L'homélie du dimanche (prochain)

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24 avril 2022

Mais pourquoi diable Pierre était-il tout nu ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Mais pourquoi diable Pierre était-il tout nu ?

Homélie du 3° Dimanche de Pâques / Année C
01/05/2022

Cf. également :
Les 153 gros poissons
Quand tu seras vieux…
Le devoir de désobéissance civile
Les 7 mercenaires
L’agneau mystique de Van Eyck

Mais pourquoi diable Pierre était-il tout nu ? dans Communauté spirituelle IMG_1032-e1414437391837-768x1024Tous ceux qui aiment la voile savent qu’il faut bien se capeler avant de prendre la mer. Les étourdis qui embarqueraient pieds nus le regretteraient vite : il y a tant d’aspérités, d’angles et d’objets contondants sur un bateau qu’on a vite fait de se cogner un orteil, de se prendre une écharde ou de se déchirer la plante des pieds sur un rail d’écoute ou une manille… Il n’y a guère que les nudistes invétérés qui osent rester nus sur un voilier, et encore : en Méditerranée, par mer très calme, sur un catamaran !
Alors, quand notre évangile du jour (Jn 21,1-19) nous dit que Pierre était nu dans sa barque de pêche, on ouvre de grands yeux ! « Quand Simon Pierre entendit que c’était le Seigneur, il mit son vêtement et sa ceinture, car il était nu (γυμνς = gymnos), et se jeta dans la mer » (Jn 21,7).
Le matériel de pêche – filets, hameçons, lignes, épuisettes – n’est certes pas le meilleur allié du nudisme. Un vrai pêcheur se capèle pour aller brasser son matériel en mer, et Pierre est un vrai pêcheur. Pourquoi diable Jean mentionne-t-il la nudité invraisemblable de son ami en pleine campagne de pêche ?

Écartons tout de suite une réponse trop facile, trop simpliste, du style : c’était l’habitude des pêcheurs de l’époque. Nous n’avons aucune trace de cette soi-disant habitude, et répétons-le elle est invraisemblable. Allez essayer de pêcher tout nu dans une barque en bois pleine d’hameçons et de filets, et vous ne rapporterez pas que des palourdes… C’est bigrement dangereux de ne pas être couvert sur un bateau !
Ce détail est d’autant plus troublant que Pierre se rhabille pour se jeter à l’eau. Normalement c’est l’inverse, car nager avec des vêtements n’est ni facile ni naturel.
Évidemment, ce détail est voulu. Essayons d’en décliner quelques interprétations possibles, en lien avec la résurrection de Jésus qui fait l’objet du chapitre 21 de Jean, avec les conséquences pour nous lecteurs.

 

1. Vêtir ceux qui sont nus et d’abord soi-même

martin-of-tours barque dans Communauté spirituelleJean connaît l’Évangile de Matthieu lorsqu’il écrit vers 90. Il a déjà lu la fresque grandiose du Jugement dernier de Mt 25 : « j’étais nu et vous m’avez habillé ». Vêtir ceux qui sont nus est un des critères du Jugement qui annonce la venue du Fils de l’homme à la fin des temps. La venue du Ressuscité sur le rivage du lac provoque Pierre à se vêtir pour paraître devant lui : charité bien ordonnée commence par soi-même… Un premier sens de ce détail du texte pourrait alors être - de manière inattendue – l’amour de soi, le self care. Un peu comme on dit à une personne âgée de ne pas se négliger, de ne pas se laisser aller, de se pomponner au lieu de rester toute la journée en robe de chambre et pantoufles. Pierre s’habille, et on peut penser que c’est le Christ qu’il revêt ainsi symboliquement avec ce pagne de lin serré autour de sa taille. Prendre soin de soi, c’est revêtir la dignité et les mœurs du Christ, au lieu de rester dans un état de nature ne conduisant qu’à des œuvres stériles, à l’image de la pêche infructueuse de Pierre lorsqu’il était nu. Les nouveaux baptisés savent qu’ils revêtent le Christ en rentrant dans l’eau baptismale où ils ont été plongés nus : en sortant du bain, on les enveloppait d’un ample vêtement blanc symbolisant la vie nouvelle en Christ.

Pierre réactualise en quelque sorte sa participation à la Passion du Christ dans laquelle il vient d’être plongé les semaines précédentes, il prend soin de lui-même en ne restant pas nu pour aller vers le Christ.

 

2. La nudité, signe du désarroi humain

jardindesdelicesgaucheg nuditéDans les cités grecques ou dans l’Empire romain, la nudité était pourtant bien vue. Songez aux thermes, aux sportifs, aux athlètes nus des Jeux Olympiques. D’ailleurs en grec, le mot nu(γυμνς = gymnos) qu’emploie notre évangile en Jn 21,7 a donné en français le mot gymnase, endroit où l’on pratique les sports en étant nu.
Dans la Bible, la nudité ne glorifie pas la force ou la beauté de l’être humain comme chez les Grecs. Elle est plutôt le signe d’une faiblesse radicale, et d’un désarroi existentiel. On pense immédiatement à Adam et Ève dans le jardin d’Éden après le premier péché où ils ont décidé par eux-mêmes ce qui est bien ou mal : « ils virent qu’ils étaient nus ». Cette nudité nourrit la peur de l’homme de paraître devant Dieu : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché » (Gn 3,10). Pierre comme Adam aurait peur de paraître devant le Ressuscité en restant nu.

Depuis la Genèse, la nudité a toujours été dans la Bible associée à la faiblesse et à la honte.
- Ainsi Noé maudit son fils Cham parce qu’il l’a vu nu sous sa tente après s’être saoulé. Les deux autres fils ont couvert la nudité de leur père sans la regarder, et cela leur fut compté comme justice. « Noé, homme de la terre, fut le premier à planter la vigne. Il en but le vin, s’enivra et se retrouva nu au milieu de sa tente. Cham, le père de Canaan, vit que son père était nu et il en informa ses deux frères qui étaient dehors. Sem et Japhet prirent le manteau, le placèrent sur leurs épaules à tous deux et, marchant à reculons, ils en couvrirent leur père qui était nu. Comme leurs visages étaient détournés, ils ne virent pas la nudité de leur père » (Gn 9,20-23).
Pierre couvre sa nudité comme pour dessaouler de son reniement…

joseph-tunique-450x450 pêche- Ainsi Joseph est dépouillé de sa tunique par ses frères pour l’humilier et le vendre comme esclave. « Dès que Joseph eut rejoint ses frères, Ils le dépouillèrent de sa tunique, la tunique de grand prix qu’il portait » (Gn 37,23). La tunique prise à Jacob fait penser à la tunique qu’on enlèvera à Jésus pour le crucifier.
Pierre revêtira la tunique dont l’avait dépouillé sa triple trahison.

- Ainsi le prophète Osée compare Israël à une prostituée qui se vend nue aux idoles de Canaan, et que Dieu va venir confondre en mettant son cœur à nu devant tous : « Accusez votre mère, accusez-la, car elle n’est plus ma femme, et moi, je ne suis plus son mari ! Qu’elle écarte de son visage ses prostitutions, et d’entre ses seins, ses adultères ; sinon, je la déshabille toute nue, je l’expose comme au jour de sa naissance, je la rends pareille au désert, je la réduis en terre aride et je la fais mourir de soif. […] C’est pourquoi je reviendrai […] ; j’arracherai ma laine et mon lin dont elle couvrait sa nudité. Alors je dévoilerai sa honte aux yeux de ses amants, et nul ne la délivrera de ma main » (Os 2,4–12).
La honte de Pierre devant sa faute va lui permettre de retrouver son alliance avec le Christ.

