L'homélie du dimanche (prochain)

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9 octobre 2017

Le festin obligé

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

LE FESTIN OBLIGÉ

Homélie du 28° Dimanche ordinaire / Année A
15/10/2017

Cf. également :

Tenue de soirée exigée…

Le mariage et l’enfant : recevoir de se recevoir

Recevoir sa mission d’une inconnue étrangère

Le Temple, la veuve, et la colère

Jésus évalué à 360°

   

Dans la foi chrétienne, l’essentiel n’est pas de donner, mais de recevoir.

Le festin obligé dans Communauté spirituelle noces

Cette affirmation peut paraître choquante. Comment ? On m’a pourtant appris qu’être chrétien c’est donner aux autres, être généreux, partager ! Elle en scandalisera beaucoup. Comment ? Celui qui n’a jamais rien fait de bien ou si peu dans sa vie, comment pourrait-il prétendre participer aux noces du fils de Dieu ?

Cette affirmation est cependant au cœur de la parabole des invités à la noce (Mt 22, 1-14). Jésus a inventé cette histoire pour nous faire réfléchir sur notre difficulté à accepter de recevoir gratuitement.

Et de fait, les refus qu’il met sur la bouche et dans les poings des invités sont surprenants.

a) Les premiers ne fournissent aucune excuse.
ob_0db26c_banchetto-di-nozze-3 donner dans Communauté spirituellePas même de ces pieux mensonges qui 
permettent diplomatiquement de conserver de bonnes relations tout en déclinant un dérangement qui nous déplaît. Non : ils traitent par le mépris les serviteurs chargés de leur carton d’invitation. Ils répondent par le silence à la parole du roi les conviant chaleureusement au festin.

Ce silence existe bien dans certaines de nos non-réponses, avouons-le. Nous sommes capables hélas de ne même pas prendre la peine de répondre aux invitations que nous recevons. Un peu comme une entreprise est capable de ne pas répondre aux CV que des chercheurs d’emploi lui envoient.

Pourquoi ces silences méprisants ? Parce que nous avons tout ce qu’il nous faut : nourriture, amis, cercle familial, salariés… Et donc aller à la noce n’ajouterait rien à ce que nous avons déjà (du moins le croyons-nous). Parce qu’il n’y a pas de place pour l’imprévu de Dieu dans nos agendas si bien tenus et planifiés. Parce que nous sommes de ceux que Jésus qualifie de « riches », c’est-à-dire de repus, n’attendant plus rien de Dieu, croyant avoir tout ou presque.

 

b) La deuxième catégorie de refus est plus explicite : « ils s’en allèrent l’un à son champ, l’autre à son commerce ».

ob_e4304f_banchetto-di-nozze-2 grâceL’excuse pour se dérober à l’invitation est ici professionnelle (agriculture, commerce). C’est vrai que nos vies professionnelles (ou retraitées, car c’est parfois tout comme !) sont contraignantes. Cédant à une certaine idolâtrie de leur dévouement au travail, certains sont prêts à sacrifier leur vie privée, l’équilibre de leur couple, pour monter plus haut dans une carrière. On peut se priver de voir grandir ses enfants, mettre son couple en péril, on peut passer complètement à côté de sa vie de citoyen, de militant associatif, de tous ces moments de gratuité qui demandent de ne pas être esclave de son métier. Au nom de la réussite, de l’argent à ramener sa famille (quitte du coup à ne plus vraiment la voir !). Les jeunes générations (les Y, les Millenials) semblent plus enclines que leurs aînées à vouloir limiter la toute-puissance d’attraction du travail. Ils se disent tentés par la sobriété heureuse, exprimant par là leur volonté initiale de brider l’emprise professionnelle pour pouvoir vivre avec moins mais mieux. On verra si dans 10, 20 ou 30 ans, ils ont su inventer une autre manière de travailler, d’autres rythmes, d’autres épanouissements personnels. Jésus en tout cas pointe une tentation aussi vieille que la civilisation : trop consacrer à son travail, au point de refuser d’être invité à un festin de noces, et pas n’importe lequel !

