L'homélie du dimanche (prochain)

31 mars 2012

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

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Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Homélie du Dimanche des Rameaux  01/04/2012

Comme souvent, c’est le psaume qui contient la clé d’interprétation des trois autres lectures. Le psaume 21(22) de notre liturgie des rameaux commence par cet immense cri :
 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ».

Ce cri de déréliction, Jésus l’a appris enfant pendant ses années tranquilles à Nazareth, sans en deviner toute la portée pour lui-même. Il l’a appris par coeur, par le coeur, en sachant bien qu’un jour cela servirait, Dieu seul sait comment et quand. Et ce cri est trop immense pour ne pas l’avoir impressionné. Aussi, quand il termine lamentablement pendu sur le bois de la croix, les mots appris enfant sous le toit de la synagogue de Nazareth reviennent sur ses lèvres d’adulte : « mon Dieu mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Marc et Matthieu, absents de la scène, l’auront ensuite recueilli – non sans effroi – de la bouche de Marie ou de Jean, qui – lui – en a été tellement effrayé qu’il n’ose pas le citer dans son récit de la Passion.

Il faut laisser à ce cri son immensité de solitude, de désespoir, d’abandon. Lui, le fils à nul autre pareil, fait  l’expérience de la séparation d’avec son Père avec qui pourtant il ne fait qu’un.

Les commentateurs essaient d’adoucir ce cri et de le rendre plus léger en rappelant que le psaume 21 se termine par une hymne de victoire et de confiance en Dieu. Nul doute que Jésus connaissait bien la fin du psaume. Mais au moment où il crie son abandon, il ne triche pas. Il n’en est pas déjà à la fin. Il sait que cet horizon existe, et il y puise peut-être la force de crier. Sa détresse n’en est pas moins plus grande que la plus grande de nos détresses. Sur la croix, il est identifié aux derniers des derniers. Il subit le supplice des humiliores, des esclaves, qu’on méprise trop pour leur accorder la décapitation (comme pour Paul par exemple) ou la lapidation (comme pour Étienne).

« Maudit soit qui pend au gibet de la croix » ( Dt 21,23 ; Ga 3,13) : à cause de cette malédiction rituelle du Deutéronome qui s’attache à ce supplice, Jésus élevé de terre est rabaissé en dessous de toute dignité, il est jeté hors de sa condition juive. Là, il fait l’expérience la plus déchirante qui soit : devenir un sans-Dieu, lui qui en est l’intime ; devenir un maudit de Dieu, lui qui en est la sainteté même ; être tourné en dérision par l’occupant, insulté par les autres criminels, être tenté par ses frères de sang d’abandonner son Père (« sauve-toi toi-même », c’est-à-dire ne soit plus le fils, sois à toi-même ta propre source).

Cette expérience d’abandon, de déréliction ultime, est inimaginable pour nous, même à travers nos pires cauchemars.

Chacun des mots du psaume 21 parle de cet abandon extrême : « je suis un ver non pas un homme », « raillé, méprisé, on se détourne de moi »… « Mon coeur se liquéfie comme la cire »

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? dans Communauté spirituelle ResurrectionIcon3Pourquoi Jésus est-il conduit à cet abandon extrême ? Pourquoi son Père l’a-t-il laissé être séparé de lui à ce point ?

Il faut revenir au but essentiel de la mission du Christ : « chercher et sauver ceux qui étaient perdus » (Lc 19,10). Le but commun du Père et du Fils est allé « repêcher » ceux qui s’éloignaient, et même d’aller donner vie à ceux qui gisaient dans l’ombre de la mort. Pour cela, pas d’autre chemin que d’aller les rejoindre physiquement, humainement, spirituellement. Faire corps avec eux pour ensuite pouvoir les faire remonter à la surface, agrippés au Christ, lui élevé par son Père à sa droite, au plus haut.

Mais faire corps avec les damnés de la terre pour les relever implique de devenir soi-même l’un des leurs.

Pour que plus jamais un être humain ne se croit maudit à jamais, Jésus a été traité ainsi.

Pour que plus jamais les humiliés et méprisés ne soient rayés de la carte, Jésus a été insulté, moqué, on lui a craché dessus et on l’a traité comme un sous-homme.

Pour que plus jamais la solitude n’ait le dernier mot, Jésus a été affreusement seul.

Sur la croix, Dieu est loin de Dieu, cette déchirure le disloque jusqu’au plus intime de son être. S’il fait l’expérience de l’abandon extrême, c’est pour aller jusqu’au bout de sa volonté commune avec son Père : aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus.

Il ne fait donc pas semblant lorsqu’il crie son angoisse et son incompréhension.

Les psaumes lui fournissent ces mots qu’on ne trouve plus lorsqu’on souffre trop.

La Passion du Christ devient ainsi l’antidote le plus violent contre les abandons qui nous désunissent.