- Ainsi le prophète Isaïe choisit symboliquement de marcher nu sur les chemins de Palestine pendant trois ans, pour annoncer la défaite des puissants de l’époque, qui seraient bientôt mis à nu par YHWH : « Le Seigneur dit : De même que mon serviteur Isaïe est allé dévêtu, les pieds nus, pendant trois ans, signe et présage pour l’Égypte et l’Éthiopie, de même le roi d’Assour emmènera les prisonniers d’Égypte et les déportés d’Éthiopie, les jeunes et les vieux, dévêtus, les pieds nus, les fesses découvertes – telle sera la nudité de l’Égypte » (Is 20,3‑4).
Pierre pêchant nu pourrait actualiser ce geste d’Isaïe, en annonçant la défaite de la mort dans la Résurrection de Jésus…

- Ainsi on dépouille Jésus de sa tunique pour le crucifier, nu comme un ver (Jn 19,23‑24).
La nudité de Pierre dans la barque renvoie à la nudité du crucifié, en attente du vêtement de la Résurrection.

- Et Jean dans son Apocalypse fera lui aussi le lien entre la venue du Christ en gloire et le fait de ne pas être nu : « Voici que je viens comme un voleur. Heureux celui qui veille et garde sur lui ses vêtements pour ne pas aller nu en laissant voir sa honte » (Ap 16,15).
Pierre est le premier des Douze à ne pas aller nu vers le Fils de l’homme…

Il peut certes y avoir des nudistes chrétiens ! Mais difficile de faire l’éloge de cet état de nature sur le plan symbolique lorsque la foi demande justement de changer de nature pour être rendue « participant de la nature divine » (2P 1,4). Entre Pâques et Pentecôte, la nudité de Pierre dans la barque renvoie à un entre-deux de désarroi stérile (cf. la pêche infructueuse) qui ne doit pas durer. Se rhabiller est la courageuse décision de revêtir le Christ pour le rejoindre sur la rive.

 

3. Le lien résurrection-pardon

ReconciliationAprès avoir été habillés de blanc, les nouveaux baptisés étaient aussitôt admis à l’eucharistie, pour alimenter leur communion au Ressuscité. Dans notre Évangile, Pierre lui aussi après s’être rhabillé participe au repas préparé par Jésus sur le rivage, à la teneur eucharistique évidente. C’est ensuite seulement que le triple reniement de Pierre lui sera trois fois pardonné, avec ce célèbre dialogue : « M’aimes-tu ? sois le pasteur… »
Revêtir la tunique du Christ, communier à sa Passion-Résurrection, être pardonné et recevoir une mission nouvelle sont les quatre maillons de la chaîne pascale chez Jean. D’ailleurs, se préparer à partir, ceinture aux reins, est la disposition requise pour fêter la Pâque juive : « Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds, le bâton à la main. Vous mangerez en toute hâte : c’est la Pâque du Seigneur » (Ex 12,11).
Le lien résurrection-pardon est si fort que les chrétiens inventeront au fil des siècles le sacrement de réconciliation, réactualisation du baptême, comme en écho à ce triple pardon que Pierre a reçu à Tabgha.
La nudité du premier péché cède ainsi la place à la tunique du pardon, tunique sans couture que les soldats n’ont pas osé déchirer, annonçant la grâce du pardon toujours disponible.
Bonne nouvelle : lorsque nous sommes pardonnés, nous retrouvons comme Pierre la mission qui est la nôtre (« sois le pasteur… ») ; lorsque nous pardonnons à notre tour, nous ressuscitons littéralement celui qui nous a fait du mal et à qui son offense avait enlevé sa dignité. Nous le chargeons d’une nouvelle mission, avec ou sans nous : continuer à vivre au-delà de l’offense.
Pardonner, c’est vêtir l’autre de la tendresse de Dieu pour mener une vie nouvelle, une vie éternelle.

 

4. Pierre est comme le jeune homme nu de Marc

Correggio%2C_giovane_che_fugge_dalla_cattura_di_Cristo PierreLa nudité de Pierre dans la barque fait immanquablement penser à une autre nudité célèbre, détail qu’on trouve chez Marc cette fois, pendant l’arrestation de Gethsémani : « un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu » (Mc 14,51 52). Détail curieux, car les autres évangiles n’en parlent pas. Jean devait l’avoir lu quand il rédige son texte. Une explication simpliste le réduit à un détail autobiographique où Marc parle de lui. Mais Marc n’est pas l’homme des détails superflus sans importance. On le voit mal mentionner cette scène sans avoir une visée théologique.
Marc emploie le mot « jeune homme » (neoniskos) qu’il réutilise quand les femmes entrent au tombeau après la résurrection : un « jeune homme » est assis à droite, et cette fois-ci il n’est plus tout nu, il a revêtu le vêtement blanc (Mc 16,5). De plus, ce drap qui habille le jeune homme est un linceul (sindona) dans lequel Joseph d’Arimathie va envelopper le corps crucifié (Mc 15,46). Le sens du détail apparaît alors : le jeune homme nu de Gethsémani a échappé à la mort en laissant son drap blanc, comme le supplicié du Golgotha échappera à la mort en laissant son linceul. Le disciple vit la Passion du Christ pour être associé à sa résurrection [1].
La nudité de Pierre dans la barque pourrait être la version johannique du jeune homme nu de Marc. Pierre a failli être détruit par son triple reniement, mais le pardon du Christ le rhabille en quelque sorte pour accomplir sa mission de pasteur.
Chaque fois que nos reniements nous mettent à nu, en plein désarroi, tournons-nous vers le pardon du Christ pour recevoir de lui la nouvelle mission qu’il nous confiera à partir de là.

 

5. Servir, c’est ressusciter
Une dernière interprétation enfin nous est fournie par le verbe utilisé par Jean pour décrire Pierre se ceignant d’un vêtement pour plonger vers le Christ : διεζώσατο (diezōsato), se nouer un vêtement autour de la taille. « Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement (διεζωσμένος), car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau » (Jn 21,7). Il n’y a que deux autres usages de ce verbe dans toute la Bible, et c’est Jean encore qui y a recours, dans la scène du lavement des pieds : « Jésus se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture (διέζωσεν) ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture (διεζωσμένος) » (Jn 13,4-5).
Pierre fait donc le même geste que Jésus serviteur de ses disciples lors de la Cène : il enlève son vêtement, nu dans la barque, et se noue ensuite un vêtement à la ceinture pour devenir le pasteur des brebis. De même que le « Maître et Seigneur » lave les pieds de ses soi-disant subordonnés, Pierre apprendra à exercer sa mission de pasteur comme un service et non comme une domination.
Comme on est loin de toute forme de cléricalisme ! Toute responsabilité dans l’Église – et dans la société finalement – s’accepte après avoir pris conscience de sa nudité, et après avoir revêtu la tenue de service du Christ.
Les conséquences de ce vêtement noué autour de la taille sur les ministères actuels devraient nous appeler à réformer l’exercice du pouvoir, de la prise de décision, du statut et même de l’appel des responsables. Pierre revêt la tenue de service (la tenue diaconale pourrait-on dire) pour plonger vers le Ressuscité et recevoir de lui son pardon et sa mission.

