Pour traduire ces pages en anglais, en allemand ou autre, cliquez sur: To translate these pages into English, in German or other, click on: Um diese
Seiten in Englisch, in Deutsch oder anderem zu übersetzen klicken Sie auf:
Homélie du 30° dimanche ordinaire / Année A 23/10/2011
Une tentation du catholicisme en France pourrait bien être de devenir une religion de la « relation courte ». Devenue minoritaire, la communauté catholique pourrait tomber dans le piège d’un repli sur des relations interpersonnelles chaleureuses entre les happy few de petites communautés très identitaires.
Dans ce contexte, le deuxième commandement cité par Jésus en Mt 22,34-40 serait interprété selon une logique très individualiste. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » serait traduit par : souris à ton voisin ; prend soin de tes collègues ; fais attention à tes proches. Les théoriciens du « care » aux États-Unis se sont engouffrés dans cette voie. « To take care » en anglais, c’est prendre soin de l’autre, individuellement, être attentif à lui dans les multiples services que je peux lui rendre. C’est déjà énorme. Le deuxième commandement biblique ne nie pas le care, mais ne veut pas l’absolutiser non plus. Aimer son prochain ne se réduit pas à restaurer des petits îlots communautaires où l’on guérit les blessures de la vie de quelques-uns. Si l’Église se laissait réduire à ce rôle d’atelier de réparation pour quelques accidentés de la vie, elle s’éloignerait de sa grande tradition sociale. Même minoritaire, elle s’est toujours considérée comme sel de la terre et levain dans la pâte pour la transformation de la société tout entière.
Et c’est là où l’Ancien Testament demeure irremplaçable. Le Nouveau Testament n’a pas eu le temps ni l’espace pour développer toutes les conséquences sociales de la foi en Jésus-Christ. D’ailleurs pour l’essentiel, il assume tout ce que l’Ancien Testament a déjà établi comme repères sociaux et politiques en la matière. La première lecture de ce dimanche vient ainsi en complément indispensable de notre évangile.
« Aimer son prochain comme soi-même », ce n’est pas seulement prendre soin de ses proches (ce qui déjà est énorme, répétons-le), mais c’est ordonner la vie sociale autour de la protection des plus faibles. Ne pas maltraiter l’immigré, ne pas accabler la veuve et l’orphelin, ne pas prêter à des taux usuraires, ne pas dépouiller les pauvres pour des raisons financières : avouons-le, ces impératifs divins énoncés dans le livre de l’Exode (22,20-26) constituent un programme politique qui est toujours d’actualité. Quand on compile toutes les protestations sociales des prophètes, toutes les prescriptions légales de la Tora, tous les principes de gouvernement énoncés par les sages, on se dit que le commandement de l’amour du prochain est décidément beaucoup plus large que le care anglo-saxon !
L’ultralibéralisme ambiant voudrait transformer le christianisme en thérapie individuelle. La recherche du bien-être personnel devient un petit dieu, et fait perdre de vue le bien commun, les réformes structurelles, une vision globale. Bien des chrétiens tombent dans ce piège de la « relation courte » quasi exclusive. D’après eux, les changements collectifs seraient illusoires. Seule compterait la transformation du coeur de chacun.
Mais pourquoi opposer les deux ? Que devient la grande histoire de la doctrine sociale de l’Église, depuis le ?communisme’ des premières communautés chrétiennes (cf. le livre des Actes des Apôtres) jusqu’à la dénonciation des « structures de péché » par Jean Paul II, en passant par les vigoureuses interpellations des Pères de l’Église (ex : « la terre est à tous » ; « en cas de nécessité tout est commun » etc…).
Les trois amours que Jésus unit dans sa célèbre réponse de Mt 22,34-40 ont donc d’immenses conséquences sociales. La philosophie personnaliste qui sous-tend depuis lors l’action des chrétiens ne limite pas l’amour du prochain à la « relation courte » avec ses voisins.
À l’approche des présidentielles de 2012, il faut le redire : les chrétiens sont dépositaires d’une vision profondément originale de la société, d’une force de proposition et de transformation.
Tout en jouant le jeu du pluralisme moderne, légitime et nécessaire, les Églises sauront-elles prendre part à ces débats d’avenir ? Les chrétiens sauront-ils élargir l’amour du prochain à la réforme du vivre ensemble ?