Puisqu’il a connu la déréliction à nulle autre pareille, puisqu’il a été réellement abandonné de Dieu, tous ceux qui sont exclus par les hommes où se croient rejetés par Dieu peuvent se tourner vers Jésus comme l’un des leurs. Il a été broyé comme eux, et par là même il a vaincu cette malédiction pour eux.

 

Qui sont ces abandonnés pour lesquels Jésus a été humilié ?

Il suffit hélas d’ouvrir les yeux sur ceux que l’on ne voit plus ; ou sur nos propres abandons que nous voulons plus regarder en face. Les formes allongées sur nos trottoirs, les conjoints que l’on quitte, les enfants que personne ne déclare, les gens dont la vie bascule sur un licenciement, une maladie, une catastrophe : impossible de faire une liste exhaustive, car c’est d’abord pour chacun de nous que le Christ est mort, chacun de nous connaissant d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, plus ou moins intensément, ces abandons qui ont fait crier de douleur le crucifié.

Ne souhaitons à personne de faire l’expérience de cette déréliction.

Mais si elle arrive, tournons-nous vers celui qui s’y est exposé, jusqu’à l’extrême, pour qu’elle n’ait plus sur nous aucune victoire.

Entrée messianique du Seigneur à Jérusalem : (Mc 11, 1-10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie, près du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples :
« Allez au village qui est en face de vous. Dès l’entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n’a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l’on vous demande : ‘Que faites-vous là ?’ répondez : ‘Le Seigneur en a besoin : il vous le renverra aussitôt.’ »
Ils partent, trouvent un petit âne attaché près d’une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu’avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire.
Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s’assoit dessus.
Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d’autres, des feuillages coupés dans la campagne.
Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »

1ère lecture : Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances (Is 50, 4-7)
Lecture du livre d’Isaïe

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume : 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a

R/ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! » 

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os. 

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide ! 

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

2ème lecture : Abaissement et glorification de Jésus (Ph 2, 6-11)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens

Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile : La Passion (brève : 15,1-39) (Mc 14, 1-72; 15, 1-47)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. 

Pour nous, le Christ s’est fait obéissant, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix.
Voilà pourquoi Dieu l’a élevé souverainement et lui a donné le Nom qui est dessus de tout nom.
Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. 
(Ph 2, 8-9)

La Passion de notre Seigneur Jésus Christ selon saint Marc

La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient : « Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple. »
Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques-uns s’indignaient : « À quoi bon gaspiller ce parfum ? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres. » Et ils la critiquaient.
Mais Jésus leur dit : « Laissez-la ! Pourquoi la tourmenter ? C’est une action charitable qu’elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir ; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis : Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. » 

Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. À cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.
Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : ‘Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?’ Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. »
Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque. 

Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara : « Amen, je vous le dis : l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer. » Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre : « Serait-ce moi ? » Il leur répondit : « C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet ; mais malheureux celui qui le livre ! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né. »
Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. »
Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. » 

Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers. Jésus leur dit : « Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »
Pierre lui dit alors : « Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas. »
Jésus lui répond : « Amen, je te le dis : toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Mais lui reprenait de plus belle : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » Et tous disaient de même.

Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples : « Restez ici ; moi, je vais prier. »
Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit : « Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez. »
S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait : « Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre : « Simon, tu dors ! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation : l’esprit est ardent, mais la chair est faible. »
Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire.
Une troisième fois, il revient et leur dit : « Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait ; l’heure est venue : voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Le voici tout proche, celui qui me livre. » 

Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva avec une bande armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu : « Celui que j’embrasserai, c’est lui : arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde. » À peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit : « Rabbi ! » Et il l’embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille.
Alors Jésus leur déclara : « Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, où j’enseignais ; et vous ne m’avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s’accomplissent. »
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous.
Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour vêtement qu’un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu. 

Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n’en trouvaient pas.
De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas. Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage : « Nous l’avons entendu dire : ‘Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme.’ »
Et même sur ce point, ils n’étaient pas d’accord.
Alors le grand prêtre se leva devant l’assemblée et interrogea Jésus : « Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? » Mais lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l’interroge de nouveau : « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni ? »
Jésus lui dit : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel. »
Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit : « Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis ? » Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups, en disant : « Fais le prophète ! » Et les gardes lui donnèrent des gifles. 

Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit : « Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth ! » Pierre le nia : « Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire. » Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l’ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là : « En voilà un qui est des leurs ! » De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient : « Sûrement tu en es ! D’ailleurs, tu es Galiléen. » Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction : « Je ne connais pas l’homme dont vous parlez. » Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois.
Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus : « Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois. » Et il se mit à pleurer. 

Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate.
Celui-ci l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus répond : « C’est toi qui le dis. »
Les chefs des prêtres multipliaient contre lui les accusations.Pilate lui demandait à nouveau : « Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi. » Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait.
À chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l’émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu’il accordait d’habitude. Pilate leur répondit : « Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
(Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré.)
Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait : « Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs ? », ils crièrent de nouveau : « Crucifie-le ! » Pilate leur disait : « Qu’a-t-il donc fait de mal ? » Mais ils crièrent encore plus fort : « Crucifie-le ! » Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.
Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences : « Salut, roi des Juifs ! »
Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements. 

