L'homélie du dimanche (prochain)

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3 décembre 2023

Consolation = illusion ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Consolation = illusion ?

Homélie pour le 2° Dimanche de l’Avent / Année B
10/12/2023

Cf. également :
Justice et Paix s’embrassent
Réinterpréter Jean-Baptiste
Consolez, consolez mon peuple !
Devenir des précurseurs
Maintenant, je commence
Crier dans le désert
Le Verbe et la voix
Res et sacramentum
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Dieu est un chauffeur de taxi brousse
Le polythéisme des valeurs

La guerre de l’opium
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L’épisode historique est bien connu : le Royaume-Uni a utilisé l’opium pour affaiblir l’économie chinoise au XIX° siècle. Par deux fois, en 1839 et 1856, le conflit éclata : les Britanniques voulaient garder le monopole du commerce de l’opium en Chine, qu’ils détenaient depuis 1773. Ils voulaient l’imposer en paiement des marchandises qu’ils importaient de Chine. Alors ils ont noyé la population chinoise sous les exportations illégales d’opium produit en Inde britannique…
Pour échapper un temps à la misère sociale qui sévissait dans les villes, on voyait des hordes de Chinois allongés sur les nattes des fumoirs d’opium, hébétés, le regard fixe, ou étrangement agités lors de crises violentes. Pour affaiblir un peuple et le coloniser de l’intérieur, rien ne vaut une bonne addiction généralisée et entretenue à la poudre blanche… Se consoler de la misère par l’opium était bien sûr une illusion, et les Chinois ont longtemps été traités d’’homme malade de l’Asie’ à cause de cet épisode tragique qui a fait des millions de victimes.

karl-marx-155733-1280 consolation dans Communauté spirituelleKarl Marx avait-il en tête cette colonisation par l’opium lorsqu’il écrivit en 1843 :

« La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses sans esprit.
Elle est l’opium du peuple »
(Karl Marx, Introduction à la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843).

Cette phrase est devenue un slogan : la religion est l’opium du peuple ; elle promet une consolation illusoire en faisant le lit de la domination des puissants.

Isaïe tomberait-il sous le coup de cette critique radicale lorsqu’il proclame dans notre première lecture (Is 40,1-5.9-11) : « consolez, consolez mon peuple… »
L’Église joue-t-elle le rôle du marchand de rêves détournant l’attention des pauvres vers un monde surnaturel pour canaliser leur colère ?
Attendre une seconde venue du Christ à la fin des temps, n’est-ce pas nourrir une illusion qui permet aux défavorisés de supporter leur condition sans broncher ? Avouons que l’Église a parfois succombé à cette tentation dans son histoire…

 

Les maîtres du soupçon
 illusion
Marx n’est pas seul dans ses critiques d’une religion-consolation illusoire. Freud a dénoncé l’usage régressif que les religions font de la consolation, en ramenant le sujet à un état infantile de fusion maternelle. « L’avenir d’une illusion » est le titre de son ouvrage plus incisif sur l’analyse de cette pathologie. Nietzsche quant à lui a proclamé la mort de Dieu : les tenants de la consolation religieuse prêchent en fait une morale d’esclaves qui les empêchent d’accéder au surhomme qui est en eux.

Ces trois maîtres du soupçon du XIX° siècle ne sont plus guère à la mode intellectuellement : le religieux prolifère partout, instrumentalisé par Poutine ou Trump, radicalisé par les djihadistes, servant de prétexte à tous les communautarismes en Inde et ailleurs. Tous promettent un avenir meilleur à ceux qui se sacrifient au nom de leur Dieu. Ils consolent les veuves et les mères par la promesse d’un paradis pour leurs défunts. Ils font miroiter une vie éternelle de délices à leurs combattants. Ils recouvrent les cercueils de drapeaux, de crucifix et de médailles alors qu’ils couvrent de chaux leurs charniers de guerre.

Relire les maîtres du soupçon serait fort utile pour purifier ces représentations idolâtres d’une consolation religieuse hypocrite et sordide. On découvrirait alors que la Bible ne confond jamais consolation et résignation, et qu’elle en fait au contraire un moteur pour agir dès maintenant.

 

Une consolation efficace
La Bible se méfie des consolations trop rapides, trop intéressées. Ainsi les amis de David lui prêtent de mauvaises intentions lorsqu’il envoie des consolateurs présenter ses condoléances au fils d’un roi défunt : « les chefs des fils d’Ammon dirent à Hanun, leur maître : Penses-tu que ce soit pour honorer ton père que David t’envoie des consolateurs ? N’est-ce pas pour reconnaître et explorer la ville, et pour la détruire, qu’il envoie ses serviteurs auprès de toi ? » (2S 10,3). Les ennemis de David le soupçonnaient de pratiquer ce qu’eux-mêmes savaient faire à merveille : utiliser le chagrin de l’autre pour l’affaiblir, lui faire regarder ailleurs pendant qu’on prépare l’invasion. David ne mange pas de ce pain-là. Mais ses adversaires, si. Méfions-nous de ceux qui viennent nous consoler avec de grands airs de compassion, car tous n’ont pas le cœur aussi pur que David : « Les terafim ont fait de fausses prédictions, les devins ont eu des visions mensongères, ils ont débité des songes trompeurs et donné de vaines consolations, voilà pourquoi le peuple est parti comme un troupeau malheureux faute de berger » (Za 10,2).

Loin de détourner l’affligé de sa condition, la consolation biblique se révèle terriblement performante pour le remettre en selle et reprendre ses combats.
Ainsi David est navré de la mort subite du nouveau-né de sa conquête Bethsabée. La consoler n’est pas lui faire accepter d’en rester là : David console sa femme en lui donnant le courage d’enfanter à nouveau : « David consola Bethsabée sa femme : il la retrouva et coucha avec elle. Elle lui donna un fils qu’il nomma Salomon. Le Seigneur l’aima » (2S 12,24).
La vraie consolation est celle qui rend fort, qui fait naître à nouveau le désir de vivre.
Les psaumes de David reprennent ce thème à l’envie : la consolation divine nourrit l’engagement contre la justice, le mal, la mort.
« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me console » (Ps 23,4).
« Tu m’élèveras et me grandiras, tu reviendras me consoler » (Ps 71,21).
Cette consolation permet de reprendre le combat sans baisser les bras : « Que j’aie pour consolation ton amour selon tes promesses à ton serviteur ! » (Ps 119,76).
Le sage constate amèrement que si personne ne console les opprimés, ils subissent sans fin l’exploitation, sans trouver le courage de se révolter : « J’ai regardé encore et j’ai vu toutes les oppressions pratiquées sous le soleil. Voyez les pleurs des opprimés : ils n’ont pas de consolateur ; des oppresseurs leur font violence : ils n’ont pas de consolateur » (Qo 4,1).

Consolez, consolez mon peuple IsaïeIsaïe est le champion de la consolation d’Israël, après le désastre de la prise du Temple par Nabuchodonosor en -587, et la déportation (déjà !) des juifs de Jérusalem vers Babylone. Cette catastrophe nationale – équivalente à la Shoah – aurait pu, aurait dû détruire Israël à jamais. Par dix fois, Isaïe utilise le verbe consoler (נָחַם = nacham) pour insuffler au peuple en exil le courage de résister, de tenir bon, d’attendre l’improbable, d’espérer un salut impossible. Et l’édit du roi Cyrus en -527 permettant aux juifs de revenir à Jérusalem sonnera comme l’éclatante réalisation de cette promesse insensée. « YHWH console son peuple » est le leitmotiv du livre d’Isaïe (40,1 ; 49,13 ; 66,13).
Cette consultation chasse la peur du tyran : « C’est moi, c’est moi qui vous console. Qui es-tu pour craindre l’homme qui doit mourir, un fils d’homme périssable comme l’herbe ? » (Is 51,12). Et bien avant La Boétie, la Bible savait que ne plus avoir peur, c’est ne plus consentir à la servitude, c’est déjà être libre.
Cette consolation préfigure le jour de la libération à venir : « YHWH m’a envoyé proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu, consoler tous ceux qui sont en deuil » (Is 61,2).

