L'homélie du dimanche (prochain)

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9 juillet 2023

Le semeur de paraboles

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le semeur de paraboles

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps Ordinaire / Année A
16/07/2023

Cf. également :
Prenez-en de la graine !
Semer pour tous
La lectio divina : galerie de portraits
Éléments d’une écologie chrétienne
Le management du non-agir
Le pourquoi et le comment

Polysémie, vous avez dit polysémie ?

Deux personnes descendent par la cheminée.
L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale.
Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?

Le semeur de paraboles dans Communauté spirituelle 2FpAAEGwsJtGJDtJxHvqtglgkBsAmusez-vous à réfléchir à cette énigme rabbinique (qu’on appelle mashal)…
Avec un peu d’imagination, vous trouverez une, puis deux et trois solutions, toutes logiques : celui qui a le visage propre, ou les deux, ou aucun des deux !
Le problème est qu’elles sont contradictoires entre elles ! Et, comble de confusion, on peut même trouver une quatrième qui annule toutes les autres ! (voir en fin d’homélie…)

Cette petite histoire a toutes les caractéristiques d’une parabole évangélique ; elle est construite comme la parabole du semeur de ce dimanche et peut nous aider à la comprendre. En effet, c’est une histoire inventée de toutes pièces, mais inspirée par des scènes de la vie quotidienne. C’est une histoire où il y a de l’étrange, assez pour nous intriguer, nous dérouter, exciter notre curiosité pour aller voir ce qu’il y a à tirer de cette  énigme bizarre…

Provoquer l’étonnement, susciter l’interrogation, encourager la recherche : voilà des caractéristiques de la pédagogie de la parabole que Jésus n’a cessé d’exploiter au maximum. Se comportant ainsi en maître de sagesse, il surprend ses auditeurs, les intéresse, les « accroche », pour les encourager à aller plus loin que leurs certitudes et leurs opinions immédiates.
Belle pédagogie ! Plutôt que de s’opposer frontalement aux pharisiens scandalisés par le bon accueil qu’il fait aux pécheurs, Jésus préfère prendre un chemin détourné : il leur invente des histoires-à-réfléchir, pour qu’ils découvrent par eux-mêmes combien Dieu est « riche en miséricorde »…
« Il leur enseignait en paraboles beaucoup de choses »

Ce genre littéraire de la parabole (mashal en hébreu = enseignement par énigme) était bien connu au temps de Jésus. Mais l’Ancien Testament l’emploie peu (trois ou quatre fois seulement). Le Nouveau Testament y fait recours environ 90 fois !
Jésus a largement utilisé ce mode de prédication qui relève de la sagesse, alors que les autorités religieuses ne se référaient qu’à la Loi, et que les foules n’attendaient avec exaltation qu’un prophète révolutionnaire.

Lire-aux-eclats-Reedition mashal dans Communauté spirituelleRemplacez l’énigme de la cheminée par un passage biblique, et vous avez une des bases de l’exégèse juive : la pluralité des interprétations. Ce que Marc-Alain Ouaknin appelle « lire aux éclats », ou David Banon « la lecture infinie ». Comme le cristal de roche disperse le spectre de la lumière blanche en une infinité de couleurs juxtaposées, de l’ultraviolet invisible au rouge pétant, l’étude d’un texte biblique engendre sans cesse de nouvelles interprétations différentes les unes des autres, voire contradictoires. Et il faut toutes les garder !

Le texte biblique est polysémique : il a plusieurs sens, et nulle lecture ne peut les épuiser.
Les exégètes chrétiens distinguaient autrefois le sens littéral, le sens moral, le sens allégorique, le sens spirituel, le sens mystique. Aujourd’hui, en mettant les lunettes des sciences humaines, on peut faire tour à tour une lecture sociologique, politique, psychologique, psychanalytique, économique, anthropologique etc. du même passage ! Et avec chaque paire de lunettes on trouvera des merveilles, fort différentes !

Méfiez-vous donc des interprétations uniques qui vous dicteraient ce qu’il faut penser de tel passage biblique.
La pluralité des interprétations garantit l’interprétation du réel, qui est pluriel.

 

Pourquoi les paraboles ?
33113999 parabole
Voilà sans doute pourquoi Jésus parle en paraboles.
Avec la parabole du semeur (Mt 13,1 23) de ce dimanche, Matthieu montre Jésus en semeur de paraboles.
Il commence une longue collection de 7 paraboles, ce qui atteste que cette manière d’enseigner est au cœur de sa pédagogie, pour faire découvrir le royaume de Dieu tout proche. L’art  de la parabole reprend celui du mashal, cette énigme de la cheminée qui oblige le lecteur à se creuser la tête, à chercher et à imaginer ce qui n’est pas écrit. Le mashal juif et la parabole font partie du courant biblique qu’on appelle la Sagesse. Il y a trois principaux groupes de livres dans la bibliothèque biblique : la Loi (la Torah, le Pentateuque = les 5 livres de Gn, Ex ; Nb ; Lv, Dt), les Prophètes (Isaïe, Jérémie etc.), et la Sagesse (les Proverbes, les Psaumes, Qohélet, Ben Sirac, et beaucoup de passages enchâssés dans les autres, comme par exemple le cycle de Jacob).
La Loi prescrit, les Prophètes dénoncent, mais la Sagesse fait réfléchir.
La Loi est froide, objective ; les Prophètes sont bouillants, passionnés. Mais la Sagesse interroge, déstabilise. Une parabole comme celle du semeur est faite pour intriguer l’auditeur, le mettre en mouvement, susciter en lui une quête de sens. Que veut dire cette histoire apparemment banale ? De quelle semence s’agit-il ? Que représentent les différents terrains sur lesquels tombent les graines ? Qui est ce semeur ? Etc.

Voici une piste sûre pour annoncer l’Évangile aujourd’hui encore : ne pas recourir à la Loi ou aux Prophètes seulement, mais également à la Sagesse. C’est ce que Jésus fait ici avec talent dans les 7 paraboles rapportées par Matthieu.

 

Pourquoi Jésus ne parle pas plus clairement ?
L’intérêt de cette pédagogie sapientielle des paraboles est de ne rien imposer de l’extérieur à l’auditeur : à lui de faire le chemin pour donner sens à ce qu’il a entendu. Jésus ne veut pas le faire à sa place. Du coup, chacune de ces paraboles est ouverte. Il n’y a pas de leçon de morale en finale comme dans les fables de La Fontaine, comme dans les sermons moralisateurs qui veulent imposer une seule interprétation, le plus souvent celle qui sert les intérêts des puissants.

 polysémie

Et nous : comment jouons-nous de ce registre de la Sagesse ? Lorsque nous répétons : ‘il faut’, ‘tu dois’, ‘fais des efforts’, nous sommes sous le joug de la Loi.
Lorsque nous laissons l’émotion et les cris du cœur nous indigner avec violence, nous sommes dans l’excès  prophétique.
Lorsque nous posons des questions ouvertes en laissant l’autre cheminer à sa manière pour y répondre ce qui lui sera utile, nous pratiquons la pédagogie de la sagesse.

Ainsi, à quelqu’un qui s’enferme dans une secte comme les Témoins de Jéhovah ou un extrême politique, lancer des impératifs catégoriques ou protester la main sur le cœur ne feront pas grand-chose. Par contre, poser de bonnes questions, appeler à réfléchir sur tel événement, énoncer les contradictions qui s’accumulent, ou même témoigner de sa propre histoire sont des bouteilles à la mer que l’autre saisira lorsqu’il voudra, lorsque ce sera le moment pour lui.