Servir, c’est donc être associé à la vie nouvelle en Christ.
Servir, c’est plonger vers le Christ, être pardonné, recevoir de lui des responsabilités nouvelles.
Servir, c’est ressusciter.
Si nos dirigeants – aussi bien dans la société que dans l’Église – pouvaient prendre conscience de leur nudité réelle… ! Ils revêtiraient alors leur tenue de service pour servir au lieu de se servir.
Et chacun de nous est dans la barque ; chacun de nous reçoit sa part de service à accomplir.

 

Résumons-nous :
La nudité de Pierre dans la barque nous appelle à prendre soin de nous-mêmes en revêtant le Christ,
à prendre conscience de notre désarroi fondamental,
à croire en la puissance du pardon qui nous rhabille pour communier au Ressuscité,
à croire la puissance du baptême qui nous fait échapper à la mort,
et surtout à revêtir la tenue du service pour laver les pieds de nos frères.
Qu’à cela l’Esprit du Christ nous aide !

 


Lectures de la messe

Première lecture
« Nous sommes les témoins de tout cela avec l’Esprit Saint » (Ac 5, 27b-32.40b-41)

Lecture du livre des Actes des Apôtres
En ces jours-là, les Apôtres comparaissaient devant le Conseil suprême. Le grand prêtre les interrogea : « Nous vous avions formellement interdit d’enseigner au nom de celui-là, et voilà que vous remplissez Jérusalem de votre enseignement. Vous voulez donc faire retomber sur nous le sang de cet homme ! » En réponse, Pierre et les Apôtres déclarèrent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez exécuté en le suspendant au bois du supplice. C’est lui que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés. Quant à nous, nous sommes les témoins de tout cela, avec l’Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » Après avoir fait fouetter les Apôtres, ils leur interdirent de parler au nom de Jésus, puis ils les relâchèrent. Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom de Jésus.

Psaume
(Ps 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur, tu m’a relevé. ou : Alléluia.
 (Ps 29, 2a)

Quand j’ai crié vers toi, Seigneur,
mon Dieu, tu m’as guéri ;
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie !
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie !

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi ;
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

Deuxième lecture
« Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse » (Ap 5, 11-14)

Lecture de l’Apocalypse de saint Jean
Moi, Jean, j’ai vu : et j’entendis la voix d’une multitude d’anges qui entouraient le Trône, les Vivants et les Anciens ; ils étaient des myriades de myriades, par milliers de milliers. Ils disaient d’une voix forte : « Il est digne, l’Agneau immolé, de recevoir puissance et richesse, sagesse et force, honneur, gloire et louange. » Toute créature dans le ciel et sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tous les êtres qui s’y trouvent, je les entendis proclamer : « À celui qui siège sur le Trône, et à l’Agneau, la louange et l’honneur, la gloire et la souveraineté pour les siècles des siècles. » Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent.

Évangile
« Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson » (Jn 21, 1-19)
Alléluia. Alléluia. 
Le Christ est ressuscité, le Créateur de l’univers, le Sauveur des hommes. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade, et voici comment. Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. Simon-Pierre leur dit : « Je m’en vais à la pêche. » Ils lui répondent : « Nous aussi, nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
Au lever du jour, Jésus se tenait sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus leur dit : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non. » Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez. » Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre entendit que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivèrent en barque, traînant le filet plein de poissons ; la terre n’était qu’à une centaine de mètres. Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ces poissons que vous venez de prendre. » Simon-Pierre remonta et tira jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois. Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus leur dit alors : « Venez manger. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche ; il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples.
Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Patrick BRAUD

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6 février 2022

Conjuguer le bonheur au présent

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Conjuguer le bonheur au présent

Homélie du 6° Dimanche du temps ordinaire / Année C
13/02/2022 

Cf. également :

Les malheuritudes de Jésus
La « réserve eschatologique »
Toussaint : le bonheur illucide
Aimer Dieu comme on aime une vache ?

Ouganda, 1886. Le nouveau roi Mwanga prend ombrage de la présence des missionnaires Pères Blancs qu’il suspecte de vouloir le renverser. Il proclame alors un édit royal interdisant de se proclamer chrétien. Une quarantaine de fraîchement baptisés et catéchumènes refuse. Ils sont condamnés à être brûlés vifs, chacun enroulé dans une natte empilée en un bûcher-holocauste terrifiant. Sur les 60 kms de piste les menant au lieu du bûcher, les condamnés cheminent péniblement, se heurtant les uns contre les autres, tant sont gênants, par leur étroitesse, les liens qui les enchaînent. Ceux qui se plaignent, ceux qui ne peuvent plus avancer, on les tue et on les laisse sur le bord de la piste. La veille de l’Ascension de 1886, le bûcher s’allume : Charles Lwanga et ses compagnons rayonnent de joie. « Entendez-vous ces idiots ? ricane un des bourreaux. On dirait vraiment qu’ils vont à la noce et que nous allons leur servir un festin ! »…

Cette joie des martyrs chrétiens déborde des multitudes de récits des premiers siècles, où les fauves dans l’arène ne pouvaient faire taire les chants de ceux et celles qui allaient au supplice. Cette joie paradoxale habitait il y a peu dans le camp de concentration d’Auschwitz où le Père Maximilien Kolbe prenait la place d’un père de famille pour être exécuté en se substituant à lui. Elle régnait dans le cœur d’Etty  Hillesum déportée volontaire au camp de concentration de Westerbok. À coup sûr, cette joie continue d’étonner les bourreaux de toutes obédiences qui aujourd’hui encore se chargent d’exécuter leurs semblables uniquement parce qu’ils osent dire : je suis chrétien (plus de 340 millions de chrétiens ont été fortement persécutés ou discriminés en raison de leur foi dans les 50 pays répertoriés en 2020, estime l’ONG évangélique Portes Ouvertes).

Entendons-nous bien : la béatitude des martyrs chrétiens n’a rien à voir avec la folle soumission des kamikazes japonais à leur empereur, ni avec l’excitation fanatique des islamistes persécutant les infidèles. Les martyrs chrétiens sont des victimes ; les kamikazes ou les terroristes sont des bourreaux. Les uns offrent leur vie par amour, les autres prennent la vie des autres par haine.

Si l’on a bien écouté l’Évangile de ce dimanche (Lc 6, 17.20-26), on s’étonne moins, car les 4 Béatitudes de Luc semblent écrites précisément pour ceux qui souffrent ainsi à cause de leur foi. Et notamment les 2 dernières béatitudes que les baptisés d’Ouganda ont vécues jusqu’à l’extrême : « Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme ».

L'opium du pauvreCes quelques lignes de Luc alternent passé / présent / futur avec audace. Car la déclaration de bonheur est au présent : « heureux êtes-vous… », alors que la situation du moment est critique : pauvreté, pleurs, haine, rejet, insultes, diffamation… On imaginerait plus volontiers un futur, que les prédicateurs ultérieurs ont d’ailleurs largement exploité hélas : ‘vous souffrez maintenant, mais vous serez récompensés plus tard. Résignez-vous à votre sort aujourd’hui pour être heureux plus tard dans l’autre vie’. Ce type d’argumentation prêchant la résignation volontaire au nom du bonheur futur a largement servi à cautionner un ordre social injuste, que ce soit sous l’Ancien Régime (pauvreté de la paysannerie, privilèges de la noblesse et du clergé) ou ensuite pendant la Révolution industrielle (misère des ouvriers, exploitation et quasi-esclavage des salariés). Ainsi, en Occident, les Béatitudes sont devenues largement inaudibles, voire insupportables : ‘n’allez pas anesthésier le peuple avec vos vaines promesses de bonheur futur, alibi parfait de leur soumission présente !’

