Pierre et Paul, ordonnés pour nous
Pierre et Paul, ordonnés pour nous
Homélie pour la fête de saint Pierre et saint Paul, Apôtres / Année C
29/06/25
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Le 29 juin est une date connue et aimée d’une multitude de prêtres dans le monde entier.
C’est en ce jour de la fête de Pierre et Paul que l’Église aime en effet ordonner ses prêtres, comme pour les enraciner dans le ministère de ces deux apôtres.
Pourquoi donc ordonner un 29 juin ? La Préface de cette fête nous met sur la piste :
« Tu nous donnes de fêter en ce jour – dit la Préface – les deux apôtres Pierre et Paul. Celui qui fut le premier a confessé la foi : Pierre, et celui qui l’a mise en lumière : Paul. Pierre qui constitua l’Église en s’adressant d’abord aux fils d’Israël, et Paul qui fit connaître aux nations l’évangile du salut. L’un et l’autre ont travaillé chacun selon sa grâce à rassembler l’unique famille du Christ ».
Vous avez là dans cette Préface des éléments fondamentaux du ministère des prêtres aujourd’hui encore : rassembler, confesser la foi, la mettre en lumière, constituer l’Église, l’ouvrir aux nations. Regardons chaque terme de cette Préface.
- Rassembler l’unique famille du Christ
C’est bien ce que l’on attend des prêtres : qu’ils soient des rassembleurs, au-delà des clivages sociaux qui ne devraient pas avoir cours dans l’Église, au-delà des légitimes différents de sensibilité de tous ordres, les prêtres, inlassablement, font retenir l’appel de Dieu à la communion : « Laissez Dieu vous initier à une vie de communion avec lui, avec vos frères et sœurs, avec l’univers, avec vous-même ». Le geste où culmine cette communion ecclésiale est bien sûr la communion eucharistique, mais c’est toute la mission des prêtres que de faire en sorte que les gens se parlent, se pardonnent, apprennent à s’aimer d’avantage. C’est cela « rassembler l’unique famille du Christ ».
- Deuxième élément de la Préface : confesser la foi, comme Pierre, qui se jette à l’eau pour proclamer : « Tu es le Messie », alors même qu’il ne saisit pas encore tout ce que cela veut dire, et notamment la croix. Les prêtres initient à la foi de l’Église, pour que les baptisés se laissent porter par cette foi, cette confiance – c’est le même mot – en un Dieu communion d’amour, Père, Fils et Esprit saint. Cela passe par la première annonce de la foi, puis la catéchèse, à tout âge de la vie, des petits enfants ou personnes âgées, en passant par les fiancés, les adolescents, mais cela passe aussi par toute la vie des prêtres.
Confesser la foi de l’Église.
- Troisième élément de la Préface : mettre cette foi en lumière, comme Paul, qui met son immense culture juive, grecque et romaine au service de la foi. Paul débat, argumente, explicite, écrit, dénonce les dérives. C’est lui qui met en lumière, par exemple, la primauté de la grâce sur les œuvres, la primauté de l’Esprit sur la lettre de la Loi, la primauté de l’amour sur tous les autres charismes. Mettre en lumière la pertinence de la foi pour aujourd’hui, pour les prêtres, comme pour les diacres et les évêques en premier lieu, cela passe notamment par le ministère de l’homélie du Dimanche, mais aussi par l’écriture de livres, la prédication de retraites, la participation aux débats contemporains, dans les médias, radios, Internet, réseaux sociaux, universités, etc.
Mettre la foi en lumière.
- Quatrième élément de la Préface sur le ministère des prêtres : constituer l’Église.
La passion des prêtres, c’est de servir l’engendrement du Corps du Christ à travers tout cela. Tels des sages-femmes – et saint Paul se compare souvent à une sage-femme – ils guettent les signes d’une nouvelle naissance du Christ possible en chacun. Ils accompagnent l’émergence de nouvelles manières de vivre en Église. Ils constituent cette Église, en célébrant les sacrements, en créant des équipes de chrétiens, en appelant chacun à devenir responsable, là où il est, dans sa communauté chrétienne et dans la société.
