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10 novembre 2024

Apprendre à ne pas savoir

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Apprendre à ne pas savoir

 Homélie pour le 33° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
17/11/24

Cf. également :
Ephapax : une fois pour toutes
Jésus, Fukuyama ou Huntington ?
Lire les signes des temps
« Même pas peur »…
La destruction créatrice selon l’Évangile
La « réserve eschatologique »
L’antidote absolu, remède d’immortalité
Plus je sais, plus j’ignore

La docte ignorance
Divine surprise

1. Un livre, un article, le silence
Apprendre à ne pas savoir dans Communauté spirituelle pere_shynse
Dans les années 70, j’ai eu la chance de passer deux années de coopération en Afrique de l’Ouest, auprès des Pères Blancs à la gandoura imposante et la barbe vénérable. Dans les premières semaines, j’étais tellement enthousiaste et volubile que je n’arrêtais pas de leur parler de mes découvertes qui s’enchaînaient. Ils m’écoutaient avec bienveillance, en souriant. Au bout d’un mois de mes verbiages, le Père Blanc le plus âgé, qui avait passé plus de 40 ans dans le pays et en avait appris la langue, les coutumes, les proverbes, la mentalité, la culture etc., me confie à mi-voix : « Tu sais, nous aussi quand on est arrivés on était tout excités et chacun écrivait de longues lettres à sa famille pour tout raconter. Au début, on a envie d’écrire un livre. Puis, quelques années après, on s’aperçoit que c’est si complexe qu’on se dit qu’un article ou deux ce ne serait déjà pas mal. Aujourd’hui, j’avoue que je reste toujours un étranger avec de gros yeux qui ne voient rien, et je crois que le silence convient mieux… »

Si un ancien comme lui reconnaissait finalement ignorer davantage de choses dans la culture du peuple qui l’accueillait que tout ce qu’il y avait appris, alors ma prétention aurait été insupportable de pérorer avec assurance sur « l’Afrique » après seulement deux années de présence ! Il m’a ainsi appris à ne pas savoir, à accepter que ce qui reste à découvrir est infiniment plus grand que le peu déjà découvert. Il m’a aidé à accepter de demeurer un étranger au milieu d’un peuple avec qui pourtant je vibrais à l’unisson. Loin d’éteindre la soif de savoir, le côté mystérieux de ce voile d’ignorance qui recouvrait ma perception de l’ethnie locale me stimulait pour continuer à l’explorer, en renonçant à croire maîtriser, contrôler ou tout comprendre.

Dans l’Évangile de ce dimanche (Mc 13,24–32), il semble que Jésus fasse une expérience semblable, assez troublante pour ceux qui croient en sa divinité [1] . En effet, il assure à ses disciples ne pas tout savoir, et en particulier il ignore la date du Jour de sa venue dans la gloire : « Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » (Mc 13,32 ; cf. Mt 24,36).

Comment comprendre cette confession de non-savoir ? Quel impact pour nous aujourd’hui ?
Parcourons quelques interprétations de ce verset difficile pour essayer d’en situer les enjeux contemporains.


2. Les différentes interprétations de l’ignorance de Jésus

Hérésies tableau

a) Il ne sait pas, donc il n’est pas Dieu
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Dans les premiers siècles, Arius, Eunome et d’autres prêtres ou évêques ont vu dans ce verset l’indice de l’infériorité de Jésus par rapport à son Père. Parce qu’il ignore ce que son Père connaît, Jésus est en dessous de lui en termes de rang et d’honneur. Les Ariens ont donc professé l’humanité de Jésus, mais pas sa divinité. Au mieux, il aurait été adopté par Dieu au moment du baptême dans le Jourdain. Mais il lui reste inférieur. De nombreuses sectes d’origine chrétienne se sont engouffrées dans ce type d’argumentation pour nier la divinité de Jésus : ébionites, marcionistes, adoptianistes etc. Les Mormons, les Témoins de Jéhovah, et même le Coran ne font que reprendre l’argument : puisque Jésus ne sait pas tout alors que Dieu est omniscient, il n’est donc pas Dieu. C.Q.F.D.

Danger : canoniser trop vite l’ignorance de Jésus peut conduire à la résignation au lieu de l’acceptation. Se résigner à ne pas savoir conduit à se soumettre, à obéir aveuglement, à croire au destin (mektoub !). Or accepter n’est pas se résigner. Accepter de ne pas tout connaître ne signifie pas renoncer à connaître davantage…

b) Il ne sait pas, donc il dépend du Père
Une autre réponse (II°–III° siècles) vient de ce que l’on appelle le monarchianisme, essentiellement oriental. Soucieux de préserver la primauté et la transcendance du Dieu unique (mon-archie = un seul principe), les monarchianistes soutiennent que le Fils est engendré par le Père, qui lui reste supérieur. Jésus émane du Père mais le Père garde toutes les prérogatives ‘monarchiques’ de la divinité, dont l’omniscience.

Danger : rompre l’égalité entre le Fils et le Père interdit à terme la participation humaine à la nature divine, qui est pourtant l’espérance de la foi chrétienne.

c) La théorie des deux fils
Une autre explication (Nestorius, Sabellius au III° siècle) – certes capillotractée ! – avance qu’en Jésus coexistent non pas deux natures (humaine et divine) mais deux personnes : le Fils de l’homme et le Fils de Dieu. Côté humain, le Fils de l’homme ignore le Jour de sa venue. Côté divin, le Fils de Dieu pleinement manifesté en Jésus après sa résurrection partage l’omniscience du Père.
Bien sûr, cette façon de couper Jésus en deux pour sauver sa divinité fut rapidement condamnée par les premiers conciles.

Danger : diviser Jésus en deux, c’est empêcher la communication en lui comme en nous entre le divin et l’humain.

d) Dans son incarnation, le Christ renonce à la connaissance divine (théorie kénotiste)
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L’hymne de Ph 2,6–11 évoque la kénose du Verbe de Dieu en Jésus de Nazareth : lui, de condition divine, ne considéra pas comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu, mais il s’est vidé de lui-même (kénose), pour prendre la condition humaine. L’ignorance de Jésus sur le jour J relèverait alors de cet abaissement volontaire et temporaire par lequel Jésus renonce à l’omniscience divine le temps de son passage parmi nous. Exalté auprès du Père par sa résurrection, Jésus partagerait désormais l’omniscience du Père sur toute chose, mais ce n’était pas encore le cas avec ses disciples.

Évidemment, cette position est largement compromise par la réponse de Jésus à ses disciples après la Résurrection : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité » (Ac 1,7).

Intérêt : souligner l’humilité du Christ qui ne fait pas semblant d’être à nos côtés.
Danger : réduire l’ignorance humaine un détail anecdotique et provisoire.

e) « C’est chez lui un dessein secret de se taire »
Récusant toutes les précédentes interprétations jugées hérétiques, les Pères de l’Église sont bien embarrassés pour interpréter ce verset !
Augustin y lit la volonté de Jésus de laisser le Père communiquer lui-même sur le jour du jugement :

« Le Père fait connaître ce jour au Fils ; et s’il est dit du Fils qu’il ne sait pas, c’est parce qu’il ne communique point cette connaissance aux hommes ».

Thomas d’Aquin reprendra cette lecture en parlant de « simulation édifiante » : le Christ aurait fait semblant de ne pas savoir pour apprendre à ses disciples à tout attendre du Père.
Hilaire de Poitiers préfère prendre acte du refus de Jésus de répondre à la demande de ses disciples sur la date du jour J, sans avoir d’explication autre que le désir de Jésus de se taire là-dessus :

« Le Fils n’ignore donc pas ce que n’ignore pas le Père. Et si le Père seul connaît, ce n’est pas que le Fils ne le sache : mais, puisque tous deux demeurent dans l’unité d’une seule nature, si le Fils ‘en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science’ (Col 2,3), ignore quelque chose, c’est chez lui un dessein secret de se taire, comme l’affirme le Seigneur lorsqu’il répond à ses Apôtres qui s’enquièrent de la fin des temps : ‘Ce n’est pas à vous de connaître les temps et les moments que le Père a fixés dans sa puissance divine’ » (Ac 1,7).