Puis, ils l’emmenèrent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire : Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun.
Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia.
L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots : « Le roi des Juifs ».
Avec lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête : « Hé ! toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! »
De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix ; alors nous verrons et nous croirons. »
Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient. 

Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : « Éloï, Éloï, lama sabactani ? », ce qui veut dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant : « Voilà qu’il appelle le prophète Élie ! » L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant : « Attendez ! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là ! » Mais Jésus, poussant un grand cri, expira. 

Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria : « Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu ! »
Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec lui à Jérusalem.
Déjà le soir était venu ; or, comme c’était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus.
Pilate, s’étonnant qu’il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps.
Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau.
Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis.
Patrick BRAUD

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24 mars 2012

Qui veut voir un grain de blé ?

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Qui veut voir un grain de blé ?

 

Homélie du 5° Dimanche de Carême  25/03/2012

 

« Nous voulons voir Jésus »

Au commencement, il y a le désir…

Désir d’une rencontre vraie : « nous voulons voir Jésus ». Désir de la rencontre de l’autre, car entre les Grecs et les Juifs de l’époque, la différence doit être aussi radicale qu’entre Juifs et Palestiniens aujourd’hui… La vie chrétienne est placée sous le signe du désir  de l’autre, et plus précisément de la croissance  dans le désir de l’autre, croissance à laquelle Jésus nous appelle tout au long de notre existence.

 

Heureuses différences (même si elles sont de fait difficiles à assumer) qui sont le carburant de nos rencontres : « je veux voir l’autre … »

Dans la foi chrétienne, nous croyons que le visage de l’autre, lorsqu’il est désiré pour lui-même et non pas dans nos projections imaginaires, ce visage devient sacrement de la rencontre de Dieu. « Il est possible, à partir de l’autre relativement autre que nous voyons, de pressentir l’Autre absolument autre que nous ne voyons pas et appelons Dieu » [1]. Voilà pourquoi la recherche du visage de l’autre renvoie à Dieu lui-même.

 

Au IVème siècle, un évêque (Grégoire de Nysse) parlait déjà de cet infini du désir qui interdit de figer la course vers l’être aimé:

« Au fur et à mesure que quelqu’un progresse vers ce qui surgit toujours en avant de lui, son désir augmente lui aussi. Ainsi, à cause de la transcendance des biens qu’il découvre toujours à mesure qu’il progresse, il lui semble toujours n’être qu’au début de l’ascension. C’est pourquoi la Parole répète: ?Lève-toi’ à celui qui est déjà levé, et: ?Viens’ à celui qui est déjà venu. A celui qui se lève vraiment, il faudra toujours se lever. Celui qui court vers le Seigneur n’épuisera jamais le large espace pour sa course.

Ainsi celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencements en commencements, par des commencements qui n’auront jamais de fin ».

« Car c’est là proprement voir Dieu que de n’être jamais rassasié de le désirer » [2]

 

« Nous voulons voir Jésus » est la vérité de nos propres recherches amicales : « je veux découvrir qui tu es ».

 

L’écho ecclésial

Qui veut voir un grain de blé ? dans Communauté spirituelle ricochetsEnsuite, il y a le jeu de l’écho, qui amplifie et répercute ce désir de l’autre. Les Grecs le disent à Philippe, qui le dit à André, et tous les deux le transmettent à Jésus. Mais c’est déjà l’Église qui apparaît là! L’Église, comme un réseau de liens fraternels, pour que la démarche de ceux qui cherchent aboutisse. Une sorte de Facebook à la puissance 10, et mieux encore, car ce sont ici des visages et pas seulement des écrans … L’Église est ce lieu où nous pouvons dire le manque qui nous habite, la soif qui nous tient, l’envie de vivre que nous creusons en la partageant avec des frères. L’Église est cette eau tendue qui soutient nos rebonds successifs dans la recherche de l’autre, jusqu’à faire ricocher jusqu’au nuages ce galet nommé désir…

Par la vie paroissiale ou par les pèlerinages, par des équipes de partage ou par la formation spirituelle et théologique, nous pouvons expérimenter la force de ce soutien fraternel. Continuons à tisser ces liens ecclésiaux : ils nous aideront à rester vigilants et confiants.

 

Du grenier à l’épi

L’Évangile nous dit ensuite que la rencontre entre les Grecs et Jésus a lieu pendant la  fête, c’est-à-dire la grande, l’unique fête de la Pâque.

Et là, l’histoire du grain de blé que nous propose Jésus est très parlante. Devenir chrétien, c’est suivre le chemin de ce grain de blé jeté en terre. C’est consentir à se laisser aimer pour ne plus vivre centré sur soi. C’est accepter de se laisser faire, comme le grain de blé, pour pouvoir porter du fruit. La mort et la Résurrection sont au coeur de tout amour, qui est pascal, comme elle est au coeur de l’amour du Christ, que nous allons célébrer dans l’eucharistie. En buvant ensemble à la même coupe, nous exprimons la dimension pascale de la vie chrétienne : aimer, c’est verser son sang, c’est livrer sa vie.

