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23 octobre 2014

Le cognac de la foi

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le cognac de la foi

Homélie du 30° dimanche du temps ordinaire
26/10/14

La légende du chevalier de la Croix Maron

On raconte qu’un jour, au XVII° siècle, près de Segonzac en Charente, le chevalier de la Croix Maron fit un rêve étrange. Il se voyait Le cognac de la foi dans Communauté spirituelle alambic_eclatemourir, puis emporté en enfer pour y expier ses fautes en brûlant dans un grand feu. Mais comme cela ne suffisait pas – vue l’énormité de ses fautes ! – le diable le tirait hors du chaudron et le faisait entrer une deuxième fois dans la fournaise. Se réveillant en sueur, il se dit : mais voilà ce qu’il faut que je fasse avec mon vin ! Le distiller deux fois et non une seule… !

La double distillation était née, qui allait permettre aux vignes de la région de Cognac de produire le nectar mondialement connu. Car il faut d’abord distiller une première fois le moût de raisin pour obtenir une première eau-de-vie titrant 70° à 80°, imbuvable. De cette distillation on élimine la tête et la queue (le début et la fin), pour ne garder que le cœur. Et c’est ce cœur que l’on distille une deuxième fois pour obtenir la véritable eau-de-vie, qui deviendra du cognac en se mariant avec les tanins du bois de chêne des fûts de la forêt du Tronçay.

La double distillation, c’est donc l’art de garder l’essentiel, le cœur du cœur du fruit de la vigne, d’en extraire la quintessence en quelque sorte.

 

L’essentiel de la foi

C’est exactement ce que fait Jésus avec les commandements de la loi juive !

Il y en a 613, que normalement tout juif pratiquant doit respecter à la lettre, de la nuit à la nuit. Il couvre tous les domaines de la vie quotidienne, depuis la  bénédiction en allant aux toilettes jusqu’à la manière de faire la cuisine, en passant par les pratiques financières ou la vie intime du couple. À tel point que l’on peut légitimement se sentir un peu perdu devant un tel foisonnement d’exigences.

Pourquoi 613 d’ailleurs ? C’est la somme de 248 et de 365. Or 248 était le nombre de membres du corps humain connus à l’époque, et 365 le nombre de jours de l’année évidemment. Ce sont donc des commandements qui concernent la totalité de l’être humain, tous les jours de sa vie.

Dans ces 613, quels sont les plus importants ? Lesquels faut-il absolument respecter en priorité ?
La question adressée à Jésus est légitime. Sa réponse vaut tout autant pour son contenu que par sa méthode.
       Le contenu : l’amour au centre de tout.
       La méthode : simplifier, simplifier et simplifier encore.

 

Le choc de la simplification

Arrêtons-nous sur la méthode de la réponse du Christ, parce que c’est peut-être ce dont nous avons le plus besoin aujourd’hui. Au lieu de perdre ses auditeurs dans le maquis des prescriptions et des interdits juridiques, Jésus va à l’essentiel. Tel le viticulteur charentais devant son alambic, il distille par deux fois la foi juive, et de ce travail de simplification coule le vrai nectar de la foi chrétienne : l’amour de Dieu, de l’autre, de soi, liés à la manière d’un nœud borroméen en trois exigences équivalentes.

Dans son discours, la seule chose alambiquée est son art d’aller à l’essentiel !

Or l’essentiel n’est pas de savoir bien mettre son tallit ou ses tephillim, ce n’est pas de savoir distinguer le cacher du non casher, ce n’est pas de connaître les règles du shabbat ou de Pessah, non le cognac de la foi c’est ce triple amour qui n’en fait qu’un.

 

La simplification dans l’histoire

Cette capacité à simplifier la foi chrétienne pour la rendre accessible à tous fait partie de l’ADN de l’Église.

- Les apôtres annonçaient essentiellement la résurrection de Jésus crucifié (c’est le kérygme). Le reste (baptême, éthique, vie ecclésiale…) ne venait qu’après, dans la foulée, comme des conséquences logiques.

- Pendant les trois premiers siècles, les martyrs chrétiens concentraient leur témoignage sur l’espérance d’une résurrection avec le Christ, et sur l’amour des ennemis, ceux-là mêmes qui les suppliciaient avec les bêtes, les glaives et le feu dans les arènes romaines.

- Après l’édit de Constantin (313), l’Église s’est focalisée sur la gestion de la cité et de l’empire. Les Pères de l’Église insistaient sur la défense des plus faibles (ce qu’on a appelé plus tard l’option préférentielle pour les pauvres) parce que c’était l’urgence du moment.

Ensuite, les réformateurs sont à chaque fois revenus au cœur de la foi, tel que leur époque le réclamait.

- François d’Assise a remis la pauvreté, l’égalité et la simplicité évangélique au cœur de la vie fraternelle.

- Saint Dominique a rétabli la prédication comme activité première de l’Église.

- Martin Luther a retrouvé la première place de l’Écriture…

- Plus tard, Vincent de Paul a simplifié l’exubérance du catéchisme pour le recentrer sur la charité en actes.