Intérêt : accepter de ne pas savoir pourquoi Jésus ne sait pas.
Danger : réduire le mystère à une exigence d’obéissance. Figer le mouvement de l’interprétation alors que c’est une invitation à explorer sans cesse.

f) Il ne nous appartient pas de tout connaître
Jean Chrysostome a posé les bases de l’interprétation qui est sans doute la plus féconde pour nous : Jésus a appris à ses disciples à ne pas vouloir tout savoir, ce qui est finalement le meilleur moyen d’en savoir toujours davantage !

« Il ajoute à dessein que les anges ne savaient rien de ce jour, afin d’ôter à ses disciples le désir d’apprendre une chose que les anges même ne savaient pas; mais en disant que le Fils même ne le savait pas, non-seulement, il leur ôte le désir de le connaître, mais la volonté même de s’en informer. Et pour confirmer ce que je dis, il ne faut que considérer ce qu’il dit à ses disciples après sa résurrection, et de quelle manière il arrête leur curiosité lorsqu’ils s’informaient trop curieusement de l’avenir. Car il prédit ici beaucoup de signes ; mais il leur dit alors clairement : « Ce n’est pas à vous à savoir les temps et les moments ». (Ac 1,7). Et pour qu’ils ne regardent point ce refus comme une marque de mépris, et qu’ils ne s’imaginent pas que le Sauveur les jugeait indignes de cette connaissance, il ajoute aussitôt : « que le Père a mis dans sa puissance ». Car il a toujours au contraire témoigné avec grand soin à ses apôtres qu’il les traitait avec honneur, et qu’il ne leur voulait rien cacher. C’est pourquoi il attribue cette connaissance au Père, et il la fait passer dans leur esprit pour une chose trop élevée au-dessus d’eux ».

Hilaire de Poitiers était lui aussi sur cette piste lorsqu’il examine la même question des disciples de Jésus après sa résurrection :

« Ayant compris que ce mystère du non-savoir du Fils relève d’un dessein divin de se taire, maintenant qu’il est ressuscité, ils l’interrogent à nouveau, croyant que le temps est venu pour lui de parler. Et ici, le Fils ne leur répond plus qu’il l’ignore, mais leur dit que ce n’est pas à eux de connaître ce moment que le Père a fixé dans sa puissance divine ».


De l’intérêt de ne pas (tout) savoir
Tel un pédagogue, Jésus a éveillé ses disciples à désirer les réalités les plus hautes, à accueillir la révélation des mystères les plus inaccessibles. Pourquoi alors leur fixer une limite (la date du jour J) ?

Cela nous renvoie au premier interdit de la Genèse : « du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas ». Interdire cette connaissance-là est salutaire pour l’humanité, car elle se suiciderait à décider par elle-même ce qui est bien ou ce qui est mal (ce que l’on constate hélas de nos jours…) en dehors de YHWH. Le psychanalyste Jacques Lacan rappelle fort justement que l’inter-dit est ce qui est dit entre partenaires du dialogue, qui n’existe pas sans cet espace de communication (entre l’homme et Dieu, entre l’homme et la femme etc.).

Sans interdit, pas de parole (inter-dit = dit entre), pas de communication ni de communion, mais seulement la violence de la prédation (s’emparer du fruit et le manger). D’où la reprise de cet interdit fondamental dans le Décalogue : « Tu ne convoiteras pas ».

Vers l'infini et au-delàAccepter de ne pas tout savoir est libérateur. À plusieurs titres :

– ceux qui veulent tout savoir bâtissent des théories totalitaires, inventent des idoles pour boucher les trous de leur connaissance, et verrouillent des sociétés fermées où il n’est pas possible de contester le savoir officiel. Imposer une explication à tout, qu’elle soit mythologique, religieuse ou politique, transforme les relations humaines en soumission obligée à l’unique savoir dominant. Les sociétés communistes, les États islamiques, les dictateurs de tout poil savent manier à merveille hélas cette soumission à l’omniscience du parti, d’Allah, du grand leader.

- l’ignorance nourrit la gratuité
Une homélie anonyme du II° siècle établit clairement ce lien :
« Parmi les justes, aucun n’a recueilli un fruit précoce : il faut savoir attendre. Si Dieu donnait immédiatement aux hommes justes leur récompense, ce serait bientôt un marché que nous pratiquerions, et non le culte de Dieu. Nous aurions l’apparence de la justice en recherchant non pas la religion, mais notre profit ».
Ne pas connaître la date du Jour J, ni celle de notre mort, nous empêche de calculer d’ici là, de compter sur le temps qui nous reste, d’exiger un retour immédiat sur investissement…

– croire tout savoir fige la recherche
Les failles, les béances, les contradictions des savoirs actuels sont justement le moteur de la quête scientifique. Si l’on accepte de ne pas savoir, alors la recherche est toujours possible, car le savoir absolu n’est jamais atteint et il en reste toujours plus à découvrir. La quête scientifique est par essence inachevée (Karl Popper) ; c’est sa grandeur et sa puissance. Pour les chrétiens, la quête spirituelle est de même nature : Dieu est l’au-delà de tout, et accepter de ne pas le posséder n’est pas se résigner à ignorer.
Au contraire, « dans l’éternité du siècle sans fin, celui qui court vers Toi devient toujours plus grand et plus haut que lui-même, augmentant toujours par l’accroissement des grâces (…) ; mais comme ce qui est recherché ne comporte pas en soi de limite, le terme de ce qui est trouvé devient pour ceux qui montent le point de départ de la découverte de biens plus élevés. Et celui qui monte ne s’arrête jamais d’aller de commencement en commencement par d’éternels commencements qui n’ont jamais de fin » (Grégoire de Nysse).


Que veut dire savoir pour Dieu ?
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Si Dieu est le Tout-Autre, non soumis à l’espace-temps, l’acte de savoir lui est complètement étranger. Car savoir suppose un passé et un futur (je sais ce qui s’est passé, je sais ce qui va arriver ici…). Savoir la date du jour J, c’est encore se situer dans le temps (et donc dans l’espace), ce qui convient à des idoles mais pas au Tout-Autre. Donc nous pouvons dire en un sens que Dieu lui-même renonce à savoir, puisqu’il est au-delà des catégories de la connaissance… L’omniscience n’est pas un attribut divin, mais une projection humaine ! C’est inventer Dieu sous les traits d’un humain sans limites (anthropomorphisme). Dieu « ne sait pas », car l’acte de savoir ne s’applique pas à Dieu.

La docte ignoranceVertige métaphysique certes, qui a l’immense mérite de nous dépouiller de toute velléité de convoitise dans l’acte de chercher à savoir…


Conclusion :
Il est bon pour nous de chercher à savoir, il est meilleur encore d’apprendre à ne pas savoir.
La question de la date du jour J est dans l’Évangile le meilleur exemple de l’utilité de cette « docte ignorance » : ne connaître ni le jour ni l’heure nous rend libres pour vivre ce Jour aujourd’hui tout en l’espérant demain.

Apprendre à ne pas savoir s’applique à tant d’autres domaines de recherche : ne pas chercher à savoir si je suis sauvé, heureux, riche, aimé ou admiré etc. est libérateur, et suscite une quête infinie, désintéressée, gratuite.

Car le salut, le bonheur, la vraie richesse, l’amour etc. sont illucides : dès que j’ai conscience de les posséder, ces réalités m’échappent.
Mieux vaut alors ignorer tout en désirant sans cesse… 

______________________________________

 [1] . Jean a bien perçu cette difficulté, et se garde bien d’évoquer cette ignorance de Jésus. Au contraire, ses disciples lui reconnaissent l’omniscience : « Maintenant nous savons que tu sais toutes choses, et tu n’as pas besoin qu’on t’interroge : voilà pourquoi nous croyons que tu es sorti de Dieu » (Jn 16,30).