 

Pourtant, que de résistances mettons-nous avant d’accepter de lâcher-prise ainsi sur notre propre vie! Eh oui!, le petit grain de blé était plus tranquille a

Fiches_9122011_1120_448 blé dans Communauté spirituelle

vant, ?en père peinard’ dans son grenier, en tas avec les autres [3]. Un certain bonheur, qui était le nôtre, avant de nous laisser déranger par le Christ. Et pourtant, il nous manquait quelque chose, ou plutôt quelqu’un, et ce petit bonheur nous semblait trop petit, un peu étroit…

Un jour, on charge ce tas de grains de blé sur une charrette et on le sort dans la campagne. C’est le début de l’ouverture à l’autre, avec un petit côté excitant pas désagréable…: çà se passe bien, il y a plein de gens nouveaux à découvrir, tout en gardant sa liberté.

Puis on verse les grains sur la terre fraîchement labourée: petit frisson d’un contact plus personnel, d’une proximité avec un corps étranger à la fois inquiétant et attirant.

 

Puis on enfonce le grain de blé tombé en terre. Et là, le grain de blé se demande s’il n’a pas fait une grosse bêtise en se laissant conduire jusque là. Il ne voit plus rien, il n’entend plus rien, l’humidité le transperce jusqu’au dedans de lui-même… Le grain de blé qui, par la mort inévitable, est en train d’être transformé, de devenir ce qu’il doit être, c’est-à-dire un bel épi, regrette le grenier où en effet il était très heureux, mais heureux d’un petit bonheur humain. Sa tentation est alors de faire machine arrière, de céder à la panique, de refuser de se laisser faire. C’est dommage, car c’est précisément là que Dieu agit: le Dieu qui le transforme, pour le faire passer de l’état de grain à l’état d’épi, ce qui n’est possible que par une mort à soi-même et une nouvelle naissance. Dieu veut notre croissance, et il n’y a pas de croissance sans transformation.

Bien sûr, sur ce chemin de croissance, il faut savoir quitter. Au début, les pertes sont visibles et conséquentes: son indépendance, ses habitudes, quelque fois sa région, ses amis, sa famille… Avec le temps, elles deviennent plus subtiles, plus difficiles: quitter ses certitudes toutes faites, son égoïsme, sa nostalgie… Le Christ lui-même a dû se battre intérieurement pour ne pas abandonner ce chemin. « Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion » ; il a supplié Dieu «  avec un grand cri et dans les larmes »  (He 5,7-9), car il n’imaginait que « faire la volonté » de son père irait jusqu’à un tel abandon, jusqu’à une telle déréliction. Il en est « bouleversé » (Jn 12,30) au plus profond de lui-même. Dans l’évangile de Jean, c’est ce passage qui tient lieu d’agonie à Gethsémani, ce qui en dit long sur le déchirement au plus intime qui fait hésiter Jésus.

Et en même temps, suivant cette voie pascale, il nous sera donné mystérieusement de faire l’expérience de la joie et de la fécondité de cette Pâque permanente : notre travail, nos engagements, nos familles nous rendront féconds, avec la même efficacité que l’épi par rapport au grain de blé: 100, 1000 pour 1 ! Un tel rendement mérite bien un investissement massif et sans réserve…

 

Vous voyez que l’histoire de ce grain de blé n’est pas seulement celle du Christ dans sa Pâque : c’est la nôtre, à tout âge, dès lors que exprimons le désir de « voir Jésus ».

Que l’Esprit du Christ nous inspire une confiance à toute épreuve, pour traverser sans découragement les étapes jusqu’à Pâques, du grenier à l’épi?

 

 


 

 

[1].  VARILLON F.,  L’humilité de Dieu,  Le Centurion, Paris, 1974, p. 39.

[2]. Homélies sur le Cantique des Cantiques.

[3]. Cf. VARILLON F.,  Joie de croire, joie de vivre,  Le Centurion, Paris, 1981, p. 38s.

  

  

 

1ère lecture : La nouvelle Alliance (Jr 31, 31-34)

Lecture du livre de Jérémie

Voici venir des jours, déclare le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une Alliance nouvelle.
Ce ne sera pas comme l’Alliance que j’ai conclue avec leurs pères, le jour où je les ai pris par la main pour les faire sortir d’Égypte : mon Alliance, c’est eux qui l’ont rompue, alors que moi, j’avais des droits sur eux.

Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés, déclare le Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai dans leur c?ur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple.
Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands, déclare le Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés.

 

Psaume : Ps 50, 3-4, 12-13, 14-15

R/ Donne-nous, Seigneur, un c?ur nouveau !

Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour,
selon ta grande miséricorde, efface mon péché.
Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.