La question de l’équilibre vie privée / vie professionnelle se pose à chacun, et évolue avec l’âge. Mon investissement au travail m’empêche-t-il de répondre oui aux appels de Dieu à festoyer avec lui ? La question mérite au moins d’être posée. Une autre parabole, celle des chômeurs embauchés la 11° heure du jour, souligne en contrepoint que l’oisiveté n’est pas meilleure que le surinvestissement : Dieu appelle également au travail ! Le tout est de discerner le temps présent : est-ce le temps pour jouer de la flûte, danser et se réjouir ? Ou pour se retrousser les manches et transpirer sur son ouvrage ?

 

c) La troisième catégorie de refus est extrêmement violente, meurtrière : « les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent  ».

Le refus d’être invité atteint ici une forme d’être de paroxysme. Ne pas vouloir venir est une chose, massacrer les serviteurs chargés d’offrir ce cadeau en est une autre. Pourquoi tant de haine ? Est-ce déjà le déchaînement de cette fameuse violence mimétique que Jésus dénonce aussi dans la parabole des vignerons homicides ? Est-ce un début de révolution qui veut couper tous les liens avec le souverain, en attendant de lui couper la tête un peu plus tard ? Toujours est-il qu’ils signifient par-là ne plus vouloir avoir affaire au roi, préférant conquérir l’indépendance par la violence plutôt que de rester ses sujets, même invité à sa table.

vigneronshomicides morale

Dieu que c’est difficile d’accepter de recevoir ! Ces trois catégories d’invités décrivent nos propres tentations d’autosuffisance : être si repus qu’un autre désir est impossible, être si idolâtres que toute invitation de Dieu est inaudible ; être si jaloux de notre autonomie que nous mordons la main qui nous approche.

L’enjeu de la parabole est bien là : accepter d’être invités. Accepter de recevoir ce cadeau de Dieu désirant partager la joie des noces de son fils. Faire sienne cette joie qui n’était pas la nôtre ; se nourrir de mets succulents que nous n’avons pas préparés ni même mérités.

 

d) La colère du roi qui se manifeste alors est révélatrice : il est obligé de surmonter notre réticence à nous laisser aimer.

ob_1b12bb_banchetto-di-nozze-6 recevoir

Il oblige tous ceux qui sont rencontrés à remplir la salle des noces. Le terme obliger est fort. Il ne se rencontre d’ailleurs dans le Nouveau Testament que lorsque Jésus oblige ses disciples à remonter dans la barque pour traverser le lac. Notre réticence à nous laisser conduire est telle que Dieu est obligé de nous obliger ! Un peu comme un père oblige son enfant à goûter tel plat, tel sport inconnu pour lui faire découvrir ce qu’il ne découvrirait jamais autrement. Il y a des circonstances dans une vie ou Dieu – heureusement ! – nous oblige à recevoir de Lui. C’est la grâce d’un éblouissement spirituel, une rencontre bouleversante, une révélation décisive… Cette invitation est gratuite. C’est-à-dire qu’elle ne dépend pas de ce que nous avons fait. D’ailleurs le roi prend soin de préciser qu’il souhaite voir les bons comme les mauvais entrer dans la salle des noces. On retrouve le scandale évoqué au début : les mauvais eux aussi vont se régaler et se réjouir aux noces divines !

Décidément, la foi chrétienne n’est pas d’abord mener une vie morale, être bon ou mauvais. Être chrétien c’est accepté d’être invité gracieusement à entrer dans la communion au fils de Dieu qui nous unit à son Père (ce qui fait de l’éthique une réponse, et non un préalable).

 

e) Le dernier éclat de la parabole est d’ailleurs un développement de cette nécessité de recevoir.

ob_ba8acf_banchetto-di-nozze-9À l’entrée de la salle, tous ceux que les serviteurs avaient ramassés sur la route se sont vus donner un vêtement blanc, un vêtement des noces pour être à la hauteur du festin du mariage. Un des invités – on ne sait pas si c’est un bon ou un mauvais – a refusé d’endosser ce vêtement. On peut y voir l’allusion au vêtement du baptême qui conduit jusqu’au festin de nos eucharisties. Plus radicalement c’est le vêtement de la grâce dont Dieu veut habiller tout homme et que pourtant nous sommes capables de refuser. Celui qui refuse de se laisser gracier mais veut participer au festin se heurtera à cette contradiction insurmontable : « Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ».

 

L’essentiel de la foi chrétienne, ce n’est pas donner mais recevoir.

Participer à la joie des noces ne dépend pas de notre vie morale. Elle dépend seulement de notre désir d’ouvrir notre cœur et nos mains. Elle dépend seulement de notre capacité à dire oui à une invitation que nous n’avons pas à mériter.

