L'homélie du dimanche (prochain)

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18 juin 2023

Que faire de nos reniements ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Que faire de nos reniements ?

Homélie pour le 12° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
25/06/2023

Cf. également :
Une utopie à proclamer sur les toits
Terreur de tous côtés !

N’arrêtez pas vos jérémiades !
L’effet saumon
Sous le signe de la promesse
La « réserve eschatologique »

Les volte-face de Mitterrand, et les nôtres
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La vie de François Mitterrand est une mine inépuisable d’articles, de sujets de thèses de doctorat, de conférences et autres documentaires pour les historiens. Comment ce jeune catholique charentais, de famille traditionnelle, a-t-il pu prendre autant de visages et incarner autant de courants politiques ? Ses années de jeunesse vichyssoise à l’extrême droite lui valurent d’être décoré de la francisque en 1943, et de figurer dans des gouvernements où il appliquait une répression féroce en Algérie française. Son retournement idéologique dans les années 70 l’a conduit opportunément à fonder le Parti Socialiste autour d’une grande idée : la rupture avec le capitalisme. Au congrès d’Épinay de 1971, sa prédication enflammée pour mettre le cap à gauche est devenue célèbre : « la révolution, c’est d’abord une rupture avec l’ordre établi. Celui-qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti socialiste ».
Las ! : élu Président de la République en 1981, Mitterrand s’aperçoit que la réalité économique est plus complexe que ce qu’il croyait, et il fait à nouveau volte-face, abandonnant la révolution et la rupture avec le capitalisme pour « le tournant de la rigueur » en 1983. Le socialiste révolutionnaire devenait un social-démocrate compatible avec les marchés et l’orthodoxie budgétaire. Dernier renoncement : 1984, lorsqu’il veut appliquer un point essentiel du Programme Commun de la Gauche sur lequel il s’était engagé la main sur le cœur. Il s’agissait de nationaliser l’enseignement privé pour le fusionner en un seul système public. Un million de manifestants dans la rue plus tard, il abandonne sagement la réforme emblématique de son engagement de gauche, et choisit le statut quo…

Réalisme, diront certains. Manque de courage politique, diront les autres.
Toujours est-il que « le Sphinx » – comme on le surnommait – est passé dans l’histoire comme un excellent disciple de Machiavel, prêt à renier ses convictions pour d’autres si cela lui permettait de conquérir ou garder le pouvoir.
Sur l’air de : « Paris vaut bien une messe », nos dirigeants nous ont malheureusement habitué à retourner leur veste assez souvent en fonction du vent dominant et de leurs intérêts…

 apostasie dans Communauté spirituelleSoyons honnêtes, ces volte-face sont également les nôtres. Plus ordinaires, plus mesquines peut-être que le passage de la francisque à la révolution puis aux compromissions de tous ordres. Mais nos petits reniements peuvent pareillement lézarder la belle façade de nos réussites et de nos combats.
Qui est vraiment allé au bout de ses idéaux de jeunesse ?
Qui n’a pas mis d’eau dans son vin pour vivre plus confortablement ?
Qui a accepté de payer le prix fort pour rester fidèle à une conviction dangereuse ?

La question s’est vite posée dans les premières communautés chrétiennes. L’enthousiasme du début a été douché par les menaces et persécutions romaines ou juives. L’ardeur des convertis butait sur l’ampleur des conséquences désastreuses pour eux et leurs familles s’ils persévéraient dans leur foi au Christ. À tel point que beaucoup renièrent leur baptême pour ne pas être arrêtés, suppliciés, brûlés au jetés au feu.
Quel sort fallait-il réserver à ces renégats ? Et plus troublant encore, quel sort fallait-il leur accorder s’ils voulaient revenir après avoir renié ?

 

La rigueur ou la mansuétude ?
Il y a dans le Nouveau Testament une contradiction apparente au sujet de l’apostasie. Quand Jésus parle de reniement dans notre Évangile de ce dimanche (Mt 10,26-33), on sent que les Églises locales y entendent un avertissement très net : « celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux ».

Pierre renie JésusApparemment, la ligne de conduite est claire : les renégats doivent être reniés, c’est-à-dire exclus définitivement des communautés locales, comme le Christ les reniera à la fin des temps. Oui, mais voilà… Le seul autre usage du verbe renier (ρνομαι, arneomai) dans les Évangiles est réservé… à Pierre ! Pierre le renégat, qui par 3 fois a juré : « je ne connais pas cet homme », dans la cour du grand prêtre au début du procès de Jésus. Même Judas n’est pas traité de renégat : Pierre est le seul à avoir renié Jésus dans les textes, car Judas l’a livré, pas renié (cf.Choisir Judas comme ami). Donc, logiquement, selon notre évangile, le Christ aurait dû renier Pierre devant Dieu, lui qui l’avait renié devant les hommes. Or, pas du tout ! Au contraire : selon Jean, Jésus ressuscité a demandé par 3 fois à Pierre : « m’aimes-tu ? » pour le pardonner de son triple reniement, et il lui a confié le premier rôle dans l’Église naissante : « sois le berger de mes brebis » (Jn 21,15-19).
Pierre, seul renégat du Nouveau Testament, n’est pas renié comme annoncé par Jésus mais au contraire promu au premier plan : que s’est-il passé entre Matthieu et Jean ? Comment lever cette contradiction apparente entre ces deux passages ?

Si l’on oppose seulement la lettre de nos deux évangiles, la contradiction est insoluble. Alors, mettons-les en perspective historique.
Écrits entre 30 et 60 après la mort de Jésus, ces textes ont été longuement ruminés, prêchés, travaillés, ciselés par la tradition orale dans les premières communautés chrétiennes. On l’a dit, ces communautés étaient fragiles et instables, exposées aux menaces et persécutions. Refuser d’offrir un sacrifice à l’empereur ou à une divinité païenne pouvait entraîner la prison et la mort. Jude par exemple écrit : « il s’est glissé parmi vous certains hommes, dont la condamnation est écrite depuis longtemps, des impies, qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution, et qui renient (arneomai) notre seul maître et Seigneur Jésus-Christ » (Jude 1,4). Ce qui confirme le constat de Pierre : « Il y a eu parmi le peuple de faux prophètes, et il y aura de même parmi vous de faux docteurs, qui introduiront des sectes pernicieuses, et qui, reniant (arneomai) le maître qui les a rachetés, attireront sur eux une ruine soudaine » (2P 2,1).
L’Apocalypse quant à elle préfère par contraste encourager les Résistants en louant les Églises locales qui tiennent bon dans la foi malgré leur faiblesse et le danger : « Je sais où tu demeures, je sais que là est le trône de Satan. Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié (arneomai) ma foi, même aux jours d’Antipas, mon témoin fidèle, qui a été mis à mort chez vous, là où Satan a sa demeure » (Ap 2,13). « Je connais tes œuvres. Voici, parce que tu as peu de puissance, et que tu as gardé ma parole, et que tu n’as pas renié (arneomai) mon nom, j’ai mis devant toi une porte ouverte, que personne ne peut fermer » (Ap 3,8).

Ceux qui sont tombés. De lapsisReste que beaucoup préféraient renier le Christ plutôt que d’avoir des ennuis. Ces lapsi (en latin : ceux qui sont tombés, qui ont chuté) se multiplièrent. À chaque persécution nouvelle augmentait le nombre de ceux qui parmi eux reniaient le Christ. Ainsi Tertullien déplore l’« appréhension des clercs aux pieds de cerfs devant le martyre » et l’« appréhension des chrétiens devant la douleur ». Il raconte que des communautés entières ont éloigné d’elles les persécutions en corrompant les autorités, chose que l’« ordre régnant de l’Église » a approuvée. Dans ses épîtres, l’évêque Cyprien de Carthage évoque à de nombreuses reprises le fait que les évêques et hautes personnalités ecclésiastiques s’accusaient mutuellement d’avoir renié leur foi à l’occasion d’une persécution. Il mentionne également le fait que de très nombreux chrétiens se faisaient établir en sous-main, contre de l’argent, publiquement ou secrètement, une attestation (libellus) de la part des autorités, certifiant qu’ils étaient païens et sacrifiaient selon le rite païen. On en a trouvé confirmation il y a quelques années en Égypte dans ce que l’on appelle le papyrus Rainer, qui contient un registre administratif de ceux qui reniaient leur baptême et que l’on appelait libellatici. Ailleurs, Pierre d’Alexandrie dans son ouvrage sur la pénitence (Liber de poenitentia), évoque les moyens employés par les chrétiens pour échapper aux persécutions. Il y parle de chrétiens qui forçaient leurs esclaves chrétiens (!) à pratiquer pour eux des sacrifices selon le mode païen ou à mourir pour eux en martyrs s’ils refusaient ! Pas très glorieux…
Le théologien protestant Von Harnack reconnaissait que « le nombre des ceux qui reniaient leur foi dépassait largement celui des martyrs et de ceux qui, ouvertement ou secrètement, se considéraient de confession chrétienne ».