- Plus près de nous, Jean-Paul II a distillé le plus attendu de la foi pour la fin du XX° siècle, à travers son fameux : « n’ayez pas peur ! »

- Et notre pape François a été élu homme de l’année 2013 par Times Magazine à cause de son style de management, très franciscain, qu’on souhaiterait voir chez nos responsables économiques et politiques…

 

Bref, à chaque période de l’histoire ont surgi de grandes figures qui ont su extraire de la foi chrétienne le cœur du cœur, l’essentiel attendu par leurs contemporains. Et cela s’est toujours fait à travers une simplification désarmante.

À quoi sert d’emberlificoter les non-chrétiens avec des arguties sur le chapelet, les méthodes naturelles, ‘l’obligation’ de la messe ou même le mariage, si le cœur de la foi n’est pas d’abord annoncé, en des termes clairs, vitaux, simples ?

Tout le reste est second (sinon secondaire).

Mais quel est donc le premier qui est annoncé aujourd’hui dans notre culture française ? Quelle est la substantifique moelle du christianisme qu’il nous faut proposer de toute urgence autour de nous ?

Suffirait-il de reprendre à la lettre ce que nos grands réformateurs ont formulé en leur temps ? Ne faudrait-il pas plutôt refaire le travail de simplification qu’eux-mêmes ont accompli dans leur culture pour résumer l’Évangile en quelques mots simples et bouleversants ?

Quels pourraient être ces mots aujourd’hui ?

J’aurais personnellement tendance à penser qu’ils tourneraient autour du respect de toute personne humaine, du début à la fin de sa vie. Et autour d’une invincible espérance en l’amour plus fort que la mort.

Mais chacun doit faire ce travail de simplification – qui est en même temps un travail d’unification – pour lui-même d’abord, pour ses proches ensuite.

 cognac dans Communauté spirituelle

Les gouvernements successifs nous promettent tous un choc de simplification administrative, économique… Mais les lois ne cessent de s’ajouter aux lois, les articles du code du travail s’empilent jusqu’à se contredire, les réglementations prolifèrent comme un cancer incontrôlable.

Retrouvons l’art de distiller le cœur de la foi chrétienne en quelques paroles simples.

Distillons – deux fois si nécessaire – cet essentiel de la foi pour qu’il soit facile et clair d’y entrer.

Après tout, croire n’est pas compliqué ! Au contraire c’est ce qui simplifie la vie, au sens premier du terme.

 distillation 

Et vous donc, quel sera donc votre cognac de la foi ?

 

1ère lecture : Dieu exige qu’on aime les pauvres (Ex 22, 20-26)

Lecture du livre de l’Exode
Quand Moïse transmettait au peuple les lois du Seigneur, il disait : « Tu ne maltraiteras point l’immigré qui réside chez toi, tu ne l’opprimeras point, car vous étiez vous-mêmes des immigrés en Égypte. Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. Ma colère s’enflammera et je vous ferai périr par l’épée : vos femmes deviendront veuves, et vos fils, orphelins.
Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier : tu ne lui imposeras pas d’intérêts. Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. C’est tout ce qu’il a pour se couvrir ; c’est le manteau dont il s’enveloppe, la seule couverture qu’il ait pour dormir. S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant ! »

Psaume : 17, 2-3, 4.20, 47.51ab

R/ Je t’aime, Seigneur, Dieu qui me rends fort !

Je t’aime, Seigneur, ma force :
Seigneur, mon roc, ma forteresse,
Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite,
mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire ! 

Louange à Dieu ! Quand je fais appel au Seigneur,
je suis sauvé de tous mes ennemis.
Et lui m’a dégagé, mis au large,
il m’a libéré, car il m’aime.

Vive le Seigneur ! Béni soit mon Rocher !
Qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire,
Il donne à son roi de grandes victoires,
il se montre fidèle à son messie pour toujours.

2ème lecture : L’annonce de l’Évangile et la conversion (1Th 1, 5-10)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens 

Frères,
vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien. Et vous, vous avez commencé à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves avec la joie de l’Esprit Saint. Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et de toute la Grèce. Et ce n’est pas seulement en Macédoine et dans toute la Grèce qu’à partir de chez vous la parole du Seigneur a retenti, mais la nouvelle de votre foi en Dieu s’est si bien répandue partout que nous n’avons plus rien à en dire. En effet, quand les gens parlent de nous, ils racontent l’accueil que vous nous avez fait ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable, et afin d’attendre des cieux son Fils qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient.

Evangile : Amour de Dieu et amour du prochain (Mt 22, 34-40)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dieu est amour. Celui qui aime est né de Dieu : il connait Dieu. Alléluia. (1 Jn, 8.7)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 

Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » Jésus lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu’il y a dans l’Écriture — dans la Loi et les Prophètes — dépend de ces deux commandements. »
Patrick BRAUD

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4 septembre 2014

La correction fraternelle

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

La correction fraternelle

 

Homélie du 23° Dimanche du temps ordinaire / Année A
07/09/2014

Non-assistance à personne en danger / délit de fuite / devoir d’ingérence…

Vous connaissez ces notions que l’actualité remet régulièrement à l’honneur, hélas…

Mais connaissez-vous la « correction fraternelle » dont parle le Christ dans l’Évangile de ce Dimanche 

