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17 octobre 2021

Le courage aveugle de Bartimée

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Le courage aveugle de Bartimée

30° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
24/10/2021

Cf. également :

Comme l’oued au désert
Les larmes du changement
Bartimée et Jésus : les deux fois deux fils

L’Église, obstacle et chemin

Le courage aveugle de Bartimée dans Communauté spirituelle M02204020567-largePar bien des aspects, l’institution Église est si décevante, si infidèle au message qu’elle transmet ! Elle tarde à se réformer (ministères féminins, exercice de l’autorité, cléricalisme, accueil des divorcés remariés etc.). Elle bruisse des mesquineries, jalousies et ambitions trop humaines qu’on croise trop souvent en politique ou ailleurs. Elle a trop longtemps cautionné des scandales qui éclatent maintenant au grand jour. Elle en devient presque un obstacle pour ceux qui cherchent sincèrement un sens à leur existence.

Ainsi les gens qui rabrouent Bartimée en marge de la foule qui suivait Jésus de Jéricho à Jérusalem. Ils menacent sérieusement ce mendiant aveugle de s’en prendre à lui s’il ne cesse pas de crier vers Jésus.

Tout en étant obstacle, l’Église demeure cependant un chemin vers Dieu. D’abord parce qu’elle porte en elle le trésor de l’Évangile et continue à proclamer ce message, quitte à ce qu’il la condamne. Ensuite, parce qu’il y a toujours des membres de cette Église – pas forcément les clercs ou les figures connues – qui serviront de relais à l’appel du Christ : « confiance, lève-toi, il t’appelle ».
Comme souvent la traduction liturgique de notre passage (Mc 10, 46-52) est plus ou moins fidèle à l’original du texte grec, qui serait plutôt :
Ils appelèrent l’aveugle en lui disant: « Prends courage (Θάρσει !), lève-toi (ἐγείρω), il t’appelle ». L’aveugle jeta son manteau et, se levant d’un bond (ἀναπηδήσας), vint vers Jésus.

Tantôt obstacle, tantôt chemin, l’Église est cette foule remplie de contradictions qui s’obstine néanmoins à suivre Jésus sur sa route pour monter avec lui de Jérusalem (‘ville de la Lune’, païenne et changeante) à Jérusalem (‘ville de la paix’ et de la plénitude).

Comment pouvons-nous être chemin les uns pour les autres ?
Explorons pour cela les 3 verbes transmis par la foule à Bartimée : prends courage / lève-toi / il t’appelle.

 

Prends courage !

Le déclin du courageLe terme grec θαρσω (tharseo = prendre courage) est employé 7 fois seulement dans la Bible, et le Nouveau Testament uniquement. Outre pour Bartimée, Marc le met sur les lèvres de Jésus pour rassurer ses disciples qui le voient marcher sur les flots : « Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés. Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : ‘Courage ! c’est moi ; n’ayez pas peur !’ » (Mc 6, 50 ; cf. Mt 14,27).

Chez Mathieu, c’est un encouragement à changer de vie adressé au paralytique (« Et voici qu’on lui présenta un paralysé, couché sur une civière. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : ‘Courage, mon enfant, tes péchés sont pardonnés’ » – Mt 9, 2) et à la femme hémorroïsse (« Jésus se retourna et, la voyant, lui dit : ‘Courage, ma fille ! Ta foi t’a sauvée.’ Et, à l’heure même, la femme fut sauvée » – Mt 9, 22).

Chez Jean, c’est encore un encouragement, mais cette fois pour affronter les persécutions et les menaces qui s’abattent sur les premiers chrétiens : « Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33).

Paul entend une voix intérieure le conforter dans cette même attitude de courage face à la prison et la décapitation qui l’attendent à Rome : « La nuit suivante, le Seigneur vint auprès de Paul et lui dit : ‘Courage ! Le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu le rendes aussi à Rome’ » (Ac 23, 11).

La foule autour de Bartimée cesse donc d’être un obstacle lorsqu’elle l’invite au courage pour changer de vie, en passant d’aveugle à voyant, de mendiant à disciple, d’assis à debout.

Nous aussi, nous sommes chemin vers Dieu les uns pour les autres lorsque nous nous arrêtons pour nous encourager mutuellement dans les passages que nous avons à assumer. Ce qui nous demande de suspendre notre jugement sur ce qui nous dérange chez les autres, à l’inverse des gens qui voulaient violemment faire taire le gêneur sur le bas-côté. Bartimée était un mendiant marginal, handicapé, bruyant. Quels sont les Bartimée d’aujourd’hui ? Ils  crient vers le Christ à leur façon : provocations, outrances, blasphèmes, aveuglements, mœurs décalées… Au lieu de vouloir les faire taire, nous ferions Église si nous les encouragions, littéralement, c’est-à-dire s’ils trouvaient en nous des paroles de bienveillance, sans jugement, qui valorisent et reconnaissent la soif intérieure qui les habite.

La foule devient Église lorsqu’elle devient un groupe où l’on s’encourage, où l’on trouve du courage pour avancer. Et il en faut du courage quand on est aveugle pour fendre la foule jusqu’à Jésus ! Essayez un peu, ne serait-ce qu’en vous bandant les yeux, d’aller vers quelqu’un qui vous appelle,  sans rien voir dans une pièce inconnue… !

Au sein d’une paroisse, nous deviendrons un puits de courage si nous savons nous écouter chacun dans les combats qui sont les nôtres : guérir de ce qui nous paralyse comme l’homme sur le brancard, stopper la perte du désir comme l’hémorroïsse, affronter l’adversité et nos adversaires comme Paul et les premiers chrétiens.

Ici, c’est le courage face à la cécité que la foule-Église transmet à Bartimée : ‘tu as raison de ne pas te résigner ; prend le risque de changer radicalement : ne reste pas assis sur le côté alors que nous marchons vers Jérusalem !’

 

Lève-toi !

Harold Copping, Jesus Heals Blind Bartimaeus, 1920Les verbes que Marc emploie ici sont bien connus dans le Nouveau Testament : γείρω (egeiró) = se lever, et νστημι (anistemi) = se lever d’un bond.

C’est typiquement le vocabulaire de la résurrection : se lever d’entre les morts, ressusciter (cf. Mc 5,42 ; 9,9-10.31 ; 10,34 ; 12,25 ; 16,9 etc.). D’ailleurs, Marc vient juste de le mettre sur les lèvres de Jésus annonçant sa Passion, ce qui effraie les disciples manquant de courage : « Voici que nous montons à Jérusalem (d’où l’importance pour Bartimée de les suivre dans cette montée vers Jérusalem). Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes ; ils le condamneront à mort, ils le livreront aux nations païennes, qui se moqueront de lui, cracheront sur lui, le flagelleront et le tueront, et trois jours après, il ressuscitera (ναστήσεται, anastēsetai) » (Mc 10, 33 34).

Les gens qui voulaient effacer Bartimée de la scène sont heureusement remplacés – sur ordre de Jésus - par ceux qui au contraire lui disent : ‘lève-toi !’ On peut y entendre comme un écho de l’invitation du Bien-aimé du Cantique des cantiques à sa Bien-aimée : « Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… Vois, l’hiver s’en est allé, les pluies ont cessé, elles se sont enfuies. Sur la terre apparaissent les fleurs, le temps des chansons est venu et la voix de la tourterelle s’entend sur notre terre. Le figuier a formé ses premiers fruits, la vigne fleurie exhale sa bonne odeur. Lève-toi, mon amie, ma gracieuse, et viens… » (Ct 2, 10 13).
Nous devenons Église lorsque nous nous encourageons mutuellement ainsi à nous lever, à nous relever de nos chagrins, de nos épreuves, de nos rechutes, de nos morts physiques et spirituelles.