Nulle dimension régressive donc dans la consolation biblique ! Elle est une remise en état de marche, une source nouvelle de courage pour agir, une responsabilité confiée pour transformer l’histoire.

Le Nouveau Testament confirme cette conception opérative de la consolation, en nommant justement Consolateur l’Esprit de Dieu : l’Esprit rend témoignage au Christ, il enseigne, il ravive notre mémoire des paroles du Christ, il nous conduit vers la vérité tout entière (Jn 14,16. 26;16,7.13).
Appeler Consolateur l’Esprit de Dieu lui-même dit assez que cette consolation n’est pas une nostalgie maladive, mais une ouverture au présent que Dieu nous fait de lui-même ! Quand Jésus promet : « heureux les affligés, car ils seront consolés » (Mt 5,4), il ne prêche pas la soumission, mais il se met du côté des affligés, à leurs côtés, pour que leur affliction n’ait pas le dernier mot. Quand Paul écrit aux Corinthiens sa deuxième lettre, il emploie 11 fois le mot consolation, si bien que cette épître est parfois appelée l’épître de la consolation, que Paul conjugue au présent : « Si nous sommes affligés, c’est pour votre consolation et pour votre salut; si nous sommes consolés, c’est pour votre consolation, qui se réalise par la patience à supporter les mêmes souffrances que nous endurons. Et notre espérance à votre égard est ferme, parce que nous savons que, si vous avez part aux souffrances, vous avez part aussi à la consolation » (2Co 1,6–7).

 

Ceux qui refusent d’être consolés
Jésus sait pertinemment d’expérience que, à certains moments, toute consolation est factice. Le silence, la présence valent mieux que de vaines tentatives pour sécher trop vite les larmes de quelqu’un qui souffre trop : « On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations : Rachel pleure ses enfants, et n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus » (Mt 2,18 citant Jr 31,15).
202016123_univ_cnt_1_md IsaïeCe n’est pas sans rappeler le silence que les compagnons de Job observent, assis par terre avec lui, une semaine entière, avant de prendre la parole : « Et ils se tinrent assis à terre auprès de lui sept jours et sept nuits, sans lui dire une parole, car ils voyaient combien sa douleur était grande » (Jb 2,13). Hélas, ils débitent ensuite des tonnes de bondieuseries moralisantes pour soi-disant expliquer à Job les causes de son malheur, ce qui exaspère Job : « J’ai souvent entendu pareilles choses; Vous êtes tous des consolateurs fâcheux » (Jb 16,2). « Pourquoi donc m’offrir de vaines consolations? Ce qui reste de vos réponses n’est que perfidie » (Jb 21,34). Job refuse les explications toutes faites de son malheur innocent. Il gémit comme le psalmiste : « Au jour de ma détresse, je cherche le Seigneur; La nuit, mes mains sont étendues sans se lasser ; mon âme refuse toute consolation » (Ps 77,2).

Refuser toute consolation trop facile est alors la marque d’un désir plus grand : le chagrin en excès ne peut être apaisé par un simple pansement rapide. Il doit tourner, encore et encore, jusqu’à creuser au cœur une plaie agrandie, nettoyée, purifiée, que Dieu seul pourra toucher. Un peu comme la Bien-aimée du Cantique des cantiques est blessée d’amour, et refuse d’être guérie…

Jésus lui-même n’a-t-il pas lutté à Gethsémani pour ne pas chercher d’autre consolation pendant l’épreuve de sa Passion que le seul désir d’accomplir la volonté de son Père, sans bien savoir comment ?

 

Consolez, consolez mon peuple
Ce 2e dimanche de l’Avent nous met avec Jean-Baptiste devant l’exigence de préparer le chemin du Seigneur, car il vient au-devant de chacun (Mc 1,1-8). Réjouissons-nous que la consolation fasse partis de ce chemin en nous.
Accepter d’être consolé demande beaucoup d’humilité et de simplicité, pour laisser une main nous relever, une parole nous raffermir, un visage nous redonner confiance en l’avenir.
Consoler demande beaucoup d’effacement de soi, beaucoup de respect pour discerner quand se taire et quand parler, comment soulager, que faire, que dire à côté de l’affligé.

Mais quelle est votre expérience de la consolation ?
Faites mémoire d’un de ces moments où quelqu’un vous a entouré, avec tendresse et compassion, et vous a aidé à revivre.
Puis demandez-vous qui dans votre entourage a besoin de cette consolation, et priez pour en être un acteur selon le cœur du Christ.
Que l’Esprit Saint - le Consolateur par excellence - nous souffle nos gestes, nos paroles, pour réconforter et être réconfortés nous-mêmes.

 

Handel’s Young Messiah – Comfort Ye My People
« Consolez, consolez mon peuple… »

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40, 1-5.9-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.
 
PSAUME
(84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. (84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.
 
DEUXIÈME LECTURE
« Ce que nous attendons, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle » (2 P 3, 8-14)

Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix.
 
ÉVANGILE
« Rendez droits les sentiers du Seigneur » (Mc 1, 1-8)
Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Patrick BRAUD

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26 novembre 2023

À l’improviste !

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

À l’improviste !

 Homélie pour le 1° Dimanche de l’Avent / Année B
03/12/2023

Cf. également :
Dans l’événement, l’avènement
L’événement sera notre maître intérieur
Se laisser façonner
L’Apocalypse, version écolo, façon Greta
Quand le cœur s’alourdit
Laissez le présent ad-venir
Encore un Avent…
L’absence réelle
Le syndrome du hamster

La venue. Quelle venue ?
Bonne année !
Sous le signe de la promesse
L’absence réelle
Anticiper la joie promise

C’est bien Versailles ici !
Connaissez-vous les publicités de TotalEnergies nous incitant à faire des économies d’électricité ? On y voit un homme éteindre systématiquement chez lui avant de se coucher toutes les lumières, veilleuses, aquariums et ordinateurs de la maison en admonestant ses enfants et sa femme : « c’est pas Versailles ici ! » Ce reproche est peut-être un signe annonciateur de l’écologie punitive que quelques ‘khmers verts’ voudraient imposer à tous… En tout cas, l’Évangile de ce dimanche (Mc 13,33-37) prend à contre-pied la symbolique de cette pub : ‘surtout n’éteins pas ta veille ! Garde sans cesse ta lampe allumée, fais provision d’huile pour tenir toute la nuit s’il le faut’ :

« Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »

Autrement dit : c’est bien Versailles ici, dans le cœur et l’esprit de celui qui attend la venue du Christ ! Loin de tout éteindre, il nous faut au contraire maintenir tout allumé : notre intelligence, notre désir, notre amour. Rien de pire qu’un chrétien éteint ! Au lieu de mettre sur off, il nous faut paramétrer nos notifications intérieures pour être averti dès que de l’inattendu survient : c’est peut-être le Christ qui s’approche. Pierre à Gethsémani n’a pas su veiller une heure, alors que la bien-aimée du Cantique des cantiques demeure à l’affût : « je dors, mais mon cœur veille » (Ct 5,2).