Or, répétons-le, les Béatitudes sont au présent ! Luc n’écrit pas : ‘vous serez heureux en paradis si vous acceptez votre pauvreté d’aujourd’hui’. Mais bien : « vous, les pauvres, le royaume de Dieu est à vous ! » Et le royaume de Dieu est le domaine de la justice et de la paix, de la vérité et de l’amour. Donc, si ce royaume est vôtre dès maintenant, vous les pauvres avez chacun et ensemble la force de le manifester. Vous pouvez démasquer au grand jour les mensonges des puissants. Vous possédez la liberté des enfants de Dieu qui ne plient devant aucun tyran, qui n’ont pas peur devant les chars, qui n’idolâtrent aucune autorité fût-elle royale, seigneuriale, patronale ou même épiscopale.

Osez conjuguer le bonheur au présent est plus révolutionnaire qu’il n’y paraît ! Car c’est la source d’une liberté intérieure que rien ne peut arrêter, ni la Bastille, ni les soldats du pouvoir, ni les escadrons de la mort… Puisque le royaume de Dieu est à vous, il n’est pas aux puissants, il n’appartient pas aux riches, il ne se confond pas avec le pouvoir politique du moment !

Certes, ce présent des Béatitudes est encore inachevé, puisqu’il y a un futur promis : « vous serez rassasiés, vous rirez ». En fait, ce sont les deux seuls verbes au futur des Béatitudes de Luc (avec leurs symétriques pour le malheur des riches : « vous aurez faim, vous pleurerez »). Car curieusement, la dernière béatitude est au présent, comme la première : « votre récompense est grande dans le ciel ». Ce n’est pas seulement une promesse, c’est déjà un acquis. C’est comme si l’avenir (le ‘ciel’) faisait irruption dans le présent pour le transformer dès maintenant, afin qu’il s’ajuste au mieux à ce qui l’attend en plénitude : être rassasiés, rire.

Ce battement présent / futur s’enrichit en finale de la référence au passé : « c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes ». Les 3 fils s’entrecroisent pour tisser la trame du bonheur en Dieu : le passé garantit que cela est bien arrivé aux prophètes ; le présent – appuyé sur cette mémoire et ouvert à l’avenir que Dieu donne déjà – permet de l’expérimenter dès maintenant ; l’avenir nous le fera vivre en plénitude.

Conjuguer le bonheur au présent dans Communauté spirituelle 3-fils

Dans la pauvreté, dans les pleurs, dans les persécutions, il y a déjà un présent de l’avenir promis, que la mémoire prophétique garantit et rend crédible. Saint Augustin a longuement parlé du temps humain dans son Livre XI des Confessions. Il en arrive très simplement à la conclusion que seul le présent existe, ce qui dans le cas des Béatitudes explique pourquoi l’on peut être heureux au milieu de l’épreuve et du dénuement.

51ZJOVWFKzL._SX349_BO1,204,203,200_ Augustin dans Communauté spirituelle

Futur Présent Passé SablierQu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais : mais que je veuille l’expliquer à la demande, je ne le sais pas ! Et pourtant – je le dis en toute confiance – je sais que si rien ne se passait il n’y aurait pas de temps passé, et si rien n’advenait, il n’y aurait pas d’avenir, et si rien n’existait, il n’y aurait pas de temps présent. Mais ces deux temps, passé et avenir, quel est leur mode d’être alors que le passé n’est plus et que l’avenir n’est pas encore ? Quant au présent, s’il était toujours présent sans passer au passé, il ne serait plus le temps mais l’éternité.

Si donc le présent, pour être du temps, ne devient tel qu’en passant au passé, quel mode d’être lui reconnaître, puisque sa raison d’être est de cesser d’être, si bien que nous pouvons dire que le temps a l’être seulement parce qu’il tend au néant. [...] Enfin, si l’avenir et le passé sont, je veux savoir où ils sont. Si je ne le puis, je sais du moins que, où qu’ils soient, ils n’y sont pas en tant que choses futures ou passées, mais sont choses présentes. Car s’ils y sont, futur il n’y est pas encore, passé il n’y est plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils n’y sont que présents. Quand nous racontons véridiquement le passé, ce qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme des traces dans notre esprit en passant par les sens. […]

Il est dès lors évident et clair que ni l’avenir ni le passé ne sont, et qu’il est impropre de dire : il y a trois temps, le passé, le présent, l’avenir, mais qu’il serait exact de dire : il y a trois temps, un présent du passé, un présent du présent, un présent de l’avenir.

(Augustin, Confessions, Livre XI)

La présence du passé, c’est la mémoire qui se souvient et se re-présente ce que les prophètes ont subi pour rendre témoignage à la vérité.
Le présent du futur, c’est la conviction que ce que nous serons transparaît déjà dans ce que nous sommes, et que nous pouvons laisser émerger aujourd’hui celui que nous serons demain en Dieu.
Le présent du présent, c’est cette intensité de relation à soi, aux autres, au monde, qui nous fait goûter avec joie ce qu’ils nous donnent, même à travers l’épreuve.
Les 3 fils du temps s’enchevêtrent dans la connaissance de ce présent gracieux : « le royaume de Dieu est à vous ». Il n’est pas pour plus tard, mais pour le présent d’aujourd’hui et le présent de demain. Il n’est pas révolu, gisant dans le passé, car notre mémoire le garde vivant en nous le rendant présent, efficace, actuel pour ce que nous avons maintenant à traverser.

Si cela vous paraît trop philosophique, pensez simplement à l’enfant Kizito (14 ans), à  Charles Lwanga, Joseph Mukassa et leurs compagnons ougandais qui ont trouvé dans leur foi chrétienne l’antidote au poison de la terreur du bûcher humain qu’ils allaient former. Si des enfants, des paysans et des serviteurs ont pu marcher au supplice en chantant, pourquoi ne pourriez-vous pas affronter l’épreuve en gardant la joie au cœur, cette joie que « nul ne peut nous ravir » selon l’engagement de Jésus ?

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur » (Jr 17, 5-8)

Lecture du livre du prophète Jérémie
Ainsi parle le Seigneur : Maudit soit l’homme qui met sa foi dans un mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur. Il sera comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur. Il aura pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable. Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. Il sera comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant, ses racines. Il ne craint pas quand vient la chaleur : son feuillage reste vert. L’année de la sécheresse, il est sans inquiétude : il ne manque pas de porter du fruit.

Psaume
(Ps 1, 1-2, 3, 4.6)
R/ Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur.
 (Ps 39, 5a)

Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants,
qui ne suit pas le chemin des pécheurs,
ne siège pas avec ceux qui ricanent,
mais se plaît dans la loi du Seigneur
et murmure sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau,
qui donne du fruit en son temps,
et jamais son feuillage ne meurt ;
tout ce qu’il entreprend réussira.

Tel n’est pas le sort des méchants.
Mais ils sont comme la paille balayée par le vent.

Le Seigneur connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perdra.

Deuxième lecture
« Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur » (1 Co 15, 12.16-20)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? Car si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés ; et donc, ceux qui se sont endormis dans le Christ sont perdus. Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis.