9406e4_b02e0ecb51b14abebf16400d47666f6b~mv2 semeurQuand ses disciples lui posent la question : « pourquoi leur parles-tu en paraboles ? », Jésus répond : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre ».
Il semble qu’il y ait d’abord un constat, un peu amer : certains ne veulent rien entendre qui les perturbe, rien voir qui les étonnerait. Ils se condamnent eux-mêmes à être sourds et aveugles, à passer à côté du mystère c’est-à-dire des choses cachées que Dieu veut leur révéler. Comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? Sinon en attendant que cette soif vienne et lui ouvre le chemin de l’abreuvoir ?
Les paraboles sont adressées et soumises à l’intelligence, à l’interprétation et même à la liberté de l’auditeur, comme en atteste la formule de Jésus dans ce passage, qui résonne comme un appel à rechercher le sens de cette parole : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

Il peut y avoir une deuxième raison à ce parler parabolique : utiliser un langage codé, pour cacher aux yeux des ennemis le cœur subversif du message. Ceux dont le cœur est fermé lisent les paraboles au premier degré, et n’y verront qu’une histoire moralisante certes mais peu dangereuse. Les disciples savent – eux - se mettre en quête d’autres significations plus profondes, plus radicales, véritables appels à la conversion. Ainsi l’Église peut-elle propager l’Évangile sans attirer le soupçon de ses ennemis. La parabole est un peu le Radio-Londres des chrétiens résistants à la domination païenne…

Il pourrait y avoir encore une troisième raison de parler en paraboles : ne pas dévaluer le trésor de l’Évangile en le révélant à n’importe qui n’importe quand. « Les choses saintes aux saints », chantent les orthodoxes avant de distribuer la communion. Il faut être initié (par les trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, confirmation, eucharistie) pour communier aux saints  mystères, et ceux qui ne sont pas en communion avec l’Église ne peuvent y accéder. « Ne donnez pas aux chiens ce qui est sacré ; ne jetez pas vos perles aux pourceaux, de peur qu’ils ne les piétinent, puis se retournent pour vous déchirer » (Mt 7,6).

La Parole de Dieu est trop précieuse pour être délivrée entre deux grivoiseries, ou au cœur d’une polémique violente : ce serait la dévaloriser, ce serait gâcher toutes ses chances de grandir en prenant racine. Il vaut mieux parfois se taire, cacher le trésor de l’Évangile derrière des histoires apparemment banales plutôt qu’il soit foulé aux pieds par des soudards…

 

Parabole, symbole, diabole, hyperbole
Terminons en passant en revue les différents usages du verbe jeter (balleïn en grec) de notre parabole du semeur.

Le mot parabole nous met sur la voie d’un parallélisme entre l’observation du réel et la révélation de Dieu / de l’homme. En effet, para-balleïn signifie étymologiquement : mettre côte à côte des réalités différentes (jeter/balleïn, à côté/para).
C’est donc un procédé de comparaison : mettre en parallèle la miséricorde divine et le comportement du semeur permet de s’interroger, fait réfléchir et progresser chacun, sans lui asséner une vérité extérieure. En méditant sur les paraboles, pour y trouver sans cesse de nouveaux sens cachés, l’auditeur sera conduit toujours plus loin dans l’infini de la révélation divine au-dedans de lui, sans extériorité…

Le SymboleLe symbole (syn – balleïn en grec = jeter ensemble) est l’art de réunir.
La parabole donne à l’auditeur des morceaux d’un puzzle éparpillé, qu’il assemblera d’une manière unique selon sa vision des choses, composant ainsi un tableau très personnel. Le symbole permet de recoller les morceaux en quelque sorte. Ainsi l’eucharistie met-elle ensemble, symboliquement, le corps personnel de Jésus ressuscité, le pain et le vin et l’assemblée–Église pour qu’ils ne soient qu’un. C’est pour cela que le texte du Credo est fort justement appelé un Symbole (le Symbole des Apôtres par exemple) : le fait de le réciter ensemble permet symboliquement à l’assemblée de se reconnaître une et unie au Christ.

L’hyperbole est une réalité largement au-dessus (hyper – balleïn = jeter au-dessus) d’une autre (c’est donc une exagération voulue). Le langage hyperbolique exagère à dessein pour faire prendre conscience de la grandeur de ce qui est évoqué.

Le diable (dia – balleïn = jeter en dispersant) est celui qui divise et éparpille (dia), en empêchant de réunir ce qui est distinct, alors que le symbole unit (syn).
Le diable prend un « malin » plaisir à dissocier tout ce qui pourrait s’agréger à l’unité symbolique, afin que la communion à autrui ne soit plus possible.

Bien sûr, nous sommes des gens du symbolique, et parler en paraboles est l’une des meilleures annonces du Christ que nous pouvons faire.
Méditons donc cette semaine la parabole du semeur, afin que nous devenions nous-mêmes semeur de paraboles.

 

Bonus : l’énigme de la cheminée aux deux visages

visages-suie-propreUn rabbin mettait un jour à l’épreuve un jeune ultra-diplômé qui était persuadé de pouvoir étudier la Tora :
Deux personnes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va aller se laver le visage ?
Les yeux du jeune philosophe se sont agrandis.
Est-ce un test de logique ? !
Le rabbin  hocha la tête. Le jeune diplômé répondit :
Eh bien, bien sûr, celui avec le visage sale !
Faux-, répondit le rabbin. Réfléchis logiquement : celui qui a un visage sale regarde quelqu’un dont le visage est propre et décide que son visage est propre aussi. Celui qui a un visage propre regardera le visage sale et pensera qu’il est sale aussi et ira se laver le visage.
Intelligent ! – dit l’étudiant. – Allez, Rabbi, donnez-moi un autre test !

Très bien, jeune homme. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
Mais nous avons déjà répondu : celui qui a le visage propre !
Faux, dit le rabbin. Les deux vont se laver le visage. Pense logiquement : celui qui a le visage propre regardera celui qui a le visage sale et décidera que son visage est sale aussi. Celui qui a le visage sale verra l’autre aller se laver, se rendra compte que son visage est sale et ira se laver aussi
- Je n’avais pas pensé à ça ! Incroyable – j’ai fait une erreur de logique ! Rabbi, faisons un autre test !

- Très bien. Deux hommes descendent par la cheminée. L’un sort avec un visage propre, l’autre avec un visage sale. Lequel d’entre eux va se laver ?
- Facile : Les deux vont se laver.
- Faux. Aucun des deux ne va se laver. Réfléchis logiquement : celui dont le visage est sale regardera celui dont le visage est propre et n’ira pas se laver. Celui qui a un visage propre verra que celui dont le visage est sale ne lavera pas son propre visage et se rendra compte que son visage est propre et ne se lavera pas non plus.
Le jeune homme est désespéré :
- Croyez-moi, je peux étudier le Talmud ! Demandez-moi autre chose !

- Très bien, répondit le rabbin. Deux hommes descendent par la cheminée…
- Oh, mon Dieu ! s’écria l’étudiant. Aucun des deux ne va se laver ! !!
- Faux, répondit le rabbin. Maintenant tu es convaincu que connaître tous les diplômes du monde ne sont pas suffisants pour étudier le Talmud ? Dis-moi, comment se peut-il que deux personnes descendent dans le même tuyau et que l’une d’entre elles se salisse le visage et pas l’autre ? ! Tu ne comprends pas ? Toute cette question n’a aucun sens, et si tu passes ta vie à répondre à des questions dénuées de sens, toutes tes réponses seront également dénuées de sens … !

Cf. https://perditions-ideologiques.com/2021/11/28/une-parabole-juive/

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« La pluie fait germer la terre » (Is 55, 10-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Ainsi parle le Seigneur : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. »

PSAUME
(Ps 64 (65), 10abcd, 10e-11, 12-13, 14)
R/ Tu visites la terre et tu l’abreuves, Seigneur, tu bénis les semailles. (cf. Ps 64, 10a.11c)

Tu visites la terre et tu l’abreuves,
tu la combles de richesses ;
les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau,
tu prépares les moissons.

Ainsi, tu prépares la terre,
tu arroses les sillons ;
tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies,
tu bénis les semailles.

Tu couronnes une année de bienfaits,
sur ton passage, ruisselle l’abondance.
Au désert, les pâturages ruissellent,
les collines débordent d’allégresse.

Les herbages se parent de troupeaux
et les plaines se couvrent de blé.
Tout exulte et chante !

DEUXIÈME LECTURE
« La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-23)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. En effet la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant, non pas de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps.