Jésus ne connaissait la théorie du chaos qui annonce l’imprévisibilité radicale de ce qui va arriver. Mais il en a l’intuition spirituelle. Pour lui visiblement, le présent de Dieu n’est pas la simple prolongation du passé humain. Il peut se produire du neuf à tout instant, déjouant les plans, les stratégies, les calculs. « Vous ne savez pas… » : ce constat d’inconnaissance revient très souvent dans les Évangiles. « Vous ne savez pas quand ce sera le moment. [...] Vous ne savez pas quand vient le maître de la maison…»

Ici, c’est l’ignorance de la date du retour du maître parti en voyage, du royaume de Dieu lui-même. C’est « à l’improviste » que se manifeste l’arrivée du maître.
Le présent de Dieu ne peut donc pas se programmer, se planifier. Il n’est pas prédictible, plus encore que la météo à 15 jours. Surveiller ou contrôler ne sert à rien. C’est veiller qui est l’attitude juste, c’est-à-dire guetter les signes d’une ad-venue inattendue et imprévisible.
Le présent de la foi chrétienne est un événement, au sens littéral du terme : ex-venire = ce qui vient d’ailleurs. Il nous est donné par un Autre. Il échappe à toute mainmise.
Plus encore : ce présent nous vient du futur. Le Christ ressuscité venant à notre rencontre engendre dans notre vie ces événements par lesquels il nous invite à orienter notre existence vers la plénitude finale. « Deviens qui tu seras » : notre vocation en Christ reflue sur notre condition actuelle, tel le mascaret remontant de la mer au fleuve par l’embouchure en une étrange vague à contre-courant…
D’où le nom du temps liturgique qui commence : ad-ventus = Avent = ce qui vient vers nous.

 

Une soudaineté heureuse
Arrêtons-nous sur l’une des caractéristiques de la venue du Christ que nous célébrons en ce début d’Avent : la soudaineté. « S’il arrive à l’improviste (ξαφνης), il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis ».
Le terme grec employé par Marc est ξαφνης (exaiphnes). C’est l’unique usage de ce mot en Marc. Les 4 autres emplois du terme dans le Nouveau Testament nous en disent un peu plus :

À l’improviste ! dans Communauté spirituelle– La soudaineté de Noël évoquée par Luc à l’arrivée des bergers nous invite à écouter tout ce qui chante la gloire de Dieu, surtout quand elle se cache dans la figure du tout-petit : « Et soudain (exaiphnes) il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu… » (Lc 2,13)
– Luc raconte qu’un ‘possédé’ – un épileptique sans doute – est secoué par des crises subites et violentes, ce qui invitent plutôt à nous méfier de la soudaineté du déchaînement du mal qui peut tout emporter, tel l’oued au désert : « Un esprit le saisit, et aussitôt (exaiphnes) il pousse des cris; et l’esprit l’agite avec violence, le fait écumer, et a de la peine à se retirer de lui, après l’avoir tout brisé » (Lc 9,39).
– Les deux derniers usages du mot
soudain sont placés par Luc dans la bouche de Paul lorsqu’il raconte son appel sur le chemin de Damas : « Comme j’étais en chemin, et que j’approchais de Damas, tout à coup (exaiphnes), vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi » (Ac 22,6;9,3). Lorsque Dieu nous appelle, il est capable de le faire à l’improviste, alors que nous sommes loin de lui, voire contre lui comme Saül le persécuteur de chrétiens allant vers Damas accomplir sa sinistre besogne.

Ce qui est remarquable, c’est que la soudaineté divine dans le Nouveau Testament est une soudaineté heureuse, alors que dans l’Ancien Testament lorsque Dieu vient à l’improviste c’est pour provoquer la ruine et le malheur sur Israël infidèle ou sur ses ennemis.
- Ainsi la maison de Jacob s’écroule tout d’un coup, sans prévenir, sur sa famille : « Soudain un grand vent est venu depuis l’autre côté du désert et a frappé contre les quatre coins de la maison. Elle s’est écroulée sur les jeunes gens et ils sont morts » (Jb 1,19).
- Les pratiques de magie et de sorcellerie attireront de grandes souffrances se déversant à l’improviste sur ceux qui ont recours : « 
Ces deux souffrances – la perte d’enfants et le veuvage – t’atteindront en un instant, en un seul jour. Elles te frapperont de plein fouet malgré tous tes rites de sorcellerie, malgré toute la puissance de tes pratiques magiques » (Is 47,9).
- La dévastation arrivera de manière rapide et inattendue sur Jérusalem si elle délaisse son Seigneur :
« Fille de mon peuple, habille-toi d’un sac et roule-toi dans la cendre, prends le deuil comme pour un fils unique, verse des larmes, des larmes pleines d’amertume, car c’est de façon soudaine que le dévastateur viendra sur nous » (Jr 6,26).
« Je rends ses veuves plus nombreuses que les grains de sable de la mer. J’amène sur eux, sur la mère du jeune homme, le dévastateur en plein midi. Je fais soudain tomber sur elle l’angoisse et la terreur » (Jr 15,8).
« C’est pourquoi, voici ce que dit l’Éternel: Je prépare contre ce peuple un malheur dont vous ne dégagerez pas votre cou, et subitement vous ne marcherez pas la tête haute (Mi 2,3).
43292358 Avent dans Communauté spirituelle- Seul Malachie annonce un revirement en nourrissant l’espérance du peuple d’accueillir un jour le messager du Seigneur se manifestant dans son temple, à l’improviste, inattendu, presque par surprise : « Voici que j’enverrai mon messager pour me préparer le chemin. Et soudain, il entrera dans son Temple, le Seigneur que vous cherchez ; le messager de l’alliance que vous désirez, le voici qui arrive, dit l’Éternel, le maître de l’univers » (Mal 3,1). Les chrétiens n’ont eu aucun mal évidemment à reconnaître ce messager en Jésus au Temple de Jérusalem.

Il y a donc une inversion de sens de la surprise de l’un à l’autre Testament : du malheur et de la ruine survenant à l’improviste, on passe à la soudaine venue du Christ apportant jugement et salut.
Cette soudaineté sera heureuse pour ceux qui l’attendent, mais confondante pour ceux qui s’étaient endormis dans le luxe et l’injustice : « Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste » (Lc 21,34) ; « Quand les gens diront : ‘Quelle paix ! Quelle tranquillité !’, c’est alors que, tout à coup, la catastrophe s’abattra sur eux, comme les douleurs sur la femme enceinte : ils ne pourront pas y échapper » (1Th 5,3).
L’enjeu est de ne pas passer à côté de cette irruption soudaine de l’amour de Dieu dans nos vies. Celui qui regarde le ciel sans regarder ne verra pas l’étoile filante ni la météorite qui soudain traverse l’espace…

 

Marie Madeleine et le jardinier inattendu
Le pape Grégoire le Grand (540-604) a prononcé une homélie (n° 25) extraordinaire sur Marie-Madeleine. Il note qu’après avoir vu le tombeau vide, Simon-Pierre et Jean rentrèrent chez eux (ils ont même repris leur métier de pêcheur comme si de rien n’était), alors que Marie-Madeleine reste là, dehors, à pleurer, refusant d’être consolée et de passer à autre chose : « Les disciples s’en retournèrent donc chez eux. Marie, elle, se tenait près du tombeau, au-dehors, et pleurait » (Jn 20, 10-11).

 désir« Elle recherchait celui qu’elle ne trouvait pas, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée par le feu de son amour, elle brûlait du désir de celui qu’elle croyait enlevé. C’est pour cela qu’elle a été la seule à le voir, elle qui était restée pour le chercher, car l’efficacité d’une œuvre bonne tient à la persévérance, et la Vérité dit cette parole : Celui qui aura persévéré jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé.

Elle a donc commencé par chercher, et elle n’a rien trouvé ; elle a persévéré dans sa recherche, et c’est pourquoi elle devait trouver ; ce qui s’est produit, c’est que ses désirs ont grandi à cause de son attente, et en grandissant ils ont pu saisir ce qu’ils avaient trouvé. Car l’attente fait grandir les saints désirs. Si l’attente les fait tomber, ce n’était pas de vrais désirs. C’est d’un tel amour qu’ont brûlé tous ceux qui ont pu atteindre la vérité. Aussi David dit-il : ‘Mon âme a soif du Dieu vivant : quand pourrai-je parvenir devant la face de Dieu ?’ Aussi l’Église dit-elle encore dans le Cantique des cantiques : ‘Je suis blessée d’amour’. Et plus loin : ‘Mon âme a défailli’.

Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? On lui demande le motif de sa douleur, afin que son désir s’accroisse, et qu’en nommant celui qu’elle cherchait, elle rende plus ardent son amour pour lui ».