 
Lectures de la messe

Première lecture
« En ce temps-ci, ton peuple sera délivré » (Dn 12, 1-3)

Lecture du livre du prophète Daniel
En ce temps-là se lèvera Michel, le chef des anges, celui qui se tient auprès des fils de ton peuple. Car ce sera un temps de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis que les nations existent, jusqu’à ce temps-ci. Mais en ce temps-ci, ton peuple sera délivré, tous ceux qui se trouveront inscrits dans le Livre. Beaucoup de gens qui dormaient dans la poussière de la terre s’éveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles. Ceux qui ont l’intelligence resplendiront comme la splendeur du firmament, et ceux qui sont des maîtres de justice pour la multitude brilleront comme les étoiles pour toujours et à jamais.

Psaume
(Ps 15 (16), 5.8, 9-10, 11)
R/ Garde-moi, mon Dieu, j’ai fait de toi mon refuge.
(Ps 15, 1)

Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

 Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

 Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

Deuxième lecture
« Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie » (He 10, 11-14.18)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Dans l’ancienne Alliance, tout prêtre, chaque jour, se tenait debout dans le Lieu saint pour le service liturgique, et il offrait à maintes reprises les mêmes sacrifices, qui ne peuvent jamais enlever les péchés.
Jésus Christ, au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous ses pieds. Par son unique offrande, il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’il sanctifie. Or, quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour le péché.

Évangile
« Il rassemblera les élus des quatre coins du monde » (Mc 13, 24-32) Alléluia. Alléluia. 

Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous pourrez vous tenir debout devant le Fils de l’homme. Alléluia. (cf. Lc 21, 36)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « En ces jours-là, après une grande détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ; les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire. Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche. De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte. Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père. »

 

 

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20 octobre 2024

Joyeusetés orthodoxes

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Joyeusetés orthodoxes

 

Homélie pour le 30° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
27/10/24

Cf. également :
Le courage aveugle de Bartimée
Comme l’oued au désert
Les larmes du changement
Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

 

Les Récits d’un pèlerin russe

Récits d'un pèlerin russeBartimée aurait pu être russe ! Dans l’Évangile de ce dimanche (Mc 10,46-52), on l’entend répéter sans se décourager ce cri, malgré l’obstacle des disciples : « Fils de David, prends pitié de moi ! ». Cette prière insistante est devenue un modèle pour nombre d’ermites et de moines du désert, en Égypte notamment, dans les premiers siècles, puis en Orient. Conjuguée à la prière de l’humble publicain du Temple : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » (Lc 18,10), elle est devenue ce que les orthodoxes appellent « la prière du cœur » (ou Prière de Jésus) : « Seigneur, Fils de Dieu, prends pitié de moi, pécheur ». Répétée inlassablement, elle est devenue un mantra spirituel capable de nous établir dans une prière perpétuelle, selon l’invitation de Paul à « prier sans cesse » (1Th 5,17). Cette prière du cœur a été largement vulgarisée grâce à la publication d’un petit livre anonyme : « Récits d’un pèlerin russe », paru à Kazan en Russie en 1870. Son succès fut immense en Occident ensuite. On y lit les aventures d’un simple paysan russe du XIX° siècle en quête de la prière perpétuelle, parcourant la campagne à la rencontre des personnages de la société tsariste de l’époque (après la guerre de Crimée de 1854–56 et avant l’abolition de l’esclavage en 1861) : commerçants, fonctionnaires, artisans, nobles, popes, instituteurs etc. Ce n’est que grâce à l’accompagnement d’un starets (un ‘ancien’) que le pèlerin russe trouve sa paix en Dieu, en étant initié à la prière du cœur, continuelle et confiante.

 

Hésychasme, philocalie, neptiques, ataraxie et autres joyeusetés orthodoxes

Joyeusetés orthodoxes dans Communauté spirituelle HESYCHASME456-400x658Le sens de la prière du cœur est d’atteindre cet état de contemplation permanente où la prière est continuelle, source de joie, participation à la sainteté divine. L’unification de tout l’être – intelligence, corps, cœur, volonté – se réalise progressivement grâce à la répétition de la formule inspirée de Bartimée, jusqu’à l’illumination intérieure que la guérison extérieure de l’aveugle préfigurait dans l’Évangile. Cette unification spirituelle  établit fermement celui qui prie ainsi dans un état de prière, de joie, de confiance et d’abandon à Dieu, que les Pères Grecs appelaient hésychasme, du grec ἡσυχασμός / hesychasmos, dérivé du verbe grec: ἡσυχάζω / hesychazo, qui signifie : « être en paix, garder le silence ». Les hésychastes jettent l’ancre en Dieu même, et s’y établissent dans la paix de l’âme, dans le silence de la pensée. Le paysan russe des Récits décrit ainsi l’effet sur lui de la répétition de la prière du cœur :

« Voilà comment je vais maintenant, disant sans cesse la prière de Jésus, qui m’est plus chère et plus douce que tout au monde. Parfois, je fais plus de soixante-dix verstes (1 verste = 1,067 km) en un jour et je ne sens pas que je vais ; je sens seulement que je dis la prière. Quand un froid violent me saisit, je récite la prière avec plus d’attention et bientôt je suis tout réchauffé. Si la faim devient trop forte, j’invoque plus souvent le nom de Jésus-Christ et je ne me rappelle plus avoir eu faim. Si je me sens malade et que mon dos ou mes jambes me fassent mal, je me concentre dans la prière et je ne sens plus la douleur. Lorsque quelqu’un m’offense, je ne pense qu’à la bienfaisante prière de Jésus ; aussitôt, colère ou peine disparaissent et j’oublie tout. Mon esprit est devenu tout simple. Je n’ai souci de rien, rien ne m’occupe, rien de ce qui est extérieur ne me retient, je voudrais être toujours dans la solitude ; par habitude, je n’ai qu’un seul besoin : réciter sans cesse la prière, et, quand je le fais, je deviens tout gai. Dieu sait ce qui se fait en moi.

 

Petite philocalie de la prière du cœurDéjà, des philosophes grecs comme Démocrite avait entrevu cette possibilité de demeurer au repos, stable, en équilibre, quels que soient les aléas de la vie, sans se laisser déstabiliser par les passions contradictoires. Ils parlaient d’ataraxie, du grec ἀταραξία, =  « absence de troubles ». C’est un peu la version séculière de l’hésychasme. Les autres philosophies comme le bouddhisme formulent en nirvana cette quête d’un au-delà de l’être, grâce à l’éveil spirituel obtenu dans la méditation continuelle. Et les moines bouddhistes, hindouistes, taoïstes etc. utilisent la technique du mantra, équivalente à la prière du cœur, pour atteindre cette forme extatique de la paix et du repos au-delà des apparences.


En Orient, on a l’habitude d’utiliser une cordelette de laine pour aider au rythme de la répétition de la prière du cœur. C’est cette cordelette qui est à l’origine du chapelet musulman sur lequel on égrène les 99 noms de Dieu dans le Coran. Et l’habitude catholique de réciter le chapelet marial depuis le XV° siècle reprend cette technique spirituelle de la répétition, appuyée sur une cordelette et des grains pour compter les prières, pour faire entrer l’orant dans une extase d’union à Dieu. Les mystiques soufis chantent et dansent des poèmes jusqu’à épuisement. Les derviches tourneurs mettent en œuvre l’équivalent corporel de la prière du cœur dans la danse reproduisant le mouvement des planètes. La réputation obsédante du thème du Boléro de Ravel en est un autre équivalent musical etc.

image Bartimée dans Communauté spirituelleCela montre que l’aspiration à cet état d’unité paisible que produit la prière du cœur est enracinée en tout homme, croyant ou non.

C’est presque rassurant de voir ainsi les traditions religieuses, philosophiques, athées, agnostiques, polythéistes, monothéistes converger vers ce que pointe notre prière du cœur issue de Bartimée : une unification de tout l’être en un seul désir autour de l’essentiel. C’est l’indice de l’image divine gravée, indélébile, au cœur de tout être humain.

