L'homélie du dimanche (prochain)

4 septembre 2017

Lier et délier : notre pouvoir des clés

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Lier et délier : notre pouvoir des clés

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année A
10/09/2017

Cf. également :

La correction fraternelle

Exercer le pouvoir selon le cœur de Dieu

Faut-il être humble ou jupitérien pour gouverner ?

Une autre gouvernance

 

Le Pape et l’Église

Lier et délier : notre pouvoir des clés dans Communauté spirituelle clefL’expression : « le pouvoir des clés » est devenu courante en français, désignant l’autorité papale bien sûr, mais également le pouvoir confié à telle instance dirigeante ou tel personnage-clé (justement nommé ainsi !). Pensez aux bourgeois de Calais remettant les clés de la ville aux anglais… Il est remarquable que Matthieu n’ait pas réservé ce pouvoir des clés à Pierre seul. Les catholiques connaissent bien le premier passage de son évangile où Pierre est investi par Jésus de cette responsabilité :

« Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » (Mt 16,19)

Mais peu pourraient citer le deuxième passage, celui de ce dimanche, où le même pouvoir est remis à l’Église (l’assemblée, l’ekklèsia) dans son ensemble :

« Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel » (cf. Mt 18, 15-20).

En fait, c’est une vieille règle ecclésiologique qui s’enracine là : ce qui est confié au pape (successeur de Pierre) personnellement l’est également à l’Église collectivement, et ce qui est confié à toute l’Église l’est également au pape personnellement. Si bien que ces deux dimensions, personnelle et communautaire, sont indissociables (il faudrait même y ajouter une troisième dimension : collégiale, car les Douze et leurs successeurs – les évêques – jouent un rôle particulier dans ces prises de décision).

Prenez par exemple la proclamation du dogme de l’Assomption en 1950. Le pape Pie XII a pris soin de consulter des mois durant les évêchés de toute la catholicité pour examiner s’il y avait un consensus dans l’opinion publique catholique sur cette question. Fort des remontées unanimes des diocèses, il proclame au nom de son autorité personnelle ce qui est cru par toute l’Église, sans hiatus entre les deux (le « Nous » du texte n’est alors pas seulement le « Nous » de majesté !) :

« Nous affirmons, Nous déclarons et Nous définissons comme un dogme divinement révélé que : l’immaculée mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. »

À l’inverse, lorsqu’une position de foi est énoncée par le pape mais non partagée largement par l’Église, elle finit inéluctablement par se transformer ou disparaître pour correspondre au sens de la foi des fidèles (sensus fidei fidelium).

Le premier exemple de ce pouvoir de lier/délier est dans l’assemblée de Jérusalem en Ac 15. Faut-il oui ou non circoncire les païens qui demandent le baptême ? Il y a débat. Tous s’expriment. Puis la décision est prise par Pierre et les Apôtres, en accord avec l’assemblée : « l’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé que… » Abolir la circoncision était une véritable audace, qui a choqué les juifs (et qui choque aujourd’hui les musulmans) ! Jésus lui-même n’avait rien dit à ce sujet…

L’Église a donc le pouvoir de décider ce que le Christ n’avait pas imaginé ou prévu ! Il en va ainsi du ministère diaconal dont les Sept, choisis par les Apôtres et présentés par toute la communauté, sont la figure (Ac 7).

Pascal-Grégoire Delage - Les Pères de l'Eglise et les dissidents ou Dessiner la communion - Dissidence, exclusion et réintégration dans les communautés chrétiennes des six premiers siècles - Actes du 4e colloque de La Rochelle, 25, 26 et 27 septembre 2009.Dans l’histoire, un exemple célèbre est celui des lapsi (lapsus = celui qui a chuté) : pouvait-on oui ou non réintégrer des baptisés qui avaient renié leur foi sous la menace des persécutions et voulaient quand même revenir ? La bataille des arguments fut sévère. Il y avait le clan des rigoristes et celui des miséricordieux. Finalement, ces derniers l’emportèrent, et l’Église inventa un rituel de réintégration des lapsi  qui est à l’origine du sacrement de réconciliation ultérieur. La question actuelle de la réintégration des divorcés-remariés pourrait être relue à la lumière de celle des lapsi…

La liste est longue de ce que l’Église (et le pape uni à elle) ont lié/délié au cours des siècles : le canon (la liste officielle) des Écritures, les sept sacrements, l’état clérical…

Inversement, les cas où il y a eu désaccord entre les papes et l’Église sont instructifs : la question du prêt à intérêt (que les banquiers et autres métiers d’argent pratiqués par les chrétiens malgré les interdictions papales finiront par faire légitimer), et plus près de nous la question de la contraception (le sens de la foi des fidèles a fini en pratique par affaiblir la position officielle très intransigeante)…

 

LES 3 SENS DE LIER/DÉLIER

1. Réintégrer / exclure

Le pape et l’Église sont donc indissociables dans l’exercice du pouvoir des clés !

Plus précisément, Mathieu 18,16 parle de lier et de délier. Le contexte est celui de l’exclusion d’un pécheur public hors de la communauté chrétienne. Ex-communier est l’aboutissement de ce long processus de reproches/réconciliation que décrit Jésus, si le pécheur ne veut pas changer de conduite. Ananie et Saphire sont les premiers à être exclus de la communauté à cause de leur tricherie (Ac 5). On a un autre exemple dans l’Église de Corinthe, où Paul essaie de remettre un peu d’ordre. Il demande d’exclure un incestueux tant qu’il continue ses pratiques ; il s’appuie pour cela sur le sens de la foi des corinthiens. C’est l’Église locale qui doit retrancher de son sein le coupable impénitent (1Co 5,1-12), c’est aussi l’Église qui a le pouvoir de le réintégrer s’il est revenu dans la bonne voie. « À qui vous pardonnez, je pardonne aussi » (2Co 2,5-10).