Grégoire pointe là très justement le lien entre la veille et la rencontre : le désir. Celui qui ne désire plus rien ne veille pas. Il vit en automate (métro, boulot, dodo) en satisfaisant ses besoins primaires sans rien attendre d’autre. En désirant d’un saint désir, Marie-Madeleine fait grandir sa capacité d’attendre, de veiller, même devant un tombeau vide où normalement plus rien ne va se passer. Grâce à cela elle ne manque pas l’étoile filante dans le ciel que Pierre et Jean ne voient pas tout de suite. Elle reconnaît être rencontrée, prenant pour le jardinier celui qu’elle recherchait de tout son être sans oser y croire. Comme s’il fallait jardiner notre désir pour rencontrer le Ressuscité…

Notre désir nous garde en état de veille, s’il est un saint désir assoiffé de l’essentiel. Voilà l’huile pour la lampe. Lorsque le Christ nous intime : « veillez ! », l’Esprit nous indique le chemin : « désire ! ». Désire, et ne cède pas sur ton désir, s’il est vrai. Voilà comment veiller sans cesse : en désirant sans cesse, en désirant davantage, en désirant mieux, en élargissant notre désir à ce que nous ne pouvons contenir.
Désire, et tu veilleras. Veille à entretenir en toi ce désir mieux que la flambée dans la cheminée.

 

Quelle est l’improviste dans ma vie ?
– Si la caractéristique de la venue du Christ en nous est son caractère ‘à l’improviste’, nous avons là une bonne piste pour chercher des indices de cette venue dans notre histoire personnelle et collective. L’inattendu de Dieu est cette fracture de la glace à la surface d’un lac gelé qui soudain nous fait deviner une autre profondeur. Dieu vient à nous comme un voleur, par effraction. À l’improviste il nous surprend lorsque quelque chose de non-calculé nous bouleverse : une musique, une rencontre, une lecture, un geste de tendresse, de compassion…
Le gratuit souvent nous ouvre ‘à l’improviste’.
Le calculé se déroule logiquement sans surprise.
Le marchandé s’obtient par négociation, pas par grâce.

– À l’improviste, Dieu vient vers nous par le biais de notre désir trouvant soudain de quoi flamber sans mesure.
Une amie récemment divorcée me confiait au téléphone : « je sens que depuis ma séparation, mon cœur se ferme peu à peu et ne veut plus aimer. Je ne me laisse plus émouvoir par un visage, et je résiste malgré moi à la perspective de recréer ce lien ». C’est si tentant de se dessécher sur place, et de ne plus rien vouloir pour ne plus rien souffrir. L’extinction du désir est une forme d’anorexie spirituelle qui conduit à la mort.
Cette extinction peut également se dissimuler sous la poursuite de désirs superficiels ou vains. Ainsi l’homme riche qui ne sait plus quoi faire de ses greniers pleins de blé va mourir gavé : « insensé, cette nuit même on va te demander ta vie ! »

identite-narrative-storytelling Grégoire– Une troisième piste - après l’inattendu et le désir - pour reconnaître la venue de Dieu en nous est de raconter ce qui nous est arrivé. J’ai toujours été impressionné que Luc dans les Actes des Apôtres raconte trois fois la conversion de Paul sur le chemin de Damas : ni une, ni deux, mais trois fois ! Pourquoi ? Parce qu’un événement aussi inattendu, improbable – voire choquant – que la conversion d’un persécuteur demande de raconter, d’écrire, pour interpréter et garder en mémoire une telle bousculade. Imaginez que Poutine change pour se mettre au service de la paix entre les peuples ! Cela mériterait d’être raconté en détails pour les générations à venir…
On rejoint là ce que Paul Ricœur appelait l’identité narrative : tant que je n’ai pas fait le récit de ce qui m’est arrivé, je ne sais pas qui je suis (et les autres non plus).
Veiller demande de parler, d’écrire, de raconter les événements inattendus où quelque chose de l’amour de Dieu s’est manifesté pour nous. Un peu comme l’étoile filante demande à être filmée sur un smartphone pour être ensuite publiée sur les réseaux sociaux : un témoin, une image, et la déchirure du ciel à l’improviste devient crédible, reconnue, archivée.

L’inattendu, le désir, le récit : faisons feu de tout bois pour que flambe en nous l’attente de la venue de Dieu vers nous, pour que la vigilance nous prépare à recevoir, à l’improviste

 

 

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! » (Is 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7)

Lecture du livre du prophète Isaïe
C’est toi, Seigneur, notre père ; « Notre-rédempteur-depuis-toujours », tel est ton nom. Pourquoi, Seigneur, nous laisses-tu errer hors de tes chemins ? Pourquoi laisser nos cœurs s’endurcir et ne plus te craindre ? Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais, les montagnes seraient ébranlées devant ta face.
Voici que tu es descendu : les montagnes furent ébranlées devant ta face. Jamais on n’a entendu, jamais on n’a ouï dire, nul œil n’a jamais vu un autre dieu que toi agir ainsi pour celui qui l’attend. Tu viens rencontrer celui qui pratique avec joie la justice, qui se souvient de toi en suivant tes chemins. Tu étais irrité, mais nous avons encore péché, et nous nous sommes égarés. Tous, nous étions comme des gens impurs, et tous nos actes justes n’étaient que linges souillés. Tous, nous étions desséchés comme des feuilles, et nos fautes, comme le vent, nous emportaient. Personne n’invoque plus ton nom, nul ne se réveille pour prendre appui sur toi. Car tu nous as caché ton visage, tu nous as livrés au pouvoir de nos fautes. Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes : nous sommes tous l’ouvrage de ta main.

PSAUME
(79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19)
R/ Dieu, fais-nous revenir ;que ton visage s’éclaire, et nous serons sauvés ! (79, 4)

Berger d’Israël, écoute,
resplendis au-dessus des Kéroubim !
Réveille ta vaillance
et viens nous sauver.

Dieu de l’univers, reviens !
Du haut des cieux, regarde et vois :
visite cette vigne, protège-la,
celle qu’a plantée ta main puissante.

Que ta main soutienne ton protégé,
le fils de l’homme qui te doit sa force.
Jamais plus nous n’irons loin de toi :
fais-nous vivre et invoquer ton nom !

DEUXIÈME LECTURE
Nous attendons de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ (1 Co 1, 3-9)

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, à vous, la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet, pour la grâce qu’il vous a donnée dans le Christ Jésus ; en lui vous avez reçu toutes les richesses, toutes celles de la parole et de la connaissance de Dieu. Car le témoignage rendu au Christ s’est établi fermement parmi vous. Ainsi, aucun don de grâce ne vous manque, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C’est lui qui vous fera tenir fermement jusqu’au bout, et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ. Car Dieu est fidèle, lui qui vous a appelés à vivre en communion avec son Fils, Jésus Christ notre Seigneur.

ÉVANGILE
« Veillez, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison » (Mc 13, 33-37)
Alléluia. Alléluia. Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. Alléluia. (Ps 84, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Prenez garde, restez éveillés : car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et demandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand vient le maître de la maison, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin ; s’il arrive à l’improviste, il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : Veillez ! »
Patrick BRAUD

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8 octobre 2023

Quand le travail ou l’habit nous coupent de Dieu

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quand le travail ou l’habit nous coupent de Dieu

Homélie pour le 28° Dimanche du temps ordinaire / Année A
15/10/2023

Cf. également :
Paul et Coldplay, façon Broken
Le festin obligé
Tenue de soirée exigée…

Allez venez, Milord
Un festin par-dessus le marché
Je vis tranquille au milieu des miens
La sobriété heureuse en mode Jésus
Ecclésia permixta


Une fois n’est pas coutume, nous reproduisons ici l’excellente prédication du Pasteur Louis Pernot du 17/06/2018, de l’Église protestante Unie de l’Étoile (75017, Paris), qui parcourt les différentes interprétations possibles de la parabole de ce dimanche (Mt 22,1-14) [1].