ÉVANGILE
« Le semeur sortit pour semer » (Mt 13, 1-23)
Alléluia. Alléluia. La semence est la parole de Dieu ; le semeur est le Christ ; celui qui le trouve demeure pour toujours. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord de la mer. Auprès de lui se rassemblèrent des foules si grandes qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : « Voici que le semeur sortit pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin, et les oiseaux sont venus tout manger. D’autres sont tombés sur le sol pierreux, où ils n’avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt, parce que la terre était peu profonde. Le soleil s’étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. D’autres sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. D’autres sont tombés dans la bonne terre, et ils ont donné du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

Les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » Il leur répondit : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume des Cieux, mais ce n’est pas donné à ceux-là. À celui qui a, on donnera, et il sera dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a. Si je leur parle en paraboles, c’est parce qu’ils regardent sans regarder, et qu’ils écoutent sans écouter ni comprendre. Ainsi s’accomplit pour eux la prophétie d’Isaïe : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur cœur ne comprenne, qu’ils ne se convertissent, – et moi, je les guérirai. Mais vous, heureux vos yeux puisqu’ils voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! Amen, je vous le dis : beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur. Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre, le Mauvais survient et s’empare de ce qui est semé dans son cœur : celui-là, c’est le terrain ensemencé au bord du chemin. Celui qui a reçu la semence sur un sol pierreux, c’est celui qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie ; mais il n’a pas de racines en lui, il est l’homme d’un moment : quand vient la détresse ou la persécution à cause de la Parole, il trébuche aussitôt. Celui qui a reçu la semence dans les ronces, c’est celui qui entend la Parole ; mais le souci du monde et la séduction de la richesse étouffent la Parole, qui ne donne pas de fruit. Celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et la comprend : il porte du fruit à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un. »
Patrick BRAUD

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4 juin 2023

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome

Homélie pour le Dimanche de la fête du Corps et du Sang du Christ / Année A
11/06/2023

Cf. également :
Le réel voilé sous le pain et le vin
L’Alliance dans le sang
Les 4 présences eucharistiques
Bénir en tout temps en tout lieu
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie

Fêtons le Saint Sacrement avec Chrysostome dans Communauté spirituelle Le-Saint-Sacrement-Livre-1970896240_MLSaint Jean Chrysostome (344-407) est l’un des Pères de l’Église les plus percutants sur le plan social. Cela lui a valu des années d’exil de la part du pouvoir impérial qui n’aimait pas trop ce trublion, non aligné sur les puissants de l’époque.

Il fait sans cesse le lien entre l’eucharistie et les pauvres, et souligne avec force que le sacramentel doit se traduire dans le social, sinon ce n’est que de la superstition. Pourtant on lui doit l’anaphore (prière eucharistique) la plus célébrée des Divines Liturgies dans les Églises orthodoxes : son amour de l’eucharistie est donc au-dessus de tout soupçon !

À l’heure où prolifèrent les élucubrations les plus irrationnelles sur l’eucharistie, célébrons la fête du Corps et du Sang du Christ en laissant l’évêque de Constantinople remettre à l’endroit notre dévotion au Saint Sacrement.

 

À la vue d’un pauvre fidèle, dites-vous que c’est un autel que vos yeux contemplent
Le Christ nous a invités à sa table, il nous a vêtus, quand nous étions nus, et nous ne l’accueillons pas quand il passe.
Il nous a fait boire à sa coupe, et nous lui refusons un verre d’eau fraîche.

infographie-carte-europe-sdf-01 autel dans Communauté spirituelleEh bien ! Vous honorez cet autel parce qu’il supporte le corps du Christ, et pour l’autel qui est le corps du Christ, vous l’outragez, et quand il tombe en ruines, vous passez sans regarder. Cet autel, vous pourrez le voir partout, dans les ruelles, et dans les places, et il n’est pas de jour où vous ne puissiez y offrir un sacrifice à toute heure, car sur cet autel le sacrifice s’offre aussi.

Et de même que le prêtre, debout à l’autel, fait venir le Saint-Esprit, de même, vous aussi, vous le faites venir ce Saint-Esprit, non par des paroles, mais par des actions. Car il n’est rien qui alimente, qui embrase le feu du Saint-Esprit, comme cette huile de l’aumône largement répandue. Tenez-vous à savoir encore ce que deviennent les largesses épanchées par vous, approchez, je vous montrerai tout. Quelle est la fumée ? Quelle est la bonne odeur que cet autel exhale ? C’est la gloire, avec les bénédictions. Et jusqu’où monte-t-elle cette fumée ? Jusqu’au ciel ? Non, elle ne s’y arrête nullement ; elle s’élève bien au-dessus du ciel, elle va plus haut encore ; jusqu’au trône même du Roi des Rois. « Car - dit l’Écriture - vos prières et vos aumônes sont montées jusqu’à la présence de Dieu » (Ac 10,4). La bonne odeur qui flatte les sens ne traverse pas une grande partie de l’air,  alors que le parfum de l’aumône pénètre à travers les plus hautes voûtes des cieux. Vous gardez le silence, mais votre œuvre fait entendre un grand cri. C’est un sacrifice de louange ; il n’y a pas de génisse égorgée, de peau dévorée par la flamme, c’est une âme spirituelle qui apporte tous ses dons : sacrifice incomparable, surpassant tout ce que peut faire l’amour pour les hommes.

Donc à la vue d’un pauvre fidèle, dites-vous que c’est un autel que vos yeux contemplent.

À la vue d’un mendiant, qu’il ne vous suffise pas de ne pas l’outrager, soyez encore saisi de respect. Que si vous voyez qu’on l’outrage, empêchez, repoussez cette injure. C’est ainsi que vous pourrez vous rendre Dieu propice, et obtenir les biens qui nous sont annoncés. Puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Jean Chrysostome, Homélie XX sur 2Co 9, 10-15

 

Ce temple-là a plus de valeur que l’autre
« Tu veux honorer le Corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Ne l’honore pas ici dans l’église, par des tissus de soie, tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : “Ceci est mon Corps” (1 Co 11,24), et qui l’a réalisé en le disant, c’est lui qui a dit : “Vous m’avez vu avoir faim, et vous ne m’avez pas donné à manger” (Mt 25,42), et aussi : “Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait“ (Mt 25,45). Ici le Corps du Christ n’a pas besoin de vêtements, mais d’âmes pures ; là-bas, il a besoin de beaucoup de sollicitude. »

Apprenons donc à vivre selon la sagesse et à honorer le Christ comme il le veut lui-même. Car l’hommage qui lui est le plus agréable est celui qu’il demande, non celui que nous-mêmes choisissons. Lorsque Pierre croyait l’honorer en l’empêchant de lui laver les pieds, ce n’était pas de l’honneur, mais tout le contraire. Toi aussi, honore-le de la manière prescrite par lui en donnant ta richesse aux pauvres. Car Dieu n’a pas besoin de vases d’or mais d’âmes qui soient en or.

Je ne vous dis pas cela pour vous empêcher de faire des donations religieuses, mais je soutiens qu’en même temps, et même auparavant, on doit faire l’aumône. Car Dieu accueille celles-là, mais bien davantage celle-ci. Car, par les donations, celui qui donne est le seul bénéficiaire mais, par l’aumône, le bénéficiaire est aussi celui qui reçoit. La donation est une occasion de vanité ; mais l’aumône n’est autre chose qu’un acte de bonté.

trois calice d'or

Quel avantage y a-t-il à ce que la table du Christ soit chargée de vases d’or, tandis que lui-même meurt de misère ? Commence par rassasier l’affamé et, avec ce qui te restera, tu orneras son autel. Tu fais une coupe en or, et tu ne donnes pas un verre d’eau fraîche ? Et à quoi bon revêtir la table du Christ de voiles d’or, si tu ne lui donnes pas la couverture qui lui est nécessaire ? Qu’y gagnes-tu ? Dis-moi donc : Si tu vois le Christ manquer de la nourriture indispensable, et que tu l’abandonnes pour recouvrir l’autel d’un revêtement précieux, est-ce qu’il va t’en savoir gré ? Est-ce qu’il ne va pas plutôt s’en indigner ? Ou encore, tu vois le Christ couvert de haillons, gelant de froid, tu négliges de lui donner un manteau, mais tu lui élèves des colonnes d’or dans l’église en disant que tu fais cela pour l’honorer. Ne va-t-il pas dire que tu te moques de lui, estimer que tu lui fais injure, et la pire des injures ?