C’est le premier sens de lier/délier : intégrer ou exclure (ou plutôt : constater l’auto-exclusion d’un membre).

 

2. Autoriser / interdire

Le deuxième sens est dérivé du premier : lier/délier signifie interdire/permettre. On en trouve une trace dans le ‘dégagement’ du gouverneur de Jérusalem Shebna, que nous avons lu le 20° dimanche il y a un quinze jours :

Parole du Seigneur adressé à Shebna le gouverneur : « Je vais te chasser de ton poste, t’expulser de ta place. Et, ce jour-là, j’appellerai mon serviteur, Éliakim, fils d’Helcias. Je le revêtirai de ta tunique, je le ceindrai de ton écharpe, je lui remettrai tes pouvoirs : il sera un père pour les habitants de Jérusalem et pour la maison de Juda. Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira. Je le planterai comme une cheville dans un endroit solide ; il sera un trône de gloire pour la maison de son père. » (Is 22, 19-23)

L’expression « Je mettrai la clé sur son épaule » montre qu’à cette époque l’insigne du pouvoir c’est la clé, la clé du Palais portée en évidence sur l’épaule afin que tous sachent que le porteur a la faveur du Maître, qu’il en gère les biens et les serviteurs avec l’autorité déléguée du Maître. Recevoir du propriétaire la clé de sa maison, c’est la marque suprême de confiance qu’il soit possible de témoigner à quelqu’un. Mais s’il commet des abus, il mérite d’être chassé.  Dans la lettre à l’Église de Philadelphie, (Ap 3,7) le Christ s’identifie à Dieu puisqu’il s’attribue les titres divins de « Saint » et de « Vrai » et affirme qu’il détient le jugement.  « Ainsi parle le Saint et le Vrai, celui qui détient la clé de Daniel. S’il ouvre, nul ne fermera et s’il ferme, nul n’ouvrira. Je connais ta conduite. J’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer, et disposant de peu de puissance, tu as gardé ma parole sans renier mon Nom. »

Cigarette électronique : Vapoter dans les lieux publics français n'est plus interdit

3. Libérer / abandonner

Le troisième sens se rapporte à la libération apportée par Jésus : libération des forces du mal (les démons dans la pensée biblique) et finalement de la mort. Les démons lient les personnes en leur enlevant leur liberté propre. La forme moderne de cette démonologie serait à chercher aujourd’hui du côté… de l’addictologie. Il existe des addictions (alcool, tabac, jeu, sexe…) qui « lient » ceux qui sont possédés par le démon du jeu ou autre… Délier ces personnes est un pouvoir de libération que Jésus a confié à son Église. L’exercice ordinaire de ce pouvoir se joue dans la confession, la miséricorde, le pardon des péchés. La forme extraordinaire va jusqu’à l’exorcisme. Nous sommes ici dans le droit fil de l’action de Jésus redonnant vie à Lazare ligoté dans son tombeau : « déliez-le et laissez-le aller » (Jn 11,44).

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Notre pouvoir des clés

Considérez alors ces trois usages du pouvoir de lier/délier confié à l’Église/Pierre.

Quand vous est-il arrivé d’être confronté à prendre de telles décisions ?

Comment allez-vous faire la prochaine fois ? Car il est juste de décider de lier ou de délier. Le pire serait de laisser pourrir une situation sans intervenir (penser aux  corinthiens !).

Nous avons tous ce pouvoir à un moment de notre vie de réintégrer ou d’exclure, d’autoriser ou d’interdire, de libérer ou de vouer aux gémonies… : qu’en faisons-nous ? Exerçons-nous ce pouvoir dans l’Esprit du Christ ? Assumons-nous la dimension personnelle et communautaire de l’exercice de ce pouvoir ?…

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Lectures de la messe

Première lecture
« Si tu n’avertis pas le méchant, c’est à toi que je demanderai compte de son sang » (Ez 33, 7-9)
Lecture du livre du prophète Ézékiel
La parole du Seigneur me fut adressée : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. »

Psaume
(Ps 94 (95), 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9)
R/ Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ! (cf. Ps 94, 8a.7d)

Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

Deuxième lecture
« Celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi » (Rm 13, 8-10)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
Frères, n’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a pleinement accompli la Loi. La Loi dit : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras pas. Ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain. Donc, le plein accomplissement de la Loi, c’est l’amour.

Évangile
« S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (Mt 18, 15-20) Alléluia. Alléluia.
Dans le Christ, Dieu réconciliait le monde avec lui : il a mis dans notre bouche la parole de la réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.
Et pareillement, amen, je vous le dis, si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
Patrick BRAUD

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27 mars 2017

Reprocher pour se rapprocher

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Reprocher pour se rapprocher


Homélie du 5° Dimanche de Carême / Année A
02/04/2017

Cf. également :

Et Jésus pleura

Une puanteur de 4 jours

Le je de l’ouïe

La corde à nœuds…

 

Dieu est-il sans reproches ?

ob_604d34_parler-tout-seul-c-est-parfois-un-signTant d’injustices, tant de malheurs innocents, jusqu’à la mort elle-même, point final en forme d’immense interrogation adressée à l’amour supposé infini de Dieu… : chacun de nous peut faire la liste de ses reproches, qu’il peut argumenter dès aujourd’hui contre Dieu. ‘Seigneur, si tu es vraiment amour, pourquoi ce handicap à la naissance, cet accident de la route à 14 ans, pourquoi l’autisme défigure-t-il ma fille/mon fils ? Si tu étais vraiment à mes côtés, je n’aurais pas sombré dans l’alcool ou la dépression, je n’aurais pas enchaîné les séries noires, mes proches n’auraient pas cumulé les échecs personnels ou professionnels…’

Or la Bible entière est traversée des reproches bien plus violents encore de nos ancêtres.