1ère lecture : Dieu exige qu’on aime les pauvres (Ex 22, 20-26)
Lecture du livre de l’Exode
Quand Moïse transmettait au peuple les lois du Seigneur, il disait : « Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés en Égypte. Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.
Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! »
Psaume : 17, 2-3, 4.20, 47.51ab
R/ Je t’aime, Seigneur, Dieu qui me rends fort !
Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire !
Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur, je suis sauvé de tous mes ennemis. Et lui m’a dégagé, mis au large, il m’a libéré, car il m’aime.
Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher ! Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire, Il donne à son roi de grandes victoires, il se montre fidèle à son messie pour toujours.
2ème lecture : L’annonce de l’Évangile et la conversion (1Th 1, 5-10)
lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens
Frères,
vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien. Et vous, vous avez commencé à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves avec la joie de l’Esprit Saint. Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de toute la Grèce. Et ce n’est pas seulement en Macédoine et dans toute la Grèce qu’à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout que nous n’avons plus rien à en dire. En effet, quand les gens parlent de nous, ils racontent l’accueil que vous nous avez fait ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.
Evangile : Amour de Dieu et amour du prochain (Mt 22, 34-40)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu : il connait Dieu. Alléluia.(1 Jn, 8.7)
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’il y a dans l’Écriture – dans la Loi et les Prophètes – dépend de ces deux commandements. » Patrick Braud
Homélie du 24° Dimanche ordinaire Année A 11/09/2011
La question de la dette est au coeur de la parabole de Mt 18,21-35.
10 000 talents et une remise de dette d’un côté, 100 talents et une exigence de remboursement intégral de l’autre.
Encore une parabole économique ! Qui a dit que l’Évangile ne s’occupait que de vie intérieure? ?
La question de la dette est en même temps au coeur de l’actualité sociale partout en Europe, aux USA et dans le monde entier. On nous annonce récession, austérité, du sang et des larmes à cause de l’endettement phénoménal des pays riches.
Passons en revue quelques emplois du mot « dette » dans la vie économique et sociale, en nous demandant quelle lumière l’Évangile peut y projeter.
La dette odieuse
En 1883, le Mexique avait refusé de rembourser une dette contractée auparavant par l’empereur Maximilien. Un régime injuste et illégitime ne pouvait lier le sort de son peuple pour des décennies. L’argument fit jurisprudence dans le droit international. Les États-Unis ont ainsi refusé que Cuba paye les dettes contractées par le régime colonial espagnol. Ils ont obtenu gain de cause via le Traité de Paris en 1898. C’est Alexander Nahum Sack, ancien ministre du Tsar Nicolas II, émigré en France après la révolution de 1917, professeur de droit à Paris, qui a formulé en 1927ce concept juridique de « dette odieuse » :
« Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’État, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’État entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir. »
Les disciples du Christ feront écho sans peine à cette demande de ne pas faire peser sur les épaules des enfants les dettes que les pères ont injustement contractées. Tant de régimes dictatoriaux – en Afrique comme ailleurs – ont « plombé » l’avenir de leur peuple : il est de notre devoir de militer pour l’annulation de ces dettes odieuses, d’autant que souvent elles ont été conclues en connaissance de cause par les créanciers (un peu comme les banquiers ont fermé les yeux lors du surendettement des familles pauvres jusqu’en 2008)?
Le financement des retraites des générations âgées ne releverait-il pas également de cette pratique ‘odieuse’ ?
Sur le plan spirituel, la « dette odieuse » est celle que l’humanité a contractée à travers Adam symboliquement.
C’est la structure même de notre condition de créatures, où nous découvrons notre complicité avec le mal, et la dette que cela engendre à l’égard de Dieu. C’est cette « dette odieuse » que le Christ a clouée sur le bois de la croix, selon le mot de Paul : « Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire; il l’a supprimée en la clouant à la croix. » (Col 2,14)
Croire que nous ne vivons plus sous le régime de l’expiation pour des fautes passées est au coeur du christianisme : la grâce offerte annule les dettes odieuses.
La dette effaçable
Tous les 50 ans, la Bible prévoit de remettre en quelque sorte les compteurs à zéro entre créanciers et débiteurs.
« Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé: chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan » (Lv 25,10).