Pour Bartimée, se lever demande un courage peu banal. Car, aveugle, désorienté à côté de cette foule dangereuse, comment faire pour tenir debout sans se cogner et chuter ? Comment aller vers Jésus sans savoir où il est ? Mais Bartimée n’hésite pas, sans doute en se laissant guider par ceux qui l’encourageaient. Comme son manteau le gêne dans ce mouvement rapide, il le jette pour que rien ne soit obstacle à sa marche vers le Christ. Et voilà comment le manteau de Bartimée est devenu le symbole de tout ce qu’il nous faut abandonner pour devenir chrétien…

La foule qui était obstacle est devenue guide, le manteau qui gênait le relèvement est abandonné sur le bord de la route.

Inviter et aider l’autre à ressusciter dès maintenant, aujourd’hui, est au cœur de la vie fraternelle en Église. ‘Lève-toi ! Sors de tes préjugés en venant lire la Bible avec nous, car ignorer les Écritures c’est ignorer le Christ (saint Jérôme). Quitte des addictions, avec la force que te donnera la prière en commun. Fais le deuil que tu dois faire pour vivre, en te tournant avec nous vers la Pâque du Christ. Débusque les idoles qui prennent la place du seul vrai Dieu dans ton agenda, ta consommation, ton épargne, tes loisirs’.

Tout le contraire de l’assistanat ! À l’image de Pierre et Jean face à l’impotent de la Belle Porte du Temple de Jérusalem : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas ; mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, lève-toi et marche ! » (Ac 3, 6).

Tout le contraire d’une fausse compassion complice ! À l’image de l’Abbé Pierre qui rencontre à l’été 49 un ex-bagnard qui a tenté de se suicider. « Moi, je n’ai rien à te donner, lui dit l’abbé Pierre. Toi, tu n’as rien à perdre puisque tu veux mourir. Alors, donne-moi ton aide pour aider les autres. » Georges sera le premier compagnon d’un havre d’accueil qu’à Pâques 1950 l’abbé Pierre baptise « Emmaüs », en référence à l’Évangile (Lc 24). Georges se souviendra : « Ce qui me manquait, ce n’était pas seulement de quoi vivre, c’était aussi des raisons de vivre. »

D’obstacle nous devenons chemin si nous savons nous encourager mutuellement à nous lever d’entre les morts, à ressusciter au présent en trouvant nos raisons de vivre et d’aimer.

 

Il t’appelle !

Répondre à l'appel du ChristMarc emploie le verbe φωνω (phoneo) 3 fois dans notre passage. C’est donc le signe qu’il a une grande importance, et que cela caractérise pour lui la nature même de ce qui constitue l’Église : faire circuler l’appel du Christ en le relayant.

Jésus demande en effet qu’on appelle l’aveugle, ce que fait la foule-Église, en son nom propre et au nom du Christ : « Jésus s’arrête et dit : ‘Appelez-le.’ On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : ‘Confiance, lève-toi ; il t’appelle‘ » (Mc 10, 49).

C’est d’ailleurs l’étymologie même du mot Église en grec : ekklesia vient de ek-kaleo = appeler au-dehors. Par nature, l’Église est le rassemblement de ceux qui acceptent de sortir de chez eux pour répondre à l’appel du Christ.

Ce n’est pas un club où l’on se choisit. Ce n’est pas un parti où l’on cherche le pouvoir. Ce n’est pas même une communauté qui voudrait tout partager. Non : c’est une assemblée d’appelés  par un Autre qu’eux-mêmes. La cloche de l’église de nos villages en est un beau symbole : lorsqu’elle sonne, chacun sort de chez lui, arrête son travail, ses occupations, pour se laisser rassembler à l’Église. Et dans cette réponse à l’appel qui constitue l’Église nous ne choisissons pas nos voisins de banc ! Dieu appelle qui il veut ; ce n’est pas à nous de faire le tri. Ce n’est pas à nous de diviser l’assemblée par des petits clans où nous aimerions retrouver ceux qui nous ressemblent.

Le Christ appelle. L’Église est cette portion d’humanité qui accepte de se laisser rassembler en répondant à cet appel.

Nous sommes chemin et non obstacle si nous savons répercuter cet appel largement autour de nous. Avec une préférence pour ceux que personne n’appelle, et qui restent là, Bartimée mendiant immobile aux marges de la société…

Appeler sans se décourager… Souvenons-nous que dans l’Évangile de Marc, la dernière parole de Jésus en croix est pour appeler son Père : « Et à la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : ‘Éloï, Éloï, lama sabbactani ?’, ce qui se traduit : ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’ L’ayant entendu, quelques-uns de ceux qui étaient là disaient : ‘Voilà qu’il appelle le prophète Élie !’ » (Mc 15, 34 35).

Appelés par Dieu, nous l’appelons en retour, dans la joie comme dans la détresse. Crier vers Dieu sans se lasser avec Job et Bartimée, lui murmurer notre soif de son amour avec les psaumes, lui demander son Esprit de sagesse avec Salomon, l’appeler au secours avec le crucifié : notre vocation est également d’appeler Dieu avec Bartimée qui crie « fils de David, aie pitié de moi » de plus belle à chaque fois qu’on veut le faire taire.

Nous encourager mutuellement, faire circuler entre nous l’appel à se lever pour vivre : l’Église sera un peu mieux l’Église du Christ si nous apprenons à pratiquer ce coaching spirituel où la bienveillance l’emporte sur le jugement, le courage sur la résignation, l’ouverture sur le repli…

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir » (Jr 31, 7-9)

Lecture du livre du prophète Jérémie

Ainsi parle le Seigneur : Poussez des cris de joie pour Jacob, acclamez la première des nations ! Faites résonner vos louanges et criez tous : « Seigneur, sauve ton peuple, le reste d’Israël ! » Voici que je les fais revenir du pays du nord, que je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux, tous ensemble, l’aveugle et le boiteux, la femme enceinte et la jeune accouchée : c’est une grande assemblée qui revient. Ils avancent dans les pleurs et les supplications, je les mène, je les conduis vers les cours d’eau par un droit chemin où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël, Éphraïm est mon fils aîné.

Psaume
(Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6)
R/ Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous : nous étions en grande fête !
(Ps 125, 3)

Quand le Seigneur ramena les captifs à Sion,
nous étions comme en rêve !
Alors notre bouche était pleine de rires,
nous poussions des cris de joie.

Alors on disait parmi les nations :
« Quelles merveilles fait pour eux le Seigneur ! »
Quelles merveilles le Seigneur fit pour nous :
nous étions en grande fête !

Ramène, Seigneur, nos captifs,
comme les torrents au désert.
Qui sème dans les larmes
moissonne dans la joie.

Il s’en va, il s’en va en pleurant,
il jette la semence ;
il s’en vient, il s’en vient dans la joie,
il rapporte les gerbes.

Deuxième lecture
« Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité » (He 5, 1-6)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Tout grand prêtre est pris parmi les hommes ; il est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est capable de compréhension envers ceux qui commettent des fautes par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s’attribue pas cet honneur à soi-même, on est appelé par Dieu, comme Aaron.
Il en est bien ainsi pour le Christ : il ne s’est pas donné à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l’a reçue de Dieu, qui lui a dit : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré, car il lui dit aussi dans un autre psaume : Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité.

Évangile
« Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10, 46b-52) Alléluia. Alléluia.

Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort, il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, le fils de Timée, Bartimée, un aveugle qui mendiait, était assis au bord du chemin. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, mais il criait de plus belle : « Fils de David, prends pitié de moi ! » Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le. » On appelle donc l’aveugle, et on lui dit : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle. » L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Prenant la parole, Jésus lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » L’aveugle lui dit : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! » Et Jésus lui dit : « Va, ta foi t’a sauvé. » Aussitôt l’homme retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin.
Patrick BRAUD

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5 septembre 2021

Étanche à l’insulte

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Étanche à l’insulte

24° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
12/09/2021

Cf. également :

Le vertige identitaire
Yardén : le descendeur
Prendre sa croix
Croire ou agir ? La foi ou les œuvres ?
Faire ou croire ?
Jésus évalué à 360°
De l’art du renoncement
C’est l’outrage et non pas la douleur
Prendre sa croix chaque jour
Talion or not talion ?
Jésus face à la violence mimétique
Exigeante et efficace : la non-violence
Non-violence : la voie royale

Un film très original a récemment été diffusé sur Arte. Il s’intitule : L’insulte (de Ziad Doueiri, 2017). Un chrétien libanais arrose par mégarde la tête d’un Palestinien du haut de son balcon. Une dispute éclate et une insulte est proférée. Les deux hommes finissent au tribunal. Peu importe qui a tort ou qui a raison. Ce film de prétoire démontre que la haine engendre la haine, jusqu’à ici atteindre l’absurde, il milite fiévreusement pour la réconciliation, entre les deux antagonistes, et de manière plus générale entre les peuples. Brillant, bouleversant.