Non-assistance à personne en danger / Délit de fuite

On redécouvre cet impératif moral : ne pas laisser quelqu’un en danger sans réagir.
L’actualité nous en a livré quelques exemples, hélas a contrario :

- Les chrétiens d’Irak sont menacés de mort par les djihadistes s’ils ne se convertissent pas à l’islam, et chassés de leur terre. Ne pas les soutenir, ne pas intervenir serait criminel. Les USA bombardent les bases de ‘l’État islamique en Irak et au Levant’ (EIIL). La France envoie une aide humanitaire, accueille des réfugiés chrétiens irakiens et arme les Kurdes contre les djihadistes. Décisons ajustées à l’urgence ? La non-assistance à personnes en danger serait de ne rien faire…

- Les sommets de la terre constatent régulièrement les dangers écologiques qui menacent la planète, et donc les générations futures : effet de serre, eau potable, développement non-durable… la non-assistance à planète en danger serait catastrophique pour l’avenir…

- Des faits divers mettent en scène régulièrement des agressions dans le métro ou le RER où personne ne réagit dans la rame, hélas.

-  Il nous est tous arrivé de reprendre notre voiture sur un parking, bien éraflée par un conducteur indélicat qui n’a même pas pris la peine de laisser une carte de visite… Le délit de fuite commence là !

Dans notre évangile, Jésus semble déjà poser les fondations du devoir d’assistance : lorsque ton frère est en danger – à cause du péché ici, et c’est vraiment dangereux de s’installer dans le péché – c’est ton devoir de lui porter secours en l’aidant à changer.

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute ».

Mais Jésus va encore plus loin…

●  Devoir d’ingérence

Vous vous souvenez : c’est Bernard Kouchner qui avait popularisé l’expression, au moment de la guerre des Balkans, pour justifier l’intervention européenne au Kosovo en 1999. On ne peut pas laisser chaque pays mener la politique qu’il veut sous prétexte qu’il est libre. Il y a parfois le devoir de s’ingérer dans les affaires d’autrui, au nom de notre humanité commune. Sinon, c’est le règne de l’individualisme où personne ne sait pas dans la même rue qui est son voisin et ce qu’il fait. Il y a des immeubles ou des rues dans lesquels on vit juxtaposés, sans se connaître les uns les autres, farouchement repliés sur la fameuse liberté des gens « qui font ce qu’ils veulent »,  sous-entendu « je m’en fiche, et je ne veux pas me mêler des affaires des autres ».

Pour Jésus, vivre ensemble, ce n’est pas vivre juxtaposés. C’est me sentir un peu responsable de ce que devient l’autre.
Parfois cela va jusqu’au devoir d’ingérence [1]. Par exemple, si on se sentait un plus solidaire de ce que vivent les couples amis autour de nous, on pourrait parfois intervenir avant qu’ils se séparent, car cela se voit quand un couple va mal…

Mais Jésus va encore plus loin…

 

●  Correction fraternelle

C’est l’expression consacrée pour parler de la démarche que propose Jésus.

La correction fraternelle dans Communauté spirituelleDémarche réaliste, qui constate que le péché existe bien dans nos assemblés et communautés d’Église :  » Si ton frère a commis un péché… »  Jésus est réaliste : il sait bien que les chrétiens ne seront pas forcément meilleurs que les autres. Il ne rêve pas d’une Église de purs, de parfaits. Mais il va essayer de donner une procédure pour essayer de résoudre les difficultés qui naissent tôt ou tard dans une paroisse, un groupe d’Église, dans une famille ou dans la vie sociale.

Cette procédure, c’est la correction « fraternelle ».

En quoi consiste-elle ?

- D’abord à voir l’autre comme un frère/une sœur.
Même s’il ou elle a commis un péché grave, c’est d’abord un enfant de Dieu « pour lequel le Christ est mort » comme dit St Paul (1Co 8,11). Quoi qu’il ait fait, même le pire, il reste mon frère / ma sœur en humanité. De plus, continuer à l’appeler frère m’oblige à me souvenir que moi aussi je suis pécheur : ce n’est donc pas pour « lui faire la leçon » puisque « je serais meilleur » qu’il faut lui parler, c’est pour ne pas le laisser en danger – spirituel et humain – sans réagir. C’est donc dans un climat d’amour, et non de jugement, qu’il nous est demandé d’intervenir.

- Tout l’Évangile nous parle justement de tendre une perche aux « pécheurs » et non de leur mettre la tête sous l’eau.
Juste avant le passage d’aujourd’hui, c’était la parabole de la brebis perdue : 
« gardez-vous de mépriser quiconque… soyez comme le berger qui court à la recherche de la brebis perdue… Votre Père ne veut qu’aucun ne se perde… » (Mt 18, 10-14) Et juste après, Jésus va demander à Pierre de « pardonner 70 fois 7 fois » (Mt 18, 21-22) avant de déplorer l’attitude du serviteur impitoyable et sans cœur qui ne veut pas remettre une dette à un compagnon (Mt 18, 23-25).

Ainsi, c’est dans un climat d’amour qu’il nous est demandé d’intervenir. On n’a le droit de faire une remarque à quelqu’un que si on voit en lui un frère à aimer ! Mais comme il n’y a pas d’amour sans vérité, il faut faire la vérité sur les comportements et les paroles qui blessent.