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur préparera un festin ; il essuiera les larmes sur tous les visages » (Is 25, 6-10a)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé.
 Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.

PSAUME (Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6) R/
J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.
 (Ps 22, 6cd)

Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.

DEUXIÈME LECTURE

« Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4, 12-14.19-20) Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens

Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus.  Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.

ÉVANGILE « Tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22, 1-14)
Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel.
Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.’ Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.’ Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.’  Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. » Patrick BRAUD

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22 février 2017

Mercredi des Cendres : le lien aumône-prière-jeûne

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Mercredi des Cendres : le lien aumône-prière-jeûne

Homélie du Mercredi des Cendres / Année A
01/03/2017

Cf. également :

Déchirez vos cœurs et non vos vêtements

Mercredi des cendres : de Grenouille à l’Apocalypse, un parfum d’Évangile

La radieuse tristesse du Carême

Carême : quand le secret humanise

Mercredi des Cendres : 4 raisons de jeûner

Le symbolisme des cendres

 

L’évangile d’entrée en Carême unit chaque année trois pratiques en une seule démarche de conversion : l’aumône, la prière, le jeûne. Sous condition de secret, ces trois dispositions du cœur marquent les 40 jours du Carême, pour qu’elles soient présentes tout au long de l’année.

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Lisez comment St Pierre Chrysologue (ce surnom grec signifie « paroles d’or »), évêque de Ravenne au V° siècle, commentait les liens entre les trois :

Résultat de recherche d'images pour "Pierre Chrysologue"« Il y a trois actes, mes frères, trois actes en lesquels la foi se tient, la piété consiste, la vertu se maintient : la prière, le jeûne, la miséricorde. La prière frappe à la porte, le jeûne obtient, la miséricorde reçoit. Prière, miséricorde, jeûne : les trois ne font qu’un et se donnent mutuellement la vie.

En effet, le jeûne est l’âme de la prière, la miséricorde est la vie du jeûne. Que personne ne les divise : les trois ne peuvent se séparer. Celui qui en pratique seulement un ou deux, celui-là n’a rien. Donc, celui qui prie doit jeûner ; celui qui jeûne doit avoir pitié ; qu’il écoute l’homme qui demande, et qui en demandant souhaite être écouté ; il se fait entendre de Dieu, celui qui ne refuse pas d’entendre lorsqu’on le supplie.

Celui qui pratique le jeûne doit comprendre le jeûne : il doit sympathiser avec l’homme qui a faim, s’il veut que Dieu sympathise avec sa propre faim ; il doit faire miséricorde, celui qui espère obtenir miséricorde ; celui qui veut bénéficier de la bonté doit la pratiquer ; celui qui veut qu’on lui donne doit donner. C’est être un solliciteur insolent, que demander pour soi-même ce qu’on refuse à l’autre.

Voici la norme de la miséricorde à ton égard : si tu veux qu’on te fasse miséricorde de telle façon, selon telle mesure, avec telle promptitude, fais toi-même miséricorde aux autres, avec la même promptitude, la même mesure, la même façon.

Donc la prière, la miséricorde, le jeûne doivent former un patronage pour nous recommander à Dieu, doivent former un seul plaidoyer en notre faveur, une seule prière en notre faveur sous cette triple forme.

Résultat de recherche d'images pour "mercredi des cendres"Ce que nous avons perdu par le mépris, nous devons le conquérir par le jeûne ; immolons nos vies par le jeûne parce qu’il n’est rien que nous puissions offrir à Dieu de plus important, comme le prouve le Prophète lorsqu’il dit : Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; le cœur qui est broyé et abaissé, Dieu ne le méprise pas.

Donne à Dieu ta vie, offre l’oblation du jeûne pour qu’il y ait là une offrande pure, un sacrifice saint, une victime sainte qui insiste en ta faveur et qui soit donnée à Dieu. Celui qui ne lui donnera pas cela n’aura pas d’excuse. Parce qu’on a toujours soi-même à offrir.

Mais pour que ces dons soient agréés, il faut que vienne vite la miséricorde. Le jeûne ne porte pas de fruit s’il n’est pas arrosé par la miséricorde ; le jeûne se dessèche par la sécheresse de la miséricorde ; ce que la pluie est pour la terre, la miséricorde l’est pour le jeûne. Celui qui jeûne peut bien cultiver son cœur, purifier sa chair, arracher les vices, semer les vertus : s’il n’y verse pas les flots de la miséricorde, il ne recueille pas de fruit.