Chacun de nous pourrait raconter comment l’insulte envenime des relations normalement paisibles, que ce soit au volant, en famille, entre collègues ou amis… L’étymologie du mot indique qu’il s’agit bien d’une violence délibérée, destinée à faire mal : in sultum = assaut contre quelqu’un. L’insulte a quelque chose d’un acte de guerre, d’un commando verbal, d’une expédition punitive violente. À tel point qu’elle est facilement qualifiée de délit si elle porte atteinte à l’intégrité voire à la dignité d’autrui. Les insultes racistes, homophobes, sexistes etc. sont désormais sévèrement punies par la loi française. Jésus avait lui-même durci la législation juive sur le sujet – si l’on peut dire – en assimilant l’insulte à un crime verbal passible du tribunal : « Si quelqu’un insulte son frère, il devra passer devant le tribunal. Si quelqu’un le traite de fou, il sera passible de la géhenne de feu » (Mt 5, 22).

Le pape François commentait en privé (14/06/2018) :

Étanche à l’insulte dans Communauté spirituelle la-capitaine-haddock-est-celebre-pour-ses-jurons-tres-sophistiques-1475149553« En substance, le Seigneur dit : l’insulte ne finit pas en elle-même ; l’insulte est une porte qui s’ouvre, c’est commencer une route qui finira en tuant, parce qu’insulter c’est commencer à tuer, c’est disqualifier l’autre, lui ôter le droit d’être respectable, c’est le rejeter, c’est le tuer dans la société. Nous sommes habitués à respirer l’air des insultes. Du reste, il suffit de conduire sa voiture aux heures de pointe (à Rome tout particulièrement ! NDLR). Mais l’insulte détache, brise la communauté et tue l’autre, elle commence par ternir la bonne réputation, puis elle va au-delà, au-delà, au-delà. Même les petites insultes que l’on prononce par hasard aux heures de pointe quand nous conduisons la voiture, deviennent, ensuite, de grosses insultes. Et ce ne sont pas que des insultes avec la bouche: mais avec le cœur. Précisément c’est ce qui tue : l’insulte. Et l’insulte efface le droit d’une autre personne. »

Dans la première lecture de ce dimanche (Is 50, 5-9a), affronter l’insulte est au cœur de la fidélité du Serviteur souffrant d’Isaïe à sa mission :

« J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. »

Isaïe emploie une expression un peu curieuse en français mais habituelle en hébreu : « J’ai rendu mon visage dur comme pierre » : elle exprime la résolution et le courage. En français, on dit quelquefois « avoir le visage défait »; eh bien ici le Serviteur affirme : « vous ne me verrez pas le visage défait, rien ne m’écrasera, je tiendrai bon quoi qu’il arrive » ; ce n’est pas de l’orgueil ou de la prétention, c’est la confiance pure, parce qu’il sait bien d’où lui vient sa force : « Le Seigneur Dieu vient à mon secours : c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages ».

Qui est ce mystérieux serviteur ? Pourquoi réagit-il ainsi à l’outrage et aux crachats ?

L’identité de ce serviteur a fait l’objet d’innombrables commentaires. On peut les synthétiser en avançant que le portrait de ce personnage superpose au moins 4 figures historiques selon les chrétiens : Israël, le prophète Isaïe, Jésus, l’Église.

illustrations_1156_photo_2-1-300x225 insulte dans Communauté spirituelleL’interprétation la plus courante voit dans ce Serviteur souffrant des chapitres d’Isaïe (42, 1-9, 49, 1-7, 50, 4-11 et 52,13-53,12) l’incarnation du peuple d’Israël en exil à Babylone (entre -587 et -537). Loin de ceux qui sont restés à Jérusalem, les déportés juifs (déjà !) subissent mépris et vexations. Ils sont employés comme esclaves aux chantiers de Nabuchodonosor à Babylone, dont la célèbre ziggourat a inspiré le récit de la tour de Babel (Gn 11, 1-9). Ils sont moqués pour leur foi en un soi-disant Dieu unique tout-puissant et universel, qui pourtant ne les a pas protégés de la débâcle, et paraît insignifiant à côté de Mardouk et autres divinités babyloniennes au sommet de leur gloire. Pourtant, malgré l’opposition, la déchéance, la dérision qui l’entoure, ce petit reste d’Israël continue à y croire. Impuissant à se révolter militairement, il fait le dos rond, attendant avec patience et espérance que YHWH se manifeste à nouveau. Il l’a bien fait en Égypte autrefois, alors pourquoi pas à Babylone maintenant ?

Nul doute que cette identification du Serviteur souffrant au peuple d’Israël a nourri la prière, l’espoir et la supplication des millions de juifs déportés dans les camps nazis au XX° siècle. Et le souhait de chaque fête de Pâques : « l’an prochain à Jérusalem ! » a fini par se réaliser quelques années après la fin du cauchemar nazi. Cela avait commencé par les insultes d’Hitler contre l’identité juive dans une brasserie munichoise, puis dans Mein Kampf. Et puis l’insulte a pris corps, le mépris s’est incarné, les crachats sont devenus physiques, les outrages abominables. Revenu sur la terre de Canaan, Israël doit à nouveau assumer sa vocation prophétique face aux nations. Cette fois-ci, avec son armée high-tech, il est farouchement déterminé à rendre coup pour coup, pour que la débâcle ne se reproduise jamais. Pas sûr que cet engrenage de l’insulte répondant à l’insulte, de la violence répliquant à l’agression, des missiles en représailles des mortiers soient très biblique ni très efficace. Seule la non-violence prônée par Isaïe pourra désamorcer le cycle infernal des assauts/vengeances endeuillant juifs et palestiniens sans fin.

Une 2e interprétation voit Isaïe lui-même dépeint sous les traits du Serviteur souffrant. En butte à l’hostilité que suscite la Parole qu’il répand – Parole de conversion et de réforme radicale – Isaïe ne se décourage pas, et compte sur son Dieu pour le défendre et laver son honneur. Tout baptisé, de par sa vocation prophétique, peut se reconnaître en Isaïe outragé, méprisé, lorsqu’il proclame une Parole tranchante contredisant l’opinion ou les mœurs majoritaires.

mockingofchrist1700 IsaïeCe qui prépare la voie à la 3e interprétation, où les chrétiens reconnaissent en Jésus tout ce qu’Isaïe décrivait des serviteurs de YHWH. « Insulté, il ne rendait pas l’insulte, dans la souffrance, il ne menaçait pas, mais il s’abandonnait à Celui qui juge avec justice » (1P 2,23). Porteur d’une parole radicalement exigeante, Jésus sera non-violent jusqu’au bout. Fra Angelico a immortalisé les injures, la dérision, les soufflets, les crachats qui ont accompagnés la descente aux enfers de Jésus dans sa Passion. En aimant ses ennemis, en pardonnant à ses bourreaux, en se confiant à son Père jusqu’à l’ultime, Jésus incarne au plus haut point ce serviteur centré sur sa mission, jusqu’à se rendre étanche à l’insulte pour ne pas en dévier. « Il durcit son visage comme pierre » (Chouraqui traduit : « j’ai mis mes faces comme un silex ») pour montrer sa détermination à ne pas se laisser détourner de sa mission par l’hostilité ambiante. Luc reprendra ces termes pour montrer Jésus monter à Jérusalem avec courage, alors qu’il sait fort bien que cela va très mal se terminer : « Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus durcit sa face et prit la route de Jérusalem » (Lc 9, 51)

Lisant le Serviteur souffrant en filigrane au travers du Christ, les chrétiens n’avaient aucune peine à exulter de joie avec Isaïe dans son chant final dans lequel il voit l’annonce de la résurrection : « Mon serviteur réussira, dit le Seigneur ; il montera, il s’élèvera, il sera exalté ! La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme ; il n’avait plus l’apparence d’un fils d’homme. Il étonnera de même une multitude de nations ; devant lui les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler » (Is 52, 13-15).