Pense qu’il s’agit aussi du Christ, lorsqu’il s’en va, errant, étranger, sans abri ; et toi, qui as omis de l’accueillir, tu embellis le pavé, les murs et les chapiteaux des colonnes, tu attaches les lampes par des chaînes d’argent ; mais lui, tu ne veux même pas voir qu’il est enchaîné dans une prison. Je ne dis pas cela pour t’empêcher de faire de telles générosités, mais je t’exhorte à les accompagner ou plutôt à les faire précéder par les autres actes de bienfaisance. Car personne n’a jamais été accusé pour avoir omis les premières, tandis que, pour avoir négligé les autres, on est menacé de la géhenne, du feu qui ne s’éteint pas, du supplice partagé avec les démons.
Par conséquent, lorsque tu ornes l’église, n’oublie pas ton frère en détresse, car ce temple-là a plus de valeur que l’autre.

Jean Chrysostome, Homélie sur l’Évangile de Matthieu

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Dieu t’a donné cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue » (Dt 8, 2-3.14b-16a)

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse disait au peuple d’Israël : « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. N’oublie pas le Seigneur ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif. C’est lui qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure. C’est lui qui, dans le désert, t’a donné la manne – cette nourriture inconnue de tes pères. »

PSAUME
(Ps 147 (147 B), 12-13, 14-15, 19-20)
R/ Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! (Ps 147, 12a)

Glorifie le Seigneur, Jérusalem ! Célèbre ton Dieu, ô Sion !
Il a consolidé les barres de tes portes,
dans tes murs il a béni tes enfants.

Il fait régner la paix à tes frontières,
et d’un pain de froment te rassasie.
Il envoie sa parole sur la terre :
rapide, son verbe la parcourt.

Il révèle sa parole à Jacob,
ses volontés et ses lois à Israël.
Pas un peuple qu’il ait ainsi traité ;
nul autre n’a connu ses volontés.

DEUXIÈME LECTURE
« Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps » (1 Co 10, 16-17)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, la coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain.

SÉQUENCE

Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de : « Le voici, le pain des anges »

Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il devient  le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

ÉVANGILE
« Ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn 6, 51-58)
Alléluia. Alléluia. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51.58)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
 En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »
Patrick BRAUD

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12 juin 2022

Le réel voilé sous le pain et le vin

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le réel voilé sous le pain et le vin

Homélie pour la fête du Corps et du Sang du Christ / Année C
19/06/2022

Cf. également :

Bénir en tout temps en tout lieu
Les 4 présences eucharistiques
Les deux épiclèses eucharistiques
Les trois blancheurs
Comme une ancre jetée dans les cieux
Boire d’abord, vivre après, comprendre ensuite
De quoi l’eucharistie est-elle la madeleine ?
Donnez-leur vous-mêmes à manger
Impossibilités et raretés eucharistiques
Je suis ce que je mange
L’eucharistie selon Melchisédech
2, 5, 7, 12 : les nombres au service de l’eucharistie
L’Alliance dans le sang

 

Canal arc en ciel liquide

Diffraction liquide

Un jour, me promenant le long d’un canal, j’ai vu soudain surgir un arc-en-ciel liquide dansant sur les ondulations de l’eau calme. Les couleurs s’étalaient sur toute la largeur, et on distinguait nettement le jaune, le rouge, le vert, l’indigo etc. Les marcheurs derrière ne le voyaient pas. Les poissons dans l’eau nageant au milieu ne le savaient pas. Les cyclistes sur le pont au-dessus ne remarquaient rien. Cet arc-en-ciel liquide, petit miracle de diffraction dans l’eau et non dans l’air, n’existait que pour les passants à l’intérieur d’un certain angle  de vue, et pour personne d’autre. Et pourtant, il était bien réel !

Et voilà que me remontaient à la mémoire les débats du XX° siècle entre scientifiques au sujet du réel : la physique peut-elle atteindre le réel en soi, tel qu’il existe en dehors de nous, ou bien tout dépend-t-il de la position de l’observateur ? Les tenants de la première position, dite réaliste, avaient dans leurs rangs Einstein et la théorie de la relativité. La seconde position, dite subjectiviste, était soutenue par Max Planck, Maxwell et la théorie de la mécanique quantique. Leur disputatio faisait écho à celle des philosophes du XVIII° siècle, notamment entre les héritiers d’Aristote voulant atteindre l’être des choses telles qu’il existe en lui-même hors de l’homme et les novateurs comme Kant qui avançait que l’homme ne connaîtrait jamais que des phénomènes, manifestations extérieures d’une réalité hors de portée de la connaissance humaine.

En physique, le débat Einstein-Planck a été tranché fin XX° début XXI° par des expérimentations incontestables. Sans entrer dans le détail [2], des physiciens ont montré qu’Einstein avait tort, et que la mécanique quantique a bien raison : tout dépend de l’observateur, sa position, sa vitesse. Ce qu’il voit ou ce qu’il mesure n’est pas la chose en elle-même, mais le résultat de sa mesure sur la chose. Un peu comme le thermomètre dans un verre d’eau : il ne mesure pas la température de l’eau avant, mais du système ‘eau + thermomètre’ après. Autrement dit, la température d’avant la mesure est inaccessible. Bien sûr, dans la vie courante, ces différences sont microscopiques et ne changent rien. Mais à l’échelle atomique ou astronomique, leurs conséquences sont énormes !

 

Le Réel voilé

Le réel voilé

Un physicien et philosophe français a proposé une belle expression pour désigner cette caractéristique de l’être des choses qui ne se révèle qu’en interaction avec un observateur : le réel voilé [2]. Bernard d’Espagnat commente longuement les conséquences philosophiques de ces expériences qui ont permis de résoudre le fameux paradoxe EPR (acronyme dérivé des initiales d’Einstein, Podolsky et Rosen, deux de ses collaborateurs à l’Université de Princeton qui partageaient son postulat déterministe) au bénéfice du subjectivisme et au détriment du réalisme. Le réel est voilé : il se manifeste en se transformant ; il reste caché tout en se laissant mesurer ; il est irréductible à ce qu’on connaît de lui ; il échappe toujours ; il dépend de celui qui l’approche, comme l’arc-en-ciel liquide apparaît puis disparaît aux yeux du marcheur le long du canal…
« Toujours au chapitre des propriétés de cette évanescente réalité, il faut enfin noter qu’elle n’est pas directement accessible, puisque nos instruments nous indiquent seulement ce qu’elle ne saurait être. D’ailleurs, elle dépend, du moins en partie, de l’observateur, une notion que la mécanique quantique a rendue familière ».

Il semble bien que les choses existent en dehors de nous, indépendamment de toute observation ou mesure. Notre fonction est de savoir les saisir sans les déformer. Est-il possible de le faire objectivement ? Est objectif ce qui est comme détaché de son auteur, ce qui est dans l’objet et non pas dans le sujet qui l’observe. Mais comment le saurai-je s’il n’y a pas quelqu’un pour le dire ? C’est pourquoi on précise : est objectif ce qui est dans l’objet pensé. Est subjectif ce qui est dans le sujet pensant. De toute manière, la pensée est toujours présente. Il n’est pas possible de dire ce que serait le monde si l’homme n’était pas présent pour l’exprimer.