Évangile
« Heureux les pauvres ! Quel malheur pour vous les riches ! » (Lc 6, 17.20-26)
Alléluia. Alléluia. 
Réjouissez-vous, tressaillez de joie, dit le Seigneur, car votre récompense est grande dans le ciel. Alléluia. (Lc 6, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
En ce temps-là, Jésus descendit de la montagne avec les Douze et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »
Patrick BRAUD

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16 janvier 2022

Fixer les yeux sur le Christ

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Fixer les yeux sur le Christ

Homélie du 3° Dimanche du temps ordinaire / Année C
23/01/2022

Cf. également :
L’Aujourd’hui de Dieu dans nos vies
Faire corps
Saules pleureurs
L’événement sera notre maître intérieur
Accomplir, pas abolir

Plus d’écran, moins de regard

Un TGV ordinaire. Une cinquantaine de voyageurs dans la rame. Il y règne un silence humain incompréhensible pour un non-occidental. Chacun a les yeux rivés sur son écran : smartphone, tablette, PC portable. Personne n’adresse la parole à son voisin, ni à personne. On fait Paris-Marseille sans lever les yeux vers autre chose que le contrôleur ou le panneau de la gare étape. Et puis on part en étant incapable de reconnaître son voisin de siège si on le croise à nouveau sur le quai…
Les Français de moins de 50 ans passent plus d’une heure par jour devant l’écran de leur smartphone. Ils le défouraillent compulsivement des dizaines de fois par jour.

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017, selon l’âge et la durée d’utilisation par jour

Répartition des possesseurs de téléphone mobile en France en 2017

https://fr.statista.com/statistiques/690016/temps-passe-telephone-mobile-smartphone-age-france/

À cela s’ajoute les heures devant l’écran de télévision, de l’ordinateur etc. Le résultat de cette démultiplication de miroirs narcissiques est étrange : il semble que plus il y a d’écran, moins il y a de regard ! Qui prend le temps de dévisager une face inconnue plutôt que de jouer à Angry Birds ? Qui s’abstrait du reflet de sa propre image sur son écran pour se tourner vers l’autre ?
Car c’est bien là le bénéfice majeur du regard : nous détourner de nous-même pour accepter la présence de l’autre. Ne pas regarder quelqu’un en face, ne pas lui exposer son visage, c’est refuser la relation. Le voile islamique est en ce sens profondément a-relationnel : comment établir une relation avec l’autre si je ne peux pas l’en-visager ?

L’évangile de ce dimanche (Lc 1,1-4; 4,14-21) mentionne incidemment cette puissance du regard lorsqu’il décrit la foule en attente, suspendue aux lèvres de Jésus après sa lecture de la Torah, dans la synagogue de Nazareth : « tous avaient les yeux fixés sur lui ». Après un passage aussi brûlant que celui du livre d’Isaïe annonçant le jubilé messianique, on devine l’attente, la soif de l’assemblée envers Jésus : que va-t-il annoncer ? est-ce de lui dont parle le texte ? que peut-on espérer de lui ?

Origène nous invitait à lever les yeux nous aussi vers le Christ :
Fixer les yeux sur le Christ dans Communauté spirituelle jesus%20lit%20a%20la%20synagogue« Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui (Lc 4,20) ».
« En ce moment aussi, dans notre synagogue, c’est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre cœur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l’Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui ! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l’âme ! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire : Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte (cf. Ps 4,7), toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen ». Origène (+ 253), Homélie 32, 1-3.6

Fixer les yeux sur quelqu’un, c’est vraiment se concentrer sur qui il est, sur son identité telle qu’elle transparaît à travers les traits de son visage, de tout son corps. C’est parfois pour le reconnaître, comme la servante qui scrute le visage de Pierre se chauffant devant le brasero dans la cour du grand prêtre pendant l’interrogatoire de Jésus (Lc 22,56). C’est peut-être pour contempler ce visage habité d’une telle intensité qu’on vient y boire comme à une source. C’est le plus souvent pour essayer de déchiffrer le message vivant qu’est le regard de l’autre, son visage, pour établir un contact qui appelle une relation.

À Nazareth, l’assemblée de la synagogue a les yeux fixés sur Jésus après sa lecture. En exerçant ainsi son regard, elle creuse son désir de voir l’actualisation que Jésus va faire de cette parole. Elle agrandit sa soif d’en recevoir l’interprétation pour s’en nourrir, maintenant. Elle élargit le manque qui la pousse à espérer.

Nous qui venons d’entendre les lectures de la liturgie, nous en sommes à ce point où nous tournons les yeux vers le Christ pour lui demander : qu’y a-t-il pour moi/pour nous dans ces textes ? Comment peuvent-ils devenir Parole de Dieu pour moi/pour nous aujourd’hui ?
La messe nous donne Christ à regarder intensément, sous les deux formes de la Bible et de l’eucharistie notamment.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’Écriture

14eme-dimanche-2020-2-1200x791 Christ dans Communauté spirituelleAprès les deux lectures et le psaume, le prêtre (diacre) soulève le lectionnaire et invite l’assemblée : « acclamons la parole de Dieu ! ». Elle répond : « louange à toi seigneur Jésus ! », en regardant le livre tendu à bout de bras par le prêtre.
Nous sommes donc invités à fixer nos yeux sur l’Écriture, en proclamant que ces textes nous parlent (ils deviennent parole), et nous parlent du Christ, Verbe de Dieu (parole, logos) ayant pris chair de notre chair. Dès lors, scruter intensément les Écritures c’est  contempler le visage du Christ. En sens inverse, impossible de prétendre connaître le Christ sans lire attentivement l’Écriture ! « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ »  (saint Jérôme).

La plupart des temples protestants sont d’une austérité redoutable : pas de vitraux, pas de tableaux ni d’icônes, pas de statues ni de sculptures. Mais ils comportent toujours une Bible ouverte qui trône sur la table de la Cène ou sur la chaire de prédication. Lire, étudier la Bible est le premier moyen privilégié pour fixer les yeux sur le Christ. Quelques versets chaque jour, une lecture continue de temps en temps, une étude biblique ou une prédication : la posologie est simple et s’adapte à chacun ! Respecter cette ordonnance biblique permet de ne pas perdre de vue le Christ tout au long de sa journée, de ses années, de sa vie.

 

Fixer le Christ dans les yeux de l’eucharistie

%C3%A9l%C3%A9vation-CIRIC-200x300 regardMon institutrice de CM1 – une vieille fille légèrement acariâtre – m’a légué un cadeau inestimable. Elle nous avait appris à regarder fixement l’hostie au moment où elle est élevée après la consécration. Déjà c’était osé, puisque les gens pieux inclinaient la tête pour ne pas voir, avec une ostentatoire humilité qui les ployait à genoux les yeux contre le sol. Il fallait au contraire être debout, ressuscité, et dévisager le plus intensément possible ce « pain de misère ». Pour y confesser le Christ, notre institutrice nous invitait à redire à ce moment-là les mots de l’apôtre Thomas constatant les plaies du Ressuscité : « mon Seigneur et mon Dieu ! » Depuis le CM1, cette habitude m’a aidé à tenir debout dans l’adversité, à confesser Dieu présent dans la misère des mauvais jours comme dans la beauté des élévations les plus sublimes. L’adoration eucharistique n’est jamais que le prolongement de ce regard intense face à l’hostie consacrée élevée au plus haut.
« Il m’avise et je l’avise » : le mot du paysan au curé d’Ars pour décrire sa prière devant le tabernacle est si juste ! Car le regard là encore est d’abord un passif : je suis regardé par le Christ avant que de porter les yeux sur lui. De ce croisement « d’avisements » jaillit une parole de salut comme à Nazareth, un dialogue intérieur comme Marie de Béthanie aux pieds de Jésus, les yeux levés vers lui (cf. Ps 123,1).