Dans l’évangile de ce dimanche du retour à la vie de Lazare, par deux fois un même reproche vient remettre Jésus en cause : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Marthe, puis Marie expriment avec douleur dans les mêmes termes leur grief envers Jésus : c’est donc qu’il est légitime de le faire nous aussi. Jacob a résisté à Dieu au gué du Yabboq et s’est roulé avec lui dans la poussière (Gn 32). C’est donc qu’être « fort contre Dieu » (c’est le nom Israël attribué à Jacob après cette lutte) est une porte d’entrée dans son cercle intime.

 

L’avant-reproche

Résultat de recherche d'images pour "« celui que tu aimes est malade »"Les deux sœurs commencent d’abord par envoyer un SMS d’urgence à Jésus : « celui que tu aimes est malade ». C’est plus qu’une information sur l’état de santé de Lazare. Avec le rappel de l’amitié le liant à leur frère, Marthe et Marie jouent habilement sur la corde de l’affection de Jésus. C’est déjà une supplication : ‘au nom de votre amitié, fais  quelque chose pour Lazare’.

Avant de pouvoir reprocher en toute légitimité, il nous faut d’abord savoir supplier, ou du moins informer Dieu en lui rappelant son affection pour nous, le lien amical qui nous relie à lui. Celui qui ne demande jamais rien aux autres / à Dieu ne peut ensuite leur reprocher de ne pas être intervenus. Or savoir demander est un chemin d’humilité auquel peu d’entre nous consentent vraiment. Appeler au secours peut se révéler parfois très humiliant. Bon nombre préféreront se taire, serrer les dents, et essayer d’y arriver tout seul, à la force du poignet.

Le reproche est illégitime s’il n’est précédé de cette humble quête d’assistance où je reconnais ne pas pouvoir compter sur moi seulement.

 

Le reproche rapproche

Reprocher pour se rapprocher dans Communauté spirituelle lazare17La supplication de Marthe et Marie est restée sans effet sur Jésus. Bizarrement, il ne bouge pas. Il reste sur place, attendant visiblement que Lazare soit mort pour réagir. Elles sont alors en droit d’exploser, chacune à son tour, avec le même reproche : « Seigneur si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ». Si elle n’avait pas crié leur amertume [1], leur déception, alors la rancune, le ressentiment auraient pris le dessus. Elles en auraient voulu à mort à Jésus d’avoir délaissé Lazare. Leur mutisme les aurait enfermées dans cette haine sans mots qui fait tant de ravages au sein des familles. Le fait d’exprimer leur reproche les maintient en lien étroit avec Jésus qui va finir par leur donner raison. Le nom de Lazare signifie justement : Dieu a secouru (El-azar), car en réponse au reproche des deux sœurs Jésus intervient avec puissance.

La vraie proximité s’établit souvent au prix du reproche, et non sans lui.

Le drame de Judas est de garder ses reproches pour lui, au lieu de les adresser au Christ. En bon zélote, il aurait dû demander à Jésus pourquoi il ne voulait pas de l’insurrection armée, du calcul politique pour faire des alliances, d’une stratégie de pouvoir qui permettrait de changer l’ordre des choses en chassant l’occupation romaine. Plus tard, après sa tragique méprise sur la rencontre entre Jésus et les chefs juifs (qu’il avait organisée pour créer un Front de la Résistance), il s’en veut tellement qu’il retourne contre lui la violence qu’il n’avait pas exprimée à Jésus. Ces reproches rentrés deviennent alors des remords, qui finiront par le détruire : le suicide de Judas est l’impasse où nous mène le non-reproche.
Pierre, lui, n’a cessé de formuler ses objections, et après la Résurrection il transforme ses reproches envers lui-même en demande de pardon adressée au Christ.

La vraie proximité s’établit souvent au prix du reproche, et non sans lui.
Ne pas se dire ce qui reste en travers de la gorge provoque des éloignements irréversibles : entre conjoints, des disputes à répétition au sujet de griefs non formulés, ou formulés trop tard, sont à l’origine de bien des séparations. En entreprise, ne pas savoir reprocher à son chef hiérarchique n’engendre que soumission et inefficacité du travail en équipe. Et réciproquement, c’est tout l’art du management que de pratiquer le reproche avec discernement, au moment favorable, dans des conditions acceptables, sur fond de bienveillance positive.

Pas d’éducation sans reproche !

 

Dieu n’est pas sans reproches

L'Amour, on 1) se RAPPROCHE 2) s'ACCROCHE 3) se REPROCHE 4) s'ÉCORCHE - Jeux de Mots Francois Ville - T-shirt Premium HommeAu double sens de la formule : il verbalise par amour ce qu’il a contre nous, afin de nous renouveler son alliance, et son action suscite légitimement en nous des questionnements que nous lui adressons avec tristesse.

Par le biais des prophètes dans l’Ancien Testament, Dieu reprend sans cesse Israël pour l’inviter à progresser. Dans les Évangiles, Jésus n’est pas avare de reproches non plus ! Il pleure sur Jérusalem qui refuse de l’accueillir. Il réprimande Pierre qui ne veut pas entendre parler de crucifixion (ce même Pierre qui lui faisait de vifs reproches sur cette annonce impensable d’un messie humilié). Et les diatribes de Jésus contre l’hypocrisie et le légalisme des pharisiens, pharisiens et autres docteurs de la Loi sont restées célèbres. D’ailleurs, les pharisiens confondront reproche (par amour) et insulte (par mépris).

Dans le livre de l’Apocalypse, le Vivant reproche à l’Église de Laodicée d’être si tiède qu’elle risque d’être vomie de sa bouche : « puisque te voilà tiède, ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche » (Ap 3,14). À chacune des 7 Églises, le Christ formule un grief pour l’appeler à redevenir fidèle : « J’ai contre toi que tu as perdu ton amour d’antan… » (Ap 2,7).