800px-Jesus_graffito PassionLa 4e interprétation découle de la première : l’Église, « véritable Israël de Dieu », est elle aussi soumise à l’opprobre, à l’insulte, à la persécution depuis son origine. Se propageant grâce au sang des martyrs, caricaturée très tôt sous les traits d’un crucifié à tête d’âne gravé dans la pierre (Charlie Hebdo n’a rien inventé !), insultée à cause de sa foi ou de ses (réelles) fautes nombreuses et lourdes dans l’histoire, l’Église baisse la tête mais pas le pavillon de l’espérance. Si elle sait traverser sans violence le flot des insultes charriées contre elle, elle pourra avec le Christ découvrir la fidélité de Dieu à son désir de salut universel. Paul écrivait : « On nous insulte, nous bénissons. On nous persécute, nous le supportons » (1 Co 4, 12).

Ce parcours des interprétations du Serviteur souffrant d’Isaïe ne serait pas complet si on n’y ajoutait pas la 5e interprétation : le Serviteur souffrant, c’est moi, c’est vous. Sans prétention aucune, sans orgueil ni démesure. Chacun de nous a rencontré ou rencontrera dans sa vie l’insulte, l’outrage, les crachats. Pire, chacun en sera l’auteur. Relire Isaïe peut alors nous aider à durcir notre visage comme la pierre pour affronter l’adversité le cœur en paix. L’Esprit du Christ saura nous rendre étanche à l’insulte, c’est-à-dire garder fermement la main sur la barre du gouvernail pour maintenir le cap malgré les déferlantes et les vents contraires. Il ne s’agit pas de devenir insensible de cœur, ni étranger au drame qui se joue. Il s’agit de ne pas laisser l’opprobre pénétrer en nous et fissurer le roc de notre confiance en Dieu. Être étanche à l’insulte, c’est ne pas prendre pour soi la colère de notre interlocuteur, ne pas lui répondre sur le même ton ni le même plan, bref « tendre l’autre joue », c’est-à-dire montrer à l’agresseur un autre visage que celui d’une victime ou d’un bourreau en retour : « Si j’ai mal parlé, montre ce que j’ai dit de mal. Mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18, 23) Voilà pourquoi ne pas renchérir à l’insulte est plus efficace que de lever le poing : tourner la clé de contact avant que le moteur ne s’emballe évitera les surchauffes dangereuses.

effet-hydrophobe serviteurÊtre imperméable à l’insulte demande parfois de savoir mettre de la distance entre soi et l’agresseur, jusqu’à fuir s’il le faut plutôt que d’engager un cycle de violence inarrêtable. Cela demande aussi de garder les yeux fixés sur le cap à suivre, s’il est juste. Ainsi un syndicaliste annonçant une grève à son patron, ou à l’inverse un DRH annonçant des licenciements inéluctables et nécessaires. Ou bien une femme insultée et harcelée dans la rue pour sa tenue vestimentaire. Cet endurcissement du visage ne signifie pas renoncer à ses droits, ni à sa dignité. Jésus demande calmement à ses insulteurs d’en rendre compte ; il demande de recourir au tribunal pour juger de la gravité d’une insulte. Et Isaïe n’a pas peur de comparaître devant des juges pour faire valoir son bon droit face à ses insulteurs : « Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ? » On croirait déjà entendre Paul crier sa confiance face à ses juges : « Qui accusera ceux que Dieu a choisis ? Dieu est celui qui rend juste : alors, qui pourra condamner ? » (Rm 8, 33 34)

A côté des réponses bibliques à l’insulte, les causes de l’insulte méritent également d’être analysées : pourquoi insulte-t-on ?
Une première cause évidente : la haine, la violence de celui qui insulte.
Une deuxième cause moins visible : l’absence ou la faiblesse d’argumentations remplacées par des injures, des amalgames ou des invectives de mépris. La violence verbale remplace le raisonnement.
Une troisième cause plus subtile est l’exploitation de l’émotivité pour faire exploser l’interlocuteur qui répond par des insultes tandis que l’agresseur réel reste calme (technique rhétorique).
Enfin une dernière cause de l’insulte est le cynisme de celui qui promet et ne tient pas et se fait traiter de menteur. Mais à ce niveau-là est- ce encore une insulte ?
Attirer volontairement les insultes peut être aussi une façon de se « blanchir » ou d’apparaître comme une victime pour se dédouaner d’une conduite indigne.

Notre propre responsabilité dans l’insulte subie est donc à examiner avec honnêteté.
Ne pas répondre à l’insulte par l’insulte demande de comprendre pourquoi l’autre réagit ainsi, afin d’y ajuster notre attitude.

Reste que pour Isaïe comme pour Jésus, rendre coup pour coup n’arrange rien.
Rendre coup pour coup n’arrange rien.
Mais la non-violence n’abolit pas le droit ni la justice, au contraire.
L’étanchéité à l’insulte rend intraitable sur le respect dû à chacun.
Répondre à l’insulte n’est pas insulter en retour, mais faire condamner cet acte dégradant pour celui qui prononce l’insulte plus encore que pour sa victime, si elle sait se protéger.

Entraînons-nous à pratiquer cette forme de courage.
Durcissons notre visage comme pierre lorsqu’il nous faut aller au bout de nos Passions…

 

 

 

Lectures de la messe

Première lecture
« J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient » (Is 50, 5-9a)

Lecture du livre du prophète Isaïe

Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas caché ma face devant les outrages et les crachats. Le Seigneur mon Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu ma face dure comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, Celui qui me justifie. Quelqu’un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble ! Quelqu’un veut-il m’attaquer en justice ? Qu’il s’avance vers moi ! Voilà le Seigneur mon Dieu, il prend ma défense ; qui donc me condamnera ?

Psaume
(Ps 114 (116 A), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9)
R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants. ou : Alléluia ! (Ps 114, 9)

J’aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l’invoquerai.

J’étais pris dans les filets de la mort,
retenu dans les liens de l’abîme,
j’éprouvais la tristesse et l’angoisse ;
j’ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t’en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j’étais faible, il m’a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes yeux des larmes
et mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.

Deuxième lecture
« La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte » (Jc 2, 14-18)

Lecture de la lettre de saint Jacques

Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l’un de vous leur dit : « Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. En revanche, on va dire : « Toi, tu as la foi ; moi, j’ai les œuvres. Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi. »

Évangile
« Tu es le Christ… Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup » (Mc 8, 27-35) Alléluia. Alléluia.
Que la croix du Seigneur soit ma seule fierté ! Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Alléluia. (Ga 6,14)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne. Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile la sauvera. »
Patrick BRAUD

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20 juin 2021

Toucher les tsitsits de Jésus

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Toucher les tsitsits de Jésus

Homélie pour le 13° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
27/06/2021

Cf. également :
La générosité de Dieu est la nôtre
Les matriochkas du 12

Patience ! N’allez pas vous imaginer n’importe quoi sur un tel titre ! L’explication en vient bientôt…

Concentrons-nous d’abord sur la femme de l’Évangile de ce dimanche (Mc 5, 21-43). On a déjà étudié ailleurs son lien avec la fillette de 12 ans dans ce récit bâti en poupées russes (cf. Les matriochkas du 12). Regardons-la maintenant pour elle-même. On la dit hémorroïsse. Vous devinez que ce n’est pas d’un simple saignement de nez dont il s’agit ! Non : cette femme est atteinte de ce qu’on appelle aujourd’hui une ménorragie chronique, perte de sang due à des règles anormalement longues et abondantes. Et cette maladie a des conséquences multiples sur sa vie, dans lesquelles nous pouvons peut-être nous reconnaître, au moins partiellement.

