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7 juillet 2024

Amos, notre Jiminy Cricket

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Amos, notre Jiminy Cricket 

 

Homélie pour le 15° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

14/07/24

 

Cf. également :

Obligation de moyens, pas de résultat
Deux par deux, sans rien pour la route
Le polythéisme des valeurs
Plus on possède, moins on est libre
Secouez la poussière de vos pieds
Medium is message
Briefer et débriefer à la manière du Christ
Zachée : le juste, l’incisé et la figue


Jiminy Cricket, la conscience de Pinocchio

Vous souvenez-vous de cet adorable personnage du dessin animé de Walt Disney ? Ce petit criquet si élégant avec son parapluie, sa canne et son chapeau rapiécé incarnait la conscience de Pinocchio, pour l’avertir avant que son nez ne s’allonge…

Nous avons tous en nous cette petite voix, telle la stridulation du grillon dans nos pelouses les soirs d’été… Comme Jiminy Cricket [1] à Pinocchio, cette voix intérieure nous murmure : « Fais ceci, évite cela ».

« Évite le mal, fais ce qui est bien, et tu auras une habitation pour toujours » (Ps 36,27).

« Évite le mal, fais ce qui est bien, poursuis la paix, recherche-la » (Ps 34,15).


Le concile Vatican II parle de la conscience comme d’un sanctuaire intime inviolable devant lequel même l’autorité de l’Église doit s’incliner :
« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur. Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain » (Gaudium et Spes n° 16).

Le héros de la première lecture de ce dimanche est un peu le Jiminy Cricket d’Israël, la conscience des rois de Juda et des prêtres de Béthel. Quand les puissants ont étouffé en eux la petite voix, quand ils ont muré la porte du sanctuaire de leur conscience, il faut bien qu’alors une voix extérieure les alerte, les réveille, fasse tomber les murailles de leur forteresse intime.

Amos a été choisi par Dieu pour cela : secouer le trône des puissants afin qu’ils écoutent YHWH, empêcher les riches de dormir tranquilles sur leur fortune, déstabiliser les exploiteurs en leur donnant littéralement une mauvaise conscience.

Jiminy Cricket multiplie les astuces pour avertir Pinocchio et le détourner de ses mauvais choix ; Amos multiplie ses avertissements et les prises de parole pour dénoncer la corruption des prêtres et des riches dans les règnes de Jéroboam II en Israël et de Josias en Juda, vers 750 av. J.-C.

Notre Amos intérieur continue ce travail en nous aujourd’hui.

Comment entendre cette petite voix ?

Essayons de nous approprier quatre caractéristiques de la mission d’Amos, afin que Jiminy Cricket ne cesse de striduler à nos oreilles : Amos est l’homme des visions / du fardeau / des sycomores / qui dérange.

 

1. L’homme-aux-visions

Amos, notre Jiminy Cricket dans Communauté spirituelle Three-VisionsOn connaissait « l’homme-aux-songes » qu’était Joseph pour ses frères et Pharaon (Gn 37,19). Voilà maintenant « l’homme-aux-visions » qu’est Amos pour les prêtres de Béthel ! Notre lecture fait bien la distinction entre voyant et prophète : « Le prêtre Amatsia dit à Amos : Homme-aux-visions, va-t’en, fuis dans le pays de Juda; manges-y ton pain, et là tu prophétiseras » (Am 7,12). Une chose est d’avoir des visions, une autre est de prophétiser. La vision désigne une représentation mentale et spirituelle, une sorte de reconstitution virtuelle en 3D de ce qui est en train de se tramer dans le royaume. Comme s’il était coiffé d’un casque de réalité virtuelle, Amos voit clairement ce qui est en jeu dans le dérèglement actuel du pays : les effrayantes inégalités sociales et l’oppression des plus pauvres sont en train de miner la cohésion sociale et de contredire l’Alliance avec YHWH.

Dans le langage imagé de la Bible, cela donne un nuage de sauterelles qui dévastent les récoltes (Am 7,1–2), de gigantesques incendies de forêt (7,4), une épée au fil de laquelle passeront les sanctuaires royaux (7,7–9), ou encore une corbeille de fruits de fin d’été indiquant la fin d’Israël…

 

Retrouvons la puissance de ce langage imagé en nous, en écoutant tous nos sens, en laissant se former en nous des représentations inconscientes, en visualisant dans la méditation et la prière ce qui nous arrive. L’Esprit de notre baptême est celui d’Amos traduisant la réalité en symboles pour que le peuple comprenne, écoute, et change.

Nous sommes nous aussi cet homme-aux-visions, et nous pouvons laisser monter en nous les évocations puissantes décrivant le réel mieux qu’un documentaire sur Arte !

 

Être prophète s’appuie sur ces visions du monde – que Max Weber appelait WeltAnschauung – qui peuvent encoder les grandes caractéristiques de notre époque.

Le visionnaire symbolise, le prophète interprète. C’est l’interprétation de la vision qui devient prophétique, lorsqu’elle produit une parole de Dieu pour notre temps.

 

On ne le répétera jamais assez : le prophète dans la Bible ne prédit pas l’avenir, mais déchiffre le présent pour en déduire des avertissements nécessaires.

Face aux sauterelles, ou au feu dévorant (7,5), Amos plaide la petitesse de Jacob–Israël, qui ne pourra pas tenir face à ce fléau (7,2). Cette intercession d’Amos nous fait penser à celle d’Abraham pour Sodome et Gomorrhe, ou celle de Moïse pour obtenir le pardon du peuple au Veau d’Or…

Les deux premières fois, ses visions suffisent à éloigner le danger : « Le Seigneur s’en repentit. “Cela n’arrivera pas”, dit le Seigneur. Le Seigneur Dieu me donna cette vision : voici que le Seigneur Dieu en appelait au procès par le feu ; celui-ci avait dévoré les eaux profondes et déjà il dévorait la campagne. Je dis : “Seigneur Dieu, je t’en prie, arrête ! Jacob est si petit ! Qui le relèverait ?” Le Seigneur s’en repentit. “Cela non plus n’arrivera pas”, dit le Seigneur » (Am 7,3–6). Ce sont donc des visions auto-immunisantes en quelque sorte : il suffit de prendre conscience de ce qui se passe (la corruption à l’œuvre) pour en être guéri. Une guérison auto-réalisatrice, où il suffit de nommer le mal/le traumatisme pour qu’ils s’éloignent.

Nous pouvons/devons être ces visionnaires qui, en nommant le malheur de notre monde, l’aident à en guérir.

 

Visualiser le mal et le nommer ne suffit pas toujours, hélas ! Les visions de la corbeille des fruits de fin d’été (8,1–3) et du sanctuaire ébranlé (9,1–4) auront malheureusement pour épilogue la ruine d’Israël et sa déportation à Babylone dans les larmes et le deuil…

« Je vis le Seigneur debout près de l’autel. Il dit : Frappe les chapiteaux, et que tremblent les seuils ! Brise tous ceux qui sont en tête, et les suivants, je les tuerai par l’épée ; pas un d’entre eux ne pourra s’enfuir, pas un d’entre eux ne pourra s’échapper. S’ils forcent le séjour des morts, de là, ma main les extirpera ; s’ils escaladent les cieux, de là, je les ferai descendre ; s’ils se cachent au sommet du Carmel, là, je les chercherai et les prendrai ; s’ils se dérobent à mes yeux au fond de la mer, là, je commanderai au Serpent de les mordre ; s’ils s’en vont en captivité, poussés par l’ennemi, là-bas, je commanderai à l’épée de les tuer ; j’aurai l’œil sur eux, pour le malheur, non pour le bonheur » (Am 9,1–4).

 

2. L’homme-au-fardeau

En hébreu, le nom עָמַס (Amos) signifie : fardeau, charge. N’imaginons donc pas que c’est une mission facile de donner du poids à la petite voix de notre conscience : c’est une lourde responsabilité, qui peut nous attirer bien des ennuis. D’ailleurs, Amos proteste devant le prêtre royal Amatsia : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et j’incisais les sycomores » (Am 7,14). Autrement dit : ‘je n’ai jamais voulu être prophète de moi-même ! C’est Dieu qui est venu me chercher, qui m’a appelé, et qui m’a presque forcé à prendre la parole en son nom pour dénoncer ce que mes visions me révélaient des dérives royales’.