Parfois, certains lapsi voulaient revenir à l’Église après l’avoir quitté. À la fin des persécutions, ces « chrétiens de nom » affluèrent à nouveau dans l’Église, qui les accueillit avec empressement, car, comme le dit déjà le Pasteur d’Hermas, « seuls ceux qui sont butés sont rejetés pour toujours », et l’Église avait besoin de renforcer ses rangs. Tertullien prêche l’excuse du reniement arraché par la force : « si le reniement a été extorqué, la foi peut être conservée intacte dans le cœur »…

 

Que faire de ces repentis ?
Si l’on suit la ligne de notre évangile de Matthieu – la ligne rigoriste – on restera inflexible et on n’admettra pas le retour des renégats.
B072K99ZTW.01._SCLZZZZZZZ_SX500_ pénitenceSi l’on suit la ligne johannique – la ligne pénitentielle – on aménagera un retour possible moyennant une procédure de réintégration où l’apostat exprimera son repentir et son désir de choisir le Christ.
Nos deux textes apparemment contradictoires reflètent en réalité la forte tension permanente – car cela a duré plusieurs siècles – entre ces deux lignes au cœur de l’Église. Faut-il être exigeant pour sauvegarder la pureté du baptême ? ou conciliant en acceptant les fidèles tels qu’ils sont, pécheurs, mais capables de conversion ?

La rigueur sonne comme un avertissement de la gravité de la faute.
La pénitence prend en compte la faiblesse des croyants, pour ne pas les perdre.
Les deux courants sont présents dans le Nouveau Testament, et souvent s’affrontent sans merci.
La solution viendra plus tard, au temps de Cyprien de Carthage (III° siècle), avec l’invention de la pénitence publique comme condition pour réintégrer les lapsi désirant revenir dans l’Église. Il faut dire qu’avec l’empereur Constantin le vent aura tourné en faveur de la secte nouvelle : jadis persécutée, l’Église deviendra impériale, suscitant un afflux de demandes de baptêmes pas toujours sincères…

Paul recueille les deux traditions sans choisir : intransigeance vis-à-vis des lapsi, et miséricorde pourtant jusqu’au bout.
Pour l’intransigeance :
« Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec lui ; si nous le renions (arneomai), lui aussi nous reniera (arneomai) » (2Tim 2,12).
« Si quelqu’un n’a pas soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il a renié (arneomai) la foi, et il est pire qu’un infidèle » (1Tim 5,8).
« Certains ont l’apparence de la piété, mais renient (arneomai) ce qui en fait la force. Éloigne-toi de ces hommes-là (2Tim 3,5) ».
« Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient (arneomai) par leurs œuvres, étant abominables, rebelles, et incapables d’aucune bonne œuvre (Ti 1,16) ».
Pour la mansuétude :
« Si nous sommes infidèles, il demeure fidèle, car il ne peut se renier (arneomai) lui-même » (2Tim 3,13).

À l’appui du courant insistant sur la miséricorde, on trouvera bien sûr dans le Nouveau Testament la parabole du fils prodigue (Lc 15,11–32). Dans le contexte des chrétiens quittant l’Église par peur du danger, le fils cadet est devenu la figure des lapsi, ces chrétiens qui ont renié leur baptême mais font pénitence pour revenir à l’Église, tandis que le frère aîné est semblable aux rigoristes intransigeants. Cette interprétation se trouve chez Tertullien, Ambroise et Jérôme. On trouve ainsi dans les Constitutions apostoliques : « Ô évêque, tu ne te détourneras pas avec dégoût de celui qui aura chuté une première et une seconde fois, (…) Celui qui dans son repentir produit des fruits de pénitence, admettez-le à la prière, comme le fils perdu, le libertin » (Constitutions apostoliques II, 40,1-4).
La parole de Jésus : « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19,10) ne cesse de résonner comme un appel à une miséricorde plus grande que toute offense…

 

Conclusion
La ligne rigoriste de ce dimanche est utile comme garde-fou et avertisseur : attention, renier le Christ arrive plus facilement que vous ne le pensez ! Or c’est une question de vie ou de mort !
La ligne pénitentielle corrige cette dureté apparente en composant avec la faiblesse humaine : « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse » (Ez 18,23.32).
Donc si les lapsi regrettent leur reniement et font à nouveau le choix du Christ (« Pierre, m’aimes-tu ? ») ils pourront à nouveau s’asseoir à la table eucharistique avec l’assemblée-Église. La condition de ce retour – directement dérivée de l’exigence rigoriste – est de suivre un chemin pénitentiel, graduel (cf. les trois « je t’aime » de Pierre), public, et unique. Ce n’est qu’après le IX° siècle que la pénitence deviendra privée et réitérable.

tableau-définition-bienveillance renégatL’intérêt de ce débat pour nous aujourd’hui est de nous questionner en profondeur sur notre inclination personnelle :
- suis-je plutôt rigoriste par nature ? auquel cas pratiquer la miséricorde me ferait du bien…
- ou suis-je plutôt miséricordieux, acceptant facilement par réalisme la faiblesse d’autrui et la mienne ? auquel cas je devrais réétudier la radicalité de l’Évangile pour éviter que mes compromis se changent en compromissions.
- quels sont mes reniements ? comment les dépasser ?

En outre, ce débat entre rigorisme et mansuétude peut éclairer d’un jour nouveau l’accès des divorcés remariés aujourd’hui à la table eucharistique : ces « lapsi » du sacrement de mariage pourraient-ils bénéficier eux aussi une procédure pénitentielle de réintégration ?

 

Excursus rapide sur le statut des renégats dans le judaïsme et dans l’islam

Le statut des apostats dans le judaïsme
Dans la tradition juive, il n’y a pas de sanction légale ou de peine séculaire pour l’apostasie. Le judaïsme met l’accent sur le libre arbitre et la responsabilité personnelle en matière de croyance religieuse. Chaque individu est libre de choisir sa propre voie spirituelle et de quitter la pratique religieuse juive s’il le souhaite. L’apostasie n’est donc pas considérée comme un crime ou un péché punissable par les autorités religieuses ou civiles. Mais elle peut avoir des implications sociales et familiales au sein de certaines communautés juives plus traditionnelles. Dans ces contextes, un individu qui abandonne la foi juive peut être exposé à l’ostracisme, à des conséquences sociales ou à des tensions familiales en raison de la désapprobation de sa décision.

Quelques versets vont ainsi dans le sens d’une intransigeance rigoureuse :
« Si ton frère, fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme qui repose sur ton sein, ou ton ami que tu aimes comme toi-même, t’incite secrètement en disant : Allons, servons d’autres dieux ! – des dieux que ni toi ni tes pères n’avez connus, des dieux des peuples qui vous entourent, près de toi ou loin de toi, d’une extrémité de la terre à l’autre -, tu n’y consentiras pas, et tu ne l’écouteras pas ; tu ne jetteras pas sur lui un regard de pitié, tu n’auras point de miséricorde, tu ne le couvriras pas, et tu ne déroberas pas pour lui ; mais tu le feras mourir » (Dt 13,6-10).

« Mon peuple est détruit, parce qu’il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai, et tu seras dépouillé de mon sacerdoce ; puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j’oublierai aussi tes enfants » (Os 4,6).
Ce verset souligne les conséquences néfastes de l’abandon de la connaissance de Dieu et de la Loi, entraînant la destruction du peuple.