- Pour cela, Jésus établit avec tact une progression.

canards+  Seul à seul d’abord : avec discrétion, pour que le coupable puisse garder sa réputation et son honneur en changeant
rapidement.

+  À deux ou à trois ensuite : pour éviter les jugements trop subjectifs, où l’on aurait pu se tromper
d’appréciation ; et aussi pour trouver à plusieurs des arguments qui pourraient convaincre davantage. Cela permet aussi d’éviter la précipitation et l’arbitraire.

+  Et enfin devant toute l’Église : par exemple, St Jean Chrysostome refuse la communion à l’empereur qui revient des jeux du cirque. Il a du sang sur les mains : c’est un devoir d’amour que de l’exclure de la communion (ou plutôt de lui révéler qu’il s’est lui-même exclu de la communion) pour qu’il change de vie. « S’il refuse, considère-le comme un païen et un publicain » : c’est-à-dire considère-le comme quelqu’un à évangéliser de nouveau, quelqu’un qui s’est placé de lui-même en dehors de l’Église, et qui a besoin de se convertir à nouveau.

Par trois fois ce frère a repoussé la main qu’on lui tendait, et a persisté dans son péché. Après lui avoir donné toutes ses chances, pratiquement, la communauté se reconnaît impuissante vis-à-vis de ce frère. Du moins jusqu’à ce qu’il retrouve le désir de changer de vie.

Quel péché public peut justifier d’aller jusque là ? J’ai déjà cité St Jean Chrysostome et l’empereur revenant des jeux du cirque. On pourrait penser à ceux qui en Italie ou chez nous sont dans la Mafia et font pourtant semblant de prier à l’église. On pourrait penser aux extrémistes catholiques qui prêchent la haine sous alibi de défense de la chrétienté. Le tout est d’éviter la non-assistance à personne en danger, et le délit de fuite, d’appliquer avec discernement le devoir d’ingérence, et de pratiquer plus tard la correction fraternelle.

Les moines pratiquent depuis longtemps cette hygiène relationnelle. À la réunion du chapitre, chacun peut battre sa coulpe, ou le Père Abbé peut reprocher à chacun ce qu’il pense légitimement devoir lui dire afin de l’aider à vivre en communion avec les autres.

« Quand on peut amender quelqu’un et qu’on néglige de le faire, on se rend complice de sa faute » (saint Grégoire le Grand, « Moralia in Job », X 7). 

Entraînez-vous à pratiquer la correction
fraternelle
 (donnée et reçue) en famille, au travail, entre amis… : c’est exigeant, mais l’amour véritable est à ce prix.

11113010 correction dans Communauté spirituelle


[1]. « La notion d’ingérence humanitaire est ancienne. Elle reprend et élargit la notion d’intervention d’humanité qui au XIXème siècle autorisait déjà une grande puissance à agir dans le but de protéger ses ressortissants ou des minorités (religieuses par exemple) qui seraient menacées. Dans De Jure Belli
ac Pacis
 (1625), déjà, Hugo Grotius avait évoqué un “droit accordé à la société humaine” pour intervenir dans le cas où un tyran “ferait subir à ses sujets un traitement que nul n’est autorisé à faire”.  

L’idée d’ingérence humanitaire a été ranimée au cours de la guerre du Biafra (1967-1970) pour dénoncer l’immobilité des chefs d’États et de gouvernement face à la terrible famine que le conflit avait déclenchée, au nom de la non-ingérence. C’est sur cette idée que se sont créées plusieurs ONG, dont Médecins sans frontières, qui défendent l’idée qu’une violation massive des droits de la personne doit conduire à la remise en cause de la souveraineté des États et permettre l’intervention d’acteurs extérieurs, humanitaires notamment.  

La théorisation du concept date des années 1980. Le philosophe Jean-François Revel fut le premier à évoquer le « devoir d’ingérence » en 1979 dans un article du magazine français l’Express en 1979 consacré aux dictatures centrafricaine de Jean-Bedel Bokassa et ougandaise d’Idi Amin Dada. Le terme fut repris par le philosophe Bernard-Henri Lévy l’année suivante à propos du Cambodge et reformulé en « droit d’ingérence » en 1988, au cours d’une conférence organisée par Mario Bettati, professeur de droit international public et Bernard Kouchner, ancien représentant spécial des Nations Unies au Kosovo et l’un des fondateurs de Médecins sans frontières. Bernard Kouchner en a été le principal promoteur depuis et Mario Bettati a participé à la diffusion de ce concept dans les cercles onusiens notamment. »

Source : http://www.operationspaix.net/41-resources/details-lexique/devoir-et-droit-d-ingerence.html 

 

 

 

1ère lecture : Le prophète est responsable de ses frères (Ez 33, 7-9)

Lecture du livre d’Ézékiel

La parole du Seigneur me fut adressée : « Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les
avertiras de ma part. Si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’, et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui, le méchant, mourra de son péché, mais à
toi, je demanderai compte de son sang. Au contraire, si tu avertis le méchant d’abandonner sa conduite, et qu’il ne s’en détourne pas, lui mourra de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie.»