Constituer l’Église.
- Cinquième élément de la Préface sur le ministère des prêtres : ouvrir cette même Église à toutes les nations. Pierre a accueilli le centurion romain Corneille, il a reconnu que l’Esprit saint « ouvre les portes de la foi aux païens », selon ses mots. Paul – lui – a sillonné la Méditerranée jusqu’à l’Europe, pour maintenir grandes ouvertes ces portes de l’Église à toutes les cultures, langues peuples et nations. Ce souci de l’ouverture à l’universel, à la catholicité de l’Église, anime toujours le ministère des prêtres. Empêcher une Église locale de se refermer sur elle-même, la mettre en communion avec la grande Église de tous les temps et de toutes les cultures, c’est cela la Tradition vivante. Les prêtres y participent à leur manière, en maintenant ouvertes ces portes que l’Esprit a déverrouillé et par lesquelles il nous donne des catéchumènes venus d’ailleurs, aujourd’hui encore. Ils doivent également être attentifs aux nouvelles Pentecôtes qui – comme à Jérusalem – ouvrent des chemins inédits d’évangélisation et de communion…
Ouvrir l’Église aux nations.
Rassembler l’unique famille du Christ, confesser la foi, la mettre en lumière, constituer l’Église, l’ouvrir aux nations.
Voilà pourquoi le ministère des prêtres nous est si précieux. Voilà pourquoi il est vital de recevoir les prêtres qui nous sont donnés et ordonnés. Car il s’agit bien de recevoir les prêtres. Quand l’Église appelle un prêtre, c’est qu’elle reconnaît en lui un don de Dieu. Quand elle l’ordonne, c’est pour à son tour le donner au monde. Selon la belle théologie du ministère qui vient de Paul : « Les dons que Dieu a fait aux hommes, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et catéchistes, afin de mettre les saints (c’est-à-dire les baptisés) en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ » (Ep 4,11) . Les ministres ordonnés ne sont donc pas des gens privilégiés ou supérieurs, mais des personnes qui sont données à toute l’Église afin qu’elle devienne elle-même, afin qu’elle accomplisse son ministère. En termes théologiques, Vatican II dira que le ministère presbytéral est au service du sacerdoce commun des fidèles : quelques-uns sont prêtres (en grec : presbyteroï = anciens) afin que tous soient prêtres (en latin : sacerdotes = sacerdoce), c’est-à-dire que tous puissent faire de leur vie un sacrifice eucharistique, selon les termes de Paul : « Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte » (Rm 12,1). De la même manière, certains sont appelés à être diacres pour que tous soient serviteurs.

Pierre et Paul, gravure sur une pierre tombale en marbre venant de la catacombe St Sébastien – IV° siècle, Musée du Vatican
En ce 29 juin, puissions-nous apprendre toujours davantage à nous recevoir les uns les autres – quelle que soit notre vocation – comme de vrais cadeaux que Dieu nous fait pour accomplir le ministère de l’Église. C’est d’ailleurs l’un des enjeux spirituels des nominations diocésaines de prêtres à venir : changer de paroisse, aller ailleurs, c’est pour un prêtre recevoir sa mission d’un autre. Pour nous, recevoir ceux qui nous sont donnés comme prêtres ou diacres (et que nous n’avons pas choisis), c’est se recevoir ensemble de Celui qui est la source de toute communion.
Prions cette semaine la Préface du 29 Juin, afin de mieux percevoir comment articuler notre vocation de baptisés à celle des ministres qui nous sont envoyés :
Vraiment, il est juste et bon,
pour ta gloire et notre salut,
de t’offrir notre action de grâce,
toujours et en tout lieu,
Seigneur, Père très saint,
Dieu éternel et tout-puissant.
Car tu nous donnes la joie de célébrer en ce jour
les bienheureux apôtres Pierre et Paul :
celui qui fut le premier à confesser la foi,
et celui qui l’a mise en lumière ;
Pierre qui constitua l’Église naissante
parmi les pauvres d’Israël,
et Paul, maître et docteur
des nations appelées au salut ;
l’un et l’autre ont travaillé, par des voies différentes,
à rassembler l’unique famille du Christ ;
dans le martyre, une même couronne les a réunis
et ils reçoivent, de par le monde, la même vénération.