« Qu’il n’y ait parmi vous ni homme, ni femme, ni famille, ni tribu, dont le cœur se détourne aujourd’hui de l’Éternel, notre Dieu, pour aller servir les dieux de ces nations-là. Qu’il n’y ait point parmi vous de racine qui produise du poison et de l’absinthe. Que personne, après avoir entendu les paroles de cette malédiction, ne se croie en sécurité dans son cœur, en disant : J’aurai la paix, quoique je suive mes penchants, et que j’ajoute l’ivresse à la soif » (Dt 29,18-20).
Ce verset énonce les conséquences spirituelles négatives et les dangers associés à l’abandon de la foi et de l’alliance avec Dieu.

 

Le statut des apostats dans le Coran
Dans le Coran, il existe de nombreux versets qui abordent la question de l’apostasie ou des renégats. Voici quelques-uns d’entre eux qui sont plutôt intransigeants et rigoristes :
Sourate Al-Baqarah (2,217) : « Et ceux qui croient, puis mécroient, puis croient de nouveau, puis mécroient, et augmentent en mécréance, Allah ne leur pardonnera jamais, ni les guidera vers un chemin. »
Sourate Al-Ma’idah (5,54) : « Ô les croyants! Celui parmi vous qui apostasie de sa religion… Allah va faire venir un peuple qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allah, ne craignant le blâme d’aucun blâmeur. »
Sourate An-Nisa (4,137) : « Ceux qui croient, puis mécroient, puis croient de nouveau, ensuite mécroient, et deviennent de plus en plus mécréants, Allah ne leur pardonnera jamais, ni ne les guidera vers un chemin. »
Sourate Al-Imran (3,90) : « Ceux qui ont mécru après avoir eu la foi, puis qui ont persisté dans leur mécréance, leur repentir ne sera jamais accepté, et ce sont eux les égarés. »
Sourate Al-Imran (3,85) : « Et quiconque cherche une autre religion que l’Islam, cela ne lui sera point agréé, et il sera, dans l’au-delà, parmi les perdants. »
Sourate Al-Ma’idah (5,72-73) : « Ils ont mécru ceux qui disent: ‘Allah, c’est le Messie, fils de Marie.’… Ils ont certes mécru ceux qui disent: ‘Allah est le troisième de trois.’ Mais il n’y a de divinité qu’Une Divinité Unique. Si ils ne cessent pas de tenir de tels propos, un châtiment douloureux touchera ceux d’entre eux qui auront mécru. »

Il y a cependant quelques autres versets du Coran qui relèvent plutôt de la mansuétude que du rigorisme :
Sourate Al-Baqarah (2,256) : « Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient. »
Ce verset est souvent invoqué pour souligner le principe de la liberté de religion et rejeter la contrainte dans les questions de foi. Certains soutiennent que cela implique que l’apostasie ne doit pas être punie, car la foi doit être basée sur un choix volontaire.
Sourate Al-Kafirun (109,1-6) : « Dis : Ô les infidèles ! Je n’adore pas ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. Je ne suis pas adorateur de ce que vous adorez. Et vous n’êtes pas adorateurs de ce que j’adore. À vous votre religion, et à moi ma religion. »
Ce verset souligne le respect mutuel des croyances religieuses et l’importance de reconnaître la diversité des religions. Certains musulmans soutiennent que cela implique que les apostats doivent être libres de choisir leur propre religion sans être soumis à des sanctions.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Il a délivré le malheureux de la main des méchants » (Jr 20, 10-13)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable.
Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause.
Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants.

PSAUME
(Ps 68 (69), 8-10, 14.17, 33-35)
R/ Dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi. (Ps 68, 14c)

C’est pour toi que j’endure l’insulte,
que la honte me couvre le visage :
je suis un étranger pour mes frères,
un inconnu pour les fils de ma mère.

L’amour de ta maison m’a perdu ; on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi.
Et moi, je te prie, Seigneur : c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.

Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse, regarde-moi.
Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »

Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.
Que le ciel et la terre le célèbrent,
les mers et tout leur peuplement !

DEUXIÈME LECTURE
« Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure » (Rm 5, 12-15)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.

ÉVANGILE
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33)
Alléluia. Alléluia. L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur, dit le Seigneur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage. Alléluia. (cf. Jn 15, 26b-27a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »
Patrick BRAUD

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6 novembre 2022

Répliquer aux bourreaux

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Répliquer aux bourreaux

 

Homélie du 33° Dimanche du temps ordinaire / Année C 

13/11/2022 

 

Cf. également :

Il n’en restera pas pierre sur pierre

Nourriture contre travail ?

« Même pas peur »…

La « réserve eschatologique »

Ordinaire ou mortelle, la persécution
Conjuguer le bonheur au présent


L’Esprit Saint est notre avocat

Les catholiques de rite latin aiment bien invoquer Marie dans le Salve Regina en l’appelant : « advocata nostra », notre avocate. En réalité, Marie n’est avocate que par participation, parce qu’elle est remplie de l’Esprit Saint. C’est lui notre Paraclet, mot grec ayant la même signification que le mot latin avocat (para-kletos = ad-vocatus = celui qui est appelé aux côtés de quelqu’un pour le défendre). Jean le décrit ainsi dans son Évangile : 

Répliquer aux bourreaux dans Communauté spirituelle 123391696« Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur (Paraclet) qui sera pour toujours avec vous : » (Jn 14,16)

« Le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26).

« Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur » (Jn 15,26).

« Pourtant, je vous dis la vérité : il vaut mieux pour vous que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16,7).

Et dans notre lecture de ce dimanche (Lc 21,28), Jésus annonce qu’il sera aux côtés des chrétiens accusés pour leur inspirer leur plaidoirie de défense :

« On portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie ».

Nous pouvons donc compter sur l’Esprit du Christ pour nous souffler les arguments de notre défense, et pour nous inspirer une plaidoirie étincelante, sans avoir à la préparer à l’avance : elle nous sera donnée au moment où nos accusateurs nous demanderont de parler.

 

Soyons réalistes : les persécutions contre la foi chrétienne n’ont pas cessé depuis les origines. Elles peuvent susciter haine et rancœur chez les baptisés. Heureusement, le double commandement du Christ nous impose d’aimer nos ennemis, et de leur tendre l’autre joue. L’Esprit nous apprend alors à aimer ceux qui font le mal sans être complices du mal commis, et à tendre à nos oppresseurs un autre visage que celui d’une victime apeurée et résignée.

Tendre l'autre joueCar tendre l’autre joue ne veut pas dire se taire et subir en silence, se résigner sans rien faire. Tendre l’autre joue à celui qui nous frappe, c’est refuser d’endosser le rôle de la victime blessée, et lui montrer un autre visage, non tuméfié : le visage de notre dignité intacte d’enfants de Dieu, inaliénable, quoi qu’il nous fasse. En nous aidant à nous défendre, en nous soufflant les arguments et l’éloquence de notre plaidoirie, l’Esprit du Christ nous fait tendre l’autre joue à nos ennemis, la joue intacte, semblable à la sienne, des enfants bien-aimés d’un même Père.

Si tendre l’autre joue signifiait ne pas protester et baisser les yeux devant l’agresseur, comment expliquer la réaction de Jésus devant les gardes qui le frappaient ?

« Un des gardes, qui était à côté de Jésus, lui donna une gifle en disant : ‘C’est ainsi que tu réponds au grand prêtre !’ Jésus lui répliqua : ‘Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal ? Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?’ » (Jn 18,22-23).

Inspiré par l’Esprit, sans haine ni colère, Jésus demande la vérité : « pourquoi me frappes-tu ? », et la justice : « je n’ai fait aucun mal ». C’est le fondement de la légitime défense, qui refuse d’être complice du mal commis par l’agresseur et cherche à le détourner de ce mal en nous montrant sous un autre jour. Les Ukrainiens par exemple qui se défendent courageusement pour chasser les envahisseurs de leur pays pourront le faire le cœur en paix, s’ils ne répondent pas à la haine par la haine, ni à l’injustice par d’autres injustices. Se défendre pour se protéger et protéger les siens, et protéger le bourreau de lui-même, est une légitime inspiration, une spirituelle mise en œuvre du commandement évangélique de l’amour de l’autre, fut-il mon ennemi, en lui tendant une autre joue que celle qu’il a frappée.