 

Évangéliser la pulsion scopique

Le judaïsme privilégie l’ouïe. Il n’a pas tort ! La prière la plus importante commence par « Shema Israël… » : « Écoute Israël ! » (Dt 6,4). Il s’agit d’abord d’écouter, de veiller dans la nuit comme Samuel en alerte pour ne pas manquer la parole de l’autre : « parle Seigneur, ton serviteur écoute » (1S 3,9).
Pourquoi mettre l’ouïe en avant et non la vue ? Parce que les cultes païens environnants pullulaient de statut d’idoles, de déesses et de grigris à accrocher partout en guise de protection imaginaire. Les idoles sont à voir. YHWH est à entendre. « Dieu, nul ne l’a jamais vu » (Jn 1,18). On peut donc se méfier légitimement de ce vieux rêve humain de façonner un veau d’or selon sa projection du moment pour se prosterner devant ce qu’il voit.

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Avec Freud, on peut également se méfier de notre tendance à capter l’autre par la vue pour en jouir selon notre imaginaire. Ce que Freud appelait la pulsion scopique : il y a dans le regard une impulsion, un désir de convoitise, de possession, de domination, dont les « voyeurs » sont le pur produit [1].

La pulsion du regard est utile, car elle nous oblige malgré tout à découvrir qu’il y a un autre que nous-même. Elle prépare la sublimation lorsque nous renonçons à capter l’autre. Fixer intensément les yeux sur quelqu’un, c’est découvrir que je ne suis pas tout, que l’autre me manque. Hélas, ce manque nourrit également la convoitise, qui conduit à la domination et l’instrumentalisation de l’autre nié en tant qu’autre. L’histoire de Caïn voyant le sacrifice d’Abel accepté par Dieu et sautant sur lui pour le tuer nous avertit : la pulsion scopique n’est pas pure d’emblée. Elle est à évangéliser. À limiter et à sublimer, dira Freud. Fixer les yeux sur le Christ de l’Écriture et de l’eucharistie évangélise la force puissante et violente de notre regard, en l’éduquant à ne pas mettre la main sur l’autre lorsque nous le touchons des yeux.

La crise iconoclaste des VIII°-IX° siècles a été fort utile pour clarifier ce point. Face aux rigoristes qui voulaient garder l’intransigeance du judaïsme (et plus tard de l’islam) interdisant toute représentation divine (ou même humaine), le concile de Nicée de 787 a plaidé pour que les représentations du visage du Christ nous réconcilient avec notre regard sur l’autre. Les icônes orientales expriment au plus haut point – en parallèle pourrait-on dire avec l’adoration eucharistique occidentale – la conviction des compagnons de Jésus : nous laisser regarder par lui convertit notre regard sur les autres, sur le monde. Il est possible, à partir de la beauté relative du visage de l’autre, de percevoir la beauté sans limites du visage du Christ. De manière symétrique, il est possible, à partir de la contemplation du Christ (dans l’Écriture et l’eucharistie notamment) les yeux dans les yeux, de dévisager autrement ceux qui nous entourent, avec respect et vérité, dans une quête de communion et non de domination.

 

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Fixer le Christ dans les yeux

Nous sommes dans la synagogue de Nazareth. Le Christ vient de rouler le parchemin dans lequel il a lu l’oracle d’Isaïe. Ces mots continuent de danser entre lui et nous, et son visage en acquiert une profondeur, une intensité inconnue.
Suspendons le temps pour nous accrocher à ses lèvres, plonger dans ses yeux, pour boire à son regard, dans l’attente de l’aujourd’hui qu’il nous révèle : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ».
Fixons intensément les yeux sur le Christ, par l’Écriture et l’eucharistie, par les événements, par la beauté et le drame de ce monde, par la musique et le silence, par le souffle et la béance…

 


[1]. La pulsion scopique est définie par Sigmund Freud comme le plaisir de posséder l’autre par le regard. Il s’agit d’une pulsion sexuelle indépendante des zones érogènes où l’individu s’empare de l’autre comme objet de plaisir qu’il soumet à son regard contrôlant. «Manifestation sexuelle spontanée » chez l’enfant, elle est essentielle car originaire aussi d’autres pulsions – la pulsion de savoir ou encore la sublimation. La scopophilie désigne plus exactement la prise de plaisir en regardant quelqu’un d’autre. La personne observée ne serait perçue que comme un simple objet, que le scopophile aurait l’impression de « contrôler » en le regardant.

 

Lectures de la messe

1ère lecture : « Tout le peuple écoutait la lecture de la Loi » (Ne 8, 2-4a.5-6.8-10)
Lecture du livre de Néhémie
En ces jours-là, le prêtre Esdras apporta le livre de la Loi en présence de l’assemblée, composée des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre. C’était le premier jour du septième mois. Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. Esdras ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : « Amen ! Amen ! » Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre.
 Néhémie le gouverneur, Esdras qui était prêtre et scribe, et les Lévites qui donnaient les explications, dirent à tout le peuple : « Ce jour est consacré au Seigneur votre Dieu ! Ne prenez pas le deuil, ne pleurez pas ! » Car ils pleuraient tous en entendant les paroles de la Loi. Esdras leur dit encore : « Allez, mangez des viandes savoureuses, buvez des boissons aromatisées, et envoyez une part à celui qui n’a rien de prêt. Car ce jour est consacré à notre Dieu ! Ne vous affligez pas : la joie du Seigneur est votre rempart ! »

 

Psaume : Ps 18 (19), 8, 9, 10, 15
R/ Tes paroles, Seigneur, sont esprit et elles sont vie. (cf. Jn 6, 63c)

La loi du Seigneur est parfaite,
qui redonne vie ;
la charte du Seigneur est sûre,
qui rend sages les simples.

Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils réjouissent le cœur ;
le commandement du Seigneur est limpide,
il clarifie le regard.

La crainte qu’il inspire est pure,
elle est là pour toujours ;
les décisions du Seigneur sont justes
et vraiment équitables.

Accueille les paroles de ma bouche,
le murmure de mon cœur ;
qu’ils parviennent devant toi,
Seigneur, mon rocher, mon défenseur !

 

2ème lecture : « Vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12, 12-30)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, prenons une comparaison : notre corps ne fait qu’un, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit. Le corps humain se compose non pas d’un seul, mais de plusieurs membres.
Le pied aurait beau dire : « Je ne suis pas la main, donc je ne fais pas partie du corps », il fait cependant partie du corps. L’oreille aurait beau dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait cependant partie du corps. Si, dans le corps, il n’y avait que les yeux, comment pourrait-on entendre ? S’il n’y avait que les oreilles, comment pourrait-on sentir les odeurs ? Mais, dans le corps, Dieu a disposé les différents membres comme il l’a voulu. S’il n’y avait en tout qu’un seul membre, comment cela ferait-il un corps ? En fait, il y a plusieurs membres, et un seul corps. L’œil ne peut pas dire à la main : « Je n’ai pas besoin de toi » ; la tête ne peut pas dire aux pieds : « Je n’ai pas besoin de vous ». Bien plus, les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres. Si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie.
Or, vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps.
Parmi ceux que Dieu a placés ainsi dans l’Église, il y a premièrement des apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement ceux qui ont charge d’enseigner ; ensuite, il y a les miracles, puis les dons de guérison, d’assistance, de gouvernement, le don de parler diverses langues mystérieuses. Tout le monde évidemment n’est pas apôtre, tout le monde n’est pas prophète, ni chargé d’enseigner ; tout le monde n’a pas à faire des miracles, à guérir, à dire des paroles mystérieuses, ou à les interpréter.