Ainsi le réel vrai est lointain alors que la chose est proche. Et c’est parce qu’il est lointain qu’il est aussi voilé. Qu’est-ce que le voile ? C’est l’étoffe qui couvre ou protège un visage, peut-être pour le cacher, le tenir à l’écart des indiscrétions ou des impuretés, tel le voile des religieuses ou des femmes arabes. Mais le voile peut exprimer un obscurcissement ou un éblouissement, et c’est le cliché voilé. Il peut être encore un prétexte pour empêcher que l’on connaisse la vérité : il est alors voulu et non pas spontané. Il est provisoire ou définitif : on voit s’esquisser ainsi les expressions de dévoiler et de révéler. La fonction de l’esprit est de lever le voile qui empêche de connaître. Mais est-il vraiment capable de le faire ? Pour d’Espagnat le mot réalité a deux sens qui ne se recouvrent pas. Il y a la réalité en soi, ou de base ; la réalité « derrière les choses », dite encore intrinsèque, hors de l’espace et du temps : c’est celle qui est lointaine et voilée. L’autre réalité est appelée : de l’expérience, ou empirique, la réalité « pour nous » qui la côtoyons, celle que le commun considère comme la seule. C’est le monde des phénomènes, domaine de la science positive, de l’ensemble des apparences. Le mot allemand Erscheinung (ce qui émerge, ce qui apparaît) est précisément meilleur que celui de phénomène pour décrire notre interaction avec le réel.

 

La séquence du Saint-Sacrement

Lauda SionPourquoi ce long détour par la philosophie des Lumières ou la physique quantique ? Parce que la séquence de la fête du Saint-Sacrement d’aujourd’hui nous met sur cette voie pour penser ce qui arrive au pain et au vin dans l’eucharistie. Cette séquence longue, belle et solidement construite, est le fruit de la réflexion théologique de Saint Thomas d’Aquin sur l’eucharistie. Il propose le mot de transsubstantiation pour appréhender le mystère de cette transformation sacramentelle. Et dans la séquence qu’il a composée, il emploie des termes plus simples qui sont finalement assez proches de ceux employés par Bernard d’Espagnat :

C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.

Voilà notre réel caché qui pointe le bout de son nez dès 1264, appliqué aux espèces eucharistiques ! Sa consonance avec la physique quantique nous fait dresser l’oreille : il y aurait donc une réalité cachée sous l’apparence du pain et du vin ? Une réalité voilée en quelque sorte que la foi nous permettrait de deviner, tel le bon angle de vue pour l’arc-en-ciel liquide sur le canal ? Celui qui voit le pain et le vin sous l’angle de la foi ne voit pas la même chose que les autres observateurs. Et tous ont raison ! Car de la position de chacun dépend la réalité de ce qu’il observe !

Soyons honnêtes : Thomas d’Aquin était un aristotélicien réaliste. Il croyait fermement que l’en-soi des choses existe en dehors de nous, et que la transsubstantiation pouvait décrire l’en-soi de l’eucharistie. Peu importe ! Il nous suffit de reprendre sa géniale intuition : il y a un réel caché sous le pain et le vin, et les yeux de la foi y discernent le corps et le sang du Christ. Le réel voilé sous les espèces, c’est le Christ lui-même, en personne, qui se donne à celui qui croit.

Cet autre texte poétique de Thomas d’Aquin sur l’eucharistie peut nourrir notre méditation de ce dimanche :

« Je t’adore avec amour, ô Dieu caché, réellement présent sous ces apparences ; mon cœur se soumet à toi tout entier, car quand il te contemple, tout lui fait défaut.
La vue, le toucher, le goût ne font ici que nous tromper mais nous croyons fermement ce que nous avons entendu ; je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu. Rien n’est plus vrai que cette Parole de vérité.
Sur la Croix seule la divinité se cachait, mais ici l’humanité aussi se cache; je crois pourtant à toutes deux et je le proclame, et je demande ce que demandait le larron repentant.
Je ne vois pas tes plaies comme saint Thomas, je proclame pourtant que tu es mon Dieu ! Fais que je croie toujours plus en toi, Que j’espère en toi, que je t’aime.
Ô mémorial de la mort du Seigneur ! Pain vivant qui donne la vie aux hommes : Fais que mon esprit trouve la vie en Toi ! et goûte toujours combien tu es doux.
Seigneur Jésus, Pélican plein de bonté, de mon impureté purifie-moi par ton Sang, dont une seule goutte suffirait pour sauver le monde de tous ses péchés.
Jésus que je contemple maintenant voilé, je t’en prie, réalise mon plus ardent désir : que j’aie le bonheur de te voir un jour face à face dans ta Gloire. Amen. » (Prière de Saint Thomas recueillie dans le Catéchisme de l’Église Catholique au n° 1381).

Le Dieu caché

Bien avant d’Espagnat, un autre génial français avait formulé cette hypothèse du Dieu caché sous le voile des apparences. Blaise Pascal en effet été fortement impressionné par le caractère caché du Dieu de l’Ancien Testament : Deus absconditus, adjectif qui a donné abscons en français, qu’on traduit par incompréhensible alors que ce n’est que du caché qui demande du travail pour être dévoilé.

« Je crois qu’Isaïe le voyait en cet état, lorsqu’il dit en esprit de prophétie : Véritablement tu es un Dieu caché (Is 45,15). C’est là le dernier secret où il peut être. […] Toutes choses couvrent quelque mystère ; toutes choses sont des voiles qui couvrent Dieu. Les Chrétiens doivent le reconnaître en tout ».

Pascal soutenait – à juste titre – que Dieu ne cesse d’être caché tout en se révélant en Jésus de Nazareth, car son incarnation enfouit la divinité en quelque sorte dans notre humanité, si bien que très peu l’ont reconnue. Pascal voit dans l’eucharistie la prolongation de ce jeu de dévoilé-caché, puisque le pain et le vin enveloppent la présence réelle d’un voile que seule la foi peut percer. Caché « sous le voile de la nature », caché sous l’humanité de l’Incarnation, Dieu l’est aussi, comme Pascal le précise ensuite, sous les espèces du pain et du vin dans l’Eucharistie et sous la lettre de l’Écriture.

Dans une Lettre à Mademoiselle de Roannez du 29 octobre 1656, il écrit :

Vierge voilée Musée de Valenciennes« Cet étrange secret, dans lequel Dieu s’est retiré, impénétrable à la vue des hommes, est une grande leçon pour nous porter à la solitude loin de la vue des hommes. Il est demeuré caché sous le voile de la nature qui nous le couvre jusques à l’Incarnation ; et quand il a fallu qu’il ait paru, il s’est encore plus caché en se couvrant de l’humanité. Il était bien plus reconnaissable quand il était invisible, que non pas quand il s’est rendu visible. Et enfin quand il a voulu accomplir la promesse qu’il fit à ses Apôtres de demeurer avec les hommes jusques à son dernier avènement, il a choisi d’y demeurer dans le plus étrange et le plus obscur secret de tous, qui sont les espèces de l’Eucharistie. C’est ce sacrement que saint Jean appelle dans l’Apocalypse une manne cachée ; et je crois qu’Isaïe le voyait en cet état, lorsqu’il dit en esprit de prophétie : Véritablement tu es un Dieu caché. C’est là le dernier secret où il peut être. Les chrétiens hérétiques l’ont connu à travers son humanité et adorent Jésus-Christ Dieu et homme. Mais de le reconnaître sous des espèces de pain, c’est le propre des seuls catholiques ; il n’y a que nous que Dieu éclaire jusque-là… »

« Les Chrétiens possèdent Jésus-Christ dans l’Eucharistie véritablement et réellement, mais encore couvert de voiles. Dieu, dit saint Eucher, s’est fait trois tabernacles : la synagogue, qui n’a eu que les ombres sans vérité ; l’Église, qui a la vérité et les ombres ; et le Ciel où il n’y a point d’ombres, mais la seule vérité. […] Ainsi l’Eucharistie est parfaitement proportionnée à notre état de foi, parce qu’elle enferme véritablement Jésus-Christ, mais voilé. De sorte que cet état serait détruit, si Jésus-Christ n’était pas réellement sous les espèces du pain et du vin, comme le prétendent les hérétiques : et il serait détruit encore, si nous le recevions à découvert comme dans le Ciel ; puisque ce serait confondre notre état, ou avec l’état du Judaïsme, ou avec celui de la gloire. »

C’est pourquoi, dans les Pensées, où le motif du Deus absconditus d’Isaïe est récurrent, Pascal se moque des théologiens qui prétendent que l’action de la Providence est visible par les hommes. L’Écriture, objecte-t-il, « dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il a les laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée […]. C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront. Et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : Vere tu es Deus absconditus (vraiment, tu es un Dieu qui se cache) ».