L’institution du Jubiléest l’expression d’une volonté politique pour lutter contre l’accumulation des inégalités et des handicaps sociaux, qui autrement ne feraient qu’augmenter de génération en génération. En annulant les dettes, en libérant les esclaves, en bridant l’héritage, Dieu invite l’homme à lui ressembler jusque dans ses relations sociales.
Dans certains documents civils grecs, le mot »aphésis » signifie une »remise des taxes ». Et la traduction grecque de la Bible, appelée Septante, use de ce mot pour désigner, lors de l’année sabbatique, la relâche de l’homme accablé de dettes (Deutéronome 15,1) mais aussi la relâche accordée à la terre pour qu’elle se repose (Exode 23,11) ou encore la libération des esclaves (Jérémie 34,17).
Le chap. 25 du Lévitique parle de l’année du Jubilé. Dans la Septante, le mot »aphèsis » y traduit exactement le mot hébreu »derôr », »libération » : »Vous déclarerez sainte la cinquantième année et vous proclamerez dans le pays la libération pour tous les habitants » (v.10) Mais – et cela est capital – il traduit aussi le mot »yobel », »jubilé ». Là où le texte hébreu dit »ce sera pour vous un jubilé », la traduction grecque comprend : »ce sera pour vous un signal de liberté » (v.10 et 11). On le voit d’emblée : comprendre le sens du Jubilé, c’est mettre en valeur ses implications économiques et sociales.
La remise de dettes à chaque Jubilé ne semble guère été observée jusqu’à présent. En tout cas, la remise jubilaire des dettes reste écrite dans la Tora comme l’expression de la sainteté de Dieu.
Nombres d’économistes se sont inspirés de cette loi du jubilé pour demander l’annulation de la dette des pays du tiers-monde. On se souvient par exemple du sommet du G8 en 2005, où les 8 pays créanciers se sont entendus sur un effacement de dette pour 18 pays pauvres très endettés, pour un montant de 40 milliards de dollars. C’est donc qu’il est possible de poursuivre sur cette voie de libération des plus pauvres d’une dette insupportable (sous condition de lutte contre la corruption et de respect des plans d’ajustement structurel qui visent à favoriser les investissements privés).
Pourquoi ne pas en étudier les modalités pour les dettes des pays riches ?
La dette vertueuse
Le capitalisme repose sur le crédit (credo), c’est-à-dire sur la confiance (croire en l’autre). La monnaie fiduciaire (fides = foi, confiance) est le symbole de cette relation de confiance qui unit créanciers et débiteurs. Sans confiance pas d’échanges, pas d’économies modernes. En ce sens, un niveau de dette raisonnable est compatible avec la notion de risque pour faire fructifier les talents reçus.
Après la crise de 1929, on a mis en pratique les théories de John Maynard Keynes sur l’offre et la demande. Si la crise est une crise de surproduction et de sous-consommation, alors il suffit d’injecter de l’argent public (quitte à ce que l’État s’endette pour cela) pour relancer la consommation et la croissance, faisant ainsi reculer le chômage et l’inflation. Hitler l’avait bien compris avec ses grands travaux d’infrastructures et ses dépenses publiques pour le réarmement de l’Allemagne. Le plan Marshal ensuite après-guerre a mis ces idées en pratique, et engendré l’hyperconsommation des années 50-80. Ces « Trente glorieuses » ont consacré la théorie keynésienne de la dette vertueuse : ce n’est pas grave d’emprunter, même massivement, car cela se retrouvera dans la croissance. C’est le fameux mythe du multiplicateur keynésien : endettez-vous de 100 ? pour relancer l’économie par des dépenses publiques, et vous en trouverez 120 ou 150 dans la richesse produite.
Un député ose avouer avec courage que, justement parce que cela a semblé fonctionner après-guerre, tous les responsables politiques ont cru que la dette publique serait vertueuse à la longue :
« Soyons justes ! Keynes est un géant de la pensée économique. Nous lui devons, par exemple, le FMI de Mme Lagarde. Mais il est mort en 1946 et 2011 est bien la date de sa deuxième mort, celle d’un Keynes affirmant que « le déficit de État n’était pas si grave s’il servait à soutenir la demande et la consommation ».
Keynes insiste particulièrement sur l’investissement, faisant de État un acteur économique à part qui pouvait, lui et lui seul, dépenser plus qu’il ne gagnait??.Et le plus formidable, c’est qu’au début, entre-les deux guerres, cela marche !!!!!