 

Evangile : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture » (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)
Acclamation : Alléluia. Alléluia.
Le Seigneur m’a envoyé, porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération. Alléluia. (Lc 4, 18cd)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc
Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, excellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des enseignements que tu as entendus. En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre »
Patrick BRAUD

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3 novembre 2021

L’éducation changera le monde

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 30 min

L’éducation changera le monde

Homélie du 32° Dimanche du Temps Ordinaire / Année B
07/11/2021

Cf. également :

Quelle est la vraie valeur de ce que nous donnons ?
Le Temple, la veuve, et la colère
Les deux sous du don…
Défendre la veuve et l’orphelin
De l’achat au don
Épiphanie : l’économie du don
Le potlatch de Noël

Invictus« L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde » (Nelson Mandela).
Il en savait quelque chose : du fond de sa prison, pendant 30 ans, Nelson Mandela a appris à renoncer à la violence de ses années de jeunesse. Il a transformé son regard sur ses geôliers, sur les blancs en général, au point de choisir des gardes du corps blancs une fois élu Président ensuite ! Ne plus voir dans l’adversaire du moment un ennemi irréductible mais un partenaire potentiel ; ne plus considérer la lutte armée comme le seul salut mais explorer toutes les voies de réconciliation… Dans le célèbre film Invictus, Mandela apprend au capitaine de l’équipe nationale de rugby d’Afrique du Sud à voir autrement le match qui s’annonce : il s’agit de gagner la coupe du monde avec cette équipe ‘Black and White’, pour sceller la réconciliation nationale, et pas seulement de participer. Par contre, Mandela portera une lourde responsabilité dans l’épidémie du sida qui endeuillera son pays de façon si meurtrière, car il n’a pas su en voir la gravité ni les remèdes. Le visionnaire avait ses angles morts…

 

Changer de regard

Apprendre à voir les choses et les gens autrement est un patient travail d’éducation, que chacun doit faire sur lui-même d’abord. Les éducateurs, parents, animateurs et professeurs ont à former le regard des jeunes qui leur sont confiés. Les maîtres de sagesse éveillent leurs disciples aux dimensions cachées du monde. Les leaders authentiques, que ce soit en politique, en économie, dans l’univers de la culture ou autres, défrichent pour leurs partisans de nouvelles analyses et compréhensions des forces en présence. Si De Gaulle n’avait pas vu en 1940 que l’avenir de la France ne pouvait se réduire à la collaboration avec les nazis, qui aurait relevé le flambeau ?

Jésus ne se dérobe pas à cette mission qui incombe à tout responsable : éduquer le regard d’autrui. Dans notre épisode de ce dimanche (Mc 12, 38-44), il va demander à ses disciples de voir autrement la scène des offrandes au Temple de Jérusalem. Là où les Douze sont hypnotisés par les grosses sommes déposées dans les troncs, Jésus va les forcer à regarder le détail qu’ils ne voyaient plus : cette pauvre veuve et ses deux pièces. Cela avait commencé avant, lorsque les disciples s’extasiaient sur la beauté du Temple. Jésus les invitait à ne pas se laisser éblouir par la splendeur du moment, car elle est appelée à disparaître : « Comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : ‘Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit’ » (Lc 21, 5 6). Là où les la foules voyaient les scribes écrire la Loi ou des pharisiens vivre en ultra-religieux, Jésus invite à voir au-delà des apparences : il y a tant d’hypocrisie derrière ces belles façades ! Ouvrez les yeux ! « Dans son enseignement, il disait : ‘Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés’ » (Mc 12, 38 40).

L’éducation du regard est au cœur de l’Évangile de ce dimanche : changez de lunettes, de perspective, ne voyez pas les actions des hommes à la manière mondaine, allez plutôt repérer les petits gestes qui passent inaperçus mais ont une grande valeur !

Les InvisiblesDétourner son regard des riches pour porter attention aux petits : voilà le premier déplacement que Jésus opère, avec pédagogie, en braquant le projecteur sur ceux que l’on ne voit pas. Souvenez-vous du film : Les Invisibles. On y suivait l’aventure d’une bande de femmes SDF et de paumées qui réagissaient face à l’annonce de la fermeture de leur centre d’accueil. Soudain, ces assistées, ces perpétuelles quémandeuses se révèlent capables de chercher et trouver du travail, des logements, une activité, et même de fonder leur entreprise ! Le Christ nous apprend à mettre en lumière les invisibles de notre époque, dont la pauvre veuve aux deux pièces est comme l’icône.
Plus tard, dans l’Église naissante, les apôtres se souviendront de regarder les veuves, et institueront des diacres à leur service (Ac 6,1-6).

 

L’interprétation morale

La pédagogie de Jésus dans ce changement de regard sur les invisibles est d’autant plus remarquable qu’il n’impose aucune conclusion à ses disciples. Il ne dit pas : ‘quelle générosité !’ Mais : ‘elle a donné de son nécessaire’. Il n’en tire pas de « leçon » de morale, du style : ‘faites comme elle’, mais il constate factuellement que son offrande représente proportionnellement infiniment plus que les gros chèques des riches. Aux disciples d’en tirer leurs propres conclusions ! À nous lecteurs d’interpréter cette séquence quasi cinématographique qui zoome soudain sur un geste à la dérobée.

La plupart des commentaires se précipitent sur l’interprétation morale : donner de son superflu a beaucoup moins de valeur que donner de son nécessaire. Avis donc aux donateurs de tout poil : Dieu voit ce que vous donnez, et le poids réel de votre offrande. Et l’on renchérit ensuite en citant le Christ en exemple, lui qui a tout donné, jusqu’à sa vie même, pour notre salut. La pauvre veuve annonce le pauvre Christ qui fait de sa vie une offrande d’amour à Dieu son Père pour sauver tous les hommes, allant jusqu’à mourir pour offrir la vie éternelle à ses bourreaux ou ses compagnons de châtiment sur la croix.

Cette interprétation est bien sûr légitime, et traditionnelle. Elle a le mérite d’attirer l’attention sur la responsabilité personnelle. Elle oublie cependant de regarder ce que Jean-Paul II appelait les « structures de péché » qui enserrent les acteurs dans des règles ou comportements injustes (ici le don obligatoire pour le Temple).
Est-elle pour autant la seule ? Ne peut-on pas voir autrement le focus de Jésus sur les deux sous du don de la veuve ?