Psaume : 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9

R/ Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur,

mais écoutons la voix du Seigneur !
Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu’à lui en rendant grâce,

par nos hymnes de fête acclamons-le !
Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu’il conduit.
Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m’ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : « Celui qui aime les autres accomplit la Loi »(Rm 13, 8-10)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Romains

Frères, ne gardez aucune dette envers personne, sauf la dette de l’amour mutuel, car celui qui aime les autres a parfaitement accompli la Loi. Ce que dit la Loi : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne convoiteras rien ; ces commandements et tous les autres se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait rien de mal au prochain.
Donc, l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour.

Evangile : Instructions pour la vie de l’Église. Tout chrétien est responsable de ses frères (Mt
18, 15-20)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Dans le Christ, Dieu s’est réconcilié avec le
monde. Il a déposé sur nos lèvres la parole de réconciliation. Alléluia. (cf. 2 Co 5, 19)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Jésus disait à ses disciples :

« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes
afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le
comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le
ciel.

Encore une fois, je vous le dis : si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. »
Patrick BRAUD

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16 mai 2014

Le but est déjà dans le chemin

Classé sous Communauté spirituelle — lhomeliedudimanche @ 0 h 01 min

Le but est déjà dans le chemin

Homélie du 5° dimanche de Pâques / Année A
18/05/2014

Le but est en chemin

« Le but est déjà dans le chemin ».

Le but est déjà dans le chemin dans Communauté spirituelle 201105131641Cette maxime, attribuée tantôt à Nietzsche tantôt à Lao Tseu, ou à d’autres auteurs encore, exprime une vérité qui rejoint celle de notre évangile (Jn 14,1-12).

Dire que le chemin est le but, c’est inverser l’ordre des priorités : il n’y a pas de but transcendant et préexistant, il y a seulement une manière d’avancer qui nous transforme en ce que nous devons devenir.

C’est grâce à Thomas que nous savons que Jésus se pense lui-même comme le chemin pour aller vers Dieu : « je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 11). Et c’est grâce à Philippe que nous savons que ce chemin est déjà le but : « qui m’a vu a vu le Père ». Philippe voulait qu’on lui montre le but à atteindre (le Père). Jésus l’oblige à se concentrer sur le chemin pour y aller. S’engager sur ce chemin (le Christ) est déjà ne faire qu’un avec le Père. Comme si le terme de la marche était présent à chaque avancée sur le sentier… Tel le ruban de Möbius qui conduit à lui-même en changeant sans cesse de face, le chemin de la foi au Christ nous transforme en cours de route à l’image de son Père. Cette transformation (transfiguration) n’est pas un but à atteindre : c’est une conséquence du mouvement même qui nous unit au Christ.

La Fontaine avait pressenti quelque chose de cet ordre en écrivant la fable du laboureur et de ses enfants. Le vrai trésor n’est pas ce qui est caché dans le champ, mais le fait même de retourner le champ par un travail acharné. 

200px-La_Fontaine_-_Fables_-_1668 but dans Communauté spirituelleTravaillez, prenez de la peine :
C’est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans.
Je ne sais pas l’endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

Le père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu’au bout de l’an
Il en rapporta davantage.

D’argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor. 

En termes techniques, certains vous diront qu’on passe alors d’une stratégie prédictive (un but / des moyens) à une stratégie effectuale (des moyens produisent des effets qui deviennent des buts en chemin).

La question n’est plus : à quoi ça sert ? mais : qu’est-ce que je vais faire avec cela ?

Et cela s’applique à bien des domaines de la vie.

- Si par exemple le but d’un couple est dans le chemin qu’il emprunte, et non pas dans un rêve idéalisé, alors c’est le dialogue, l’engagement commun, le respect mutuel qui décideront en chemin de ce que ce couple deviendra et non l’inverse.

- Si en entreprise, le but du management est dans le chemin qu’il parcourt avec les employés, alors il ne peut plus y avoir de stratégie directive pour atteindre des objectifs fixés à l’avance. C’est en cours de route, en pratiquant la co-construction, le collaboratif, qu’émergeront de façon spontanée des buts déjà atteints grâce à ces attitudes où le comment est plus important que le pourquoi.

Dans ces projets managériaux, le résultat économique n’est pas une ambition à atteindre : le résultat devient une résultante, et non pas un objectif.

 

- Si en Église les responsables exercent leur autorité avec simplicité et humilité, fraternellement, alors ils ne décideront pas à la place de leur communauté, mais avec elle. Et surtout ils incarneront eux-mêmes le message qu’ils transmettent. À tel point que leur message sera bien plus leur manière d’être que leurs idées propres. Regardez le pape François : c’est d’abord sa bonté, son accueil des plus petits, sa compassion envers les exclus qui frappent les foules. Et on finit par dire de lui ce qu’on disait autrefois de Jésus : « il parle en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes ». Autrement dit, on ne se souvient guère du contenu de ce que Jésus disait, mais de la manière dont il le disait, qui était beaucoup plus importante.

À tel point que le message de Jésus finissait par ne plus être ses paroles mais Jésus lui-même.

 

Medium is message

 

Un célèbre théoricien des médias – Marshall Mc Luhan – a formulé ainsi cet effet maintenant bien connu : medium is message.

Une autre manière de dire que le but est dans le chemin en somme.