Les États-unis se lancent dans une politique de grands travaux, les salaires y sont maintenus à un niveau correct, le déficit reste faible dans cette période historique et il est vite compensé par les recettes fiscales générées par la relance du New Deal?..et pour être honnête, de l’économie de guerre des États-unis entre 1941 et 1945.
Depuis cette époque, nous avons tous Keynes pour alibi lorsque nous sommes interrogés souvent de manière agressive avec cette question lancinante : « Mais qu’avez-vous fait de la France ? Et de ses finances publiques ? » Le dernier budget en équilibre de la France a été présenté ?.en 1980 par Raymond Barre. Depuis, nous avons tous, droite et gauche, voté des budgets en déséquilibre (80 milliards de déficit pour environ 300 milliards de budget en 2011) et accepté l’augmentation de la dette publique jusqu’à son montant actuel de 1640 milliards d’euros. Comment avons-nous pu accepter cela ?
Comment avons-nousété aveuglés à ce point ? Keynes a joué le rôle du grand anesthésiste. Mais, nous avons été complices et lâches. Il m’arrive d’en avoir honte. »
On s’aperçoit aujourd’hui que dépenser beaucoup plus que ce que l’on gagne est toujours catastrophique, pour les États comme pour les particuliers !
Par contre, il existe bel et bien une « dette vertueuse » en régime chrétien.
« Ne gardez entre vous aucune dette, sinon celle de l’amour mutuel » (Rm 13,8): Saint-Paul ne veut pas d’une économie basée sur l’emprunt dans la communauté chrétienne. Mais il sait que la circulation du don est liée à la reconnaissance de la dette d’amour, envers Dieu d’abord et tous ensuite.
Je suis aimé avant que d’aimer.
Je reçois la vie avant de la donner.
Cette antériorité de l’amour reçu crée une dette vertueuse qui oblige à la faire circuler entre tous. Chacun, ne pouvant rembourser cette dette-là, accorde à l’autre un crédit qu’il renonce par avance à récupérer.
La parabole du bon samaritain qui soigne le blessé à l’auberge et disparaît pour ne pas être remboursé de sa dette en est la figure évangélique la plus aboutie.
Si la dette est stable, alors vive la dette qui circule et crée l’échange !
La dette souveraine
C’est la dette d’un État souverain.
Celle de la France suit la courbe ci-dessous. On voit que les intérêts de la dette coûtent désormais plus chers que la dette elle-même !
L’explosion des dettes américaines et européennes est en effet en train d’engendrer une crise plus grave que celle des subprimes en 2008. À l’époque, c’étaient les pauvres qui s’endettaient trop – sous la pression des banques – pour acheter leur maison aux USA. Aujourd’hui, ce sont les États riches qui risquent de devenir insolvables…
Les partisans d’une certaine sobriété ne manqueront pas d’en tirer avantage, en s’appuyant sur les appels évangéliques à une certaine simplicité de vie. La frugalité était une vertu du capitalisme naissant. On ferait bien d’y revenir !
Dettes publique des Etats, en % du PIB
Remets-nous nos dettes
Pourquoi la traduction française du Notre Père a-t-elle remplacé le mot dettes par offenses ? Ce n’est pas fidèle au texte (le latin l’était : sicut et nos dimittimus debitoribus nostris). Quel dommage ! Car la prière que nous a enseignée le Christ parle bien de remise de dettes, sur un modèle économique, et pas de pardon ou de fautes ni d’offenses au sens moral du terme. Ce qu’enseignait le Christ est dans la droite ligne du Jubilé (Lévitique 25) : pratiquer régulièrement l’effacement des dettes mutuelles, pour éviter que ne s’accumulent la haine, la rancoeur et les vengeances sans fin (cf. la 1° lecture : Si 27, 30 ; 28, 1-7).
« Ne gardez entre vous aucune dette, sinon celle de l’amour mutuel ».
Si cette dette-là est stable, c’est bon signe !
1ère lecture : Comment un homme pécheur ne pardonnerait-il pas ? (Si 27, 30 ; 28, 1-7 )
Lecture du livre de Ben Sira le Sage
Rancune et colère, voilà des choses abominablesoù le pécheur s’obstine.
L’homme qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur ; celui-ci tiendra un compte rigoureux de ses péchés.
Pardonne à ton prochain le tort qu’il t’a fait ; alors, à ta prière, tes péchés seront remis.
Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ?
S’il n’a pas de pitié pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses propres fautes ?
Lui qui est un pauvre mortel, il garde rancune ; qui donc lui pardonnera ses péchés ?
Pense à ton sort final et renonce à toute haine, pense à ton déclin et à ta mort, et demeure fidèle aux commandements.
Pense aux commandements et ne garde pas de rancune envers le prochain, pense à l’Alliance du Très-Haut et oublie l’erreur de ton prochain.
Psaume : Ps 102, 1-2, 3-4, 9-10, 11-12
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Il n’est pas pour toujours en procès, ne maintient pas sans fin ses reproches ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint ; aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés.
2ème lecture : Nous vivons et nous mourons pour le Seigneur (Rm 14, 7-9)
Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains
En effet, aucun d’entre nous ne vit pour soi-même,
et aucun ne meurt pour soi-même :
si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Dans notre vie comme dans notre mort, nous appartenons au Seigneur.
Car, si le Christ a connu la mort, puis la vie, c’est pour devenir le Seigneur et des morts et des vivants.
Evangile : Instruction pour la vie de l’Église. Pardonner sans mesure. (Mt 18, 21-35)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Le Seigneur nous a laissé un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » Alléluia.(cf. Jn 13, 34)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »
Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.
En effet, le Royaume des cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.
Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).
Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.
Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.’
Saisi de pitié, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.
Mais, en sortant, le serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : ‘Rembourse ta dette !’
Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : ‘Prends patience envers moi, et je te rembourserai.’
Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé.
Ses compagnons, en voyant cela, furent profondément attristés et allèrent tout raconter à leur maître.
Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : ‘Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié.
e devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?’
Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il ait tout remboursé.
C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur. » Patrick BRAUD
C’est le titre d’un film de la réalisatrice Icíar Bollaín, sorti en 2010.
« Même la pluie ! Ils veulent tout acheter, même l’eau qui tombe du ciel… »
En protestant contre la privatisation de l’eau en Bolivie en Avril 2000, un humble « survivant » de la ville de Cochabamba va bouleverser le destin de sa famille, de son peuple, des Américains venus tourner un film où il figure Hatuey, le leader indien de la révolte contre Christophe Colomb en 1511.
« Même la pluie ! »
Ce cri de révolte contre l’injustice fait presque écho, de manière inversée, au cri d’admiration de Jésus envers l’amour de Dieu : « même la pluie » tombe sur les injustes comme sur les justes ! C’est donc que Dieu lui-même aime ses ennemis : il fait tomber la pluie sur tous, sans considération de leurs mérites.
« Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. »
La pointe de cet argument ne porte pas sur le lien entre Dieu et la pluie. Dans une société préscientifique, Jésus lui-même ne peut remettre en cause ce lien magique, naïf, archaïque. Non, la pointe de l’argument c’est que « même la pluie » (ou le soleil d’ailleurs) atteste de la bonté de Dieu pour tous, en tombant également pour les injustes.
·De la récompense / punition à la gratuité pour tous
Il faut se souvenir qu’aujourd’hui encore, un juif pratiquant récite trois fois par jour dans la prière du ?Shema Israël’ (« écoute Israël ! » Dt 6,4) que la pluie ne tombe en Israël que si les commandements de la Loi sont respectés. « Si tu observes mes commandements, je ferai tomber la pluie et bénirai tes récoltes… Mais si tu n’observes pas mes commandements, je fermerai les cieux et la terre ne produira plus de récoltes» (Dt 11,13-17 : c’est dans la 2° section du shema Israël en fait, Dt 11,13-21, après Dt 6,4 et avant Nb 15, 37-41).
Jésus connaît bien ces versets, incorporés depuis au Shema Israël… Et pourtant il ose affirmer en quelque sorte que Dieu n’est pas lié par cette loi, puisqu’il fait tomber la pluie même sur les injustes ! Il ose se réjouir de cet amour de Dieu pour tous, qui devient ainsi la source de son amour pour ses ennemis. L’eau qui jaillira de son côté ouvert sur la croix tombera en pluie de grâce sur les soldats romains qui l’ont torturé et cloué, sur les chefs des prêtres qui l’ont jugé et condamné, comme sur Marie ou sur Jean…
Cela scandalise encore les ultras-religieux trop raides dans leur foi ! Ou les amoureux d’une justice éblouissante.