Toi qui jeûnes, ton champ jeûne aussi, s’il est privé de miséricorde; toi qui jeûnes, ce que tu répands par ta miséricorde rejaillira dans ta grange. Pour ne pas gaspiller par ton avarice, recueille par tes largesses. En donnant au pauvre, donne à toi-même ; car ce que tu n’abandonnes pas à autrui, tu ne l’auras pas. »

St Pierre Chrysologue : Homélie sur la prière, le jeûne et l’aumône, (+ 451).

 

PREMIÈRE LECTURE
« Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (Jl 2, 12-18)

Lecture du livre du prophète Joël

Maintenant – oracle du Seigneur – revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. Qui sait ? Il pourrait revenir, il pourrait renoncer au châtiment, et laisser derrière lui sa bénédiction : alors, vous pourrez présenter offrandes et libations au Seigneur votre Dieu. Sonnez du cor dans Sion : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une fête solennelle, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! Entre le portail et l’autel, les prêtres, serviteurs du Seigneur, iront pleurer et diront : « Pitié, Seigneur, pour ton peuple, n’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” »
Et le Seigneur s’est ému en faveur de son pays, il a eu pitié de son peuple.

PSAUME(50 (51), 3-4, 5-6ab, 12-13, 14.17)

R/ Pitié, Seigneur, car nous avons péché ! (cf. 50, 3) 

Pitié pour moi, mon Dieu,
dans ton amour, selon ta grande miséricorde,
e
fface mon péché.

Lave-moi tout entier de ma faute,
purifie-moi de mon offense.
 Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.

Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait.
 Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu,
renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit.

Ne me chasse pas loin de ta face, ne me reprends pas ton esprit saint.
Rends-moi la joie d’être sauvé ; que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange.

DEUXIÈME LECTURE
« Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Voici maintenant le moment favorable » (2 Co 5, 20 – 6, 2)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, nous sommes les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’a pas connu le péché, Dieu l’a pour nous identifié au péché, afin qu’en lui nous devenions justes de la justice même de Dieu. En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il dit dans l’Écriture: Au moment favorable je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai secouru. Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut.

ÉVANGILE

« Ton Père qui voit dans le secret te le rendra » (Mt 6, 1-6.16-18)
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.
Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur.
Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance. (cf. Ps 94, 8a.7d)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Ce que vous faites pour devenir des justes, évitez de l’accomplir devant les hommes pour vous faire remarquer. Sinon, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.

 Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner la trompette devant toi, comme les hypocrites qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

 Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra.

 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme les hypocrites : ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »
Patrick BRAUD

 

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29 juin 2016

Les 72

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

LES 72

 

Homélie du 14° Dimanche / Année C
Dimanche 3 Juillet 2016

 

Cf. également :

Briefer et débriefer à la manière du Christ 

Qu’est-ce qui peut nous réjouir ?

Secouez la poussière de vos pieds

Le baptême du Christ : une histoire « sandaleuse »

Medium is message

 

Qui sont ces 72 dont seul parle Luc ?

Pourquoi un 2ème groupe à côté des 12 Apôtres ?

La question nous intéresse, car autant le dire tout de suite, c’est notre mission qui est en jeu dans celle des 72.

Afficher l'image d'origineIls sont 72, ce qui d’après Gn 10,1-32 (dans la version grecque des Septante) évoque la postérité des fils de Noé qui repeuple la terre après le déluge et avant Babel. Ce nombre 72 symbolise donc l’ensemble des nations, avec qui Dieu désire entrer en alliance.

Les 72 ne remplacent pas les 12 ; ils s’ajoutent à eux.

Les 12 sont les apôtres, symbolisant les 12 tribus d’Israël, envoyés du temps de Jésus. Les 72, eux, sont envoyés par « le Seigneur », c’est-à-dire par le Christ ressuscité, à toutes les nations.

Les 72 complètent l’action des 12, comme la somme de 72 et 12 l’indique : 6 x 12 + 1 x 12 = 7 x 12, soit la plénitude d’Israël (7 est le chiffre de la Création : les 7 jours; 12 est le nombre des tribus d’Israël) = l’Église des nations. (Notez que la prophétesse Anne au Temple de Jérusalem chez Luc avait justement… 84 ans = 7×12 ! Elle annonce en elle-même l’universalité de la foi chrétienne lorsqu’elle accueille le bébé Jésus au Temple…)

Au-delà des chiffres, on voit bien que Luc écrit pour montrer que les envoyés après les Apôtres ont bien été voulus par Jésus lui-même. Après Pâques, le Seigneur continue d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.