Mc Luhan réfléchit sur l’impact qu’ont les nouveaux médias, siècle après siècle, sur leur environnement. Ils n’apportent pas un message nouveau, mais ils sont en eux-mêmes un rapport nouveau au monde, une nouvelle façon de voir le monde (Weltanschauung). Ainsi Internet révolutionne notre conception du savoir autant que l’imprimerie de Gutenberg au XVIe siècle.

 

675814_2841793 chemin« À l’âge de l’électricité, où notre système nerveux central se prolonge technologiquement au point de nous engager vis-à-vis de l’ensemble de l’humanité et de nous l’associer, nous participons nécessairement et en profondeur aux conséquences de chacune de nos actions. Contracté par l’électricité, notre globe n’est plus qu’un village. (?)

En réalité et en pratique, le vrai message, c’est le médium lui-même, c’est-à-dire, tout simplement, que les effets d’un médium sur l’individu ou sur la société dépendent du changement d’échelle que produit chaque nouvelle technologie, chaque prolongement de nous-mêmes, dans notre vie. 

 Le chemin de fer n’a pas apporté le mouvement, le transport, la roue ni la route aux hommes, mais il a accéléré et amplifié l’échelle des fonctions humaines existantes, créé de nouvelles formes de villes et de nouveaux modes de travail et de loisir. (?). L’avion, lui, en accélérant le rythme du transport, tend à dissoudre la forme « ferroviaire » de la ville, de la politique et de la société, et ce, indifféremment de l’usage qui en est fait. » 

Medium is message.

Reprenez les transpositions évoquées plus haut.

- La manière de vivre à deux compte plus que le rêve commun.

- Le style du management (directif vs collaboratif etc.) compte plus que les objectifs du management.

- Les relations fraternelles en Église sont plus importantes que les idées des dirigeants.

 

Bref : la manière de construire des décisions (en famille, au travail, en Église…) compte plus que les décisions elles-mêmes.

Jésus est plus important que le message qu’il délivre, car le vrai message du Christ, c’est le Christ lui-même.

 

Le pourquoi n’a plus d’importance

Angelus-Silesius-La-Rose-Est-Sans-Pourquoi-Livre-896545290_ML La FontaineVoilà comment Jésus est le chemin qui du coup nous dispense de la question du pourquoi. Les mystiques rhénans du XIV° siècle reviennent sans cesse sur ce détachement nécessaire vis-à-vis du pourquoi :

« La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit,
n’a pour elle-même aucun soin, ? ne demande pas : suis-je regardée ? »

Angélus Silesius et les mystiques rhénans avaient expérimenté que c’est en lâchant prise, loin de tout objectif à atteindre, que l’on accomplit réellement sa vocation. Seul compte le chemin sur lequel nous marchons, tout le reste nous est donné par-dessus le marché, en cours de route.

 

Philippe reste attaché à une logique fin / moyens qui hélas nous colle à la peau : « montre nous le Père (le but), cela nous suffit ». Jésus est obligé de lui faire ce reproche : « tu ne crois pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » C’est-à-dire : tu n’as pas encore découvert que Dieu se donne en cours de route, et pas à la fin ?

 

Medium is message.

Le but est déjà dans le chemin.

Qu’il s’agisse de notre vie familiale, professionnelle ou ecclésiale, puisse cette vérité nous aider à ne poursuivre aucun but, mais à être extrêmement vigilant sur le chemin que nous suivons.

Si ce chemin est le Christ, alors le but émergera de lui-même : ne faire qu’un avec le Père.

Redécouvrons la vie chrétienne comme un cheminement qui engendre sans cesse de nouveaux possibles, et non pas comme une poursuite inhumaine d’objectifs prédéfinis.

 

 

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* Marshall Mc Luhan,  Pour comprendre les médias, 1964.

1ère lecture : Les premiers auxiliaires des Apôtres (Ac 6, 1-7)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

En ces jours-là, comme le nombre des disciples augmentait, les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque : ils trouvaient que, dans les secours distribués quotidiennement, les veuves de leur groupe étaient désavantagées.
Les Douze convoquèrent alors l’assemblée des disciples et ils leur dirent : « Il n’est pas normal que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des repas.
Cherchez plutôt, frères, sept d’entre vous, qui soient des hommes estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de sagesse, et nous leur confierons cette tâche.
Pour notre part, nous resterons fidèles à la prière et au service de la Parole. »
La proposition plut à tout le monde, et l’on choisit : Étienne, homme rempli de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un païen originaire d’Antioche converti au judaïsme.
On les présenta aux Apôtres, et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains.

La parole du Seigneur était féconde, le nombre des disciples se multipliait fortement à Jérusalem, et une grande foule de prêtres juifs accueillaient la foi.

Psaume : Ps 32, 1.2b-3a, 4-5, 18-19

R/ Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi !

Criez de joie pour le Seigneur, hommes justes !
Hommes droits, à vous la louange !
Jouez pour lui sur la harpe à dix cordes.
Chantez-lui le cantique nouveau.

Oui, elle est droite, la parole du Seigneur ; 
il est fidèle en tout ce qu’il fait. 
Il aime le bon droit et la justice ; 
la terre est remplie de son amour. 

Dieu veille sur ceux qui le craignent, 
qui mettent leur espoir en son amour, 
pour les délivrer de la mort, 
les garder en vie aux jours de famine.