Comment ? Dieu ne punit pas les méchants ? Il pardonne à ses bourreaux ? Il va jusqu’à aimer ses ennemis ? Mais c’est un faible, un sous homme (cf. Marx), un esclave (cf. Nietzsche) qui supporte l’insupportable !
·Même Élie a dû apprendre à aimer ses ennemis
Souvenez-vous du prophète Élie (1R 17-19). Le grand prophète Élie, dont le peuple juif attend le retour à la fin des temps. Il était tellement ‘religieux’ qu’il a voulu être plus royaliste que le roi, plus sévère que le Dieu d’Israël. Révolté par l’idolâtrie du roi Achab et de sa fameuse compagne Jézabel, il s’attendait à ce que Dieu fasse cesser la pluie sur le pays, en châtiment, selon la Loi. Or la pluie tombe encore sur Israël, et cela irrite Élie, qui décide alors de faire ce que Dieu aurait dû faire d’après lui (tous les terroristes religieux suivent ce raisonnement, hélas). Il décrète (de sa seule initiative) à Achab qu’il n’y aura plus de pluie qui tombera en Israël. Élie se prend pour Dieu. Il exige de Dieu qu’il applique sa Loi à la lettre.
Ce coup de force contre Dieu marchera un temps au mont Carmel contre les prophètes de Baal. Mais ensuite, à travers les signes du pain et de la cruche d’huile de la veuve de Sarepta, à travers le doux murmure devant sa grotte, Élie découvrira que Dieu n’est pas dans la violence qui s’impose, pas dans l’ouragan qui foudroie [1]. Il est dans l’humble nourriture chaque jour (« notre pain quotidien »), dans le patient murmure qui annonce son passage, « de dos »…
Elie réclamait la sévérité pour les idolâtres.
Jésus révèle l’amour de Dieu pour les injustes.
Les ultras-religieux veulent punir ceux qui ne le sont pas.
Jésus fait tomber une pluie de grâce sur « celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas ».
Seule la contemplation de cet amour universel en Dieu peut nous donner le courage et la force d’aimer nos ennemis, nous aussi, avec Lui et en Lui. « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ».
La loi de gradualité
· Pour cela, il nous faudrait peut-être réapprendre la « loi de gradualité », que la Doctrine Sociale de l’Église décline comme une patience bienveillante envers tous :
« Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin. Ainsi se développe un processus dynamique qui va peu à peu de l’avant grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour définitif et absolu dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire pour que les fidèles, les familles et les peuples, et même la civilisation, à partir de ce qu’ils ont reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie. » (Jean-Paul II, Familiaris Consortio n° 9, 1981)
Cette loi de gradualité n’implique pas la gradualité de la loi : elle n’enlève pas l’exigence un impératif absolu (« aimez vos ennemis ! »), mais elle nous laisse le temps de progresser vers cet horizon, par degrés, patiemment, graduellement.
· « Même la pluie » qui tombe témoigne de l’amour des ennemis. Cette pluie-là n’est pas à vendre, pas plus que la pluie bolivienne. Personne ne peut l’acheter.
Qu’elle empêche notre rapport à la loi de se dessécher !
[1]. Les rabbins, constatant eux aussi que la pluie tombe sur Israël même idolâtre, vont distinguer deux pluies : une pluie minimale, garantie à tous, et une pluie de bienfaisance, surabondance de vie accordée à ceux qui observent les commandements.
[2]. Cf. Le doux murmure, Sébastien Allali, DDB, 2010, ou Ce Dieu censé aimer la souffrance, François Varone, Cerf, 1984.
1ère lecture : Tu aimeras ton prochain, car je suis saint (Lv 19, 1-2.17-18)
Lecture du livre des Lévites
Le Seigneur adressa la parole à Moïse :
« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère. Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon, et ainsi tu ne partageras pas son péché.
Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Je suis le Seigneur ! »
Psaume : 102, 1-2, 3-4; 8.10, 12-13
R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
bénis son nom très saint, tout mon être !
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
n’oublie aucun de ses bienfaits !
Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse.
Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses.
Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, il met loin de nous nos péchés ; comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint !
2ème lecture : La sagesse véritable: appartenir tous ensemble au Christ (1 Co 3, 16-33)
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens
Frères,
n’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous.
Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous.
Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage.
Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. L’Écriture le dit : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté.