 

Regardons ensemble les caractéristiques de ces 72.

 

1.    Ils sont autres que les 12

Le texte dit en effet : « le Seigneur en désigna 72 autres ».

Gardons nous d’ajouter trop vite : 72 autres disciples ou apôtres. Le texte dit qu’ils sont autres. Le nouvel envoyé est à la fois « autre » et en lien étroit avec ceux qui l’ont précédé. Il est « autre » en raison de la période nouvelle dans laquelle il est envoyé, et parce que les cultures à qui il s’adresse sont autres.

Ces 72 s’ajoutent aux 12, mais à la deuxième génération de missionnaires. St Luc sait qu’ils seront « autres ». Le groupe des 12 est unique, car témoin de la Résurrection du Christ; il n’y en aura pas d’autre. Grâce aux 72, la Parole initiale résonne au-delà des frontières, et sollicite de nouveaux auditoires.

C’est la nouveauté de notre mission chrétienne à chaque génération : il s’agit à la fois de prolonger l’action des 12 et en même temps d’être autres, de faire du neuf !

 

2.    Ces 72 sont envoyés là où le Christ n’est pas encore allé, mais projette de venir

Autrement dit, ils doivent préparer sa venue, défricher le terrain, être « en avant » du Christ.

Afficher l'image d'origineComment ne pas y voir l’immense champ d’apostolat des laïcs ? Les baptisés envoyés vivre leur foi dans les domaines politiques, économiques, culturels…

Là où le Christ n’est pas encore allé.

Explorer par exemple le champ de la recherche scientifique, du débat bioéthique, dans de redoutables questions que la foi chrétienne n’a pas encore pu éclairer.

Il y a tant de réalités humaines où le Christ n’est pas encore allé ! Aux baptisés de parcourir, en précurseurs, ces réalités nouvelles où le Seigneur lui-même voudrait se manifester…

 

3.    Ces 72 sont envoyés 2 par 2 : quelle sagesse !

Afficher l'image d'originePour éviter que l’un d’entre eux ne s’accapare le succès ou l’échec de leur mission ;

pour éviter de trop personnaliser l’annonce de la foi à la manière d’un gourou ;

pour se soutenir mutuellement… : les raisons sont nombreuses d’y aller 2 par 2.

Jamais seul.

Aujourd’hui encore c’est un critère sûr pour envoyer quelqu’un dans une responsabilité particulière : jamais seul ; toujours avec une équipe, au moins 2.

Équipe d’accompagnement au deuil, équipe d’Animation Pastorale, visite des malades, chargé des finances paroissiales au sein du Conseil économique, etc.… Jamais seul, au moins 2 par 2, en équipe : c’est une règle de sagesse.

 

4.    Ces 72 sont envoyés « comme des agneaux au milieu des loups »

Ce qui d’une part situe leur mission comme un combat contre le mal (« Je voyais Satan tomber comme l’éclair » dira Jésus), de façon très réaliste, et d’autre part leur interdit d’utiliser les même moyens que le mal pour triompher.

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Ce serait laisser gagner les loups que de nous transformer nous-même en loups ; mieux vaut demeurer agneau, quitte à le payer au prix fort, comme « l’Agneau de Dieu », pariant sur l’espérance qu’un jour « le loup habitera avec l’agneau » (Is 11,6).

L’envoyé ne veut pas la mort de ses adversaires, mais qu’ils vivent. Il ne répond pas au mal par le mal.

 

5.    Ces 72 devront apprendre à recevoir de ceux vers qui ils sont envoyés

« Là où vous serez accueillis, mangez ce qu’on vous offrira. Restez dans cette maison, acceptez ce qu’on vous servira ». Autrement dit : les cultures nouvelles vers qui vous êtes envoyés ont quelque chose à vous donner ; vous devez apprendre à recevoir d’elles, à vous nourrir de leurs richesses et pas seulement à leur donner.