 Amos dans Communauté spirituelleSi l’Esprit de notre baptême fait de nous des prophètes comme Amos, difficile de ne pas sentir l’écrasante responsabilité d’une parole publique courageuse ! Même Jonas qui voulait fuir cette responsabilité a été rattrapé dans sa fuite par la fameuse baleine !


Pas d’inquiétude cependant : Jésus nous a promis que son fardeau serait léger et facile à porter (Mt 11,30). Il a assumé la charge symbolique de ce nom dans sa généalogie : Jésus est en effet fils d’un certain Amos « fils de Mattathias, fils d’Amos, fils de Nahoum, fils de Hesli, fils de Naggaï » (Lc 3,25). Nous pouvons donc porter ce fardeau avec le Christ.

De fait, nous sommes « comme portés sur les ailes d’un aigle » (Ex 19,4) lorsque nous nous engageons dans ces combats-là. De fait, même les martyrs chantaient devant les fauves, les croix ou le feu, animés d’un courage qui leur était donné d’en-haut.

Alors, ne pas s’atteler au joug du Christ serait une désertion indigne de l’Esprit prophétique d’Amos, une lâcheté qui ferait honte à Jérémie, Isaïe, Ézéchiel, Osée, Daniel et autres Macchabées…

 

3. L’homme-aux-sycomores

Sycamore_fruits prophèteOn a entendu la protestation d’Amos : sa mission prophétique n’est pas une ambition personnelle : “Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais (litt. : j’incisais) les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : “Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.” » (Am 7,14–15).

Bouvier, on voit à peu près ce que c’est. Mais « inciseur de sycomores » ? On peut penser aux pins des Landes : pour recueillir la sève qui deviendra de la laque, de la résine ou de la peinture, il faut entailler le tronc du pin qui se met alors à saigner à blanc, laissant s’écouler de l’incision la sève précieuse.

 

Drôle d’arbre que ce sycomore dont les feuilles rappellent celles du mûrier (syco-morus = ressemblant au mûrier). Il est grand, avec des branches basses assez horizontales (c’est pourquoi le petit Zachée l’a choisi pour s’élever). Il a des fruits bizarres, qui poussent sur le tronc et non sur les rameaux des branches. Mais surtout, ces fruits ne sont pas comestibles à l’état naturel. Il faut y pratiquer une incision, à l’aide d’un petit outil tranchant, pour laisser s’écouler un suc laiteux inconsommable. Ensuite, avec le temps, ils mûrissent en une sorte de grosses prunes / figues comestibles et goûteuses.

Zachée, en montant dans un sycomore, va en devenir l‘un de ses fruits, assis à même le tronc, au plus près du Christ. Il va se laisser « inciser », « transpercer » par son appel à venir manger chez lui. Du coup, comme le suc laiteux, il laisse s’écouler la richesse accumulée injustement et qui lui devient insupportable (il rend quatre fois ce qu’il a volé). Et avec le temps, il mûrira en disciple et apôtre du Christ.


Quel « coup tranchant » vient dans mon existence accomplir ce que l’appel du Christ a fait pour Zachée, ce que le couteau d’Amos faisait pour les figues de sycomore ? Les crises qui nous déstabilisent ne peuvent-elles pas devenir ce geste chirurgical où le scalpel des évènements nous pousse à produire du fruit autrement (et du meilleur !) ? Sans faire l’éloge du malheur, peut-on au moins le subvertir en y faisant résonner un appel à revenir à l’essentiel : « descends vite » et à tisser d’autres liens : « il faut que j’aille demeurer chez toi » ?

De la catastrophe personnelle à la crise économique, en passant par tant de faillites collectives ou privées, Amos-aux-sycomores ou Zachée sur ses branches ne figurent-t-ils pas la possibilité de porter du fruit autrement, à travers le scalpel de la parole de Dieu, acérée et à double tranchant (Ap 1,16 ; He 4,12) ?


Nous sommes des inciseurs de sycomores qui entaillons les certitudes de nos contemporains – ce que Jésus appellera la circoncision du cœur – pour qu’ils s’ouvrent à plus grand qu’eux, en se détournant du mal commis. Cela demande de tailler, de trancher, de couper, avec le scalpel de la Parole de Dieu. Amos n’a pas hésité à blesser l’orgueil des puissants qui menaient le peuple à sa perte, afin qu’ils comprennent l’impasse où les menait leur inconduite. N’hésitons pas à faire de même, avant que les désastres se reproduisent !

 

4. L’homme qui dérange

amos-and-amazia-205581_9 sycomoreÉvidemment, une parole aussi incisive ne plaît pas à tout le monde ! Elle choque, elle dérange, elle menace des intérêts puissants. Amos est l’empêcheur de profiter en rond qui insupporte les prêtres de Béthel : « Puis Amatsia dit à Amos : Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète » (Am 7,12).

Les « voyants » en Israël ont toujours été persécutés : « “C’est un peuple rebelle, ce sont des fils menteurs, des fils qui n’acceptent pas d’écouter la loi du Seigneur, eux qui disent aux voyants : “Ne voyez pas !” et aux prophètes : “Ne prophétisez pas pour nous des choses vraies, dites-nous des choses agréables, prophétisez des chimères » (Is 30,9-10).

Jésus ne fera pas exception à loi d’exclusion : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous, il témoigne de ce qu’il a vu et entendu, et personne ne reçoit son témoignage » (Jn 3,32).

‘Va prophétiser ailleurs ! Ici tu nous déranges !’ : combien de chrétiens se font ainsi mettre à la porte d’un pays, d’une mafia, d’une entreprise, voire même d’une Église !

Jésus nous a prévenus : le serviteur n’est pas au-dessus de son maître. Si les marchands du Temple, les vendeurs d’idoles, sont dérangés dans leur trafic, ils réagiront violemment. Les narcotrafiquants d’aujourd’hui ne font que mettre leurs pas dans les criminels d’hier…

Ne pas déranger serait presque inquiétant pour un chrétien dans son entreprise, sa famille, son pays : si le sel s’affadit, on le jette dehors et il sera foulé aux pieds (Mt 5,13).

Et Jésus nous ordonnait de ne pas nous taire, en disant de ses disciples : « S’ils se taisent, les pierres crieront ! » (Lc 19,40)

Comme Amos, on nous priera souvent d’aller prophétiser ailleurs, nous et nos visions d’apocalypse ! Réjouissons-nous alors : « heureux êtes-vous si on vous insulte… » (Mt 5,11).

 

Conclusion

Amos est donc notre Jiminy Cricket intérieur. Il est l’incarnation de l’Esprit de notre baptême qui nous fait voir les choses autrement (l’homme-aux-visions), porter bien haut la lourde responsabilité chrétienne (l’homme-au-fardeau), tailler dans le vif des certitudes ambiantes (l’homme-aux-sycomores), sans avoir peur de secouer le désordre établi (l’homme qui dérange)…

_____________________________

[1]. Le nom du personnage a été choisi par Walt Disney mais était, d’après l’Oxford English Dictionary, en usage depuis 1848 sous la forme d’une exclamation remplaçant « Jésus-Christ » pour éviter le blasphème. Cette expression provient elle-même probablement d’une déformation de Geminy Christmas (ou Jeminy), attesté depuis au moins 1664 par euphémisation de Jesu domini.

 

Lectures de la messe

Première lecture
« Va, tu seras prophète pour mon peuple » (Am 7, 12-15)

Lecture du livre du prophète Amos
En ces jours-là, Amazias, prêtre de Béthel, dit au prophète Amos : « Toi, le voyant, va-t’en d’ici, fuis au pays de Juda; c’est là-bas que tu pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Mais ici, à Béthel, arrête de prophétiser; car c’est un sanctuaire royal, un temple du royaume. » Amos répondit à Amazias : « Je n’étais pas prophète ni fils de prophète ; j’étais bouvier, et je soignais les sycomores. Mais le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’ »

Psaume
(Ps 84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut.
(Ps 84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.