 

La prière du cœur est cependant plus qu’une simple technique de méditation répétitive, car elle est portée par une tradition mystique rassemblée dans la Philocalie des Pères neptiques. Autre joyeuseté orthodoxe, la Philocalie est étymologiquement « l’amour du beau ». Appeler philocalie un recueil de paroles des Pères de l’Église des premiers siècles, orientaux en majorité, c’est déjà donner l’orientation de la prière du cœur : répéter à l’infini la formule : « Seigneur Jésus, prend pitié de moi, pécheur » est une porte pour entrer dans la contemplation amoureuse de la beauté divine… On trouve dans ce recueil de textes qu’est la Philocalie les principaux commentaires et enseignements des Pères au sujet de l’hésychasme, et des voies pour y parvenir. C’est pourquoi on a appelé ces Pères :  neptiques = sobres , en grec, car leur sobriété spirituelle leur permettait de rester vigilants dans leur quête de Dieu.

 

La prière du cœur et nous aujourd’hui

D’abord, la prière du cœur nous dit qu’il est possible de vivre en étant perpétuellement uni à Dieu, dans le travail et les loisirs, la famille et les collègues, dans la paix et la joie, quels  que soient les événements heureux ou tragiques qui nous affectent.

Rappelez-vous la joie parfaite de François d’Assise : même rejeté par nos proches, il nous est donné en Christ d’exulter de joie, uni à lui sans cesse. Les orthodoxes s’établissent dans ce climat de prière perpétuelle par la prière du cœur, les catholiques par le chapelet marial ou l’adoration eucharistique, les musulmans par le chapelet coranique… : l’essentiel est de croire qu’il est possible de recevoir la paix et la joie continuelles, et de s’exercer à accueillir ce don.

 

– L’amour de la beauté

La philocalie est l’humus de la prière du cœur. Les textes patristiques éclairent le contenu de ce qui serait autrement une formule magique et païenne. Les commentaires des Pères nourrissent la foi du pèlerin russe, et chargent chaque mot de cette formule d’un poids théologique, spirituel, humain, très grave.

* Seigneur évoque la transcendance et la seigneurie du Christ sur tout l’univers.

* Jésus (YHWH sauve) est le prénom si chargé de sens pour notre salut.

* Christ est le titre trinitaire par lequel nous reconnaissons Jésus comme l’Oint, celui sur qui est répandu l’Esprit de YHWH comme l’huile sur la tête de David, le Messie paradoxal.

* Fils de Dieu est bien sûr la proclamation de l’intimité unique de Jésus avec YHWH, jusqu’à ne plus faire qu’un avec lui, dans l’Esprit, ce qui est notre avenir commun.

* Prend pitié de moi pécheur est la formule de confession et de conversion par laquelle nous contemplons la miséricorde de Dieu à l’œuvre en nous.

Ainsi lesté de siècles d’approfondissement théologique, la formule la prière du cœur n’est pas simplement un mantra pour s’évader ailleurs. Elle est l’amour de la beauté en marche, contemplation trinitaire et non paradis artificiel. Se laisser guider par l’amour de la beauté est une voie simple vers la sainteté. À nous de nous y entraîner.

 

– L’unification continue

71VxQ5yRKRL._AC_SL1500_ hésychasmeLa prière permanente permet de rattacher toute chose à Dieu, en tout temps, en tous lieux. L’idolâtrie éparpille, disperse, désunit, crée le désordre intérieur. La prière du cœur recrée peu à peu l’unité spirituelle. Et encore une fois, ce n’est pas une question de technique. Même si certains starets proposent de réciter la formule en la calquant sur la respiration et sur le souffle, et en fixant son attention sur un point du corps pour éviter de fuir ailleurs, ce n’est jamais qu’un moyen au service de l’unification intérieure.

Le ralentissement ou la rétention de la respiration est un moyen bien connu de se mettre dans un état de calme. Saint Ignace, dans ses Exercices, conseille de prier comme en mesure « d’une respiration à l’autre ». Chaque mouvement respiratoire peut exhaler une prière. De plus, les hésychastes ont attaché une grande importance à maintenir « l’esprit dans les limites du corps » ; il s’agit d’empêcher l’esprit de se disperser dans les choses. Si l’on retient sa respiration, si en même temps on reste immobile, les yeux fermés ou baissés, et si cette attitude corporelle s’accompagne d’un effort psychologique pour « ramener l’esprit dans le corps » et ne pas dépasser les limites du corps, cette opération produit une impression de  coïncidence aiguë entre l’esprit et le corps et de concentration intense.

Celui qui se lance sur la voie de la prière du cœur devra toujours entendre cependant l’avertissement de Jésus sur la dérive païenne toujours possible : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6,7).

 

- L’amour à partir de Dieu

Être plongé dans le cœur de Dieu est le plus court chemin pour être unis nos frères, et réciproquement la prière continuelle nous conduit de la compassion envers autrui à l’union à Dieu, et de l’union à Dieu à l’amour d’autrui, en les aimant à partir de Dieu et en Dieu. Le starets Silouane, du mont Athos, raconte comment son intercession pour les ouvriers travaillant sur les chantiers de l’île le conduit au cœur du mystère divin, où là il retrouve les visages de ces ouvriers, qui à nouveau le mènent en Dieu seul etc., dans un mouvement perpétuel de Dieu à l’homme et de l’homme à Dieu :

 philocalie« Au début, je priais avec des larmes de compassion pour Nicolas, sa jeune femme et leur petit enfant mais, à mesure que je priais, le sentiment de la présence divine m’envahissait de plus en plus ; à un certain moment, il devint si intense que, perdant de vue Nicolas, sa femme, leur enfant, leurs besoins, leur village, je n’eus plus conscience que de Dieu seul. Le sentiment de la présence de Dieu m’entraîna dans un recueillement de plus en plus profond ; soudain, au sein même de cette présence, je rencontrai l’amour de Dieu et, au cœur de cet amour, Nicolas, sa jeune femme et l’enfant ; alors, avec l’amour même de Dieu, je recommençai à prier pour eux ; mais je me sentis derechef attiré dans de nouveaux abîmes au fond desquels je rencontrai une fois de plus l’amour de Dieu. C’est ainsi que se passent mes journées : je prie pour chacun de mes ouvriers, tour à tour, l’un après l’autre ; la fin de la journée je leur dis quelques paroles, nous prions ensemble et ils vont se reposer. Quant à moi, je regagne le monastère pour m’y acquitter de mes devoirs monastiques » [1].

 

Bartimée ne pouvait certes pas imaginer la fécondité de sa prière suppliante et insistante formulée sur la route de Jéricho, adressée à Jésus par-dessus la tête de ses disciples ! Faisons nôtre cette postérité spirituelle, en pratiquant la prière du cœur pour ceux à qui cela correspond, ou par tout autre désir de prière incessante : « réjouissez-vous et priez sans cesse ».

_______________________________

[1]. Mgr Antoine Bloom, L’école de prière, Seuil (LV 143), 1972.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir » (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient. Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné.

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
 (Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité » (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

out grand prêtre est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on est appelé par Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : il ne s’est pas donné à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, car il lui dit aussi dans un autre psaume : Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité.

Évangile
Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10, 46b-52) Alléluia. Alléluia. 
Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort, il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Patrick BRAUD

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6 octobre 2024

L’orthopraxie, c’est bien triste !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

L’orthopraxie, c’est bien triste !