Le pape François l’affirmait clairement lors de sa visite au Kazakhstan en Septembre sur la nécessité de fournir des armes à Kiev : « C’est une décision politique qui peut être morale, moralement acceptée, si les conditions de moralité sont réunies ». « Mais cela peut être immoral si cela se fait avec l’intention de provoquer plus de guerres ou de vendre plus d’armes, ou se débarrasser des armes qui ne servent plus. La motivation est ce qui qualifie en grande partie la moralité de cet acte », a-t-il ajouté. « Se défendre est aussi une expression d’amour de la patrie ». « Qui ne se défend pas, n’aime pas, mais qui défend, aime », a ajouté François.

 

Quelques répliques de martyrs à leurs bourreaux

- Après Jésus pendant son procès, le premier à avoir expérimenté l’assistance de l’Esprit comme avocat de sa défense est le diacre Étienne (Ac 7). Traîné devant le tribunal juif pour avoir proclamé la résurrection du Christ, Étienne ne se laisse pas faire : il prend la parole et développe une longue relecture de l’histoire d’Israël en guise de plaidoyer pour la messianité de Jésus. Il parle sans papier, sans préparation, sans aide juridique. Il est visiblement inspiré au point que son visage en est transfiguré : 

« Tous ceux qui siégeaient au Conseil suprême avaient les yeux fixés sur Étienne, et ils virent que son visage était comme celui d’un ange » (Ac 6,15).

Voilà encore une autre façon de tendre l’autre joue ! L’Esprit le transfigure lorsqu’il contemple celui qu’il va rejoindre bientôt par la lapidation décidée par avance dans cette parodie de justice.

Et c’est le même Esprit qui lui met sur les lèvres les paroles qu’il avait mises sur celle de Jésus devant ses bourreaux : 

« Étienne, pendant qu’on le lapidait, priait ainsi : ‘Seigneur Jésus, reçois mon esprit.’ Puis, se mettant à genoux, il s’écria d’une voix forte : ‘Seigneur, ne leur compte pas ce péché.’ Et, après cette parole, il s’endormit dans la mort » (Ac 7,59-60).

 

Dans la lignée d’Étienne, de nombreux martyrs des trois siècles suivants laisseront eux aussi l’Esprit du Christ parler et agir devant leurs ennemis cherchant à les humilier, à les éliminer. Parcourons quelques-unes seulement des répliques inspirées à ces témoins de la foi risquant leur vie pour témoigner du Christ [1].

 

Martyrs_Maraval-56d29 AED dans Communauté spirituelle- Vers l’an 107-110, Ignace, premier évêque d’Antioche, est conduit vers son supplice dans l’arène romaine. Il écrit à sa petite communauté quelques mots contenant déjà une théologie de l’eucharistie conçue comme l’offrande de soi, par amour :

« Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu … 

Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ ».

Voilà pourquoi on insère toujours une relique d’un martyr si possible (ou d’un saint) dans l’autel d’une église, car le martyre est la véritable eucharistie : célébrer la Passion du Christ sur l’autel conduit à offrir notre vie, unis à lui, jusqu’à mourir s’il le faut, pour témoigner de la communion au Christ qui nous anime et qui est offerte à tous.

 

- Le vieil évêque de Smyrne, Polycarpe, tient tête au proconsul romain qui mène son interrogatoire en 156. 

Le proconsul demande donc à Polycarpe de simplement dire : « À bas les athées ! ». Polycarpe regarde alors, d’un visage grave, la foule des païens sans loi rassemblée dans le stade, fait un signe de sa main vers eux, puis, en gémissant et levant les yeux vers le ciel, il dit : « À bas les athées ! » »

Cette audace de dire la vérité au prix de sa vie est la marque de l’Esprit, qui « nous conduit vers la vérité tout entière ».

Dans l’arène, avant que les fauves soient lâchés, le proconsul insistait et disait : 

« Jure, et je te laisse aller, maudis le Christ » ; Polycarpe répondit: « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a fait aucun mal ; comment pourrais-je blasphémer mon roi qui m’a sauvé ? »

D’où viennent ce courage et ce bon sens (voire cet humour !), sinon de l’Esprit qui le conduit depuis tant d’années ?

 

blandine2 Esprit- En 177, parmi les futurs martyrs de Lyon, une certaine Biblis avait renié sa foi sous la menace (qui d’entre nous n’aurait pas fait comme elle ?). Les Romains veulent l’amener à avouer le soi-disant anthropophagisme des chrétiens. Elle répliqua aux calomniateurs en disant : 

« Mais comment ces gens-là pourraient-ils manger des petits enfants alors qu’ils n’ont même pas le droit de manger le sang des animaux dénués de raison ? (selon la coutume juive de manger casher, que les premiers chrétiens suivaient encore parfois) ». À compter de cet instant, elle s’affirma de nouveau chrétienne et tint ferme. Aussi fut-elle mise au rang des martyrs. 

Ces accusations envers les chrétiens (comme envers les juifs hélas aux temps des pogroms !) sont si ridicules, dangereuses et injustes qu’il faut les réfuter avec force avant qu’elles ne prolifèrent.

 

– En 185, un certain Apollonius refuse également d’adorer les idoles et l’empereur, dénonçant simplement l’inanité du polythéisme romain : 

« Je ne puis honorer les idoles faites de mains d’homme. Aussi n’adorerai-je jamais or, ni argent, bronze ni fer, pas plus que de prétendues divinités de bois ou de pierre, qui ne peuvent ni voir ni entendre, mais sont l’œuvre d’ouvriers, d’orfèvres, de tourneurs ou de ciseleurs et qui n’ont pas de vie ».

Ne pas se prosterner devant les idoles en montrant qu’elles ne sont rien : n’est-ce pas encore aujourd’hui ce que l’Esprit inspire aux chrétiens devant les idoles modernes que sont les puissances de l’argent, du pouvoir, de la folie religieuse etc. ?

 

- En 250, Saint Maxime sait trouver les mots pour proclamer au proconsul sa foi en la vie éternelle :

« - Sacrifie aux dieux.

- Je ne sacrifie qu’à un seul Dieu, à qui je suis heureux d’avoir sacrifié dès l’enfance.

- Sacrifie, et tu seras sauvé ; si tu refuses, je te ferai périr dans les tourments.

Je l’ai toujours désiré : c’est pourquoi je me suis livré afin d’échanger cette vie misérable et courte contre la vie éternelle ». 

Le proconsul le fit battre de verges. Pendant ce supplice, il dit : 

- Sacrifie, Maxime, et tu seras délivré de ces tortures.

- Ce qu’on souffre pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est pas torture mais plaisir. Si je m’éloignais des préceptes de mon Seigneur, que j’ai appris dans son évangile, je n’éviterais pas des tortures, véritables celles-là, et perpétuelles ».

L’Esprit Saint nous apprend à fixer notre regard sur le but ultime de notre vie, ce qui nous donne le courage de relativiser tous les biens périssables au nom desquels on voudrait enchaîner notre liberté de croire.

 

417eIKVMEKL._SX218_BO1,204,203,200_QL40_FMwebp_ martyr- À Nicomédie, pendant l’hiver 250-251, Lucien et Marcien sont interrogés par le proconsul : 

« Qui vous a persuadé de quitter les dieux antiques et véritables qui vous ont été si secourables, et vous ont procuré la faveur populaire, et de vous tourner vers un dieu mort et crucifié, qui n’a pas pu se sauver lui-même ? » 

Marcien : « C’est sa grâce qui a agi, comme pour saint Paul, qui, de persécuteur des églises, en devint, par cette même grâce, le héraut. 

Le proconsul : « Réfléchissez et revenez à votre ancienne piété, afin de vous rendre favorables les dieux antiques et, les princes invincibles, et de sauver votre vie ». 

Lucien : « Tu parles comme un fou; quant à nous, nous rendons grâces à Dieu qui, après nous avoir tirés des ténèbres et de l’ombre de la mort, a daigné nous conduire à cette gloire. 