La parabole des noces est particulièrement difficile, il y est question de gens égorgés pour avoir refusé l’invitation du maître, et dans la version de Matthieu se trouve la difficile question du cas du pauvre invité qui n’avait pas d’habit de noce à se mettre et qui se trouve chassé dehors. Comme pour toute parabole, il n’y a pas une seule explication, mais une multitude, et on peut donc en présenter quelques-unes.

Lecture historique
Parabole des invités à la noce (Évangile)
La première est une lecture historico-critique, c’est celle que l’on trouve le plus souvent dans les commentaires protestants d’aujourd’hui, et c’est peut-être la moins intéressante. Elle consiste à replacer la parabole dans le contexte dans lequel elle a été écrite (certains pensant même qu’elle ne serait pas l’œuvre du Christ, mais d’un rédacteur postérieur issu d’une des premières communautés chrétiennes). On se trouvait donc dans une situation historique de conflit entre les juifs et les chrétiens qui ouvraient leurs portes aux non juifs. Ainsi on verrait Dieu qui inviterait d’abord les juifs dans son programme de salut lié au Christ qui est l’époux, mais ceux-ci ne voulant pas, finalement, Dieu les renvoie dans leurs ténèbres et ouvre le Royaume aux païens.

Peut-être est-ce juste, mais cela n’a aucun intérêt herméneutique pour nous aujourd’hui. Nous ne sommes plus dans cette situation, et cette lecture ne peut donner aucun sens à notre vie. Il faut donc la laisser aux historiens s’ils en veulent.

 
Lecture sociale
Quand le travail ou l'habit nous coupent de Dieu dans Communauté spirituelle QWZT4GSSIVBD5CJJRDV2YVE3P4
Dans les années 70, il y a eu une mode de chercher dans l’Évangile des leçons de politique. On a alors pu faire une lecture sociale de cette parabole. Cette lecture pour séduisante qu’elle peut être est encore plus dangereuse que la précédente parce qu’elle semble donner du sens. Le banquet est alors vu comme l’image d’un pays, d’une société. Tout le monde y est bienvenu, il n’y a pas de mérite à faire partie d’un pays et il ne doit pas y avoir d’examen d’entrée, tout le monde étant accueilli, « méchants et bons ». Cela fait plaisir à ceux qui ont une sensibilité de gauche, mais les autres se réjouiront de la fin : l’invité qui est renvoyé parce qu’il n’avait pas d’habit de noces nous montre que ce n’est pas le tout d’être accueilli, il faut encore respecter les modes de vies et les manières de la société dans laquelle on prétend être, il faut en respecter le codes, sinon on s’exclue soi-même ; on ne peut pas profiter d’un pays sans en suivre les règles et les normes sociales. Cette histoire de vêtement risque de résonner particulièrement dans notre société actuelle où se pose la question du port du voile islamique, et tendrait alors à dire qu’il ne faudrait pas le tolérer.

Mais ce genre de lecture est malhonnête, elle consiste à faire dire au texte ce qu’il ne veut pas dire. Les problématiques sociales ou politiques sont différentes, les contextes ne sont pas les mêmes, il ne faut pas instrumentaliser la Bible pour la mettre au service de ses propres convictions politiques.

 
Lecture ecclésiologique
le bon grain et l'ivraie : une Eglise mélangée
Dans les débuts du christianisme, les Pères de l’Église faisaient, eux, de cette parabole une lecture ecclésiologique. Ce banquet de noces était vu comme une image de l’Église rassemblant des fidèles autour du Christ qui est l’époux. Se pose alors la question de savoir qui peut faire partie de l’Église. A priori, Dieu préférerait que ce soit les justes. Mais comme tous ne veulent pas faire partie de l’Église alors il invite largement « méchants et bons ». La condition d’appartenance à l’Église n’est donc pas un jugement moral ou sur les œuvres, mais simplement de se sentir appelé. C’est ainsi que l’Église n’est pas une communauté de purs, mais un corpus permixtum selon l’expression de saint Augustin : un corps mélangé de bons et de mauvais. Mais on voit que bon ou mauvais, il y a une seule condition pour être accepté dans l’Église : revêtir le vêtement de noces, habit que les Pères de l’Église regardaient comme étant le vêtement blanc du baptême. Ainsi pour eux, tout le monde est appelé à faire partie de l’Église, bons et mauvais, et pour en faire partie, il faut être baptisé.

 
Lecture apocalyptique
On en arrive alors à une lecture que l’on pourrait appeler apocalyptique, ou eschatologique, c’est-à-dire où l’enjeu ne serait non pas l’appartenance à l’Église comme institution ou société, mais d’être accueilli dans le Royaume de Dieu, d’avoir la chance d’être dans la présence de Dieu, et ainsi de trouver cette joie, cette communauté chaleureuse et nourrissante réunie autour du maître pour participer à une fête donnant plénitude, bonheur et communion fraternelle.

Noces festin dans Communauté spirituelleCette présentation du Royaume comme un banquet de noces est déjà en soi une affirmation importante : Dieu ne nous demande pas des privations, des renoncements, des souffrances pour mériter d’être accueilli par lui, mais simplement d’accepter de venir, et sa présence est ensuite une fête.

C’est certes une bonne nouvelle mais cela peut aussi nous interroger sur notre vie spirituelle : est-ce que la religion, la foi dans notre, vie sont vécues comme des pensum, des obligations, des contraintes ? La vérité c’est que la foi dans notre vie doit être non pas de l’ordre du devoir, mais comme une source de joie extraordinaire.

Reste donc la question de savoir comment accéder à cette joie extraordinaire d’être dans cette fête qui est la présence de Dieu, quelles sont les conditions pour en faire partie ?

Il ne faut pas aller trop vite dans l’universalisme, certes, à la fin tout le monde est invité, mais on voit au début que Dieu privilégie tout de même ceux qui sont les plus proches de lui. Il y en a tout certains qui sont invités avant les autres : ceux sans doute qui ont une vie plutôt bien réglée, ou qui sont, culturellement, familialement ou traditionnellement proches de la religion, de la foi ou de Dieu. Mais la parabole nous montre ce que nous observons souvent, c’est que ceux qui sont a priori les plus baignés dans la foi chrétienne en négligent souvent les dons et n’en reconnaissent pas les merveilles, ils les méprisent ou les sous-estiment, tout cela leur semblant ordinaire. Tant pis pour eux, ils s’excluent eux-mêmes de la joie du Royaume. Pour en bénéficier, il ne suffit pas d’être d’une famille chrétienne, il faut vouloir soi-même s’extraire un temps de son activité, de son commerce, de ses loisirs pour aller concrètement dans la présence de Dieu, prendre conscience de la chance d’être invité et entrer dans la noce.

Ce problème de notre temps était donc déjà celui du temps de Jésus et c’est pourquoi il fustige souvent les pharisiens, professionnels de la pratique religieuse, incapables de voir la joie que peut donner la grâce de Dieu, et il leur dit ainsi : « beaucoup de prostitués et de péagers vous devanceront dans le royaume de Dieu… ». Parce que ces pécheurs, eux, ils sont capables de recevoir et ils savent que Dieu a beaucoup à leur donner. La parabole va même très loin, puisqu’elle dit que ceux qui avaient le plus de raisons d’être invités en premier finalement n’étaient « pas dignes  » de ce banquet. Ainsi la seule dignité que nous pouvons avoir n’est pas notre mérite personnel ou notre bonne situation, sociale ou religieuse, notre bonne pratique, mais la disponibilité par rapport à Dieu, accepter de recevoir quelque chose de lui. La joie du Royaume ne vient pas de nos propres mérites, mais de notre capacité à nous ouvrir à ce que Dieu nous donne par grâce. C’est une révolution absolue dans la manière de voir la valeur spirituelle de notre vie.