Elle dit encore : Le Seigneur connaît les raisonnements des sages : ce n’est que du vent !
Ainsi, il ne faut pas mettre son orgueil en des hommes dont on se réclame. Car tout vous appartient,
Paul et Apollos et Pierre, le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.
Evangile : Sermon sur la montagne. Aimez vos ennemis, soyez parfaits comme votre Père céleste (Mt 5, 38-48)
Acclamation :Alléluia. Alléluia. Celui qui garde la parole du Christ connaît l’amour de Dieu dans sa perfection. Alléluia.(cf. 1 Jn 2, 5)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Vous avez appris qu’il a été dit : Oeil pour oeil, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Donne à qui te demande ; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter. Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Patrick Braud
Je vois un homme s’approcher de la forme humaine dont on ne sait pas si elle est accroupie, assise ou allongée sur le goudron du trottoir. Devant l’entrée du supermarché spécialisé dans le hard discount en plein quartier populaire de la ville, l’homme distingue ce SDF, un de plus, qui pioche avec une fourchette dans une barquette en plastique de carottes râpées à 1 € (0,99 € exactement, ‘marque repère’…). À côté de la forme, l’inévitable bouteille de vin, elle aussi en plastique, déjà à moitié vidée.
L’homme hésite visiblement, dépasse la silhouette aux carottes râpées, convaincu sans doute (et peut-être avec raison) que l’aide à la mendicité est contre-productive. Mais il fait froid. De plus en plus avec le brouillard qui tombe. Mais la solitude dans le noir de la ville est encore plus glaciale lorsqu’on est dans la galère : même un habitant des beaux quartiers, bien éclairé et bien chauffé, peut deviner cela… Il revient sur ses pas, s’accroupit au côté de la forme noire et rouge. Surprise : c’est une femme. En relevant la tête, elle s’étonne, et bredouille quelques mots : « plus de place. Demain j’irai ». L’homme sort un billet de 20 € de son porte-monnaie et lui met dans la main : « faites attention à ne pas vous le faire voler ». Elle ne dit rien. Elle ne peut rien dire ; l’alcool a déjà embrouillé sa langue. Mais elle le regarde avec une tendresse inattendue sur ce trottoir, et lui caresse doucement la joue…
- « Voulez-vous que j’appelle le 115 ? »
- « Ils sont venus. Pas de place. »
- « Où allez-vous dormir ? »
- « Ailleurs. »
L’homme se relève. Obligé de continuer sa route…
Répondre par des actes concrets
Pourquoi raconter longuement cette scène si fréquente dans nos cités ? Parce qu’elle rejoint notre évangile d’Avent. Jean-Baptiste exprime en effet son interrogation au sujet de Jésus : qui est-il vraiment ?
« Il veut que les faits parlent et disent la différence qui existe entre lui et Jésus. Il envoie donc les deux disciples qu’il croit les plus aptes à comprendre (saint Jean Chrysostome : XXXVI° homélie sur l’évangile selon saint Matthieu, I&2).
Ses disciples demandent à Jésus de répondre : « es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Or Jésus ne répond pas par des discours ou par des paroles. Il renvoie à ses actes :«Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres… »
Autrement dit : la venue du Fils de l’Homme se joue dans les actes concrets qui aujourd’hui encore donnent de la dignité aux méprisés, font confiance aux humiliés, donnent un toit aux sans-abri, de la nourriture et du travail à celui qui est méprisé, et ainsi privé de la fraternité des hommes…
Jésus n’a pas fait un long discours sur la Trinité aux envoyés de Jean-Baptiste. Il a simplement renvoyé à ses actes. « Mes oeuvres parlent pour moi » dira-t-il dans l’Évangile de Jean. Ici, il demande seulement aux envoyés de Jean de constater : « allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez ».
Jean-Baptiste était la Voix. Jésus est le Verbe fait chair, la parole faite actes.
N’est-ce pas ce que les hommes d’aujourd’hui attendent des chrétiens : qu’ils agissent, que leurs actes traduisent leur conception de l’homme, du respect des plus faibles, de la défense de la vie sous toutes ses formes et à toutes ses étapes ?