 

- Elle souffre beaucoup, continûment
Catacombes de RomeCe saignement anormal et constant provoque gènes et douleurs incessantes. Si vous avez déjà connu de telles périodes, vous savez ce qu’elle éprouve. Une arthrose chronique, une déformation qui s’installe, un cancer qui se généralise… et la douleur devient une présence lancinante, épuisante, physiquement et moralement.

Cette femme est anonyme, et au fond elle peut prendre le nom de chacun d’entre nous lorsque nous souffrons trop, trop souvent, trop longtemps, sans trêve. L’Évangile précise que cela fait 12 ans qu’elle se traîne ainsi, douloureuse, de médecins en charlatans, de gourous en guérisseurs. Et là encore nous nous reconnaissons : épuisé par la persistance du mal, nous devenons prêt à tout pour obtenir le moindre répit. Les plus rationnels courent de spécialistes en chirurgiens, plus pointus les uns que les autres. La majorité essaye tous les remèdes que le bouche-à-oreille leur suggère, et finissent souvent dans les griffes de soi-disant thérapeutes aggravant leur état, comme l’indique malicieusement notre récit. C’est bien ce qui nous arrive : sur le plan de notre santé, lorsque nous avalons tous les remèdes et théories censées nous guérir ; sur le plan spirituel, lorsque la douleur de vivre nous fait essayer les communautés religieuses les plus sectaires ou délirantes ; sur le plan professionnel, lorsque la souffrance au travail devient telle qu’on envisage le pire etc.

- Elle souffre depuis longtemps
Le texte précise : 12 ans qu’elle court de médecin en médecin ! Évidemment, 12 est symbolique d’Israël (les 12 tribus) capable de se remettre entre les mains des dieux étrangers pour obtenir davantage. Mais c’est également une durée si longue qu’on ne voit plus le bout du tunnel, que l’espoir d’aller mieux s’est amenuisé au point de disparaître. Lorsque nous souffrons, le temps nous use aussi sûrement que les cailloux brassés par le flot dans une marmite de géant.
Peut-être y a-t-il là un avertissement : n’attendez pas 12 ans avant de réagir ! Ne vous habituez pas à souffrir. Ne vous résignez pas devant ce qu’on présente comme inéluctable, inguérissable.

- Elle perd beaucoup d’argent pour se soigner
Eh oui : pas de Sécurité Sociale à l’époque de Jésus ! Se soigner est toujours onéreux, aujourd’hui encore. Bien des soins, accessoires, interventions chirurgicales, matériels médicaux etc. ne sont pas remboursés à 100 %. Faites le calcul : en 12 ans de rendez-vous et actes médicaux en tous genres avec des spécialistes, la facture s’alourdit très vite. À tel point que bon nombre de SDF par exemple renoncent à se soigner. Ils ont mal aux dents - encore une douleur lancinante –, ils ont des problèmes de marche, d’audition, de vue, mais ne peuvent pas en pratique accéder aux soins nécessaires. Il faut les minibus ambulants d’associations de médecins bénévoles pour aller dans les quartiers apporter gratuitement un peu de soulagement aux populations trop désargentées ou trop décalées culturellement pour entamer un parcours de soins.

Il y a peut-être une allusion dans le texte au parallélisme entre le sang et l’argent, qui en hébreu sont désignés par le même mot : damim. La femme perd son sang et son argent en même temps : les deux flux, les deux appauvrissements semblent se nourrir l’un de l’autre. Dès que nous dépensons de manière trop importante, il y a là un flux sortant aussi grave qu’une hémorragie interne. Cela devrait nous alerter, servir de symptôme pour diagnostiquer une pathologie spirituelle grave avant qu’elle ne dégénère. Faites donc attention aux grosses dépenses récurrentes de votre budget ! Elles en disent beaucoup sur vous… Ainsi l’addiction au pari sportif pendant l’Euro 2020 a été mise en lumière par les médias,  montrant des milliers de gens dépensant leur argent sur des pronostics de matchs.

- Elle est blessée dans sa féminité
Son cycle menstruel n’existe plus, ou plutôt est permanent. Comment espérer avoir des relations sexuelles normales avec un tel flux de sang permanent ? Comment espérer avoir une vie sentimentale même ? Comment espérer avoir un enfant lorsque l’infertilité devient permanente ? La gêne des règles devient quotidienne, insupportable. Et sa féminité en est défigurée. L’identité féminine/masculine peut ainsi être aussi perturbée à tel point que le sujet ne sait plus comment s’en sortir.

- Elle se vide de son sang
Littéralement. Physiquement. Et cela nous fait penser à toutes les façons que nous avons de nous vider de notre sang. Spirituellement : le doute se fiche en nous, nourrit des questions sans réponse, et détruit peu à peu notre confiance en Dieu. Moralement : un peuple se vide de son sang lorsqu’il admet l’inadmissible, s’habitue au déni, laisse partir ses valeurs à vau-l’eau, élimine les plus petits sans état d’âme…
Se vider de son sang, c’est encore l’exténuation progressive de notre joie de vivre, dévorée par un souci continuel, une angoisse perpétuelle etc.
De quel sang est-ce que je me vide en ce moment ?

- Impure, elle est mise à l’écart
La Torah est très claire sur ce point (heureusement que les chrétiens n’obéissent plus à ces commandements d’un autre âge !) :

« Lorsqu’une femme a un écoulement, que du sang s’écoule de son corps, elle restera pendant sept jours dans sa souillure. Quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. Toute couche sur laquelle elle s’étendra durant ses règles sera impure ; tout ce sur quoi elle s’assiéra sera impur. Quiconque touchera son lit devra laver ses vêtements, se baigner dans l’eau, et restera impur jusqu’au soir. Quiconque touchera quelque objet sur lequel elle se sera assise, devra laver ses vêtements, se baigner dans l’eau, et restera impur jusqu’au soir. Si quelqu’un touche ce qui se trouve sur le lit ou ce sur quoi elle s’est assise, il sera impur jusqu’au soir. Si un homme couche avec elle, la souillure de ses règles l’atteindra. Il sera impur pendant sept jours, et tout lit sur lequel il se couchera sera impur. Lorsqu’une femme aura un écoulement de sang pendant plusieurs jours, hors de la période de ses règles, ou si elle a un écoulement qui se prolonge au-delà de la période de ses règles, elle sera impure tant que durera cet écoulement, de la même manière que pendant ses règles. Tant que durera cet écoulement, tout lit sur lequel elle se couchera sera impur comme il en est pour son lit pendant ses règles, et tout ce sur quoi elle s’assiéra sera impur comme pendant ses règles. Quiconque les touchera sera impur, il devra laver ses vêtements et se baigner dans l’eau ; il restera impur jusqu’au soir. Lorsque la femme sera délivrée de son écoulement, elle comptera sept jours : alors elle sera pure. Le huitième jour, elle prendra deux tourterelles ou deux jeunes pigeons qu’elle apportera au prêtre, à l’entrée de la tente de la Rencontre. De l’un des oiseaux le prêtre fera un sacrifice pour la faute, et de l’autre un holocauste. Le prêtre accomplira ainsi sur elle le rite d’expiation, devant le Seigneur, pour l’écoulement qui la rendait impure. [ch.18] Tu ne t’approcheras pas d’une femme dans la souillure de ses règles pour découvrir sa nudité. [ch.20] Quand un homme couche avec une femme pendant ses règles et découvre sa nudité, il met à nu la source du sang, et la femme dévoile cette source : tous deux seront retranchés du milieu de leur peuple. » (Lv 15, 19 30 ; 18, 19 ; 20, 18)

Ces textes ont donné lieu à un ensemble de lois religieuses juives appelées taharat hamishpa’ha, c’est-à-dire des lois de pureté familiale. Le principe en est que la femme mariée est considérée comme rituellement (indépendamment de la morale) impure pendant la période de ses règles et cela implique une séparation physique temporaire du couple. La visée positive de ces commandements écartant les femmes de la vie sociale, religieuse, conjugale pendant leurs règles est connue : attention religieuse portée au corps féminin, développement d’une relation affective détachée de la sexualité entre les conjoints, renouvellement du désir chez les époux, ‘retrouvailles’ sexuelles du couple rendues plus intenses par la séparation.
Dans les mentalités anciennes, l’expulsion des traces de l’œuf non fécondé était signe d’échec et de mort : la fécondation n’a pas eu lieu ou elle n’a pas réussi, la vie n’a pas pu s’accrocher au ventre de la femme qui en expulse les restes, inutiles. Le bain rituel (mikvé) de la femme après ces règles vient alors la restaurer dans sa féminité pour la préparer au cycle suivant. Rien d’hygiénique ni de sanitaire dans cette ablution du mikvé : c’est le bain lavant la blessure symbolique, marquant rituellement le renouveau du corps prêt à donner la vie.