En remontant plus loin, on peut déjà lire entre les lignes chez saint Augustin (354-431) cette intuition d’un réel voilé sous les apparences matérielles :
« Mes frères, ces mystères portent le nom de sacrements, parce que l’apparence ne correspond pas à leur réalité profonde. Que voit-on ? Un objet matériel. Mais l’esprit y discerne une grâce spirituelle ». (Sermon 272)

Ou déjà chez Irénée de Lyon (140-202) :
« De même que le pain de la terre, après avoir reçu l’invocation de Dieu, n’est plus du pain ordinaire mais l’Eucharistie, constituée d’un élément terrestre et d’un élément céleste, ainsi nos corps, en recevant l’Eucharistie, échappent à la corruption puisqu’ils ont l’espérance de la Résurrection » (Contre les Hérésies. Livre IV).

The Art of Living, 1967 by Rene Magritte

Le sacramentel est bien réel

Ces concepts de Dieu caché et de réel voilé ouvrent la porte à une appréhension sacramentelle de la réalité tout aussi légitime que l’approche scientifique, ou même artistique. Car dire que le réel reste caché le rend inépuisable, et valide la multiplicité des approches pour le décrire. Le philosophe allemand Habermas a bâti une théorie de la modernité reposant sur une éthique de la discussion où plusieurs rationalités sont légitimes : la rationalité légale et scientifique, la rationalité juridique, la rationalité esthétique et symbolique… La poésie a raison de dire que « la terre est bleue comme une orange » (Eluard). La musique créée la possibilité pour chaque mélomane de se créer son univers musical à nul autre pareil. La peinture peut vouloir imiter la nature ou au contraire la réinventer. La littérature dépeindra la beauté ou le tragique du monde et de l’âme humaine avec autant de force, même si elle est de nature très différente, que les sciences expérimentales. D’Espagnat affirmait : « Il est essentiel de dire des choses vagues, de ne pas aller croire que ce qui ne peut pas être dit avec rigueur n’existe pas. » Les expressions  « voilées » de la poésie, de la peinture, de la musique sont en définitive une approche de ce qui est lointain, une quête de l’accès à l’être. « Je dirai que, alors que si, sur le plan de l’accès à la réalité empirique, la science est seule reine, en revanche elle ne jouit d’aucun privilège lorsqu’il s’agit du « fond des choses ». Que là, l’émotion, artistique par exemple, se trouve (au moins !) à égalité avec elle, l’une comme l’autre ne nous fournissant que des lueurs [...] sur un domaine qu’elles ne nous laissent qu’entrevoir ».

Ainsi la spiritualité, la théologie, la prière vont elles aussi lever quelques voiles, qu’elles seules peuvent manipuler, afin d’entrer en relation avec le réel.

Ce réel reste d’autant plus caché que nous l’approchons de plus près. Car Dieu est l’ineffable, l’au-delà de tout, que nos mots ne pourront jamais épuiser. Souvenons-nous que son nom YHWH s’écrit mais ne se prononce pas. En ce qui concerne le Saint-Sacrement, notons d’ailleurs que le Concile de Trente, reprenant le concile de Latran 1215, n’a pas canonisé le mot transsubstantiation ni ne l’a rendu obligatoire : il l’a proposé comme une règle d’interprétation qui permettrait d’éliminer les interprétations contradictoires (celles  de Wycliffe, Luther, Calvin ou Zwingli à l’époque) :

Moco Museum Amsterdam Banski« Par la consécration du pain et du vin s’opère le changement de toute la substance du pain en la substance du Corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son Sang ; ce changement, l’Église catholique l’a justement et exactement appelé transsubstantiation ». C’est la présence réelle qui est objet de foi, et dogme de foi. L’explication par la transsubstantiation est la manière la plus appropriée pour la dire (en l’état philosophique de l’époque, c’est-à-dire selon les catégories d’Aristote, revues et aménagées par Thomas d’Aquin). Les anciennes liturgies d’Occident utilisaient d’autres termes : transformare, transfigurare, transmutare… La Tradition la plus ancienne parlait de conversion réelle du pain et du vin, mais dans un autre cadre de pensée : les réalités y étaient vues comme dominées par des puissances ; la transformation d’une réalité signifiait alors qu’elle passait sous l’emprise d’autres puissances. Le Christ prend possession du pain et du vin ; il en fait son corps et son sang, leur conférant ainsi une réalité radicalement nouvelle.

 

Conclusion

« Vraiment tu es un Dieu qui se cache, Dieu d’Israël, Sauveur ! » (Is 45,15)

Le réel voilé sous les apparences du pain et du vin peut échapper aux passants trop pressés, trop distraits. Seul le marcheur qui sait s’arrêter pourra contempler les couleurs de l’arc-en-ciel liquide diffracté dans la lumière du soleil à la surface du canal. Un pas en arrière, un pas trop loin, et la danse des couleurs s’évanouit.

Sachons nous tenir dans cet angle de vue où le Dieu caché sous le pain et le vin nous apparaît scintillant de mille feux…

 

 


Lectures de la messe

Première lecture
Melkisédek offre le pain et le vin (Gn 14, 18-20)

Lecture du livre de la Genèse
En ces jours-là, Melkisédek, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu très-haut. Il bénit Abram en disant : « Béni soit Abram par le Dieu très-haut, qui a fait le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. » Et Abram lui donna le dixième de tout ce qu’il avait pris.

Psaume

(Ps 109 (110), 1, 2, 3, 4)
R/ Tu es prêtre à jamais, selon l’ordre de Melkisédek.
 (cf. Ps 109, 4)

Oracle du Seigneur à mon seigneur :
« Siège à ma droite, et je ferai de tes ennemis
le marchepied de ton trône. »

De Sion, le Seigneur te présente
le sceptre de ta force :
« Domine jusqu’au cœur de l’ennemi. »

Le jour où paraît ta puissance,
tu es prince, éblouissant de sainteté :
« Comme la rosée qui naît de l’aurore, je t’ai engendré. »

Le Seigneur l’a juré
dans un serment irrévocable :
« Tu es prêtre à jamais selon l’ordre du roi Melkisédek. »

Deuxième lecture
« Chaque fois que vous mangez ce pain et buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur » (1 Co 11, 23-26)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères j’ai moi-même reçu ce qui vient du Seigneur, et je vous l’ai transmis : la nuit où il était livré, le Seigneur Jésus prit du pain, puis, ayant rendu grâce, il le rompit, et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Après le repas, il fit de même avec la coupe, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang. Chaque fois que vous en boirez, faites cela en mémoire de moi. » Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Séquence

Cette séquence (ad libitum) peut être dite intégralement ou sous une forme abrégée à partir de :
« Le voici, le pain des anges »

Sion, célèbre ton Sauveur, chante ton chef et ton pasteur par des hymnes et des chants.
Tant que tu peux, tu dois oser, car il dépasse tes louanges, tu ne peux trop le louer.
Le Pain vivant, le Pain de vie, il est aujourd’hui proposé comme objet de tes louanges.
Au repas sacré de la Cène, il est bien vrai qu’il fut donné au groupe des douze frères.
Louons-le à voix pleine et forte, que soit joyeuse et rayonnante l’allégresse de nos cœurs !
C’est en effet la journée solennelle où nous fêtons de ce banquet divin la première institution.
À ce banquet du nouveau Roi, la Pâque de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne.
L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit.
Ce que fit le Christ à la Cène, il ordonna qu’en sa mémoire nous le fassions après lui.
Instruits par son précepte saint, nous consacrons le pain, le vin, en victime de salut.
C’est un dogme pour les chrétiens que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang.
Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature.
L’une et l’autre de ces espèces, qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin.
Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces.
On le reçoit sans le briser, le rompre ni le diviser ; il est reçu tout entier.
Qu’un seul ou mille communient, il se donne à l’un comme aux autres, il nourrit sans disparaître.
Bons et mauvais le consomment, mais pour un sort bien différent, pour la vie ou pour la mort.
Mort des pécheurs, vie pour les justes ; vois : ils prennent pareillement ; quel résultat différent !
Si l’on divise les espèces, n’hésite pas, mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout.
Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé, ni sa taille ni son état n’ont en rien diminué.