2ème lecture : Le peuple sacerdotal (1 P 2, 4-9)

Lecture de la première lettre de saint Pierre Apôtre

Frères, approchez-vous du Seigneur Jésus : il est la pierre vivante que les hommes ont éliminée, mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur.
Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus.
On lit en effet dans l’Écriture : Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie et de grande valeur ; celui qui lui donne sa foi ne connaîtra pas la honte.
Ainsi donc, honneur à vous qui avez la foi, mais, pour ceux qui refusent de croire, l’Écriture dit : La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber. Ces gens-là butent en refusant d’obéir à la Parole, et c’est bien ce qui devait leur arriver.
Mais vous, vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu ; vous êtes donc chargés d’annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière.

Evangile : « Personne ne va vers le Père sans passer par moi »(Jn 14, 1-12)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Tu es le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus, Fils de Dieu. Celui qui croit en toi a reconnu le Père. Alléluia.(cf. Jn 14, 6.9)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ?
Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi.
Pour aller où je m’en vais, vous savez le chemin. »
Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? »
Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.
Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu. »
Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. »
Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père.
Comment peux-tu dire : ‘Montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres ?uvres.
Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des ?uvres.
Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes ?uvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père. »
Patrick Braud 

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22 février 2014

Boali, ou l’amour des ennemis

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Boali, ou l’amour des ennemis

Homélie du 7° dimanche du temps ordinaire / Année A
23/02/2014

 

Centrafrique : dans un pays en plein chaos, où la guerre civile dégénère en guerre de religion entre musulmans et chrétiens, ils sont quelques-uns à croire à la parole du Christ d’aujourd’hui : « vous avez appris qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain. Eh bien moi, je vous dis : aimez vos ennemis ».

Protéger la famille de son ennemi

Boali le 19 janvier 2014.

Nous sommes au nord de Bangui, capitale de la Centrafrique. Le 17 janvier, des combats ont éclaté entre milices chrétiennes (anti-balaka) et musulmanes (Seleka) : six musulmans et chrétiens sont tués, des maisons sont incendiées, dévastées. Les familles musulmanes, craignant que ces représailles des anti-balaka sur les Seleka s’amplifient, s’enfuient affolées, sans savoir où aller. Face à l’urgence, l’abbé Xavier Fagba et son diacre Boris Wiligale ont alors ouvert les portes de leur paroisse (St Pierre) à des centaines de musulmans, dont de nombreux Peuls (éleveurs nomades), fuyant les violences.

Quelque 700 civils selon l’abbé, en majorité des femmes et des enfants, ont déjà passé deux nuits dans l’église au toit de tôle ondulée, gardée par quelque 70 hommes de l’opération militaire française Sangaris.

cf. http://actu.orange.fr/societe/videos/reportage-a-boali-je-ne-permettrai-pas-qu-on-touche-quiconque-dans-mon-eglise-VID0000001FsrC.html

Lors de la messe ce dimanche 19 janvier, l’abbé Xavier invite les paroissiens à sortir de l’église au moment du geste de paix pour aller saluer les musulmans assis dehors. C’est la mise en pratique très concrète, simple et forte, du chapitre 5 de Matthieu d’où est tiré notre évangile de ce dimanche : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère; puis reviens, et alors présente ton offrande. Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec lui sur le chemin? » (Mt 5, 23-25).

À la fin de la messe, le diacre Boris partage un repas avec des musulmans, et les encourage à tenir bon.

Voilà une première traduction de l’amour des ennemis : protéger les familles menacées, de quelque bord qu’elles soient. Ne pas confondre légitime défense et anéantissement du clan de l’autre.

Pourquoi agir ainsi ? Pas seulement pour obéir au Christ ; ou plutôt en lui obéissant pour préparer l’après conflit, où il faudra bien se parler à nouveau. Pour sauvegarder la possibilité de manger ensemble, d’habiter ensemble après. Car si les familles des combattants ont été massacrées, humiliées, comment reconstruire un avenir commun ? Quand on sait ce que font les soldats aux femmes et aux enfants des camps adverses dans toutes les guerres, on mesure combien est révolutionnaire cette protection de la famille de ses ennemis.

La réconciliation après la guerre doit s’anticiper pendant la guerre, pour que l’avenir reste ouvert.

 

Apprendre la langue de son ennemi

Lorsqu’il était en prison, Nelson Mandela a voulu apprendre l’afrikaner, la langue de ses ennemis blancs qui l’avaient emprisonné… Impressionnant ! C’est un peu comme vouloir apprendre l’allemand sous l’occupation nazie.

Pourquoi a-t-il voulu le faire ? Pour pouvoir leur parler au coeur. « Vous savez, quand vous parlez afrikaner, vous les touchez droit au coeur ».

C’est réellement impressionnant. Ce n’est pas par calcul pour mieux les affaiblir que Mandela veut apprendre la langue de ses geôliers, mais pour ouvrir avec eux un dialogue qui les touche au plus profond. C’est donc qu’il savait voir le coeur de ses ennemis au-delà de leur uniforme ou de leur position pro-apartheid. C’est donc qu’il traduisait l’amour des ennemis par ce désir de toucher l’autre au coeur.