- C’est ainsi qu’il vous garde, en vous livrant entre mes mains ? Pourquoi n’est-il pas là pour vous sauver de la mort ? Je sais qu’au temps où vous aviez votre bon sens, vous vous rendiez secourables à beaucoup de personnes ». 

 

Ils témoignent de leur conversion, eux qui ont quitté leur réputation et leur statut social pour adhérer au Christ. Ils espèrent la conversion de leurs bourreaux, en souhaitant qu’ils s’ouvrent eux aussi à la vérité :

Lucien : « C’est la gloire des chrétiens, que perdant ce temps que tu crois être la vie, ils obtiennent par leur persévérance la vie véritable et sans fin. Dieu t’accorde cette grâce et cette lumière afin que tu apprennes ce qu’il est et ce qu’il donne à ses fidèles ». 

 

Et enfin ils témoignent de leur espérance en une vie éternelle au-delà de la mort :

Marcien : « Je te le répète, la gloire des chrétiens et la promesse de Dieu consistent en ceci, que celui qui aura méprisé les biens de ce monde et qui aura fidèlement combattu contre le diable, commencera une vie qui n’aura plus de fin ». 

Le proconsul dit : « Commérages que tout cela ! Écoutez-moi et sacrifiez, obéissez aux édits, et craignez que, justement irrité, je ne vous condamne à d’atroces souffrances ». 

Marcien : « Tant qu’il te plaira, nous sommes tout prêts à supporter tous les tourments que tu voudras nous infliger plutôt que de nous jeter, par la négation du Dieu vivant et véritable, dans les ténèbres extérieures et dans le feu éternel que Dieu a préparés au diable et à ses suppôts ». 

Voyant leur attitude, le proconsul prononça la sentence : « Lucien et Marcien, transgresseurs de nos divines lois pour passer à la loi ridicule des chrétiens, après avoir été exhortés par nous à sacrifier afin d’avoir la vie sauve, ont méprisé nos instances. Nous ordonnons qu’ils soient brûlés vifs ». 

 

- En 259, l’évêque de Tarragone, Fructueux (le bien nommé !) console sa communauté déchirée de le voir marcher au supplice :

Comme le moment approchait où le martyr, allait marcher à la gloire plutôt qu’a la souffrance, en présence des frères, sous le regard attentif des soldats qui purent entendre ces paroles dictées par le Saint-Esprit, Fructueux dit : « Vous ne serez pas privés de pasteur, la bonté et la promesse du Seigneur ne vous manqueront pas, ni maintenant ni dans l’avenir.
Ce que vous voyez est la misère d’une heure ».

L’Esprit Saint consolateur relativise jusqu’au drame du déchaînement du mal, en rappelant que le mal ne fait que passer dans l’histoire, alors que l’amour demeure. « Ce que vous voyez est la misère d’une heure… »

 

- En 295, attaché à la non-violence évangélique, Maximilien près de Carthage refuse de prendre les armes et de s’enrôler dans l’armée romaine en tant que soldat de l’empereur :

Le proconsul : « Entre au service, prends la bulle (d’enrôlement dans l’armée), plutôt que de mourir misérablement ».

« - Moi, je ne meurs pas, mon nom est déjà près de Dieu. Je refuse le service ».

« - Pense à ta jeunesse, sois soldat, les armes conviennent bien à ton âge ».

« - Ma milice est celle de Dieu, je ne puis combattre pour le siècle. Je ne cesse de le redire, je suis chrétien ».

« - Dans la garde de nos maîtres Dioclétien et Maximien, Constance et Valère, servent des soldats chrétiens ».

« - C’est leur affaire. Moi je suis chrétien, et je ne sers pas ».

« - Mais les soldats, quel mal font-ils ? »

« - Tu le sais de reste ».

« - Prends du service, sinon je punirai de mort ton mépris pour le métier ».

« - Je ne mourrai pas ; si je sors du monde, mon âme vivra avec le Christ mon Seigneur ».

Contester la légitimité de la violence armée des puissants, jusqu’à l’objection de conscience, est un témoignage rendu au Prince de la paix, jusqu’au martyre s’il le faut. 

Peut-être des soldats russes pourraient-il entendre cet appel… ?

 

250px-Marcellus_Cassian persécution- En 298, près de Tanger, un centurion nommé Marcellus jette publiquement à terre les insignes de son grade pendant une cérémonie en l’honneur de l’Empereur et déclare : « Je suis soldat de Jésus-Christ. Désormais, je ne suis plus au service des empereurs. Je refuse de m’abaisser en adorant vos dieux de bois et de pierre qui sont des idoles sourdes et muettes ». En punition, Marcellus est renvoyé devant le préfet Agricolanus, assisté d’un greffier militaire du nom de Cassianus qui va, avec application, prendre en note l’intégralité des échanges entre le prévenu et le magistrat :

« - Quelle mouche t’a piqué de jeter ainsi tes insignes de commandement et de proférer ces discours insensés ?

- Ceux qui craignent Dieu ne sont pas fous.

- As-tu vraiment dit tout ce qui est consigné dans le rapport te concernant ?

- Oui.

- As-tu vraiment jeté les insignes de ton grade ?

- Oui, car il n’est pas convenable à un chrétien engagé dans les armées du Christ de continuer à servir dans celles de ce monde ».

Le préfet ordonne alors qu’on le passe au fil de l’épée…
L’objection de conscience reste l’honneur des chrétiens aujourd’hui encore, au prix de leur vie. 

 

- En 304, à Rome, la toute jeune Agnès réplique au juge qui voulait la marier de force : 

« Périsse plutôt ce corps que peuvent désirer des yeux que je n’agrée pas ! » 

Recourant alors à une procédure tristement banale, parce qu’il est arrivé que des chrétiennes épouvantées apostasient pour y échapper, le juge la condamne au lupanar. Potius leo quam leno ! « Plutôt le lion que le maquereau ! » dit-on dans la primitive Église en faisant allusion à cette pratique qui condamne les chrétiennes, de préférence des consacrées à la prostitution. À l’énoncé de cette sentence, elle répond :

« Si j’aime le Christ, je suis vierge ». 

À en croire la Tradition, exposée nue dans une maison de passe, l’adolescente en serait ressortie indemne, les clients – écœurés par le procédé – n’ayant pas voulu la toucher. Quoiqu’il en soit, en désespoir de cause et ne parvenant pas à la faire abjurer, il fallut bien se résoudre à la faire périr. On l’égorgea.

Même les enfants trouvent en eux cette audace et ce courage de l’Esprit pour rester fidèles à leur attachement au Christ !

 

Lors de tous ces interrogatoires, l’acte de bravoure suprême, par lequel on scellait son sort, tenait en une phrase : « Je suis chrétien »

 

Une autre réplique inspirée : l’AED, Portes Ouvertes

Ces paroles providentielles venues sur les lèvres des martyrs demandent aujourd’hui à être renforcées par une autre défense, également inspirée par notre Paraclet, notre avocat. Il nous presse de produire une parole publique, collective, pour défendre les croyants. Celle que Mgr Saliège par exemple a su faire lire dans toutes les églises de son diocèse de Toulouse pour défendre les juifs en août 1942 et se faire leur avocat :

« Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. Ils sont nos Frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier ».

 

Celle encore que des O.N.G. produisent courageusement devant l’opinion publique mondiale. Allez voir par exemple le site de l’association Portes Ouvertes [2], qui enquête avec rigueur sur les persécutions contemporaines. Elle accumule photos, témoignages, documents pour établir ces crimes commis impunément par des régimes inhumains. L’Index mondial de persécution que Portes Ouvertes publie chaque année est l’illustration tristement nécessaire de l’inspiration par l’Esprit de la défense des croyants.

Allez voir également le site de l’Aide à l’Église en Détresse (AED) qui finance de par le monde une multitude d’actions pour soutenir les minorités chrétiennes persécutées [3]. Tel l’avocat-Esprit, elle se bat aux côtés de ceux qui souffrent pour leur foi, afin de soulager leur malheur, de dénoncer l’injustice qui leur est infligée.