 
Maintenant les punitions…
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Cela dit les punitions du verset 7 semblent montrer un Dieu tout à fait éloigné de l’image de bonté et de grâce que nous avons. Mais comme souvent, quand la Bible nous montre ainsi ce qui semble des punitions divines, il faut comprendre qu’il s’agit plutôt de mises en garde concernant les conséquences de certains comportements ou façons d’être ou de penser, conséquences inévitables plutôt que punitions rageuses d’un Dieu jaloux. La vérité, c’est que celui qui refuse la joie qu’on lui propose se condamne lui-même à la tristesse. Dieu veut accueillir tout le monde dans sa présence, mais celui qui refuse de répondre à cet appel, évidemment que Dieu ne le fera pas venir de force. Celui qui refuse la vie éternelle pour ne rester que dans une sorte d’égoïsme animal n’est pas tué par Dieu, mais restant dans le règne animal mourra comme un animal qu’il est. Et n’être mû que pas son propre intérêt pour ses activités matérielles, son plaisir, refusant d’entrer en relation avec d’autres, même sans utilité, pour le simple plaisir de la relation, ne permet pas de construire une « ville ». Une société ne peut pas tenir uniquement sur des motivations utilitaires et égoïstes. Il y a là quelque chose d’infiniment vrai dans l’avertissement des conséquences du refus de prendre part au banquet.

 
Et le plus gros problème : le vêtement de noces.
Robe de mariée traditionnelle chinoise
Mais par contre, il semble plus difficile de défendre l’attitude du maître qui après avoir invité tout le monde renvoie dehors le convive ne possédant pas l’habit de noces. On imagine l’injustice vis-à-vis de ce pauvre hère ramassé sur les chemins et n’ayant pas les moyens de se payer un habit correct. Si c’était pour le mettre dehors, le maître aurait mieux fait de ne pas l’inviter du tout.

Il y a cependant une explication assez simple que l’on entend parfois. Il paraît que le vêtement de noces était prêté par l’hôte à ses invités. Les gens venaient en effet de loin, et arrivaient souvent à pieds avec un vêtement de voyage poussiéreux, et à l’entrée de la salle des noces, il y avait donc un vestiaire où l’on offrait un vêtement de noces à chaque invité entrant dans la salle. Ainsi ce n’est pas que le convive n’avait pas eu les moyens de s’offrir un bel habit, mais il a refusé le cadeau qui lui était offert à l’entrée. Ou plutôt il a refusé de jouer le jeu de la noce, alors même que cela ne lui coûtait rien.

Ce convive représente donc le mauvais usage de la grâce : il voulait profiter simplement, mais en gardant une distance et sans s’associer à la logique du banquet qui était celle de la grâce. On reproche ainsi parfois à la théologie de la grâce des protestants d’être un peu trop facile : si tout est pardonné, si nous sommes acceptés sans condition, alors chacun peut faire n’importe quoi. Mais ce n’est pas la conception de la grâce proposée par l’Évangile, et ce n’est pas celle que nous prêchons. La grâce n’est pas un laxisme permettant de faire n’importe quoi, c’est une logique dans laquelle il faut entrer. Certes, chacun est bienvenu et accueilli, mais pour rester dans cette grâce et qu’elle devienne efficace, il faut vouloir la revêtir, en faire son habit, la montrer comme recouvrant notre vie imparfaite, en faire son identité, le cœur de sa vie, sa logique d’existence.

On ne peut pas prendre qu’une partie de la grâce, (comme le convive qui se contente d’être content de manger gratuitement au banquet), la grâce est un cadeau formidable, mais on ne peut pas en profiter indéfiniment pour faire n’importe quoi. Elle ne devient efficiente et on ne peut y rester que si on l’accepte pour qu’elle devienne une part de nous-mêmes. Il faut accepter de changer de vêtement, dépouiller le vieil homme pour revêtir l’homme nouveau. (Ep 4,17-24). Il n y a aucune condition pour pouvoir faire cela, aucun mérite demandé, il faut simplement le vouloir.

 
Problème du vêtement offert : un peu facile.
L’explication par le vêtement offert est séduisante, mais elle a des défauts. D’abord, les prédicateurs se la repassent comme une aubaine, mais personne ne dit d’où cela vient, ni n’est capable de citer une source, un texte antique expliquant cela. Peut-être est-ce vrai, mais cela sème le doute. Cette explication ne serait-elle pas trop plaisante pour être vraie ? Et d’ailleurs elle est dommage : elle ramollit le texte en le rendant facile et plausible. Or peut-être que précisément la difficulté du texte est intéressante. C’est tout de même souvent le cas dans la prédication du Christ, et on pourrait se demander si justement ce qui est dit là, c’est que le roi demande à son hôte quelque chose d’impossible pour lui.

On peut alors trouver plusieurs solutions. La première se trouve en regardant bien le texte. Le maître en effet voit l’hôte sans vêtement de noces, et ce n’est pas pour ça qu’il le met dehors : il lui parle, il lui dit : « mon ami, pourquoi n’as-tu pas de vêtement de noces ? ». Il n’y a aucune hostilité, au contraire, il l’appelle « ami » ce qui n’est pas rien. Et le texte dit qu’il ne répondit rien. C’est alors qu’il est mis dehors. L’hôte n’est donc pas mis dehors parce qu’il n’avait pas le bon vêtement, mais parce qu’il n’a pas parlé au maître. C’est cela qui est grave, certes il n’était pas parfait, ce qui peut être une image du péché, mais aucun de nous n’est parfait, ce qui est grave, c’est qu’il n’ait rien dit. Il aurait pu demander pardon. Personne ne nous reproche d’être imparfait, mais il faut avoir conscience de sa pauvreté, la reconnaître, la « confesser », ce qui veut dire la dire publiquement à Dieu et aux hommes. Dieu ne nous demande pas d’être sans péché, mais simplement d’accepter de rester en relation avec lui par la parole. Refuser de répondre, c’est se couper de Dieu, or c’est la relation avec Dieu qui nous sauve, c’est la parole qui s’échange entre Dieu et nous qui permet de dépasser toute notre imperfection et notre péché.

 nocesUne deuxième solution consiste à se rappeler qu’il ne s’agit pas d’une histoire vraie, mais d’une parabole, c’est-à-dire d’une comparaison. Dans la réalité, on sait bien qu’un pauvre n’a pas forcément les moyens de s’acheter un bel habit, mais là il ne s’agit pas de vêtement matériel, mais d’habit spirituel. Or tout le monde, quelle que soit sa richesse matérielle, peut s’habiller spirituellement pour rencontrer Dieu. Pour être dans la joie de la présence de Dieu, il faut s’habiller le cœur, il y a une démarche spirituelle pour essayer, tant que possible, d’élever son âme à Dieu. Ça c’est possible pour tous. Celui qui ne veut faire aucun chemin vers Dieu, mais juste se dire qu’il peut en profiter sans aucune démarche personnelle risque fort de ne pas comprendre la richesse de la grâce.

Revêtir un vêtement de noces pour rencontrer Dieu, c’est spirituellement ne pas rester en vêtement de travail, ou de voyage, mais s’habiller seulement pour la fête, pour Dieu. C’est le sens aussi du Sabbat : il faut garder du temps pour Dieu seul et ne pas toujours et sans cesse travailler, sinon on risque de passer à côté de Dieu. Il faut que dans sa vie on ne soit pas toujours en vêtement de travail, ou même en vêtements ordinaires, mais qu’on mette parfois un beau vêtement pour ne rien faire et juste se présenter devant Dieu, garder un temps pour entrer en relation avec Dieu pour la joie et la fête. Et cela n’est pas une question d’habit matériel donc, mais de disposition mentale et spirituelle, c’est possible à tous, et même aux plus pauvres.