 

Homélie pour le 28° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
13/10/24

Cf. également :

Questions d’héritage
Comme une épée à deux tranchants
Chameau et trou d’aiguille
À quoi servent les riches ?
Plus on possède, moins on est libre
Où est la bénédiction ? Où est le scandale ? dans la richesse, ou la pauvreté ?
Les sans-dents, pierre angulaire
Donne-moi la sagesse, assise près de toi
Les bonheurs de Sophie
Une Loi, deux tables, 10 paroles

 

Les ambiguïtés de l’humanitaire

Les ambiguïtes de l'humanitaire. De saint Vincent de Paul aux french doctorsNiger, Mali, Burkina Faso : ces trois pays se sont alliés récemment (Alliance des États du Sahel) pour défendre leurs intérêts contre à la fois les djihadistes à leurs frontières et l’ancienne puissance coloniale française. L’uniforme kaki a remplacé le costume-cravate ; les putschs successifs ont supplanté les élections ; les mercenaires russes de Wagner ont pris la place de l’armée française. L’économie de ces pays est en berne depuis des décennies. Les groupes islamistes armés progressent, sur fond de misère, d’autoritarisme et de corruption. Ayant vécu un peu en Afrique de l’Ouest dans les années 80, je me souviens que la mode en France était à l’époque à la compassion humanitaire. N’importe quel blanc visitant un village en brousse revenait bouleversé et créait une association de retour chez lui pour venir en aide. Les ONG. se sont multipliées, avec des élans de générosité admirables : pour un puits, une école, une PMI, un dispensaire etc. À tel point que le gouvernement de la Haute-Volta (futur Burkina Faso) avait institué un Bureau national de coordination des ONG, car ce flux humanitaire devenait anarchique. Chaque commune française voulait avoir son pauvre en la personne d’une commune africaine, chaque paroisse voulait avoir sa paroisse jumelle, avec cœur, mais avec incompétence, inefficacité et dispersion, suscitant même une concurrence entre villages pour obtenir les faveurs des bienfaiteurs les plus charitables…

L’humanitaire de cette époque – mais a-t-il changé ? – ne réfléchissait pas aux causes : il voulait seulement agir sur les symptômes, sous le coup de l’émotion.

Les faillites de ces élans du cœur sont multiples :

– économique, car la prolifération des ONG n’a jamais développé ces pays. Les anglo-saxons, plus réalistes, osèrent alors lancer un autre slogan pour contester cette générosité aveugle : « Trade, not aid » (le commerce, pas les aides CNUCED 1964), slogan qui a eu du succès et des résultats, ailleurs, et a inspiré la naissance du commerce équitable.

– politique, car ceux qui avaient la chance de connaître de riches blancs s’en tiraient moins mal que les autres, suscitant rivalités, jalousies, divisions. Les amitiés étaient intéressées, les projets communs dévoyés.

– religieuse, car les paroisses françaises se sont engagées à corps perdu dans ces jumelages et associations de solidarités. Combien de lotos, de repas paroissiaux, de  concerts, de quêtes « au profit de nos frères d’Afrique » ? Si bien que la religion également est devenue très intéressée : combien peut rapporter un évangélique à ma famille si je fréquente son église ? Comment une paroisse de France peut-elle contribuer au développement de mon village ?

À ce jeu-là, l’islamisme est aujourd’hui en train de tirer les marrons du feu auprès des populations rurales ballottées et abandonnées par les puissants : lui au moins apporte l’ordre, la stricte application de la loi, la pudeur, l’apparente soumission à Dieu et non à l’argent etc.

– néocoloniale : Jean-François Revel parlait en 2002 de « l’imposture humanitaire » en dénonçant l’instrumentalisation de l’aide occidentale, dissimulant la poursuite d’une domination néocoloniale et d’une politique ‘France à fric’…

 

Ces échecs multiples de l’humanitaire reposent largement sur une absence d’analyse des causes, sur la fascination de l’émotion et la séduction de l’action immédiate sur les symptômes.

 

Curieusement, il se pourrait que notre Évangile dit « du jeune homme riche »  (Mc 10,17-30) éclaire ce dilemme, en diagnostiquant une opposition fondamentale entre faire pour avoir et être-avec et aimer. L’humanitaire et l’homme riche sont dans la première logique, Jésus dans la seconde.

Voyons comment.

 

Pourquoi 6 commandements et pas 10 ?

L’élève Jésus n’aurait pas eu la moyenne à une interrogation écrite de catéchisme ! Il prétend en effet citer les commandements, mais il n’en mentionne que 5 en réalité, et il en rajoute même un sixième, inconnu de la liste officielle ! Cela mériterait une note de 4 sur 10 !…

Pourquoi 6 commandements et pas 10 ?

Décalogue 2 tablesÀ y regarder de plus près, on constate que les 5 commandements cités à partir d’Exode 20 sont ceux de la seconde table du Décalogue (meurtre, adultère, vol, faux témoignage, parents, dans un ordre bizarre puisque le commandement sur les parents apparaît ci en dernier alors qu’il est n° 5 en Ex 20), la table qui concerne la relation avec autrui. Nulle mention des 4  premiers qui concernent la relation à Dieu (YHWH libérateur, adorer Dieu seul, respecter son Nom, mémorial du shabbat). Pourquoi ? Cette amputation du Décalogue est sûrement voulue…

Pas facile de répondre. Tentons une interprétation.

L’homme pose une question sur le faire : « que dois-je faire… ? » Jésus lui répond à ce niveau-là : ces 5 commandements sont ce qu’il faut faire pour mettre la Loi en pratique. Les premiers commandements ne relèvent pas du faire, mais du croire, de la relation à Dieu. Or cet homme semble exclure de lui-même Dieu de sa quête. Un indice de cela : il passe de « bon maître » à « maître » quand Jésus lui rappelle que « Dieu seul est bon ». Appeler  Jésus « maître » tout court montre qu’il n’est pas intéressé par son côté divin. Il ne voit en Jésus qu’un Garde des Sceaux, un maître de la Loi, validant ou non telle pratique. Seul compte pour lui l’orthopraxie (l’agir droit) ; peu lui importe l’orthodoxie (croire droit). Jésus essaie par deux fois de l’éveiller à l’importance de la foi plus que de la pratique : en l’invitant à le considérer comme Dieu, puisqu’il l’appelle « bon maître » et que seul Dieu est bon ; en l’appelant à le suivre, à lui faire confiance, ce qui ouvre un ensemble de possibles non-déterminés à l’avance par quelque loi que ce soit.

 

L’homme refuse de se détourner du faire, et de se tourner vers la suite du Christ. En cela, il manifeste un attachement incomplet à la Loi, qui comprend les deux volets, les deux tables : l’amour de Dieu et le respect du prochain.

Le chiffre 6 auquel Jésus parvient artificiellement en rajoutant un commandement fantôme (« ne fait de tort à personne ») au lieu du dernier commandement (« tu ne convoiteras pas ») pourrait bien être la trace de cette incomplétude dont Jésus révèle la tragique conséquence. Car 6 est le chiffre de l’inachèvement par excellence : le 6° jour, la Création est en attente du shabbat, sans lequel la semaine et le monde sont inachevés. Et l’on sait que 666 est le nombre de la Bête de l’Apocalypse (Ap 13,18), symbole du pouvoir politique qui se clôt sur lui-même (Néron) sans accorder à Dieu sa juste place.

 

L’homme riche persiste à s’enfermer dans une Loi incomplète, où seul compte le faire.

 

Faire pour avoir vs être-avec et aimer

Le dialogue entre cet homme riche et Jésus pourrait alors signifier : ‘tu accordes trop d’importance à ce qu’il faut faire. Et en plus tu n’es intéressé à faire que pour avoir (la vie éternelle). Ton attachement religieux est incomplet et inachevé. Au lieu de faire pour avoir, cherche plutôt à être-avec (suivre Jésus) dans l’amour (avec le Christ qui le premier nous aime : « et il l’aima »).