AED Liberté religieuse

AED Carte 2022 de la liberté religieuse dans le monde

 

Il y a aujourd’hui une dimension publique, numérique, médiatique, à l’inspiration de l’Esprit Saint dans la défense des chrétiens persécutés. À nous de la faire nôtre, de la diffuser et de lui donner des moyens.

 

« Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer ».

Que ce soit en privé ou en public, personnellement ou à plusieurs, devant les puissants ou devant nos proches, laissons l’Esprit nous inspirer les paroles et les actes qui témoignent du Christ, de son amour plus fort que le mal, que la mort même.

 

 ________________________________________

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Pour vous, le Soleil de justice se lèvera » (Ml 3, 19-20a)

Lecture du livre du prophète Malachie

Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme la fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l’impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, – dit le Seigneur de l’univers –, il ne leur laissera ni racine ni branche. Mais pour vous qui craignez mon nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

 

PSAUME

(Ps 97 (98), 5-6, 7-8, 9)
R/ Il vient, le Seigneur, gouverner les peuples avec droiture. (cf. Ps 97, 9)

 

Jouez pour le Seigneur sur la cithare, sur la cithare et tous les instruments ;
au son de la trompette et du cor, acclamez votre roi, le Seigneur !

 

Que résonnent la mer et sa richesse, le monde et tous ses habitants ;
que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie.

 

Acclamez le Seigneur, car il vient pour gouverner la terre,
pour gouverner le monde avec justice et les peuples avec droiture !

 

DEUXIÈME LECTURE
« Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 7-12)

 

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Frères, vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. Nous n’avons pas vécu parmi vous de façon désordonnée ; et le pain que nous avons mangé, nous ne l’avons pas reçu gratuitement. Au contraire, dans la peine et la fatigue, nuit et jour, nous avons travaillé pour n’être à la charge d’aucun d’entre vous. Bien sûr, nous avons le droit d’être à charge, mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter. Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cet ordre : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. Or, nous apprenons que certains d’entre vous mènent une vie déréglée, affairés sans rien faire. À ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu’ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu’ils auront gagné.

 

ÉVANGILE

« C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie » (Lc 21, 5-19)
Alléluia. Alléluia. Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. Alléluia. (Lc 21, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 En ce temps-là, comme certains disciples de Jésus parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit ». Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin ». Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie ».
Patrick BRAUD

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14 juin 2020

Une utopie à proclamer sur les toits

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Une utopie à proclamer sur les toits

Homélie du 12° Dimanche du temps ordinaire / Année A
21/06/2020

Cf. également :

Terreur de tous côtés !
N’arrêtez pas vos jérémiades !
L’effet saumon
Sous le signe de la promesse
La « réserve eschatologique »

Le confinement pouvait comporter des aspects positifs. Ainsi ai-je pu lire des intégrales littéraires si grosses que je n’osais jamais m’y plonger avant. Et également de petits ouvrages guère tape-à-l’œil, de ceux qu’on a dans sa bibliothèque pour dire en passant les yeux dessus : il faudra qu’un jour je le lise ! « L’Utopie » de Thomas More est de ceux-là. Un grand classique s’il en est, bien rangé entre Le Prince de Machiavel et Le Banquet de Platon sur mes étagères. Or ce petit traité comporte un passage qui fait référence à l’Évangile de ce dimanche (Mt 10, 26-33). Quand Raphaël – le voyageur de retour de l’île d’Utopie où il a vécu cinq ans – raconte l’extraordinaire organisation sociale et politique des Utopiens, Thomas More lui conseille de ne pas tout révéler de façon aussi abrupte s’il veut être écouté des puissants. Il lui suggère plutôt « une route oblique », qui visera dans un premier temps à « diminuer l’intensité du mal » et non à « effectuer le bien ». Toute vérité n’est pas bonne à dire, affirme la prudence populaire… Raphaël s’insurge, avec la radicalité même du Christ dans notre lecture dominicale :
« Savez-vous ce qui m’arriverait de procéder ainsi ? C’est qu’en voulant guérir la folie des autres, je tomberais en démence avec eux. Je mentirais, si je parlais autrement que je vous ai parlé. »
« Il y a lâcheté ou mauvaise honte à taire les vérités qui condamnent la perversité humaine, sous prétexte qu’elles seront bafouées comme des nouveautés absurdes, ou des chimères impraticables. Autrement, il faudrait jeter un voile sur l’Évangile, et dissimuler aux chrétiens la doctrine de Jésus. Mais Jésus défendait à ses apôtres le silence et le mystère ; il leur répétait souvent : Ce que je vous dis à voix basse et à l’oreille, prêchez-le sur les toits hautement et à découvert. Or, la morale du Christ est bien plus opposée que nos discours aux coutumes de ce monde. » (Livre premier)

Voilà un appel à ne pas se taire, à proclamer haut et fort, à temps et à contretemps, le cœur du message du Christ à toutes les nations, ouvertement et au grand jour !

Le plan de l'île d'Utopia imaginé par Thomas More

Thomas MORE : Utopia

Contemporain d’Érasme de Rotterdam, précurseur de Spinoza d’Amsterdam, voire des révolutionnaires français de 1789 et 1848, Thomas More fait partie de ces figures étonnamment libres, n’ayant pas peur de provoquer les pouvoirs en place en évoquant d’autres possibles. Au risque de sa vie, la proclamation de l’Utopie « sur les toits, hautement et à découvert » était sans aucun doute pour lui la traduction sociale et politique de sa foi chrétienne [1].

De fait, que seraient des chrétiens n’ayant plus aucune utopie à proclamer haut et fort ? Seraient-ils encore le sel de la terre s’ils ne dérangeaient plus personne, bien intégrés dans le système en place par leur culte et leurs œuvres de charité ? Seraient-ils encore témoins  d’un autre monde s’ils n’étaient plus capables de dessiner les contours d’un monde autre, inspiré par l’Esprit de l’Évangile ? Sans utopie à contre-courant des mœurs actuelles, pourraient-ils lire notre passage sans rougir de honte ?

Thomas More dénonce l’affadissement de l’utopie chrétienne en des termes faisant penser à la doctrine de la collaboration sous le régime de Vichy : « Les Prêcheurs, hommes adroits, ont suivi la route oblique dont vous me parliez tout à l’heure ; voyant qu’il répugnait aux hommes de conformer leurs mauvaises mœurs à la doctrine chrétienne, ils ont ployé l’Évangile comme une règle de plomb, pour la modeler sur les mauvaises mœurs des hommes. Où les a conduits cette habile manœuvre ? à donner au vice le calme et la sécurité de la vertu. »

Autrement dit, émousser la radicalité de l’Évangile sous prétexte de diplomatie, de respect des cultures, de compromis avec son époque ou de paix sociale est une lâcheté qui se retournera contre ses auteurs.

Mieux vaut être accusé de « délirer avec les fous » – ou du moins être considéré comme tel à cause de l’utopie incomprise – que de « se mouiller inutilement avec tout le monde lorsque la foule persiste à rester dehors pendant une longue forte pluie ». Atténuer la force contestatrice de l’Évangile sous prétexte de ne pas heurter, ou pour obtenir de bonnes places, relève de l’apostasie : « ici la dissimulation est impossible, et la connivence est un crime ».

Hélas, les Églises – et religions – ont de tout temps collaboré avec leur siècle, cherchant davantage leurs intérêts (contrôle de la société, domination, richesses, honneurs…) que la pureté de leur doctrine…

Voilà pourquoi l’appel du Christ à proclamer sur les toits son message et sa personne (qui ne font qu’un) est si urgent. Quand nous laissons la crainte de « ceux qui peuvent faire périr le corps » nous dominer, nous n’osons pas faire circuler des Bibles en pays musulmans ou communistes, nous nous taisons devant le non-respect de la vie érigée en Droit de l’Homme, nous composons avec les maîtres du monde en appelant à la bienfaisance au lieu de changer le rapport à l’argent etc.