Avec son flux de sang continuel, la femme de l’Évangile était impure, tout le temps. Donc mise à l’écart. Donc condamnée à ne pas avoir de vie sentimentale ou sexuelle. Donc méprisée car ne pouvant devenir mère. Encore une fois, la rencontre de Jésus va vaincre cette impureté rituelle désignée par la Loi juive. Mais les chrétiens feront bien mieux : à la manière du Christ, ils aboliront cette distinction entre le pur et l’impur qui gangrène encore le statut des femmes dans le judaïsme, dans l’islam et dans bien d’autres religions. En christianisme, est impur ce qui sort du cœur de l’homme, pas ce qui sort de son corps : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur » (Mt 15, 11). Révolution subvertissant le pur et l’impur, toujours actuelle !

 

Toucher les franges du vêtement de Jésus
Toucher les tsitsits de Jésus dans Communauté spirituelle femme%2Baux%2Bpertes%2Bde%2Bsang-855Voilà donc quelle est la femme oppressée par la foule sur le chemin de Jésus : en souffrance depuis longtemps, appauvrie, se vidant de son sang, déclarée impure et mise à l’écart. C’est elle qui a l’idée de toucher Jésus ou au moins son vêtement. Elle est prête à tout tenter pour aller mieux : qu’a-t-elle à perdre à essayer ce prophète itinérant ? Jésus – lui - ne la voit pas, entouré par la foule. Mais il sent une force qui sort de lui, ‘à l’insu de son plein gré’ pourrait-on dire avec humour. Au flux de sang qui sort du corps de la femme répond le flux de force qui sort du corps de Jésus… et, telle une marée qui s’inverse, le deuxième flot l’emporte sur le premier, le faisant refluer jusqu’à l’obliger à reprendre son rythme normal.

Comment s’opère cette guérison ? Par le contact du corps de Jésus ? Non. Bien des auteurs chrétiens ont glosé sur le contact avec le corps du Christ pour évoquer la puissance de guérison qui lui est liée. Contact avec son corps ecclésial (entrée dans l’Église par le baptême), contact avec son corps eucharistique (par la communion, la bénédiction du Saint-Sacrement)… Mais notre texte ne dit pas cela. Il précise bien que la femme touche seulement la frange du vêtementde Jésus. La frange. Jésus, comme tout juif pratiquant, porte sans aucun doute sur lui un talit court (qatan), sorte de tunique en forme de poncho rectangulaire, ou bien un châle de prière sur sa tête. Ce vêtement obligatoire (talit) doit comporter 4 franges très spéciales aux 4 coins de sa toile : les tsitsits. Ces commandements vestimentaires sont toujours respectés par les juifs portant un talit  court dans leur pantalon, avec les 4 franges (tsitsits) qui en dépassent aux 4 coins, ou sur leur tête à la synagogue (ou au Mur occidental du Temple de Jérusalem actuellement) comme un châle de prière.

La Torah explique le sens de ces obligations vestimentaires :

« Le Seigneur parla à Moïse. Il dit : Parle aux fils d’Israël. Tu leur diras qu’ils se fassent une frange aux pans de leurs vêtements, et ceci d’âge en âge, et qu’ils placent sur la frange du pan de leur vêtement un cordon de pourpre violette. Vous aurez donc une frange ; chaque fois que vous la regarderez, vous vous rappellerez tous les commandements du Seigneur et vous les mettrez en pratique ; vous ne vous laisserez pas entraîner, comme les explorateurs, par vos cœurs et vos yeux qui vous mèneraient à l’infidélité » (Nb 15, 37 39).
« Tu mettras des franges aux quatre côtés du vêtement dont tu te couvriras. » (Dt 22, 12)

La femme touche donc les franges (tsitsits) du châle (talit) de Jésus, et c’est ce contact qui la guérit Or que représente ces franges symboliquement ? L’amour de la Loi.

Selon la Kabbale, les cinq nœuds du tsitsit correspondent aux cinq premiers mots du Shema Israël, qui dans la religion juive est la « confession de foi » essentielle. La femme exprime sa foi en s’accrochant eux tsitsits de Jésus.
Ces franges sont enroulées et nouées de manière à nous rappeler toutes les mitsvot (commandements). La valeur numérique des lettres hébraïques qui forment le mot tsitsit donne une somme de 600. Ajoutez-y les 8 fils et les 5 nœuds de chaque tsitsit, et le total est 613, ce qui est le nombre de commandements à respecter dans la Loi juive. Laisser pendre les tsitsits à la ceinture, de manière visible est ainsi un rappel tangible des mitsvot  qui renforcent notre capacité à contrôler les élans de notre cœur.

Cette femme que la Loi met à l’écart veut vénérer cette Loi et croire que, revêtue par Jésus, la Loi la transformera à son contact. Elle en qui la vie refuse de s’accrocher à chaque cycle, elle s’accroche aux 613 commandements pour qu’enfin la vie réussisse en elle. S’accrocher à la Loi est source de vie, selon le mot du rabbin Nahman de Bratslav (XVIII°-XIX°) : « celui qui se tourne (teshouva = conversion) vers Dieu mérite de s’accrocher à Lui, tout comme les tsitsits s’accrochent à un vêtement » (Likutey Moharan I, 8:9). Les autres nombres impliqués dans la confection des tsitsits sont abondamment commentés par la Kabbale et la mystique juive [1]

Normalement, les femmes sont dispensées de porter les tsitsits, justement à cause de leur rapport au temps différent de celui des hommes, que leurs règles expriment. L’hémorroïsse – « déréglée » – renoue par son geste de toucher les tsitsits de Jésus avec l’obligation de la Loi de se rappeler les commandements en toute circonstance.

Tsitsit commandement dans Communauté spirituelleToucher les tsitsits de Jésus, c’est pour cette femme accomplir la Loi et croire que la manière dont Jésus la porte, l’incarne, sera sa source de salut, de santé.

D’ailleurs, la surprise de Jésus devant la force qui est sortie de lui le conduit à faire ce constat étonnant : « ta foi t’a sauvée ». Il aurait pu dire : « reconnais en moi le Messie qui t’a sauvé ». Mais non ! C’est comme s’il disait : ‘ce n’est pas moi qui t’ai guéri, c’est toi qui as été l’auteure de ton salut (santé) en faisant confiance à la puissance de la Loi telle que je la porte et l’incarne. Je n’y suis pas pour grand-chose. Bravo : tu as su trouver en toi la source de ta guérison !’

« Ta foi t’a sauvée ». Jésus refera ce même constat 7 fois dans les Évangiles :
3 fois pour la femme hémorroïsse (Mt 9,22 ; Mc 5,34 ; Lc 8,48)
2 fois pour l’aveugle Bartimée (Mc 10, 52; Lc 18,42)
1 fois pour la femme de l’onction à Béthanie (Lc 7,50)
1 fois pour le seul lépreux reconnaissant parmi les dix guéris (Lc 17,19).
Ces gens ont été les auteurs de leur salut, par la puissance de leur foi en actes.

