des nations présentes à Jérusalem ce jour-là.

L’Ancien Testament dit avec sagesse : « il y a un temps pour parler et un temps pour se taire » (Qo 3,7). Pentecôte est visiblement le temps de la parole publique, forte, confiante, exprimée avec assurance et courage (parresia en grec).

Il n’est pas facile de discerner quand c’est le moment de parler, et quand il faut se taire. C’est l’Esprit de Pentecôte qui le souffle à notre esprit.

 

On a trop souvent – à raison – reproché aux Églises leur silence devant les génocides en cours, ou devant l’exploitation coloniale, l’instrumentalisation du nom de Dieu par les puissants etc. Se taire dans ces situations revient à être complice.

Pourtant Jean-Paul II a osé lancer son célèbre : « N’ayez pas peur ! » à la face des régimes communistes de l’époque. Pourtant les chrétiens continuent de dénoncer la banalisation de l’IVG (1 grossesse sur 4 en France) même lorsque l’opinion majoritaire les taxe de réactionnaires. Pourtant le pape François crie haut et fort pour une politique migratoire digne et respectueuse etc.

Voilà. Il y a des sujets et des moments où il faut parler, au nom de notre foi. Sinon, notre silence annulerait Pentecôte. « Si eux se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19,40).

 

Mais au fait, qui prend la parole en public sous l’inspiration de l’Esprit Saint ?

 

Qui parle à Pentecôte ?

Revenons à notre récit des Actes des apôtres. Ils sont là « tous ensemble » (Ac 2,1) : « hommes et femmes » (Ac 1,14), Les Douze et les autres disciples reçoivent l’Esprit, pas seulement les Douze. Tous seront dehors pour proclamer les merveilles de Dieu dans la langue maternelle de chacun.

La première prise de parole publique de Pentecôte est donc communautaire. C’est l’accomplissement de la prophétie de Joël : « Je répandrai mon Esprit sur tout être de chair, vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions. Même sur les serviteurs et sur les servantes je répandrai mon esprit en ces jours-là » (Jl 3,1-2).

Ce premier niveau communautaire est aussi celui de la présence du Christ : « là où deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu d’eux » (Mt 18,20). C’est encore le niveau où s’exerce le pouvoir des clés (qui n’est pas réservé à Pierre seul) : « Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux » (Mt 18,18-19).

 

De nos jours, les chrétiens continuent à s’exprimer publiquement, par le biais de l’apostolat des laïcs notamment, sans passer obligatoirement par la hiérarchie. Penser à l’influence réelle que possède le quotidien La Croix, dont les journalistes exercent en toute responsabilité le charisme de prophétie de l’Esprit de leur baptême. Car la prophétie biblique n’est pas la prédiction future, mais le discernement de ce qui est en jeu dans le présent. Le journal la Croix s’y exerce chaque jour. Pensez également aux prises de parole des Semaines Sociales de France, des EDC, MCC, JOC, JIC, du Secours Catholique etc.

 

Après ce niveau communautaire, vient ensuite le groupe des Douze (Ac 2,14) qui visiblement est là comme un collège constitué, à la fois distinct de l’assemblée-Église et au cœur de celle-ci, pas séparé. Ce groupe aussi prendra part comme tel aux grandes décisions de l’Église à venir (Ac 15). C’est le niveau collégial de la parole d’Église.

 

Après tous et les Douze, vient enfin Pierre, debout au milieu des Douze. Il se risque devant tous à un long discours pour expliquer ce qui est en train de se passer. Son argumentation est solide. Il la prononce avec autorité. On l’écoute. La petite communauté des premiers chrétiens se reconnaît en lui. Et la foule des craignant-Dieu réunis à Jérusalem pour la Pentecôte juive (Shavouot) est subjuguée par son exhortation au point de vouloir rejoindre l’Église naissante. C’est le niveau personnel de la parole d’Église.

 

On a donc trois niveaux qui s’articulent et font système dans cette parole publique de Pentecôte : le communautaire (tous ensemble) / le collégial (les Douze) / le personnel  (Pierre). C’est la structure-type de la parole ecclésiale, que nous devons pratiquer encore aujourd’hui.
Une parole qui n’est pas portée par tous sera vite abandonnée (cf. par exemple la position officielle du Magistère sur la contraception, largement délaissée par le peuple catholique).
Une parole qui n’est pas mûrie avec l’aide d’un collège de responsables (synode, concile, conseils en tous genres) dérive facilement vers le populisme et l’alignement sur l’air du temps, ou vers l’autoritarisme d’un seul.
Une parole qui ne s’incarne pas en un visage, un nom, une personnalité, deviendrait rapidement une idéologie, un système politique, une de ces ‘pensées en isme’ qui ont déjà fait tant de ravages et apporté tant de malheur aux siècles derniers.

 

61qxCVzW4BL._SL1150_ Esprit dans Communauté spirituelleTous/quelques-uns/quelqu’un : ce triptyque structure la prise de parole au nom du Christ, car elle vient de l’Esprit qui est lui-même le trait d’union entre trois personnes au sein d’une communion d’amour destinée à englober toute l’humanité !