C’est capital pour ne pas arriver en conquérant colonisateur ! En partageant l’intimité d’un peuple, d’une histoire étrangère, on reçoit beaucoup, on reçoit même de quoi vivre, et cela change fondamentalement l’annonce de l’Évangile. Annonce qui se fait alors de l’intérieur d’un peuple, et non de l’extérieur.

Apprenez à recevoir de ceux à qui vous désirez annoncer l’Évangile.

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6.    Ces 72 seront confrontés à l’échec

Patrick BraudIl y a des villes qui ne les accueilleront pas. Au lieu de perdre du temps, ils devront alors secouer la poussière de leurs sandales tout en maintenant que « le Règne de Dieu est tout proche ».

Savons-nous assez secouer la poussière de nos pieds lorsque le Christ n’est pas accueilli, pour aller l’annoncer ailleurs ?…

 

7.    Ces 72 reviennent tout joyeux raconter au Seigneur comment s’est passée leur mission

Afficher l'image d'origineRendre compte de la responsabilité exercée ; faire le point, un bilan personnel et collectif.
Débriefer.

Notre culture ecclésiale pratique trop peu l’évaluation.

Nous sommes mal à l’aise avec la culture du résultat.

Et pourtant c’est de raconter qu’ils sont joyeux.

Pratiquons nous assez ce retour de mission où on revient sur les succès, les échecs, en apprenant à nous réjouir de l’essentiel : nos noms « inscrits dans les cieux » ?

 

Décidément, ces 72 sont bien actuels !

À nous de le méditer pour la vie de notre Église aujourd’hui, mais également dans les responsabilités profanes auxquelles nous sommes envoyés…

 

 

 

1ère lecture : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66, 10-14c)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous goûterez avec délices à l’abondance de sa gloire. Car le Seigneur le déclare : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. » Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaître sa puissance à ses serviteurs.

Psaume : Ps 65 (66), 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20

R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur ! (cf. Ps 65, 1)

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;
Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

2ème lecture : « Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus » (Ga 6, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates

Frères, pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Ce qui compte, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter, car je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.

Evangile : « Votre paix ira reposer sur lui » (Lc 10, 1-12.17-20)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. 
Que dans vos cœurs, règne la paix du Christ ; que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse.
Alléluia. (Col 3, 15a.16a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

 En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : ‘Le règne de Dieu s’est approché de vous.’ » Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.’ Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »

Les 72 disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »
Patrick BRAUD

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22 juin 2016

Sans condition, ni délai

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Sans condition, ni délai

 

Homélie du 13° Dimanche du temps ordinaire / Année C
26/06/2016

 

Cf. également :

Exigeante et efficace : la non-violence 

Du feu de Dieu ! 

 

Sans condition

Sommes-nous capables d’aimer sans condition ?

Nous pressentons que la gratuité fait partie structurante de l’amour. C’est peut-être l’amour parental qui en est le plus proche. Beaucoup de parents ont dit à leur enfant – et ils ont eu raison de lui dire – : quoi qu’il t’arrive dans ta vie, tu resteras notre fils/fille, et notre maison comme notre coeur te seront toujours ouverts.

Pourtant, même cet amour parental apparaît mélangé. Dès la conception d’ailleurs, puisque beaucoup d’enfants sont accueillis à condition qu’ils soient attendus et désirés, sinon l’IVG sera requis, parce que les conditions ne sont pas réunies pour accepter cette grossesse. Environ 96 % des parents à qui on diagnostique pendant la grossesse un risque d’avoir un enfant trisomique demandent l’avortement. Un certain eugénisme de fait est déjà pratiqué dans notre pays.

Même après la naissance, l’amour parental n’est pas si inconditionnel que cela : les abandons sont encore nombreux, la maltraitance physique également, sans compter les maltraitances psychologiques parce que l’enfant qui avait été rêvé ne correspond pas aux attentes de ses parents.

Jésus connaît bien les ambiguïtés des liens familiaux. Souvent il a refusé de les sacraliser et les a remplacés par les liens de la foi : « celui qui vient à moi doit me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs et même à sa propre personne… » (Lc 14, 25-26).