Deuxième lecture
« Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde » (Ep 1,3-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens
Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’Esprit, au ciel, dans le Christ. Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus, le Christ. Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous donne dans le Fils bien-aimé. En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence. Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ : pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre. En lui, nous sommes devenus le domaine particulier de Dieu, nous y avons été prédestinés selon le projet de celui qui réalise tout ce qu’il a décidé : il a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ. En lui, vous aussi, après avoir écouté la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu la marque de l’Esprit Saint. Et l’Esprit promis par Dieu est une première avance sur notre héritage, en vue de la rédemption que nous obtiendrons, à la louange de sa gloire.

Évangile
« Il commença à les envoyer » (Mc 6,7-13) Alléluia. Alléluia. Que le Père de notre Seigneur Jésus Christ ouvre à sa lumière les yeux de notre cœur, pour que nous percevions l’espérance que donne son appel. Alléluia. (cf. Ep 1, 17-18)

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc
En ce temps-là, Jésus appela les Douze ; alors il commença à les envoyer en mission deux par deux. Il leur donnait autorité sur les esprits impurs, et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, mais seulement un bâton ; pas de pain, pas de sac, pas de pièces de monnaie dans leur ceinture. « Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange. » Il leur disait encore : « Quand vous avez trouvé l’hospitalité dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez et secouez la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage » Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient.
Patrick BRAUD

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23 juin 2024

Où est la maman ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Où est la maman ?

 

Homélie pour le 13° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

30/06/24

 

Cf. également :

Toucher les tsitsits de Jésus

La générosité de Dieu est la nôtre
Les matriochkas du 12

 

1. « Où est la maman ? »

Elle est où mamanCe tweet un brin provocateur de Marion Maréchal réagissait à la publication le 22 avril dernier sur les réseaux sociaux de photos de deux bébés jumeaux obtenus par GPA pour un couple homosexuel de personnalités françaises (le célèbre couturier Simon Porte Jacquemus et son époux Marco Maestri). Évidemment, une belle polémique a aussitôt enflé…

 

Quitte à choquer, il faut peut-être se poser la même question en écoutant le récit double des deux guérisons enchâssées l’une dans l’autre de l’Évangile de ce dimanche (Mc 5,21-43) ! En effet, un père arrive pour supplier Jésus de guérir sa petite fille. Mais où est sa femme ? Pourquoi ne vient-il pas avec la mère de l’enfant ? Pourquoi n’en parle-t-il même pas ? Il dit : « ma petite fille », mais sans la mère ce possessif sonne comme un symptôme, ou une cause possible. Il aurait au moins pu supplier : « notre fille est à toutes extrémités ». Et à 12 ans, ce n’est plus tout à fait la fillette à son papa…

Fin psychologue, Jésus a remarqué tout de suite ce lien malsain entre un père et sa fille qui ne veut plus grandir, comme si elle ne voulait pas devenir femme… L’allusion à la nourriture en finale pourrait laisser penser d’ailleurs que l’enfant se laissait peut-être mourir d’anorexie… ? En tout cas, c’est lui Jésus qui réintroduira la mère à la fin du récit pour que les parents soient tous les deux ensemble afin que la fillette se relève et devienne une femme (il n’y a pas d’adolescence dans les sociétés anciennes : on passait directement de l’enfance à l’âge adulte par les rites de l’initiation traditionnelle, la Bar-mitsva par exemple pour les juifs).


Il faut donc les deux parents pour que Jésus puisse ressusciter l’enfant. Pourquoi ? Sans doute parce que l’image de la mère était tellement dégradée ou absente chez la fillette qu’elle ne voulait pas accéder à ce stade de croissance, et se bloquait sur l’âge de 12 ans. Un indice de ce déficit d’image maternelle chez la fillette est le récit central de la guérison de la femme hémorroïsse. Voilà une femme qui a l’âge d’être sa mère et qui ne peut pas à cause de son impureté religieuse. Elle pourrait prendre sa place dans la société, mais en est exclue à cause de sa maladie honteuse. Elle est aux yeux de tous une femme déréglée, dans tous les sens du terme, incapable de donner la vie, incapable de s’unir, incapable d’être aimée par un homme, socialement marginalisée à cause de tout cela. Tant que cette image féminine et maternelle n’est pas restaurée dans toute sa dignité, comment la petite fille pourrait-elle avoir envie de devenir femme ? Sa mère est absente, transparente. Elle vit dans une société où les femmes sont fétichisées sur la base de leur sexualité, comme le montre le cas de l’hémorroïsse. D’ailleurs on ne connaît pas son nom, ni celle de la femme. Alors qu’on sait que Jaïre était brillant en société, comme son nom l’indique (en hébreu : Jaïre = 
אִיר = brille). L’homme brille en société, la femme est invisibilisée, anonyme, confinée à l’intérieur de la maison : triste constat social qui n’a guère changé dans bien des pays !

Bref : mieux vaut s’endormir dans la mort – se dit la petite fille inconsciemment – que d’affronter ce monde d’adultes où le statut des femmes est si peu enviable !

Si on ajoute à cela la relation possessive et étouffante que Jaïre semble entretenir avec sa fille, on comprend qu’elle dépérisse sous la double tutelle paternelle et sociale.

 

Où est la maman ? dans Communauté spirituelleLa révolution opérée par Jésus rétablit une juste relation père–fille en y réintroduisant la mère absente, et la reconnaissance sociale des femmes (guérison de l’hémorroïsse, un peu à l’insu de son plein gré il est vrai !). 

« Lève-toi ! » : sa parole d’autorité relève la fille de son sommeil mortifère. En latin, cette autorité qui vient du verbe augere = augmenter, qui a donné auctor = auteur = celui qui augmente : la véritable autorité fait grandir l’autre.

« Faites-la manger » marque la réintroduction des parents dans leur responsabilité d’éducation, en donnant à leur enfant la nourriture pour devenir capable de les quitter un jour, autrement que par la mort.

 

Voilà donc quelques pistes intéressantes de cet Évangile pour devenir des parents « acceptables » : ne pas posséder ni étouffer nos enfants, les éduquer à deux, homme et femme, restaurer la dignité féminine et masculine menacée par les dérèglements de tous ordres, assumer une parole d’autorité qui fait grandir l’autre, le nourrir de toutes les nourritures dont il a besoin pour devenir lui-même.

Ajoutons au passage – pour ne pas trop malmener Jaïre ! – que ce père brillant, et qui plus est chef de synagogue, a quand même consenti à se prosterner aux pieds de Jésus pour le supplier, et ce en public. Il a donc mis son orgueil dans sa poche de chef (de famille, de synagogue etc.) qu’il était, et il a reconnu avoir besoin de Jésus pour sa fille.

Que tous les petits chefs en tous genres entendent cet appel à l’humilité… !

 

2. Unir la liturgie communautaire et l’intimité avec le Christ

Une autre lecture de ce récit double est possible. Le fait que Jaïre soit chef de synagogue nous met la puce à l’oreille : ce n’est pas un détail. Autre précision intrigante : pourquoi Marc prend-il soin de nous dire que seuls Pierre, Jacques et Jean ont été associés à cette résurrection dans la maison de Jaïre ? Autre détail : les 12 ans de la fillette et de pertes de sang de la femme renvoient bien sûr aux 12 tribus d’Israël, et aux 12 Apôtres piliers de l’Église.

L'ÉGLISE ET LA SYNAGOGUEVous avez deviné : Marc nous parle en filigrane du passage de la synagogue à l’Église, qui commence à s’effectuer dans les années 70–80 où il écrit. L’enjeu est de passer de la synagogue à la maison, de Jaïre à Jésus, de la foule à l’intimité de 7 personnes dans une chambre, des 12 d’Israël aux Douze de l’Église. Selon cette grille de lecture – que les Pères de l’Église ont développée à l’envi ! – la fillette qui se lève femme est l’Église, fille de la synagogue (Jaïre), qui devient adulte par rapport à elle, et qui ira vers les païens.