Crée en moi un c?ur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.
Ne me chasse pas loin de ta face,
ne me reprends pas ton esprit saint.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Aux pécheurs, j’enseignerai tes chemins ;
vers toi, reviendront les égarés.

2ème lecture : La soumission du Christ, cause du salut éternel (He 5, 7-9)

 Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé.
Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion ; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel.

 

Evangile : Jésus voit arriver son heure (Jn 12, 20-33)

Acclamation : Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. Fils de l’homme, élevé sur la croix, par toi tous les hommes reçoivent la vie. Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi. (cf. Jn 3,14-15)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque,
quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »
Philippe va le dire à André ; et tous deux vont le dire à Jésus.
Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié.
Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit.
Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle.
Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? ? Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !
Père, glorifie ton nom ! »
Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »
En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre ; d’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »
Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, c’est pour vous.
Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

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17 mars 2012

L’identité narrative : relire son histoire

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L’identité narrative : relire son histoire

 

Homélie du 4° Dimanche de Carême  18/03/2012

 

Le second Livre des Chroniques entendu ce dimanche est comme un flash-back. L’auteur balaie des décennies récentes de l’histoire deL'identité narrative : relire son histoire dans Communauté spirituelle nabuchodonozor_execution_fils_sedecias son peuple. Il met un peu d’ordre et de cohérence dans le foutoir apparent des événements chaotiques que le peuple d’Israël s’est pris de plein fouet sans rien comprendre au début : la dérive des élites de Jérusalem, le sac de la ville et du temple par Nabuchodonosor, le roi Sédécias déporté en exil - les yeux crevés comme pour souligner son aveuglement antérieur - avec les survivants de ce massacre, l’esclavage pendant 70 ans, le retour improbable grâce à Cyrus, étrange roi-messie perse…

Pour se rendre compte de l’ampleur de ce travail de relecture, imaginez des juifs d’aujourd’hui tenter de recoller les morceaux du puzzle du siècle écoulé : la diaspora en Europe, la Shoah sous Hitler, 6 millions de déportés et un massacre inégalé, le retour en Israël improbable après la fin du cauchemar, et maintenant à nouveau la guerre permanente avec les voisins arabes…

 

Si l’histoire collective vous semble trop vaste à embrasser dans ce travail de relecture, faites défiler votre propre histoire devant vos yeux : vos tournants professionnels, vos réussites et vos échecs, les périodes où vous n’avez pas compris ce qui vous arrivait et que vous pouvez maintenant déchiffrer en expliquant pourquoi, pour quoi c’est arrivé.

 

Relire son histoire, c’est capital pour continuer à exister comme peuple, pour ressaisir son identité personnelle.

Le Livre des Chroniques fait cet exercice des années après, comme toujours : ce n’est pas sur le moment qu’on y voit clair. Il faut du recul, de la distance, de la réflexion et du discernement.

C’est d’abord Sédécias, le roi juif, qui apparaît comme la cause de ce malheur, et non le peuple lui-même. Sédécias avec les élites religieuses qui l’entouraient. Il sacrifiait à d’autres dieux que YHWH. Il se moquait des prophètes que Dieu envoyait « sans se lasser ». L’échec des prophètes vient de là ; la ruine de Jérusalem et la déportation également. C’est donc de la faute des chefs du peuple si l’esclavage a de nouveau humilié Israël. Et c’est par la grâce de YHWH si le roi perse Cyrus lui a miraculeusement permis de rentrer chez lui après cet exil. Telle est la relecture du Livre des Chroniques, où l’auteur essaie de trouver une cohérence dans l’enchaînement des événements qui se sont succédés dans un désordre apparent.

 

Paul se livre à un exercice semblable de relecture de son histoire personnelle dans la lettre aux Éphésiens (et dans bien d’autres lettres). Il sait bien qu’il était un persécuteur. Il ne mérite en rien ce qui lui est arrivé sur le chemin de Damas. « Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil » : il peut inviter les Éphésiens à croire en cette gratuité du choix de Dieu, parce qu’il peut lui-même raconter comment cela s’est passé dans son histoire. Par trois fois dans le livre des Actes des Apôtres (Ac 9;22;26), Paul raconte cette rencontre éblouissante qui a marqué sa vie, et dont il nous livre trois versions successives, non identiques.

 

Jésus lui-même, en reprenant le symbole du serpent d’airain élevé sur le bois dans le désert, semble bien interpréter sa propre histoire à la lumière de ce qui est arrivé autrefois. Parce qu’il connaît les écritures ?par le c?ur’, il va y puiser cette référence au serpent de bronze élevé par Moïse pour mettre du sens et de la cohérence dans l’immense chaos apparent de l’infamie de la croix qui approche.

 

Relire son histoire est un enjeu collectif et personnel.

Cela demande de pouvoir raconter, et de pouvoir interpréter.

 

Raconter

C’est ce que Paul Ricoeur appelle l’identité narrative, qu’on peut résumer autour de la proposition suivante : « Je deviens moi-même en me racontant ».