Dieu et l’homme ont tant de reproches mutuels se faire !

Mais tant que la parole convoque l’autre au nom de l’affection, de l’amitié, du lien d’alliance, chaque reproche peut réellement rapprocher les deux parties.
Parce qu’il fait réagir (Jésus ressuscitant Lazare [2]).
Parce qu’il oblige à lever les ambiguïtés (c’est pour soutenir la foi des disciples que Jésus a attendu trois jours).
Parce qu’il conduit de lui-même à la confiance malgré tout : « je sais que Dieu t’accordera tout ce que tu lui demanderas », dit Marthe après son reproche.

Entraînons-nous donc aux reproches fraternels, sur fond d’amitié et d’affection. Entraînons-nous dans la prière aux reproches spirituels, sur fond d’alliance et d’humilité  réciproque.

Celui qui ne reproche jamais montre peu de reconnaissance.
Celui-ci reproche mal devient tyrannique.
Qui reproche comme Marthe et Marie découvre qu’il n’y a pas de tombeau scellé si hermétique qu’il puisse empêcher la vie de jaillir, malgré la blessure, malgré toutes les formes de mort qui nous tiennent prisonniers.

Et vous, qu’avez-vous à reprocher à Dieu ? Prenez-vous le temps de lui dire, avec passion ?

Osons reprocher pour nous rapprocher !

 


[1] . Marie est un dérivé du prénom hébraïque Miryam qui signifie « goutte de mer ». Selon d’autres sources, il viendrait de l’hébreu marah se traduisant par « amertume » ou de l’égyptien ancien mrit ou merit signifiant « aimée ». La limite entre l’amertume et l’amour est donc ténue, et Marie de Béthanie personnalise cette ligne de crête.

[2] . Ce qui fait réagir également les opposants à Jésus : « Les grands prêtres décidèrent de tuer aussi Lazare,  parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient et croyaient en Jésus » (Jn 12,10).

 

 

Première lecture (Ez 37, 12-14
Ainsi parle le Seigneur Dieu : Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple, et je vous ramènerai sur la terre d’Israël. Vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux et vous en ferai remonter, ô mon peuple ! Je mettrai en vous mon esprit, et vous vivrez ; je vous donnerai le repos sur votre terre. Alors vous saurez que Je suis le Seigneur : j’ai parlé et je le ferai – oracle du Seigneur.

Psaume (Ps 129 (130), 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8)

Des profondeurs je crie vers toi, Seigneur, Seigneur, écoute mon appel ! Que ton oreille se fasse attentive au cri de ma prière ! Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur, qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon pour que l’homme te craigne. J’espère le Seigneur de toute mon âme ; je l’espère, et j’attends sa parole. Mon âme attend le Seigneur plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. Oui, près du Seigneur, est l’amour ; près de lui, abonde le rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. 

Deuxième lecture (Rm 8, 8-11)

Frères, ceux qui sont sous l’emprise de la chair ne peuvent pas plaire à Dieu. Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché, mais l’Esprit vous fait vivre, puisque vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus, le Christ, d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

Évangile (Jn 11, 1-45)

En ce temps-là, il y avait quelqu’un de malade, Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa sœur. Or Marie était celle qui répandit du parfum sur le Seigneur et lui essuya les pieds avec ses cheveux. C’était son frère Lazare qui était malade. Donc, les deux sœurs envoyèrent dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » En apprenant cela, Jésus dit : « Cette maladie ne conduit pas à la mort, elle est pour la gloire de Dieu, afin que par elle le Fils de Dieu soit glorifié. » Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare. Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie était tout près de Jérusalem – à une distance de quinze stades (c’est-à-dire une demi-heure de marche environ) –, beaucoup de Juifs étaient venus réconforter Marthe et Marie au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit l’arrivée de Jésus, elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait assise à la maison. Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » Ayant dit cela, elle partit appeler sa sœur Marie, et lui dit tout bas : « Le Maître est là, il t’appelle. » Marie, dès qu’elle l’entendit, se leva rapidement et alla rejoindre Jésus. Il n’était pas encore entré dans le village, mais il se trouvait toujours à l’endroit où Marthe l’avait rencontré. Les Juifs qui étaient à la maison avec Marie et la réconfortaient, la voyant se lever et sortir si vite, la suivirent ; ils pensaient qu’elle allait au tombeau pour y pleurer. Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé, et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. » Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Mais certains d’entre eux dirent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » Beaucoup de Juifs, qui étaient venus auprès de Marie et avaient donc vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui.
Patrick BRAUD

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23 janvier 2017

Défendre la veuve et l’orphelin

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Défendre la veuve et l’orphelin

Cf. également :

Le petit reste d’Israël, ou l’art d’être minoritaires
Le bonheur illucide
Agents de service
Le maillon faible
Éthique de conviction, éthique de responsabilité

Homélie du 3° dimanche du temps ordinaire / année A
29/01/2017

Défendre la veuve et l'orphelin dans Communauté spirituelle« À force de compatir aux douleurs des uns et des autres et de sortir le glaive pour terrasser les indélicats et les indélicatesses, ne finit-on pas par se perdre soi-même ? Et si nous revendiquions parfois le droit de détourner le regard et de laisser aux instances compétentes la mission de sauver le monde. […]

Et si nous osions dire…

– Ce n’est pas ma faute si le patron la déteste.
– Moi, ma mère et ma grand-mère nous nous sommes battues pour nos libertés. À bon entendeur salut !
– C’est triste ce qui arrive au Japon. So what !
– Pas question de donner un centime à qui que ce soit. Mon argent, je le gagne durement et je paie mes impôts [1]. »

Cet article un brin provocateur soulevait pourtant une question réelle : devons-nous culpabiliser devant tant de détresses non secourues ? Peut-on déléguer à d’autres le souci des veuves et des orphelins ? Peut-on se soustraire au devoir biblique de protéger et d’accueillir l’étranger, devenu si nombreux, perçu comme si envahissant ?