 

Jaïre en cours de récit doit faire une entorse à ses principes religieux dont il est pourtant le représentant. Lui, le chef de la petite communauté juive locale, sait pertinemment que la Loi déclare impurs ceux qui ont touché des impurs comme des lépreux, des pendus, des femmes ayant des pertes de sang pendant leurs règles. Normalement, il ne devrait plus laisser Jésus s’approcher de lui ni de sa maison ni de sa fille après qu’il ait été touché par l’hémorroïsse : car Jésus est devenu impur par contact ! Tous ceux qui s’engagent auprès des impurs de ce siècle savent que, par capillarité, ils subiront le même opprobre, le même rejet que ceux dont ils sont les compagnons d’infortune.

Jaïre ose désobéir à cet interdit de la Torah sur la pureté rituelle, car la vie de sa fille est en jeu. Voilà une condition pour bénéficier de la résurrection offerte par le Christ : se libérer des interdits religieux qui sont contre la vie. Interdits alimentaires, vestimentaires, sexuels, sociaux, rituels, liturgiques… : tant de prescriptions purement humaines – présentées comme divines – continuent d’étouffer la liberté des peuples plus qu’un père possessif n’opprime son enfant !

 

Dans ce passage de la synagogue à l’Église, que viennent faire Pierre, Jacques et Jean ? À l’évidence, ils sont là tous les trois parce qu’ils sont là à la Transfiguration sur le mont Thabor et qu’ils seront là à l’agonie sur le Mont des Oliviers. Autrement dit : passer par la Transfiguration–Passion–Résurrection est le chemin de tout membre de l’Église. Marc a voulu montrer que la puissance de l’Église est celle du Christ défiguré dans sa Passion, transfiguré dans sa Résurrection. Hors de cette voie, l’Église s’égare à chercher une domination politique, une puissance législative, culturelle, politique, morale ou même spirituelle. La seule arme de l’Église pour relever l’humanité blessée est la participation à la Passion–Résurrection du Christ.

 

Ces relevailles de la fillette se font dans l’intimité de sa chambre, à la maison, et non en public devant l’assemblée de la synagogue. On peut y voir une critique du ritualisme juif lorsqu’il est trop obsédé par la pratique scrupuleuse et ostentatoire des 613 commandements, par les rites à faire et la liturgie à suivre.

 

 Eglise dans Communauté spirituelleÊtre ressuscité demande une intimité avec le Christ, dans la chambre, avec quelques témoins choisis. Liturgie communautaire (synagogue) et intimité avec le Christ (chambre de la maison) : sans négliger la première, expérimenter la seconde est indispensable pour devenir chrétien, debout, en marche.

 

Dernier détail enfin : Jésus demande en finale aux parents de faire manger leur fille. Il faut en effet nourrir les catéchumènes adultes (ou enfants) après leur baptême. Notre responsabilité en Église est de ne pas les laisser tomber, mais de les accompagner, en les nourrissant du pain de la Parole, de l’amitié partagée dans la communauté locale, de la solidarité vécue avec les plus démunis. Tant de paroisses baptisent sans nourrir après ! « Faites-la manger » : on y entend également un écho du célèbre « Donnez-leur vous-mêmes à manger » de la multiplication des pains. Si nous n’offrons pas en Église une nourriture solide (sur tous les plans) à ceux qui entendent l’appel du Christ, nous ne nous rendrons même pas compte qu’ils repartent sur la pointe des pieds, en silence…

 

Les étapes du passage de la synagogue à l’Église sont claires : se prosterner aux pieds de Jésus en reconnaissant en lui celui qui peut nous ressusciter ; abandonner les interdits religieux qui empêchent de guérir l’humanité blessée ; unir la liturgie communautaire et l’intimité avec le Christ ; vivre la Passion–Résurrection–Transfiguration avec Pierre, Jacques et Jean ; nourrir du pain de la parole et de l’amour fraternel ceux qui se lèveront en entendant l’appel du Christ.

 

Conclusion

Une fillette devient femme, une femme exsangue redevient pure, la synagogue devient Église : méditons notre Évangile cette semaine à partir de ces quelques pistes.

Comment devenir des parents acceptables ?
Comment unir la liturgie et l’intimité, la foule des chemins et la chambre de la maison ?

 

 

LECTURES DE LA MESSE

 

PREMIÈRE LECTURE
« C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sg 1, 13-15 ; 2, 23-24)

 

Lecture du livre de la Sagesse

Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il les a tous créés pour qu’ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n’y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle.
Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité. C’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui.

 

PSAUME
(29 (30), 2.4, 5-6ab, 6cd.12, 13)
R/ Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé. (29, 2a)

 

Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé,
tu m’épargnes les rires de l’ennemi.
Seigneur, tu m’as fait remonter de l’abîme
et revivre quand je descendais à la fosse.

 

Fêtez le Seigneur, vous, ses fidèles,
rendez grâce en rappelant son nom très saint.
Sa colère ne dure qu’un instant,
sa bonté, toute la vie.

 

Avec le soir, viennent les larmes,
mais au matin, les cris de joie.
Tu as changé mon deuil en une danse,
mes habits funèbres en parure de joie.

 

Que mon cœur ne se taise pas,
qu’il soit en fête pour toi,
et que sans fin, Seigneur, mon Dieu,
je te rende grâce !

 

DEUXIÈME LECTURE
« Ce que vous avez en abondance comblera les besoins des frères pauvres » (2Co 8, 7.9.13-15)

 

Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens

Frères, puisque vous avez tout en abondance, la foi, la Parole, la connaissance de Dieu, toute sorte d’empressement et l’amour qui vous vient de nous, qu’il y ait aussi abondance dans votre don généreux ! Vous connaissez en effet le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien.

 

ÉVANGILE
« Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » (Mc 5, 21-43)
Alléluia. Alléluia. Notre Sauveur, le Christ Jésus, a détruit la mort ; il a fait resplendir la vie par l’Évangile. Alléluia. (2 Tm 1, 10)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus regagna en barque l’autre rive, et une grande foule s’assembla autour de lui. Il était au bord de la mer. Arrive un des chefs de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma fille, encore si jeune, est à la dernière extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu’elle l’écrasait.

Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré – … cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »

Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l’agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, et ceux qui étaient avec lui ; puis il pénètre là où reposait l’enfant. Il saisit la main de l’enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d’une grande stupeur. Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger.
.Patrick Braud

 

 

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2 juin 2024

Quand le corps tombe en ruines

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Quand le corps tombe en ruines

 

Homélie pour le 10° Dimanche du Temps ordinaire / Année B 

09/06/24

 

Cf. également :

Mourir pour une côtelette ?
Un psaume des profondeurs
Aimer nos familles « à partir de la fin »
Fêter la famille, multiforme et changeante
Familles, je vous aime?
L’homme, la femme, et Dieu au milieu
Le symbolisme des cendres

La mort, et après ?


Monsieur le Président, vous avez le droit de grâce, et moi je vous demande celui de mourir

Quand le corps tombe en ruines dans Communauté spirituelle Euthanasie-20-ans-apres-la-mort-de-Vincent-Humbert-son-pere-Francis-prend-la-parole-pour-la-premiere-foisVous vous souvenez peut-être de la supplique adressée par un jeune homme de 21 ans, accidenté de la route, devenu tétraplégique, muet et presque aveugle – Vincent Humbert - au Président de la République Jacques Chirac, en 2002. Il est important de la relire en cette période de débat intense sur le suicide assisté, rebaptisé pudiquement « aide active à mourir ».


Monsieur Chirac, 

Tous mes respects, Monsieur le Président. Je m’appelle Vincent Humbert, j’ai 21 ans, j’ai eu un accident de circulation le 24 septembre 2000. Je suis resté 9 mois dans le coma. Je suis actuellement à l’hôpital Hélio-Marins à Berck, dans le Pas-de-Calais.

Tous mes sens vitaux ont été touchés, à part l’ouïe et l’intelligence, ce qui me permet d’avoir un peu de confort. 

Je bouge très légèrement la main droite en faisant une pression avec le pouce à chaque bonne lettre de l’alphabet. Ces lettres constituent des mots et ces mots forment des phrases. 