* Le voici, le pain des anges, il est le pain de l’homme en route, le vrai pain des enfants de Dieu, qu’on ne peut jeter aux chiens.
D’avance il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères.
Ô bon Pasteur, notre vrai pain, ô Jésus, aie pitié de nous, nourris-nous et protège-nous, fais-nous voir les biens éternels dans la terre des vivants.
Toi qui sais tout et qui peux tout, toi qui sur terre nous nourris, conduis-nous au banquet du ciel et donne-nous ton héritage, en compagnie de tes saints. Amen.

Évangile
« Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés » (Lc 9, 11b-17)
Alléluia. Alléluia. 
Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel, dit le Seigneur ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Alléluia. (Jn 6, 51)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus parlait aux foules du règne de Dieu, et guérissait ceux qui en avaient besoin. Le jour commençait à baisser. Alors les Douze s’approchèrent de lui et lui dirent : « Renvoie cette foule : qu’ils aillent dans les villages et les campagnes des environs afin d’y loger et de trouver des vivres ; ici nous sommes dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répondirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons. À moins peut-être d’aller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. » Il y avait environ cinq mille hommes. Jésus dit à ses disciples : « Faites-les asseoir par groupes de cinquante environ. » Ils exécutèrent cette demande et firent asseoir tout le monde. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction sur eux, les rompit et les donna à ses disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Ils mangèrent et ils furent tous rassasiés ; puis on ramassa les morceaux qui leur restaient : cela faisait douze paniers.
Patrick BRAUD

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9 janvier 2022

La pureté ne sert à rien

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

La pureté ne sert à rien

Homélie du 2° Dimanche du temps ordinaire / Année C
16/01/2022

Cf. également :

Notre angoisse de Cana
Intercéder comme Marie
La hiérarchie des charismes
Jésus que leur joie demeure
Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir

Toc, toc…

 trouble obsessionnel compulsif« Pour moi, tout ce qui a pu être en contact avec l’extérieur est contaminé. Je peux me laver les mains plus de 60 fois par jours par peur de tomber malade. Même mes propres affaires comme mon portable ou mes clés sont à risque. Je suis obligé de les nettoyer et de me laver les mains pour enlever les microbes. C’est devenu un vrai cauchemar. Même lorsque les personnes de ma famille touchent à des objets comme la télécommande de la télé, je me sens obligé de les nettoyer avec une lingette antibactérienne pour les désinfecter. En fait, que ce soit les clefs, les sacs, etc., tout objet doit être désinfecté. Cette situation est source d’une grande anxiété et me fait perdre des heures chaque jour » [1].

Des témoignages comme celui-ci, il en existe malheureusement des milliers. Ce genre de rituels de propreté, répétitifs, épuisants et disproportionnés, est connu sous l’appellation bien choisie de « trouble obsessionnel compulsif » (‘toc’). Le ‘toc’ porte souvent sur le lavage des mains, le ménage, le nettoyage des objets touchés etc. C’est une vraie maladie, dont il est difficile de guérir totalement. Médicaments et psychothérapies sont des remèdes, mais le chemin est long pour ceux qui veulent s’affranchir de leur toc.

À y regarder de près, beaucoup de religions semblent souffrir de ‘toc’ de pureté. Les hindous se baignent dans le Gange dès qu’ils le peuvent, les juifs font ablution sur ablution, les musulmans également se nettoient symboliquement avant la mosquée et à maintes autres occasions. Même les chrétiens ont gardé un vague souvenir de ces anciennes obsessions, avec par exemple au cours des offices les multiples prières pour demander pardon, l’aspersion de l’assemblée au début de la messe ou le lavabo du prêtre avant l’offertoire [2]. Ce qui était une mesure d’hygiène devient vite un toc religieux légèrement malsain…

L’obsession de la pureté rituelle est quasi maladive dans les grandes religions. Sauf normalement en christianisme. Car s’il en est un qui a contesté la primauté de cette obsession, c’est bien Jésus de Nazareth ! Il fréquente les impurs (lépreux, collecteurs d’impôts, prostituées etc.), il guérit les impurs (par exemple la femme hémorroïsse), il est lui-même impur au plus haut point sur le bois de la croix où la malédiction de ce châtiment l’assimile à un maudit de Dieu : « maudit soit qui pend au bois du gibet » (Dt 21,23 ; Ga 3,13). Il se permet des libertés choquantes avec les rituels juifs de purification. Ainsi il ne se lave pas forcément les mains avant de passer à table, ce qui lui vaut une polémique célèbre où il développe ce qu’est la vraie pureté pour lui : la pureté du cœur, intérieure, et non la soi-disant pureté du corps, extérieure. « Il y eut une dispute entre les disciples de Jean et un Juif au sujet des bains de purification » (Jn 3,25). « Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous purifiez l’extérieur de la coupe et de l’assiette, mais l’intérieur est rempli de cupidité et d’intempérance ! » (Mt 23, 25). On le soupçonne même d’être un ivrogne et un glouton (Mt 11,19), puisqu’il n’est pas ascétique comme son cousin Jean-Baptiste !

 

Les 6 jarres de Cana

La pureté ne sert à rien dans Communauté spirituelle 53263_7Au premier regard, l’Évangile des noces de Cana de ce dimanche (Jn 2, 1-11) ne paraît pas aborder ce sujet. On entend bien qu’il s’agit de mariage, de festin, de vin, de fête, de noce ratée ou réussie. C’est visiblement la nouvelle Alliance conclue dans le sang de Jésus – que le vin annonce – qui constitue la trame principale de ce récit si bien construit. On entend ensuite que Marie a un rôle bien précis dans l’avènement de « l’heure » de son fils (sa Passion) : « faites tout ce qu’il vous dira ». Et là, les commentaires mariaux sont innombrables.
On peut entendre également, comme une harmonique trois octaves au-dessus, la critique sévère des rites de purification que le signe de Cana opère.

Comment ! ? Il y a là 6 jarres de 100 litres, et personne ne s’étonnerait qu’elles soient vides, ni qu’elles se remplissent d’autre chose ? Personne ne relèverait le contraste entre l’austère neutralité de l’eau et la chaleur enivrante du meilleur vin pour la noce ? entre la dureté du grès des jarres et la douceur de vivre du vin versé pour la noce ?

Car ces jarres ne sont pas là pour la décoration, ni pour boire. Ce sont des jarres de purification (καθαρισμς = katharismos en grec) où les invités vont puiser de l’eau pour faire leurs ablutions rituelles avant de passer à table. C’est pour cela qu’on appelait les albigeois du nom grec « cathares », les « purs », car ils se voulaient les seuls vrais chrétiens en méprisant la chair, en étant végétaliens, et en vivant à part, séparés des impurs. Mais 600 litres, c’est énorme ! Même s’il y a foule au mariage, elle a dû exagérer sur la propreté pour épuiser une telle réserve d’eau ! D’ailleurs, si Jean précise qu’elles sont 6, c’est sans doute parce que 6 est le chiffre de l’imperfection (la semaine sans le shabbat), le chiffre qui désignera Néron faisant mourir les baptisés (666 cf. Ap 13,18). Dire qu’il y avait 6 jarres à Cana sous-entend que le vieux système de purification rituelle est imparfait, voire meurtrier…

Le geste de Jésus renverse donc les mentalités religieuses de toute époque.
En remplaçant l’eau par le vin, il conteste l’ascèse comme clé d’entrée à la table de l’Alliance.
En demandant de servir le vin aux convives et non plus de prendre de l’eau pour se laver, il indique que recevoir est plus important que prendre, que la joie des noces est un don gratuit et non le fruit d’un effort.
La dure pierre opaque des jarres d’eau – dure loi des purifications innombrables et obsessionnelles – est remplacée par le fin cristal des verres à vin, doux et transparent comme la grâce…

 

Recevoir d’abord, donner ensuite

imperf Cana dans Communauté spirituelleComment mieux dire que la joie de l’amour ne se mérite pas, mais s’accueille ? Elle ne vient pas suite à nos efforts, à notre ascèse, à la force du poignet. Elle est versée gratuitement, par surprise, indépendamment de nos tentatives d’y arriver par nous-mêmes.