 

L’orthopraxie, c’est bien triste ! dans Communauté spirituelleQue faire pour avoir ? : c’est la version de Matthieu. Que faire pour hériter ? : c’est la version de Marc et Luc. La nuance est intéressante. Matthieu est dans la logique juive de l’orthopraxie. L’observance scrupuleuse des préceptes juridiques permet d’obtenir la récompense promise. Marc et Luc sont déjà dans un régime plus gratuit, puisqu’ils parlent d’héritage, qui par définition ne repose pas sur le mérite. Un enfant n’hérite pas de son père parce qu’il aurait fait tout ce qu’il faut pour cela. Il hérite parce que c’est son père, par nature, par naissance, un point c’est tout. « Faire pour hériter » est paradoxal, et même antinomique. Car l’héritage ne dépend pas du faire, répétons-le ! Donc même chez Marc et Luc, l’homme riche est en pleine contradiction intérieure : il pressent bien que la vie éternelle est un héritage (donc gratuit) qui vient de Dieu, mais il cherche à l’obtenir par ses propres forces, grâce à sa seule action…

 

Faire pour avoir : avouons que c’est la grande tentation de toute démarche religieuse. On fait des processions pour avoir la pluie, on fait des sacrifices pour avoir le pardon, on fait de l’humanitaire pour avoir bonne conscience, on multiplie les gestes de dévotion pour avoir bonne réputation etc. Comme raillait Maître Eckhart en son temps : beaucoup aiment Dieu comme on aime une vache : pour son lait, sa viande, son cuir, pas pour elle-même…

 

Déjà, l’enfant placé au milieu du cercle des disciples dimanche dernier les avait invités à changer pour accueillir au lieu de prendre, pour recevoir au lieu de convoiter, pour être avant d’avoir. L’auto-exclusion de l’homme riche renforce le trait : c’est être-avec qui sauve (suivre Jésus), pas avoir. C’est recevoir puis donner (« va, vends, donne ») qui rend capable d’aimer, et non faire pour avoir, qui n’est jamais qu’une recherche intéressée de soi et non une quête amoureuse de Dieu.

 

L’amour, plénitude de la loi

9782372410267_LaPlenitudeDeDieu-COUV-200x300 amour dans Communauté spirituelleL’homme riche souffre donc d’incomplétude, d’inachèvement (chiffre 6). Il est focalisé sur le faire. En posant son regard sur lui, Jésus l’invite à découvrir pourquoi il est incomplet, ce qui lui manque : « Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima ». Voilà tout simplement ce qui manque à cet homme : l’amour. Et l’amour de Dieu en premier.

Il est juste, droit, il est en règle avec la Loi, mais aime-t-il vraiment ? En l’aimant le premier, Jésus lui fait ce cadeau d’entrer s’il le veut dans une relation basée sur l’être et non le faire, le vivre-avec (suivre) et non l’avoir.

Autrement dit : la loi ne suffit pas si l’amour ne vient pas lui donner tout son sens. Paul le dira avec justesse : l’amour accomplit la loi. « N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli (πληρω = plēroō) la Loi. La Loi dit : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement (πλρωμα = plērōma) de la Loi, c’est l’amour » (Rm 13,8-10). Le terme que Paul utilise est plērōma, plérôme = remplir, plénitude. La loi est comme un vase d’argile : tant qu’elle n’est pas remplie par l’amour, elle n’est qu’un vase creux. La plénitude (plérôme) de la Loi, c’est l’amour, qui l’accomplit sans l’abolir.

 

L’homme riche a refusé cette plénitude, dans un éloignement suicidaire et triste : « il s’en alla tout triste, car il avait de grands biens ». Ce qui n’empêche pas Jésus de proclamer que même cette action suicidaire n’est pas le dernier mot de l’histoire de cet homme : « pour les hommes, c’est impossible d’être sauvé, mais pas pour Dieu ». On ne peut être plus clair : Dieu seul sauve. L’Esprit de sagesse nous met sur ce chemin, en compagnie du Christ, en nous faisant désirer la sagesse plus que tous les trésors humains, comme le dit notre première lecture (Sg 7,7-11) : « Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable ».

 

Cette semaine, faisons tourner dans notre tête, notre cœur, notre méditation, notre prière, cette opposition radicale révélée par le Christ : faire pour avoir, ou être et aimer ?

 

 

LECTURES DE LA MESSE

Première lecture
« À côté de la sagesse, j’ai tenu pour rien la richesse » (Sg 7, 7-11)

Lecture du livre de la Sagesse
J’ai prié, et le discernement m’a été donné. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable.

Psaume
(Ps 89 (90), 12-13, 14-15, 16-17)
R/ Rassasie-nous de ton amour, Seigneur : nous serons dans la joie.
 (cf. Ps 89, 14)

Apprends-nous la vraie mesure de nos jours :
que nos cœurs pénètrent la sagesse.
Reviens, Seigneur, pourquoi tarder ?
Ravise-toi par égard pour tes serviteurs.

Rassasie-nous de ton amour au matin,
que nous passions nos jours dans la joie et les chants.
Rends-nous en joies tes jours de châtiment
et les années où nous connaissions le malheur.

Fais connaître ton œuvre à tes serviteurs et ta splendeur à leurs fils.
Que vienne sur nous la douceur du Seigneur notre Dieu !
Consolide pour nous l’ouvrage de nos mains ; oui, consolide l’ouvrage de nos mains.

Deuxième lecture
« La parole de Dieu juge des intentions et des pensées du cœur » (He 4, 12-13)

Lecture de la lettre aux Hébreux
Frères, elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ; nous aurons à lui rendre des comptes.

Évangile
« Vends ce que tu as et suis-moi » (Mc 10, 17-30) Alléluia. Alléluia. 
Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus se mettait en route quand un homme accourut et, tombant à ses genoux, lui demanda : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? » Jésus lui dit : « Pourquoi dire que je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. » L’homme répondit : « Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. » Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Alors Jésus regarda autour de lui et dit à ses disciples : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! » Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Jésus reprenant la parole leur dit: « Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » De plus en plus déconcertés, les disciples se demandaient entre eux : « Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jésus les regarde et dit: « Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
Pierre se mit à dire à Jésus : « Voici que nous avons tout quitté pour te suivre. » Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. »
Patrick Braud

 

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8 septembre 2024

La France, pays d’outrages et de crachats ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La France, pays d’outrages et de crachats ?


 Homélie pour le 24° Dimanche du Temps ordinaire / Année B
 15/09/24
 
 Cf. également :

Étanche à l’insulte
Le vertige identitaire
Yardén : le descendeur
Prendre sa croix
Croire ou agir ? La foi ou les œuvres ?
Faire ou croire ?
Jésus évalué à 360°
De l’art du renoncement
C’est l’outrage et non pas la douleur
Prendre sa croix chaque jour
Talion or not talion ?
Jésus face à la violence mimétique
Exigeante et efficace : la non-violence
Non-violence : la voie royale

 

Flash-back sur la cérémonie d’ouverture des JO 2024

Cérémonie des JO de Paris 2024. Tout a été écrit là-dessus : innovante, enthousiasmante, valorisant la Ville de Paris comme jamais, avec des moments forts inoubliables (la muraille liquide tricolore sur le pont d’Austerlitz, le cheval mécanique galopant sur la Seine, la vasque électrique s’envolant sous la montgolfière, l’hymne à l’amour de Céline Dion etc.). Et puis deux ou trois petits couacs, qui ont eu eux aussi une répercussion planétaire : Marie-Antoinette décapitée tenant sa tête sanguinolente entre ses mains façon Saint Denis pour chanter « ça ira ! » ; un trio d’amoureux qui confondait le triangle théâtral de Marivaux ou Musset avec le triolisme douteux des amours libertines ; un défilé de mode LGBTQIA+ qui semblait plus de mauvais goût et pour tout dire vulgaire que militant ; et enfin ces quelques secondes où la Cène de Léonard de Vinci fut sciemment parodiée avec drag-queens et trans en lieu et place du Christ et des apôtres… Beaucoup de chrétiens de par le monde entier se sont sentis blessés, insultés par ce qu’ils ont perçu comme une moquerie, une dérision là encore de mauvais goût.