C’est ma seule méthode de communication. J’ai actuellement une animatrice à mes côtés, qui m’épelle l’alphabet en séparant voyelles et consonnes. C’est de cette façon que j’ai décidé de vous écrire. Les médecins ont décidé de m’envoyer dans une maison d’accueil spécialisée. Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir. 

Accéder à son désir de mourir était illégal à l’époque. Chirac a répondu par quelques mots de compassion, sans rien pouvoir faire d’autre. On connaît la suite. Sa mère, Marie Humbert, a tenté le 24 septembre 2003 d’aider son fils à mourir, à l’aide de barbituriques. La tentative a échoué, et son fils fut plongé dans le coma, à son grand désespoir. Le Dr. Chaussoy, chef de service de réanimation de l’hôpital de Berck-sur-mer, et son équipe médicale ont alors décidé d’achever d’accomplir la volonté de Vincent et lui ont donné la mort tant désirée. Vincent s’est éteint le 26 septembre 2003. Le Dr. Chaussoy et Marie Humbert furent poursuivis ensuite par la justice, mais obtinrent un non-lieu.

 

Cette douloureuse affaire est symptomatique de dizaines, de centaines d’autres dans lesquelles le sentiment de déchéance, de dégradation physique, allié à la douleur parfois inexpugnable engendre chez un malade l’ardent désir de partir sans attendre.

 

63c57ef37b2d2_maxstockworld444140 mort dans Communauté spirituelle« L’homme extérieur s’en va en ruines » (littéralement : se détruit) écrivait Paul dans notre deuxième lecture (2Co 4,13–5,1). 

« Nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous » (2Co 4,16-17). Il a dû ressentir lui aussi, avec son âge et la fatigue accumulée par les voyages, les persécutions subies etc. le fort désir de partir rejoindre le Christ. Et il écrit d’ailleurs sans honte : « En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage. Mais si, en vivant en ce monde, j’arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir. Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. » (Ph 1,21-24)

 

On sait que les Églises sont fortement opposées au suicide assisté, au nom d’arguments théologiques bien connus : la vie est sacrée, elle est un don de Dieu, et nul ne peut en disposer. L’interdit de tuer du Décalogue s’applique évidemment à soi-même. 

Les autres arguments sont plutôt rationnels ou humanistes : mieux vaut développer les soins palliatifs, qui font disparaître l’immense majorité de ces demandes à mourir. Il vaudrait mieux appliquer la loi existante Claeys-Léonetti sur la sédation profonde et continuer jusqu’à la mort dans ces cas-là.

 

Sans nier le poids réel de ces arguments, tout en gardant à l’esprit la protection des plus faibles, essayons de parcourir d’autres raisons de foi  permettant d’entendre avec bienveillance la supplique de Vincent Humbert et de bien d’autres aujourd’hui.

 

Le suicide dans la Bible

Commençons par étudier ce que la Bible dit du suicide. 

- Eh bien, premier fait majeur, ni le mot ‘suicide’ ni le verbe ‘se suicider’ n’existent dans la Bible, que ce soit en hébreu ou en grec ! En refusant de substantiver cette action, les Écritures nous empêchent de l’essentialiser en regroupant toutes les situations sous un seul concept abstrait. Il semble bien que pour la Bible existent seulement des situations particulières, où parfois vouloir mourir apparaît comme légitime. 

Cette indication est précieuse : légiférer de manière universelle et abstraite est injuste. Tenir compte des personnes et des cas est plus humain. Dans ce discernement en situation, choisir la mort n’est pas systématiquement condamné par la Bible, au contraire.

 - Ainsi Abimélek demande à son écuyer de le tuer en signe de protestation pour avoir été  blessé… par une femme ! (Jg 9,52- 54). En ces temps de mâle prédominance, c’était la honte suprême, dont l’honneur d’un guerrier ne se relevait pas ! Or le narrateur ne porte aucun jugement sur ce suicide par blessure d’honneur. Il voit dans cette mort prématurée la juste punition pour le massacre par Abimélek de ses 70 frères (Jg 9,56-57).

A006084_Samson-destroying-the-Temple-of-the-Philistines suicide- Ainsi Samson, dans le célèbre épisode des piliers du temple philistin, se suicide en obtenant de YHWH la force de faire s’écrouler le temple sur les ennemis d’Israël. Plus troublant encore, YHWH exauce donc la prière de Samson qui le conduit à périr enseveli (Jg 16,26-30)…

- Ainsi Saül et son écuyer se suicident en se laissant tomber sur la pointe de leur épée, pour ne pas tomber aux mains des incirconcis (1S 31,3-6). Là encore, aucun jugement n’est porté sur ce suicide, présenté comme un acte de liberté.

- Ainsi Ahitophel se pend, parce que son conseil au roi Absalom pour anéantir l’ennemi n’a pas été écouté (2S 17,23), alors que c’était un bon conseil qui aurait sauvé le roi ! En montrant que son corps a eu droit à une sépulture digne, le narrateur ne porte aucun jugement négatif sur ce suicide.

 - Ainsi Zimri, ayant renversé et tué le roi de Juda, se suicida par le feu dans le donjon royal en voyant la ville assiégée et prise par le reste fidèle d’Israël sous la conduite d’Omri (1R 16,18). Là également, le narrateur montre sobrement qu’il a ainsi exécuté la volonté divine, en mourant à cause de son péché.

- Ainsi les suicides glorieux des Macchabées en révolte contre l’envahisseur. Éléazar par exemple, soldat renommé car frère de Juda, et surnommé Awarane, cherche sa propre mort en se précipitant sous l’éléphant cuirassé qui porte le général ennemi : 1M 6,43-46. Ce suicide est visiblement héroïque, et Éléazar est loué pour son courage.


- Il en va de même pour Razis, courageux défenseur de son peuple contre l’occupant, au point d’être appelé « Père des juifs ». Voyant 500 soldats venus pour l’arrêter, il préféra se suicider : 2M 14,37‑46.

- Dans ce même libre des Macchabées, la mort librement consentie des 7 frères et de leur mère, refusant de manger du porc, est érigée en exemple : « Ne crains pas ce bourreau, montre-toi digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux au jour de la miséricorde » (2M 7).

- Ainsi le sage Qohélet déclare que la mort – inévitable – est également enviable, car elle seule libère des larmes, de l’exploitation et de la violence : « J’ai regardé encore et j’ai vu toutes les oppressions pratiquées sous le soleil. Voyez les pleurs des opprimés : ils n’ont pas de consolateur ; des oppresseurs leur font violence : ils n’ont pas de consolateur. Les morts qui sont déjà morts, je les déclare plus heureux que les vivants encore en vie, et plus heureux que ceux-là celui qui n’existe pas encore, car il n’a pas connu le mal qui se fait sous le soleil. » (Qo 4,1-3). Il en rajoute même : « Un homme peut avoir eu une centaine d’enfants et avoir vécu de longues années : aussi nombreux qu’aient été les jours de sa vie, s’il n’a pas été heureux et comblé, s’il n’a même pas eu de sépulture, je dis que l’avorton a plus de chance » (Qo 6,3).

 - Le sage Ben Sira rappelle lui aussi que la vie n’est pas un absolu, et ne mérite pas d’être vécue à n’importe quel prix. C’est le cas pour un mendiant : « Ne vis pas de mendicité, mon fils, mieux vaut mourir que mendier ! » (Si 40,28) ou une maladie incurable : « Mieux vaut la mort qu’une vie d’amertume, et le repos éternel qu’une maladie sans fin ». « Ô mort, ta sentence est bonne pour l’homme dans le besoin, dont la force décline, pour un grand vieillard qui s’inquiète de tout, qui se révolte et perd patience » (Si 30,17;41,2).

 

Jésus aurait-il choisi volontairement la mort ?