L’Église d’une certaine manière concrétise cela, c’est un lieu où l’on va pour se reposer du chemin que l’on parcourt, ou du travail que l’on accomplit, juste pour savourer la joie et le bonheur d’être avec des frères et des sœurs. L’Église comme lieu de la présence de Dieu est un lieu de ressourcement, d’altérité par rapport au quotidien où l’on s’ouvre à l’extraordinaire. Et dans la présence de Dieu chacun est comme une mariée ou un marié à la noce, entouré de joie, de fête, d’amitié, de tendresse et d’amour. « Venez dit le Seigneur… car tout est prêt ! »

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur préparera un festin ; il essuiera les larmes sur tous les visages » (Is 25, 6-10a)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Le Seigneur de l’univers préparera pour tous les peuples, sur sa montagne, un festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés. Sur cette montagne, il fera disparaître le voile de deuil qui enveloppe tous les peuples et le linceul qui couvre toutes les nations. Il fera disparaître la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages, et par toute la terre il effacera l’humiliation de son peuple. Le Seigneur a parlé.
Et ce jour-là, on dira : « Voici notre Dieu, en lui nous espérions, et il nous a sauvés ; c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! » Car la main du Seigneur reposera sur cette montagne.

PSAUME
(Ps 22 (23), 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6)
R/ J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. (Ps 22, 6cd)

Le Seigneur est mon berger :
je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche,
il me fait reposer.

Il me mène vers les eaux tranquilles
et me fait revivre ;
il me conduit par le juste chemin
pour l’honneur de son nom.

Si je traverse les ravins de la mort,
je ne crains aucun mal,
car tu es avec moi,
ton bâton me guide et me rassure.

Tu prépares la table pour moi
devant mes ennemis ;
tu répands le parfum sur ma tête,
ma coupe est débordante.

Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie ;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours.

DEUXIÈME LECTURE
« Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4, 12-14.19-20)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens
Frères, je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance. J’ai été formé à tout et pour tout : à être rassasié et à souffrir la faim, à être dans l’abondance et dans les privations. Je peux tout en celui qui me donne la force. Cependant, vous avez bien fait de vous montrer solidaires quand j’étais dans la gêne. Et mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus. Gloire à Dieu notre Père pour les siècles des siècles. Amen.

ÉVANGILE
« Tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce » (Mt 22, 1-14)
Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus se mit de nouveau à parler aux grands prêtres et aux pharisiens, et il leur dit en paraboles : « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir. Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : ‘Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.’ Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville. Alors il dit à ses serviteurs : ‘Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes. Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.’ Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Il lui dit : ‘Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?’ L’autre garda le silence. Alors le roi dit aux serviteurs : ‘Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.’ Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »
Patrick BRAUD

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28 mai 2023

Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Trinité : quelle sera votre porte d’entrée ?

Homélie pour le Dimanche de la fête de la Trinité / Année A
04/06/2023

Cf. également :
La structure trinitaire de l’eucharistie
La Trinité est notre programme social

Trinité économique, Trinité immanente
Les trois vertus trinitaires
Vivre de la Trinité en nous
La Trinité, icône de notre humanité
L’Esprit, vérité graduelle
Trinité : Distinguer pour mieux unir
Trinité : ne faire qu’un à plusieurs
Les bonheurs de Sophie
Trinité : au commencement est la relation
La Trinité en actes : le geste de paix
La Trinité et nous

Sur les chemins noirs
Sur les chemins noirs
Le film sorti en mars 2023 adapte à l’écran le roman éponyme de Sylvain Tesson, sorti en 2016. On y suit la marche en travers de la France d’un homme qui a vu sa vie basculer, littéralement, après une chute d’un balcon d’immeuble lors d’une soirée parisienne trop arrosée… Fracassé de partout, le corps en miettes, il voit également voler en éclats son couple, son mode de vie de bobo parisien gâté, superficiel et léger… Plusieurs mois de marche seront pour lui comme un reset informatique : il cherche à se retrouver lui-même en se perdant sur des chemins qui n’existent plus sur les cartes, les fameux chemins noirs qui pourtant permettent de traverser la France dans toute la splendeur de ses paysages sauvages.

On retrouve dans son livre nombre des motivations de ceux qui prennent la route pour marcher, dans une sorte de pèlerinage sans transcendance.
Sylvain Tesson voulait :
- réparer son corps fracturé en miettes. La marche serait une guérison.
- fuir le progrès technique envahissant, et retrouver la belle France loin des artifices
- surmonter le deuil de sa mère qui visiblement l’obsédait depuis longtemps
- redevenir libre, quitte à provoquer le départ de sa compagne d’avant
- écrire, écrire, jour après jour, comme les Pères Blancs en Afrique tenaient leur diaire en notant soigneusement les évènements et ce que cela leur s’inspirait
- refaire à l’envers l’itinéraire de sa vie (les flash-backs sont omniprésents), comme si la réparation du corps nourrissait la réparation de l’esprit
- partager un bout de route avec sa sœur, un ami, des inconnus croisés sur les chemins noirs pendant quelques jours…
Jean Dujardin est comme d’habitude formidable dans ce film. Le rythme en est très lent, rempli des méditations métaphysiques et philosophiques de l’auteur, un brin intello donc malgré les paysages superbes traversés (du Mercantour à La Hague). Il en bave, littéralement (crise d’épilepsie en route !), mais il s’accroche…

Ils sont des milliers comme Sylvain Tesson à marcher sur des chemins intérieurs inconnus, tout en se dirigeant vers Saint-Jacques-de-Compostelle, ou Rome ou Jérusalem, ou tout simplement le long des côtes et des forêts. Ils sont les vivants témoins d’une aspiration spirituelle que la vie artificielle des villes et leur confort ne peut combler. Ces aventuriers des profondeurs intimes n’iront pas forcément chercher du côté des grandes religions ou institutions officielles. Mais ils sont mus par un dynamisme plus grand qu’eux-mêmes. Dieu serait peut-être un trop gros mot pour eux, alors que la dimension spirituelle leur est familière. Liturgie, rituels, Églises ou Évangile ne sont pas dans leur référentiel, mais la contemplation, l’émotion devant l’harmonie du monde et la communion avec lui font bien partie de leur démarche.

En cette fête de la Trinité, célébrer le Dieu Un en trois personnes peut nous inviter à distinguer différents portes d’entrée dans le mystère. Qui pourrait prétendre le posséder tout entier ? Il faut bien cheminer vers l’au-delà de tout. Et l’entrée est différente pour chacun, comme les 12 portes de la Jérusalem céleste.

 

1. Entrer en Dieu par l’intériorité
Trinité 3 portes d'entrée Esprit
C’est la voie de Sylvain Tesson sur les chemins noirs du Mercantour au Cotentin. C’est sans doute la vision privilégiée pour bon nombre de nos contemporains en Europe. Lassés de la transcendance des pouvoirs autoritaires non démocratiques, méfiants envers les récupérations de toutes sortes, ils cherchent une réconciliation intérieure, une unité personnelle, une harmonie avec l’univers. L’hypersensibilité écologique actuelle - qui se traduit chez les jeunes par une surprenante éco-anxiété presque pathologique - remet à l’honneur des thèmes qui ont bien des résonances avec le patrimoine monastique, mystique et patristique chrétien. Ainsi la communion avec la nature, la continuité du vivant, le respect de toute forme d’existence, l’intuition d’un ordre naturel à préserver, la redécouverte d’une sobriété presque franciscaine etc.

Les discours souvent nébuleux des gourous en développement personnel et autres  techniques de bien-être reprennent sans le savoir des éléments de la spiritualité des Pères du désert, de la mystique rhénane, des béguines du Nord ou des grandes figures de l’aventure intérieure chrétienne (la nuit de la foi de Saint Jean de la Croix, le château de l’âme de Thérèse d’Avila, la petite voie de l’enfance de Thérèse de Lisieux, la sobriété heureuse de François d’Assise etc…).

Ces courant de quête intérieure ne signeraient pas forcément pour être appelés « spirituels ». Pourtant, c’est bien l’Esprit de Dieu qui suscite en eux inquiétude, soif d’absolu, désir d’unité et recherche d’harmonie. Car l’Esprit est l’unité des Trois, et la communion qu’il réalise entre le Père et le Fils est l’autre nom de l’harmonie dont ont soif les marcheurs sur les chemins noirs.

C’est le même Esprit qui affleure à la surface d’une émotion musicale, ou plus largement artistique. L’art a cette capacité de bouleverser les certitudes, de laisser transparaître l’infini, d’annoncer qu’il y a en l’homme et autour de lui de l’infiniment grand.