Sommes-nous prêts à apprendre la langue de nos adversaires ? C’est-à-dire à découvrir leur culture, leur vision du monde, leur génie propre ?

Sommes-nous prêts à parler à leur coeur au lieu de renverser la tyrannie par la force ? Osons-nous faire ce pari d’écouter ce qu’ils portent de plus profond en eux  (et qu’ils ignorent peut-être eux-mêmes) pour y faire appel ?

On peut encore décliner ce commandement si paradoxal du Christ en plusieurs attitudes à portée de main de chacun de nous.

 

Ne pas vouloir haïr.

Même si nous avons des reproches légitimes à faire, nous n’avons pas besoin de nous laisser gagner par le désir de vouloir du mal.

Le mal gagnerait deux fois : la première quand notre ennemi est submergé par la violence, la deuxième quand la violence nous dominerait à notre tour.

Ne pas vouloir haïr est le premier pas pour aimer son ennemi.

 

« Prier pour ceux qui nous persécutent » (cf. Lc 6,28)

C’est la version positive du refus de la haine : bénir ceux qui nous maudissent et nous diffament, vouloir du bien à ceux qui nous font du mal, intercéder auprès de Dieu pour qu’ils vivent. Nous ne savons pas ce qui est bon pour eux, et nous n’avons pas forcément à nous y impliquer ; mais nous pouvons confier à Dieu leur devenir et souhaiter le meilleur pour eux.

À travers ces quelques attitudes, les chrétiens ne manifestent aucune complicité avec le mal. Ils le dénoncent avec vigueur, mais ne confondent jamais une personne avec les actes qu’elle commet. C’est le mal qu’il faut combattre, pas celui qui l’accomplit. Cette distinction est capitale. Sans elle, le Christ n’aurait jamais dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23,33). Il savait discerner combien ses bourreaux étaient aveuglés sur la réalité de leurs actes. Sans les excuser, il manifestait qu’ils valent infiniment plus que les clous qu’ils enfoncent  dans sa chair et la dérision dont ils l’enveloppent.

Regardez avec lucidité ceux qui sont vos adversaires : au travail, dans la famille, dans vos relations.

Demandez à Dieu dans la prière la grâce d’aimer vos ennemis, non pas d’une manière sentimentale en attendant que votre coeur batte pour eux, mais en vous engageant résolument dans la volonté de ne pas haïr, de prier pour eux, de protéger ceux qu’ils aiment, tout en dénonçant et combattant le mal commis, jusqu’à la grâce ultime du pardon…

Car il faudra une réconciliation nationale, et il faudra que chrétiens et musulmans réapprennent à vivre ensemble en Centrafrique.

1ère lecture : Tu aimeras ton prochain, car je suis saint (Lv 19, 1-2.17-18)

Lecture du livre des Lévites

Le Seigneur adressa la parole à Moïse : 
« Parle à toute l’assemblée des fils d’Israël ; tu leur diras : Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. Tu n’auras aucune pensée de haine contre ton frère. Mais tu n’hésiteras pas à réprimander ton compagnon, et ainsi tu ne partageras pas son péché. Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur ! »

Psaume : 102, 1-2, 3-4; 8.10, 12-13

R/ Le Seigneur est tendresse et pitié.

Bénis le Seigneur, ô mon âme, 
bénis son nom très saint, tout mon être ! 
Bénis le Seigneur, ô mon âme, 
n’oublie aucun de ses bienfaits ! 

Car il pardonne toutes tes offenses 
et te guérit de toute maladie ; 
il réclame ta vie à la tombe 
et te couronne d’amour et de tendresse.

Le Seigneur est tendresse et pitié, 
lent à la colère et plein d’amour ; 
il n’agit pas envers nous selon nos fautes, 
ne nous rend pas selon nos offenses. 

Aussi loin qu’est l’orient de l’occident, 
il met loin de nous nos péchés ; 
comme la tendresse du père pour ses fils, 
la tendresse du Seigneur pour qui le craint !

2ème lecture : La sagesse véritable : appartenir tous ensemble au Christ (1 Co 3, 16-33)

Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens

Frères,
n’oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous. 
Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c’est vous. Que personne ne s’y trompe : si quelqu’un parmi vous pense être un sage à la manière d’ici-bas, qu’il devienne fou pour devenir sage. Car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. L’Écriture le dit : C’est lui qui prend les sages au piège de leur propre habileté. Elle dit encore : Le Seigneur connaît les raisonnements des sages : ce n’est que du vent ! Ainsi, il ne faut pas mettre son orgueil en des hommes dont on se réclame. Car tout vous appartient, Paul et Apollos et Pierre, le monde et la vie et la mort, le présent et l’avenir : tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu.

Evangile : Sermon sur la montagne. Aimez vos ennemis, soyez parfaits comme votre Père céleste (Mt 5, 38-48)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Celui qui garde la parole du Christ connaît l’amour de Dieu dans sa perfection. Alléluia. (cf. 1 Jn 2, 5)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait :
« Vous avez appris qu’il a été dit : ?il pour ?il, dent pour dent. Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. Et si quelqu’un veut te faire un procès et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. Donne à qui te demande ; ne te détourne pas de celui qui veut t’emprunter. 

Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Patrick BRAUD 

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