Dans le Nouveau Testament, l’ombre du suicide de Judas plane sur toutes les réflexions chrétiennes à ce sujet. ‘Suicide’ assez mystérieux d’ailleurs, car Jean et les Actes nous en donnent deux versions… incompatibles ! Pour Matthieu, Judas alla se pendre (c’est la version la plus connue) : « Jetant alors les pièces d’argent dans le Temple, il se retira et alla se pendre » (Mt 27,5). Pour Luc, ce n’est pas la pendaison, mais plutôt une maladie (Luc est médecin) qui a travaillé les entrailles de Juda au point de déclencher un éventrement fatal : « avec le salaire de l’injustice, il acheta un domaine ; il tomba la tête la première, son ventre éclata, et toutes ses entrailles se répandirent » (Ac 1,18).

Le Suicide Du Christ. Une TheologieEn ne retenant que la version suicidaire de Matthieu, les traditions ultérieures lieront suicide et damnation, au point de refuser une sépulture chrétienne aux suicidés (Concile d’Orléans en 533) ! On oublie alors que les Évangiles gardent la trace d’un débat sur l’attitude de Jésus : a-t-il librement choisi et désiré sa mort en marchant au-devant de ses contradicteurs ? Ou s’est-il résigné en subissant une mort non-choisie ? Pendant trois ans, Jésus est monté de Galilée à Jérusalem plusieurs fois pour les fêtes de pèlerinage. Chaque fois, la tension augmentait et les oppositions juives et romaines se faisaient de plus en plus menaçantes. Luc montre que Jésus sait ce qu’il attend lorsqu’il choisit d’aller à Jérusalem la dernière fois : « Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus durcit son visage et prit la route de Jérusalem » (Lc 9,51). Thomas se demande si Jésus ne veut pas mourir, car il décide d’aller à Béthanie où l’attendent ceux qui veulent le tuer, afin de réveiller son ami Lazare d’entre les morts : « Les disciples lui dirent: Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée ! » (Jn 11,8) « Thomas dit aux autres disciples : “Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui !” » (Jn 11,16).

Jean insiste sur le choix libre et volontaire de sa mort par Jésus : « Ma vie nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18). Ce n’est bien sûr pas une apologie du suicide. Mais c’est quand même l’indice que mieux vaut mourir pour rester soi-même, fidèle à sa mission filiale en ce qui concerne Jésus, plutôt que de survivre en se trahissant et en reniant la mission confiée par le Père.

 

Mourir m’est un gain

C’est là que l’argument de Paul est massue : pourquoi vouloir à tout prix prolonger une survie physique alors qu’une vie éternelle nous attend ? Quel avantage à prolonger ici-bas dans la douleur si la mort est une amie, une sœur nous ouvrant d’autres possibles en Dieu ? 

« En effet, pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » (Ph 1,21).
« Oui, nous avons confiance, et nous voudrions plutôt quitter la demeure de ce corps pour demeurer près du Seigneur » (2Co 5,8).
La peur de la damnation éternelle attribuée autrefois au suicide n’agit plus sur nous comme par le passé. Et la découverte des forces de l’inconscient a éclairé d’une lumière nouvelle les pulsions suicidaires. Peut-être pourrons-nous comme Paul nous consoler en constatant que nous sommes encore utiles aux autres. Mais, de toute façon, « toute vie doit finir » (Ps 48,9). 

La promesse de la résurrection empêche de sacraliser cette vie, qui n’est pas un absolu. 

La preuve : les martyrs juifs ou chrétiens ont préféré périr plutôt que renier leur foi. La mère des 7 fils puise dans son espérance en la résurrection le courage d’offrir ses enfants à la mort plutôt que de renier l’Alliance (2M 7). D’innombrables martyrs chrétiens ont marché vers les fauves, le feu, la croix ou la décapitation en se livrant volontairement, sans chercher à fuir.

Les résistants qui avalaient leur capsule de cyanure pour ne pas tomber entre les mains de la Gestapo ne faisaient que prolonger cette offrande de soi pour protéger les membres du réseau. 

Bien qu’elle soit sulfureuse, la thèse du suicide du Christ [1] ne peut être écartée d’un revers de main : choisir librement et volontairement sa mort peut revêtir une forme de noblesse, et devenir un geste d’amour pour les autres, ainsi qu’un acte de confiance en Dieu qui ressuscite.

 

Le discernement plutôt que le droit

L’absence du terme suicide dans la Bible nous invite à la prudence : il n’y a pas de position abstraite qui s’imposerait à tous. Les situations sont multiples, la responsabilité personnelle du malade est unique. Le père de la sociologie moderne, Émile Durkheim, distinguait 4 types de suicide, ce qui oblige à autant d’évaluations morales : le suicide égoïste, altruiste, anomique et fataliste. Un de ses successeurs, Baechler (1975), distinguait quant à lui onze types de suicide : les suicides escapistes (fuite, deuil, châtiment, chantage), agressifs (vengeance, chantage, appel), oblatifs (sacrifice, passage) et ludiques (ordalie, jeu). Le discernement éthique s’attachera à respecter la particularité de chaque situation, et la liberté de chaque conscience personnelle. Encore faut-il que le droit ne fasse pas obstacle à la conscience… Encore faut-il laisser la décision au malade, et non au corps médical dont ce n’est pas la mission…

 

Quand le corps tombe en ruines, discerner est plus important qu’appliquer la loi. Il faut juste que la loi autorise ce que les discernement suggère. Avec bien évidemment moult garde-fous et digues de barrage pour contenir les dérives, toujours possibles. Et notamment de forts verrous pour protéger les plus faibles (personnes âgées, handicapées etc.) qu’on voudrait éliminer pour des raisons économiques.

Pour la conscience chrétienne, méditer sur la parole de Paul de ce dimanche pourra guider le discernement : est-il temps pour moi de partir ?

« Même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel.  Nous le savons, en effet, même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre, est détruit, nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes » (2 Co 4,16–5,1).

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[1]. Cf. Pierre-Emmanuel Dauzat, Le suicide du Christ. Une théologie. Paris, PUF, 1998.

 

 

Lectures de la messe
Première lecture
« Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance » (Gn 3, 9-15)


Lecture du livre de la Genèse

Lorsqu’Adam eut mangé du fruit de l’arbre, le Seigneur Dieu l’appela et lui dit : « Où es-tu donc ? » Il répondit : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. » Le Seigneur reprit : « Qui donc t’a dit que tu étais nu ? Aurais-tu mangé de l’arbre dont je t’avais interdit de manger ? » L’homme répondit : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » Le Seigneur Dieu dit à la femme : « Qu’as-tu fait là ? » La femme répondit : « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit parmi tous les animaux et toutes les bêtes des champs. Tu ramperas sur le ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. »


Psaume
(129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)
R/ Près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat.
 (129, 7bc)


Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur,
Seigneur, écoute mon appel !
Que ton oreille se fasse attentive
au cri de ma prière !


Si tu retiens les fautes, Seigneur,
Seigneur, qui subsistera ?
Mais près de toi se trouve le pardon
pour que l’homme te craigne.


J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
plus qu’un veilleur ne guette l’aurore.


Oui, près du Seigneur, est l’amour ;
près de lui, abonde le rachat.
C’est lui qui rachètera Israël
de toutes ses fautes.


Deuxième lecture
« Nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons » (2 Co 4, 13 – 5, 1)


Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
Frères, l’Écriture dit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. Et nous aussi, qui avons le même Esprit de foi, nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. Car, nous le savons, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous. Et tout cela, c’est pour vous, afin que la grâce, plus largement répandue dans un plus grand nombre, fasse abonder l’action de grâce pour la gloire de Dieu. C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel. Nous le savons, en effet, même si notre corps, cette tente qui est notre demeure sur la terre, est détruit, nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes.