Jésus, dans l’évangile de ce dimanche (Lc 9, 51-62), est d’une exigence inouïe. Il ose appeler un homme qui vient de perdre son père, et cela devait se voir à l’époque où le deuil était une étape sociale au vu et au su de tous. À la réponse : « laisse-moi d’abord aller enterrer mon père », Jésus a cette maxime cinglante devenue proverbiale : « laisse les morts enterrer leurs morts ». Et il lui répète son invitation : « suis-moi », comme pour l’arracher à cette sphère devenue morbide au nom de l’affection filiale. Pourtant, la loi juive comme les coutumes humaines les plus ancestrales font de l’assistance aux obsèques une obligation sociale impérative. Ne pas venir à l’enterrement d’un ami, d’un proche, même si on était fâché ou éloigné, est toujours perçu comme inacceptable. Tout devrait disparaître devant la mort, pense-t-on, et alliés ou adversaires s’inclinent toujours devant la dépouille du défunt.

Le fils semble donc obéir au respect humain le plus élémentaire en demandant d’abord d’aller enterrer son père. Il obéit en plus à la Torah, qui demande : « honore ton père et ta mère ». Et quoi de plus déshonorant que de ne pas avoir ses enfants pour le dernier adieu ?

Les deux hommes concernés par leur famille posent en quelque sorte une condition à Jésus : « je te suivrai à condition d’abord d’enterrer mon père / de dire adieu à mes proches ».

Même ces conditions, ultra légitimes, ne tiennent pas devant l’appel du Christ : « suis-moi ! » [1]. Certains commentaires voudraient spiritualiser ce passage en allant trop vite au sens symbolique de cette rupture demandée. Bien sûr, il s’agit de ne pas se laisser enfermer par son passé, même son passé familial. Bien sûr, Jésus nous libère par cette maxime de toute idolâtrie du lien du sang : notre vraie famille n’est pas régie par nos gènes, notre véritable identité n’est pas déterminée par le droit du sol ni le droit du sang. Notre vraie famille, c’est l’humanité tout entière et chaque personne en particulier. Voilà pourquoi nous appelons Dieu Père, et lui seul est père en plénitude. Et ce père-là, on n’est pas près de l’enterrer !

Il y a donc une sacrée libération de toute domination familiale dans l’Évangile, et cette fraternité universelle est encore aujourd’hui révolutionnaire.

Reste l’impératif très concret de Jésus : « laisse les morts enterrer leurs morts ». Ce n’est pas une théorie sur l’engagement, c’est un acte visible, socialement lourd de conséquences. Jésus a toujours préféré les décisions en actes à des discours abstraits, les personnes aux idées, les situations singulières aux théories générales.

 

Sans délai

Un couple qui prépare son mariage m’a fait découvrir ce texte autrement. Il y voit surtout la tentation du délai : délai pour éviter de se mettre en route tout de suite, excuse pour différer le véritable engagement. Le fiancé racontait :

« C’est ce que j’ai fait lors d’une première relation avec une autre femme, qui a duré des années. Je me disais : quand j’aurai un boulot stable, quand on aura une maison, quand on sera sûr d’être ensemble, quand on sera d’accord sur les enfants, quand… alors peut-être on se mariera. Mais en réalité, c’était le symptôme d’une hésitation plus profonde. Et de fait, nous nous sommes séparés au bout de quelques années, constatant qu’on n’arrivait pas à s’engager ensemble. »

Cette interprétation en termes de délai sonne fort juste : même si nous ne mettons pas apparemment de condition pour suivre le Christ ou dire oui à tel projet essentiel, il nous arrive souvent de contourner la décision en la procrastinant, c’est-à-dire en la reportant sans cesse à plus tard. Un peu comme l’alcoolique qui dit : j’arrête demain. Un peu comme le fumeur, sûr de lui : je peux arrêter de fumer quand je veux (donc je continue !).

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Suivre le Christ peut ainsi sans cesse être remis à plus tard : d’abord prendre soin de mon travail, puis de ma famille, puis de ma retraite… après on verra ! Prendre excuse d’un délai peut miner nos décisions les plus importantes.

Il existe certes une procrastination heureuse (notamment au travail !) : celle qui consiste à laisser s’évanouir d’elle-même l’écume des jours pour éviter de s’y noyer. Par exemple, ne pas répondre tout de suite à tous ses mails, et constater ainsi que la moitié d’entre eux se résolvent tout seuls… Mais la procrastination qui est ici dénoncée est d’un autre ordre : le délai sans cesse prétexté nous empêche en réalité de prendre la route, de nous engager vraiment, de passer les seuils essentiels (se marier, s’engager, terminer un travail de deuil, mettre ses actes en accord avec ce que l’on croit etc…).