Le psaume 145 de notre liturgie décline d’ailleurs cette identité divine en une série d’actions de salut et de libération. Dieu se révèle tel qu’il est lorsqu’il agit pour ceux qu’il aime, nous les hommes : il fait justice / donne le pain / délie / ouvre les yeux / redresse / aime / protège / soutient…
Isaïe était tout aussi concret : « Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ils reviendront, les captifs rachetés par le Seigneur? »
La feuille de route de l’Église
C’est toujours notre feuille de route pour être à son image, pour le laisser agir à travers nous, pour être « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » (Concile Vatican II, Lumen Gentium n° 1). La vocation sacramentelle de l’Église, c’est aussi cela : faire en sorte que : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres… »
Paul VI le disait avec courage en 1975 :
« Pour l’Église, le témoignage d’une vie authentiquement chrétienne, livrée à Dieu dans une communion que rien ne doit interrompre mais également donnée au prochain avec un zèle sans limite, est le premier moyen d’évangélisation. « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maître » disions-Nous récemment à un groupe de laïcs, « ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins ». Saint Pierre l’exprimait bien lorsqu’il évoquait le spectacle d’une vie pure et respectueuse, « gagnant sans paroles même ceux qui refusent de croire à la Parole » (1P 3,1). C’est donc par sa conduite, par sa vie, que l’Église évangélisera tout d’abord le monde, c’est-à-dire par son témoignage vécu de fidélité au Seigneur Jésus, de pauvreté et détachement, de liberté face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, de sainteté. »
Evangelii Nuntiandi n° 41, Paul VI (8/12/1975)
Puissions-nous traduire en actes concrets, au coeur du froid et des nuits hivernales tout particulièrement, cette feuille de route que le Messie a laissée à son Église ! Il y a tant d’associations, chrétiennes ou non, que nous pouvons soutenir, aider et encourager, et auxquelles participer, pour que des actes soient posés avec les plus petits, les laissés-pour-compte… Il y a tant de gestes efficaces que nous pouvons (devons) faire en ce sens…
1ère lecture : Les merveilles du salut à venir (Is 35, 1-6a.10)
Lecture du livre d’Isaïe
Le désert et la terre de la soif, qu’ils se réjouissent ! Le pays aride, qu’il exulte et fleurisse,
qu’il se couvre de fleurs des champs, qu’il exulte et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et de Sarône. On verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu.
Fortifiez les mains défaillantes, affermissez les genoux qui fléchissent,
dites aux gens qui s’affolent : « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. »
Alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds.
Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Ils reviendront, les captifs rachetés par le Seigneur, ils arriveront à Jérusalem dans une clameur de joie, un bonheur sans fin illuminera leur visage ; allégresse et joie les rejoindront, douleur et plainte s’enfuiront.
Psaume : Ps 145, 7, 8, 9ab.10a
R/ Viens, Seigneur, et sauve-nous !
Le Seigneur fait justice aux opprimés ;
aux affamés, il donne le pain,
le Seigneur délie les enchaînés.
Le Seigneur ouvre les yeux des aveugles,
le Seigneur redresse les accablés,
le Seigneur aime les justes.
Le Seigneur protège l’étranger.
Il soutient la veuve et l’orphelin.
D’âge en âge, le Seigneur régnera.
2ème lecture : Ayez de la patience : la venue du Seigneur est proche (Jc 5, 7-10)
Lecture de la lettre de saint Jacques
Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience. Voyez le cultivateur : il attend les produits précieux de la terre avec patience, jusqu’à ce qu’il ait fait la première et la dernière récoltes.
Ayez de la patience vous aussi, et soyez fermes, car la venue du Seigneur est proche.
Frères, ne gémissez pas les uns contre les autres, ainsi vous ne serez pas jugés. Voyez : le Juge est à notre porte.
Frères, prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur.
Evangile : Jean Baptiste et Jésus (Mt 11, 2-11)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples :
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez :
Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres.
Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi ! »
Tandis que les envoyés de Jean se retiraient, Jésus se mit à dire aux foules à propos de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir au désert ? un roseau agité par le vent ?…
Alors, qu’êtes-vous donc allés voir ? un homme aux vêtements luxueux ? Mais ceux qui portent de tels vêtements vivent dans les palais des rois.
Qu’êtes-vous donc allés voir ? un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète.
C’est de lui qu’il est écrit : Voici que j’envoie mon messager en avant de toi, pour qu’il prépare le chemin devant toi.
Amen, je vous le dis : Parmi les hommes, il n’en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. » Patrick Brau