La définition technique de l’identité narrative a été donnée par Paul Ricoeur dans son ouvrage ?Temps et récit’  (1985) :

13731-gf herméneutique dans Communauté spirituelle« Sans le secours de la narration, le problème de l’identité personnelle est en effet voué à une antinomie sans solution : ou bien l’on pose un sujet identique à lui-même dans la diversité de ses états, ou bien l’on tient, à la suite de Hume et de Nietzsche, que ce sujet identique n’est qu’une illusion substantialiste [?] Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse) ; la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative. [?] À la différence de l’identité abstraite du Même, l’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et comme scripteur de sa propre vie selon le v?u de Proust. Comme l’analyse littéraire de l’autobiographie le vérifie, l’histoire d’une vie ne cesse d’être refigurée par toutes les histoires véridiques ou fictives qu’un sujet se raconte sur lui-même. Cette refiguration fait de la vie elle-même un tissu d’histoires racontées. [?] L’identité narrative n’est pas une identité stable et sans faille ; de même qu’il est possible de composer plusieurs intrigues au sujet des mêmes incidents [?] de même il est toujours possible de tramer sur sa propre vie des intrigues différentes, voire opposées. [?] En ce sens, l’identité narrative ne cesse de se faire et de se défaire. »

« L’identité narrative, constitutive de l’ipséité, peut inclure le changement, la mutabilité, dans la cohésion d’une vie. Le sujet apparaît alors constitué à la fois comme lecteur et scripteur de sa propre vie ».

 

Chacun devient lui-même lorsqu’il peut trouver les mots pour ?narrer’, pour raconter ce qui lui est arrivé. Par écrit ou par oral, quelquefois de manière artistique (tant de peintures, d’oeuvres musicales ou littéraires sont autobiographiques). À l’image de l’apôtre Paul qui raconte trois fois le tournant de son existence, chacun de nous peut et doit sans cesse raconter le fil rouge de la trajectoire de sa vie.

Un peuple ignore son identité tant qu’un griot, un historien, un poète ou un savant ne la lui livre à travers une saga, une épopée, un mythe fondateur…

Dans les retraites spirituelles, relire son histoire passe par raconter à un accompagnateur, à Dieu et à soi-même, les événements où la question du sens et de la cohérence d’une vie se présente.

 

Interpréter

Raconter ne suffit pas. Il faut encore découvrir à travers ce récit où et comment Dieu 9.+Chagall+Crucifixion identitéagit dans tout ce fatras. Qu’est-ce que cela signifie ? Où tout cela conduit-il ?

 

C’est ce qu’on appelle l’herméneutique :

l’interprétation des événements pour leur donner du sens, une direction, une signification.

 

L’évangile de ce dimanche nous redit (avec tant d’autres) que Jésus faisait sans cesse référence aux Écritures pour interpréter les chocs successifs qui vont le conduire au supplice des esclaves.

 

C’est une clé très sûre pour nous également : en scrutant les deux Testaments, nous aurons en main le trousseau de clés à qui aucune des serrures de l’histoire ne résiste.

 

 

  

Relire son histoire, l’interpréter à la lumière de la Bible : où en sommes-nous de cet exercice spirituel ?

 

 

 

1ère lecture : Châtiment et pardon : l’exil et le retour (2Ch 36, 14-16.19-23)

Lecture du second livre des Chroniques

Sous le règne de Sédécias, tous les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes, et ils profanaient le temple de Jérusalem consacré par le Seigneur.
Le Dieu de leurs pères, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messagers, car il avait pitié de sa Demeure et de son peuple.
Mais eux tournaient en dérision les envoyés de Dieu, méprisaient ses paroles, et se moquaient de ses prophètes ; finalement, il n’y eut plus de remède à la colère grandissante du Seigneur contre son peuple.
Les Babyloniens brûlèrent le temple de Dieu, abattirent les murailles de Jérusalem, incendièrent et détruisirent ses palais, avec tous leurs objets précieux.
Nabucodonosor déporta à Babylone ceux qui avaient échappé au massacre ; ils devinrent les esclaves du roi et de ses fils jusqu’au temps de la domination des Perses.
Ainsi s’accomplit la parole du Seigneur proclamée par Jérémie : La terre sera dévastée et elle se reposera durant soixante-dix ans, jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés.

Or, la première année de Cyrus, roi de Perse, pour que soit accomplie la parole proclamée par Jérémie, le Seigneur inspira Cyrus, roi de Perse. Et celui-ci fit publier dans tout son royaume ? et même consigner par écrit ? :
« Ainsi parle Cyrus, roi de Perse : Le Seigneur, le Dieu du ciel, m’a donné tous les royaumes de la terre ; et il m’a chargé de lui bâtir un temple à Jérusalem, en Judée. Tous ceux d’entre vous qui font partie de son peuple, que le Seigneur leur Dieu soit avec eux, et qu’ils montent à Jérusalem ! »

 

Psaume : Ps 136, 1-2, 3, 4-5, 6

R/ Jérusalem, au profond de mon c?ur, Jérusalem, au plus haut de ma joie !