 

Un document œcuménique de 1982 exprimait avec beaucoup de justesse ce triple niveau du ministère qui s’applique également au ministère de la parole confié à l’Église dans son ensemble (il faut juste renverser l’ordre, en partant du communautaire pour aller au personnel, si l’on veut être fidèle à l’évènement de Pentecôte) :

« Le ministère ordonné devrait être exercé selon un mode personnel, collégial et communautaire

Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode personnel.
Une personne ordonnée pour proclamer l’Évangile et appeler la communauté à servir le Seigneur dans l’unité de la vie et du témoignage manifeste le plus effectivement la présence du Christ au milieu de son peuple. 

Le ministère ordonné doit être exercé selon un mode collégial, c’est-à-dire qu’il faut qu’un collège de ministres ordonnés partage la tâche de représenter les préoccupations de la communauté. 

Finalement, la relation étroite entre le ministère ordonné et la communauté doit trouver son expression dans une dimension communautaire, c’est-à-dire que l’exercice du ministère ordonné doit être enraciné dans la vie de la communauté et qu’il requiert sa participation effective dans la recherche de la volonté de Dieu et de la conduite de l’Esprit » [2].

La synodalité de l’Église, chère au Pape François, est justement l’art d’articuler ces trois niveaux de parole et d’autorité dans nos débats et décisions…

 

Mais comment prendre la parole publiquement ?

S’il faut parler publiquement au nom de notre foi, soit. Mais pour dire quoi ? De la morale ? De la compassion ? Des réflexions philosophiques ? Parler pour ne rien dire serait bien un péché contre l’Esprit de Pentecôte !

Pour répondre, regardons simplement notre texte des Actes des Apôtres. Relevons les éléments qui jalonnent et structurent le témoignage public de l’assemblée de Pentecôte.

 

– Une joie débordante

Il y a d’abord la glossolalie/xénolalie.. L’effusion de l’Esprit provoque dans l’assemblée une réaction bizarre : les membres de l’Église chantent leur joie de la résurrection, au-delà des mots. Ils se mettent à prêcher les merveilles de Dieu accomplies en Jésus, chacun dans sa langue maternelle ; ou plus mystérieusement dans une langue étrangère. Si bien qu’il y a un double effet de Pentecôte : on les croit ivres, car ils chantent des louanges inintelligibles, et on est stupéfait d’entendre leur message chacun dans sa langue maternelle, qu’on soit arabe ou crétois, égyptien ou romain !

Louer, s’émerveiller, chanter, exulter de joie est ainsi la première parole publique de Pentecôte. Tout le contraire de ‘tristes chrétiens’ ! L’Esprit de Pentecôte nous irradie de la joie de la résurrection, dès maintenant. Le premier témoignage - à l’instar du Magnificat de Marie - est de se réjouir, de tressaillir d’allégresse : au milieu des difficultés de ce monde, la victoire sur la mort acquise en Jésus transfigure déjà nos combats, nos sacrifices, nos espérances, et nous en exultons de joie !


Comment nourrissez-vous votre joie de croire / joie de vivre ?

 

– Un signe

Cette exaltation de la petite communauté intrigue la foule. Elle constitue en soi un signe, une question : sont-ils ivres ? Comment se fait-il que chacun des entendent dans sa culture, dans sa langue maternelle ?

S’appuyer sur un signe qui interroge les foules est la deuxième étape de la parole de Pentecôte. S’il n’y a pas de signe, il n’y aura pas d’attente, pas d’attention, pas de soif de comprendre. Essayez donc de catéchiser des enfants sans les captiver au départ par un jeu, un film, une actualité, un fait divers, un événement qui les marque.…

 

Quels sont les signes sur lesquels vous pouvez vous appuyer pour développer votre annonce ?

 

– Interpréter le signe à la lumière des Écritures

Pierre part du signe du chant en langues et l’interprète en y voyant l’accomplissement de la prophétie de Joël, ce qui lui permet ensuite de revisiter les Écritures en dévoilant le filigrane qu’elles portent en elle : la résurrection de Jésus.

Impossible d’annoncer le Ressuscité sans ouvrir la Bible ! On le sait bien dans les groupes de catéchuménat des adultes : lire la Bible avec le regard neuf des catéchumènes est d’une densité humaine et spirituelle extraordinaire !

En ce sens, faire chaque année ce parcours biblique avec les 7 000 baptisés de Pâques est une chance pour revitaliser notre vieille Église française.

 

Ajoutons que cette catéchèse biblique est à chaque fois inculturée : chacun dans sa langue/culture maternelle doit pouvoir entendre l’Évangile et le comprendre

La vingtaine de kérygmes (= annonces explicites du Christ ressuscité) dans le livre des Actes montre que l’argumentation, le style, les mots et le ton employés tiennent compte à chaque fois du public à qui l’on s’adresse. Si elle puise dans le génie d’un peuple, l’annonce de l’Évangile sera entendue et portera du fruit. Si au contraire elle est plaquée de l’extérieur, elle ne sera qu’un vernis passager se délitant bien vite. La sociologue Danièle Hervieu-Léger diagnostique de façon terrible que l’exculturation du christianisme en France est sans doute le plus grave des dangers qui nous menace [3].