C’est l’Esprit encore qui est à l’œuvre dans la rationalité si pointue de nos technologies récentes. Les meilleurs physiciens vous le diront : les sciences du XXI° siècle réintroduisent de la liberté, de l’imprévisible, de l’étonnement et même de l’émerveillement devant le réel plus complexe que nos représentations, jouant à cache-cache avec nous comme Dieu avec Élie sur le mont Carmel.

Ajoutons que cette porte d’entrée en Dieu qu’est la spiritualité sous toutes ses formes a  l’immense mérite aujourd’hui d’être féminine. En effet, l’intériorité, la communion, le ‘care’, l’accueil au lieu de la prédation, tout cela relève d’une symbolique plutôt féminine. Et en hébreu, n’oublions jamais que l’Esprit est féminin : la « Ruah YHWH » – souffle divin – est répandue sur toute chair et informe la vie de Dieu en chacun.

Enfin, nul doute que l’évangélisation des immenses Inde et Chine devra mettre en avant cette porte d’entrée spirituelle : les sagesses millénaires de ces deux tiers de l’humanité sont comme des préparations évangéliques sur lesquelles planter, semer et récolter.

 

2. Entrer en Dieu par la fraternité
Trinité 3 portes d'entrée FilsCette porte d’entrée est plus familière aux générations de la deuxième moitié du siècle dernier. C’est celle des combats pour la justice sociale dans lesquels nous avons vu le Royaume de Dieu se rapprocher. C’est celle de la fraternité universelle, que la mondialisation libérale a trahie mais dont le rêve ne peut pas disparaître. C’est la voie royale de tous ceux que la figure historique du Christ éblouit par son audace, son humanité, son courage, sa vérité anthropologique. On espère toujours des prophètes pour notre temps, et les Évangiles n’ont rien perdu de cette force prophétique-là, capable de renverser les puissants de leur trône et d’élever les humbles. En Jésus de Nazareth, l’amour du prochain conduit à l’amour de Dieu et réciproquement.

La compassion sociale, les combats pour le logement, la santé, la dignité des plus pauvres etc. sont toujours portés à bout de bras par les innombrables associations chrétiennes. Même l’État-providence doit reconnaître que ce souci du vivre ensemble lui a en partie été légué par le christianisme, qui parle du sacrement du frère indissociable de celui de l’autel.

L’aspiration à la fraternité est universelle. Elle est le signe de notre vocation à nous retrouver tous en Christ : faire corps avec lui nous rend solidaires les uns des autres, et réciproquement.

Entrer en Dieu par la fraternité demeure le tapis rouge déroulé sous les pieds de ceux qui se battent pour l’homme, tout l’homme, tous les hommes.

 

3. Entrer en Dieu par la transcendance
Trinité 3 portes d'entrée PèreC’est la porte d’entrée traditionnelle des civilisations antiques. Fascinées par le soleil, la foudre ou la puissance vitale, les religions d’autrefois situaient les dieux au-dessus, dans un autre monde, plus grands que l’homme. Les monothéismes ont canalisé cette peur du sacré,  et le judaïsme a consacré Dieu comme le Tout-autre, l’ineffable, le plus grand que tout, celui dont on ne peut prononcer le nom : YHWH. L’islam a repris cette proclamation du Dieu unique, en l’appauvrissant quelque peu puisque l’Esprit de Dieu de la Genèse – la Ruah YHWH - n’est plus connue dans le Coran.

La grandeur de la Création, de l’esprit humain, les merveilles de l’infiniment grand comme de l’infiniment petit sont encore en Occident des voies d’initiation au divin. L’homme passe l’homme, disait Pascal : l’humanisme occidental n’en finit pas de s’émerveille de la grandeur de l’esprit humain. Et les scientifiques pointant leurs télescopes vers l’origine de l’univers  où explorant les interactions quantiques en ressortent troublés, interrogatifs : d’où vient la grandeur de ce qui nous entoure ?

Transcendance, altérité, différence : tous ceux qui sont sensibles à ces dimensions du vivant, du réel, ne sont pas loin de découvrir le Dieu-Père de la Bible, irréductible à toute projection humaine, si grand et pourtant si proche…

 

Trois accès à la déité
Ces 3 portes d’entrée conduisent, par des chemins différents, à expérimenter peu à peu la vie de Dieu, la vie en Dieu. Ce que les orthodoxes appellent la divinisation, selon la belle définition de Pierre : « de la sorte nous sont accordés les dons promis, si précieux et si grands, pour que, par eux, vous deveniez participants de la nature divine » (2P 1,4).

Au XIV° siècle, Maître Eckhart a proposé d’appeler déité ce fonds commun aux 3 personnes de la Trinité. La déité est la nature divine, faite de communion, d’amour, de relation, qui unit le Père et le Fils dans le baiser commun de l’Esprit [1]. La déité est la présence de Dieu en nous, qui nous permet de participer à la vie divine et de devenir un avec lui.

On peut risquer alors une schématisation d’ensemble des 3 accès à la déité évoqués plus haut :

Trinité 3 portes d'entrée

Bien sûr, il faudrait également explorer les interactions entre ces 3 chemins, car celui qui avance sur une de ces voies se rapproche nécessairement des deux autres. L’Esprit nous révèle le Père qui nous dévoile le Fils. Le Fils n’est rien sans son Père, et l’Esprit est commun aux deux etc.

Il nous suffit pour ce dimanche de méditer sur notre propre perception de la Trinité : à quelle dimension parmi les 3 suis-je le plus sensible ? Comment m’ouvrir aux deux autres ?
Et pour mes proches, ceux dont je suis responsable : quelle porte leur ouvrir ? Comment me mettre au service de leur chemin à eux vers Dieu, qui n’est pas le mien ?

 


[1]. En islam, la notion de déité est exprimée à travers le concept de tawhid, qui se traduit littéralement par « unicité » ou « unité ». Tawhid est considéré comme le fondement de la foi islamique, et il affirme que Dieu est un et unique, sans aucun associé ni égal. Ainsi, bien que le concept de déité ne soit pas explicitement utilisé en islam, le concept de tawhid exprime une notion similaire d’une réalité divine unique et absolue, qui est au-dessus de tout ce qui existe et qui est la source de toute création.

 


LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux » (Ex 34, 4b-6.8-9)

Lecture du livre de l’Exode
En ces jours-là, Moïse se leva de bon matin, et il gravit la montagne du Sinaï comme le Seigneur le lui avait ordonné. Il emportait les deux tables de pierre. Le Seigneur descendit dans la nuée et vint se placer là, auprès de Moïse. Il proclama son nom qui est : LE SEIGNEUR. Il passa devant Moïse et proclama : « LE SEIGNEUR, LE SEIGNEUR, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et se prosterna. Il dit : « S’il est vrai, mon Seigneur, que j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne marcher au milieu de nous. Oui, c’est un peuple à la nuque raide ; mais tu pardonneras nos fautes et nos péchés, et tu feras de nous ton héritage. »

CANTIQUE
(Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56)
R/ À toi, louange et gloire éternellement ! (Dn 3, 52)

Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de nos pères : R/
Béni soit le nom très saint de ta gloire : R/
Béni sois-tu dans ton saint temple de gloire : R/

Béni sois-tu sur le trône de ton règne : R/
Béni sois-tu, toi qui sondes les abîmes : R/
Toi qui sièges au-dessus des Kéroubim : R/
Béni sois-tu au firmament, dans le ciel, R/

DEUXIÈME LECTURE
« La grâce de Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit » (2 Co 13, 11-13)

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous. Saluez-vous les uns les autres par un baiser de paix. Tous les fidèles vous saluent.
Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous.

ÉVANGILE
« Dieu a envoyé son Fils, pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 16-18)
Alléluia. Alléluia. Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit : au Dieu qui est, qui était et qui vient ! Alléluia. (cf. Ap 1, 8)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement ; celui qui ne croit pas est déjà jugé, du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.
Patrick BRAUD

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