Faisons d’abord un détour, comme nous y invitent les lectures de ce dimanche (« Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin » Ps 145), par le trinôme veuve – orphelin – étranger.

Défendre la veuve et l’orphelin est devenu une expression proverbiale en français, popularisée par l’épopée du célèbre chevalier Bayard (qui pourtant n’était pas historiquement sans reproche là-dessus !). Cette expression vient en direct de la Bible, la Loi et les prophètes surtout. Elle ne se rencontre pas moins de 38 fois dans l’Ancien Testament avec le duo veuve – orphelin [2], et au moins 16 fois avec l’étranger en plus. C’est donc une des grandes caractéristiques de la première Alliance : le peuple qui ne respecterait pas les droits de la veuve/orphelin/étranger serait hors-la-Loi, c’est-à-dire romprait l’Alliance avec Dieu.

Comme toujours, l’éthique sociale conditionne et valide ou invalide la vie spirituelle en Israël !

Les raisons de cette exigence éthique sont multiples.

a) Elle s’enracine en Dieu lui-même :

« Père des orphelins, justicier des veuves, c’est Dieu dans son lieu de sainteté » (Ps 68,6). «  C’est lui qui fait droit à l’orphelin et à la veuve, et il aime l’étranger, auquel il donne pain et vêtement » (Dt 10,18).
Dès la première Alliance, Dieu se révèle Père en prenant soin directement de ceux qui n’ont plus les soutiens humains indispensables pour survivre à l’époque : un mari, des parents. Dieu est le père des pauvres, des
anawim = ceux qui ne peuvent compter sur eux-mêmes (car trop faibles) ni sur les autres (car sans mari, sans parents, sans pays). Pour Dieu, les protéger est donc une question d’identité paternelle : il se renierait lui-même s’il se désintéressait du sort de ceux qui n’ont que lui comme recours.

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b) Elle découle de la mémoire de l’Exil.

Déporté en terre étrangère par deux fois (en Égypte pendant quatre siècles puis à Babylone, et il faudrait y ajouter l’autre exil de 70 à 1948), Israël se souvient qu’il a été étranger et que d’autres l’ont accueilli, l’ont sauvé de la famine (cf. la saga de Joseph en Égypte ou les justes de la Shoah), l’ont initié à la sagesse des nations (cf. la bibliothèque d’Alexandrie, la Septante, le statut obtenu par la diaspora juive etc.). Il se souvient également que sa condition d’étranger a été source d’oppression et d’injustice : esclavage et persécutions autrefois, pogroms, dhimmitude et génocide plus récemment. Seule l’intervention de Dieu (la Pâque, le retour d’Exil, voire le retour en Palestine) l’a libéré, par la médiation de Moïse ou de Cirrus. À la fête de Souccot, les juifs construisent toujours des cabanes sur leur balcon, dans leur jardin, pour faire mémoire de leur errance au désert, où ils n’avaient ni terre ni roi ni Temple. Remontant plus loin encore, ils récitent la profession de foi du Deutéronome racontant Abraham comme un étranger en marche : « mon père était un araméen errant…. » (Dt 26,5).
Protéger l’étranger est alors pour Israël une question d’identité également : « Aimez l’étranger, car au pays d’Égypte vous étiez des étrangers » (Dt 10,18). Autrement dit : tu renierais ton histoire si tu ne reconnaissais pas en l’étranger un compagnon de route, que tu as été autrefois et que tu peux redevenir peut-être demain.

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c) Les lois sociales protégeant les pauvres garantissent l’unité du peuple.

C’est la troisième raison qui impose de prendre soin des veuves/orphelins/étrangers. Leur permettre de glaner le surplus des récoltes dans les champs, leur réserver un tiers du butin lors d’une victoire, leur garantir des tribunaux et des juges justes malgré leur manque de relations bien placées… : toutes les prescriptions de la Torah concernant notre trio visent à maintenir ce qu’on appellerait aujourd’hui le fameux ‘vivre ensemble’. Si rien ne limite la domination des puissants, la violence des opprimés sera la réponse (légitime) à la fracture sociale insupportable.

Ainsi, la Torah a cherché à protéger la veuve en la remariant à un frère de son défunt mari (c’est la loi du lévirat) pour lui donner une descendance et pour ne pas laisser sa femme sans protection. De même, la loi juive veille attentivement à ce que l’héritage de l’orphelin soit géré avec honnêteté et transparence par le tuteur. Et la Torah fourmille de garanties juridiques pour que l’étranger soit payé – s’il est  salarié – correctement, en temps et en heure, soit jugé équitablement, soit invité  aux fêtes juives etc.

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En Occident

Avec le christianisme, l’Occident a largement hérité de cette exigence éthique. Mais il a davantage popularisé le duo veuve/orphelin que le trio veuve/orphelin/étranger, peut-être par ce que l’étranger lui semblait déjà plus menaçant (cf. les invasions arabo-musulmanes notamment). D’ailleurs, dans le Nouveau Testament, il n’y a qu’une seule mention des deux termes ensemble. Elle se trouve dans la lettre de Jacques, en milieu judéo-chrétien donc, qui est fidèle à la tradition juive lorsqu’elle écrit : « La religion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci: visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves, se garder de toute souillure du monde » (Jc 1,27).