Comment avez-vous recours à la Bible pour éclairer les interrogations de vos proches ?

 

Peinture de la prédication de saint Pierre à Jérusalem par Charles Poërson– Une annonce explicite

C’est la pointe du discours de Pierre : « Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous aviez crucifié » (Ac 2,36). On peut passer des heures à déblayer le terrain pour quelqu’un qui ignore tout de Jésus. Vient un moment où il faut aller droit au but, au cœur de la foi. Nous n’annonçons pas une morale, une doctrine, un système politique, une institution, mais quelqu’un : Jésus le vivant. Tout élan missionnaire qui ne se centrerait pas tôt ou tard sur cette annonce kérygmatique deviendrait du bavardage.

 

– Un appel à la conversion

Pierre annonce que le pardon est offert dans la Pâque de Jésus. Croire en lui, c’est adhérer  à sa personne, se tourner vers lui, en se détournant des idoles qui jusque-là nous faisaient courir à leur suite.

 

– Un appel à la vie ecclésiale/sacramentelle

Rejoindre l’assemblée-Église est la conséquence logique de la conversion. Impossible de devenir chrétien tout seul, même devant son écran. Le baptême est l’incorporation à une communauté nous somme membres les uns des autres.

 

– Un appel à une vie éthique

La dernière étape de la parole publique de Pentecôte est l’appel à changer nos  comportements, pour mettre notre vie en accord avec notre foi. L’éthique chrétienne est intimement liée à l’Esprit de Pentecôte qui devient notre boussole intérieure pour discerner ce qui est cohérent avec la résurrection de Jésus, et ce qui ne l’est pas. Rappelons que c’est une éthique de réponse (au don reçu par la foi, le baptême, les Écritures, l’Église) et non pas une éthique de préalable (liste de conditions nécessaires pour ‘mériter’ le titre de chrétien).

 

Lorsque nous devrons prendre la parole en public pour témoigner de notre foi, souvenons-nous du discours de Pierre :

- sur quels signes m’appuyer ?

- comment l’interpréter avec l’aide de la Bible ?

- annoncer explicitement la résurrection de Jésus, dans la culture de l’autre

– appeler la conversion au Christ (pas à une institution ou autre)

– appeler à rejoindre une communauté locale, et y accueillir chaleureusement les ‘nouveaux’

– chercher ensemble à quelles conversions éthiques la vie nouvelle de Pâques nous appelle.

 

Qu’en tout cela l’Esprit de Pentecôte nous aide et nous conduise !

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[1]. Jean-André LAFFITTE, Le Capital, c’est l’humain ; l’humain est Capital, 2024.

[2]. Document œcuménique Baptême-Eucharistie-Ministère, n° 26, 1982.

[3]. Danièle Hervieu-Léger, Catholicisme français : la fin d’un monde, Bayard, 2003.

 

 

 

MESSE DU JOUR

PREMIÈRE LECTURE
« Tous furent remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler » (Ac 2, 1-11)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
Quand arriva le jour de la Pentecôte, au terme des cinquante jours après Pâques, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie tout entière. Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, résidant à Jérusalem, des Juifs religieux, venant de toutes les nations sous le ciel. Lorsque ceux-ci entendirent la voix qui retentissait, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient en pleine confusion parce que chacun d’eux entendait dans son propre dialecte ceux qui parlaient. Dans la stupéfaction et l’émerveillement, ils disaient : « Ces gens qui parlent ne sont-ils pas tous galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans son propre dialecte, sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, de la province du Pont et de celle d’Asie, de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Égypte et des contrées de Libye proches de Cyrène, Romains de passage, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons parler dans nos langues des merveilles de Dieu. »
 
PSAUME
(103 (104), 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34)
R/ Ô Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre !
ou : Alléluia ! (cf. 103, 30)

Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes oeuvres, Seigneur !
La terre s’emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.


DEUXIÈME LECTURE
« Le fruit de l’Esprit » (Ga 5,16-25)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates
Frères, je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. Car les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez. Mais si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi. On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait : ceux qui commettent de telles actions ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu. Mais voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. En ces domaines, la Loi n’intervient pas. Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses convoitises. Puisque l’Esprit nous fait vivre, marchons sous la conduite de l’Esprit.

SÉQUENCE
Viens, Esprit Saint, en nos cœurs et envoie du haut du ciel un rayon de ta lumière.
Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs.
Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur.
Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort.
Ô lumière bienheureuse, viens remplir jusqu’à l’intime le cœur de tous les fidèles.
Sans ta puissance divine, il n’est rien en aucun homme, rien qui ne soit perverti.
Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé.
Assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid, rends droit ce qui est faussé.
À tous ceux qui ont la foi et qui en toi se confient donne tes sept dons sacrés.
Donne mérite et vertu, donne le salut final, donne la joie éternelle. Amen.

ÉVANGILE
« L’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière » (Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15)
Alléluia. Alléluia. Viens, Esprit Saint ! Emplis le cœur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour ! Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement.
J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Patrick Braud

 

 

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