Le Vatican a réagi après réflexion :
« Le Saint-Siège a été attristé par certaines scènes de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris et ne peut que se joindre aux voix qui se sont élevées ces derniers jours pour déplorer l’offense faite à de nombreux chrétiens et croyants d’autres religions. Dans un événement prestigieux où le monde entier se réunit autour de valeurs communes ne devraient pas se trouver des allusions ridiculisant les convictions religieuses de nombreuses personnes. La liberté d’expression, qui, évidemment, n’est pas remise en cause, trouve sa limite dans le respect des autres. (Communiqué du Saint-Siège, 03/08/2024)

Même Jean-Luc Mélenchon s’en est désolé, rappelant ainsi que la véritable laïcité implique le respect des croyants (même si bien sûr on peut débattre de leurs croyances) :

« Je n’ai pas aimé la moquerie sur la Cène chrétienne, dernier repas du Christ et de ses disciples, fondatrice du culte dominical. Je n’entre pas bien sûr dans la critique du « blasphème ». Cela ne concerne pas tout le monde. Mais je demande : à quoi bon risquer de blesser les croyants ? Même quand on est anticlérical ! Nous parlions au monde ce soir-là. Dans le milliard de chrétiens du monde, combien de braves et honnêtes personnes à qui la foi donne de l’aide pour vivre et savoir participer à la vie de tous, sans gêner personne ? » [1]

La France, pays d’outrages et de crachats ? dans Communauté spirituelle 01-712-1Philippe Val, ex-directeur du journal satirique Charlie-Hebdo, pointe le côté ‘facile’ de cette critique unilatéralement antichrétienne :
« En France, les chrétiens français n’ont pas tué qui que ce soit depuis longtemps. Ce n’est pas très dangereux de se moquer des thèmes bibliques dans ce pays. Cependant, s’en moquer implique de se moquer également des autres religions, et notamment de l’islam. Nous l’avons fait, et cela nous a valu ce que Patrick Boucheron appelle un « assassinat politique ». Pendant vingt ans, Charlie Hebdo s’est moqué du pape sans risquer sa vie, mais, lorsque le journal publie les caricatures de Mahomet, il se met en danger. Charlie Hebdo est un journal satirique, et non une cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques diffusée dans le monde entier… En effet, Charlie Hebdo n’est pas un spectacle offert au monde entier. Si le monde doit souffrir d’une religion, c’est plutôt de la religion musulmane quand elle gouverne un pays, comme en Iran. La cérémonie d’ouverture des JO n’était peut-être pas le bon moment pour se moquer des chrétiens. Sinon, il fallait se moquer de plusieurs religions. Pourquoi avoir choisi seulement les chrétiens, alors qu’ils sont persécutés partout dans le monde musulman ? Non seulement ce choix n’est pas courageux, mais il n’est pas pertinent. Le sens politique de ce passage, parce qu’il est cautionné par le Collège de France, reste choquant.
Le Figaro 03/08/2024 p. 17.

Des évêques ont même cru bon de célébrer des messes « de réparation » (Nîmes, Toulon, Bayonne) pour rétablir l’honneur eucharistique.
Ajoutons pour être complet que le journal Charlie Hebdo a récemment récidivé dans le mauvais goût avec un dessin de couverture particulièrement vulgaire et insultant sur la Vierge Marie au lendemain de la fête de l’Assomption… L’image est tellement dégradante que cela serait pire encore de la diffuser telle quelle.

 

Maintenant que le soufflé est retombé, surtout après l’abondante moisson de médailles de nos Bleus (64 olympiques + 75 paralympiques : un record !) et le réel succès d’ensemble de ces JO 2024 (organisation, ambiance, sécurité, fréquentation, performances etc.), il n’est pas inutile de revenir sur le climat antireligieux - et plus spécifiquement antichrétien – qui semble prospérer dans la société française, dans les sphères culturelles et médiatiques notamment.

La première lecture de ce dimanche nous y invite :

« Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ? Les voici tous qui s’usent comme un vêtement, la teigne les dévorera ! » (Is 50,5–9)

 

La persécution antireligieuse aujourd’hui

Être frappé, insulté, abreuvé d’insultes, de crachats, au propre comme au figuré, est hélas le triste apanage du peuple juif dès son origine. Le serviteur d’Isaïe 50 incarne à la fois le prophète persécuté par les siens et le peuple juif mis au ban des nations tout au long de son histoire. Méfions-nous : la bête de l’antisémitisme pourrait bien ressurgir chez nous ! Les actes antisémites relevés par le Ministère de l’Intérieur ont bondi de 284 % en 2023 ! Particulièrement après les représailles d’Israël au massacre du 7 octobre perpétré par les terroristes du Hamas.

Faits antisémites

Source : https://www.vie-publique.fr/en-bref/294739-racisme-antisemitisme-xenophobie-le-rapport-de-la-cncdh-pour-2023

Tous les analystes politiques relèvent que l’alliance opportuniste de certains courants islamiques avec l’ultra gauche suscite un nouvel antisémitisme, pas plus rassurant que celui de l’extrême droite, résiduel.

 

Ne croyez pas que les chrétiens soient à l’abri de cette vague antijuive : environ 1000 actes antichrétiens (242 actes antimusulmans) ont été relevés par le Ministère de l’Intérieur pour 2023, dont 84 atteintes à des personnes physiques à cause de leur foi chrétienne.

Et tout ceci n’est rien par rapport à la persécution religieuse qui s’abat dans des pays comme la Chine, l’Inde, le Nigéria, le Vietnam, la Libye, le Soudan, le Pakistan, la Corée du Nord, l’Azerbaïdjan etc. L’ONG ‘Portes Ouvertes’ estime que 365 millions de chrétiens dans le monde en 2023 ont été discriminés, exilés, tués, violés, spoliés etc. au nom de leur foi !

Persécutions 2023

Source : https://www.portesouvertes.fr/persecution-des-chretiens 

 

En France, des agressions physiques ont certes lieu, mais c’est surtout la dérision et la marginalisation culturelle qui dominent. Il est de bon ton de rire des cathos dans le monde du spectacle. Il est mainstream dans les petits cercles d’historiens de disqualifier l’apport civilisationnel du christianisme. Il est facile pour des commentateurs politiques et médiatiques de ranger systématiquement les catholiques dans le camp des conservateurs obscurantistes opposés au « Progrès » (IVG, PMA, mariage pour tous, homosexualité etc.).

 

La dérision

jesus-moque anitsémitisme dans Communauté spirituelleLa dérision fait rire, puis suscite le mépris. Si on ne voit jamais Jésus rire dans les quatre  évangiles, c’est peut-être justement parce que les évangélistes savent d’expérience qu’on rit toujours aux dépens de quelqu’un. Jésus en a lui-même fait les frais. Il a été l’objet de la dérision : Nathanaël se moque de son origine (« de Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? » Jn 1,46), ses proches disent qu’il est devenu fou à prêcher ainsi (Mc 3,21). La Passion est d’abord l’œuvre destructrice de la dérision (beaucoup plus que de la souffrance physique). Pilate ironise : ‘voici l’homme’, ‘voici votre roi’ ; les soldats miment le salut royal à celui qu’ils ont flagellé pour le tourner en ridicule ; la foule au pied de la croix se gausse : ‘il en a sauvé d’autres qui se sauve lui-même’. Même l’un de ses deux compagnons d’infortune se moque de lui : ‘sauve-toi toi-même si tu es le Messie’. On l’a humilié en l’exhibant zébré de sang le long du chemin du Golgotha. On l’a déshonoré en l’exposant nu sur le gibet. On l’a raillé en le surmontant de la pancarte INRI.

La dérision, Jésus connaît.

Comme l’indique l’étymologie, la dérision fait rire de quelqu’un. Et rire de quelqu’un peut conduire à lui mettre une cible dans le dos. Le soi-disant humour antijuif / chrétien / musulman est une violence, un irrespect qui conduit au pire (comme le soi-disant humour anti-gay, anti-trans etc.). Les caricatures des juifs par les nazis ne font plus rire personne (du moins on l’espère). Pourquoi persécuter ainsi les croyants quels qu’ils  soient aujourd’hui en France ?

 

Comment réagir à cette flambée de violence ?

Ecce homo by Antonio CiseriIsraël répond à la force par la force, au massacre innommable par des représailles épouvantables. Mais ce n’est pas ce que préconise Isaïe : lui oppose le droit à la force, la justice à l’insulte, la dignité aux crachats.