Jésus semble également avoir une attention particulière pour les veuves (dont il guérit le fils unique, dont il vante l’offrande au Temple etc.) et les étrangers (samaritains, grecs, centurion romain etc.). Il n’évoque pas le sort des orphelins (et c’est un peu surprenant) mais élargit le souci des sans-protection à ce que la Doctrine sociale de l’Église appellera l’option préférentielle pour les pauvres, qui englobe toutes les catégories sociales des anawim de chaque époque. Les Béatitudes (Mt 5) et le jugement dernier (Mt 25) accorde une place particulière au sort fait à l’étranger, révélateur de la proximité de son auteur d’avec Dieu, quels que soient sa pratique ou ses convictions religieuses.

 

Alors, faut-il encore défendre la veuve, l’orphelin et l’étranger ?

L’Occident a pour une large part transférée cet impératif éthique sur l’État-providence. À travers la fiscalité, la sécurité sociale, les aides d’État etc. le souci des pauvres d’aujourd’hui relève beaucoup moins de l’initiative individuelle que de la solidarité nationale. On a créé des pensions de réversion pour les veuves, et les orphelins peuvent devenir pupilles de l’État. Pour autant, cela ne suffit pas. Il faut toujours des compléments associatifs, des Restos du cœur et des communautés Emmaüs. Il faut toujours des réactions rapides et personnalisées pour éviter qu’un SDF meure de froid dehors, pour qu’une famille de migrants survive hors des conditions indignes sous des planches de fortune, pour que des orphelins soient adoptés après une catastrophe etc.

Les multiples canaux associatifs pallient les failles de la solidarité nationale. Ils ont parfois tendance à nous culpabiliser pour nous transformer en donateurs. En cela la réaction du magazine est légitime : payer ses impôts, voter pour contrôler l’action politique sont déjà des participations – essentielles – à la défense de la veuve et de l’orphelin ! Résister à la culpabilisation n’est pas anti-biblique. Car la Bible n’a pas connu les conditions actuelles de mondialisation, de responsabilités internationales, de mécanismes financiers, fiscaux, économiques, scientifiques et techniques. La responsabilité du lecteur de la Torah était le plus souvent limitée à sa famille, son village. Les étrangers de passage n’étaient pas légion, on pouvait trouver facilement des solutions locales aux problèmes de pauvreté qui était locaux. La responsabilité collective concernait au maximum le petit peuple de Jérusalem et de Judée, dont le roi devait assurer un gouvernement juste et protecteur des faibles, ce qui était déjà un défi peu souvent réalisé.

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Il faut donc repenser la question des veuves et des orphelins (c’est assez facile) et des étrangers (vaste, complexe et difficile défi) à la lumière de l’impératif éthique de la Torah et des conditions nouvelles produisant les phénomènes des migrations actuelles. On oscillera comme toujours entre éthique de conviction (confère la position des évêques de France ou des églises protestantes sur les migrations) et l’éthique de responsabilité (confère l’approche pragmatique des politiques). « Ce que vous n’avez pas fait à l’un de ses petits qui sont mes frères c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » doit se conjuguer avec: « des pauvres vous en aurez toujours parmi vous ».

Protéger la veuve et l’orphelin et l’étranger : cette exigence ne peut être minimisée ni entièrement déléguée.
Ne pas culpabiliser devant la misère du monde est en même temps une réaction salutaire, dès lors que j’assume ma part honnêtement dans le combat pour la dignité des plus faibles.

Le mystique ne sera jamais quitte de l’amour dû aux pauvres.
Le politique se méfiera des grandes déclarations irresponsables.

Faut-il choisir ?


[1] . Femmes Magazine, 1 Juillet 2011

[2] .  2M 8,28 8,30 Ba 6,37 Dt 10,18 14,29 16,11 16,14 24,17 24,19 24,20 24,21 26,12 26,13 27,19 Ex 22,21 22,23 Ez 22,7 Is 1,17 1,23 9,16 10,2 Jb 22,9 24,3 Jc 1,27 Jr 7,6 22,3 49,11 Lm 5,3 Ml 3,5 Ps 68,6 94,6 109,9 146,9 Si 35,14 Tb 1,8 Za 7,10

 

 

1ère lecture : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit » (So 2, 3 ; 3, 12-13)
Lecture du livre du prophète Sophonie

Cherchez le Seigneur, vous tous, les humbles du pays, qui accomplissez sa loi. Cherchez la justice, cherchez l’humilité : peut-être serez-vous à l’abri au jour de la colère du Seigneur. Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. Ce reste d’Israël ne commettra plus d’injustice ; ils ne diront plus de mensonge ; dans leur bouche, plus de langage trompeur. Mais ils pourront paître et se reposer, nul ne viendra les effrayer.

Psaume : Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10b
R/ Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux ! ou : Alléluia ! (Mt 5, 3)

Le Seigneur fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain,
le Seigneur délie les enchaînés.

Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes.

Le Seigneur protège l’étranger,
il soutient la veuve et l’orphelin,
le Seigneur est ton Dieu pour toujours.

2ème lecture : « Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi » (1 Co 1, 26-31)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ; ainsi aucun être de chair ne pourra s’enorgueillir devant Dieu. C’est grâce à Dieu, en effet, que vous êtes dans le Christ Jésus, lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification, rédemption. Ainsi, comme il est écrit : Celui qui veut être fier,qu’il mette sa fierté dans le Seigneur.