Relisez l’histoire de l’Église : ses moments lumineux adviennent lorsqu’une utopie évangélique fut portée par une minorité prête à donner sa vie (et non à prendre celle des adversaires de cette utopie) pour la proclamer malgré toutes les oppositions. C’est le témoignage des martyrs pendant trois siècles au début, et encore aujourd’hui. C’est la protestation des moines fuyant au désert la tiédeur du christianisme d’État. C’est la réforme de François et Claire d’Assise mettant la fraternité avant l’argent, la simplicité de vie avant l’accumulation marchande. C’est la liberté des béguines s’organisant en communautés féminines humbles, servantes et pauvres mais indépendantes au cœur des villes flamandes depuis le XIII° siècle. Ce sont les missions jésuites en Amérique du Sud et leur société révolutionnaire… [2]

Le béguinage d'Amsterdam

Le béguinage (Amsterdam) : une utopie féminine

À l’inverse, les moments de compromission où l’Église a « ployé l’Évangile comme une règle de plomb pour la modeler sur les mauvaises œuvres des hommes » sont hélas aussi nombreux : pas besoin d’en faire la liste, elle est bien connue.

« Proclamer sur les toits » la parole du Christ demeure une injonction absolument nécessaire, bien que peu conforme à l’esprit du temps où il ne faudrait pas déranger les puissants ni les braves gens.

Demandez la liberté de conscience (et donc de changer de religion) dans les pays musulmans ; contester la pratique massive de l’IVG (40 à 50 millions chaque année dans le monde !) ; imaginer des communautés sans argent ni hiérarchie autre que le service ; débattre de l’au-delà et de la résurrection ; associer les plus pauvres et les plus petits à la gestion du monde ; inlassablement proposer l’Évangile en libre lecture ; faire confiance aux forces de l’Esprit qui suscite des prophètes en tout siècle… : il faut donner corps à des utopies chrétiennes capables d’orienter notre temps vers autre chose que le marché globalisé où l’écologie érigée en religion.

« Si eux taisent, les pierres crieront » avait averti Jésus (Lc 19,40) !

 

Cette utopie à proclamer sur les toits remplit une triple fonction [3] :

Le Familistère de Guise (fête de l'enfance en 1909)

Le Familistère de Guise : une utopie du socialisme français

2. En décrivant l’organisation idéale d’un monde inaccessible, l’utopie chrétienne favorise la prise de distance critique à l’égard des institutions politiques et sociales (voir ecclésiales) inégalitaires et injustes dans lesquelles nous nous résignons à vivre, faute de mieux.

3. En opposant la possibilité d’une autre vie à l’esprit d’accoutumance et d’acceptation de ce qui nous entoure, la démarche utopique peut devenir une invitation à la contestation pratique, en tout cas un refus de la résignation au malheur de vivre. L’Utopie peut donc devenir altercation polémique, altérité pensée et appel à une alternance politique. Elle nourrit notre perpétuelle insatisfaction de ce qui est [4].

 

Se contenter de pratiquer sa religion discrètement, à l’abri des grands débats, sans prendre des risques, en la réduisant au culte, n’est guère fidèle à la parole du Christ en ce dimanche : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. »

Comment allons-nous le mettre en œuvre ?

 


[1] L’organisation de l’île d’Utopia n’est pas pour autant exempte de défauts : le sort des femmes y est peu enviable ; il y a toujours des esclaves ; la surveillance y est généralisée, annonçant le panoptique de 1984 de George Orwell ; un puritanisme étroit et sévère y exerce une censure indigne ; l’athéisme y est interdit… Ce n’est donc pas le meilleur des mondes possible, mais une alternative elle-même perfectible.

[2] Le Familistère construit à Guise par l’industriel Godin (inventeur du fameux poêle) à partir de 1858 pour y loger un millier d’ouvriers près de l’usine dont ils devinrent actionnaires et propriétaires est un exemple « laïc » de la puissance de l’utopie. La photo en noir et blanc est celle d’une fête du Familistère au début du XIX° siècle.

[3] Cf. la préface de Claude Mazauric à l’édition de L’Utopie chez Librio (2015), pp. 8-9.

[4]. Ces trois fonctions rejoignent la notion d’« espérance critico- créatrice » du théologien Jean-Baptiste Metz, ainsi que son concept de « réserve eschatologique » ; ou encore le « principe espérance » d’Ernst Bloch.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Il a délivré le malheureux de la main des méchants » (Jr 20, 10-13)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable.
Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause.
Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants.

 

PSAUME
(Ps 68 (69), 8-10, 14.17, 33-35)
R/ Dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi. (Ps 68, 14c)

C’est pour toi que j’endure l’insulte,
que la honte me couvre le visage :
je suis un étranger pour mes frères,
un inconnu pour les fils de ma mère.

L’amour de ta maison m’a perdu ; on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi.
Et moi, je te prie, Seigneur : c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.

Réponds-moi, Seigneur, car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse, regarde-moi.

Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »

Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.
Que le ciel et la terre le célèbrent,
les mers et tout leur peuplement !

 

DEUXIÈME LECTURE
« Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure » (Rm 5, 12-15)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.

 

ÉVANGILE
« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33)
Alléluia. Alléluia.L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur, dit le Seigneur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage. Alléluia. (cf. Jn 15, 26b-27a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. »
Patrick BRAUD

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19 juin 2017

Terreur de tous côtés !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Terreur de tous côtés !


Homélie pour le 12° dimanche du temps ordinaire / Année A
25/06/2017

Cf. également :

N’arrêtez pas vos jérémiades !

L’effet saumon

Sous le signe de la promesse 


Couverture de Vivants témoins -16a- Jérémie le prophèteLa première lecture  (Jr 20, 10-13) rapporte une expression étonnante, qui n’est utilisé que huit fois dans la Bible 
[1], dont cinq dans le seul livre de Jérémie : « Terreur-de-tous-côtés ! »

Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas…

D’autres traductions (liturgie, Segond, TOB) remplacent terreur par épouvante. Le résultat est tout aussi… terrifiant : le rôle du prophète est ici d’annoncer la terreur qui vient, de prévenir le peuple des épouvantables événements qui vont bientôt arriver. En 597 avant Jésus-Christ, la terreur a pour les juifs le visage de Nabuchodonosor, empereur de Babylone, faisant le siège de Jérusalem, puis incendiant la ville, détruisant le Temple, et déportant le roi et les notables à Babylone. L’épouvante, c’est découvrir qu’il n’y a pas de limites aux crimes, à la cruauté des vainqueurs. L’épouvantable terreur que vont bientôt vivre les contemporains de Jérémie leur fera constater l’impensable, l’inenvisageable : la disparition de la royauté, du Temple, des prophètes, pendant les 60 années de l’Exil à Babylone.

Avouons que ces scènes de terreur résonnent en nous de façon dramatique. Les images des guerres du XX° siècle nous les ont remis en mémoire : boucheries inutiles des tranchées de 1418, horreur de la Shoah en 39-45, million de morts dans les camps, goulags ou autres exactions nazies ou communistes…

Et voilà qu’au 21° siècle, le djihadisme sème joue à nouveau sur la terreur pour essayer de gagner sa guerre idéologique. L’épouvante qui a frappé de stupeur les témoins du massacre du Bataclan en 2015 à Paris, ou récemment de l’explosion dans la salle de concert de Manchester ne quitte pas l’actualité de nos médias. Cette terreur-là n’est pas biblique. Au contraire, celle dont témoigne Jérémie agit à la manière d’un tocsin avertissant la population : si vous ne changez pas de comportement, les conséquences de votre iniquité, de vos idolâtries, de votre corruption seront inévitables. Vous perdrez tout, de manière horrible, si vous ne revenez pas à YHWH de tout votre cœur.

Pour Jérémie, l’annonce de la terreur se veut salutaire. Si ce n’est pas pour cette génération hélas inflexible, peut-être la génération suivante, réfléchissant sur les malheurs survenus entre-temps, pourra y puiser de quoi réfléchir sur les conditions de sa survie.

Avouez que cet avertissement prophétique de Jérémie a des accents très contemporains ! Regardez par exemple l’ex vice-président américain Al Gore. Pendant le G7 de Mai dernier, il présentait son deuxième film, qui va sortir en novembre, sur les dangers écologiques nous menaçant à très court terme. Après son premier film : « une vérité qui dérange » en 2006, il évoque dans « une suite qui dérange : le temps de l’action » le danger que représente un Donald Trump remettant en cause le réchauffement climatique et les accords de la COP 21. En même temps qu’il expose avec enthousiasme les actions qui ont commencé à transformer nos modes de vie pour plus de respect de la planète, Al Gore avertit des risques qu’un retour en arrière « trumpiste » nous ferait vivre.