Le Christ a été au bout de cette réaction non-violente : il ne s’est pas dérobé aux soldats venus l’arrêter ; il a enduré le fouet qu’il aurait pu briser ; on l’a tourné en dérision, nu sur le bois, sans qu’il appelle à la vengeance ; on l’a éliminé comme un moins-que-rien sans qu’il rêve de revanche. On l’a maudit sans qu’il maudisse. Au contraire, il a prié pour les soldats qui le clouaient ; il a demandé la justice : « si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18,23)

Il a fait face à Pilate, jusqu’à le déstabiliser par ses paroles, son regard, son silence.

 

Voilà de quoi nous rendre nous aussi étanches à l’insulte. Pas par mépris, pas pour condamner, mais pour ne pas laisser le mal gagner deux fois. Il gagne une première fois en avilissant l’insulteur. Il gagne une seconde fois s’il transforme l’agressé en clone de son agresseur. Car alors il fait tache huile et pollue toutes les relations auparavant harmonieuses, entre juifs et païens, entre chrétiens et musulmans, entre athées et croyants de tous bords etc.

 

Quand Jésus annonce sa Passion aux disciples dans l’Évangile de ce dimanche (Mc 8,27–35), il ne leur demande pas de riposter par des attentats ou des prises d’otages. Ça, c’est la façon de faire de Judas. Il ne leur demande pas non plus de l’aider à éviter la Passion. Ça c’est la manière de penser de Pierre, que Jésus traite à l’occasion de Satan, parce qu’il fait obstacle à la révélation de la puissance de la non-violence de l’amour : « tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celle des hommes ».

Non : il leur demande de « perdre » (la vie, l’honneur, la richesse, la gloire, la puissance…) là  où tout le monde veut gagner

Ce jeu du qui-perd-gagne subvertit de l’intérieur le cycle infernal des représailles répondant aux agressions, des vengeances suite aux blessures, des violences pour panser d’autres violences. N’oublions pas que pendant les trois premiers siècles, la foi chrétienne s’est répandue comme une traînée de poudre autour du bassin méditerranéen grâce au témoignage des martyrs : humiliés, ridiculisés, caricaturés, diffamés, suppliciés sous les rires et les applaudissements des foules des stades romains, ils ont pourtant transmis la flamme au monde entier. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les jeux du cirque cherchent à tourner les chrétiens en dérision, pour les éliminer.

 

Alors, comment réagir aux insultes et aux crachats ?

– Isaïe nous indique une première voie : dénoncer publiquement avec courage les actes  antichrétiens (antireligieux en général), et en appeler à la justice pour que le droit de chacun soit respecté. Ne pas se taire, dénoncer le mal, aller jusqu’au tribunal : quand il est possible, cet appel au Droit est salutaire. Cela vaut mieux qu’un silence de soumission, qu’un exil d’impuissance, qu’une lâcheté de compromission. En France où l’État de droit garantit la dignité de chacun, le recours aux tribunaux et au débat médiatique est le premier combat non-violent à mener  pour faire reculer l’antisémitisme et les actes antireligieux.

 

Fra Angelico, Christ aux outrages– Jésus dans sa Passion nous indique une voie plus haute encore : aimer ses ennemis, pardonner à ceux qui nous insultent et nous crachent dessus. Paul s’étonnait encore : « Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être quelqu’un s’exposerait-il à mourir pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,7-9).

Le Christ a accepté de donner sa vie pour des pécheurs, c’est-à-dire des violents, des injustes, des insultants, des agresseurs, des persécuteurs.

Ce n’est certainement pas se taire sur l’injustice : « pourquoi m’as-tu frappé… ? »

C’est bien plutôt tendre l’autre joue au persécuteur, c’est-à-dire lui montrer une joue non meurtrie par son insulte, non salie par son crachat. Lui montrer ma vraie dignité d’enfant  de Dieu, et en appeler à notre humanité commune.

Pourquoi les trans et les drag-queens, qui ont si souvent le sentiment de ne pas être respectés et d’être traités avec dérision, pratiqueraient-ils en retour ce même irrespect et cette même dérision envers les chrétiens ? Ne sommes-nous pas finalement en France deux minorités discriminées chacune à sa manière ? Ne vaudrait-il pas mieux s’unir pour demander le respect pour tous au lieu de nous opposer en tournant l’autre en dérision ?

D’autant qu’il y a nombre de personnes LGBTQIA+ plus qui sont sincèrement et authentiquement chrétiennes. Elles ne peuvent que souffrir d’un antagonisme artificiellement suscité pour opposer. Pas besoin de parodier la Cène pour exister [2]. Et à l’inverse, pas besoin de mépriser ce que l’on ne connaît pas sous prétexte d’être croyant.

 

– Jésus avait indiqué une autre conséquence inattendue de la persécution religieuse : la joie ! « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse » (Mt 5,11).

Pas la joie simple quand tout va bien, mais la « joie parfaite » de François d’Assise faisant l’expérience de communier au Christ lorsqu’il est rejeté de son Ordre par ses propres frères :

sagesse-dun-pauvre antireligieux« Et si nous, contraints pourtant par la faim, et par le froid, et par la nuit, nous frappons encore et appelons et le supplions pour l’amour de Dieu, avec de grands gémissements, de nous ouvrir et de nous faire cependant entrer, et que le portier dise, plus irrité encore : « ceux-ci sont des vauriens importuns, et je vais les payer comme ils le méritent », et s’il sort avec un bâton noueux, et qu’il nous saisisse par le capuchon, et nous jette par terre, et nous roule dans la neige, et nous frappe de tous les nœuds de ce bâton, si tout cela nous le supportons patiemment et avec allégresse, en pensant aux souffrances du Christ béni, que nous devons supporter pour son amour, ô frère Léon, écris qu’en cela est la joie parfaite ».

 

Évidemment, cette joie paradoxale est incompréhensible en dehors du Christ. Mais unis à lui, elle permet de traverser la persécution en s’appuyant sur lui, et d’inverser sa signification en y voyant une promesse au lieu d’un châtiment.

Facile à dire ? Oui, c’est vrai tant qu’on n’y est pas confronté en personne, et nul ne peut lire sans trembler : « heureux êtes-vous si l’on persécute… ». Car qui sait comment nous allons réagir vraiment en cas d’insultes, de crachats, d’exil, d’assassinats, de dérision meurtrière ? Et pourtant c’est en le lisant, en le disant, que la force nous est donnée d’en-haut : « Quand on vous livrera, ne vous inquiétez pas de savoir ce que vous direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Car ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,19-20).

 

Si le recours à la justice ne suffit pas, s’il est impossible, appelons-en à l’Esprit du Christ, notre avocat, notre défenseur. Il saura nous inspirer les paroles, les gestes, les actes et les écrits qui conviennent pour désarmer la violence de nos persécuteurs, pour les aimer malgré tout jusqu’au bout quoiqu’il arrive.

François d’Assise a su apprivoiser le loup qui terrorisait les gens du village de Gubbio. Croyons qu’il nous est également donné d’apprivoiser les loups violents de notre société. En commençant par les aimer, en les considérant du point de vue de Dieu et non du point de vue des hommes.

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[2]. « Il nous faut admettre que passer de la Cène [du Christ] au festin [de Dyonisos] revient à quitter le temps de l’attente eschatologique – les fins dernières de la communauté chrétienne – pour celui révolutionnaire de la fête qui réenchante le présent des sociabilités normatives. Dionysos est le dieu des mondes autres, la grande figure de l’ailleurs et du renversement politique. Cette joyeuse bacchanale remontée sur le pont Debilly n’est pas la fête inoffensive d’une communauté queer en quête de visibilité planétaire, mais la célébration d’une Queer Nation née en 1990 dans les rangs d’Act Up et rejouée dans les habits de la haute couture » (Libération 01/08/2024 p. 20).

 

Lectures de la messe

Première lecture
« J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient » (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?

Psaume
(Ps 114 (116 A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. ou : Alléluia ! (Ps 114, 9)

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes yeux des larmes
et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.

Deuxième lecture
« La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques
Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »

Évangile
« Tu es le Christ… Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup » (Mc 8, 27-35) Alléluia. Alléluia.
Que la croix du Seigneur soit ma seule fierté ! Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Alléluia. (Ga 6,14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne. Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Patrick BRAUD

 

 

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