Evangile : « Heureux les pauvres de cœur » (Mt 5, 1-12a)
Acclamation :Alléluia. Alléluia.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,car votre récompense est grande dans les cieux ! Alléluia.(Mt 5, 12)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
 En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! »
Patrick BRAUD

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16 janvier 2017

L’épervier de la fraternité

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L’épervier de la fraternité

Cf. également :

Descendre habiter aux carrefours des peuples

Ruptures et continuités : les conversions à vivre pour répondre à un appel

Quand Dieu appelle

Le polythéisme des valeurs

Les 153 gros poissons

Homélie du 3° dimanche du temps ordinaire / Année A 22/01/2017

Le jeu de l’épervier

Vous avez sûrement joué, enfants, au jeu de l’épervier dans la cour de récréation. Une bande de gamins forme une chaîne, comme un long filet de chalut, en se tenant la main. D’autres, non liés, leur font face. Au signal, tel un épervier fondant sur sa proie, la chaîne humaine doit avancer et capturer ceux d’en face qui n’arriveraient pas à passer entre les mailles du filet.

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C’est bien un filet de pêche style épervier que jettent ensemble Simon et André dans la ‘mer’ (le lac !) de Tibériade. Un large filet, souvent garni de petits plombs pour le faire plonger rapidement, qu’on jette à la mer pour capturer par surprise les poissons passant par là. Il faut le remonter très vite pour que le piège se referme sur les poissons avant qu’ils aient le temps de comprendre ce qui leur arrive…

L’appel de Jésus se calque sur cette technique ancestrale : joindre ses efforts pour tirer hors de la mer (symbole du mal et de la mort pour les hébreux, piètres navigateurs) le maximum d’hommes et de femmes à sauver. Il y a deux mots grecs dans notre texte qui désignent les filets : aμφίβληστρον(amphiblēstron) = jeter ensemble à deux, et δίκτυα (diktya) = attraper, capturer. Unir ses efforts, à 2, à 4 puis bientôt à 12 pour sauver les hommes est donc la base de l’appel du Christ à le suivre.

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Des liens à renouveler

Dans une symbolique de rupture et de continuité tout à la fois, Jésus part des liens unissant ceux qu’il appelle. Ce sont nos liens qui constituent notre identité. En Dieu le premier, c’est la relation qui est subsistante, dira saint Thomas d’Aquin, c’est-à-dire que le fait d’être lié, en communion avec un autre nous constitue comme sujet, comme personne désirante et aimante, désirée et aimée.

Les liens qui unissent les quatre premiers disciples dans Mathieu sont multiples :

- liens du sang :

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Jésus appelle 2 fois 2 frères. On sait que l’un des deux pères  s’appelle Zébédée (la bande dessinée « le voyage des pères » écrira une très jolie histoire-midrash de ces pères enquêtant sur le sort de leur fils). Mais il faut quitter son père pour suivre Jésus, comme il fallait quitter son père et sa mère pour s’attacher à son conjoint et ne faire qu’un avec lui/elle (Gn 2,24).

Les liens du sang sont précieux pour grandir et recevoir. En christianisme, ils ne sont pas sacralisés mais convertis, intégrés dans une fraternité beaucoup plus grande : l’Église, l’humanité tout entière appelée à être unie à Dieu. Aucune mafia ecclésiale ne remplacera les mafias familiales ! Ce sont des liens nouveaux, ne reniant pas le meilleur de l’affection familiale (sinon Jésus n’aurait pas appelé les frères ensemble) mais les convertissant au service du salut de tous. Pendant les trois premiers siècles de persécutions, les baptisés s’appelaient entre eux frères et sœurs à cause de cette conviction. Convertir les liens du sang est toujours un défi pour évangélisation, notamment dans les cultures traditionnelles où la famille est quasi-idolâtrée.

À côté des liens du sang, d’autres points communs entre Simon et André, Jacques et Jean vont être transformés :

- liens ethniques et géographiques

Afficher l'image d'origineTous les 4 sont des galiléens, de cette région un peu ‘paumée’, à la réputation douteuse auprès des juifs de Jérusalem. D’ailleurs c’est son accent galiléen qui trahira Pierre repéré comme un disciple de Jésus par la servante du grand prêtre au moment du procès de Jésus. Et plus tard on essaiera de ridiculiser  les premiers chrétiens en les appelant «la secte des Galiléens  ».

C’est en partant de notre solidarité avec les petits, les sans-grades, ceux qui ne comptent pas, que le Christ veut nous appeler à sa suite.

Qui sont donc les galiléens d’aujourd’hui ?

 

- liens professionnels et hiérarchiques

Afficher l'image d'origineLes 4 pêcheurs appartiennent à la même TPE (très petite entreprise), dont André et Simon sont sans doute les propriétaires. Les 4 sont appelés, à égalité. Même la primauté accordée à Pierre par Jésus plus tard sera une primauté de service et non de domination. Vivre nos relations professionnelles, nos subordinations ou nos commandements hiérarchiques à la lumière de cet appel du Christ est donc révolutionnaire. Devant lui, l’employé à temps partiel au SMIC a autant de valeur que le PDG de Renault. Car il faut quitter ses filets d’avant pour suivre le Christ. En même temps, le fait d’avoir travaillé ensemble se prolongera dans la mission commune des 12 apôtres.

Introduire la fraternité évangélique dans les rapports d’entreprise et de production n’est pas une utopie : c’est un appel du Christ. Ou alors, si c’est une utopie, c’est une utopie féconde qui inspire des entrepreneurs et les pousse à révolutionner la manière de travailler ensemble, de partager le fruit du travail, de faire prospérer la barque commune…

- liens sociaux et spirituels

Les pêcheurs formaient une catégorie sociale à part. Ces « gens de la mer » (ἁλιεῖς = halieis,comme l’écrit le texte grec) ont des odeurs, un vocabulaire, un statut social à part, peu prisé. Répétons que les hébreux avaient peur de la mer, royaume de l’obscur, mal maîtrisée, capable de déluge semblable à la mort. La pêche des quatre est ici symbolique du combat contre les forces du mal et de la mort. Ils affrontent l’abîme empli de terreur pour en soustraire quelques poissons rapportés à terre. On se souvient que le poisson (avec l’acronyme Christus en grec) était le symbole de reconnaissance des baptisés dans les catacombes… L’appel du Christ se situe résolument dans ce combat spirituel : ne rêvez pas d’une mission sans risque, car vous aurez affaire à forte partie… Le social et le spirituel sont ainsi fortement imbriqués dans cet appel de pêcheurs de poissons et d’hommes.