Au bord des fleuves de Babylone
nous étions assis et nous pleurions,
nous souvenant de Sion ;
aux saules des alentours
nous avions pendu nos harpes.

C’est là que nos vainqueurs
   nous demandèrent des chansons, 
et nos bourreaux, des airs joyeux : 
« Chantez-nous, disaient-ils,
quelque chant de Sion. » 

Comment chanterions-nous
   un chant du Seigneur 
sur une terre étrangère ? 
Si je t’oublie, Jérusalem,
que ma main droite m’oublie ! 

Je veux que ma langue
   s’attache à mon palais 
si je perds ton souvenir, 
si je n’élève Jérusalem,
au sommet de ma joie.

 

2ème lecture : Par grâce, Dieu nous fait revivre (Ep 2, 4-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Éphésiens

Frères, Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés,
nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés.
Avec lui, il nous a ressuscités ; avec lui, il nous a fait régner aux cieux, dans le Christ Jésus. Par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus, il voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse infinie de sa grâce.
C’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu.
Cela ne vient pas de vos actes, il n’y a pas à en tirer orgueil. C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés en Jésus Christ, pour que nos actes soient vraiment bons, conformes à la voie que Dieu a tracée pour nous et que nous devons suivre.

 

Evangile : Dieu a envoyé son Fils pour sauver le monde (Jn 3, 14-21)

Acclamation : Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Tout homme qui croit en lui possède la vie éternelle. Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus. (Jn 3, 16)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle.
Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs ?uvres étaient mauvaises.
En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses ?uvres ne lui soient reprochées ; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses ?uvres soient reconnues comme des ?uvres de Dieu.
Patrick Braud

  

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3 mars 2012

Visage exposé, à l’écart, en hauteur

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Visage exposé, à l’écart, en hauteur

 

Homélie du 2° Dimanche de Carême
04/03/2012

Un visage, des visages

C’est le titre d’une exposition très originale à Roubaix. Dans un bâtiment de briques de 1902 où l’on conditionnait autrefois la laine et la soie qui faisaient la fortune du Nord (d’où son nom : « la Condition Publique »), l’allée centrale découverte et les entrepôts sont reconvertis en itinéraire initiatique. Une première composition met en valeur neuf visages de la zone urbaine sensible (ZUS) du Pile, le quartier environnant. D’anciens tissus nordistes du musée de la Piscine (à Roubaix toujours) leur servent de fond d’écran, jusqu’à s’imprimer en transparence sur leur peau. Ils s’animent à tour de rôle ou ensemble pour chanter dans toutes les langues.

 

Il y a Maria la portugaise généreuse qui chante Piaf, Zena le rappeur à capuche trop timide pour chanter mais qui dévoile finalement sa face, Alice l’enfant de 13 ans déjà trop grosse qui rit de bonheur en fredonnant son idole, Willia l’africaine plus noire encore que ses piercings… Il se dégage de cette exposition une possibilité de transfiguration du visage par la voix : par le chant, les cultures transforment les yeux, font surgir d’autres sourires, d’autres plissements de front, d’autres mouvements de lèvres. Ce multiculturalisme est ici heureux, dans la précarité même de cette ZUS au passé cossu.

Un peu plus loin, une deuxième exposition est beaucoup plus sombre. Regards coulés sous la capuche, mines renfrognées et sourires soudains, portraits en solitude ou groupes d’amis bras dessus, bras dessous, l’installation égrène en un noir et blanc dur ou sépia 300 portraits co-construits de jeunes gens qui vivent dans la brique du Nord, dans le béton d’Évry ou les cités de Mantes-la-Jolie. Des centaines de regards en noir et blanc apparaissent aléatoirement sur des écrans de toutes tailles, au milieu d’un tic-tac inquiétant. Des visages sur écrans géants reproduisent le stéréotype du jeune de banlieue : un garçon, noir ou arabe, survêtement ou casquette de rigueur, les yeux durs et agressifs, toujours en noir et blanc. C’est à peine si l’angoisse s’allège lorsque enfin ce cliché se déride et rit un bref instant à pleines dents, pour montrer que les stéréotypes ne sont que des clichés, des chiqués… Mais le sentiment de malaise persiste dans la semi obscurité où les noms des 1200 ZUS de France succèdent sur les écrans à des centaines de visages durs et froids.

 

 

À l’écart, en hauteur

Où donc se reproduit aujourd’hui la Transfiguration qui éclaboussait Pierre, Jacques et Jean d’une beauté indicible ?

La première exposition de la Condition Publique la mettait en scène dans les portraits d’une ZUS, lorsque le chant les sublimait. La deuxième exposition pariait sur le rire pour révéler le dessous d’une casquette pourtant terriblement marquée par la malchance d’être née là et ainsi.

 

Notre évangile semble avoir choisi une autre voie : « à l’écart, sur une haute montagne ».