Évangile
« C’en est fini de Satan » (Mc 3, 20-35)
Alléluia. Alléluia. 
Maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors, dit le Seigneur ;
et moi, quand j’aurai été élevé de terre, je les attirerai tous à moi. Alléluia. (Jn 12, 31b-32)


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là, Jésus revint à la maison, où de nouveau la foule se rassembla, si bien qu’il n’était même pas possible de manger. Les gens de chez lui, l’apprenant, vinrent pour se saisir de lui, car ils affirmaient : « Il a perdu la tête. »
Les scribes, qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : « Il est possédé par Béelzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons. » Les appelant près de lui, Jésus leur dit en parabole : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut pas tenir. Si les gens d’une même maison se divisent entre eux, ces gens ne pourront pas tenir. Si Satan s’est dressé contre lui-même, s’il est divisé, il ne peut pas tenir ; c’en est fini de lui. Mais personne ne peut entrer dans la maison d’un homme fort et piller ses biens, s’il ne l’a d’abord ligoté. Alors seulement il pillera sa maison. Amen, je vous le dis : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il n’aura jamais de pardon. Il est coupable d’un péché pour toujours. » Jésus parla ainsi parce qu’ils avaient dit : « Il est possédé par un esprit impur. »
Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui ; et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là dehors : ils te cherchent. » Mais il leur répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »
Patrick BRAUD

 

 

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3 décembre 2023

Consolation = illusion ?

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 12 h 30 min

Consolation = illusion ?

Homélie pour le 2° Dimanche de l’Avent / Année B
10/12/2023

Cf. également :
Justice et Paix s’embrassent
Réinterpréter Jean-Baptiste
Consolez, consolez mon peuple !
Devenir des précurseurs
Maintenant, je commence
Crier dans le désert
Le Verbe et la voix
Res et sacramentum
Êtes-vous plutôt centripètes ou centrifuges ?
Dieu est un chauffeur de taxi brousse
Le polythéisme des valeurs

La guerre de l’opium
Consolation = illusion ? dans Communauté spirituelle 1682_Fumerie-dopium-826x459
L’épisode historique est bien connu : le Royaume-Uni a utilisé l’opium pour affaiblir l’économie chinoise au XIX° siècle. Par deux fois, en 1839 et 1856, le conflit éclata : les Britanniques voulaient garder le monopole du commerce de l’opium en Chine, qu’ils détenaient depuis 1773. Ils voulaient l’imposer en paiement des marchandises qu’ils importaient de Chine. Alors ils ont noyé la population chinoise sous les exportations illégales d’opium produit en Inde britannique…
Pour échapper un temps à la misère sociale qui sévissait dans les villes, on voyait des hordes de Chinois allongés sur les nattes des fumoirs d’opium, hébétés, le regard fixe, ou étrangement agités lors de crises violentes. Pour affaiblir un peuple et le coloniser de l’intérieur, rien ne vaut une bonne addiction généralisée et entretenue à la poudre blanche… Se consoler de la misère par l’opium était bien sûr une illusion, et les Chinois ont longtemps été traités d’’homme malade de l’Asie’ à cause de cet épisode tragique qui a fait des millions de victimes.

karl-marx-155733-1280 consolation dans Communauté spirituelleKarl Marx avait-il en tête cette colonisation par l’opium lorsqu’il écrivit en 1843 :

« La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état de choses sans esprit.
Elle est l’opium du peuple »
(Karl Marx, Introduction à la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843).

Cette phrase est devenue un slogan : la religion est l’opium du peuple ; elle promet une consolation illusoire en faisant le lit de la domination des puissants.

Isaïe tomberait-il sous le coup de cette critique radicale lorsqu’il proclame dans notre première lecture (Is 40,1-5.9-11) : « consolez, consolez mon peuple… »
L’Église joue-t-elle le rôle du marchand de rêves détournant l’attention des pauvres vers un monde surnaturel pour canaliser leur colère ?
Attendre une seconde venue du Christ à la fin des temps, n’est-ce pas nourrir une illusion qui permet aux défavorisés de supporter leur condition sans broncher ? Avouons que l’Église a parfois succombé à cette tentation dans son histoire…

 

Les maîtres du soupçon
 illusion
Marx n’est pas seul dans ses critiques d’une religion-consolation illusoire. Freud a dénoncé l’usage régressif que les religions font de la consolation, en ramenant le sujet à un état infantile de fusion maternelle. « L’avenir d’une illusion » est le titre de son ouvrage plus incisif sur l’analyse de cette pathologie. Nietzsche quant à lui a proclamé la mort de Dieu : les tenants de la consolation religieuse prêchent en fait une morale d’esclaves qui les empêchent d’accéder au surhomme qui est en eux.

Ces trois maîtres du soupçon du XIX° siècle ne sont plus guère à la mode intellectuellement : le religieux prolifère partout, instrumentalisé par Poutine ou Trump, radicalisé par les djihadistes, servant de prétexte à tous les communautarismes en Inde et ailleurs. Tous promettent un avenir meilleur à ceux qui se sacrifient au nom de leur Dieu. Ils consolent les veuves et les mères par la promesse d’un paradis pour leurs défunts. Ils font miroiter une vie éternelle de délices à leurs combattants. Ils recouvrent les cercueils de drapeaux, de crucifix et de médailles alors qu’ils couvrent de chaux leurs charniers de guerre.

Relire les maîtres du soupçon serait fort utile pour purifier ces représentations idolâtres d’une consolation religieuse hypocrite et sordide. On découvrirait alors que la Bible ne confond jamais consolation et résignation, et qu’elle en fait au contraire un moteur pour agir dès maintenant.

 

Une consolation efficace
La Bible se méfie des consolations trop rapides, trop intéressées. Ainsi les amis de David lui prêtent de mauvaises intentions lorsqu’il envoie des consolateurs présenter ses condoléances au fils d’un roi défunt : « les chefs des fils d’Ammon dirent à Hanun, leur maître : Penses-tu que ce soit pour honorer ton père que David t’envoie des consolateurs ? N’est-ce pas pour reconnaître et explorer la ville, et pour la détruire, qu’il envoie ses serviteurs auprès de toi ? » (2S 10,3). Les ennemis de David le soupçonnaient de pratiquer ce qu’eux-mêmes savaient faire à merveille : utiliser le chagrin de l’autre pour l’affaiblir, lui faire regarder ailleurs pendant qu’on prépare l’invasion. David ne mange pas de ce pain-là. Mais ses adversaires, si. Méfions-nous de ceux qui viennent nous consoler avec de grands airs de compassion, car tous n’ont pas le cœur aussi pur que David : « Les terafim ont fait de fausses prédictions, les devins ont eu des visions mensongères, ils ont débité des songes trompeurs et donné de vaines consolations, voilà pourquoi le peuple est parti comme un troupeau malheureux faute de berger » (Za 10,2).

Loin de détourner l’affligé de sa condition, la consolation biblique se révèle terriblement performante pour le remettre en selle et reprendre ses combats.
Ainsi David est navré de la mort subite du nouveau-né de sa conquête Bethsabée. La consoler n’est pas lui faire accepter d’en rester là : David console sa femme en lui donnant le courage d’enfanter à nouveau : « David consola Bethsabée sa femme : il la retrouva et coucha avec elle. Elle lui donna un fils qu’il nomma Salomon. Le Seigneur l’aima » (2S 12,24).
La vraie consolation est celle qui rend fort, qui fait naître à nouveau le désir de vivre.
Les psaumes de David reprennent ce thème à l’envie : la consolation divine nourrit l’engagement contre la justice, le mal, la mort.
« Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me console » (Ps 23,4).
« Tu m’élèveras et me grandiras, tu reviendras me consoler » (Ps 71,21).
Cette consolation permet de reprendre le combat sans baisser les bras : « Que j’aie pour consolation ton amour selon tes promesses à ton serviteur ! » (Ps 119,76).
Le sage constate amèrement que si personne ne console les opprimés, ils subissent sans fin l’exploitation, sans trouver le courage de se révolter : « J’ai regardé encore et j’ai vu toutes les oppressions pratiquées sous le soleil. Voyez les pleurs des opprimés : ils n’ont pas de consolateur ; des oppresseurs leur font violence : ils n’ont pas de consolateur » (Qo 4,1).