Par contre, de retour dans son pays natal de Nazareth, Jésus constatera, navré, que le manque de foi de ses compatriotes les empêche d’accéder aux miracles : « Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi » (Mc 6, 5 6).

Aujourd’hui encore, la foi sauve.
Dès lors que nous retrouvons la confiance en la puissance vitale qui est en nous.
Dès lors que nous exprimons notre adhésion au triple commandement de l’amour (aimer Dieu / soi-même / le prochain), auquel nous nous accrochons comme à des tsitsits chrétiens.
Dès lors que nous recevons du Christ la juste compréhension de l’Écriture pour notre situation personnelle, pour notre siècle.
Une telle foi–confiance fait des miracles et guérit l’inguérissable.

« Ta foi t’a sauvée ». Lorsque nous sommes cette femme exténuée de se vider de son sang, rappelons-nous son geste : toucher les tsitsits de Jésus, s’accrocher au triple commandement de l’amour, croire que sa Parole peut en nous beaucoup plus que ce que nous n’oserions imaginer.

 


[1].  « Quel que soit le niveau que nous atteignons, Dieu sera toujours infiniment plus saint et transcendant que ses créatures. Il est le Talit qui nous entoure. Mais, dans une autre perspective, quel que soit le niveau de bassesse dans lequel on peut tomber, Dieu ‘’descend‘’ vers nous. Dieu est, pour ainsi dire, ces Tsitsit que l’on saisit et embrasse avec tendresse.
Les 4 tsitsits contiennent 32 fils. En hébreu le chiffre 32 s’écrit au moyen de deux lettres : lamed (30) et beth (2). Ces deux lettres, formant le mot Lev ( » cœur « ), pour insister sur le fait que notre relation à D.ieu et aux hommes implique une attitude où le cœur a une place centrale.
Le double nœud que nous faisons aux franges représente notre union permanente avec D.ieu par un double pacte d’alliance. D.ieu ne nous abandonnera jamais, et nous non plus nous n’abandonnerons jamais D.ieu.
Les 7 « anneaux » dans la partie supérieure des 4 fils symbolisent les 7 jours de la semaine. Nous pensons à D.ieu tout au long des sept jours de la semaine.
Les « 8 anneaux » de la seconde partie des fils des tsitsits nous rappellent (en plus des ‘7  cieux ‘’ auxquels s’ajoute la terre) la Mitsvah de Mila, la circoncision, opérée le huitième jour.
Les 11 « anneaux » de la troisième partie symbolisent les 5 parties du Pentateuque et les 6 traités de la Michna, c’est- à dire la Tora Ecrite et la Tora Orale.
Les 13 « anneaux » de la quatrième partie symbolisent l’Unité de D.ieu, car le mot hébraïque E’hade (« un ») a la valeur numerique de 13. Treize est également une allusion aux 13  attributs de la miséricorde divine.
Les trois premières parties des tsitsit totalisent donc « 26″, qui est égal à la valeur numérique du Nom de D.ieu, et toutes les quatre parties forment un total de 39, égalant la valeur numérique de l’expression HaChem E’hade ( » D.ieu est Un « ). »
Cf. https://www.aish.fr/sp/ph/Le-talit-Des-fils-de-lumiere.html

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24)

Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.
Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

 

PSAUME
(29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (29, 2a)

Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,
tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

DEUXIÈME LECTURE
« Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres » (2Co 8, 7.9.13-15)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoupn’eut rien de trop,celui qui en avait ramassé peune manqua de rien.

 

ÉVANGILE
« Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)
Alléluia. Alléluia.Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré – … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.
.Patrick Braud

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9 mai 2021

Ascension : apprivoiser la disparition

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Ascension : apprivoiser la disparition

 Homélie pour la fête de l’Ascension / Année B
13/05/2021

Cf. également :

Ascension : les pleins pouvoirs
Désormais notre chair se trouve au ciel !
Jésus : l’homme qui monte
Ascension : « Quid hoc ad aeternitatem ? »
Ascension : la joyeuse absence
Ascension : l’ascenseur christique
Une Ascension un peu taquine : le temps de l’autonomie
Les vases communicants de l’Ascension

Dire adieu au temps de la Covid

Ascension : apprivoiser la disparition dans Communauté spirituelle 41-m-BqU93L._SX339_BO1,204,203,200_Sur les 100 000 morts qu’a provoqué la Covid jusqu’à maintenant en France, combien d’enterrements ont pu se dérouler ‘normalement’, en présence des proches et des amis ? Très peu… La plupart était limités à 30 personnes maximum, et même moins. Beaucoup n’ont pas pu voir le corps de leur défunt, ni l’accompagner en lui tenant la main en lit de réanimation. À tel point qu’il est question d’instituer une journée de commémoration des victimes de la Covid, pour rétablir un peu de leur dignité perdue dans ces disparitions sans au-revoir, sans corps visible, sans célébration ni cérémonie.

Lorsque quelqu’un de notre entourage disparaît, nous avons besoin de poser des gestes, de prononcer quelques paroles, d’utiliser quelques symboles (fleurs, musique, gestes, tombeau…) pour surmonter l’épreuve de l’absence.

La disparition soudaine de Jésus aux yeux des disciples a peut-être été un choc de cette nature : on le voyait – ressuscité - marcher, manger et parler avec nous, et puis plus rien. Il a brusquement cessé de se manifester. Il a disparu à leurs yeux. Cette disparition sans laisser de traces a duré symboliquement 10 jours, de l’Ascension à Pentecôte, car avec la venue de l’Esprit cette disparition revêtira une tout autre signification.

Chaque année, environ 60 000 personnes en France disparaissent sans laisser de traces. Impressionnant ! Le fichier des personnes recherchées (FPR) recensait en 2019 environ 580 000 personnes répondant à des situations très diverses : évadés, étrangers avec obligation de quitter le territoire, mais aussi mineurs en fugue ou encore personnes vulnérables introuvables etc. On en retrouve 55 000 par an (fugues, suicides, accidents) mais il reste cependant 5000 disparus par an, évanouis dans la nature. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute Xavier Dupont de Ligonnès, dont l’affaire défraie la chronique depuis 2011. Il est soupçonné d’avoir massacré sa famille à Nantes, puis de s’être évanoui dans la nature, dans une fuite savamment préparée et organisée. Dupont de Ligonnès est en quelque sorte l’anti-Ascension par excellence : vivant, il donne la mort et disparaît pour fuir la justice humaine. Tué, le Ressuscité donne la vie et disparaît pour accomplir la justice de Dieu. L’un  disparaît sans laisser de traces pour être oublié. L’autre disparaît physiquement pour rester présent autrement, à travers des traces que l’Esprit de Pentecôte nous fera déchiffrer.

Élevé au ciel, Jésus disparaît à leurs yeux, ce qui rendit paradoxalement les apôtres joyeux et remplis d’ardeur missionnaire. C’est donc que nous pouvons apprivoiser les disparitions qui sont les nôtres comme autant d’invitations à continuer joyeusement notre route. Il nous faut pour cela accepter de disparaître, et accepter les disparitions d’autrui.

 

Accepter de disparaître

Disparaitre absence dans Communauté spirituelleUn très bon ami, 65 ans : hospitalisation 15 jours, longue convalescence, grande faiblesse généralisée. Lui qui est maire de sa commune et même président de l’agglomération et conseiller régional, il a été obligé de suspendre tous ses mandats et responsabilités politiques depuis sa maladie. Expérience physique douloureuse, qui fait toucher de près les limites de son corps. Expérience humaine révélatrice, puisqu’on ne peut plus se définir par l’action lorsqu’on est faible au point de se traîner du lit au fauteuil et du fauteuil au lit. Expérience spirituelle également, car se cogner à notre finitude nous avertit qu’un jour le monde se passera de nous sans trop de difficultés… Prendre conscience soudainement que dans 10 ou 20 ans, l’univers continuera imperturbablement sans nous peut donner le vertige.