Le pape Francis (R) se tient aux côtés au président américain Donald Trump lors d'une audience privée au Vatican le 24 mai 2017.

Le pape François, à sa manière, prolonge également l’action prophétique de Jérémie sur ce plan de l’écologie. En liant combat écologique et option préférentielle pour les pauvres, en rappelant que tout est lié, le social et l’écologique, le spirituel et l’économique, François dans son encyclique Laudato si n’hésite pas à rappeler les malheurs frappant les paysans, les habitants des bidonvilles ou des mégapoles contaminées par la pollution, la rareté des ressources naturelles, des modes de vie inhumains… En offrant un exemplaire de Laudato si à Donald Trump lors de sa visite au Vatican en Mai dernier, le pape François faisait comme Jérémie cherchant à épouvanter les puissants de Jérusalem avant que la terreur réelle ne s’abatte sur le peuple.

Une autre forme de prophétisme d’épouvante en France porte le visage d’un philosophe aussi populaire que décrié : Michel Onfray. Dans son dernier ouvrage monumental : Décadence, Onfray prophétise l’effondrement inéluctable d’une civilisation occidentale incapable de retrouver ses vrais moteurs spirituels, face au terrorisme musulman notamment.

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Quand on lui demande si cette décadence est évitable, Onfray répond que le Titanic coule, que rien ne peut l’empêcher de couler, et qu’on peut tout juste chanter et jouer de la musique avec élégance pendant le naufrage… Il est facile d’avoir de nombreux points de désaccord avec Michel Onfray : sa thèse invraisemblable de la non-existence historique de Jésus, sa confusion christianisme Occident, son exégèse biblique très superficielle et très datée etc. Mais on peut retenir de Décadence son côté « jérémiaque » : l’épouvante nous frappe de tous côtés à la vue de ce que les terroristes islamiques nous infligent, et cela doit résonner comme un avertissement dramatique. Onfray pense que l’Occident n’a plus de ressources pour se battre idéologiquement : qui accepterait de mourir pour une Rolex ou le CAC 40 ? Il pense que le christianisme va décliner avec l’Occident (en oubliant au passage le formidable essor chrétien en Afrique, en Asie, Amérique latine….). Il annonce l’épouvante de tous côtés qui ne fait que monter au sein des pays riches. Il prédit l’agonie d’une civilisation matérialiste qui a durement imposé sa loi d’airain aux autres cultures pendant des siècles, et c’est maintenant l’heure de leur revanche…

Sans partager cette vision déterministe, et cette désespérance des ressources du christianisme occidental, nous pouvons par contre relayer sa prophétie angoissée de  l’épouvante à venir si nous ne changeons pas nos modes de vie, notre logiciel culturel, économique et spirituel. Les racines du terrorisme djihadiste sont théologiques plus qu’économiques : tant que l’Occident ne revisitera ses raisons religieuses d’être lui-même, tant qu’il n’entrera pas en débat critique avec la vision du monde provenant de l’islam, son anthropologie, ses mythes fondateurs etc, il ne pourra pas se défendre vraiment…

Jérémie sait d’expérience qu’annoncer le malheur qui vient ne rend pas très populaire ! On l’a humilié, persécuté, poursuivi, jeté dans une prison-citerne, parce que justement il  vociférait tous haut ce que les puissants ne voulaient pas entendre. Lui-même est sans doute mort en route avec les exilés de 597 ou à Babylone.

Les Jérémie d’aujourd’hui, d’Al Gore au pape François, en passant plus ou moins par Onfray, Mélenchon ou autres ‘prophètes de malheur’, continueront à déranger les puissants, à  choquer les masses soumises aux idées dominantes. Ils n’en sont pas moins ceux à partir de qui penser à frais nouveaux la reconstruction d’un monde plus humain, comme Israël a repensé la nouvelle Jérusalem en relisant Jérémie après le retour d’Exil, à partir de 537 avant Jésus-Christ…

Relayons les paroles fortes de nos Jérémies d’aujourd’hui.

La « terreur-de-tous-côtés » peut finalement s’avérer salutaire, si elle nous ouvre les yeux sur nos idolâtries meurtrières.

 


[1] . Jr 6,5 : Ne sortez pas dans la campagne, ne vous risquez pas sur les routes, car l’ennemi porte l’épée : terreur de tous côtés!
Jr 20,4 : Ce n’est plus Pashehur que Yahvé t’appelle, mais Terreur-de-tous-côtés. Car ainsi parle Yahvé : Voici que je vais te livrer à la terreur, toi et tous tes amis;
Jr 20,10 : J’entendais les calomnies de beaucoup : « Terreur de tous côtés! »
Jr 46,5 : Leurs braves, battus, s’enfuient éperdument sans se retourner. C’est la terreur de tous côtés, oracle de Yahvé.
Jr 49,29 : Leurs tentes et leurs moutons, qu’on les prenne, leurs étoffes et tous leurs ustensiles; qu’on s’empare de leurs chameaux et qu’on crie sur eux : « Terreur de tous côtés! »
Lm 2,22 : Tu as convoqué comme pour un jour de fête les terreurs de tous côtés; au jour de la colère de Yahvé, il n’y eut rescapé ni survivant. Ceux que j’avais bercés et élevés, mon ennemi les a exterminés.
Ps 31,14 : J’entends les calomnies des gens : terreur de tous côtés ! ils se groupent à l’envie contre moi, complotant de m’ôter la vie.
Is 31,9 :  Dans sa terreur Assur abandonnera son rocher, et ses chefs apeurés déserteront l’étendard.

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE

« Il a délivré le malheureux de la main des méchants » (Jr 20, 10-13)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Moi Jérémie, j’entends les calomnies de la foule : « Dénoncez-le ! Allons le dénoncer, celui-là, l’Épouvante-de-tous-côtés. » Tous mes amis guettent mes faux pas, ils disent : « Peut-être se laissera-t-il séduire… Nous réussirons, et nous prendrons sur lui notre revanche ! » Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable. Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause. Chantez le Seigneur, louez le Seigneur : il a délivré le malheureux de la main des méchants. – Parole du Seigneur.

PSAUME
(Ps 68 (69), 8- 10, 14.17, 33-35)
R/ Dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi. (Ps 68, 14c)

C’est pour toi que j’endure l’insulte,
que la honte me couvre le visage :
je suis un étranger pour mes frères,
un inconnu pour les fils de ma mère.
L’amour de ta maison m’a perdu ;
on t’insulte, et l’insulte retombe sur moi.

Et moi, je te prie, Seigneur :
c’est l’heure de ta grâce ;
dans ton grand amour, Dieu, réponds-moi,
par ta vérité sauve-moi.
Réponds-moi, Seigneur,
car il est bon, ton amour ;
dans ta grande tendresse, regarde-moi.

Les pauvres l’ont vu, ils sont en fête :
« Vie et joie, à vous qui cherchez Dieu ! »
Car le Seigneur écoute les humbles,
il n’oublie pas les siens emprisonnés.
Que le ciel et la terre le célèbrent,
les mers et tout leur peuplement !

DEUXIÈME LECTURE
« Le don gratuit de Dieu et la faute n’ont pas la même mesure » (Rm 5, 12-15)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères,
nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché. Avant la loi de Moïse, le péché était déjà dans le monde, mais le péché ne peut être imputé à personne
tant qu’il n’y a pas de loi. Pourtant, depuis Adam jusqu’à Moïse, la mort a établi son règne, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression semblable à celle d’Adam. Or, Adam préfigure celui qui devait venir. Mais il n’en va pas du don gratuit comme de la faute. En effet, si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ.

ÉVANGILE

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps » (Mt 10, 26-33) Alléluia. Alléluia. 
L’Esprit de vérité rendra témoignage en ma faveur, dit le Seigneur.
Et vous aussi, vous allez rendre témoignage.
Alléluia. (cf. Jn 15, 26b-27a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

 En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres : « Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est caché qui ne sera connu. Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ; ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux.
Patrick BRAUD

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