Consolez, consolez mon peuple IsaïeIsaïe est le champion de la consolation d’Israël, après le désastre de la prise du Temple par Nabuchodonosor en -587, et la déportation (déjà !) des juifs de Jérusalem vers Babylone. Cette catastrophe nationale – équivalente à la Shoah – aurait pu, aurait dû détruire Israël à jamais. Par dix fois, Isaïe utilise le verbe consoler (נָחַם = nacham) pour insuffler au peuple en exil le courage de résister, de tenir bon, d’attendre l’improbable, d’espérer un salut impossible. Et l’édit du roi Cyrus en -527 permettant aux juifs de revenir à Jérusalem sonnera comme l’éclatante réalisation de cette promesse insensée. « YHWH console son peuple » est le leitmotiv du livre d’Isaïe (40,1 ; 49,13 ; 66,13).
Cette consultation chasse la peur du tyran : « C’est moi, c’est moi qui vous console. Qui es-tu pour craindre l’homme qui doit mourir, un fils d’homme périssable comme l’herbe ? » (Is 51,12). Et bien avant La Boétie, la Bible savait que ne plus avoir peur, c’est ne plus consentir à la servitude, c’est déjà être libre.
Cette consolation préfigure le jour de la libération à venir : « YHWH m’a envoyé proclamer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et un jour de vengeance pour notre Dieu, consoler tous ceux qui sont en deuil » (Is 61,2).

Nulle dimension régressive donc dans la consolation biblique ! Elle est une remise en état de marche, une source nouvelle de courage pour agir, une responsabilité confiée pour transformer l’histoire.

Le Nouveau Testament confirme cette conception opérative de la consolation, en nommant justement Consolateur l’Esprit de Dieu : l’Esprit rend témoignage au Christ, il enseigne, il ravive notre mémoire des paroles du Christ, il nous conduit vers la vérité tout entière (Jn 14,16. 26;16,7.13).
Appeler Consolateur l’Esprit de Dieu lui-même dit assez que cette consolation n’est pas une nostalgie maladive, mais une ouverture au présent que Dieu nous fait de lui-même ! Quand Jésus promet : « heureux les affligés, car ils seront consolés » (Mt 5,4), il ne prêche pas la soumission, mais il se met du côté des affligés, à leurs côtés, pour que leur affliction n’ait pas le dernier mot. Quand Paul écrit aux Corinthiens sa deuxième lettre, il emploie 11 fois le mot consolation, si bien que cette épître est parfois appelée l’épître de la consolation, que Paul conjugue au présent : « Si nous sommes affligés, c’est pour votre consolation et pour votre salut; si nous sommes consolés, c’est pour votre consolation, qui se réalise par la patience à supporter les mêmes souffrances que nous endurons. Et notre espérance à votre égard est ferme, parce que nous savons que, si vous avez part aux souffrances, vous avez part aussi à la consolation » (2Co 1,6–7).

 

Ceux qui refusent d’être consolés
Jésus sait pertinemment d’expérience que, à certains moments, toute consolation est factice. Le silence, la présence valent mieux que de vaines tentatives pour sécher trop vite les larmes de quelqu’un qui souffre trop : « On a entendu des cris à Rama, Des pleurs et de grandes lamentations : Rachel pleure ses enfants, et n’a pas voulu être consolée, parce qu’ils ne sont plus » (Mt 2,18 citant Jr 31,15).
202016123_univ_cnt_1_md IsaïeCe n’est pas sans rappeler le silence que les compagnons de Job observent, assis par terre avec lui, une semaine entière, avant de prendre la parole : « Et ils se tinrent assis à terre auprès de lui sept jours et sept nuits, sans lui dire une parole, car ils voyaient combien sa douleur était grande » (Jb 2,13). Hélas, ils débitent ensuite des tonnes de bondieuseries moralisantes pour soi-disant expliquer à Job les causes de son malheur, ce qui exaspère Job : « J’ai souvent entendu pareilles choses; Vous êtes tous des consolateurs fâcheux » (Jb 16,2). « Pourquoi donc m’offrir de vaines consolations? Ce qui reste de vos réponses n’est que perfidie » (Jb 21,34). Job refuse les explications toutes faites de son malheur innocent. Il gémit comme le psalmiste : « Au jour de ma détresse, je cherche le Seigneur; La nuit, mes mains sont étendues sans se lasser ; mon âme refuse toute consolation » (Ps 77,2).

Refuser toute consolation trop facile est alors la marque d’un désir plus grand : le chagrin en excès ne peut être apaisé par un simple pansement rapide. Il doit tourner, encore et encore, jusqu’à creuser au cœur une plaie agrandie, nettoyée, purifiée, que Dieu seul pourra toucher. Un peu comme la Bien-aimée du Cantique des cantiques est blessée d’amour, et refuse d’être guérie…

Jésus lui-même n’a-t-il pas lutté à Gethsémani pour ne pas chercher d’autre consolation pendant l’épreuve de sa Passion que le seul désir d’accomplir la volonté de son Père, sans bien savoir comment ?

 

Consolez, consolez mon peuple
Ce 2e dimanche de l’Avent nous met avec Jean-Baptiste devant l’exigence de préparer le chemin du Seigneur, car il vient au-devant de chacun (Mc 1,1-8). Réjouissons-nous que la consolation fasse partis de ce chemin en nous.
Accepter d’être consolé demande beaucoup d’humilité et de simplicité, pour laisser une main nous relever, une parole nous raffermir, un visage nous redonner confiance en l’avenir.
Consoler demande beaucoup d’effacement de soi, beaucoup de respect pour discerner quand se taire et quand parler, comment soulager, que faire, que dire à côté de l’affligé.

Mais quelle est votre expérience de la consolation ?
Faites mémoire d’un de ces moments où quelqu’un vous a entouré, avec tendresse et compassion, et vous a aidé à revivre.
Puis demandez-vous qui dans votre entourage a besoin de cette consolation, et priez pour en être un acteur selon le cœur du Christ.
Que l’Esprit Saint - le Consolateur par excellence - nous souffle nos gestes, nos paroles, pour réconforter et être réconfortés nous-mêmes.

 

Handel’s Young Messiah – Comfort Ye My People
« Consolez, consolez mon peuple… »

LECTURES DE LA MESSE

PREMIÈRE LECTURE
« Préparez le chemin du Seigneur » (Is 40, 1-5.9-11)

Lecture du livre du prophète Isaïe
Consolez, consolez mon peuple, – dit votre Dieu – parlez au cœur de Jérusalem. Proclamez que son service est accompli, que son crime est expié, qu’elle a reçu de la main du Seigneur le double pour toutes ses fautes. Une voix proclame : « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur ; tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu. Que tout ravin soit comblé, toute montagne et toute colline abaissées ! que les escarpements se changent en plaine, et les sommets, en large vallée ! Alors se révélera la gloire du Seigneur, et tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé. »
Monte sur une haute montagne, toi qui portes la bonne nouvelle à Sion. Élève la voix avec force, toi qui portes la bonne nouvelle à Jérusalem. Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu ! » Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout. Voici le fruit de son travail avec lui, et devant lui, son ouvrage. Comme un berger, il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.
 
PSAUME
(84 (85), 9ab.10, 11-12, 13-14)
R/ Fais-nous voir, Seigneur, ton amour, et donne-nous ton salut. (84, 8)

J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ?
Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles.
Son salut est proche de ceux qui le craignent,
et la gloire habitera notre terre.

Amour et vérité se rencontrent,
justice et paix s’embrassent ;
la vérité germera de la terre
et du ciel se penchera la justice.

Le Seigneur donnera ses bienfaits,
et notre terre donnera son fruit.
La justice marchera devant lui,
et ses pas traceront le chemin.
 
DEUXIÈME LECTURE
« Ce que nous attendons, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle » (2 P 3, 8-14)

Lecture de la deuxième lettre de saint Pierre apôtre
Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper. Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété, vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion. Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix.
 
ÉVANGILE
« Rendez droits les sentiers du Seigneur » (Mc 1, 1-8)
Alléluia. Alléluia. Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers : tout être vivant verra le salut de Dieu. Alléluia. (cf. Lc 3, 4.6)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Commencement de l’Évangile de Jésus, Christ, Fils de Dieu. Il est écrit dans Isaïe, le prophète : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour ouvrir ton chemin. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.
Toute la Judée, tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en reconnaissant publiquement leurs péchés.
Jean était vêtu de poil de chameau, avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de m’abaisser pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Patrick BRAUD

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