 

Mettre des conditions ou prétexter un délai

Ne vous arrive-t-il jamais d’éviter ainsi de prendre une décision importante ?

Mettre cette stratégie – consciente ou non – en pleine lumière suffit le plus souvent à lui enlever son efficacité négative. L’appel du Christ à le suivre, à travers les routes que nous avons à prendre, peut alors se fait entendre, avec son exigence, maintenant, sans poser de conditions plus longtemps…

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[1]. Si l’on tient compte des coutumes du temps du Christ, il est possible que la raison donnée par cette homme à ne pas suivre Jésus directement n’ait rien à faire avec les obsèques de son père. Car, au Moyen Orient comme en Afrique et tous les pays chauds, on enterrait les morts le jour même à cause de la chaleur. Un délai de 24h maximum est toujours de mise dans l’islam. Les fils veillaient auprès du corps de leur père jusqu’à son enterrement. L’homme en question ne devrait donc pas être en train de parler avec Jésus ! Sa réponse sonne alors comme une excuse et un mensonge, pour remettre à plus tard le fait de prendre la route avec Jésus.

 

 

1ère lecture : « Élisée se leva et partit à la suite d’Élie » (1 R 19, 16b.19-21)
Lecture du premier livre des Rois
En ces jours-là, le Seigneur avait dit au prophète Élie : « Tu consacreras Élisée, fils de Shafath, comme prophète pour te succéder. » Élie s’en alla. Il trouva Élisée, fils de Shafath, en train de labourer. Il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Élie passa près de lui et jeta vers lui son manteau. Alors Élisée quitta ses bœufs, courut derrière Élie, et lui dit : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai. » Élie répondit : « Va-t’en, retourne là-bas ! Je n’ai rien fait. » Alors Élisée s’en retourna ; mais il prit la paire de bœufs pour les immoler, les fit cuire avec le bois de l’attelage, et les donna à manger aux gens. Puis il se leva, partit à la suite d’Élie et se mit à son service.

Psaume : Ps 15 (16), 1.2a.5, 7-8, 9-10, 2b.11
R/ Dieu, mon bonheur et ma joie ! cf. Ps 15, 2.11)

Garde-moi, mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge.
J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu !
Seigneur, mon partage et ma coupe :
de toi dépend mon sort. »

Je bénis le Seigneur qui me conseille :
même la nuit mon cœur m’avertit.
Je garde le Seigneur devant moi sans relâche ;
il est à ma droite : je suis inébranlable.

Mon cœur exulte, mon âme est en fête,
ma chair elle-même repose en confiance :
tu ne peux m’abandonner à la mort
ni laisser ton ami voir la corruption.

Je n’ai pas d’autre bonheur que toi.
Tu m’apprends le chemin de la vie :
devant ta face, débordement de joie !
À ta droite, éternité de délices !

2ème lecture : « Vous avez été appelés à la liberté » (Ga 5, 1.13-18)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates
Frères, c’est pour que nous soyons libres que le Christ nous a libérés. Alors tenez bon, ne vous mettez pas de nouveau sous le joug de l’esclavage. Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la Loi est accomplie dans l’unique parole que voici : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres. Je vous le dis : marchez sous la conduite de l’Esprit Saint, et vous ne risquerez pas de satisfaire les convoitises de la chair. Car les tendances de la chair s’opposent à l’Esprit, et les tendances de l’Esprit s’opposent à la chair. En effet, il y a là un affrontement qui vous empêche de faire tout ce que vous voudriez. Mais si vous vous laissez conduire par l’Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi.

Evangile : « Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem » « Je te suivrai partout où tu iras » (Lc 9, 51-62)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ; Tu as les paroles de la vie éternelle. Alléluia. (cf. 1 S 3,9 ; Jn 6, 68c)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Il envoya, en avant de lui, des messagers ; ceux-ci se mirent en route et entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on refusa de le recevoir, parce qu’il se dirigeait vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village.
 En cours de route, un homme dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras. » Jésus lui déclara : « Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer la tête. »
 Il dit à un autre : « Suis-moi. » L’homme répondit : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père. » Mais Jésus répliqua : « Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars, et annonce le règne de Dieu. »
 Un autre encore lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. » Jésus lui répondit : « Quiconque met la main à la charrue, puis regarde en arrière, n’est pas fait pour le royaume de Dieu. »
Patrick BRAUD

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