Un tel breakdown peut cependant être salutaire, comme le furent les longs mois de convalescence d’Ignace de Loyola pour le détourner des plaisirs mondains de la noblesse de son époque. Quelle illusion de croire que c’est l’action qui nous maintient en vie ! Quelle folie de croire qu’on peut laisser des traces de notre passage ! Quel aveuglement de faire comme si nous n’allions jamais disparaître, individuellement ou même collectivement !

Suivre Jésus dans son Ascension, n’est-ce pas commencer par accepter de disparaître un jour aux yeux de nos proches ? Loin de nous angoisser, cette perspective peut au contraire donner sens à ce que nous entreprenons, et surtout à la manière dont nous le faisons : sans nous attacher à nos œuvres, sans exiger des autres une immortalité qu’ils ne peuvent nous donner, en relativisant toutes les grandeurs humaines qui en réalité ne sont qu’éphémères. Accepter de disparaître, c’est s’attacher sans s’attacher, goûter sans posséder, préparer la relève, garder humblement à l’esprit que la mesure d’ici-bas n’a rien à voir avec celle d’après. Jésus, sachant qu’il ne serait pas toujours avec eux, a éduqué ses disciples à l’autonomie, et envoyé l’Esprit pour cela. Celui qui renâcle à disparaître s’arc-boute sur sa réputation, ses richesses, sa famille, son métier, jusqu’à épuisement, jusqu’à peser lourdement sur les autres…

Consentir avec le Christ à être soustrait au regard de ses proches, c’est être enlevé, être élevé, s’asseoir à la droite de Dieu…

 

Accepter la disparition d’autrui

800px-Remebrance_poppy_ww2_section_of_Aust_war_memorial AscensionLa mort de nos proches nous est bien souvent plus proche que notre propre mort !
À l’inverse du Moyen Âge où préparer sa mort était la grande affaire de la vie (« priez pour nous à l’heure de notre mort »), guérir de la mort d’autrui semble être la grande affaire de ce siècle. On pourrait penser que c’est de l’altruisme. Hélas c’est plutôt survivre à la mort de l’autre qui intéresse, et non que l’autre survive à sa propre mort ! Alors on déploie tout l’arsenal de l’accompagnement psychologique : faire son deuil, les étapes traversées pour cela, les groupes de paroles dédiés etc. Et l’on déploie l’arsenal des techniques de bien-être pour s’en sortir : relaxation, méditation, sophrologie, pratiques de développement personnel les plus exotiques etc. Tout cela n’empêche pas d’ailleurs la consommation d’anxiolytiques, de somnifères et d’antidépresseurs d’atteindre des sommets qui devraient nous inquiéter.

Or, accepter que l’autre disparaisse est grande sagesse, et grande paix.

En effet, si vraiment on l’aime, c’est son sort à lui qui importe avant tout. Si je suis croyant, j’espère avec le Christ de l’Ascension que celui que j’aimais est désormais enlevé au ciel, assis à la droite de Dieu : en quoi cela serait-il triste pour lui ? Comment ne pas m’en réjouir pour lui et avec lui, à l’image des apôtres tout joyeux de l’absence du Ressuscité ?

Et si je ne suis pas croyant, alors celui que j’ai aimé retourne au néant, et c’est bien ainsi, car le néant est justement ce qui supprime toute peine puisqu’il n’y a plus de sujet pour éprouver quoi que ce soit. Impossible d’être triste pour lui, car il n’existe plus. Je peux être triste pour moi-même, mais ce n’est que la trace (relativement égoïste) de l’intérêt que je trouvais à cette relation…

Lorsque la disparition est un à-Dieu, alors elle est fondamentalement pleine de promesses. Depuis l’Ascension, ceux qui nous sont enlevés, disparus à nos yeux, sont désormais assis à la droite de Dieu en Christ. Nous ne savons pas très bien ce que signifie cette image des psaumes, mais nous devinons qu’il est question d’une plénitude qui nous attend au-delà du terme de nos années sur terre.

 

Être présent autrement

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Le Christ de l’Ascension renvoie ses disciples en Galilée et leur demande d’attendre la venue de l’Esprit. L’absence réelle de Jésus en personne ouvre alors sur une autre présence :

– présence sacramentelle : le sacrement de l’autel uni au sacrement du frère nous rendent présent le Christ. À travers l’eucharistie et la diaconie, la rencontre du Ressuscité se fait, autrement, réellement.

– présence par la Parole : la table de la Parole est indissociable de celle de l’eucharistie, et c’est le Christ en personne qui parle quand on lit les Écritures, quand on les médite, les commente, les actualise, les met en pratique.

– présence par la vie spirituelle : l’Esprit de Pentecôte nous est donné pour habiter en Christ, et lui en nous. Cet Esprit ouvre notre intelligence à sa Parole, ouvre notre corps à la réception des sacrements, ouvre notre cœur à l’amour du Christ en l’autre et de l’autre en Christ.

Disparaître le jour de l’Ascension est pour le Christ une autre manière de se rendre présent. Envisager notre mort, ou celle de nos proches, comme une Ascension peut changer bien des choses dans nos choix et nos engagements dès maintenant…

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva » (Ac 1, 1-11)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel, après avoir, par l’Esprit Saint, donné ses instructions aux Apôtres qu’il avait choisis. C’est à eux qu’il s’est présenté vivant après sa Passion ; il leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est apparu et leur a parlé du royaume de Dieu.
Au cours d’un repas qu’il prenait avec eux, il leur donna l’ordre de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre que s’accomplisse la promesse du Père. Il déclara : « Cette promesse, vous l’avez entendue de ma bouche : alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours. » Ainsi réunis, les Apôtres l’interrogeaient : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » Jésus leur répondit : « Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. Mais vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »
Après ces paroles, tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »

 

PSAUME
(46 (47), 2-3, 6-7,8-9)
R/ Dieu s’élève parmi les ovations, le Seigneur, aux éclats du cor. ou : Alléluia ! (46, 6)

Tous les peuples, battez des mains,
acclamez Dieu par vos cris de joie !
Car le Seigneur est le Très-Haut, le redoutable,
le grand roi sur toute la terre.

Dieu s’élève parmi les ovations,
le Seigneur, aux éclats du cor.
Sonnez pour notre Dieu, sonnez,
sonnez pour notre roi, sonnez !

Car Dieu est le roi de la terre,
que vos musiques l’annoncent !
Il règne, Dieu, sur les païens,
Dieu est assis sur son trône sacré.

 

DEUXIÈME LECTURE
« Parvenir à la stature du Christ dans sa plénitude » (Ep 4, 1-13)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens

Frères, moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous exhorte donc à vous conduire d’une manière digne de votre vocation : ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il y a un seul Corps et un seul Esprit. Il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, au-dessus de tous, par tous, et en tous. À chacun d’entre nous, la grâce a été donnée selon la mesure du don fait par le Christ. C’est pourquoi l’Écriture dit : Il est monté sur la hauteur, il a capturé des captifs,il a fait des dons aux hommes. Que veut dire : Il est monté ? – Cela veut dire qu’il était d’abord descendu dans les régions inférieures de la terre. Et celui qui était descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux pour remplir l’univers. Et les dons qu’il a faits, ce sont les Apôtres, et aussi les prophètes, les évangélisateurs, les pasteurs et ceux qui enseignent. De cette manière, les fidèles sont organisés pour que les tâches du ministère soient accomplies et que se construise le corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et la pleine connaissance du Fils de Dieu, à l’état de l’Homme parfait, à la stature du Christ dans sa plénitude.

 

ÉVANGILE
« Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu » (Mc 16, 15-20)
Alléluia. Alléluia.Allez ! De toutes les nations faites des disciples, dit le Seigneur. Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Alléluia. (Mt 28, 19a.20b)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus ressuscité se manifesta aux onze Apôtres et leur dit : « Allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui refusera de croire sera condamné. Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils expulseront les démons ; ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien. »
Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Évangile. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient.
Patrick Braud

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