 

L’interprétation « justice sociale »

L’éducation changera le monde dans Communauté spirituelle veuve2Car juste avant (Mc 12,38-40), Jésus dénonce avec violence l’hypocrisie des ‘gens bien’ et religieux sous tous rapports : « Méfiez-vous des scribes (…) Ils dévorent les biens des veuves… » Comment dévorent-ils les biens des veuves ? Notre passage en donne un exemple typique : au nom de l’institution du Temple, ils forcent les juifs à payer un impôt, quelques soient leurs ressources. Cette femme doit payer, alors qu’elle est pauvre et qu’elle est veuve, double précarité. Première injustice flagrante : quelle est cette institution soi-disant religieuse qui en fait pressure le petit peuple et lui extorque des contributions financières sans cesse ? On croirait lire les revendications des cahiers de doléances avant la révolution de 1789, où les paysans se plaignaient des exactions des évêques, abbés et autre princes de l’Église levant impôt sur impôt…
Jésus lui-même sera broyé par la machine religieuse du Temple en action : c’est pour blasphème qu’on réussira finalement à le condamner au terme d’un procès truqué. « ‘Celui-là a dit : ‘Je peux détruire le Sanctuaire de Dieu et, en trois jours, le rebâtir. » [...] Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant : Il a blasphémé ! Pourquoi nous faut-il encore des témoins ? Vous venez d’entendre le blasphème ! » (Mt 26, 61.65)

L’injustice est plus d’autant plus grande que cette oppression des pauvres se fait au nom de la religion. Car Jésus dénonce l’absurdité de cette obligation de l’offrande : le Temple va bientôt être détruit, les sacrifices d’animaux vont bientôt disparaître, les prêtres (Cohen) seront bientôt inutiles, alors à quoi bon appauvrir les pauvres pour nourrir une institution qui va s’écrouler ? Le sacrifice consenti par la veuve est en réalité inutile et absurde. Elle donne à fonds perdu pour une institution en faillite. En faisant réaliser à ses disciples que la veuve se soumet à une obligation absurde, Jésus les invite également à ne pas accepter cette domination injuste. Et il pourrait inviter la pauvre veuve à ne pas se soumettre volontairement à cette coutume, mais au contraire à se révolter pour en dénoncer l’hypocrisie, l’inutilité, l’absurdité. La pauvre veuve est prisonnière de ce que La Boétie appellera plus tard la servitude volontaire, l’intériorisation de la domination qui conduit à consentir à son propre asservissement. Les esclaves finissent par aimer leur chaîne et leur maître. Il n’y a donc pas que les yeux des disciples à ouvrir : ceux de la veuve aussi qui devrait, avec les autres victimes du Temple, voir autrement ce défilé d’offrandes et refuser avec Jésus d’en être complice ! Souvenez-vous: Jésus a refusé de payer l’impôt du Temple, et a mystérieusement substitué à son paiement les deux pièces d’argent trouvées dans la bouche d’un poisson ! « Comme ils arrivaient à Capharnaüm, ceux qui perçoivent la redevance des deux drachmes pour le Temple vinrent trouver Pierre et lui dirent : ‘Votre maître paye bien les deux drachmes, n’est-ce pas ?’ Il répondit : ‘Oui.’ Quand Pierre entra dans la maison, Jésus prit la parole le premier : ‘Simon, quel est ton avis ? Les rois de la terre, de qui perçoivent-ils les taxes ou l’impôt ? De leurs fils, ou des autres personnes ?’ Pierre lui répondit : ‘Des autres.’ Et Jésus reprit : ‘Donc, les fils sont libres. Mais, pour ne pas scandaliser les gens, va donc jusqu’à la mer, jette l’hameçon, et saisis le premier poisson qui mordra ; ouvre-lui la bouche, et tu y trouveras une pièce de quatre drachmes. Prends-la, tu la donneras pour moi et pour toi.’ » (Mt 17, 24 27) Il est clair que Jésus contestait ouvertement ce système d’imposition pour le Temple, pas seulement pour lui, mais également pour ses disciples (il évite également à Pierre de payer de sa poche !).

Second-Temple-Herode02 invisibles dans Communauté spirituelleÉvidemment, cette deuxième interprétation de notre texte est plus subversive que la première, et donc beaucoup moins traditionnelle… Qui pourrait dire pour autant qu’elle n’est pas légitime ? Puisque le Christ lui-même laisse ouverte la conclusion à son focus sur l’offrande de la pauvre veuve, pourquoi irions-nous imposer une seule « leçon » de ce passage ? Sans compter qu’il y a sans doute d’autres interprétations possibles encore. Notamment celle – symbolique – où la pauvre veuve serait une figure de l’humanité confiant son image et sa ressemblance divines (les 2 pièces) au seul vrai Temple qu’est le Christ en personne.

 

Regarder autrement nos servitudes volontaires

Réduire l’Évangile à une « leçon » de morale appauvrit le champ des interprétations.
Méditons donc sur la dénonciation que Jésus ose faire publiquement des institutions religieuses dévorant le bien des veuves.
Réfléchissons sur les injustices cachées dans les collectes d’argent pour nos temples  modernes.
Examinons nos propres servitudes volontaires, lorsque nous nous habituons et consentons à des pratiques absurdes ou inutiles.
Éduquons le regard de ceux qui nous entourent à discerner ce qui est invisible pour les médias, les réseaux sociaux, les commentateurs autorisés.
Apprenons à voir autrement, et notre vie changera.


Lectures de la messe

Première lecture
« Avec sa farine la veuve fit une petite galette et l’apporta à Élie » (1 R 17, 10-16)

Lecture du premier livre des Rois

En ces jours-là, le prophète Élie partit pour Sarepta, et il parvint à l’entrée de la ville. Une veuve ramassait du bois ; il l’appela et lui dit : « Veux-tu me puiser, avec ta cruche, un peu d’eau pour que je boive ? » Elle alla en puiser. Il lui dit encore : « Apporte-moi aussi un morceau de pain. » Elle répondit : « Je le jure par la vie du Seigneur ton Dieu : je n’ai pas de pain. J’ai seulement, dans une jarre, une poignée de farine, et un peu d’huile dans un vase. Je ramasse deux morceaux de bois, je rentre préparer pour moi et pour mon fils ce qui nous reste. Nous le mangerons, et puis nous mourrons. » Élie lui dit alors : « N’aie pas peur, va, fais ce que tu as dit. Mais d’abord cuis-moi une petite galette et apporte-la moi ; ensuite tu en feras pour toi et ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Israël : Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. » La femme alla faire ce qu’Élie lui avait demandé, et pendant longtemps, le prophète, elle-même et son fils eurent à manger. Et la jarre de farine ne s’épuisa pas, et le vase d’huile ne se vida pas, ainsi que le Seigneur l’avait annoncé par l’intermédiaire d’Élie.

Psaume
(Ps 145 (146), 6c.7, 8-9a, 9bc-10)
R/ Chante, ô mon âme, la louange du Seigneur !
(Ps 145, 1b)

Le Seigneur garde à jamais sa fidélité,
il fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain ;
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes,
le Seigneur protège l’étranger.

Il soutient la veuve et l’orphelin,
il égare les pas du méchant.
D’âge en âge, le Seigneur régnera :
ton Dieu, ô Sion, pour toujours !

Deuxième lecture
« Le Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude » (He 9, 24-28)

Lecture de la lettre aux Hébreux

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire fait de main d’homme, figure du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à s’offrir lui-même plusieurs fois, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la Passion depuis la fondation du monde. Mais en fait, c’est une fois pour toutes, à la fin des temps, qu’il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois et puis d’être jugés, ainsi le Christ s’est-il offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude ; il apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.

Évangile
« Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres » (Mc 12, 38-44) Alléluia. Alléluia.

Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! Alléluia. (Mt 5, 3)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, dans son enseignement, Jésus disait aux foules : « Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, et les places d’honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et, pour l’apparence, ils font de longues prières : ils seront d’autant plus sévèrement jugés. »
Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. »

Patrick BRAUD

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