L’obsession de la pureté n’est pas chrétienne. Elle est centrée sur le mérite à acquérir, au lieu de préparer à recevoir la grâce. Elle nous enferme dans des répétitions rituelles maladives, au lieu de goûter la joie qui coule à flots.
Jésus ne méprise pas le souci de purification. Ainsi il demande au lépreux guéri d’aller au Temple offrir le sacrifice d’action de grâces. Mais il inverse le cours des choses : d’abord la grâce (la guérison, le vin nouveau, le salut), puis la purification. Recevoir d’abord, donner ensuite. Jésus formule clairement ce qui est finalement la loi anthropologique la plus fondamentale : « Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement » (Mt 10,8). La vie est d’abord un passif, puis ce passif devient actif. Personne ne se fait naître lui-même, il se reçoit de l’union de deux êtres. Personne ne sait aimer en premier : il a d’abord été aimé, désiré, choyé. Alors il peut aimer à son tour.

Cana nous place sous le signe du don et non du mérite. L’ancienne obsession de la pureté à obtenir par soi-même fait place à la joie d’être avec l’époux, sans conditions.
Certes il y a des conséquences à une telle expérience. ! On ne vit plus après comme avant. La morale, l’ascèse, la pureté du cœur viennent comme des conséquences et non plus des préalables : la grâce accueillie avec reconnaissance produit des fruits de conversion, de droiture, de générosité. Mais l’accumulation de rituels ne fait qu’assécher la source de la joie avec l’eau des jarres de purification.

 

Tout est pur pour les purs (Ti 1,15)

L'apôtre Pierre a reçu une vision avec des bêtes impures qu'il n'a pas le droit de mangerUn juif aussi intègre que Pierre a eu du mal à accepter cette libération de l’obsession de pureté rituelle. Hélas, les juifs, musulmans ou hindous n’ont toujours pas franchi ce seuil aujourd’hui ! Le chapitre 10 des Actes des apôtres montre Pierre très hésitant après un songe où Dieu lui demande de manger des animaux impurs selon la loi juive. Pourtant, il écoutera l’Esprit l’autorisant à consommer l’impur ! Mieux : il fera le lien entre l’abolition de l’impureté rituelle et l’abolition des barrières entre les peuples. Car, lorsqu’il est appelé à entrer dans la maison du centurion romain Corneille à Jaffa, il se souvient qu’en tant que juif il ne devrait pas entrer. Mais rien n’est impur aux yeux de Dieu, sinon le mal qui sort du cœur de l’homme. « Saisi par la faim, il voulut prendre quelque chose. Pendant qu’on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il contemplait le ciel ouvert et un objet qui descendait : on aurait dit une grande toile tenue aux quatre coins, et qui se posait sur la terre. Il y avait dedans tous les quadrupèdes, tous les reptiles de la terre et tous les oiseaux du ciel. Et une voix s’adressa à lui : ‘Debout, Pierre, offre-les en sacrifice, et mange !’ Pierre dit : ‘Certainement pas, Seigneur ! Je n’ai jamais pris d’aliment interdit et impur !’ À nouveau, pour la deuxième fois, la voix s’adressa à lui : ‘Ce que Dieu a déclaré pur, toi, ne le déclare pas interdit.’ » (Ac 10, 10 15). Pierre s’est peut-être souvenu alors de l’épisode où Jésus « déclarait purs tous les aliments » (Mc 7,19).
Chez Corneille, il découvre le lien si fort entre l’abolition de la pureté rituelle et la communion avec les païens, les étrangers, les autres. « Vous savez qu’un Juif n’est pas autorisé à fréquenter un étranger ni à entrer en contact avec lui. Mais à moi, Dieu a montré qu’il ne fallait déclarer interdit ou impur aucun être humain » (Ac 10, 28).

L’antidote au séparatisme pourrait-on dire ! Car croire qu’on devient impur en faisant ceci ou cela interdit de fréquenter ceux qui le font… Le véritable universalisme chrétien naît à Cana et s’épanouit à Jaffa ! Sans ce chamboulement religieux, le rite étouffe la grâce, et l’obsession de la pureté empêche la fraternité avec tous.

Personne n’est assez pur pour prétendre mériter paraître face à Dieu ! Abandonner ce toc de la pureté nous libère de nous-mêmes, et nous ouvre à la joie promise. Le vin coule à flots là où l’eau stagnait, le cristal remplace le grès, la joie de la communion efface l’austérité de l’ascèse, le don reçu prime sur le mérite acquis, la surprise sur l’attendu…

Cana relègue les immenses jarres de purification au rang de collections de musée : utiles en leur temps où l’homme tâtonnait vers Dieu, obsolètes en ce temps où Dieu vient à l’homme.

Serons-nous en tirer toutes les conséquences pour les impurs d’aujourd’hui ?

 


[2]. « Lavabo » est un mot latin signifiant « Je laverai ». Il est tiré du psaume : « Je laverai mes mains en signe d’innocence pour approcher de ton autel, Seigneur » (Psaume 25,6).



Lectures de la messe

Première lecture
« Comme la jeune mariée fait la joie de son mari » (Is 62, 1-5)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Pour la cause de Sion, je ne me tairai pas, et pour Jérusalem, je n’aurai de cesse que sa justice ne paraisse dans la clarté, et son salut comme une torche qui brûle. Et les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire. On te nommera d’un nom nouveau que la bouche du Seigneur dictera. Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu. On ne te dira plus : « Délaissée ! » À ton pays, nul ne dira : « Désolation ! » Toi, tu seras appelée « Ma Préférence », cette terre se nommera « L’Épousée ». Car le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Épousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu.

Psaume
(Ps 95 (96), 1-2a, 2b-3, 7-8a, 9a.10ac)
R/ Racontez à tous les peuples les merveilles du Seigneur !
 (Ps 95, 3)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
chantez au Seigneur et bénissez son nom !

De jour en jour, proclamez son salut,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur, la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom.

Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté.
Allez dire aux nations : Le Seigneur est roi !
Il gouverne les peuples avec droiture.

Deuxième lecture
« L’unique et même Esprit distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier » (1 Co 12, 4-11)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. À celui-ci est donnée, par l’Esprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans l’unique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné d’opérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à l’un, de parler diverses langues mystérieuses ; à l’autre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, c’est l’unique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier.

Évangile
« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée » (Jn 2, 1-11)
Alléluia. Alléluia. 
Dieu nous a appelés par l’Évangile à entrer en possession de la gloire de notre Seigneur Jésus Christ. Alléluia. (cf. 2 Th 2, 14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, il y eut un mariage à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au mariage avec ses disciples. Or, on manqua de vin. La mère de Jésus lui dit : « Ils n’ont pas de vin. » Jésus lui répond : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » Sa mère dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Or, il y avait là six jarres de pierre pour les purifications rituelles des Juifs ; chacune contenait deux à trois mesures, (c’est-à-dire environ cent litres). Jésus dit à ceux qui servaient : « Remplissez d’eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : « Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas. » Ils lui en portèrent. Et celui-ci goûta l’eau changée en vin. Il ne savait pas d’où venait ce vin, mais ceux qui servaient le savaient bien, eux qui avaient puisé l’eau. Alors le maître du repas appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert le bon vin en premier et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. » Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Patrick BRAUD

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