C’est pourquoi, avec les saints et tous les anges,
nous te louons et sans fin nous proclamons :
Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l’univers…
Messe du jour
Première lecture
« Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur m’a arraché aux mains d’Hérode » (Ac 12, 1-11)
Lecture du livre des Actes des Apôtres
À cette époque, le roi Hérode Agrippa se saisit de certains membres de l’Église pour les mettre à mal. Il supprima Jacques, frère de Jean, en le faisant décapiter. Voyant que cette mesure plaisait aux Juifs, il décida aussi d’arrêter Pierre. C’était les jours des Pains sans levain. Il le fit appréhender, emprisonner, et placer sous la garde de quatre escouades de quatre soldats ; il voulait le faire comparaître devant le peuple après la Pâque. Tandis que Pierre était ainsi détenu dans la prison, l’Église priait Dieu pour lui avec insistance. Hérode allait le faire comparaître. Or, Pierre dormait, cette nuit-là, entre deux soldats ; il était attaché avec deux chaînes et des gardes étaient en faction devant la porte de la prison. Et voici que survint l’ange du Seigneur, et une lumière brilla dans la cellule. Il réveilla Pierre en le frappant au côté et dit : « Lève-toi vite. » Les chaînes lui tombèrent des mains. Alors l’ange lui dit : « Mets ta ceinture et chausse tes sandales. » Ce que fit Pierre. L’ange ajouta : « Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi.» Pierre sortit derrière lui, mais il ne savait pas que tout ce qui arrivait grâce à l’ange était bien réel ; il pensait qu’il avait une vision. Passant devant un premier poste de garde, puis devant un second, ils arrivèrent au portail de fer donnant sur la ville. Celui-ci s’ouvrit tout seul devant eux. Une fois dehors, ils s’engagèrent dans une rue, et aussitôt l’ange le quitta. Alors, se reprenant, Pierre dit : « Vraiment, je me rends compte maintenant que le Seigneur a envoyé son ange, et qu’il m’a arraché aux mains d’Hérode et à tout ce qu’attendait le peuple juif. »
Psaume
(Ps 33 (34), 2-3, 4-5, 6-7, 8-9)
R/ De toutes mes frayeurs, le Seigneur me délivre. (cf. 33, 5)
Je bénirai le Seigneur en tout temps,
sa louange sans cesse à mes lèvres.
Je me glorifierai dans le Seigneur :
que les pauvres m’entendent et soient en fête !
Magnifiez avec moi le Seigneur,
exaltons tous ensemble son nom.
Je cherche le Seigneur, il me répond :
de toutes mes frayeurs, il me délivre.
Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage.
Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses.
L’ange du Seigneur campe alentour, pour libérer ceux qui le craignent.
Goûtez et voyez : le Seigneur est bon ! Heureux qui trouve en lui son refuge !
Deuxième lecture
« Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice » (2 Tm 4, 6-8.17-18)
Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre à Timothée
Bien-aimé, je suis déjà offert en sacrifice, le moment de mon départ est venu. J’ai mené le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. Je n’ai plus qu’à recevoir la couronne de la justice : le Seigneur, le juste juge, me la remettra en ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui auront désiré avec amour sa Manifestation glorieuse.
Tous m’ont abandonné. Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que, par moi, la proclamation de l’Évangile s’accomplisse jusqu’au bout et que toutes les nations l’entendent. J’ai été arraché à la gueule du lion ; le Seigneur m’arrachera encore à tout ce qu’on fait pour me nuire. Il me sauvera et me fera entrer dans son Royaume céleste. À lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Évangile
« Tu es Pierre, et je te donnerai les clés du royaume des Cieux » (Mt 16, 13-19)
Alléluia. Alléluia. Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Alléluia. (Mt 16, 18)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit :
« Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Patrick Braud
Mots-clés : ordination, Paul, Pierre, prêtre, sacerdoce