À l’écart : comme si notre vraie beauté demandait de créer de la distance pour se manifester.

Sur une haute montagne : comme si la seule proximité du Visage exposé, à l'écart, en hauteur dans Communauté spirituelleDieu très haut pouvait révéler la vraie splendeur d’un être, jusqu’à changer profondément sa présence au monde. Le visage transfiguré est le signe et la trace d’une nouvelle manière d’être en relation ; les habits resplendissants de blancheur symbolisent notre humanité ‘habillée’ pour cette rencontre ultime avec Dieu.

 

Voilà peut-être deux indices à retenir :

 

- accepter d’être emmené, seul, à l’écart de la surface de nos présences habituelles ;

- gravir une haute montagne, qui peut être celle de la conscience à soi et à Dieu, ou celle du plongeon dans l’action pour laquelle on est fait.

Car paradoxalement, prendre de la hauteur et plonger au plus profond ne sont pas contradictoires pour Jésus. En effet : « celui-ci est mon fils bien-aimé. Écoutez-le » est la phrase de la Transfiguration comme celle du baptême dans le Jourdain. Les deux mouvements se rejoignent : faire corps avec les pécheurs et faire resplendir la vraie beauté de l’homme sont un même mouvement, et font système.

 

La ZUS actuelle de Roubaix et sa richesse passée ne sont peut-être pas si éloignées l’un de l’autre. La magnificence des laines et des soies de tous les pays entreposées dans la Condition Publique annonçait le melting-pot des visages de cette banlieue, qui doit en retour se souvenir de sa fortune passée pour ne pas désespérer de sa noirceur apparente.  

 

En d’autres termes, plus personnels : la nécessité de prendre de la hauteur et de la distance par rapport aux soucis qui nous submergent est essentielle à la manifestation de la beauté du visage de chacun. Contrairement au discours qui voudrait situer dans ?le quotidien de tous les jours’ la vérité humaine, c’est ici dans les moments de rupture, d’altérité, de différence radicale que survient la transfiguration du parcours ordinaire.

 

S’il n’y a pas ces ruptures (retraites spirituelles, extases de tous ordres, éblouissements artistiques, expériences limite…), la plaine uniformise tout. Il vaut mieux les bas-fonds du Jourdain (le baptême du Christ) ou les essoufflements du Thabor (la Transfiguration) que la tiède complaisance avec des plaines trop répétitives…

 

 

Puissions-nous découvrir ce que signifie pour chacun : « être emmené à l’écart, sur une haute montagne ».

Alors peut-être surviendra cet éblouissement qui ne cesse de marquer le regard et le visage des amis du Christ.

 

 

 

 

1ère lecture : Dieu met Abraham à l’épreuve, et lui renouvelle ses promesses (Gn 22, 1-2.9a.10-13.15-18)

Lecture du livre de la Genèse

Dieu mit Abraham à l’épreuve. Il lui dit : « Abraham ! » Celui-ci répondit : « Me voici ! »
Dieu dit : « Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l’offriras en sacrifice sur la montagne que je t’indiquerai. »

Quand ils furent arrivés à l’endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils.
Mais l’ange du Seigneur l’appela du haut du ciel et dit : « Abraham ! Abraham ! » Il répondit : « Me voici ! »
L’ange lui dit : « Ne porte pas la main sur l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique. »
Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s’était pris les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils.
Du ciel l’ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham :
« Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis.
Puisque tu m’as obéi, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. »

 

Psaume : Ps 115, 10.15, 16ac-17, 18-19

R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants

Je crois, et je parlerai,
moi qui ai beaucoup souffert.
Il en coûte au Seigneur
de voir mourir les siens !

Ne suis-je pas, Seigneur, ton serviteur, 
moi, dont tu brisas les chaînes ?
Je t’offrirai le sacrifice d’action de grâce,
j’invoquerai le nom du Seigneur.

Je tiendrai mes promesses au Seigneur,
oui, devant tout son peuple, 
à l’entrée de la maison du Seigneur,
au milieu de Jérusalem !

 

2ème lecture : Le sacrifice du Fils (Rm 8, 31-34)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ?
Il n’a pas refusé son propre Fils, il l’a livré pour nous tous : comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout ?
Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? puisque c’est Dieu qui justifie.
Qui pourra condamner ? puisque Jésus Christ est mort ; plus encore : il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous.

 

Evangile : La Transfiguration (Mc 9, 2-10)

Acclamation : Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. Du sein de la nuée resplendissante, la voix du Père à retenti : « Voici mon Fils, mon bien-aimé, écoutez-le ! » Gloire au Christ, Parole éternelle du Dieu vivant. Gloire à toi, Seigneur. (cf. Mt 17, 5)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux.
Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille.
Élie leur apparut avec Moïse, et ils s’entretenaient avec Jésus.
Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. »
De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur.
Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. »
Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux.

En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts.
Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d’entre les morts ». 
Patrick Braud

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