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La fraternité, une idée neuve

Tous ces liens sont à convertir, à transfigurer, pour pouvoir se mettre à la suite du Christ. Celui qui les englobe tous est le lien de la fraternité. «Vous navez quun seul Père, et vous êtes tous frères  »(Mt 23/8-9).

Afficher l'image d'origineValeur républicaine s’il en est, inscrite sur les frontons de nos mairies avec les deux autres, la fraternité est pourtant la grande oubliée de la République française. Les libéraux, de droite ou de gauche, mettent tout en œuvre pour que la liberté d’entreprendre, l’initiative individuelle, la liberté de consommer, de circuler, soient assurées par le pouvoir politique. La gauche traditionnelle met l’égalité au-dessus de tout : par la fiscalité, la législation, les aides sociales etc. Très peu de politiques intègrent le troisième terme – la fraternité – dans leurs programmes. Ils sont démunis devant les peurs réciproques isolant des quartiers où des classes sociales. Ils ne comprennent pas les haines religieuses ou ethniques qui resurgissent régulièrement. Peut-être parce que eux-mêmes ne vivent que des fraternités sélectives et privilégiées, de l’ENA à la loge maçonnique, de la même classe préparatoire au même club de golf ou de tennis… Plus  la responsabilité confiée est grande, plus les politiques devraient approfondir leurs  liens fraternels avec les galiléens, les pêcheurs, les sans-grades desquels leur  fonction les éloigne et les isole. Cela vaut d’ailleurs pour tous les niveaux hiérarchiques, en entreprise, en Église…

Cette fraternité demande d’abord de vivre et de partager l’intimité, sans calcul. À la manière de Jésus et de ses apôtres partageant l’itinérance sur les chemins de Judée et d’Israël, mangeant et buvant ensemble, traversant ensemble succès et échecs, rencontres étonnantes et oppositions farouches.

Le Net de la fraternité

En anglais, filet se dit : net. Internet est par nature le projet de relier les hommes entre eux à la manière du filet des pêcheurs de Tibériade : à égalité (les grades ne servent à rien sur le Net), pour unir les efforts (penser à Wikipédia, au décryptage du génome humain, aux logiciels Open Source etc. !) afin de relier entre eux des internautes autrement isolés. Le filet du Web peut donc devenir un média de la fraternité.

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On y trouve évidemment le meilleur et le pire mélangés. Mais convertir ce puissant outil au service de la fraternité est un appel impérieux. Les exemples en sont nombreux : des sites coopératifs au crowfunding en passant par des pétitions ou du gratuit, des sites de rencontre utiles aux MOOC démocratisant le savoir, les initiatives foisonnent pour que le Net devienne vraiment un lien fraternel entre des gens que tout éloigne autrement. Cela n’exclut pas, au contraire, la fraternité physique : le sport, la chorale, l’associatif etc. La multiplication de ces sources de fraternité est vitale, sinon la liberté d’un côté et l’égalité de l’autre se feront la guerre, s’affronteront dans ce que Max Weber appelait le polythéisme des valeurs. Et les politiques à eux seuls ne peuvent assurer ce terreau fraternel.

Alors, jetons nos filets d’avant, et comme Simon et André, Jacques et Jean, mettons-nous à la suite du frère universel, comme Charles de Foucauld aimait à appeler Jésus.

Jetons ensemble l’épervier de la fraternité sur les eaux troubles qui nous entourent.

 

1ère lecture : Dans la Galilée des nations le peuple a vu se lever une grande lumière (Is 8, 23b – 9, 3) Lecture du livre du prophète Isaïe

Dans un premier temps, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée des nations. Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. Tu as prodigué la joie, tu as fait grandir l’allégresse : ils se réjouissent devant toi, comme on se réjouit de la moisson, comme on exulte au partage du butin. Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane.

Psaume : Ps 26 (27), 1, 4abcd, 13-14
R/ Le Seigneur est ma lumière et mon salut. Ps 26, 1a)

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie,

Mais j’en suis sûr,
je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur.

2ème lecture : « Tenez tous le même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous » (1 Co 1, 10-13.17)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères, je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ : ayez tous un même langage ; qu’il n’y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et d’opinions. Il m’a été rapporté à votre sujet, mes frères, par les gens de chez Chloé, qu’il y a entre vous des rivalités. Je m’explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j’appartiens à Paul », ou bien : « Moi, j’appartiens à Apollos », ou bien : « Moi, j’appartiens à Pierre », ou bien : « Moi, j’appartiens au Christ ». Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? Le Christ, en effet, ne m’a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l’Évangile, et cela sans avoir recours au langage de la sagesse humaine, ce qui rendrait vaine la croix du Christ.

Evangile : Il vint habiter à Capharnaüm pour que soit accomplie la parole d’Isaïe (Mt 4, 12-23)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Jésus proclamait l’Évangile du Royaume, et guérissait toute maladie dans le peuple. Alléluia. (cf. Mt 4, 23)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean le Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe : Pays de Zabulon et pays de Nephtali,route de la mer et pays au-delà du Jourdain,Galilée des nations !Le peuple qui habitait dans les ténèbresa vu une grande lumière.Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort,une lumière s’est levée. À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. »  Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans la mer ; car c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.  De là, il avança et il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans la barque avec leur père, en train de réparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant la barque et leur père, ils le suivirent.  Jésus parcourait toute la Galilée ; il enseignait dans leurs synagogues, proclamait l’Évangile du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.
Patrick BRAUD

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